Les quarante dernières années ont vu l'émergence, au plan international, des luttes féministes dans les pays dits musulmans. Bien entendu ces luttes ont toujours existé.
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Les quarante dernières années ont vu l'émergence, au plan international, des luttes féministes dans les pays dits musulmans. Bien entendu ces luttes ont toujours existé.
- Femmes musulmanesQuand la jeune femme se réveilla le lendemain matin, la chienne était toujours là, qui lui fit grande fête. Daphné, qui s'habituait à la magie des lieux, demanda à haute voix un solide petit déjeuner et ne fut point surprise quand un plateau, chargé de viennoiseries et d'autres douceurs, apparut sur la table de sa cuisine.
- Littérature. La Presse - Japon. Où sont les femmes ?
Dans les innombrables petits restaurants de Tokyo et de Kyoto, bondés tous les soirs, il y a très peu de femmes.
. L'Actualité - Garderies : inquiétant virage
Depuis sept ans, le gouvernement du Québec cherche à détourner les jeunes familles des garderies éducatives à tarif réduit, comme les CPE, et à les pousser vers les garderies commerciales à plein tarif.
. Sans compromis - “La France est vraiment un pays sexiste” : visite chez Annie Ernaux
Annie Ernaux est le nom d'un puzzle dont les pièces s'assemblent, livre après livre, pour former une des œuvres majeures de notre époque.
. France Musique - Femmes chefs d'orchestre : une évolution à petits pas
En 2016, les femmes chefs d'orchestre sont encore largement minoritaires en France : 21 femmes pour 586 hommes, selon les chiffres de la SACD (société des auteurs et compositeurs dramatiques).
. La Revue Relations - La résistance, l'impératif de notre temps
La résistance est un aspect essentiel de l'existence. Exister, c'est résister à la domination, à la fatalité, à l'impuissance, au mal, à l'injustice.
. La Presse - Où est donc ancré Philippe Couillard
Le premier ministre Couillard semble englué dans la rectitude politique, à un point où il est en train de devenir le clone de Justin Trudeau.
. Le Devoir - Femmes mariées, féminisme et pouvoir
Le décès récent de Claire Kirkland-Casgrain remet à l'ordre du jour les anciennes prescriptions du Code civil sur les femmes mariées, puisque c'est elle qui a fait adopter la loi 16 qui les a profondément modifiées en 1964.
. Sans compromis - Pakistan – Contre la loi sur le blasphème, liberté pour Asia Bibi !
Celles et ceux qui ont été tué-e-s par ce terrible attentat près des balançoires d'un jardin public de Lahore, se mobilisaient encore il y a dix jours en soutien à Asia Bibi, emprisonnée depuis sept ans pour blasphème.
. Le Devoir - Elles réussissent le test
Outre ses qualités intrinsèques, peut-être aussi que Table rase était à ce point rafraîchissant parce qu'on croise peu sur nos scènes des textes qui réussissent avec un tel panache le fameux test de Bechdel.
. Journal de Montréal - Musulmans modérés recherchés !
Ne les cherchez pas, car les « musulmans modérés » n'existent pas, sauf sous la plume de ceux qui l'affirment et chez les islamistes radicaux eux-mêmes. Ceux qui existent cependant, ce sont les millions de musulmans, citoyens démocrates.
. TRADFEM - Meghan Murphy : Définir le féminisme. Voici pourquoi il nous faut être radicales dans notre mouvement
Ce n'est pas un hasard si un terme directement associé aux femmes est devenu dépolitisé, récupéré et réduit à une dimension d'autonomisation personnelle.
. Ressources prostitution - "Le modèle nordique est notre seul espoir"
Il s'agit de femmes que l'on entend trop rarement dans le prétendu débat concernant le "travail du sexe", et ce en dépit de leur immense expérience des divers aspects de cette industrie.
. Le Huffington Post Québec - Rallye Aïcha des Gazelles : les Québécoises poursuivent l'aventure
Le Rallye Aïcha des Gazelles, c'est une aventure automobile, sportive - mais surtout humaine. "Ce sont les enfants atteints d'un cancer à qui nous dédions toutes nos journées qui nous donnent la force de le faire".
. Femmes solidaires - Contre les viols par l'armée djiboutienne et l'impunité : grève de la faim de dix femmes djiboutiennes
L'impunité érigée en système en République de Djibouti rend impossible toute reconstruction pour ces femmes.
. Le Devoir - Femmes de conscience
L'essayiste et chroniqueuse Catherine Voyer-Léger n'a rien, elle, d'une religieuse, mais elle en connaît un bout sur le dédale de la conscience puisqu'elle explore le sien avec franchise et style.
. Les Inrocks - Bientôt les femmes ne seront peut-être plus en danger dans la rue
Les inégalités femmes/hommes s'expriment aussi dans l'espace public et dans la rue. Pour y mettre fin, l'association “Womenability” s'est lancée dans un tour du monde de 25 villes, afin de trouver des solutions, pour “rendre la rue aux femmes”.
. Le Devoir - Leçons pour la vieillesse
Dans La vieillesse par une vraie vieille, Janette Bertrand nous amène à nous questionner sur la place des vieux dans la société et sur le genre de vieillesse qu'on peut, qu'on veut se donner, alors que l'espérance de vie s'est accentuée.
. TV5 - Béatrice Thiriet, profession : compositrice de musique de film
Auteure des bandes originales du 'Cœur des hommes', de 'Lady Chaterley' ou 'Bird People', Béatrice Thiriet fait partie des très rares femmes compositrices de musique de film.
. Iran Manif - La division sexuelle, le pilier de l'intégrisme islamiste
Cette vision dans son ensemble montre que la division et la discrimination sexuelles sont le pilier de l'intégrisme islamiste. En vérité les intégristes ne pensent pas que les femmes soient humaines.
. Urbania - Jugement Ghomeshi : quelques précisions s'imposent
La lecture du jugement laisse croire qu'aucune expertise sociologique ou psychologique fut soumise pour expliquer le comportement des victimes après l'agression.
. Le Devoir - Claire Kirkland-Casgrain 1924-2016 - Décès d'une pionnière du Québec moderne
Claire Kirkland-Casgrain sera la première Québécoise à recevoir des funérailles nationales. Grâce à elle, les femmes ne sont plus considérées comme des êtres de seconde zone, comme le prescrivait le Code civil.
. Radio-Canada - Colère et déception après l'acquittement de Jian Ghomeshi
Manifestation devant le tribunal, intervention d'une manifestante Femen et explosion de la twittosphère, l'acquittement de Jian Ghomeshi a laissé peu de gens indifférents.
. Ministère des Familles, de l'Enfance et des Droits des femmes - Discours de Laurence Rossignol à la 60ème session de la Commission de la Condition de la Femme
Vingt ans ont passé depuis la déclaration de Pékin. Aujourd'hui, nous constatons que les engagements sont parfois remis en question, sous l'influence de courants conservateurs, des extrémismes religieux et d'un certain relativisme culturel.
. KissKissBankBanK - Ni les femmes, ni la terre
En Amérique Latine, la lutte des femmes se mêle à la lutte pour la Terre. Pénétrée, exploitée, violée par une société à la recherche du profit, la Terre souffre comme les femmes.
. L'aut'journal - Projet de loi n°59 sur les discours haineux et nouvelle politique d'immigration
Le projet de loi n°59 est jugé liberticide par la plupart des intervenants, mais la ministre Vallée continue malgré tout de faire la sourde oreille face aux critiques qui lui ont été adressées. Pourquoi ?
Le Centre des actualités de l'ONU - ONU-Femmes signe un partenariat avec des médias pour promouvoir l'égalité des sexes
Les organisations signataires du partenariat s'engagent à mettre davantage l'accent sur les droits des femmes et l'égalité des sexes dans leur couverture de l'actualité.
. Le Journal de Montréal - La guerre des hypocrites
Nos dirigeants politiques n'osent même pas nommer, leur propre ennemi, l'ennemi de la démocratie, l'islamisme radical.
. Le Devoir - Modulation des frais de garde - Un groupe féministe dénonce une mesure "régressive"
La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) doit se prononcer sur la recevabilité d'une plainte de discrimination « indirecte et systémique » envers les femmes, les enfants et les familles relativement à la modulation des frais des services de garde imposée par le gouvernement Couillard.
. L'Actualité - Difficile d'imaginer un budget plus anti-Harper
Le discours sur le budget aborde des enjeux généralement occultés depuis une dizaine d'années à Ottawa, ou qui n'occupaient que quelques lignes pour la forme.
. Condition féminine Canada - Le Canada renouvelle son engagement envers l'égalité des sexes à l'ONU
Le Canada sollicitera un siège à la Commission de la codition de la femme pour le mandat de 2017 à 2021, espérant ainsi pouvoir contribuer davantage à l'orientation des travaux de la Commission visant à aplanir les difficultés auxquelles se butent les femmes et les filles dans le monde entier.
. Le Soir - Bruxelles n'est plus qu'une sirène
C'est la tristesse surtout qui est infinie, elle suinte des pavés, elle dégouline des trottoirs. C'est le seul mot qui franchit les lèvres, "nos" lèvres, car voilà, c'est bien cela qui achève de nous achever : c'est chez nous, cette "chose".
. Nouvel Observateur - Droit des femmes : Mme Rossignol veut promouvoir la lutte contre le "féminicide"
Le "féminicide" s'applique à "la persécution de femmes parce qu'elle sont femmes (..) c'est une volonté d'effacement d'un groupe".
Le Devoir - Léa Pool, entre les lauriers et l'ailleurs
Rare cinéaste de son sexe à connaître une carrière prolifique au cinéma de fiction québécois depuis trente ans, Léa Pool était destinée à défoncer des portes : première femme cinéaste à remporter le prix du meilleur film avec cette Passion d'Augustine, en 18 ans de gala.
. TV5 - "Femmes en colère" pour l'égalité des salaires, voilà 50 ans en Belgique
Voilà 50 ans, les 3000 ouvrières de la Fabrique nationale de Herstal, près de Liège, en Belgique francophone, se mirent en grève. Une exposition retrace actuellement la saga de ces "femmes machines", devenues militantes.
. Radio-Canada - L'exploitation sexuelle des enfants prendra des proportions épidémiques, croit la GRC
"L'exploitation sexuelle d'enfants facilitée et commercialisée au moyen d'Internet prendra très bientôt des proportions épidémiques au pays et à l'échelle internationale et l'exploitation sexuelle d'enfants menace les fondements mêmes de notre société".
. Entre les lignes entre les mots - Mission internationale Justice pour Berta Cáceres
De nombreux représentants de réseaux sociaux de plusieurs parties du monde demandent que toute la lumière soit faite sur l'assassinat de la dirigeante indigène Berta Cáceres, survenu le 3 mars.
. Le Devoir - Le gala du cinéma québécois. La passion d'Augustine balaie tout
Meilleur film, meilleure réalisation, meilleure actrice à Céline Bonnier pour un premier rôle, meilleure actrice de soutien pour Diane Lavallée en soeur Lise, meilleurs costumes, meilleures coiffures. Léa Pool est la première lauréate du meilleur film en 18 éditions de ce gala rebaptisé.
. L'Actualité - 3 agressions sexuelles sur 1000 se soldent par une condamnation. Pourquoi ?
En 2014, 633 000 agressions sexuelles ont été déclarées par les Canadiens de 15 ans et plus. De ce nombre, à peine 1 814 ont mené à une condamnation. Le taux d'acquittement pour agression sexuelle (9%) est en outre deux fois plus élevé que les autres crimes (4%).
. Entre les lignes entre les mots - Contrat sexuel, contrat social, contrat de travail
Au passage, nous nous sommes fait littéralement avoir ! La propriété de la personne est une fiction politique… nous ne sommes pas les entrepreneurs libres de notre vie. Le contrat sexuel (est) préalable du contrat social.
. Le Journal de Montréal - Le PLQ nouveau !
La récente arrestation, par l'UPAC, de l'ancienne ministre des Affaires municipales et ex-vice-première ministre, Nathalie Normandeau et ses coaccusés, pour corruption, a provoqué un séisme au Québec.
. Le Devoir - Femmes en grève, Collectif des Hyènes en jupon
Après un premier numéro portant sur le sexisme ordinaire paru en 2015, le collectif féministe radical des Hyènes en jupons frappe à nouveau avec ce recueil ayant pour sujet la grève des femmes/les femmes en grève.
. Le Journal de Montréal - Dur pour les femmes sur les chantiers
Les femmes ont tellement la vie dure sur les chantiers au Québec que malgré tous les efforts de l'industrie pour leur faire plus de place, leur nombre n'a augmenté que de 1 % en près de 20 ans.
. Le Y des femmes - Capsules vidéo sur l'hyoersexualisation
Le Y des femmes de Montréal vous invite à découvrir ses 4 capsules vidéos traitant de l'influence de l'hypersexualisation sur la jeunesse québécoise.
. Le Huffington Post France - Tout le mal que la pub fait aux femmes dénoncé dans une campagne choc
Pour Women Not Objects, la publicité est loin d'être la meilleure amie de la femme.
. Le Devoir - Discours haineux - Une loi de trop
Le projet de loi 59 est une abomination. Obnubilée par les bonnes intentions - réprimer l'expression de haine et d'intolérance est un objectif louable en démocratie -, la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, a perdu de vue les torts potentiels à la liberté d'expression.
. La Presse - Une pièce et un billet pour les femmes canadiennes
Le Canada a lancé une pièce d'un dollar pour fêter le centième anniversaire du droit de vote des femmes et la banque centrale a lancé un concours pour faire figurer une femme célèbre sur un billet.
. Marianne - Pénaliser le fondamentalisme religieux par la défense de l'égalité hommes-femmes
L'égalité entre les hommes et les femmes fait partie de nos valeurs les plus fondamentales. Et nos outils juridiques devraient permettre aux procureurs de la République de poursuivre les discours publics prônant ouvertement leur remise en cause.
. À dire d'elles - Correctionnalisation du viol : l'éternel recommencement ?
il s'agit de transformer le crime de viol (pénétration) en délit d'agression sexuelle sans pénétration. C'est une pratique illégale, qui concerne une majorité des plaintes pour viol.
. Le Devoir - La fin des hommes n'est pas arrivée
Au-delà des statistiques, il est crucial de reconnaître que l'égalité des droits ne se traduit pas nécessairement par une égalité de faits.
. L'Actualité - Affaire Ghomeshi : leçons d'un procès
La journaliste Anne Kingston a couvert le procès pour Maclean's. Ses billets quotidiens apportent une réflexion approfondie sur le rapport du système judiciaire avec les victimes d'agression sexuelle.
. Centre d'actualités de l'ONU - La responsable d'ONU Femmes et le Premier ministre canadien veulent dynamiser la lutte pour l'égalité des sexes
Au cours d'une conversation sur la façon de parvenir dans les faits à l'égalité des sexes, le Premier ministre du Canada, Justin Trudeau, et la Directrice exécutive d'ONU Femmes, Phumzile Mlambo-Ngcuka, ont souligné que cet objectif doit mobiliser l'ensemble de la société, et pas uniquement les femmes.
. L'Express - Le Conseil de l'Europe rejette un rapport recommandant la GPA "altruiste"
"C'est une victoire de peu. Le combat n'est pas terminé", a réagi la députée PS et militante féministe Anne-Yvonne Le Dain.
. MSN - Le Danemark appelle ses imams à prêcher l'égalité hommes-femmes
La ministre de l'Immigration danoise Inger Støjberg a appelé les imams de son pays à prêcher l'égalité hommes-femmes, après la diffusion d'images tournées en caméra cachée où certains religieux justifient l'inégalité.
. L'aut'journal - Les services de garde publics, une lutte féministe essentielle
Quand le Québec s'est doté d'une politique familiale ambitieuse, à l'aube du 21e siècle, c'était pour assurer un accès universel et une égalité des chances à nos enfants, mais aussi pour permettre aux femmes du Québec qui le souhaitaient de se réaliser professionnellement et d'être plus autonome financièrement.
. La Presse - Fugues : les compressions de Québec mises en cause
Les fugues doivent devenir une « priorité provinciale », et les efforts doivent cibler les jeunes filles sous le joug de proxénètes, écrit le vérificateur André Lebon.
. Huffington Post Québec - Les internautes outrés par les remarques d'analystes sur le sourire et la voix de H illary Clinton
Hillary Clinton a connu d'excellents résultats mardi lors des primaires américaines. Elle a livré un excellent discours de remerciement qu'on peut écouter ici.
. Au féminin - Le top 15 des lois les plus absurdes imposées aux Iraniennes
Des interdits qui couvrent tout le champ de vie des femmes comme chanter, refuser d'avoir des relations sexuelles avec son mari, conduire mal voilée, étudier la biologie, la littérature anglaise et 75 autres filières universitaires, etc.
. Les eFFRONTées - 1 papa+1 papa=1 GPA
Nous, les effronté-e-s, nous inscrivons dans cette lignée de féministes abolitionnistes du système prostitutionnel et contre la GPA, qui limite les femmes à un ventre et à l'éternel rapport de luttes sociales en marchandisant celles qui sont soumises à la précarité.
. Châtelaine - Et si on envoyait promener la culpabilité ?
On a beau en parler, en pleurer ou en rire, noircir les pages de magazine : on n'a pas encore réglé le cas de notre maudite culpabilité. Pourquoi ?
. Ressources prostitution - "L'industrie du sexe s'est organisée en tant que groupe de pression"
recherche de solutions pour enrayer le sida permettait d'obtenir d'importantes subventions de la part des gouvernements, et des organisations internationales pro travail du sexe ont donc mis sur pied des projets de prévention basé sur la réduction des méfaits.
. La Presse - La "patate chaude" du féminisme
Anne-Sophie, 17 ans, a choisi le féminisme comme thème de son projet de fin d'année. Le but, c'était de défaire les clichés dont il fait l'objet..
. L'Actualité - Le sperme et l'ovule ne sont pas égaux au Canada
Le premier est considéré comme une fourniture médicale, mais pas le second.
. Le Devoir - Haro sur des produits de beauté
Le recours fréquent aux cosmétiques, parfums et autres produits de beauté peut aller jusqu'à doubler l'exposition des adolescentes à certains perturbateurs du système endocrinien au potentiel toxique.
. Urbania - Madame la ministre : le désaveu de vos larmes
Mais que peut bien vouloir une ministre de la Condition féminine en désavouant le féminisme ? Se faire du capital politique ?
. TV5 - Féminisation des mots : la France en retard
Le masculin l'emporte sur le féminin. Cette règle de grammaire française est enseignée aux écolière et écoliers depuis trois siècles. Au nom de l'égalité entre les sexes, n'est-il pas temps d'infléchir certains principes linguistiques ?
. Le blogue de Jocelyne Robert - La solidarité féministe transgénérationnelle, ça se peut-tu ?
Vu le nombre de fois que de jeunes féministes montrent la porte à leurs aînées, vu surtout leur silence, leur oubli ou leur déni, il m'arrive de douter…
. La Presse - Barrette, la culture de l'intimidation
Mais pourquoi cette sortie mesquine ? Une tentative d'intimidation pour remettre à sa place Mme Lamarre, qui le critique à l'Assemblée nationale ?
. Le Nouvel Observateur - Le problème avec le “féminisme islamique”
Il faut se garder de prétendre qu'on peut atteindre l'égalité des femmes par le religieux. Lorsque la religion devient la loi, c'est toujours la femme qui en pâtit.
. La Presse - Condamnation d'un proxénète - Sept ans de prison pour un "parasite"
Un parasite. Un manipulateur extrême hostile aux femmes, incapable d'introspection. Un contrôlant violent qui voyait sa victime à peine majeure comme une esclave sexuelle.
. Le Devoir - Connaissez-vous Annette ?
Elle était là, devant la caméra, bien vivante et fière de dire qu'elle était féministe. Annette Côté-Savoie a 105 ans.
. La Presse - Plaidoyer joyeux pour le féminisme
L'écrivaine Chimamanda Ngozi Adichie avait environ 14 ans la première fois qu'on l'a qualifiée de féministe. À l'époque, elle n'avait qu'une vague idée de ce que cela voulait dire.
. Ressources prostitution - "Pretty Woman" : 25 ans de mensonges au sujet de la prostitution
La prostitution se développe sur des mensonges. Les 25 dernières années, l'un des principaux promoteurs de désinformation à ce sujet a été le film "Pretty Woman".
. Jeune Afrique - Portraits : vingt femmes qui inspirent l'Afrique et le monde
Difficile d'écarter des profils d'exception – et l'Afrique en regorge -, mais aucune sélection qui se veut succincte n'est parfaite. Une sélection non exhaustive de femmes dont les parcours et l'exemple nous inspirent, classées en cinq catégories.
. Le Huffington Post France - Les hommes qui n'aimaient pas les femmes... non excisées
L'islam sert de vecteur, de cadre légal et de prétexte à une maltraitance ordinaire des femmes.
. Les Glorieuses - La fin du mythe de la perfection
L'idéal de la femme "moderne" repose sur une double attente impossible. Il faut être à la fois être une mère parfaite, une femme romantique, avoir un intérieur magnifique et rougir au moindre compliment.
. La Presse - La chasse aux proxénètes donne peu de résultats
Le tableau, que nous avons obtenu montre que c'est à Montréal que le plus grand nombre d'accusations contre des proxénètes, soit 234, ont été portées.
. Le Devoir - Les jours d'après
De combien de rapports, statistiques en main, un collectif comme Réalisatrices équitables se sera-t-il fendu pour tâcher d'expliquer pourquoi les femmes cinéastes, nombreuses au documentaire, s'effaçaient à la barre des films de fiction ?
. Le Devoir - Malgré le recul du tabagisme, la santé des Canadiennes ne s'améliore pas
Les Canadiennes sont de plus en plus nombreuses à être obèses ou à vivre avec des problèmes de santé mentale, souligne une étude de Statistique Canada.
. Irréductiblement féministe - 8 mars, une éprouvante journée
Il n'y a aucune compétition entre féminisme et antiracisme : le féminisme est transverse à toutes les autres oppressions.
. Radio-Canada - Les jeunes, plus féministes qu'avant ?
La nouvelle génération commence à redéfinir le féminisme. Et elle le fait avec des moyens différents, en s'appropriant les luttes passées, mais aussi en mettant de nouvelles revendications sur la table.
. Hypathie - Simone de Beauvoir et les femmes - Marie-Jo Bonnet
Simone de Beauvoir a disparu le 14 avril 1986, il va y avoir 30 ans. Icône du féminisme, elle appartient désormais à l'histoire et aux historien.nes qui feront la critique de son oeuvre et de sa vie. Marie-Jo Bonnet est de celles-ci.
. Le Devoir - Pauline Marois décrit un parcours semé d'embûches
Citoyens, artistes, et souverainistes de toutes les générations ont rendu un vibrant hommage à la "première première ministre du Québec".
. Le Journal de Montréal - Le travail des femmes il y a 100 ans
Une série de photos montrant des femmes à l'œuvre au début du 20e siècle, effectuant des tâches traditionnellement féminines ou occupant des emplois de façon temporaire en attendant le retour des hommes de la guerre, illustre l'énorme chemin parcouru en 100 ans en Occident.
. Le Devoir - L'Euguélionne, future librairie féministe à Montréal
Une réflexion sur la place des oeuvres de femmes en librairie a fait naître le projet de librairie coopérative féministe L'Euguélionne, pensé et parti par un quintette de jeunes d'entre 20 et 30 ans — avec Camille Toffoli, Sandrine Bourget-Lapointe et Nicolas Longtin-Martel.
. À dire d'elles - Arrêtez de nous tuer ! #8mars
Aujourd'hui, je publie le cri et l'appel d'une femme, Pauline Arrighi, militante féministe, à l'occasion de la journée internationale des droits des femmes,. Un cri contre les violences commises tous les jours à notre encontre à travers le monde.
. Ricochet - Féminisme - Une force toujours vive
Comment renier la force même de notre société, celle du Québec, où les femmes ont pris une place comme peu d'endroits au monde ? Où bien des femmes – dont moi et Marie-France Bazzo – ont bénéficié d'acquis importants.
. Sans compromis - #8mars – Journée des femmes : la véritable histoire du 8 mars
La Journée internationale de luttes pour les droits des femmes fête ses 104 ans ! Ses origines reposent en réalité sur un mythe. Françoise Picq, historienne, l'a "démasqué" dès la fin des années 1970.
. Le Soleil - Pour le maintien et l'amélioration de la loi C-36
Depuis l'élection de Justin Trudeau, des défenseurs et défenseuses de l'industrie du sexe l'implorent de renverser une nouvelle loi reliée à la prostitution.
. RFI - Les femmes, une "chance inexplorée" pour l'Afrique
À quelques jours de la Journée internationale des femmes, une journée de débats intitulée "Les femmes, avenir du continent africain", a été organisée par Le Monde Afrique en partenariat avec RFI, à Paris le 23 février dernier.
. Les InROCKS - Lancement d'une Fondation des femmes pour en finir avec les inégalités entre les sexes
La Fondation des Femmes a pour objectif sera de fournir une aide financière, matérielle et juridique aux associations de défense des droits des femmes existantes.
. Le Journal de Montréal - Pour les femmes, liberté économique et qualité de vie vont de pair, selon l'IEDM
Ce sont dans les pays les plus libres économiquement que les femmes ont davantage accès aux soins de santé, à l'éducation et au monde du travail.
. Radio-Canada - Sommet des femmes de Montréal
Être féministe en 2016 : Entrevue d'Anne-Marie Dussault avec Francine Pelletier, Martine Desjardins, Elsie Lefebvre et Flavie Payette Renouf.
. Le Devoir - CSF - Tournée sur le consentement dans les cégeps
Un rappeur de Montréal-Nord, la présidente du Conseil du statut de la femme, et une journaliste indépendante parcourront les cégeps de la province en mars et en avril avec leur conférence Sexe, égalité et consentement.
. Le Devoir - Sommet des femmes - Féministes... et fières de s'afficher comme telles
Elles étaient plus d'un millier à avoir répondu à l'appel du collectif apolitique mis sur pied l'automne dernier. Mille à s'être déplacées des quatre coins du Québec pour participer aux deux jours du sommet qui doit réunir des femmes et des hommes de tous les horizons, de tous les partis politiques.
. La Presse - Cachez-moi ce vilain féminisme
Je me disais alléluia ! Après des années, voire des décennies, à faire peur au monde, le mot « féministe » est enfin réhabilité, restauré, pardonné et compris dans toute sa splendide simplicité.
. Le Devoir - États-Unis. La question brûlante de l'avortement divise la Cour suprême
Les juges de la haute cour ont avancé des arguments frontalement opposés quand ils ont examiné pendant 90 minutes la légalité des restrictions d'un nombre croissant d'États américains au droit à l'IVG, notamment le Texas.
. Le Matin - Afrique. Les coopératives féminines se familiarisent avec le changement climatique
L'organisation féminine "ConnectinGroup International" se dit favorable à la création d'un réseau d'associations et de coopératives porteuses de projets innovants et sobres en perspective de la tenue à Marrakech de la Conférence de l'ONU sur le climat en novembre prochain.
. Le Devoir - L'Église ne célébrera pas de "sous-mariage"
Le chancelier du Diocèse de Montréal conteste l'interprétation de la ministre Vallée. Professeure de sciences des religions, Marie-Andrée Roy rappelle : "Le fait qu'au Québec le mariage religieux est aussi civil assure une égalité de droit aux femmes."
. L'Actualité - Femmes au bord de la falaise de verre
Les femmes ont tendance à être nommées à des postes de pouvoir lorsqu'une organisation est dans le pétrin, des situations forcément précaires qui les mettent plus à risque d'échouer. Et d'être punies ensuite pour les déroutes provoquées par leurs prédécesseurs.
. Rue 89 Lyon - Quand les femmes se révoltaient à Lyon : la grève des ovalistes
Au XIXème, les conditions de salaire et de vie des femmes étaient bien plus terribles que celles des hommes. Quelques années après les canuts, des ouvrières, les ovalistes, envahissent les rues de Lyon…
. France Inter - Laure Salmona, association mémoire traumatique et victimologie
"Nous vivons dans une société qui organise le déni, la loi du silence autour du viol. C'est la culture du viol où tout est mis en place pour banaliser voire excuser le viol."
. Le Devoir - Le penser mou
Dans une entrevue, la ministre Thériault, ne reculant devant aucune contradiction, s'est proclamée "beaucoup plus égalitaire que féministe". Comme s'il y avait l'honneur d'un côté, et le déshonneur de l'autre.
. Blogue de Djemila Benhabib - Ma réaction à la décision du Conseil de presse
Cette décision n'est pas autre chose que le résultat d'une vulgaire, sinon grossière "job de bras".
. Le Devoir - Mères porteuses : de quels droits parle-t-on ?
La position du Conseil du statut de la femme (CSF) sur la question des mères porteuses m'a à la fois attristée, au point de me tirer les larmes des yeux, et révoltée, au point de me donner envie de prendre la parole et de participer au débat public.
. La Presse - Les féminisss extrémisss
Réduire "l'égalité", comme le dit Mme Thériault, à dire aux femmes "let's go, vas-y", à en faire une question de volonté personnelle, c'est faire abstraction des obstacles systémiques qui subsistent pour que l'égalité hommes-femmes soit atteinte.
. Le Devoir - Féminisme - Plus qu'une étiquette
La ministre québécoise de la Condition féminine, Lise Thériault, a déclaré être plus "égalitaire" que féministe. Une déclaration qui n'est pas sans conséquence.
. L'Actualité - Lise Thériault, le féminisme et le dictionnaire
"Beaucoup plus égalitaire que féministe." Ici, le cordonnier proverbial n'est pas seulement mal chaussé : il ne semble carrément pas saisir le concept de "chaussure".
. Entre les lignes entre les mots - Vierges, saintes et putes
Attention à l'hymen ! C'est ta dignité. C'est la seule chose qui te donne de la valeur.
. SIAWI - France : Kamel Daoud ou la défaite du débat
Kamel Daoud ne regrette pas un mot de sa chronique publiée dans Le Monde le 5 février, sur les violences de Cologne durant la nuit du Nouvel An.
Le rôle du gouvernement est de mettre en place dans sa vision politique, économique et sociale, une vision dont l'objectif est d'éliminer les barrières systémiques qui empêchent la participation pleine et entière de toutes les femmes. Mettre quelques femmes dans des postes de commande, dire aux femmes « toi aussi, tu le peux » et rejeter du revers de la main les analyses féministes en prétendant que les politiques économiques sont neutres et technocratiques, ce n'est pas abattre des barrières. C'est être en faveur du statu quo, c'est laisser les inégalités se creuser, c'est nier les droits des femmes.
- Féminisme - Rapports femmes/hommes, masculinisme, stéréotypesLa librairie Thuard accueille la journaliste Claudine Legardinier pour cette conférence débat co-animé par notre équipe de la Sarthe.
Infos pratiquesVendredi 18 mars à 18h00
Librairie Thuard
24 rue de l'étoile, Le Mans
Claudine Legardinier, qui recueille depuis 30 ans des témoignages de personnes prostituées, remet l'abolitionnisme au cœur de la lutte féministe et démontre les raisons pour lesquelles tout le monde prostitueur formate les femmes en objets de désir, pas en sujets de parole.
Lire notre présentation du livre sur le site de notre revue, Prostitution et Société !
Le Mouvement duNid du Bas-Rhin et les EfFronté-e-s 67 animent cette rencontre avec la députée Maud Olivier, rapporteure de la loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel.
Infos pratiquesAvec le soutien de la Ville de Strasbourg
Mercredi 2 mars 2016 à 18h30
Centre administratif
1 parc de l'Étoile à Strasbourg
Contact : Mission droits des femmes et égalité de genre au 03 68 98 51 04
Dans son nouveau livre Après Charlie, l'auteure et militante québécoise Djemila Benhabib part des assassinats des dessinateurs pour brosser le paysage de l'avancée de l'islam radical aujourd'hui. Elle a achevé l'écriture d'Après Charlie juste avant le 13 novembre. C'est un hymne à la laïcité et à la démocratie et une ode aux journalistes qu'illumine la figure de Charb.
- Charlie Hebdo, libertés et MahometElle crierait écrirait volerait
dans les éclats de ta joie
trous noirs cristaux bleus
chants d'éboulis sur sa vie
La Concertation montréalaise femmes et emplois majoritairement masculins (CMFEMM) a pris l'initiative de réunir des organismes multisectoriels concernés par l'employabilité des femmes immigrantes pour former un comité de travail* spécifiquement pour favoriser l'intégration des femmes immigrantes dans les métiers majoritairement masculins.
- Femmes, travail, économie, pauvretéDans le cadre de son partenariat avec l'association Tarmac, notre délégation de la Sarthe a organisé une formation ouverte aux usagers de l'association (CAD, HUDA, Foyer, Accueil d'urgence, CHRS.....) et aux travailleurs sociaux, avec l'intervention de Laurence Noëlle, survivante de la prostitution et formatrice professionnelle.
Infos pratiquesVendredi 26 février 2016
de 16h00 à 18h00
À l'Étape, rue de la Douelle au Mans
Projection du documentaire Pas à vendre
Laurence Noëlle apportera son témoignage et évoquera la question de la prostitution. Elle est aujourd'hui formatrice professionnelle, co-fondatrice de la branche française des Survivantes de la prostitution et auteure d'un ouvrage, Renaître de ses hontes.
Le collectif "Elles et nous" et la délégation du Mouvement du Nid du Nord-Pas-de-Calais vous proposent cette conférence animée par Bernard Lemettre, responsable de la délégation et ancien président du Mouvement du Nid - France.
Infos pratiquesJeudi 25 février 2016, de 18h30 à 20h00, lieu à préciser à proximité de l'arrêt de bus ligne 14 "Les Bateliers".
Pour toute information complémentaire merci de contacter la délégation du Nord-Pas-de-Calais (coordonnées ci-contre).
Bernard Lemettre présentera le Mouvement du Nid et les actions de la délégation du Nord-Pas-de-Calais, sa lutte contre le système prostitutionnel et notamment sa participation au procès Carlton.
Un moment d'échanges sera consacré à vos questions et réflexions sur le sujet, avec le Collectif "Elles et nous".
Souriante, Martine Desjardins m'accueille au siège social du Mouvement national des Québécoises et Québécois (MNQ) dont elle est la présidente depuis quelques mois. Dans son bureau sobre, les ouvrages sur des étagères et quelques objets témoignent de son engagement dans différents domaines. Cette jeune femme brillante au regard vif et affable dégage une énergie positive.
- Féminisme - Rapports femmes/hommes, masculinisme, stéréotypesLe 2 février 2016, Irène Corradin a assisté aux Assises pour l'abolition Universelle de la GPA (Gestation pour autrui), qui se tenaient à l'Assemblée nationale française sous l'impulsion de Laurence Dumont, députée PS du Calvados et première vice-présidente de l'Assemblée et organisées par des associations de gauche. Voici son compte-rendu.
- Biotechnologies, GPA, PMAUn autre scandale vient d'éclater. Encore, une histoire d'agression sexuelle. Cette fois-ci, on parle du cinéaste Claude Jutra. Un homme qui a fait au moins une victime. Certains montent aux barricades pour le défendre, prétendent que c'est impossible, que cet homme était tout sauf un abuseur.
- ViolencesMontréal, le 18 février 2016 – « Alors qu'un peu partout dans le monde, les féministes et les parlements se mobilisent pour abolir la maternité pour autrui (MPA), voilà que le Conseil du statut de la femme (CSF) choisit d'appuyer une industrie basée sur l'exploitation des femmes pauvres et la marchandisation de leur corps et de celle des enfants. C'est plus qu'un recul, c'est une trahison. »
- Santé, Sciences & Technos"Propager l'idée que l'homosexualité et la pédophilie sont une seule et même chose, c'est extrêmement dangereux."
- Homosexualité, lesbianisme, transsexualité, transgenre, queer. La Presse - La ministre de la Condition féminine, Lise Thériault, ne se dit pas féministe
Le conseil de la vice-première ministre aux femmes : « Tu veux prendre ta place ? Faire ton chemin ? Let's go, vas-y ! ».
. Le Devoir - Garderies - La CSN poursuit sa lutte, malgré les ententes
Malgré les récentes ententes conclues entre Québec et les associations représentant les garderies de la province, la Confédération des syndicats nationaux (CSN) lance une nouvelle campagne de mobilisation pour défendre les services de garde subventionnés.
. Les Nouvelles/News - Le sens des mots
Meilleur de sa catégorie, viol, excision… les mots ne sont pas précédés des mêmes préjugés selon l'identité des personnes concernées.
. Le Devoir - Québec permet le mariage sans les obligations
Il serait donc possible d'être marié religieusement avec une personne qui demeurerait un simple conjoint de fait aux yeux de l'état civil. L'affaire sidère celui que le gouvernement a chargé de la réforme du Code de la famille.
. Le Devoir - Mères porteuses. Entre commerce et droits de la personne
Au moment où le Conseil du statut de la femme du Québec (CSF) appelle à une ouverture à l'égard des mères porteuses, l'Europe resserre l'étau sur la maternité pour autrui (MPA) dans l'espoir de freiner l'expansion d'une lucrative industrie axée sur la location de ventres bon marché.
. Châtelaine - Femmes, autochtones et engagées !
Elles sont jeunes, brillantes, engagées et vivent entre Montréal et leur communauté. Portrait de quatre femmes autochtones qui font bouger le Québec.
. Slate France - "Fatima", un beau chemin vers la vie de trois femmes d'aujourd'hui
Fatima a reçu le 26 février trois César : celui du meilleur espoir féminin pour la jeune comédienne Zita Hanrot ; celui de meilleure adaptation, et celui de meilleur film.
. Sans compromis - Détecteur de sexisme au cinéma : Silence, on change de rôle !
Jessica Chastain, Juliette Binoche, Queen Latifah et Freida Pinto lancent une société de production destinée à financer et promouvoir des films qui changent l'image des femmes sur grand écran.
. Radio-Canada -Le rapport fédéral sur l'aide à mourir va au-delà de ce que permet la loi au Québec
Le comité parlementaire chargé d'étudier la question recommande d'élargir l'accessibilité à l'aide médicale à mourir en l'ouvrant aux patients psychiatrisés et éventuellement aux mineurs.
. Égale - Daoud, islamophobe ? Contre-enquête
Kamel Daoud, journaliste et écrivain algérien, affirme vouloir "arrêter le journalisme", "être fatigué de tout ça". Un collectif d'universitaires l'accuse d'alimenter l'islamophobie.
. Le Devoir - Un outil pour trouver des livres jeunesse sans sexisme
Le YWCA de Québec dévoilait jeudi la plateforme Web « Kaléidoscope », un répertoire de livres pour enfants sans contenu sexiste ou stéréotypé.
. TV5 - Elections en Iran : les femmes veulent peser plus, sans grand espoir
Les femmes en Iran représentent plus de la moitié de la population, mais elles ne sont que 3% au Parlement et, sans grand espoir, mènent campagne pour y être plus nombreuses après les élections de vendredi.
. La Gazette des femmes - Les Olympe de Gouges : soeurs retrouvées
Que faire pour que les filles cultivent leur confiance en elles-mêmes, plutôt que le dénigrement de soi et des autres ?
. Huffington Post France - Le Conseil de l'Europe promeut-il la GPA commerciale ?
Le 15 mars, à huis clos, la Commission des questions sociales de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe votera le rapport "Droits humains et questions éthiques liées à la gestation pour autrui".
. TV5 - "Égalité, mon œil !", quand les droits des femmes s'affichent
Le Parti communiste français à Paris accueille, jusqu'au 8 mars 2016, une exposition de plus de 100 affiches consacrées aux grandes causes du féminisme.
. La Presse - Lise Payette et les années 50
"Claude Jutra était mon ami", a écrit Lise Payette, vendredi, dans une chronique où elle semble confondre pédophilie et homosexualité.
. La Presse - Cliniques d'avortement : un projet de loi pour créer des périmètres de sécurité
"Cette loi est importante et doit voir le jour rapidement", plaident la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, celle des médecins spécialistes et 13 autres organismes.
. Huffington Post France - Nous avons besoin de plus de femmes expertes dans les médias
La présence de hommes dans les médias est hégémonique. Ils représentent 83% des experts, 78% des sujets et 70% des porte-parole interrogés dans les médias en France.
. Le Devoir - Après Val-d'Or, une transparence nécessaire
Lettre ouverte relative à l'enquête sur les agressions qu'auraient commises des agents de la Sûreté du Québec en poste à Val-d'Or à l'égard de femmes autochtones.
. La Presse - Des tabous et des hommes
La parole d'un homme qui se dit victime d'agression sexuelle vaut-elle plus que celle d'une femme ? Cette question troublante a été posée à la suite du scandale Jutra.
. Le Devoir - Prioriser l'accès des femmes au pouvoir
La ministre de la Condition féminine Lise Thériault affirme que les femmes restent sous-représentées non seulement en politique, mais aussi en affaires et dans les postes de direction.
. Les Nouvelles/News - Tchad. "L'affaire Zouhoura", un acte politique comme chaque viol
Une lycéenne tchadienne, fille d'un candidat à la présidentielle aurait été victime d'un viol collectif par des fils d'hommes politiques.
. Le Devoir - Les écrans de l'exclusion
Hollywood lave plus mâle et plus blanc. Les réseaux de télévision américains aussi. Même les productions en ligne perpétuent la grande discrimination des fictions favorables au "white boys' club".
. Ressources Prostitution - "Le féminisme est une rupture anthropologique qui fonde un autre monde" G.Duché
Le livre de Geneviève Duché Non au système prostitutionnel ! est une analyse pluridisciplinaire du système prostitutionnel produit par des rapports sociaux spécifiques et des trajectoires individuelles marquées par des vulnérabilités profondes.
. La Presse - Québec a payé 9 millions pour plus de 600 changements de sexe
Le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) rembourse les frais liés à la vaginoplastie (création d'un sexe féminin) ou à la phalloplastie (création d'un sexe masculin).
. Entre les lignes entre les mots - Nouvelles configurations familiales et maintien de l'assignation des femmes au travail domestique
Jacqueline Heinen analyse les bouleversements intervenus dans les rapports familiaux depuis les années 70, l'histoire et le geste d'adopter, les liens sociaux tissés entre adultes et enfants.
. Le Devoir - Affaire Jutra - L'art ne peut innocenter quiconque
Au fond, le scandale réside tout autant dans le silence et la compromission d'hier que dans l'effrayante révélation d'aujourd'hui.
. Sans compromis - Une nouvelle forme de violence contre les femmes se répand sur le Web
La haine contre les femmes n'est pas un phénomène marginal. En octobre 2015, l'ONU a publié un rapport qui démontre 73 % des femmes internautes dans le monde ont expérimenté une cyberviolence sexo-spécifique.
. Entre les lignes entre les mots - Combattre les violences sexistes ou sexuelles
Les auteur-e-s donnent des définitions (harcèlement sexuel, agression sexuelle, viol, contrainte, sexisme au travail, sexisme ordinaire, violence au travail).
. Le Devoir - L'armure fissurée, la parole libérée
Un premier roman, présenté comme une autofiction. Une histoire de négligence parentale, de violence familiale et d'inceste. Encore une.
. Huffington Post - Pour en finir avec le pédophile-ami : la prévention
Pour que l'enfant soit capable de reconnaître une situation d'exploitation sexuelle il doit avoir été encouragé à faire respecter son corps et son intimité.
. Le Devoir - Femmes chefs d'orchestre : la fin d'un tabou
Le 4 février dernier, l'Orchestre symphonique de Birmingham (CBSO) a annoncé la nomination de Mirga Gražinyte-Tyla, chef d'orchestre lithuanienne de 30 ans, au poste de directrice musicale pour les trois prochaines saisons.
. Le Devoir - Le Sénat français veut renforcer l'interdiction des mères porteuses
Les sénateurs se disent soucieux de ne pas ouvrir "la porte à un 'droit à l'enfant' et à une procréation de convenance."
. TV5 - Sexiste Orelsan ? Le rappeur relaxé au nom de la liberté d'expression
Le rap d'Orelsan constitue-t-il une provocation à la violence envers les femmes ? Poursuivi par des associations féministes, il a été relaxé au bénéfice de la "liberté d'expression".
. FranceTV Info - Figure de la lutte pour les droits des femmes, Thérèse Clerc s'est éteinte à 88 ans
Pendant quarante ans, elle a participé aux principaux combats pour les droits des femmes. Toute sa vie, du MLAC aux Babayagas, Thérèse Clerc a pensé et agi pour les femmes.
. Le Devoir - Bennett pense que la GRC a mal compté
La ministre fédérale des Affaires autochtones reprend à son compte les allégations des communautés autochtones selon lesquelles, dans bien des cas, des meurtres ont été catalogués comme des suicides ou des accidents par les autorités pour classer l'affaire plus vite.
. Le Devoir - Les mères porteuses bénévoles reçoivent l'aval du Conseil du statut de la femme
Le recours aux mères porteuses est "une réalité" qui ne "peut continuer à [être] ignorée".
. Le Huffington Post Québec - Sur la notion de consentement et la définition du mot garçon
Pendant de trop nombreuses années, pas un seul jour ne pouvait passer sans que je pense à cette saleté. Mon comportement avait donc toutes les apparences d'un consentement. Pourtant...
. Le Devoir - Une première femme reçoit la médaille d'or en sciences et génie du Canada
L'astrophysicienne Victoria Kaspi, de l'Université McGill, grande spécialiste mondiale des étoiles à neutrons, a reçu la médaille d'or Gerhard-Herzberg en sciences et en génie du Canada, la plus haute distinction décernée depuis 25 ans par le CRSNG.
. Les Nouvelles/News - Pour "changer les réflexes", un manifeste pour l'égalité dans les médias
"Changer les réflexes" des médias pour que soient invité.e.s "au micro, sur les plateaux de télévision, dans les articles, autant de femmes que d'hommes en tant qu'experts".
. Le Devoir - La fêlure
Au nom de l'art et du cinéma québécois, devrait-on passer l'éponge sur les penchants apparemment pédophiles de Claude Jutra ? Devrait-on feindre d'ignorer la part d'ombre d'un parcours par ailleurs "lumineux" ?
. L'Actualité - Forces armées canadiennes : "Ce que je vise, c'est l'élimination complète des comportements sexuels dommageables et inappropriés"
Le grand patron des Forces armées canadiennes, le général Jon Vance, n'a pas de quoi se péter les bretelles. L'épidémie de violences sexuelles dans les rangs militaires ne s'est pas résorbée depuis son entrée poste, en juillet dernier.
. Radio-Canada - Québec lance un programme pour aider les jeunes dans les "milieux à risque"
Québec injecte 3 millions de dollars dans un programme destiné à renforcer la capacité de municipalités à se mobiliser contre des phénomènes qui menacent la sécurité des jeunes.
. La Presse - Boulot, sextos, nonos
Au Québec, c'est la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité au travail, l'organisme qui a remplacé la défunte CSST, qui veille à l'application de la loi québécoise à l'égard du harcèlement, loi réformée en 2004 et pionnière au Canada à cet égard.
. Le Devoir - Luce Julien nommée rédactrice en chef au Devoir
Signe que les temps changent, Le Devoir a recruté en dehors de la sphère traditionnelle de l'imprimé sa nouvelle rédactrice en chef, Luce Julien.
. La Gazette des femmes - Portrait d'humaine no 1 : Camélia Handfield
Je ne serais pas l'humaine que je suis si je n'avais pas eu de modèles.
. Les Nouvelles/News - Au Kenya, huit ans après, la douleur des victimes de viols "post-électoraux"
Elles sont des centaines de Kényanes à avoir subi des viols collectifs à la suite de l'élection présidentielle de 2007. Bilan : isolement, souffrance physique, psychologique, non assistance médicale.
. TRADFEM - Meghan Murphy : Toute femme qui a été violentée ou agressée sait combien facilement on retourne auprès d'un agresseur
Comme on pouvait s'y attendre, le procès pour assaut sexuel de l'ex-animateur radio-canadien Jian Ghomeshi a beaucoup plus mis l'accent sur ce que les victimes ont fait de "mal" que sur le comportement de leur agresseur.
. Le Figaro Vox - Thérèse Hargot : "La libération sexuelle a asservi les femmes'"
La promesse "mon corps m'appartient" s'est transformée en "mon corps est disponible" : disponible pour la pulsion sexuelle masculine qui n'est en rien entravée.
. Le Devoir - Prostitution. S'attaquer à la demande
Tout le monde cherche LA solution pouvant "protéger" les mineures des proxénètes. Pendant ce temps, très peu, trop peu de gens s'intéressent à l'industrie du sexe.
. Le Huffington Post France - France : Féminisme et multiculturalisme, le conflit
À partir d'un certain nombre d'exemples choisis dans l'actualité récente, la philosophe Susan Moller Okin montrait comment, au nom du respect des cultures des groupes et des populations minoritaires, les sociétés occidentales en arrivaient de plus en plus souvent à relativiser, à tolérer voire à justifier, en leur sein même, des pratiques attentatoires à la liberté et à la dignité des femmes : mariages forcés, polygamie, excision, crimes d'honneur...
. Le Devoir - Affaire ghomeshi - Quel procès pour la violence à caractère sexuel ?
Il faut dire à quel point c'est une façon d'éluder l'objet du procès et d'ignorer ce qui caractérise ce type de relations sentimentales. En effet, les relations que des femmes (et des hommes) entretiennent avec des vedettes telles que Ghomeshi s'inscrivent d'abord et avant tout dans des relations de pouvoir.
. Marianne - Starbucks, Ikea, H&M… ces firmes qui cachent les femmes que l'Arabie saoudite ne saurait voir
Starbucks n'a pas hésité à interdire l'entrée d'un de ses établissements aux femmes en Arabie saoudite. Dans un pays qui pratique encore la condamnation à mort par lapidation, le cynisme de cette justification donne des frissons.
. La Presse - Le groupe de pédophiles a obtenu le statut d'OSBL
Le club de pédophiles frappé par la police il y a deux semaines avait obtenu par la supercherie un statut d'organisme sans but lucratif pour promouvoir ses actions et offrir des services de sécurisation des communications, a reconnu le gouvernement hier.
. Le Journal de Montréal - Lise Payette, le féminisme revanchard… Et alors ?"
Celle qui a lutté toute sa vie pour l'égalité homme femme défend plus que jamais ses idées et ne compte pas s'excuser un instant auprès des Richard Martineau de ce monde qui l'accusent de ressasser un discours féministe revanchard.
. Le Devoir - Contrer l'exploitation sexuelle des jeunes filles
L'entrée dans la prostitution juvénile est, pour la plupart des jeunes filles piégées, un processus. Plus on intervient tôt dans ce processus, mieux c'est. Aussi, la prévention est incontournable.
. La Tribune - Lise Payette continue de se battre pour l'égalité homme-femme
Elle en exhorté les quelque 200 étudiants de l'École de politique appliquée de l'Université de Sherbrooke à "ne jamais abandonner" l'idée de construire une société basée sur l'égalité homme-femme.
. L'Actualité - Attention aux pitounes
Une équipe de chercheuses des universités Princeton et Stanford, aux États-Unis, ont découvert que le cerveau ne traite pas les êtres humains de la même manière lorsqu'ils sont présentés comme des objets sexuels. La zone cérébrale qui reconnaît leur humanité… s'éteint.
. Le Devoir - Prostitution - Le PQ veut débattre des clients des fugueuses
Les hommes qui abusent des adolescentes en fugue ont été jusqu'à maintenant totalement exclus des préoccupations du gouvernement, a déploré jeudi la députée péquiste Carole Poirier, à propos de la crise qui secoue les centres jeunesse depuis quelques semaines.
. La Presse - Un mémo aux professeurs prédateurs
"Note à propos des relations entre enseignants et étudiants". C'est le titre d'une lettre envoyée la semaine dernière aux enseignants du collège de Maisonneuve.
. Le Devoir - Joute partisane sur le thème de l'exploitation sexuelle
Un document de travail sur l'exploitation sexuelle qui date de 2014 rapporte que les "nouvelles pratiques sexuelles associées à de l'exploitation sont en émergence chez les jeunes" partout au Québec.
. Le Point - Zika : l'ONU demande aux pays d'autoriser l'accès à l'avortement
Le Haut-Commissariat aux droits de l'homme a en particulier visé les États d'Amérique du Sud, dont beaucoup n'autorisent ni l'avortement ni la pilule contraceptive, et qui ont conseillé aux femmes d'éviter de tomber enceintes à cause du risque posé par le virus.
. Le Devoir - Fais-moi mal, Johnny
Le vieux mythe voulant que les femmes soient (au fin fond d'elles-mêmes) des "bêtes sexuelles" a longtemps saboté les victimes d'agressions sexuelles. Tout procès devenait vite le leur et elles perdaient souvent leur cause par conséquent.
. TV5 - Un guide juridique pour les Françaises victimes de violences
Quelles démarches peuvent entreprendre les femmes victimes de violences physiques, sexuelles ou psychologiques ? Deux avocates françaises ont décidé d'écrire un guide juridique complet pour les aider à connaître leurs droits et les recours possibles.
. La Presse - Loi C-452 sur la traite des personnes. Ottawa souhaite l'entrée en vigueur "dès que possible"
"S'il y a une volonté réelle de bouger, le premier ministre Trudeau n'a qu'à appeler sa ministre de la Justice pour émettre le décret, dit l'ex-députée Maria Mourani. Il n'y a rien de bien compliqué à émettre un décret".
. Slate France - En Allemagne, l'enfer des femmes réfugiées dans les centres d'accueil
La plupart d'entre elles ne se sentent pas en sécurité dans ces centres d'hébergement mixtes dans lesquels plusieurs agressions sexuelles ont déjà été rapportées. Les témoignages alarmants se multiplient.
. Le Devoir - Margaret Forster n'est plus
Décédée le 8 février des suites d'un cancer à l'âge de 77 ans, Margaret Forster est l'auteure d'une quarantaine de romans et de biographies primés. Elle s'est consacrée, sa carrière durant, à examiner la condition féminine à la lumière des différents bouleversements sociopolitiques survenus au cours du XXe siècle.
. Radio-Canada - Violence sexuelle sur les campus : six universités, dont celle de Sherbrooke, vont dresser un portrait
Le Groupe de travail sur le respect et l'égalité de l'Université d'Ottawa a déjà colligé des données qui révèlent que 16% des étudiantes et 8% des étudiants disaient avoir vécu un épisode de violence sexuelle.
. Le Devoir - Les libéraux accusés de négliger la lutte contre l'exploitation sexuelle
Alors qu'une cinquième adolescente fréquentant le Centre jeunesse de Laval a été portée disparue lundi, le Parti québécois (PQ) a accusé le gouvernement Couillard de faire preuve de négligence dans le dossier de l'exploitation sexuelle.
. Blogue de Lily Thibault - Nos gars
Les papas, parlez-vous à vos gars ? Parlez-vous de sexualité à vos garçons ? Parlez-vous de consentement avec eux ?
. Info Afrique - Violences : 65% des femmes d'Afrique Centrale en sont victimes
Naître femme en Afrique, terre de la prépondérance du patriarcat, des coutumes et traditions archaïques, et du tas de mauvaises interprétations religieuses, n'est de nature ni à reconnaître ce droit, ni à brider l'acharnement et l'arbitraire parfois spontané contre les femmes.
. FranceTV Info - France. Le Sénat supprime un amendement sur le harcèlement dans les transports
Alors que le gouvernement a lancé son plan contre le harcèlement sexiste dans les transports, les sénateurs, eux, balaient le sujet d'un revers de la main.
. La Presse - Monique Leroux : Passer le flambeau
Le 9 avril prochain, huit ans après avoir été la première femme au plus haut poste du Mouvement Desjardins, Monique Leroux va dire au revoir à ses quelque 45 000 employés. Monique Leroux a été sauvée de la sécheresse des chiffres par des notes de musique.
. AlterASIA - Cambodge - L'insuffisance de femmes à la tête des syndicats freine leurs revendications
Les ouvrières luttent pour faire entendre leurs revendications sur le congé maternité, la santé reproductive et l'hygiène de leur lieu de travail, y compris par les syndicats qui les représentent.
. Le Devoir - De la crèche au cimetière
Régis Debray et Didier Leschi dans un livre à la fois précis, instructif et délicieux intitulé La laïcité au quotidien soumettent une quarantaine de cas précis à l'examen d'une laïcité qui ne serait ni ouverte ni fermée, mais simplement laïque.
. La Presse - Les failles de l'âme
La scène se passe dans un palais de justice qui restera anonyme, la cause étant encore en cours. On demande à une jeune femme d'identifier son présumé pimp, qui se trouve dans la salle d'audience.
. La Gazette des femmes - La pilule abortive, qu'est-ce que ça change ?
Dès cette année, les quelque 84 000 Canadiennes qui interrompront leur grossesse auront accès au Mifegymiso, mieux connu sous le nom de pilule abortive.
. La Presse - Portes déverrouillées aux centres jeunesse : un chef de police interpelle Québec
La loi interdit à ces mêmes centres de priver de liberté leur clientèle, sinon dans de rares cas. Rappelons que ces jeunes sont mineures.
. Le Devoir - France Théoret, femme de devoir (malgré elle)
Mais qui donc est cette personne que le titre de ce dernier opus de France Théoret, Va et nous venge, interpelle ? Peut-être s'agit-il de l'auteure elle-même, qui venge ici quatre femmes dont elle partage les histoires.
. Hypathie - Pornification : De la folie des grandeurs au cinéma porno
J'ai lu Pornification de Jean-Luc Marret. Sous la forme d'un roman, il raconte le parcours, la gloire puis la déchéance de Karin Schubert.
. Le Devoir - L'Unicef fait état de 200 millions de victimes de mutilations génitales
Dans les 30 pays où cette pratique est la plus répandue la majorité des filles ont été excisées avant l'âge de cinq ans.
. Le Figaro - Droits des femmes et islam radical : pour Ségolène Royal, c'est "Circulez, il n'y a rien à voir"
"La laïcité, il y a d'autres priorités sur le droit des femmes", a estimé Ségolène Royal, mercredi 3 février sur l'antenne de France Inter.
. Radio-Canada - Des massothérapeutes en ont ras le bol de la sollicitation sexuelle
Selon la FMQ, la situation découle en partie du fait que des "travailleurs du sexe" utilisent la massothérapie comme couverture pour offrir leurs services.
. La Presse - Après #Agression NonDénoncée
Peu importe l'issue du procès Ghomeshi, sa surmédiatisation doit être l'occasion de reprendre là où on l'avait laissé le débat public sur les agressions sexuelles.
. Sans compromis - Non, le client n'est pas roi : vers une victoire sur la prostitution
Le 3 février, l'Assemblée nationale a entériné la loi contre le système prostitutionnel et pour l'accompagnement des personnes prostituées.
. Le Devoir - Mobilisation mondiale contre le blogueur misogyne Roosh V
Des dizaines de villes de partout dans le monde, dont Montréal, se mobilisent pour empêcher des rassemblements organisés par le blogueur misogyne Daryush Valizadeh, qui prône la légalisation du viol "si c'est fait dans une propriété privée". Le maire Denis Coderre a joint sa voix aux maires du monde entier.
. La Presse - Fugueuses exploitées sexuellement : 33 victimes à Laval en 2015
La grande majorité des adolescents en fugue chaque année à Laval proviennent du centre jeunesse.
. Le Devoir - Ne pas avoir peur de dénoncer
« "N'ayez pas peur et dénoncez." C'est le message qu'a tenu à livrer l'une des présumées victimes de Jian Ghomeshi, après un contre-interrogatoire qu'on a décrit comme "musclé".
. TV5 - Un diplôme universitaire pour mieux combattre les violences faites aux femmes
Depuis mars 2015, en France, l'Université Paris 8 en partenariat avec le Département de la Seine-Saint-Denis, au Nord de Paris, propose à des professionnels du milieu social, scolaire, juridique ou médical une formation inédite en France.
. Le Devoir - Halte à la "location des ventres" !
Alors que le recours à celles que l'on nomme communément les "mères porteuses" se généralise en Amérique du Nord et en Europe, plusieurs organisations féministes européennes ont voulu lancer un cri d'alarme.
. Le Figaro - "La GPA, c'est la fin de la mère" (Marie-Jo Bonnet)
- La gestation pour autrui, c'est avant tout la destruction de la mère. D'ailleurs on ne parle même plus de maternité mais de "gestation".
. Le Devoir - Une femme nue pour dessert
Dans un resto branché du centre-ville : une femme presque nue bariolée d'une vingtaine d'ingrédients gît sur une table en guise de dessert…
. La Presse - Noémie, si près, si loin
L'histoire de Martine, qui a découvert que sa fille Noémie avait commencé à se prostituer pour son amoureux, un pimp. Une chose qu'elle a depuis entendue : gardez le lien avec votre fille. C'est ce lien-là qui deviendra une bouée de sauvetage.
. Les Échos - Le buzz des Etats-Unis : nouveau plan contre les inégalités salariales
Les entreprises de plus de 100 salariés doivent désormais communiquer les données salariales par sexe, race et appartenance ethnique.
. Le Devoir - Revendiquer le droit au débat
À un mois à peine du Sommet des femmes, les organisatrices du collectif apolitique pour l'égalité plaident pour un droit à la diversité des discours féministes.
. Sans compromis - L'emprise : pourquoi les femmes victimes de violences conjugales ne peuvent pas fuir
Ne ment-elle pas ? N'est-ce pas sa faute puisqu'elle n'a pas réagi ? Penser cela, c'est adhérer à une culture du déni de la violence particulièrement injuste qui culpabilise les victimes.
. Le Devoir - Sexisme - À quand la parité culturelle ?
La parité en politique, même si elle est loin d'être acquise et institutionnalisée, s'impose progressivement comme un objectif à atteindre. Le moment est venu de parler également de parité culturelle.
. Radio-Canada - Jour J pour Jian Ghomeshi
C'est ce matin à Toronto que s'ouvre le procès de Jian Ghomeshi en Cour de l'Ontario à Toronto. L'accusation d'avoir vaincu la résistance par l'étouffement est celle qui peut entraîner la peine la plus lourde en vertu du Code criminel.
. Le Journal de Montréal - Marketing des femmes
Le premier ministre Philippe Couillard a ajouté quelques femmes au conseil des ministres. Les regards se sont rapidement tournés vers les exclus.
. Libération - De l'archaïque misogynie ordinaire
Les violences subies par les femmes, à Cologne ou ailleurs, illustrent encore une volonté de les chasser d'un espace public pensé comme masculin. Il m'importe peu que les agresseurs de Cologne soient marocains ou syriens, musulmans ou non - en tout cas, ce n'est pas sous cet angle que j'analyse les choses.
. La Presse - Posons quelques questions
On a appris la semaine dernière qu'après plusieurs mois de recherches, le conseil d'administration du Devoir avait finalement trouvé une personne pour succéder à son directeur Bernard Descôteaux.
N'idéalisez pas vos idoles. Surtout lorsque celles-ci sont des hommes. Les stars du rock ne sont pas des dieux. Et lorsque que votre comédien, réalisateur, ou musicien préféré s'avère être un violeur ou un conjoint violent, essayez de ne pas laisser votre admiration brouiller cette réalité.
- ViolencesJe me surprends, ce matin, à lire cette chronique de Richard Martineau "Les filles, c'est nono" (projet de monologue). Je dois dire que je ne suis pas arrivée à lire le texte d'un seul coup. J'ai dû m'arrêter, plusieurs fois. Je m'arrête à ces lignes « les femmes font pitié » et blabla blabla. Et à d'autres encore, que je suis encore surprise d'avoir lues.
- Sexisme : langue, médias, pubDans la nuit du 31 décembre 2015, à Cologne et dans d'autres villes d'Allemagne, des centaines de femmes ont été victimes d'insultes et d'agressions sexuelles de masse de la part d'hommes d'origine immigrée.
- Agressions misogynes à Cologne et en EuropeLes dernières semaines ont été marquées par la disparition de jeunes filles, recrutées dans la prostitution. Il existe des causes sociétales expliquant le recrutement de mineures dans la prostitution et les gouvernements ont les moyens de s'attaquer à ces causes.
- Prostitution au Canada et au QuébecComme après la deuxième lecture, l'Assemblée nationale a rétabli la proposition de loi dans l'équilibre global de ses quatre piliers : lutte renforcée contre le proxénétisme, fin du délit de racolage et accompagnement de la sortie de prostitution, prévention et responsabilisation du client. Le texte a été adopté à une large majorité transpartisane.
- Prostitution, pornographie, traite des femmes et des enfants, industries du sexeMercredi 3 février 2016, les députéEs ont voté en faveur de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel et l'accompagnement des personnes prostituées. Notre association de soutien aux personnes prostituées se réjouit de cette nouvelle étape franchie vers l'adoption définitive du texte.
Plus encore, nous saluons la clairvoyance des députéEs qui ont veillé à rétablir la proposition de loi dans ses quatre piliers : soutien et accompagnement des personnes prostituées, renforcement de la lutte contre le proxénétisme, sanction des "clients" et sensibilisation à l'égard de l'opinion publique et des jeunes en particulier.
L'Assemblée nationale, en toute cohérence, a rendu son intégrité au texte en rétablissant ses dimensions progressistes : dépénalisation des personnes prostituées avec l'abrogation du délit de racolage, pénalisation des "clients" pour tarir la demande qui est un moteur du système, a réagi Jacques Hamon, président du Mouvement du Nid - France. Ce vote historique ouvre la porte à une politique inédite, de taille à affronter les enjeux posés par la prostitution : égalité femmes-hommes, lutte contre les violences sexistes et sexuelles… Cette loi est aussi la condition sine qua non d'une action efficace contre le trafic des êtres humain.
Pour Grégoire Théry, secrétaire général du Mouvement du Nid - France, la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel et l'accompagnement des personnes prostituées remet les politiques publiques la tête à l'endroit en dépénalisant les personnes prostituées et en ouvrant de nouvelles pistes pour la sortie de la prostitution.
La préface du livre de bell hooks Ne suis-je pas une femme? est de Amandine Gay qui retrace le parcours de femmes noires activistes comme Sojourner Truth, une militante noire américaine, qui, en 1851, prononça le discours Ain't I a woman à une Convention des femmes à Akron en Ohio.
Elle évoque aussi Paulette Nardal, une martiniquaise, qui, en 1920 à Paris fut la première femme noire à étudier à la Sorbonne. Elle fonda des salons littéraires pour mettre en relation les diasporas noires. En 1930 elle co-fonda la Revue du Monde Noir avec Léo Sajoux. En 1945, elle crée le Rassemblement Féminin afin d'aider les femmes martiniquaises à exercer leur droit de vote.
Est également présentée, la journaliste Claudia Jones. secrétaire de la Commission des femmes du parti communiste des USA et secrétaire exécutive de la Commission nationale des femmes. Elle publie en 1949 "An end to the neglect of the problems of the negro woman". En 1952, elle est secrétaire du Conseil National de la Paix. En 1953 elle dirige le journal Negro affairs quarterly. A Londres où elle dut s'exiler, elle lance différents journaux ainsi que le Carribean festival qui existe encore aujourd'hui.
En 1976 en France se lance la Coordination des Femmes Noires dont les sujets d'intérêt sont les luttes des femmes, la luttes des classes, les luttes anti-impérialistes, la lutte contre l'apartheid et les questions des femmes immigrées. Cette coordination existera jusqu'en 1982. De 1982 à 1994, existe le Mouvement pour la Défense des Droits de la Femme Noire.
Aux Etats-Unis les noirs ont pu investir les universités ; c'est beaucoup plus difficile en France où cela est vu comme du communautarisme et allant à l'inverse de l'universalisme français.
Amandine Gay souligne employer le terme"afro-descendante" pour se qualifier.
Le mot intersectionnalité naît en 1989 de Kimberlé Crenshaw. les champs d'études spécifiques aux noirs sont peu étudiés comme par exemple la femme potomitan.
Depuis 2013, l'afro féminisme réapparait avec une grande vigueur en France avec des blogs, des manifestations, des collectifs, des émissions de radio, une revue, des conférences.
Dans les années 50, au début de lutte pour les droits civiques, il a été exigé que les femmes noires aient une position subalterne.
Les féministes blanches ont idéalisé les femmes noires en parlant de leur "'force". Or comme le souligne bell hooks, il est différent d'être forte face à l'oppression que d'être forte parce qu'on a vaincu l'oppression. Les femmes noires sont célébrées dans leur rôle de mère, leur disponibilité sexuelle, leur capacité à porter de lourdes charges.
Elles n'ont pas d'identité.
Quand on parles des noirs, on parle des hommes noirs.
Quand on parle des femmes, on parle des femmes blanches.
Ainsi quand les féministes blanches se comparent aux noirs, pour souligner les oppressions qu'elles vivent, elles oublient les femmes noires.
Pendant la période esclavagiste, le sexisme est aussi fort que le racisme.
Au XVIIème siècle, certaines femmes blanches sont encouragées à épouser des hommes noirs pour avoir des enfants métis qui pourront travailler. Avec l'apparition des lois anti métissage, ce sont les femmes noirs qui doivent faire des enfants, qui pourront servir ensuite d'esclaves. Les esclavagistes commencent donc à importer aux Etats-Unis des femmes noires car ils considéraient qu'elles étaient déjà habituées aux travaux des champs. Sur les bateaux, elles n'étaient pas enchaînées contrairement aux hommes ; mais cela favoriserait leur agression par les esclavagistes.
Les viols sont donc très nombreux ainsi que les grossesses qui en découlent.
Les femmes noires travaillent à la fois aux champs et dans les maisons ; elles sont donc masculinisés par les travaux qu'elles effectuent aux champs. La thèse consistant à dire que les hommes noirs ont été démasculinisés est donc fausse. Les femmes font les tâches les plus dures et ne peuvent avoir des postes à responsabilités comme être conducteur d'esclaves ou régisseur comme peuvent parfois l'être les hommes noirs.
Elles subissent les mêmes châtiments que les hommes.
Le travail de maison est moins physique que le travail des champs mais implique d'être à proximité du maître et de la maîtresse. L'exploitation sexuelle est donc fréquente. L'esclave dort souvent dans la chambre du maître. Celui-ci lui donne des cadeaux pou r la placer en situation de prostitution et non plus de viol. Angela Davis a ainsi montré que le viol est un terrorisme institutionnalisé qui vise à anéantir et déshumaniser les femmes noires.
Au XIXème la vision de la femme blanche évolue. On voit en elle une déesse, innocente. La femme noire, a contrario, est vue comme sauvage, sexuelle, une tentatrice, une prostituée.
Beaucoup d'abolitionnistes lorsqu'ils parlent des sévices subis par les femmes noires parlent de "prostitution" au lieu de viol pour éviter de choquer ; cela a contribué à véhiculer l'image d'une femme lascive et pécheresse.
Les femmes blanches voient souvent les femmes noires comme responsables du viol qu'elles subissent.
On constate que les punitions infligées sont aussi sexo-spécifiques ; ainsi on flagelle les femmes noires nues alors que la morale veut que les femmes soient perpétuellement très couvertes.
Les femme blanches esclavagistes ont beaucoup persécuté les femmes noires.
Les hommes noirs finissent par imiter les blancs, et violent aux aussi les femmes noires. Il est difficile d'estimer le nombre de grossesses issues des viols. Les femmes étaient parfois récompensées après la naissance d'un enfant (qui valait plus cher s'il était métis). Les fausses couches étaient extrêmement nombreuses ainsi que les mortes en couches.
A été théorisée l'idée que comme la femme noire a un rôle plus important que l'homme noir dans le foyer ; la masculinité avait été mise en péril. Or la puissance de la femme au foyer existait aussi chez les blancs et pourtant on n'a jamais théorisé sur la mise en péril de la masculinité chez les blancs.
Dans son célèbre livre sur le viol, Susan Brownmiller, une féministe blanche, parle du crime institutionnalisé qu'est le viol. Mais elle cantonne ce crime pour les femmes noire à la période de l'esclavage. Or cela a continué bien après sous la période de ségrégation raciale.
Brownmiller fera un chapitre entier sur le viol des femmes blanches par les hommes noirs, sans vraiment considérer le viol des femme noires par les hommes blancs comme important. Elle ne verra pas non plus combien ces viols systémiques ont conduit à considérer les femmes noires comme des putains, des prostituées, des femmes sexuellement disponibles.
Les liaisons entre femmes noires et hommes blancs ne sont pas interdites si elles ne se concrétisent pas par un mariage. Les hommes noirs ont intérêt à empêcher le mariage entre les femmes noires et les hommes blancs pour limiter la compétition sexuelle. Les hommes noirs expliquent donc aux femmes noires que les homme blancs vont les dégrader et les salir. Les hommes blancs disent aux femmes blanches que les hommes noirs sont des violeurs afin qu'elles ne s'en approchent pas.
Les femmes noires sont souvent averties que les hommes blancs vont les exploiter mais pas que les hommes noirs pourraient le faire également ; ce fut pourtant le cas dans les mouvements black power où la sexualité des femmes noirs fut contrôlée.
Beaucoup d'hommes noirs ont aussi tendance à idéaliser les femmes blanches qu'ils voient comme innocentes et pures au contraire des femmes noires.
Les femmes noires subissent des stéréotypes racistes comme Tante Jemima, Sapphire, Amazone, Matriarch. bell hooks montre combien ce dernier stéréotype va à l'encontre de la vie des femmes noires qui n'ont aucun pouvoir économique et politique. Néanmoins certaines femmes noires ont aimé qu'on les appelle matriarches car elles revendiquaient ainsi une hérédité africaine et préféraient être appelées ainsi qu'être traitées de prostituée. Cela leur donnait une illusion de pouvoir.
L'autre figure stéréotypique est celle de la mamma, grosse, sale, dévouée à ses maîtres et qui ne constitue pas une menace pour les blancs.
Les hommes noirs sont souvent réticents à reconnaître qu'ils peuvent oppresser par le sexisme car cela serait reconnaître qu'il existe une autre oppression que le racisme.
Les femmes noires sont souvent des femmes de ménage très peu payées ; les hommes noirs, eux, ne trouvent pas de travail. Parfois les femmes noires leur en veulent car elles sont obligées de travailler et qu'ils ne jouent pas leur rôle de chef de famille.
Les femmes noires sont opprimées à la fois par les hommes blancs et les hommes noirs. Certains hommes noirs expliquent ainsi que s'ils ne désirent pas les femme noires c'est qu'elles ne sont pas assez féminines contrairement aux femmes blanches. Des hommes noirs violents comme Iceberg slim ont été idéalisés. Le black muslim mouvement était également un mouvement misogyne qui idéalisait la femme noire et rabaissait la femme blanche.
Les mouvements de femmes blanches se sont construits sur des bases racistes. Beaucoup de femmes blanches se battaient pour le droit de vote mais contre celui des noirs. Elles étaient contre l'esclavage mais pas pour la suppression des inégalités. Beaucoup de suffragettes ne supportaient pas l'idée que les hommes noirs aient des droits avant elles ; certaines ont donc milité pour la suprématie blanche. Beaucoup soutenaient la ségrégation raciale. Elles étaient encore plus opposées aux femmes noires qui étaient vues comme moralement impures.
Dans les années 60, les femmes blanches commencèrent à se comparer aux noirs sans voir qu'elles oubliaient les femmes noires et que de toutes façons, leur sort n'avait rien de comparable. Pour elles, la vie de la femme blanche incarnait la vie de toutes les femmes. Ainsi par exemple elles ont dit que le travail était un moyen de libération pour les femmes sans penser que les femmes travaillent déjà depuis longtemps en étant sous-payées et exploitées et que le travail n'était donc pas du tout pour elle un moyen de libération. De plus lorsque les femmes blanches entrent sur le marché du travail, bien après les femmes noires donc, elles progressent beaucoup plus vite et sont mieux payées.
Les femmes blanches ont été les bénéficiaires les plus immédiates de l'esclavage ; cela ne changeait rien au statut de l'homme blanc mais beaucoup à celui de la femme blanche qui avait désormais un pouvoir sur quelqu'un. Après l'abolition de l'esclavage, les femmes noires ont travaillé comme domestiques et donc l'exploitation domestique a continué.
Beaucoup de militantes noires se sont intéressées aux droits des femmes après l'abolition, mais comme elles étaient obligées d'identifier leurs mouvements par leur couleur de peau, on supposait que leur priorité était de lutter contre le racisme et pas contre le sexisme. deux militantes afro-féministes : Josephine St. Pierre Ruffin et Frances "Fannie" Barrier Williams.
Entre 1920 et 1960 la plupart des groupes de femmes noirs ne sont pas féministes et ne voient la libération des noirs que dans le patriarcat. Angela Davis fut ainsi souvent ramenée à un stéréotype de belle femme dévouée aux hommes.
Dans les années 70, les femmes noires veulent s'approcher des mouvements féministes blancs mais ceux-ci ne s'intéressent pas à leurs problématiques. Pour bell hooks, dire que les hommes ont des privilèges c'est accréditer l'idée qu'on ne peut s'accomplir qu'en agissant comme un homme, et que le masculin est supérieur au féminin. Elle décide donc de se réapproprier un autre féminisme.
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Beaucoup ont tendance à voir les féministes comme un groupe monolithique, dont les membres seraient interchangeables. Le féminisme est, plus que jamais, riche de personnalités très diverses.
J'ai donc décidé d'interviewer des femmes féministes ; j'en connais certaines, beaucoup me sont inconnues. Je suis parfois d'accord avec elles, parfois non. Mon féminisme ressemble parfois au leur, parfois non.
Toutes sont féministes et toutes connaissent des parcours féministes très différents. Ces interviews sont simplement là pour montrer la richesse et la variété des féminismes.
Interview de Virginia.
Virginia est une féministe guatémaltèque dont l’interview a été possible grâce à Xenomorf, un habitué du blog que vous avez déjà pu lire.
L’interview est disponible en français et en-dessous en espagnol. Nous avons cherché à respecter au mieux la parole de Virginia ce qui explique la traduction très littérale.
- Est-ce que tu peux te présenter ?
Virginia, féministe, métisse, guatémaltèque
- Depuis quand est tu féministe ?
Je crois que j’ai commencé à m’identifier comme féministe il y a environ 3 ans.
- Il s’est passé quelque chose en particulier ou c’est venu progressivement ?
Je crois que dans la mesure où j’ai fini par me rendre compte que la violence sexuelle avait traversé ma vie, comme ma personnalité avait été construite depuis un "handicap" et "le manque de capacités", et que l’unique pouvoir qu’il me restait était celui de victime. Avec cette prise de conscience, j’ai ressenti le besoin de m’appeler féministe, pour me situer depuis un autre lieu, pour récupérer ma liberté et avoir plus de possibilités de choix. Tout ceci j’ai pu le sentir dans la mesure où j’ai été accompagnée dans ce processus de guérison dans l’organisation à laquelle je collabore et que je considère comme importante dans mon parcours.
- Tu te considères militante ? Quel sens mets-tu derrière ce mot ?
Honnêtement, je m’identifie plus avec le mot activiste, et ma pratique politique est traversée par le féminisme, mais pas seulement. Le féminisme m’a ouvert de nombreuses portes, vers l’autoconnaissance, la réconciliation permanente avec mon corps, mes désirs, mon érotisme, mon autonomie et ma force. Il m’a aussi permis de voir ma colère, le besoin de "concurrence" et les habitudes manipulatoires avec lesquelles les femmes exercent violence et pouvoir. C’est là que pour moi la spiritualité et les processus de guérison font partie de mon activisme ce qui est fondamental pour la non répétition des phénomènes, et pour ne pas utiliser le féminisme comme un discours, au nom duquel on peut utiliser la violence pour disqualifier et blesser. De fait pendant longtemps, je l’ai fait avec d’autres, femmes et hommes, mais je n’avais pas une véritable liberté et je n’étais pas honnête envers moi-même.
- Tu te définis comme métisse. Dans quelle mesure c’est important au Guatemala ?
Cette identité m’est utile dans ce contexte guatémaltèque raciste. Le terme "ladino" (NDT les guatémaltèques "blancs") est une réaffirmation du "non indigène", c’est-à-dire une identité qui se base sur la négation de l’autre, ou la distinction. Le terme métisse m’est utile pour me positionner face à cette oppression, et dire que la part maya fait partie de moi, la négritude fait partie de moi, tout comme la blanchitude.
- Les féministes latinoaméricaines parlent souvent du féminisme comme une dimension "sensible", de compréhension envers elles-mêmes. Ca te parait juste ? Pourquoi ?
Oui parce que cela place et légitime l’expérience propre et la corporalité face au monde, qui encadre les expériences de vie des femmes dans les contextes domestique ou romantique, et ne les considère pas comme un savoir vital pour la transformation du système. Le féminisme légitime mes expériences de vie, mes ressentis, croyances, non comme un phénomène statique mais plutôt comme point de départ pour des analyses et réflexions profondes sur le "où j’en suis" et quels chemins je peux suivre pour me transformer et me trouver.
- Tu parles beaucoup de soin et de guérison (sanación)…. Parce que tu es dans une organisation qui travaille contre les violences sexuelles, mais est-ce que ca évoque aussi un soin, un nettoyage des processus installés par le patriarcat ?
La sexualité est un concept que le patriarcat a encadré ou limité à la génitalité et au coït hétérosexuel, mais pour les femmes la sexualité implique la construction de tout son être en fonction du respect d’un contrat sexuel. Je crois que la violence sexuelle pour nous commence quand on nous apprend à construire notre identité en fonction d’un pénis, c’est-à-dire la domestication de notre désir. Etre désirée devient l’alpha et l’oméga. Je crois que nous les femmes avons besoin de construire un imaginaire sur la sexualité qui nous permette une vraie autonomie et liberté, et pour cela la guérison est un outil très important. Pourquoi j’existe ? Pour quelle raison j’existe ? Pour être désirée? Non. La guérison m’aide à découvrir mon propre chemin, en décodant ces injonctions pour les sortir de mon corps.
- Tu travailles avec des femmes indigènes. Comment est le féminisme indigène ? Quelle sont ses luttes et défis ?
Dans le cas d’Actoras de Cambio (l’organisation dans laquelle je travaille), nous prenons le féminisme comme une bannière à laquelle les femmes doivent adhérer. Nous utilisons les outils que nous donne le féminisme pour l’analyse de nos propres vies, et ce que nous cherchons c’est construire ensemble à partir de nos propres expériences. D’autres femmes mayas féministes se revendiquent du féminisme communautaire, qui récupère la connexion au corps comme espace de reconnaissance et d’affection, le territoire comme un espace dans lequel les diverses communautés se développent, le temps des femmes et le temps des hommes comme espaces d’inégalités qu’il faut analyser, le mouvement comme possibilité de créer un corps social différent. Je crois que leurs luttes les plus importantes sont :
- La légitimation de leur construction politique à l’intérieur d’espaces communautaires machistes
- La défense de leurs territoires face à l’exploitation et l’expropriation de la part de grandes entreprises multinationales et de l’Etat
- La reconnaissance de leurs spiritualités et manières ancestrales de guérir
- Le racisme qu’elles affrontent de la part du monde, et aussi de la part d’espaces féministes occidentaux.
Actoras de Cambio s’identifie beaucoup avec cette proposition politique car elle cherche, à partir de la guérison individuelle dans le collectif, en construisant dans cet espace un positionnement de transformation dans les communautés, et en ce sens agir pour réussir cette transformation. Les défis des femmes mayas que nous accompagnons sont les mêmes que les femmes mayas qui décident de s’organiser pour leur propre bien-être, qu’elles s’appellent féministes ou non. Dans notre cas, les défis sont :
- La violence machiste qui surgit face à des dénonciations publiques de violence sexuelle
- La solidarité entre agresseurs, qui s’étend jusqu’aux autorités communautaires et à l’Etat
- Les croyances enracinées de ce que signifie "être une bonne épouse"
- La peur du changement que nous avons en tant que femme, comme le risque de perte des liens affectifs communautaires
Lien en français expliquant l'action de Actoras de Cambio
J'ai demandé à Xenomorf quelques précisions sur certains des points évoqués dans l'interview. Voici ce qu'il en dit.
Le soin et la guérison... c'est lié au fait qu'Actoras de Cambio (la Collective Actoras de Cambio, elles ont féminisé le nom commun) travaille dans la guérison de femmes victimes de violences sexuelles de masse pendant le "conflit armé" (1960/1996,une tentative de génocide. Violence niée, impunité des tortionnaires (les premiers procès concernent les généraux, et ont commencé il y a juste quelques années), stigmatisation au quotidien dans leurs communautés depuis... le tout dans un cadre très raciste où la femme indigène est encore moins considérée que l'homme et où la violence domestique est très forte (le Guatemala est un des 10 pays les plus violents du monde à l'égard des femmes). La médecine moderne ne les regarde que très peu, ses outils ne conviennent pas vraiment à la façon indigène de voir le monde et Actoras a du faire un mix entre thérapies alternatives, de groupe, communication non violente, analyses féministes dans un sens éducation populaire (donner des outils aux gens pour s'empouvoirer, c'est aussi la charge supplémentaire du mot guérison), une méthode de gestion du projet qui favorise l'autogestion, etc. avec des cérémonies maya pour se raccrocher à leur identité première, des touches de spiritualité asiatique aussi, des massages... tout cela pour l'état d'esprit et la méthode, qui donne sens à du travail concret de mise en réseau de femmes relais, un lien fort avec des enseignants et les enfants, hommes et femmes (changer les mentalités pour le futur), l'élaboration d'outils de sensibilisation, de mémoire, de témoignages de vie, des évènements culturels publics où ses femmes se réapproprient leur histoire.
Au-delà de centaines de femmes libérées, qui se sentent mieux et qui le disent, qui deviennent aussi des référentes au quotidien contre la violence, parfois contre les institutions, un réseau informel d'aide aux femmes qui s'enfuient, un autre modèle pour leurs filles, qui s'impliquent massivement... ben il y un groupe d'une dizaine de femmes Ixil victimes, abandonnées sauf par quelques ONG de femmes, qui a fini par réussir à témoigner au procès de Rios Montt en 2013.
L'idée est je crois que la guérison est à plusieurs niveaux, la guérison personnelle du traumatisme, la guérison de leur situation personnelle maintenant, la guérison de leur communauté et de leur société (face à une société raciste, capitaliste et patriarcale à outrance), mais aussi la guérison de l'estime de soi, d'une dignité bafouée au quotidien... Je crois que c'est en ce sens que Vicky parlait (d'ailleurs on utilise plus le mot "sanacion" au sens de processus, que le verbe "sanar", comme si c'était abouti). Guérison de traumatismes, et guérison de processus et schémas mentaux toxiques pour reprendre prise sur sa vie...
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- Te puedes presentar ?
Virginia, feminista, mestiza , guatemalteca.
- Desde cuando eres feminista ?
Creo que me empecé a identificar como feminista desde hace 3 años.
-Ocurrio algo en particular o vinio progresivamente ?
Creo que en la medida en la que fui viendo cómo la violencia sexual ha atravesado mi vida, cómo mi ser fue construido desde la minusvalía y la incapacidad, cómo el único poder que me quedaba era el de la víctima. Con esta consciencia sentí la necesidad de llamarme feminista, para colocarme desde otro lugar, para recuperar mi libertad, y tener más posibilidades para elegir. Todo esto lo pude sentir en la medida en la que otras me acompañaron en este proceso de sanación en la colectiva en la que colaboro y que considero parte importante de mi camino.
- te consideras militante ? Que sentido hay atras de esta palabra
Honestamente me siento más identificada con la palabra activista, y mi práctica política esta atravesada por el feminismo, pero no únicamente. El feminismo me ha abierto muchas puertas hacia el autoconocimiento, la reconciliación continua con mi cuerpo, mis deseos, erotismo, autonomía y fuerza. También me ha permitido ver mi enojo, necesidad de competencia y maneras desde la manipulación en las que las mujeres ejercemos violencia y poder. Allí es donde para mí la espiritualidad y la sanación también son parte de mi activismo, parte central para la no repetición y para la no utilización del feminismo como un discurso, en nombre del cual también se puede usar la violencia para descalificar y herir, de hecho por mucho tiempo lo hice con otras y otros, pero eso no me daba verdadera libertad y honestidad conmigo misma.
- te defines como mestiza. En que sentido es algo importante en Guatemala ?
Esta identidad me es útil en este contexto guatemalteco racista que:
Se define ladino como una reafirmación de "no idígena". Es decir una identidad que se basa en la negación de otra o la separación de otras y otros. El término mestiza me es útil para posicionarme frente a esta opresión y decir que lo maya es parte de mí, la negritud es parte de mí, así como lo blanquitud.
- Siempre las feministas latinoamericanas con las cuales estoy hablando hablan del feminismo como una dimension sensible, de comprension hacia ellas mismas. Te parece justo ? Porque ?
Si, porque coloca y legitima la propia experiencia y la corporalidad frente al mundo, que enmarca las vivencias de las mujeres al ámbito doméstico o romántico, no considerada una sabidiría vital para la transformación de este sistema. El feminismo legitima mis vivencias, sentires, creencias, no cómo un fenómeno estático sino más bien como puntos de análisis y reflexión profunda de en dónde estoy y qué caminos puedo seguir para transformarme y encontrarme.
- Hablas mucho de sanacion... porque estas en una organizacion que trabaja contra violencias sexuales, pero seria también una sanacion de procesos instalados por el patriarcado ? En que sentido ?
La sexualidad es un concepto que el patriarcado ha enmarcado o limitado a la genitalidad y coito heterosexual, pero para las mujeres la sexualidad implica la construcción de todo su ser en función del cumplimiento de un contrato sexual, creo que la violencia sexual para nosotras inicia cuando nos enseñan a construir una identidad en función de un pene. Es decir la domesticación de nuestro deseo, el ser deseadas se convierte en un todo. Creo que las mujeres necesitamos la construcción de un imaginario sobre la sexualidad que nos permite la verdadera autonomìa y libertad, para eso la sanación es una herramienta muy importante. ¿Porque existo? ¿Para qué existo? para ser deseada, no. La sanación me ayuda a descubrir mi propio camino decodificando de mi cuerpo estos mandatos.
- Trabajas con mujeres indigenas. Como es el feminismo indigena ? Cuales son las luchas y retos de estas mujeres ?
En el caso de Actoras de Cambio no colocamos el feminismo como una bandera al que las mujeres deben adherirse, usamos las herramientas que nos da el feminismo para el análisis de nuestras propias vidas, y lo que buscamos es construir juntas desde nuestras propias experiencias. Ahora con otras mujeres mayas que se nombran feministas, ellas reivindican el feminismo comunitario, que rescata la conexión con el cuerpo como espacio de afecto y reconocimiento, el territorio como un espacio en el que las diversas comunidades se desarrollan, el tiempo de las mujeres y hombres como espacios de desigualdad que hay que analizar, el movimiento como posibilidad de crear un cuerpo social diferente. Creo que sus luchas más importantes son:
La legitimación de su construcción polìtica dentro de sus espacios comunitarios machistas.
La defensa de sus territorios frente a la explotación y expropiación de las grandes empresas transnacionales y el estado.
El reconocimiento de sus espiritualidades y maneras ancestrales de sanar.
El racismo que enfrentan frente al mundo y también frente a espacios feministas occidentales.
Actoras de Cambio se identifica mucho con esta propuesta polìtica porque busca partir de la sanación personal en colectivo, construyendo en ese espacio un posicionamiento de transformación frente a las comunidades, y en ese sentido accionar para lograrlo. Los retos de las mujeres mayas que acompañamos puede decirse que son los mismos que enfrentan las mujeres mayas que deciden organizarse por su propio bienestar se nombren feministas o no. En nuestro caso los retos que debemos enfrentar son:
La violencia machista que surge frente a la denuncia pública de la violencia sexual.
La solidaridad entre agresores que se extiende hasta autoridades comunitarias y estado.
Las creencias arraigadas de lo que significa ser una buena mujer.
El miedo que las mujeres tenemos al cambio, como una pérdida del afecto de los lazos comunitarios.
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Je souhaite ici voues parler d’un classique de l’aliénation des femmes aux hommes :
* la projection sexiste : la projection sur les femmes des sentiments (interdits) que noues provoquent les hommes par leur violence : mépris, nausée, dégoût, rejet, méfiance, peur, haine, etc.. Cette projection est la source majeure de division des femmes, elle est organisée par les hommes (voir aussi http://www.feministes-radicales.org/2014/09/12/opprimees-divisees-dechirees-qui-tient-le-couteau/ )
* Son mouvement complémentaire est l’attachement traumatique : la projection sur les hommes des souffrances (niées) et des bienfaits (tus, accaparés) issus des femmes. Parmi les souffrances féminines projetées sur les hommes et qui suscitent la pitié au lieu du rejet, il y a l’impuissance, l’impossibilité de trouver sa place chez soi (un lieu à soie) ou dans le monde (être légitime), la naïveté, le risque d’être volée, exploitée ou humiliée, le risque de ne pas être entendue, de voir sa parole niée, en un mot, les risques d’être « castrée » … Parmi les bienfaits qui viennent des femmes mais qui sont projetées sur les hommes et qui provoquent l’amour au lieu de la colère, il y a l’amour, la protection, le courage jusqu’au sacrifice, l’inventivité et l’intelligence singulière, la raison à toute épreuve et la grandeur d’âme, les richesses matérielle et spirituelle.
Prenons trois exemples vécus en une semaine prise au hasard, absolument exemplaires d’une monotonie patriarcale terrifiante.
Une femme se plaint de son copain : il se renferme dans le garage, vient pour mettre les pieds sous la table, il attend qu’elle rentre pour lui faire gérer les problèmes avec les enfants, il se décharge de tout sur elle. Elle comprend : il a eu des deuils il y a trois ans, son père et son frère morts, et puis, elle-même, elle est dure à vivre, elle a son caractère, il a dû mal à trouver sa place, car elle fait tout à sa place … Par contre, elle ne supporte pas sa belle-mère, la mère de Monsieur. Cette femme qui rapporte à manger au couple et gâte les enfants. Bon d’accord elle est seule, elle cuisine des plats qu’on ne peut pas cuisiner pour une personne seule, alors elle offre les restes, ça peut être gentil … mais bon, qu’est-ce qu’elle croit ? que Madame ne sait pas cuisiner ?
Une femme victime d’extrêmes violences conjugales (torture mentale, simulacre de meurtre et tentatives, coups, viols, etc.) a deux enfants, une fille de 4 ans et un fils de 15 ans. Depuis la mise à l’abri de Madame, la fille de 4 ans a des « crises » impressionnantes, elle hurle, se fait mal, et parfois, elle profère des menaces contre sa mère. La mère a l’impression de voir le père : elle a son regard et sa violence verbale. Et puis, elle a « du caractère », elle refuse tout, elle est autoritaire, elle ne la laisse pas tranquille la nuit, la suit partout la journée … Madame pense que « elle est comme lui », comme l’homme qui a failli la tuer. Le frère, lui, ne fait pas de crise. Bon, il « se bagarre » avec sa sœur, il « peut » lui faire mal – mais en même temps, elle le cherche sans cesse, elle lui prend ses affaires pour les mettre dans sa chambre quand il n’est pas là – et il lui est arrivé d’insulter Madame. Il est en pleine crise d’adolescence, et il ne comprend pas que Madame soit « restée » aussi longtemps avec Monsieur.
Une femme aime une autre femme. Elles sortent d’une soirée entre amies. Oubliant un instant qu’elles sont dans un espace public hostile, pour la première fois de leur relation, elles se tiennent par la taille. Moins de 20 mètres plus loin, un homme pose un regard inquisiteur, et les suit du regard, jusqu’à tourner la tête … les deux femmes se lâchent immédiatement et sans concertation, elles n’ont aucun mouvement brusque, comme pour ne pas « provoquer » une escalade. Peu après, l’une d’elle dit à l’autre : « Tu as raison de te protéger, l’espace public est aux hommes, une femme n’est qu’une ombre ou une cible ». L’autre lui répond qu’elle est dogmatique, qu’on ne peut pas généraliser.
*
Je voues invite, dans les commentaires, à me dire ce que voues en pensez, que peut-on voir, et comment on peut l’expliquer.
Je précise quelques éléments :
– en des années, je n’ai jamais entendu de mère me dire, sans nuance, que leur fils est comme leur père, quelle que soit la violence et l’âge de ce fils, alors que l’amalgame est très fréquent concernant les filles, quels que soit leur âge et l’évidence de leur souffrance.
– la fille de 4 ans est chez le père un week end sur deux depuis la mise en sécurité de Madame et le jugement JAF qui a suivi … le frère est assez grand (et c’est un garçon, donc il est entendu) pour décider de ne pas y aller.
– la belle-mère du premier exemple, étant la mère de Monsieur, a aussi eu deux deuils.
Dans quelques jours je récolterai vos réponses et voues donnerai aussi mon analyse.
merci.
L’article Projection sexiste et attachement traumatique est apparu en premier sur Féministes radicales.
"Equality in the realm of sex is an antisexual idea if sex requires domination in order to register as sensation."
Andre Dworkin, Intercourse.
Elle travaille dans un magasin de bricolage, qui, depuis peu, peut ouvrir le dimanche. Un accord d'entreprise permet que les salariés seront payés double ce jour-là (et cela n'est pas le cas dans toutes les entreprises). Elle a deux enfants, est mère célibataire et travaille à temps partiel dans cette entreprise.
Son supérieur lui propose de travailler désormais les dimanches ; un rapide calcul lui permet de se rendre compte qu'elle n'a aucun avantage à accepter sa proposition (faire garder ses enfants les dimanches travaillés lui coûterait trop cher) et elle refuse. Son supérieur la menace alors de la pousser à la faute et de la virer pour faute grave.
Elle accepte de travailler le dimanche.
Est-ce qu'elle a consenti à ces heures de travail dominicales ?
Elle était confrontée à deux possibilités :
- travailler le dimanche, ce qu'elle ne souhaite pas faire et garder son travail
- ne pas travailler le dimanche, suivre son souhait et perdre son travail
(Il y a évidemment une 3eme option qui consisterait à faire appel à un syndicat, aller aux prudhommes mais pour la démonstration on ne l'abordera pas ici).
Chacun-e constatera que les deux possibilités ne sont pas équivalentes. Elle est une salariée précaire, avec deux enfants à charge et ne peut prendre le risque d'être renvoyée. Consentir à quelque chose nécessite d'avoir le choix entre plusieurs propositions à peu près équivalentes ce qui permet de faire un choix éclairé. Elle ne consent donc pas à travailler le dimanche, elle cède sous la menace.
Faisons un bref aparté, sur le terme "choix éclairé". Il est bien évident que nous subissons des déterminismes sociaux et qu'un choix apparemment libre est aussi fait en fonction de ces différents déterminismes ; une mère célibataire précaire est justement à cause de ce qu'elle est soumises à des déterminismes qu'il est difficile pour elle de combattre. Pour autant nous ne sommes pas faits que de ces déterminismes - du moins je ne le crois pas - sinon on ne pourrait simplement pas parler de consentement.
Autre cas. Elle travaille dans cette entreprise de bricolage qui ouvre désormais le dimanche. On lui propose de faire des heures le dimanche sans pression extérieure (même si évidemment les propositions d'un supérieure, surtout envers un-e salarié-e précaire - sont difficiles à appréhender comme "sans pression"). Son réfrigérateur a récemment claqué et il n'est pas possible avec deux jeunes enfants de faire sans ; cela nécessiterait de faire les courses au jour le jour, donc d'acheter en petite quantité ce qui coûte beaucoup plus cher. La seule possibilité pour racheter un réfrigérateur est de faire un crédit à la consommation, seul type de crédit ouvert aux travailleurs précaires comme elle. Les heures du dimanche payées double présentent donc un intérêt car elle pourra sans doute escompter une augmentation de 150 euros par mois ; ce qui lui permet de se payer un réfrigérateur rapidement. Elle fait le calcul de ce que va lui coûter son travail du dimanche (lever tôt les enfants un weekend, les emmener chez sa mère, un temps de trajet allongé car il y a moins de bus le weekend, retourner chez sa mère, récupérer les enfants etc) et ce que cela lui coûtera de ne pas les faire ; l'obligation de faire un crédit à la consommation qui la mettra dans de grandes difficultés très durablement.
Elle a fait un choix entre deux propositions, aucune des deux n'est réellement très réjouissante pour elle. En sociologie, on parle d'agency (agentivité en français) c'est-à-dire la capacité d'un sujet à agir dans un contexte où il ne domine pas forcément. "L’agency renvoie alors à une puissance d’agir qui n’est pas une volonté inhérente au sujet, plus ou moins attestée, mais le fait d’une individue qui se désigne comme sujet sur une scène d’interpellation marquant la forte présence d’un pouvoir dominant. " Dans le cas qui nous occupe, elle fait effectivement un choix qu'on ne peut nier, mais lié à de fortes contraintes économiques pesant sur elle et sa famille. On peut être agent (agir donc) et aussi victime de ce choix ; nul doute qu'elle aura de lourdes contraintes à travailler le dimanche. Mais elle a estimé que dans son contexte, c'était le "moins pire" des choix s'offrant à elle.
Peut-on ici parler de consentement ? C'est plus difficile de trancher. Avait-elle vraiment le choix de refuser ce travail du dimanche ?
Cela rappelle une phrase de Romeo et Juliette, rappelée par Nicole-Claude Mathieu " My poverty, but not my will, consents" (ma pauvreté et non pas volonté, consent").
Autre cas. Elle est toujours dans la même situation avec un réfrigérateur toujours en rade. Sa mère lui a proposé de lui en payer un mais on lui propose aussi de faire des heures de dimanche. Là encore, elle pèse le pour et le contre et décide de faire des heures de dimanche plutôt que de dépendre de sa mère qui ne manquerait pas de lui faire payer le frigo par des remarques assassines. Là encore elle a eu le choix entre deux possibilités et a choisi celle la plus intéressante pour elle.
A travers ces différents exemples, on constate que la question du consentement, du choix n'est pas simple à trancher. Mais alors qu'en est-il au point de vue sexuel ? Il ne s'agit évidemment pas de comparer le travail du dimanche et le sexe mais de justement démontrer que si c'est déjà compliqué de décider du consentement d'une personne dans le cas d'un travail alors cela l'est encore davantage dans le domaine sexuel puisque le sexe n'est pas - et ce dans aucune société à ma connaissance - considérée comme une activité "comme une autre". Si nous avons justement des lois sur les crimes sexuels, c'est parce que le consentement en matière sexuel est considéré comme plus important que le consentement dans d'autres domaines.
Rappelons que je ne suis pas ici en train de parler de consentement au sens légal du terme (la loi française n'emploie d'ailleurs même pas le mot "consentement"). Inutile donc devenir m'expliquer qu'il y a viol ou pas viol ; cela n'est pas le sujet.
Comme le rappellent plusieurs féministes (Mathieu, Dworkin) on ne peut faire comme si les femmes étaient des sujets égaux aux hommes dans une société marquée par la domination masculine ; on ne peut faire comme si les mêmes contraintes pesaient sur les femmes et les hommes ou comme, comme certain-es l'ont prétendu, on pouvait inverser les rôles dans un contexte sexuel hétérosexuel. Pour Dworkin il devient extrêmement difficile de parler de consentement dans la sexualité hétérosexuelle dans la mesure où elle est entièrement axée sur la pénétration du vagin par le pénis. Les termes utilisés sont en eux mêmes masculino-centrés ; on parle de pénétration par le pénis et non pas par exemple d'absorption par le vagin. La plus grande pauvreté des femmes - et ce partout dans le monde - les rend moins aptes à consentir. Mathieu rajoute que le fait d'être constamment en charge des enfants, de devoir être à la disposition, d'avoir continuellement l'esprit occupé par eux, empêche parfois et souvent de se concentrer sur ses propres droits, ses envies, ses désirs. Dworkin montre enfin que les rapports sexuels sont sinon une obligation dans le mariage du moins une condition du mariage (sinon on parle de mariage blanc), il devient donc difficile de parler, en leur sein, d'un acte pratiqué librement par les femmes. Enfin rajoutons qu'on nous éduque tous et toutes à croire qu'un homme non satisfait sexuellement devient potentiellement dangereux, il semble donc compliqué là encore de penser que les femmes ont toute latitude à consentir à un acte hétérosexuel.
Même si je souscris, sur ce sujet, aux positions de Dworkin, je considère qu'elles ne peuvent être utilisées hors d'un cadre théorique puisque nous avons besoin de savoir, au delà du "les femmes en tant que classe dominée ne consentent jamais" comment on reconnait le consentement dans nos relations.
On aura compris que le consentement consiste à pouvoir choisir entre plusieurs propositions qui ont toutes un intérêt équivalent.
Dans le domaine sexuel, consentir consiste à avoir le choix entre oui et non et que ce oui et ce non aient la même valeur.
- si dire "non" va vous valoir un poing dans la figure : vous ne consentez pas.
- si dire "non" va vous valoir des menaces d'en parler à vos parents/collègues/voisins, de diffuser des photos de vous nu-e, vous ne consentez pas.
Pourquoi ne consentez-vous pas y compris dans le deuxième cas ? Car les deux propositions n'ont pas un intérêt égal.
Dans le cas de la menace de la divulgation des photos, vous êtes face à deux propositions :
- être contrainte à coucher avec quelqu'un
- ne pas coucher avec lui et voir les photos de nue diffusées ce qui vous apportera beaucoup d'ennuis, et ce durablement.
Ces deux propositions ne vous laissent pas la possibilité de choisir en y trouvant un quelconque intérêt ce qui est le deuxième point en matière de consentement ; il faut y trouver un intérêt, quel qu'il soit.
Abordons maintenant un exemple courant vécu par beaucoup de femmes vivant en couple hétérosexuel. Les statistiques ont montré que plus les couples hétérosexuels ont des enfants, plus la charge de travail domestique (incluant les soins aux enfants) des femmes augmente, alors que celle des hommes n'augmente que très peu voire diminue. (au passage, le lien inclut le bricolage et le jardinage, tâches que des hommes sont toujours prêts à brandir aux féministes pour justifier l'inégalité en matière de tâches ménagères ; on ose espérer qu'on n'y reviendra plus après qu'ils aient vu ces statistiques ).
Prenons le cas d'une femme, 3 enfants donc 2 de moins de 3 ans et qui travaille à temps complet. C'est elle qui s'occupe principalement des enfants. Son temps de sommeil est donc plus que réduit et sa fatigue extrême. Son mari lui demande régulièrement d'avoir des rapports sexuels le soir.
Elle a calculé qu'elle a environ 3 heures de sommeil entre deux réveils d'enfants.
Deux possibilités s'offrent donc à elle :
- ne pas céder à son mari et voir ses précieuses minutes de sommeil gaspillées par les plaintes du mari qui supplie, demande, feint de promettre je ne sais quoi
- céder à son mari et dormir rapidement ensuite.
Y-a-t-il consentement ?
Les deux propositions qu'elle a n'ont que peu d'intérêt ; les deux sont très contraignantes pour elle. C'est la fameuse phrase féministe "céder n'est pas consentir" qui signifie justement que si les deux propositions ne sont pas d'un intérêt à peu près équivalent, alors on ne consent pas. On cède.
Mais est ce que le consentement c'est le désir ?
Je crois qu'il convient de dissocier les deux ce qui ne signifie pas pour autant que le désir n'est pas important.
De manière schématique les hommes sont éduqués à voir leur désir comme mécanique (l'érection), naturel, quasi spontané et instinctif. C'est un désir qui doit être satisfait car un homme non satisfait sexuellement (la fameuse "misère sexuelle") fait n'importe quoi ; c'st ainsi qu'on nous explique que c'est à cause de leur célibat que certains prête sont pédocriminels. (alors que l'immense majorité des pédocriminels est marié).
Le désir des femmes est plutôt lié aux hommes et à l'amour qu'elles leur portent ; on entend ainsi souvent que le désir des femmes est "cérébral", "lié à l'amour". Les femmes sont davantage éduquées à faire plaisir aux hommes (souvenez vous du désormais célèbre article de Elle, la pipe le ciment du couple - "et la cyprine c'est du MAP?" ai-je envie de demander).
Il importe donc, évidemment, d'expliquer aux adolescentes que leur désir est important, que leurs envies le sont également.
Pour autant, on peut consentir sans aucune envie ; une adolescente peut décider d'avoir des rapports sexuels pour faire comme les autres, pour se débarrasser de sa virginité. Elle n'a pas forcement de désir sexuel mais elle consent bien.
Et à l'inverse, comme on me l'a fait remarquer sur twitter, on peut très bien désirer et ne pas consentir. On peut avoir envie de sexe mais se sentir trop fatigué, avoir mal au crâne, une cystite, bref d'autres choses à penser et à faire.
Consentement et désirs ne sont pas liés. Encore une fois, je le répète il est extrêmement important d'inculquer aux ados que le désir des femmes est important et qu'on doit en tenir compte (car on tient en général compte du désir des hommes du moins dans les couples hétérosexuels cisgenres). Mais on peut consentir sans désir et désirer sans consentir.
Consentir peut donc se définir comme le fait, comme je l'ai déjà expliqué d'avoir le choix clair, formulé, explicite de pouvoir dire non.
Peut-on dire non sans craindre des conséquences désagréables ? Peut-on dire non en se sentant en l'aise, sans avoir peur ?
Et à l'inverse comme la question m'est souvent posée par des hommes, comment reconnaît-on le consentement ?
Le consentement ne se reconnait pas à des phénomènes physiques ; si votre partenaire à une érection, ou mouille, il ou elle ne consent pas forcément.
Si vous la connaissez, demandez. Si vous la connaissez peu ou pas, demandez encore plus. Vous considérerez que demander nuit à l'excitation ? j'en avais parlé dans ce texte nous avons en effet été éduqué-es dans l'idée que le non consentement sexuel féminin est excitant. Pour autant cela peut et cela doit changer. Donc demandez. Pas la peine de faire des longues phrases. Et au moindre doute, si vous avez l'impression que quelque chose ne va pas, que la personne se force éventuellement, ne vous dites pas que cela la concerne et qu'elle n'a qu'à s'exprimer. Si vous vous êtes senti assez proche d'elle pour avoir des relations sexuelles alors vous pouvez vous sentir assez proche d'elle pour faire attention aux non-dits éventuels.
Un acte sexuel n'implique pas que la personne consent à la totalité des actes sexuels possibles et imaginables ; le consentement se redemande pour chaque acte sexuel.
C'est désagréable et tue l'amour selon vous ? Demandez vous plutôt pourquoi vous pensez que savoir que l'autre est consentant-e est tue l'amour.
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Les députéEs examineront mercredi 3 février, en avant-dernière lecture à l'Assemblée nationale, la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel et l'accompagnement des personnes prostituées. A l'issue d'un travail parlementaire transpartisan de près de six années, notre association de soutien aux personnes prostituées accueille avec solennité et émotion une étape décisive vers l'adoption définitive de cette proposition de loi.
Les trois premiers pays au monde à avoir inversé la charge pénale des personnes prostituées vers les clients prostitueurs font aussi partie des quatre pays ayant obtenu en 2015 le meilleur classement mondial en matière d'égalité femmes-hommes. La Suède (1999), la Norvège (2009) et l'Islande (2009), ont ainsi mis fin à cette injustice historique qui consiste à réprimer les victimes du système prostitutionnel et à préserver l'impunité de ceux qui leur imposent un acte sexuel par la contrainte économique.
La France s'apprête aujourd'hui à rejoindre les nations pionnières de l'égalité femmes-hommes, et va même plus loin en proposant, conformément à sa tradition abolitionniste, un modèle global articulant protection des victimes, sanction des auteurs, mais aussi une politique d'alternatives à la prostitution et de prévention en direction des nouvelles générations.
Présent chaque année dans 27 départements auprès de 5000 personnes prostituées et accompagnant plus de 1500 d'entre elles dans leurs démarches sociales, médicales, administratives, juridiques, contentieuses, de formation et d'insertion professionnelle, le Mouvement du Nid salue particulièrement l'adoption des mesures suivantes [1] :
Le 6 décembre 2011, l'Assemblée nationale adoptait à l'unanimité une résolution réaffirmant la position abolitionniste de la France, dont l'objectif est, à terme, une société sans prostitution. Cette résolution dénonçait pour la première fois les violences inhérentes à la prostitution et l'obstacle à l'égalité entre les femmes et les hommes qu'elle constitue. Le 26 février 2014, le Parlement européen adoptait une autre résolution affirmant que la prostitution et son exploitation contrevenaient au principe d'égalité entre les femmes et les hommes garanti par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
Le 3 février, les députéEs auront une occasion historique de convertir ces principes en réalité législative et d'engager la France dans un nouveau modèle institutionnel garantissant la protection des victimes, le développement d'une politique de sortie de la prostitution, la pénalisation des proxénètes et "clients", et la prévention de la prostitution auprès de nouvelles générations.
C'est dans ce contexte et pour ces raisons que le Mouvement du Nid, tout comme les 60 associations du collectif Abolition 2012 et de nombreuses personnalités et institutions du monde associatif, social et médical, juridique (voir ci-dessous) invitent les députéEs à adopter définitivement la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel et l'accompagnement des personnes prostituées.
Elles-ils soutiennent l'adoption de la PPL renforçant la lutte contre le système prostitutionnel et l'accompagnement des personnes prostituées[1] Le texte de la proposition de loi est disponible sur le site de l'Assemblée nationale.
Faire du vagin et de l'utérus les moyens par lesquels passerait l'émancipation des femmes d'aujourd'hui serait une régression en termes de reconnaissance d'une égale dignité de toutes les personnes. L'égalité entre les femmes et les hommes passe par le respect de règles communes, qui protègent contre l'aliénation et l'exploitation des personnes et de leur corps.
- Biotechnologies, GPA, PMAPour le rapport "Droits humains et questions éthiques liées à la gestation pour autrui", la Commission des affaires sociales de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a nommé comme rapporteure la sénatrice belge Petra de Sutter. À cette occasion, en janvier 2015, la sénatrice a présenté devant la commission une déclaration de non-conflit d'intérêts.
- Biotechnologies, GPA, PMADéjà, la commission parlementaire des Relations avec les citoyens avait refusé d'entendre notre association au sujet de la nouvelle politique d'immigration à l'hiver 2015. Mais, encore une fois, notre demande d'être entendu-e-s sur le projet de loi 77 a été ignorée.
- Laïcité, démocratie, droits, égalité des sexes, intégrismeSurvivantes de la prostitution est un documentaire clé pour comprendre les mécanismes du système prostitueur à partir de l'expérience même de celles qui l'ont vécu et désormais le combattent. Notre délégation des Alpes-Maritimes vous espère nombreux pour voir ce film dynamique et touchant puis débattre à l'issue de la projection !
Soirée documentaire et débat
mercredi 27 janvier 2016 de 19h00 à 21h00
Au Court-Circuit Café
4 rue Vernier 06000 Nice
09 82 31 65 33
Tram Gare SNCF ou Libération
Entrée libre.
Survivantes de la prostitutionRosen Hicher et Laurence Noëlle ont connu l'expérience de la prostitution. Aujourd'hui, elles militent pour l'abolition du système prostitueur et vont à la rencontre d'autres victimes de cette violence qui les a marquées à vie. Documentariste aguerri, Hubert Dubois filme, d'avril à décembre 2013, un moment charnière de leur engagement.
À lire sur le site de notre revue.
Les crimes sexuels de masse dont des femmes européennes ont été victimes au Nouvel An soulèvent une question essentielle ; si ces femmes avaient été voilées, auraient-elles été agressées par ces hommes arabes ? Je pense que non.
- Agressions misogynes à Cologne et en EuropeIl y a quelques années, il était très à la mode de présenter les Na comme un "paradis sur terre" et un "matriarcat". Il y avait évidemment des préjugés exotisants, racistes et sexistes derrière ces visions d'Epinal. J'avais fait un bref résumé du livre de l'anthropologue Cai Hua il y a quelques années ; en voici une version plus complète.
Ce livre aide également à comprendre qu'il existe d'autres systèmes de parenté que celui que nous connaissons ; sans nul doute les Na seraient étonnés d'entendre parler de "un enfant c'est un papa, une maman".
Pour comprendre le système de parenté Na, il est nécessaire de connaître ces deux termes :
Société matrilinéaire : l’appartenance d’un individu au clan, à la lignée est déterminée par sa lignée maternelle. La paternité peut être reconnue mais elle n’est pas prise en compte dans la filiation.
Société matrilocale (uxorilocarité) : après le mariage, les époux vivent chez ou près de la famille de la mère.
L'ethnie Han, majoritaire en Chine, appelle 4 peuples du Yunnan et du Sichuan les "Mo-so" :
- Les Nasi (210 000 en 1950)
- les Na (30 000)
- Les NaRu (7000)
- Les Nahing (3000)
Cai Hua s'appuie sur des études des années 50 pour expliquer la structure sociale des Na. Il y a trois strates sociales chez les Na qu'on peut diviser entre aristocrates, peuple et serfs. Tous ont des règles d'habillement et d'architecture différentes selon leur statut. Les règles de transmission statutaire varient également. Chez les aristocrates hommes, elles sont paternelles, chez les femmes, maternelles. Chez les serfs elle sont parallèles c'est-à-dire que si une serve vit avec un roturier, les fils seront roturiers et les filles serves. Si un serf vit avec une roturière, les fils seront serfs et les filles roturières. Si un roturier est avec une femme aristocrate, il y aura une transmission paternelle du statut . Pour un roturier en visite (on verra ensuite ce que signifie ce terme), il y aura apparemment une transmission maternelle du statut mais cela peut parfois être une transmission parallèle.
Les Na ont deux religions ; le daba (le prêtre est forcément un homme) et le bouddhisme tibétain.
Les mythes autour du fœtus.
Les Na savent qu'un homme et une femme doivent s'accoupler pour faire un enfant. La femme est comparée à une terre arrosée par l’homme. C’est un génie qui met les fœtus dans le ventre des femmes, cinq mois après leur naissance. Le foetus est donc vue comme une herbe qui a besoin d'eau (le sperme de l'homme) pour grandir. Selon un mythe, le génie aurait voulu les mettre dans le mollet des hommes mais cela les aurait handicapés pour aller chercher du bois dans la montagne.
L'hérédité vient toute entière de la mère.
La matrilinéarité
Les Na vivent dans un système matrilinéaire. Prenons un individu, mâle ou femelle, appelé Ego ; Ego vit dans la famille de sa mère avec sa mère, ses tantes, ses oncles, bref tous les individus issus de sa lignée maternelle. Ego n’a pas de père, pas d’oncle paternel, pas de grand père paternel.
Il y a deux chefs dans cette famille. L'homme s’occupe des affaires extérieures : il contacte les étrangers pour la terre, le bétail et l'entraide, il préside aux festins, il va aux invitations.
La femme s’occupe des affaires intérieures : la distribution annuelle des vêtements, la gestion des réserves et des dépenses, l'organisation du travail au foyer et aux champs, le service quotidien des offrandes aux ancêtres, la préparation et la distribution des repas quotidiens, la préparation des repas de fêtes, des cadeaux et des dons. C'est elle qui sert les repas.
Il y a un chef qui prend le pas sur l'autre, celui ou celle qui est le plus expérimenté. Dans la majorité des cas c'est un homme.
L’interdit de l’inceste
L’interdit de l’inceste existe chez les Na mais il s’exprime différemment. On ne parle jamais de sexe dans la famille matrilinéaire entre membres du même sexe. On ne s’insulte pas parce qu’une insulte pourrait être à caractère sexuel. Si un homme veut faire une remarque à une fille sur quelque chose de sentimental, il le confie à un étranger qui le communiquera à la fille.
La mère est la seule qui peut parler de sexe à ses fils, mais de façon très discrète.
Un garçon et une fille de cette famille ne peuvent être ensemble la nuit, ni se baigner ensemble, ni danser cote à cote, ni se mettre à côté au cinéma ou regarder ensemble la télé (au cas où il y aurait un programme évoquant le sexe).
Les frères et sœurs vivent donc ensemble et ont donc une relation ressemblant à une relation entre mari et femme mais sans sexe et sans possibilité de divorce.
S'il n'y a pas assez d'hommes ou de femmes dans une lignée, on peut adopter soit une personne, soit une lignée entière.
On considère que la puberté est à 13 ans et sanctionnée par une cérémonie ; avant cet âge, garçons et filles portent des robes.
Le système des visites
La relation qui se noue entre un homme et une femme s’appelle açia. Hommes et femmes affirment leur désir de nouer une açia, de façon égale.
La visite furtive "nana sésé"
Si chacun s’est mis d’ accord pour nouer une açia, l’homme va alors aller chez la femme pendant la nuit. Une femme n’a pas le droit d’aller chez un homme et serait mal considérée si elle le faisait (trop "ardente", comparable à "une truie"). Il n’est pas rare de voir plusieurs garçons demander à la fille s’ils peuvent venir ; c’est le plus convaincant qui rentrera. Parfois un garçon s’introduit dans la chambre de la femme par surprise ; la fille doit lui dire de façon claire si elle accepte cette relation ou pas. On ne sait pas à quel point la fille peut refuser une relation ; si elle le fait de façon trop bruyante, les membres masculins de sa famille pourraient l’entendre et il y aurait inceste.
La jalousie n’existe pas dans l’açia et ceux qui auraient une relation exclusive seraient mal vus.
Il y a des cadeaux, de l’argent donné entre partenaires mais cela n’est pas assimilé à de la prostitution.
S’il naît un enfant de cette relation, il reste donc chez la famille de sa mère. On peut savoir qui est son géniteur (si la femme n’avait qu’une açia), mais celui ci ne représente rien et est un étranger. L’açia est une relation privée, entre partenaires, qui s’arrêtera quand l’un des eux le veut. Ils sont açia le temps que dure la relation, plus ensuite et peuvent le redevenir.
Il est interdit d’avoir des açia avant 13 ans et mal vu après 50 ans. L'açia commence en général vers 15 ans pour les filles et 17 pour les garçons.
L'homme comme la femme peuvent prendre l'initiative de proposer une açia. Pour montrer qu'on souhaite en nouer une, on peut emprunter quelque chose ; par exemple une fille va saisir le paquet de cigarette d'un garçon. S'il lui demande de lui rendre immédiatement, c'est qu'il ne souhaite pas nouer une açia. S'il lui demande de lui rendre plus tard, c'est qu'il est d'accord et qu'il viendra la visiter la nuit prochaine.
On peut avoir plusieurs açia en une nuit. Les anciens ne peuvent pas imposer une açia aux jeunes. L'açia n'existe que dans l'instantanéité. Il vaut mieux qu'elle ne dure pas trop longtemps sinon les partenaires peuvent subir des moqueries.
La visite ostensible "gepié sésé"
On commence toujours par la visite furtive mais si on l’entend bien, on peut envisager une açia durable. La visite ostensible se fait toujours de nuit mais l'homme peut être vu par les membres de la famille de celle qu'il visite.
Il y aura alors un devoir : le privilège des relations sexuelles. Cela ne veut pas dire que l’açia n’existe plus ; simplement si un homme arrive chez une femme avec qui il est en visite ostensible et que celle ci est avec un autre homme, celui ci doit s’en aller. Chacun peut rompre quand il le veut.
La cohabitation "ti dzï jï mao the"
La cohabitation devient nécessaire lorsqu'il manque des femmes ou des hommes dans une lignée.
C’est celui ou celle qui manque de membres dans sa famille qui va aller chercher quelqu’un. Celui qui part cohabiter doit être sûr-e que sa lignée l'accepte. Il y a donc uxorilocalité s'il manque des hommes dans une famille (l'homme va habiter dans une famille où il y a "trop" de femmes). Il y a virilocalité s'il manque des femmes. Il peut y avoir néolocalité en cas de conflit. La cohabitation commence toujours par une açia.
Le mariage "jï the ti dzï"
Le conjoint ou conjointe doit être non consanguin (ne pas appartenir à la lignée matrilinéaire).
Le chef de la lignée preneuse va demander au chef de la lignée donneuse. Le mariage est comme un don et celui ou celle qui va habiter chez l’autre prend son nom.
Le mariage est généralement virilocal (la femme va habiter chez la famille de l'homme). Il y a très peu de mariages. Le mari est appelé "oncle maternel" par les éventuels enfants de la femme. Mari et femme n'ont pas de lit conjugal et ne dorment pas ensemble. Ils ne peuvent pas être pris en photo ensemble car cela soulignerait qu'ils ont des relations sexuelles.
Si la femme part la famille du mari peut demander le remboursement de la dot. L'inverse n''existe pas, on estime que le travail fourni par l'homme suffit à rembourser.
Celui ou celle qui part dans la famille de son mari ou de sa femme adopte son nom.
Le chef doit se marier et pratiquer la polygynie afin de transférer au maximum ses pouvoirs.
D’autres mythes
Voici comment s'explique le système des visites. Durant une nuit, hommes et femmes devaient effectuer un long parcours et traverser 12 portes ; derrière la 12eme se trouvait l'être aimé. Au lever du soleil, la femme était arrivée à la 8eme porte, et l'homme à la 3eme, seulement. Les dieux en ont déduit que la femme avait trop d'énergie et qu'il serait plus raisonnable que ce soient les hommes qui visitent les femmes et non l'inverse.
Le mode de vie des Na a été durement réprimée par l’ethnie Han.
Après 1950, les Han ont jugé que les Na souffraient de trop de MST et de problèmes de consanguinité. Ils ont donc fait une première réforme en 1958 où ils préconisaient la monogamie. En 1960 et 1971, ils ont tenté d'imposer la monogamie. En 1974, ils ont imposé en plus des contraintes administratives. Les Na pratiquent donc leurs coutumes de façon plus discrète.
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Soir après soir, les militantEs du Mouvement du Nid des Alpes-Maritimes tiennent le journal de leurs sorties à la rencontre des personnes prostituées.
Sous les abribus, sur les trottoirs, à l'entrée des stations d'essence, les militantEs vont pas deux, généralement une femme et un homme, parler, écouter et distribuer la carte de l'association, en guise de main tendue et d'éventuelle promesse d'avenir.
L'atmosphère est lourde : clients qui ralentissent, tournent, s'arrêtent, parlementent, négocient, insultent ; voitures qui déposent les jeunes femmes et viennent les reprendre, phares qui se mettent à clignoter quand elles parlent avec les militants (un signal qui les fait stopper net), individus qui observent ces derniers et les prennent à l'occasion en filature...
Il y a celles qui se détournent et ne veulent pas parler, mais aussi toutes celles qui ont un besoin immense d'échange et d'attentions : des sœurs, des cousines (trois du même village de Moldavie), des Roumaines, des Bulgares, des Moldaves, des Nigérianes, souvent scotchées à leur téléphone portable.
Il y a celles qui disparaissent pour laisser place à des inconnues. Celles qui délivrent des récits terribles : les agressions par de vrais cinglés, les actes d'auto-protection qui en disent long (l'une met des collants en plein été pour ne pas se faire tripoter) ; celle qui ne sait pas lire et n'est jamais allée à l'école ; celle qui appelle les clients des cafards...
Les militantEs décrivent les soirées d'anniversaire passées au trottoir, les sanglots d'une "nouvelle", les talons aiguille sortis du sac, l'abattement et la tristesse, les insultes par la vitre ouverte des voitures (sales putains)... Dépositaires de confidences, ils écoutent et viennent en aide dans la mesure de leurs moyens : les unes disent avoir "fait" Paris, Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, et vu partout la même misère, les autres souffrent du manque de leurs enfants restés au pays, montrent leurs avis d'expulsion, racontent l'attente sans fin des papiers qui permettraient d'entrevoir un moyen d'échapper à la rue, expriment le désir de trouver un travail : n'importe lequel et j'arrête tout de suite ce boulot de merde.
Inlassablement, la délégation tisse des liens, jette des ponts, permet le dialogue, l'apprentissage de la confiance et de l'amitié. Un pas fondateur vers des contacts plus approfondis à la permanence et, qui sait, un jour, vers un autre avenir...
La respectabilité est un signe de classe et donc un enjeu pour les classes populaires. L'étude porte sur 83 femmes blanches du Nord Ouest de l'Angleterre. La respectabilité joue un rôle essentiel dans l'identité nationale britannique ; certains en ont naturellement , d'autres doivent être contrôlés par de l'état. La famille est vue comme un lieu de stabilité et la femme comme une force civilisatrice. La femme peut être une source de menace pour la société. L'état met donc en place des cours d'éducation domestique afin d'éduquer les femmes des classes populaires. Les femmes qui vont dans ces écoles d'aide à la personnes ont des ressources culturelles féminines à ce sujet puisqu'elles ont déjà des expériences personnelles en termes de soin à la personne au sein de leur famille. Elles se dévaluent et se déprécient lorsque les pratiques institutionnelles enseignées à l'école leur expliquent que ce qui est correct ne correspond pas à ce qu'elles avaient l'habitude de faire. Cela développe leur anxiété qui les prédispose à se responsabiliser.
Quand ces femmes commencent leur stage, elles sont très soumises à l'évaluation et exercent sur elles-mêmes un contrôle permanent. Pour se sentir respectables elles font du bénévolat ce qui les conduit à être exploitées.
Elles cherchent à dissimuler leur appartenance de classe ; cette dissimulation est justement un produit de leur classe.
Il est difficile pour elles de rentabiliser leur appartenance de classe. Elles vont investir dans des vêtements, des pratiques de consommation, des loisirs. Elles aspirent ainsi à une classe supérieure imaginaire et fantasmée.
La féminité :
Les femmes des classes populaires sont ce que la féminité n'est pas. Elles doivent donc désavouer le sexuel et mettre en scène une apparence et une conduite féminines pour avoir l'approbation et la validation culturelles, puisqu'elles sont vues par défaut comme vulgaires.
La féminité devient une ressource culturelle leur permettant d'éviter un déclassement.
Pour ne pas mettre en danger leurs investissements, elles se font complices de la féminité qui est une catégorie inhospitalière et davantage une nécessité qu'une souhait. La féminité reste en effet une catégorie de classe.
L'hétérosexualité :
L'hétérosexualité consolide la respectabilité et en est un marqueur puissant. Il est très difficile pour les femmes des classes populaires d'assumer une identité sexuelle (homosexuelle ou hétérosexuelle) car elles cherchent justement à éviter cette sexualisation dans une quête de la respectabilité. Elles "jouent" parfois les lesbiennes pour avoir la paix ; cela leur permet de créer un espace protégé où elles sont ensembles à jouer à être sexuelles sans risquer une perte de respectabilité.
Le féminisme :
S'identifier au féminisme suppose pour les femme des classes populaires de s'identifier à la catégorie "femme" et donc à la catégorie "femme populaire" ce qu'elles refusent. Elles considèrent que le féminisme ne s'adresse pas à elles et ne leur demande pas leur avis. Même le discours d'indépendance du féminisme leur semble lointain car il est prononcé par des femmes trop différentes d'elles. Elles ne savent pas ce qu'elles ont à gagner avec le féminisme que la féminité ne pourrait leur donner. Elles s'intéressent parfois au féminisme après une expérience négative ce qui rattache toujours le féminisme à quelqu'un chose de négatif. Qui plus est le féminisme est vu comme une autorité morale.
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Cette journée d'étude organisée par la délégation du Mouvement du Nid de la Sarthe s'adresse aux acteurs et actrices des secteurs médico-social et éducatif, aux bénévoles associatifs, aux parents... Face aux risques réels encourus par les jeunes aux prises avec le harcèlement en ligne, nos intervenantEs poursuivent trois ambitions : repérer, prévenir et accompagner.
Infos pratiquesÀ l'Auditorium Carré Plantagenêt
2 rue Claude Blondeau au Mans
Avec les soutiens de l'Agence Régionale de la Santé des Pays de la Loire et de la Mission Départementale aux Droits des Femmes et à l'Egalité
Participation gratuite, inscription obligatoire auprès de la délégation avant le 13 janvier 2016
Journée d'étude Le Mans 19/01/16 - bulletin d'inscriptionRenvoyez votre bulletin d'inscription à télécharger ci-contre à la délégation du Mouvement du Nid de la Sarthe
Espace Gisèle Halimi
30 avenue Félix Geneslay 72100 Le Mans
06 78 59 64 78 / [paysdeloire-72@mouvementdunid.org]
Cette journée d'étude aborde les risques de cyber-violences chez les jeunes. Ces phénomènes récents, qui s'avèrent être en plein développement, restent encore méconnus et les jeunes victimes insuffisamment prises en charge.
La matinée sera consacrée à l'approfondissement du rapport des jeunes à l'identité virtuelle, en particulier sur les réseaux sociaux. Nous analyserons ce que recouvre la notion de cyber-violence afin d'en montrer les aspects sexistes et sexuels et les risques encourus par les jeunes. Nous examinerons des situations concrètes de cyber-harcèlement, de chantage sexuel et d'entrée vers la prostitution. Ce sera l'occasion d'étudier comment l'identité virtuelle travaille le rapport au corps, notamment par la pornographie.
L'après-midi, l'étude de cas pratiques permettra de faire le point pour aider les jeunes à se protéger et à déjouer ces risques de violences.
Parmi les thématiques de prévention développées par le Mouvement du Nid, celles de l'égalité filles-garçons, de l'éducation à une sexualité libre et sans violences, du respect de chacun, et de l'estime de soi sont essentielles pour favoriser des attitudes responsables et donner des signaux d'alerte chez les jeunes.
ProgrammeVenez retrouver les militantEs de la délégation du Mouvement du Nid des Bouches-du-Rhône pour une soirée de Galette des reines et des rois citoyenne !
Infos pratiquesMercredi 13 janvier 2016
À 20h00
2 rue de la Loubière 13006 Marseille
Chaque année, nous proposons aux acteurs/trices et aux sympathisantEs d'autres structures, et aux personnes qui ne peuvent pas forcément s'engager sur la durée, de venir partager un temps associatif avec nous.
C'est l'occasion de présenter notre rapport d'activité 2015, de parler de nos perspectives, de l'actualité et des priorités pour 2016 : accompagnement de personnes prostituées étudiantes et de personnes évoluant dans le milieu de la pornographie, prévention auprès des jeunes, sensibilisation du monde juridique, actions en partenariat... Nous ferons aussi le point sur la situation de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel.
Pendant la nuit du nouvel an, de nombreuses agressions sexuelles et parfois des viols ont eu lieu dans des villes allemandes et en Finlande.
Les féministes ont toujours étudié, travaillé, analysé et dénoncé les violences sexuelles. C'est grâce à deux victimes de viol et à leur avocate, Gisèle Halimi, qu'on a pu en 1978, lors du procès d'Aix en Provence comprendre les répercussions psychiques possibles du viol sur les victimes. Les féministes auront également permis de faire reconnaître et condamner le viol conjugal qui sera finalement pris en compte légalement en 1990. Leurs nombreux travaux et études auront permis de connaître le nombre de viols et de tentatives de viols par an (75 000 en France) des agressions sexuelles (13% des femmes allemandes en auraient subi une), le peu de plaintes déposées par les victimes de viol (10% en France). Elles ont également travaillé sur ce qu'est le viol, ce qu'il constitue au niveau sociologique alors qu'il est encore souvent vu par l'ensemble de la société comme l'acte isolé d'un "fou" ou d'un "monstre". Ces dernières années, ont été analysés le concept de culture du viol et celui de harcèlement dans l'espace public.
Les féministes n'ont donc jamais eu besoin d'attendre quiconque pour condamner TOUTES les agressions sexuelles et TOUS les viols, quels qu'en soient les auteurs. Elles ont plutôt l'habitude de prêcher dans le désert au milieu de personnes qui ne les croient pas et minimisent les chiffres des violences sexuelles. Les agressions sexuelles et les viols commis le 31 décembre en Allemagne et en Finlande sont donc évidemment condamnables, comme toutes les autres violences sexuelles.
Le nombre de viols ? Les femmes ne cesseraient de mentir à ce sujet même si toutes les études montrent qu'il y a peu de fausses allégations en matière de viol.
Les victimes de viol sont moquées, humiliées et accusées de l'avoir bien cherché.
Ainsi Lara Logan victime de viol place Tahrir s'est vue reprocher de l'avoir cherché en exerçant un métier d'homme et en étant trop jolie.
Ainsi Nafissatou Diallo s'est vue accusée d'être trop laide pour être violée.
Ainsi Samantha Geimer droguée et violée par Roman Polanski lorsqu'elle avait 13 ans s'est vue reprocher de faire plus que son âge et d'être allée chez l'acteur.
Ainsi Lydia Gouardo violée par son père dés l'âge de 9 ans dont beaucoup ont jugé qu'elle devait être consentante.
Ainsi la victime présumée de viols multiples par des policiers jugée "over friendly" (aguicheuse) par des experts psychiatres.
Nous pourrions multiplier les exemples. Les victimes sont rarement crues et toujours mises en accusation. Lorsqu'il s'agit de viol conjugal certains n'hésitent pas à en nier l'existence.
Lorsque les femmes ont témoigné sur les réseaux sociaux des agressions dont elles étaient victimes dans l'espace public, beaucoup leur ont parlé d'hommage en vantant le charme des sifflets. On leur a aussi dit qu'elles exagéraient ou qu'elles cherchaient à attirer l'attention. De nombreux sondages ont pourtant montré que 100% des utilisatrices ont été harcelées dans les transports en commun. Certains ont d'ailleurs bien tenté de dire qu'il s'agissait uniquement du fait "des immigrés". A moins que ces derniers aient douze bras, 25 mains et le don d'ubiquité, il va être très difficile de prouver cette assertion tant l'importance du nombre de témoignages et leur lecture montrent que le profil des agresseurs est varié.
A partir des années 2000 apparaît en France le mot "tournante" ; pour celles et ceux qui l'emploient il désigne un viol collectif commis en banlieue (et en filigrane commis par des jeunes d'origine africaine/maghrébine). Cela n'est certes pas le premier moment où certains commencent à parler du sexisme des racisés qui serait selon eux, si particulier ; l'histoire coloniale regorge de faits du genre où l'on cherche à justifier la colonisation par la supposée sauvagerie sexiste du colonisé .
Suite à l'apparition de ce concept de tournante, s'en suivent des milliers d'analyses sur ce sexisme de banlieue - comprendre ce sexisme des immigrés - qui serait par nature différent du sexisme des français et qui serait bien plus grave et plus profond. Là où les français commettraient des conneries, des crimes passionnels, des dérapages sexistes, des viols collectifs, les racisés commettraient des tournantes, des crimes d'honneur et des actes barbares témoignant de leur culture par essence profondément sexiste. Les violences sexuelles n'ont jamais été très prises au sérieux (on persistait à en faire des sommes d'histoires individuelles) mais tout d'un coup le viol collectif qui représente 10% des viols devenait un phénomène de société.
Dans ce contexte, les agressions sexuelles du 1er janvier, commises pour partie par des demandeurs d'asile, ont été récupérées par toutes celles et ceux souhaitant stopper leur arrivée.
Tout d'un coup, un certain nombre de gens feignait de découvrir qu'il y avait des agressions sexuelles et des viols en Europe. Pire certains semblaient surtout considérer que ces agressions sexuelles et ces viols étaient de nature différente de ceux commis habituellement.
Pourtant quelle différence entre une agression sexuelle commise par un proche ou un inconnu ?
Quelle différence entre un viol commis chez soi par une connaissance et un viol commis par un étranger ?
Quelle différence, pour poser le débat là où l'extrême-droite nous oblige à le poser, entre un viol commis par un demandeur d'asile et quelqu'un qui ne l'est pas ?
Pour parler de façon plus générale, le simple fait de désigner des gens venant de pays très différents par le même vocable ("étrangers" ou "migrants") constitue déjà une erreur sociologique majeure. Un marocain n'a pas la même culture qu'un afghan, qu'un syrien ou un tunisien. Et on trouve évidemment au sein même de ces pays, des différences culturelles régionales par exemple. Les français sont fortement attachés à leur "identité nationale" et prendraient sans doute mal qu'un observateur d'un pays étranger ne fasse pas la différence entre un français et un allemand par exemple. Pourquoi faisons-nous de même face à des gens aux cultures très différentes,si ce n'est pour considérer que "tous ces arabes c'est au fond un peu pareil" ?
Pour en revenir aux agressions à Cologne, la vérité est que les femmes ne sont pas en sécurité où que ce soit dans le monde et l'on n'a pas attendu l'arrivée de demandeurs d'asile pour que cela soit le cas.
Le fait est que les foules masculines matinales des transports en commun français sont déjà un danger pour les femmes donc les foules avinées en sont également un, comme l'Oktoberfest (10 viols rapportés chaque années, on soupçonne que 200 ne font pas l'objet d'une plainte ; autre lien); les fêtes de Bayonne (2011, 2013, 2014). Un article de slate de 2004 faisait d'ailleurs le point sur le problème des violences sexuelles pendant les fêtes où l'alcool coule à flot et disait que "Les exemples de violences sexuelles abondent dans l'histoire récente des grandes fêtes ou festivals et la litanie des victimes est longue". En 2003, bien avant l'arrivée des demandeurs d'asile donc, trois associations allemandes ont lancé "Sichere Wiesn für Mädchen und Frauen afin de lutter contre les comportements sexistes, le harcèlement sexuel, les viols et les agressions sexuelles pendant l'Oktoberfest. Un point de sécurité réservé aux femmes existe pendant toute la durée de la fête ce qui montre l'importance du nombre d'agressions.
Une étude de 2004, bien avant l'arrivée des demandeurs d'asile donc, pour l'Allemagne nous montre que 13% des femmes allemandes entre 16 et 85 ans ont été victimes de violences sexuelles. 58% des femmes interrogées ont subi du harcèlement sexuel.
Comme en France, la majeure partie des victimes a été violentée par des gens qu'elles connaissaient (49,3% par des partenaires ou ex partenaires ; 53.9% par des connaissances, 10;1% par des membres de leur famille ) ; seules 14.5% d'entre elles ont été sexuellement agressées par des inconnus.
Les violences sexuelles et par corrélation les nombreuses victimes sont donc instrumentalisés pour tenir des discours racistes qui s'accompagnent maintenant de crimes racistes. L'extrême-droite a une longue tradition anti féministe et de lutte contre les droits des femmes ; les combats féministes contre les violences sexuelles n'ont (évidemment) jamais été soutenus par les membres des extrêmes-droite françaises et allemandes. En s'arrêtant uniquement sur les victimes de ces derniers jours, l'extrême-droite nie la réalité des crimes sexuels qui est un crime généralement commis par un proche. Qu'elle ne prétende donc pas s'intéresser aux victimes puisqu'elle nie ainsi la réalité de la majorité des victimes de violences sexuelles.
En tant que féministe qui travaille depuis de nombreuses années sur les violences sexuelles, je continuerais à dénoncer l'ensemble des violences sexuelles et je vous incite, si vous avez été choqué par les violences sexuelles commises ces derniers jours, à vous intéresser à l'ensemble des violences sexuelles commises chaque jour. Les ressources à ce sujet sont nombreuses et vous aideront à mieux connaître la réalité du sujet.
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Ce texte va s'adresser aux utilisatrices et utilisateurs de twitter, désolée pour les autres qui risquent d'être un peu perdu-es.
2 janvier 2016. Une jeune fille est victime de cyber-harcèlement sur Internet. Son nom, son prénom et sa photo sont diffusés sur twitter. Lendemain de réveillon, gens en vacances ou weekend, atmosphère idéale pour placer son nom et son prénom en TT France en première position. Il m'a également été signalé qu'ils étaient aussi en TT monde, je n'ai pas vérifié.
La réaction de twitter a été trop longue et n'est pas acceptable pour un medium de cette ampleur avec des moyens financiers aussi importants. Twitter s'est engagé à mettre en place des moyens efficaces contre le cyber harcèlement ; la rapidité n'en fait visiblement pas partie.
Il ne me réussit pas d'écrire aussi tard ; on m'a fait remarquer que, contrairement à ce que j'avais affirmé, les hashtags n'aient pas été du tout correctement nettoyés. Il reste encore des photos, des twits, des insultes. Bref twitter a visiblement nettoyé, se contentant de supprimer le hashtag concerné des trending topics et quelques twits par ci, par là. Il conviendrait de savoir quelles procédures sont mises en place par twitter lorsqu'un hashtag est signalé comme problématique.
Lorsque l'on assiste à du cyber harcèlement, la tentation est évidemment de twiter sous le hashtag concerné pour engueuler les harceleurs ou apporter du soutien à la victime. Si vous le faites, vous permettez au hashtag de rester en trending topic. Il ne faut donc pas utiliser le hashtag concerné (avec ou sans le # d'ailleurs) ; et il ne faut pas non plus retwiter des twits contenant ce hashtag.
Il convient également, comme le faisait remarquer arnaud1369 de ne pas interpeller la victime sur twitter (son pseudo peut être le même que le topic concerné), ainsi que les faux comptes créés pour l'occasion. De toutes les manières, il peut être dangereux pour la victime d'être interpellée directement ; cela pourrait attirer l'attention des harceleurs qui ne l'ont pas encore repérée.
Créer un hashtag de substitution pour apporter du soutien à la victime, comme cela a été le cas ce soir, n'est pas non plus une bonne idée. Lorsque twitter a enfin fini par supprimer le premier hashtag et que les harceleur s'en sont aperçus, ils se sont mécaniquement déplacés sur le hashtag de soutien. Batou me signale également qu'il peut être dangereux de créer un topic de soutien en anglais (hier c'était "support + prénom de la victime") dans la mesure où cela peut augmenter le nombre de harceleurs ; les anglophones pouvant désormais s'intéresser à ce topic. Mais je précise une nouvelle fois que je considère les hashtags de soutien comme une erreur.
De la même façon il est important, même pour la soutenir, de ne plus citer le nom de la victime que ce soit sous forme de texte, twitlonger, twit, photo, texte de blog et j'en passe. Plus vous la citez, plus cela fera monter le hashtag et plus il y aura des gens pour venir demander "mais c'est qui machine" ce qui le fera aussi monter. Mettre seulement son prénom revient au même ; vous contribuerez juste peut-être à créer un nouveau trending topic avec son prénom dont les harceleurs s'empareront. En plus rien ne vous permet de dire que la victime souhaite voir son prénom partout, y compris en soutien.
C'est à mon sens toute la difficulté face à une affaire de harcèlement. Il importe de faire supprimer les propos afin que la rumeur ne se propage pas davantage. On sait que sur internet rien ne disparaît jamais mais dans ce genre d'affaire, le harcèlement continue parce qu'il est alimenté. Si on coupe l'alimentation, il n'est pas dit qu'il s'arrête mais on peut espérer le voir diminuer. Beaucoup de gens lorsqu'ils arrivent sur twitter vont examiner les trending topics et se renseigner en postant un twit sur ceux qu'ils ne comprennent pas ; d'où l'intérêt de faire disparaître au plus vite le topic de harcèlement.
Il peut être très pertinent de faire remonter tous les autres trending topics afin de faire descendre puis disparaître le topic de harcèlement. Ainsi, si vous vous coordonnez entre vous pour twiter en masse avec les autres trending topics du moment, vous pourrez faire descendre puis disparaître le topic en question. Cela nécessite une grosse coordination dans la mesure où les topics de harcèlement sont très alimentés par beaucoup de gens différents ce qui joue sur l'algorithme.
Dans un cas de cyber harcèlement, il convient à mon sens de faire plusieurs choses :
- prévenir twitter et twitter france (en français et en anglais). Il n'est nul besoin de leur citer le hashtag concerné (toujours pour éviter de le faire stagner dans les TT), ils ne sont pas idiots, ils verront rapidement eux-mêmes de quoi il s'agit.
- signaler à twitter les comptes qui harcèlent, diffusent les photos éventuelles, insultent la victime etc. Là aussi, il importe de se coordonner (en privé de préférence d'ailleurs) pour enquêter et signaler les harceleurs.
Il importe pour la paix de la victime que le trending topic disparaisse ; il restera de toutes façons toujours des archives si la justice décide de poursuivre.
Il importe que la victime ne voit plus son nom cité toutes les 10 secondes, y compris lorsque cela part d'une bonne intention car cette attention gentille sera toujours suivie de 50 twits extrêmement insultants. Il peut sembler frustrant de réagir ainsi mais souvenez vous de la maxime "parlez de moi en bien ou en mal mais parlez de moi". Si vous parlez de la victime, vous contribuez à ne pas faire oublier l'histoire. Or dans un premier temps c'est ce qu'il faut faire. On peut évidemment parler et dénoncer le cyber harcèlement mais utiliser le nom et l'histoire de la victime est dangereux ; peut-être souhaite-t-elle qu'on ne parle plus d'elle, et juste qu'on l'oublie. On ne peut en faire le porte-drapeau d'un combat sans son consentement.
- signaler sur Pharos les comptes les plus virulents. Pourquoi les plus virulents ? La plate-forme Pharos est composée d'une beaucoup trop petite équipe (et on se doute qu'à l'heure actuelle le cyber-harcèlement n'est peut-être pas leur priorité) . Il faut donc (malheureusement) être pragmatique et choisir qui on va signaler ; je signale quant à moi les comptes qui ont beaucoup twité sur le sujet (plus de 20 twits par exemple) en étant très virulents . Oui c'est fastidieux et pharos n'est pas adapté pour du signalement de masse c'est-à-dire nous autoriser en une seule fois à signaler 20 personnes par exemple ; à l'heure actuelle il faut faire 20 fois la procédure ce qui est une vraie perte de temps.
Il n'est pas intéressant, contrairement à twitter, de s'organiser pour signaler à plusieurs le même compte (de toutes façons au bout d'un grand nombre de signalements, Pharos empêchera qu'il soit signalé davantage) ; pour Pharos un seul signalement suffit. Encore une fois, inutile de les harceler.
- Ne pas interpeller les harceleurs. Pour beaucoup de harceleurs, tout ceci est un jeu qui leur permet de se faire remarquer, d'être retwités, de "percer". Plus vous leur parlez, plus vous les insultez, plus ils s'amusent et plus ils continuent. Encore plus que dans le harcèlement IRL, le cyber harcèlement permet une totale dépersonnalisation de la victime, qui n'a souvent pas d'existence réelle pour ses harceleurs. Il est donc à mon sens inutile de faire appel à la raison ou à leur compassion ; ils ne sont de toutes façons pas en état de l'entendre au moment où le harcèlement a lieu. Il faut simplement les faire taire et les interpeller n'est pas la solution.
Voilà ce ne sont que quelques idées nullement exhaustives sur le sujet. Je déplore que nous ayons à faire un tel travail et qu'il n'y ait pas - a minima - des modérateurs chez twitter chargés d'inspecter les trending topics pour les supprimer au plus vite lorsqu'ils sont d'évidence, racistes, homophobes, sexistes, transphobes ou incitant au harcèlement. Nous sommes à mon avis trop dépendants de twitter pour leur imposer nos conditions ; soit vous améliorez votre service, soit nous le boycottons. C'est sans doute une réflexion collective à mener comme cela m'a été proposé sur twitter.
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Place Kléber, au cœur du célèbre et généreux Village du Partage, nos militantEs vous attendent du 27 novembre au 24 décembre 2015, dans leur stand garni de jolies décorations et de délicieuses confiseries de Noël, de quoi faire vos cadeaux sous le signe de la solidarité !
90 autres associations caritatives, humanitaires et solidaires se regroupent autour du Grand sapin place Kléber chaque année dans le cadre du Marché de Noël de Strasbourg. Notre délégation du Mouvement du Nid du Bas-Rhin y est présente en permanence, aux horaires d'ouverture :
Notre délégation du Bas-Rhin agit sans relâche pour accompagner les personnes prostituées, les aider à trouver des alternatives, à se soigner, à porter plainte quand elles sont agressées... Nos militantEs agissent aussi pour la prévention des risques prostitutionnels, la formation des travailleurs sociaux, la prise de conscience de l'opinion publique. En achetant des objets ou des gourmandises sur le stand, vous permettez à notre équipe de continuer à agir !
Notre stand le 30 novembre 2015 avec la visite de M. Roland Ries, Maire de Strasbourg, Mme Marie-Dominique Dreyssé, Adjointe au Maire en charge des solidarités, M. Alain Fontanel, Premier Adjoint au Maire
Photos : ©Mairie de Strasbourg, Flamme de la paix au Village du Partage et ©Maria Zanenghi pour la photo de notre stand.
Un article un petit peu fouillis, aujourd'hui.
- Je voudrais déjà remercier toutes les personnes, qui ces dernières semaines m'ont offert des livres par le biais de ma wish list. Je le fais sur twitter et facebook sans penser que tout le monde ne consulte pas ces deux outils. Merci encore j'ai vraiment apprécié toutes ces attentins .
- Sur un tout autre sujet, dans le cadre de mon travail, j'ai été interviewée dans l'émission Les pieds sur terre pour parler du 13 novembre.
J'ai lu pas mal de livres depuis mon dernier article (j'avoue avoir un peu de mal à être régulière et à en parler plus souvent).
Georges Vigarello - Les métamorphoses du gras : Histoire de l'obésité qui raconte la perception de l'obésité au cours des siècles, et ce à partir du Moyen-âge. Il est difficile de savoir qui est considéré gros ou très gros avant le XIXème siècle dans la mesure où l'on ne se pèse pas.
Moyen-âge :
Au milieu du XIVème, celui qui est gros a du prestige dans un monde où la faim sévit. La grosseur et la grandeur témoignent d'un vigueur au combat et d'une grande force. Dans les romans médiévaux sont mis en avant les interminables repas. L'ours, animal gros, grand, fort mais aussi agile et rapide est un animal prestigieux. Le gros est donc rarement injurié au Moyen-âge. C'est un peu différent pour le très gros à qui on reproche sa gloutonnerie et son avidité qui sont des péchés. Même si l'on n'est pas capable d'estimer le poids du "très gros", cela désigne celui qui a du mal à se mouvoir, à monter à cheval, à faire la guerre.
La perception du corps évolue puisque les techniques de combat évoluent ; le chevalier doit à la fois être fort et agile. Va donc se substituer à l'image de l'ours celle du lion. Pour les femmes c'est vers la fin du XIIIème siècle qu'on commence à donner de l'importance à la finesse de la taille.
Il n'y a pas d'image de la grosseur dans l'iconographie médiévale avant le XVème siècle ; les personnages sont à peu près tous semblables . On commence à dessiner des hommes gros à partir du XVème siècle.
Il n'y a pas de jugement esthétique ; uniquement un jugement moral et de santé.
On commence à établir un système de classe sociale où les hommes du peuple sont représentés comme gros, lourdauds, alors que les nobles sont vus plus fins.
Epoque moderne :
A partir du XVIème siècle, on commence à juger le gros qui serait lent, fainéant, voire inintelligent. Alors que le Moyen-âge jugeait la gloutonnerie, la modernité juge la mollesse, la paresse. A cette époque, le chevalier fait place au courtisan qui n'a pas besoin d'être fort.
Commence à apparaître un langage méprisant les hommes gros.
La maigreur n'est pas plus acceptée car elle rappelle la mort, la famine, la peste, la stérilité féminine et serait synonyme de la mélancolie.
On tend deplus en plus aux XVIème et XVIIème siècles à représenter le gros en peinture (ex Rubens).
Il reste difficile de déterminer qui est vu comme gros. Le mot "embonpoint" (sens positif) qui apparait au XVIème siècle montre combien il est difficile de comprendre qui est considéré comme gros sans mesures chiffrées. Ainsi la marquise de Sévigné dans une lettre se désespère de voir sa fille "maigre" et souhaite la voir devenir "grasse" mais pas "grosse".
L'esthétique féminine reste une esthétique du haut du corps ; on ne s'intéresse pas à la grosseur du bas du corps.
On commence à voir apparaître des régimes et des vêtements censés serrer le corps jugé trop gros ; sangles, lacets etc. Le corset se généralise.
Le XIXème siècle :
Le corps masculin tolère des grosseurs, pas le corps féminin ; la taille féminine doit être fine et étranglée alors que celle de l'homme peut varier. On a une nouvelle esthétique avec l'apparition du bourgeois ; son ventre symbolise son opulence financière.
La critique du gros porte sur l'impuissance, la stérilité, le manque vital. Les médecins commencent à donner des moyennes de taille et des poids pour les hommes et les femmes.
Apparaît le mot "obésité" qui définit une maladie. On insiste sur le pathologique face aux personnes "très grosses". Les régimes du XIXème siècle portent sur l'idée de tonifier le gros, car on redoute l'affaissement. On utilise entre autres les bains froids et l'électricité.
Le chiffre autour du poids s'installe au début du XIXème siècles. Dés le 2eme tiers du siècle, on associe taille et poids. On commence à faire des typologies des personnes grosses ; les hommes grossissent au niveau du ventre et les femmes sur l'ensemble du corps. L'homme ventru est vu positivement s'il n'a pas l'air "affaissé". Mais cela peut aussi être vue comme un défaut ; la fatuité.
La rondeur est vue comme plus spécifiquement féminine car l'inactivité est vue comme un défaut typiquement féminin) et l'on commence à opérer des classements. Par exemple les prostituées souvent vues comme "naturellement" paresseuses seraient plus grosses que les autres femmes.
L'homme jeune doit être mince, à la taille étranglé, avec un torse bombé. On accentue son apparence avec une ampleur de veste démesurée et du rembourrage artificiel. L'homme mûr peut avoir du ventre. La femme doit être mince et fragile même si on constate qu'elle grossit en vieillissant.
Vers la seconde moitié du XIXème siècle, on juge de plus en plus sévèrement la femme grosse. Le mot embonpoint ne désigne plus quelque chose de positif ; il annonce la grosseur. Les nouveaux loisirs comme la baignade où l'on se dénude, la multiplication de miroirs en pied, l'évolution des robes qui moulent désormais le bas du corps poussent à davantage de pressions pour être mince.
Une critique sociale dénonce le gros comme celui qui est riche et qui exploite le peuple, maigre.
A cette époque l'obésité est associée à la dégénérescence.
On voit apparaître le thermalisme et de plus en plus de publicités pour des régimes amincissants.
XXème siècle :
La minceur est capitale mais aussi la musculature.
Chez l'homme l'apparition du veston croisé favorise un corps mince. Les femmes doivent être minces, élancées à cause des vêtements aux lignes étroites et sans taille. Le très gros devient monstrueux. Dés les années 20, les publications se multiplient autour de l'idée de maigrir et l'on évoque la cellulite qui inquiète. Les pathologies et thérapies associées au poids se multiplient. On commence à évoquer la souffrance des obèses en public en raison de l'ostracisme subi.
Epoque contemporaine :
Le constat s'inverse. Grâce aux statistiques, on constate que les gros ne sont pas les plus riches. L'obésité est vue comme un mal, un fléau, une épidémie. On voit apparaître des jugements face à elle (2005 deux ados gagnent en justice à NY contre McDonald's pour leur prise de poids).
L'obèse est vu comme quelqu'un incapable de se maîtriser et sans volonté alors qu'auparavant on le voyait comme celui qui "abuse". Les souffrances autour de l'obésité sont évoquées.
Michael Cunningham, La maison du bout du monde. Il m'a été conseillé par quelqu'un sur facebook dont c'est le roman préféré. Jonathan et Bobby ont grandi dans une petite ville américaine et se retrouve 15 ans plus tard à New York dans les années 80. C'est un roman autour de l'amour hétérosexuel et homosexuel, de ce qu'on appelle famille. c'est aussi un roman qui narre le début de l'épidémie du sida auquel sont indirectement confrontés les héros. C'est un roman que j'ai trouvé extraordinairement émouvant dans la façon dont sont décrits les personnages et comment on peut se construire une famille.
Augusten Burroughs, Courir avec des ciseaux. Voilà encore un roman qui m'a été conseillé. Les parents d'Augusten sont mentalement malades. Sa mère va un jour confier sa tutelle à son psychiatre pendant qu'elle tente de se soigner ; Augusten découvrira une famille encore plus particulière que la sienne où toutes les extravagances sont permises.
J'avoue avoir eu beaucoup de difficultés avec ce livre ; non pas que je ne l'ai pas aimé mais parce que je suis particulièrement sensible face à la maladie mentale. La lecture a donc été plus douloureuse qu'autre chose. Beaucoup de critiques sur lenet parlent de tragi-comique je n'y ai vu que le tragique, malheureusement.
J. Courtney Sullivan, Les débutantes. Bree, Celia, April et Sally se rencontrent à l'université féminine et féministe de Smith. Le roman alterne entre la narration de leur vie à l'université et de ce qu'elles sont devenues 5 ans plus tard.
Que voilà un roman qui m'a fait du bien. Imaginez un roman qui regorge de références et de questionnements féministes ; peu importe que je les partage ou pas, je les connais et cela crée, clairement une proximité avec l'auteure et ses héroïnes. Je me rends compte que c'est sans doute la première fois où je lis un roman aussi ouvertement et normalement féministe. Très chaudement recommandé donc !
Tania de Montaigne - La vie méconnue de Claudette Colvin. J'ai vu quelqu'un en parler sur twitter et j'ai aussitôt acheté le livre. Tania de Montaigne nous raconte l'histoire de Claudette Colvin, qui en 1955, avant Rosa Parks, refusa de laisser sa place à un blanc dans le bus ; elle fut battue, jetée hors du bus, emprisonnée et jugée. E.D. Nixon , le leader de la National Association for the Advancement of Colored People, décida d'utiliser son histoire pour faire avancer les droits des noirs. Claudette Colvin tomba enceinte - on ne sait pas exactement quand - peut-être d'un blanc, en tout cas d'un homme marié. Il devint donc difficile pour les militant-es de la mettre en avant ; elle aurait été discréditée. Fut donc mise en avant Rosa Parks ; l'auteure nous montre qu'il ne s'agit pas du tout, contrairement à la légende, d'une femme qui était fatiguée et avait mal aux pieds mais d'une militante qui avait pensé son acte. Simplement était plus intelligent médiatiquement d'en faire une simple femme qui décide seule de ne pas se lever car elle était fatiguée.
Le livre est passionnant et permet de mieux comprendre les stratégies militantes du NAACP dans les années 60 ; et cela permet de connaitre Claudette Colvin dont l'histoire ( comme d'autres) a été oubliée.
Stephen King - Mr Mercedes. J'ai été une assidue lectrice des romans de King entre 15 et 25 ans pour l'abandonner pendant quelques 15 ans. Depuis un ou deux ans, je rattrape donc le temps perdu.
King sort ici de son habituel registre fantastique pour écrire un thriller où un détective à l'ancienne part à la recherche d'un serial killer particulièrement machiavélique. Même si King excelle comme toujours dans la description de ses personnages, j'ai été un peu déçue par l'intrigue. Je préfère de loin les romans fantastiques.
Delphine de Vigan - D'après une histoire vraie. L'auteure rencontre L., une personnalité manipulatrice et perverse. Vous voyez le sentiment de passer à côté d'un roman que chacun semble avoir adorer ? Et bien voilà mon sentiment. J'ai eu l'impression d'avoir lu 100 fois cette histoire, j'avais deviné la fin à la moitié du livre, bref j'ai trouvé le livre d'un ennuyeux absolu.
Svetlana Alexievitch - La supplication. Svetlana Alexievitch va interroger pendant 3 ans des survivant-es, des pompiers, des scientifiques, des témoins de Tchernobyl. Elle les laisse décrire ce qu'a été pour eux ce événement-là ce qu'il a détruit, ce qui a été dit et ce qui n'a pas été dit.
La spécificité de Tchernobyl est peut-être la difficulté à décrire et à visualiser ce qu'il s'est passé. Beaucoup d'habitants des villes alentours décrivent combien il était compliqué de comprendre la gravité de la situation tant tout paraissait normal. Comment comprendre - même si on leur avait dit ce qui a rarement été le cas - qu'il ne fallait pas manger d'appétissants légumes poussant dans leurs champs alors qu'ils n'ont aucune tache et paraissent parfaitement normaux. Comment comprendre les radiations et leurs effets. Je ne sais pas ce que je peux dire de ce livre. Je l'ai lu le 14 novembre ; cela n'était sans doute pas le meilleur jour. C'est un livre à lire pour comprendre au plus près, par la force des témoignages ce qu'a été cette catastrophe (je peine à trouver un mot pour décrire au mieux Tchernobyl).
Lionel Shriver - Big brother. Pandora n'a pas vu son frère Edison depuis deux ans. Lorsqu'il décide de lui rendre visite, c'est le choc; il a grossi de quelques 100 kilos. Pandora va alors décider de l'aider à maigrir. Le livre est dédié au frère de l'auteure, en grand surpoids et mort d'une maladie cardiaque ; dans ce livre Schriver se questionne sur ce qu'elle aurait pu ou du faire pour son frère.
Ce livre permet d'analyser en profondeur nos regards sur le poids ; les regards portés sur Edison et son obésité sont bien plus durs et agressifs que s'il avait commis un crime atroce. Le fait qu'il soit gros le pare d'une multitude de tares aux yeux des gens. Le mari de Pandora est ainsi d'une infinie cruauté avec Edison. Lionel Schriver est une de mes auteures préférées et, encore une fois, ce roman est à lire, malgré sa dureté.
J'ai lu énormément de romans d'Annie Ernaux au début des années 90 pour en abandonner la lecture, d'un seul coup, je ne sais plus du tout pourquoi. Je la décris comme "la romancière AFP" car son style d'écriture ne s'embarrasse pas de fioritures ou de descriptions ce qui me convient parfaitement, je dois bien le dire. J'ai donc relu La place qui part de la mort de son père pour raconter la vie de ce père, d'origine paysanne, quasi illettré dont elle s'est éloignée dés qu'elle est rentrée au lycée. Ce qu'ils disent ou rien, raconte ses premières expériences amoureuses et sexuelles, sa solitude et ses tourments d'adolescente de 15 ans. Ce n'est peut-être pas le premier roman par lequel il faut découvrir Ernaux car c'est un long monologue intérieur qui peut paraître rebutant.
Auður Ava Ólafsdóttir - Rosa candida. Arnljótur, un jeune homme de 25 ans, quitte son pays après la mort de sa mère tragiquement disparue, pour s'occuper d'une roseraie de monastère abandonnée depuis longtemps. Il a eu une petite fille Flora Sol, lors d'une brève nuit d'amour. La mère de l'enfant va un jour lui demander de s'en occuper pendant quelques mois, le temps qu'elle termine sa thèse.
Gracieux. Tout est gracieux dans ce roman jusque dans les gestes du héros qui apprend les gestes les plus élémentaires de cuisine pour nourrir son enfant et sa mère. Il y a l'entretien de la roseraie et sa remise en état avec le parfum des roses qui nous gagne, il y a les séances de cinéma et les discussions avec un des moines. Et il y a la troublante ressemblance de Flora Sol avec l'enfant jésus de l'église du village. je me demandais ce qu'était un roman charnel avant d'avoir lu ce livre et je crois que maintenant je comprends mieux le terme. Un livre à lire de toute urgence .
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La délégation du Mouvement du Nid du Loiret vous propose un ciné-débat autour d'une actualité brûlante : quels sont les ressorts et les leviers qui permettent au trafic d'êtres humains de prospérer ? Aujourd'hui, quelles sont les pistes pour combattre les trafiquants et soutenir les victimes ?
Jeudi 17 décembre 2015 à 20h00
Auditorium de la Médiathèque Marcel Reggui
Place Gambetta à Orléans
Soirée débat autour d'extraits du film Trafic d'innocence (Human Trafficking)
Avec la participation d'Yves Charpenel, Président de la Fondation Scelles, et le concours du Réseau du Forum des Droits Humains.
Merci à Zéromacho, à Elles aussi 45 et au Planning familial du Loiret pour leur soutien.
Le film sera suivi d'un débat avec le collectif Abolition 34 et notamment les associations Amicale du Nid, CIDFF, Mouvement du Nid, Osez le féminisme 34, Psyc et Genre, Ruptures, Citoyennes Maintenant, Zéro Macho.
Infos pratiquesAu Cinéma Diagonal, 5 rue de Verdun, Montpellier
Le mardi 15 décembre à 17h50
tarif : consulter le cinéma
Le collectif Abolition 34 vous invite à une projection débat du film Much Loved. Ce film courageux, respectueux des femmes prostituées a été tourné au Maroc mais pourrait se dérouler n'importe où dans le monde.
Depuis 2011, en France, la prostitution est intégrée dans les violences faites aux femmes et une proposition de loi pour le renforcement de la lutte contre le système prostitutionnel est en cours de vote au Parlement.
Après la projection du film et à partir des réactions du public nous échangerons sur l'utilité de la loi, la violence qu'est la prostitution et les structures sociales qui l'autorisent voire la banalisent.
Much LovedA travers le portrait de quatre femmes prostituées qui partagent le même destin à Marrakech, c'est toute la condition des femmes que le réalisateur dessine en filigrane. Une fiction très contemporaine et sans concession, à la portée documentaire.
lire la suite sur le site de notre revue, Prostitution et Société
Organisée par la délégation du Mouvement du Nid du Haut-Rhin et la FNARS Alsace, cette journée d'étude donne la part belle aux échanges et à la réalité concrète avec des interventions centrées sur les pratiques et des ateliers. Invitée d'honneur, Rosen Hicher, survivante de la prostitution, partagera son témoignage et ses analyses du système prostitutionnel.
Infos pratiques Accompagner les personnes en danger de prostitution - FNARS / MDN68 Bulletin d'inscription et programme.Le 11 décembre 2015 de 9h00 à 16h30
Centre sportif régional, 5 rue des Frères Lumières à Mulhouse (tram 2, station Université ou Bus 51, arrêt Université)
Tarif de la journée : 45 € (repas et actes de la journée compris)
Renseignements et inscriptions auprès de la FNARS Alsace, toutes les informations sont disponibles sur le bulletin d'inscription, à télécharger ci-contre.
Matin
Après-midi
Les ateliers
IntervenantEs
Claire Quidet, porte-parole du Mouvement du Nid – France et Christine Blec, vice-présidente du Mouvement du Nid-France, responsable de la délégation du Haut-Rhin
Pierre Freyburger, président de la FNARS Alsace et Elsa Hajman , chargée de mission FNARS
Marion Fareng, psychologue clinicienne à l'Institut de Victimologie de Paris
Rosen Hicher, survivante de la prostitution
Animation : Raymond Kohler, FNARS Alsace
Les festivités de fin d'année prennent une autre dimension quand un esprit de générosité y souffle ! Nos amies du Zonta d'Aix-en-Provence organisent une dégustation de vins et de fromages choisis par des artisans locaux ainsi qu'une tombola. Les bénéfices de la soirée seront versées à la délégation du Mouvement du Nid des Bouches-du-Rhône.
Comme chaque année, le Club ZONTA, association de lutte pour la défense des droits et des libertés des femmes, organise un dîner de fin d'année, dans l'amitié et la solidarité. Cette année, les bénéfices seront versés à la délégation du Mouvement du Nid des Bouches-du-Rhône.
Infos pratiquesLe 10 décembre 2015
Repas festif et tombola à partir de 19h30 au Novotel du Pont de l'Arc, Arc de Meyran, à Aix en Provence.
Inscriptions avant le 7 décembre au 06 09 54 67 67 ou par mail à zontaix@wanadoo.fr.
La sexualisation précoce, ou la "fabrique des Lolita", c'est ce déferlement de contenus sexuels dans tous les domaines de la vie de nos enfants et ce dès la pré-adolescence. Comment nous, adultes, pouvons-nous les accompagner face à ces images parfois perturbantes ? Avec Christine Laouénan, journaliste et auteure spécialisée dans les questions de l'égalité filles-garçons et nos militantEs de la délégation de Loire-Atlantique, venez participer au débat et partager vos expériences !
Infos pratiquesMercredi 9 décembre à 18h30
A l'Espace Simone de Beauvoir
15 quai Ernest Renaud à Nantes
Tram ligne 1 arrêt Gare Maritime.
Nos jeunes sont aujourd'hui exposés quotidiennement à de multiples représentations de la sexualité : séries télévisées, cinéma et publicités, réseaux sociaux (Facebook, Snapchat…). Ces représentations peuvent être oppressantes (suis-je normal-e ?, assez ou trop sexy ?) et perturber la découverte ou la construction de ses propres désirs. Pour nous parents, intervenants sociaux et éducatifs, la nouveauté de ce déferlement de contenus sexuels est une réalité à laquelle nous n'étions pas préparés. Les adolescentEs construisent leur sexualité et leur relation amoureuse dans un cadre qui n'est pas tout à fait le nôtre.
Avec Christine Laouénan, journaliste et écrivaine, spécialiste de l'adolescence et de l'égalité filles/garçons, nous vous invitons le 9 décembre 2015 à échanger sur la sexualisation précoce. Quels risques pour les adolescentEs, comment les accompagner en confiance et en respectant leur indépendance ? Quelles frontières poser entre leur « identité virtuelle » sur les réseaux sociaux et leurs sentiments bien réels ?
Échangeons à partir de nos expériences, nos difficultés et nos bonnes pratiques dans une ambiance conviviale à l'Espace Simone de Beauvoir.
Christine Laouénan est l'auteure de nombreux ouvrages sur les thèmes de la violence et de l'adolescence. Journaliste au sein d'une association de prévention de la violence, elle a recueilli au fil des années les témoignages de nombreux adolescentEs de tous âges et de tous milieux qui se sont confiés en toute liberté. Membre de l'association Alternatives Non Violentes (ANV) , elle collabore également à sa revue.
Parmi ses ouvrages, citons La santé de mon enfant, Comprendre nos ados, Jamais jaloux, vous ?, J'ose pas dire non, Les violences du quotidien, Non au racket, Quand les violences vous touchent...
Christine Laouénan collabore également à notre revue, Prostitution et Société.
Deux collèges de Laval (Mayenne) accueille plusieurs représentations de notre pièce "On change quoi", dont l'interprétation dynamique et la mise en scène ingénieuse constitue une expérience marquante en matière de prévention et de sensibilisation à l'égalité femmes-hommes et la lutte contre les violences.
Cette action est menée par notre délégation de la Sarthe dans le cadre du contrat de ville avec la compagnie théâtrale Tic Tac & Co.
On change quoi ?Entre Fanny (14 ans), et Nathalie, sa marraine, entre Melchior (15 ans) et l'assistant social de son collège, Philippe, se tissent des liens. Par mail, webcam, texto ou portable, ces adolescentEs s'interrogent, se révoltent parfois, partagent leur mal-être, leurs joies. Entre jeunes et adultes, on parle...
Cette création, que l'on doit à l'équipe expérimentée d'Au bout de la nuit, met en scène Philippe et Nathalie, tandis que Fanny, Melchior et leurs amiEs, interprétés par de jeunes comédienNEs de grand talent, sont présents par vidéo interposée. L'ensemble peut s'installer dans une salle de classe.
Avec pudeur et humour, On change quoi ? aborde de nombreux sujets, et obtient un effet d'identification maximal pour le jeune public : l'amitié, les relations amoureuses, la sexualité ; l'égalité et le sexisme ; les difficultés, voire les drames, comme la jalousie et le chantage affectif, mais aussi les violences sexuelles et le risque prostitutionnel. On change quoi ? parle de respect, de la confiance en soi, de la parole qui libère, des sentiments qui s'expriment, de la petite voix intérieure qui protège.
Le ton est actuel, comme celui de notre brochure « Filles-Garçons, on change quoi ? » dont cette pièce représente l'adaptation.
Retrouvez nos brochures de prévention et pièces de théâtre cités dans cet article dans nos rubriques : Publications 12-25 ans et Prévention jeunes.
Notre association est détentrice de l'agrément « Association d'éducation populaire » et de l'agrément du Ministère de l'Éducation nationale. Pour organiser l'intervention du Mouvement du Nid dans votre établissement scolaire (lycées et collèges dès la 6ème), contactez-nous !
Organisée par le Zonta Club de Martigues, cette soirée dédiée à la lutte contre les violences faites aux femmes fait intervenir le responsable de notre délégation des Bouches-du-Rhône. Plusieurs courts-métrages font une base propice aux échanges.
Mercredi 2 Décembre 2015, 19h00
À la Villa Khariessa de Martigues, avenue Charles de Gaulle
Entrée : 8 euros
Conférence-débat animée par François Wioland, responsable de la délégation du Mouvement du Nid des Bouches-du-Rhône, autour de plusieurs courts-métrages contre les violences faites aux femmes.
Cette soirée est à l'initiative du Zonta Club de Martiales, association membre du Zonta Club international qui agit en faveur de l'égalité femmes-hommes et combat les violences contre les femmes.
(Mon texte va uniquement s'intéresser au concept de consentement féminin dans les couples hétérosexuels et en Occident.)
On voit actuellement, émanant des mouvements féministes, émerger beaucoup de projets autour du consentement en matière sexuelle. Des féministes tentent donc d'inculquer l'idée qu'il faut s'assurer du consentement avant de pratiquer tel ou tel acte sexuel et proposent par exemple des ateliers autour du consentement comme cette initiative anglaise.
Face à ces initiatives, on voit surgir énormément de résistances en particulier masculines ; le motif le plus évoqué étant que "cela va faire tomber l'excitation".
Tout mon article servira à démontrer, au travers d'exemples, que le non consentement féminin est à la fois considéré comme sans importance mais aussi et surtout profondément excitant. Vous constaterez que les exemples sont fort différents les uns des autres ; quoi de commun entre un peintre du XVIIIème siècle et une comédie populaire des années 2010. C'est justement là que réside, à mon sens, l'intérêt de l'argumentation. Toutes nos pratiques culturelles sont imprégnées et ce, depuis des siècles, par l'idée que les violences sexuelles sont érotiques, séduisantes, excitantes et que le non-consentement féminin, en plus de n'avoir pas grande importance est excitant. Bien sûr il faudrait nuancer cette assertion ; cela dépend qui prend la femme qui ne consent pas. Pendant des siècles, le viol n'existait pas comme nous l'entendons aujourd'hui. Le viol conjugal n'existait pas et il était souvent fréquent que le viol par un inconnu soit considéré comme grave parce que le violeur avait pris le bien d'un autre, pas parce qu'il avait violé une femme.
Nous vivons une situation assez contradictoire et ambivalente ; d'un côté on nous explique que rien n'est pire que les violences sexuelles et de l'autre nous sommes conditionné-es à être excitées par leur représentation. Pire nous sommes mêmes fasciné-es par certains agresseurs sexuels si tant est qu'ils ne correspondent pas à l'image d'Epinal du violeur : Matzneff, Polanski, Deen, Cosby, Polac. La liste est longue.
Se tient en ce moment au Musée du Luxembourg à Paris, une exposition nommée "Fragonard amoureux. Galant et libertin". Vous pouvez trouver sur le site du musée la présentation de l'exposition. Un certain nombre de tableaux nous permet de constater la profonde ambigüité occidentale face au sexe et aux violences sexuelles. Le tableau La résistance inutile nous montre une servante face à son maître. C'est un thème qu'on retrouve beaucoup dans l'exposition. On peut et on doit évidemment questionner la question de la possibilité de consentement d'une domestique du XVIIIeme siècle (ou du XXIeme - Carlton - ) face à un homme riche et puissant. S'il existe dans l'exposition des scènes de viol plus explicites, celle-ci n'en est pas une ; étudions le traitement pictural de la femme. Fragonard nous dit qu'il y a quelque chose de l'ordre du non consentement dans ce tableau en l'intitulant "La résistance inutile" mais il rend aussi ce possible non consentement ambigu ; d'une main la femme repousse l'agresseur et de l'autre elle le regarde et lui sourit. Ses mains disent non mais son regard dit oui ; phrase qui ne vous sera pas étrangère puisqu'on la retrouve assez souvent dans les défenses de violeurs. Le tableau montre donc une possible scène de viol ; il est difficile de la savoir mais présentée de façon ambiguë et fortement érotisée.
On est ici dans un parfait exemple de nos profondes ambiguïtés face à la violence sexuelle ; le non consentement devient excitant. Le non consentement est peut-être du consentement ; le consentement et le non consentement sont au fond semblables, se ressemblent et nous excitent également. Les femmes disent non et pensent oui ; il suffit de les pousser un peu. C'est une caractéristique de l'érotisme occidental, en tant que pratique culturelle destinée à procurer de l'excitation sexuelle aux membres d'une société donnée à un temps donné. On la retrouve beaucoup dans le porno des années 90. Il semble que certains scenarii actuels se fassent toujours une spécialité de mettre en scène le non consentement féminin. Dans beaucoup de pornos des années 90, on voit une femme surprise par un homme inconnu. Au départ elle prononce un non catégorique qui devient rapidement un oui devant l'insistance et les gestes de l'homme. Il ne nous viendrait pas à l'idée de considérer qu'on parle "d'agressions sexuelles" puisque la femme a bien dit non et que l'homme a eu des gestes sexuels à son égard pourtant c'est bien de cela qu'il s'agit. La femme à force d'insistances, se déchaîne et devient sexuellement active et incontrôlable. Il ne s'agit pas - précisons-le d'emblée - de condamner le porno. Le porno peut simplement, comme la peinture, le cinéma non pornographique, les séries télévisées, la publicité renseigner sur une société à un moment donné. Le porno peut donc nous aider à comprendre ce qui excite une société donnée à une époque donnée et sur nos représentations genrées.
Mais revenons à Fragonard. Le commissaire d'exposition, à part sur un ou deux cartouches, n'a pas jugé utile ou pertinent, de traiter de cette question du non consentement féminin dans l'imaginaire érotique occidental. Voici ce que dit de cette première peinture le site culture.fr : "Fragonard élague la scène en supprimant les meubles et se concentre sur l'essentiel : le jeu entre l'homme et la jeune servante, qui entend se défendre. Fragonard joue avec les formes; comme celle de l'édredon et les sous-entendus coquins, commente le commissaire."
Il est donc clair, qu'encore au XXIeme siècle, la question du non consentement féminin, est vue comme excitante, comme un "jeu". Qu'encore aujourd'hui, on peut nous présenter des scènes à tout le moins ambiguës en matière de consentement, comme érotiques.
Voici un autre tableau nommé Le Verrou. Le même site en dit "Avec le Verrou, on est dans le jeu libertin de la femme qui hésite et de l'homme déterminé. La femme semble inquiète mais on ne sait pas si elle fait semblant ou non" poursuit le commissaire. "Il y a quelque chose de dramatique dans l'organisation du tableau et la question ; est ce un jeu ou non ? ne semble pas réglée".
Cette scène a été choisie comme affiche pour l'exposition et se montre donc un peu partout dans Paris ; on constate donc qu'une peinture sur laquelle il existe une ambiguïté quant à ce qu'elle représente - un viol ou un acte consenti - a été choisie pour illustrer une exposition sur le sexe et l'amour. Je ne trancherais pas quant à ce que cette peinture désigne ; déjà parce que je n'en ai pas les compétences artistiques et historiques mais aussi parce qu'il me semble qu'il est justement impossible de le faire et c'est là tout le point de mon raisonnement. Contentons nous de souligner que s'il existe un doute quant à ce qui est représente sur cette scène, cela en dit long sur une société à qui on la présente comme affiche d'exposition et en tant que scène érotique.
Tout dans le tableau semble dire que la femme dit à la fois non et oui et que de toutes façons peu importe ce qu'elle dit, la scène est excitante et c'est bien là tout ce qui compte. Tout l'érotisme occidental s'est construit au cours des siècles sur l'idée que les femmes sont ambigües quant au consentement et que c'est justement ce qui est excitant. C'est d'ailleurs ce que j'ai souvent évoqué sur ce blog ; beaucoup de couple hétérosexuels fonctionnent encore sur des recettes anciennes où les femmes se doivent de manifester un refus apparent que l'homme doit vaincre par sa persuasion. Le "non" n'est donc plus un réel "non" mais une sorte de jeu érotique. Entendons nous bien mais cela va mieux en le disant ; il ne s'agit absolument d'excuser les violeurs en se disant que les femmes leur ont envoyé des signaux contradictoires. Il s'agit en revanche de comprendre comment mettre fin aux violences sexuelles et je prétends que tant que le non consentement féminin sera vu comme excitant - c'est à dire que tant que nos pratiques sexuelles flirteront avec le fantasme de la violence envers les femmes - alors il ne sera pas possible d'y mettre fin. On ne peut pas mettre fin aux violences sexuelles sans questionner nos sexualités et nos fantasmes ; pas évidemment de manière individuelle mais en ce que notre société a comme codes pour montrer l'excitation sexuelle.
Ces deux tableaux de Fragonard nous montrent - mais on pourrait en trouver de similaires à toutes les époques - combien sexe consenti et viol sont proches. Nombre de féministes pensent que le viol n'est pas du sexe mais de la violence. Je pense que le viol est du sexe et qu'il est même consubstantiel à la sexualité occidentale en ce que le non consentement féminin est vu comme érotique et excitant. Et c'est bien ce que nous disent les opposants aux ateliers sur le consentement sexuel ; "si on doit demander, ca ne sera plus excitant".
Nos imaginaires érotiques, nos fantasmes ne sortent pas de nulle part et ne peuvent être considérés comme étrangers aux systèmes sexistes (et racistes et homophobes etc) existant en France.
L'érotisme ne nait pas de rien ; ce qui nous excite ne naît pas de rien.
Er le fait est donc, comme nous l'avons vu en début de texte, que le consentement féminin ne semble pas excitant.
En faire le constat n'est évidemment pas approuver cet état de fait. La difficulté principale est de comprendre comment l'on peut mettre fin à cette pratique culturelle là. En clair, comment rendre excitant le consentement et non excitant le non consentement ? Je n'ai évidemment pas de réponse simple à cette question tant elle implique de remettre à plat bon nombre de nos pratiques culturelles. La question des violences sexuelles sera peut-être la question la plus compliquée à régler parce qu'elle implique d'examiner nos pratiques culturelles concernant le consentement féminin et ce dans tous les domaines.
Peu amatrice de comédies et comédies romantiques, j'ai récemment tenté de regarder ce type de films. J'ai donc regardé 40 ans et toujours puceau , qui fut, nous dit wikipedia, un énorme succès mondial. Dans ce film, un homme est conseillé par ses collègues pour perdre sa virginité ; l'une des méthodes implique donc de coucher "avec des pétasses très ivres". Est ensuite déroulée toute une analyse sur le fait que "la pétasse" doit être suffisamment ivre pour ne pas trop voir à qui elle a affaire mais pas ivre au point d'être comateuse. Peu de gens, à part des féministes, relèveront que coucher avec quelqu'un dont on n'est pas sûr du consentement est pour le moins problématique et qu'au vu de certaines scènes, on peut penser que ces collègues sont tout bonnement en train de lui conseiller de violer des femmes ivres. Il ne s'agit pas ici, comme pour Fragonard d'ailleurs, de pointer une personne en particulier et de juger que le réalisateur prône le viol comme moyen de dépucelage mais de justement montrer combien nous avons collectivement des difficultés à considérer le viol pour ce qu'il est. Des millions de personnes ont du rire devant ce film et seraient sans nul doute bien étonnées de me lire. Et pourtant il est caractéristique de constater que dans une comédie très grand public, où l'on est censé rire du début à la fin, avec un happy end, il passe l'idée que coucher avec des femmes qui ne peuvent pas consentir est un ressort comique et une méthode logique pour perdre son pucelage. L'idée ne vient pas du scénariste ou du producteur ; il serait un peu facile de les viser nommément en pensant qu'ils ont un sérieux problème. Non ce sont nos sociétés qui ont une sérieux problème avec le consentement féminin.
La première étape pour mettre fin aux violences sexuelles, est donc déjà de considérer ce qui relève des violences sexuelles et du non consentement féminin. Cela sera infiniment compliqué car nous sommes à la fois conditionnés à considérer le viol comme horrible mais à ne jamais voir des viols nulle part. Peu de gens sortiront de l'exposition Fragonard en réalisant qu'ils ont vu de nombreuses scènes de viol et que ces scènes sont considérées dans l'imaginaire occidental de 2015, comme dans celui du XVIIIème comme érotiques. Peu de gens admettront avoir vu dans 40ans toujours puceau un film où l'on prône le viol comme moyen acceptable pour perdre sa virginité. Peu de gens se questionneront - parce que cela n'est pas agréable de le faire - de leur attrait devant certains films pornographiques où le consentement féminin n'est pas pris en compte.
La seconde étape est sans doute de faire collectivement évoluer l'érotisme - ce qui nous excite si on veut le dire vite - afin que le non consentement féminin ne soit plus considéré comme négligeable et excitant. Il est extrêmement difficile de faire évoluer ce genre de pratiques surtout lorsqu'elles sont vieilles de plusieurs siècles et vendues comme "'une spécificité française" y compris par des féministes. Je n'ai évidemment pas de solutions toutes prêtes face à ces pratiques sauf à nous questionner collectivement et de matière permanente - même si cela n'est pas "excitant" - quant à notre rapport à la sexualité et au consentement des femmes. Il me semble que tant que l'on continuera à considérer que le viol n'est pas de la sexualité, qu'il n'a rien à voir avec, que nos pratiques, usages et habitudes érotiques n'ont rien à voir avec les violences sexuelles alors le combat face aux violences sexuelles me semble perdu d'avance.
Il est sans doute compliqué d'admettre que nous sommes dans une société qui encourage les violences sexuelles. Oh pas toutes évidemment. C'est compliqué car, comme je le disais, on nous a éduqué à considérer le viol comme la chose la plus atroce pouvant arriver à quelqu'un. D'un autre côté, lorsque cela arrive - et cela arrive souvent - les victimes sont moquées, accusées de mentir ou de l'avoir cherché.
Les violences sexuelles sont continuellement érotisées et ce quelles qu'elles soient. Elles perdent alors leur sens ; elles ne sont plus définies comme des actes sexuels pratiquées sans le consentement de la victime, ce qui est la seule et vraie définition. Il y a donc très peu de viols considérés comme tels, puisque les seuls à l'être sont les actes dit monstrueux, qui par définition n'existent pas.
Dans ce contexte-là, il n'est pas étonnant de constater qu'on nie les violences sexuelles et qu'on les érotise.
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Beaucoup ont tendance à voir les féministes comme un groupe monolithique, dont les membres seraient interchangeables. Le féminisme est, plus que jamais, riche de personnalités très diverses.
J'ai donc décidé d'interviewer des femmes féministes ; j'en connais certaines, beaucoup me sont inconnues. Je suis parfois d'accord avec elles, parfois non. Mon féminisme ressemble parfois au leur, parfois non.
Toutes sont féministes et toutes connaissent des parcours féministes très différents. Ces interviews sont simplement là pour montrer la richesse et la variété des féminismes.
Interview de RoXaNe.
Son twitter : @Lil_RoXaNe
Bonjour peux-tu te présenter ?
Je m'appelle Roxane, j'ai 31 ans et j'enseigne la sociologie aux futurs travailleurs sociaux depuis deux ans. Avant cela, j'étais moi-même travailleur social, auprès des hommes immigrés des foyers. Et encore avant, j'ai galéré de petit boulots en missions d'intérims, pendant 5 ans.
- Depuis quand es-tu féministe ; y-a-t-il eu un déclic particulier ou est ce venu progressivement ?
Je suis féministe depuis 2012. En 2009, j'ai commencé à m'intèresser aux rapports de domination, via la sociologie, toute seule dans mon coin. Je cherchais surtout à comprendre les rapports de race et de classe...et j'ai découvert certains travaux sur le genre. C'est @kanyewech qui m'a conseillé Classer, dominer de Delphy, premier ouvrage qui m'a beaucoup marquée.
Lorsque j'ai commencé à m'intéresser à l'islamophobie, la question de la domination masculine est devenue incontournable. Par conséquent, étant entrée dans le féminisme via la race/classe, j'ai de suite rejeté le Féminisme TM (le féminisme blanc bourgeois institutionnel).
Active sur Twitter depuis 2011, les propos et articles diffusés par la sphère féministe militante ont vraiment aidé à construire ma réflexion. Plus tard, j'ai commencé à me sentir suffisamment légitime pour écrire des billets sur la condition des femmes sur mon blog.
- Tu as écrit un article qui a pas mal buzzé Le Thalys, le harcèlement de métro et l’héroisme ordinaire ; beaucoup de gens n'ont retenu qu'une chose de cet article, "que tu écoutais du rap sexiste et que c'était paradoxal quand on critique la misogynie". Que peux-tu dire là dessus ?
Cet argument, qui m'est revenu, avec une grande originalité, des dizaines de fois, est totalement idiot. Déjà, cela revient à prétendre que les agresseurs vérifieraient ce que tu écoutes dans ton casque avant de venir te faire chier ou auraient une audition bionique qui leur permettrait d'identifier que tu écoutes du rap et que donc ils peuvent venir t'agresser en toute légitimité. De plus, si l'on suit - mais c'est difficile - cette logique, écouter du rap, ou plus précisément les propos misogynes du rap, reviendrait à participer au sexisme. A ce compte-là, autant arrêter de voter puisque les députés insultent leurs collègues femmes quand elles portent une jupe et participent activement à la prise de décisions contre les femmes et leurs droits, arrêter de travailler puisque les patrons exploitent davantage les femmes que les hommes, arrêter d'avoir des relations amicales, amoureuses et sexuelles avec des hommes puisqu'ils sont les producteurs et les acteurs du sexisme. L'idée que les femmes, par leurs pratiques culturelles - ici l'écoute du rap, supposé chantre de la misogynie - sont responsables des agressions dont elles sont les victimes est insupportable et doit être combattue par tous les moyens. C'est, à mon avis, ni plus ni moins qu'une forme d'oppression : t'avais qu'à pas porter une jupe, t'avais qu'à pas boire, t'avais qu'à pas sortir le soir, t'avais qu'à pas inviter ce pote à dormir sur ton canapé, t'avais qu'à pas écouter du rap, t'avais qu'à pas croire qu'en tant que femme, tu avais des droits et des libertés. Au passage, c'est aussi une réflexion complètement raciste puisque celle-ci implique que les rappeurs (non--blancs) seraient les principaux, voire uniques, vecteurs et responsables du sexisme, ce qui est cohérent avec le sous-entendu que ce sont des animaux, des Autres, des pas comme nous.
- En quoi consiste exactement le travail de travailleur social auprès des hommes immigrés ?
Le travail social, globalement, est constitué d'activités visant à permettre aux personnes qui en ont besoin à accéder à l'autonomie. Ces mots là reviennent en boucle, sans qu'on n'en saisisse vraiment le sens. J'ai travaillé dans les foyers de travailleurs migrants pendant plusieurs années. Au quotidien, cela consistait, avec l'aide d'une autre femme travailleuse sociale, à aider les résidents du foyer, tous hommes, tous immigrés (étrangers ou non, sans-papiers ou non, jeunes ou vieux, en bonne santé ou pas) à accéder à leurs droits sociaux - contrairement à l'idée reçue, il est compliqué pour beaucoup d'entre eux et notamment pour ceux qui subissent le racisme et/ou ont des difficultés avec la lecture et l'écriture de demander leurs droits comme le RSA, le chômage, la retraite, la CMU. Tous ces dispositifs qui sont pourtant destinés aux personnes en difficulté...dont ils font partie. Donc on fait de l'ouverture de droits, qui va de l'accès aux droits universels (lol) comme le RSA ou assurantiels comme le chômage jusqu'à bénéficier de la protection de la police, accéder aux services de santé comme l'hôpital, renouveler ses papiers d'identité, demander un logement social... Ce qu'on fait aussi, c'est d'organiser des activités d'animation qui visent à rétablir les personnes dans leur dignité - bafouée par les employeurs, les agents de l'Etat et les institutions - ce qui consiste finalement à leur demander ce qu'ils souhaitent organiser dans le foyer, coordonner les moyens nécessaires, participer à l'organisation en collaboration avec les résidents et aider à l'animation de l'évènement. Ca veut dire respecter leurs besoins, leurs demandes, leurs envies et mobiliser des moyens pour y répondre. C'était super et vraiment dur à la fois. Réaliser, par les témoignages quotidiens des résidents, l'étendue du racisme et de l'islamophobie institutionnels, la justice à deux vitesses, les contrôles répétés, les humiliations continues, les discriminations, les injustices, c'est dur. Mais ça restait moins dur pour moi, femme blanche pauvre mais diplômée - un tout petit peu -, logée et nourrie que pour les personnes du foyer que j'accompagnais. Aujourd'hui, j'ai changé pour devenir prof et former les travailleuses sociales qui vont accomplir ce travail nécessaire et ingrat. Pour participer, un peu, à la formation de leur éthique professionnelle, qui, je l'espère, sera respectueuse des personnes et surtout non normative.
- A quoi correspond pour toi le féminisme TM et que lui reproches tu ?
Le féminisme TM, c'est le féminisme considéré comme légitime, blanc, plutôt bourgeois, celui d'OLF, celui de Madmoizelle, celui d'Elle, pour ne citer qu'elles - mais il y en a d'autres. C'est une forme de militantisme blanc mais colorblind (tu apprécieras la nuance), dans le sens qui évacue totalement la question de la race, de la classe et de l'intersectionnalité des oppressions. Elles ne réalisent, j'espère, même pas qu'elles ne sont qu'entre blanches diplômées bourgeoises et qu'elles ne s'adressent par conséquent, qu'à leurs semblables. Ce que vit une femme noire n'est pas strictement la même chose que ce que peut vivre une femme blanche. Il ne s'agit pas de nier les oppressions dont ces dernières sont victimes mais de prendre en compte l'ensemble des rapports de domination que les femmes subissent. Par exemple, en tant que femme blanche, je subis des oppressions visant à limiter ma prise de parole, ma liberté de déplacement et ma sécurité dans l'espace public et ma promotion professionnelle. En revanche, aucun propriétaire ni aucun employeur ne me refusera parce que je suis blanche. Parce que je suis une femme, peut-être, parce que je suis pauvre, surement. Mais c'est un leurre de croire que parce qu'on est des femmes, on est toutes dans le même bateau...qui se trouve être celui du féminisme blanc. Je ne m'y reconnais absolument pas parce que c'est un mouvement qui cherche à me parler à moi, en tant que blanche, supposée hétérosexuelle, valide et de classe moyenne, en tant que représentante de "l'universel", en tant que cible des collants "chair" et du fond de teint "naturel" et qui évacue totalement la prise de parole des femmes racisées, c'est à dire perçues comme non-blanches. En tant que féministe, j'ai bien plus appris des rencontres avec les Afroféministes et les féministes musulmanes qu'avec des double-pages dans Elle. J'ai appris qu'elles existaient, j'ai écouté leurs expériences, j'ai fermé ma bouche quand ce n'était pas ma place, j'ai réfléchi aux oppressions spécifiques qu'elles subissaient et à celles auxquelles - même à un petit niveau - je participais ou en tous cas ne m'y opposais pas. La condition des femmes en France est à la fois commune et complexe. Je ne peux pas participer à des groupes ou actions féministes qui ne prendraient pas en compte l'ensemble des femmes, dans leur diversité, que celle ci concerne leur état de santé, leur couleur de peau, leur appartenance de classe, leur religion. Je me suis par exemple opposée à l’action d’un groupe féministe visant à répandre des serviettes usagées sur les marches de l’Assemblée Nationale. Si je partage la cause (réduction de la TVA sur ces produits), je ne peux accepter que ce soit justement d’autres femmes qui ramassent le produit de ma mobilisation, à savoir, des serviettes usagées.
- Tu dis que la dignité des personnes dont tu t'occupes est souvent bafouée les personnes par les employeurs, les agents de l'Etat et les institutions , peux-tu nous expliquer en quoi ?
Les résidents des foyers ou j'ai exercé avaient subi et subissaient des discriminations nombreuses et répétées, des humiliations, des agressions, en tant qu'hommes racisés (c'est à dire perçus et traités comme des non-blancs). Il s'agissait bien la d'une question de race sociale perçue par les individus et les institutions et non pas une question de nationalité (nombre d'entre eux étaient devenus français, avec une belle CNI bleue) ou de régularité du séjour. Par les institutions, je me souviens d'un résident français d'origine sénégalaise, âgé de plus de 70 ans, en béquilles. Il s'était fait dérober l'argent liquide contenu dans son portefeuille par le livreur de la mairie qui lui apportait ses repas. Je lui ai donc conseillé de se rendre au commissariat de police pour porter plainte, lui ai remis les documents importants et lui ai expliqué la procédure. Le lendemain, je passe chez lui prendre de ses nouvelles. Il m'explique alors que les policiers ont refusé de prendre sa plainte, lui ont dit que ce n'était pas la peine, etc. Je me suis donc rendue au commissariat avec lui afin d'avoir des explications. Or là, les policiers se rappelaient effectivement très bien du Monsieur et nous ont accueillis à grands renforts de "oh mais il fallait nous dire que vous aviez une assistante sociale, on croyait que vous étiez tout seul". Ca veut tout dire. Pendant le dépôt de plainte, ils ne se sont adressés qu'à moi, alors que Monsieur parlait très bien le français. Autre institution discriminante : la Poste. Je ne compte plus les fois où des frais supplémentaires ont été imputés à des résidents qui avaient à peine de quoi vivre, ou les histoires invraisemblables comme des refus d'ouverture de compte bancaire (contraires à la loi), des suppressions inopinées de livret A, des frais bancaires indus prélevés directement etc. Il y a aussi le Pôle Emploi, la MDPH, l'hôpital (j'avais écrit sur cette assistante sociale d'un service d'oncologie qui m'avait, alors que je ne lui avais rien demandé, raconté pendant de longues minutes de quelle manière elle parvenait, d'un coup d'œil, à distinguer les Kabyles des Arabes, les premiers étant des gens biens, les autres des voleurs invétérés). J'ai eu aussi affaire aux institutions de contrôle des dizaines de fois. Jusqu'à ce qu'un travailleur social de la CAF m'explique que cet organisme ciblait les foyers de travailleurs migrants en particulier, estimant (sur quelle base ?) avoir "plus de chance" de récupérer des indus ou fermer des droits que dans d'autres lieux. Quant aux employeurs, je ne donnerai qu'une seule anecdote : un résident de 59 ans, plongeur dans le même restaurant parisien depuis 35 ans, à qui son employeur a fait signer, alors qu'il le savait analphabète, un document lui expliquant que "c'était pour la mutuelle". C'était en fait une lettre de démission à prise d'effet immédiat, avec renoncement à la prime de licenciement. Pour info, on a attaqué ensemble et on a gagné. Le Monsieur a toutefois du survivre, difficilement, sans revenus ni chômage pendant les 2 ans de procédure. En général, leur dignité en tant que personnes est bafouée : on les appelle "chef", on les tutoie... Il apparait clairement qu'ils ne sont pas traités avec le respect qu'ils méritent.
- Qu'est ce que la colorblindness ?
La colorblindness c'est l'attitude qui consiste à nier l'existence de la race - en tant que construit social, rien à voir avec les races biologiques, qui elles, n'existent pas. Les personnes qui ont proposé d'effacer le mot "race" de la constitution comme si ça allait miraculeusement faire disparaitre les actes et propos racistes, ceux qui prétendent que parler de races sociales (les testings sur la discrimination à l'embauche ainsi que les nombreuses enquêtes nous démontrent que si la race biologique n'existe pas, les personnes non-blanches ou racisées, n'auront pas les mêmes chances d'être recrutées que les blancs) c'est être raciste, ceux qui ne voient le racisme en France qu'au prisme des résultats électoraux et des succès médiatiques du FN, sont colorblind. Ils ne voient pas les couleurs, soit-disant... sauf que ça n'empêche pas lesdites "couleurs" d'exister pour les personnes concernées et de constituer des freins très sévères à l'emploi, au logement, à la culture et à d'autres domaines de la vie économique et sociale. Une astuce pour les reconnaître : ce sont les premiers à sortir la carte "amie noire" (coucou Nadine) ou à dire "jaune, noir, vert, violet, on est tous humains ! ". Alors, oui, on est tous humains, certes mais se réfugier derrière la négation des races sociales - la colorblindness, donc- ne participe pas à la dénonciation ni à la réduction des inégalités raciales, au contraire. Ce n'est pas parce qu'on ferme les yeux que le problème va disparaître. Il faut prendre ces inégalités au sérieux, écouter (et croire !) ceux qui en témoignent, réfléchir à notre propre positionnement sur la question et tenter d'agir.
- Lorsque tu as commencé à t'intéresser à l'islamophobie, la question de la domination masculine est devenue incontournable, pourquoi ?
J'ai commencé à travailler sur le sujet de l'islamophobie (c'est à dire le rejet à minima, la détestation, voire la haine des musulmans) en 2013, pour mon mémoire de Master 1, puisque j'étudiais le fonctionnement des salles de prière musulmanes des foyers de travailleurs migrants.
J'avais déjà remarqué, au cours de mes lectures, que les garçons arabes et noirs, et particulièrement les musulmans parmi eux, étaient présentés comme des animaux, à la sexualité supposée débridée et impossible à contrôler, à la sauvagerie "naturelle". C'était un premier point : les musulmans seraient "par essence", beaucoup plus sexistes que les non-musulmans. Ils seraient forcément dominateurs, violents, incontrôlables et donc les chantres de la domination masculine.
- Tu parles d'islamophobie, pourquoi ne pas parler de racisme ?
L'islamophobie est une forme particulière de racisme. Elle désigne l'ensemble des actions et opinions visant à réduire les musulmans à des caractéristiques qui leur seraient propres, en tant que communauté croyante. L'islamophobie fonctionne sur deux mécanismes : l'essentialisation (réduire une population à certaines de leurs caractéristiques, réelles ou supposées) et "l'altérisation", c'est à dire considérer comme Autres, les membres que l'on assigne à ce groupe. Quelque part, on pourrait dire qu'il s'agit d'une opération de racialisation des musulmans, qui deviennent une "race", un "peuple", uniquement par l'intermédiaire de leurs croyances religieuses. C'est ce qui se passe lorsqu'on utilise "communauté musulmane" dans les médias : cela soutient l'idée que les musulmans, en France, ont des caractéristiques communes, agissent et pensent en tant que groupe social uni et soudé et ont des objectifs communs.
En France, détester les musulmans et agir pour leur exclusion revient à hair notamment les arabes et les noirs qui pratiquent la religion musulmane. Ce n'est toutefois pas exclusif : certains se réclament islamophobes (ou anti-musulmans, car ils prétendent que le terme islamophobie a été inventé par les mollahs iraniens, ce qui est faux et à été largement contredit, sources à l'appui) mais antiracistes. Ils aiment bien défendre les droits des non-blancs, mais pas des non-blancs musulmans, faut pas abuser. D'autres prétextent le droit au blapshème, à la critique de la religion musulmane et de ses structures, pour déguiser leur islamophobie. La critique de la religion n'est pas en cause et les droits afférents ne reculent pas, contrairement à ce que l'on veut bien en dire. Il suffit de fouiller dans les unes des grands magazines (Le Point, le Nouvel Obs, Marianne...même pas besoin d'aller du coté de Valeurs actuelles) pour constater que la critique de l'islam et des musulmans fonctionne à plein régime et surtout, fait vendre, fait voter des lois, fait progresser des restrictions de libertés. J'attends toujours que quelqu'un me montre la présence soit-disant grandissante et menacante de "l'islam politique" en France, les musulmans qui s'appuient sur leurs croyances pour promouvoir un projet politique, ceux qui tiennent des positions de pouvoir acquis via la revendication de la croyance à l'islam etc. J'ai un stock de popcorn.
La gauche blanche s'en fait une spécialité : ils ne sont pas contre les musulmans, mais contre l'Islam - qui serait LA religion sexiste (nous y revoilà) et oppressive et dangereuse par excellence. Comme si cette religion était une entité indépendante, vivait par elle-même, dans les limbes de l'idéologie, et non pas via les pratiques, les croyances et la vie quotidienne de milliers d'individus. Cela leur permet d'opérer des raccourcis très pratiques, comme par exemple, comparer la situation des femmes iraniennes à celles des résidentes ou des françaises musulmanes, comparer les victimes des talibans aux victimes de harcèlement de rue, rappeler que les droits des femmes sont terriblement bafoués dans les pays musulmans pour valoriser le fait que c'est-pas-chez-nous-qu'on-verrait-ça, la preuve qu'ici, tout va bien, l'égalité est atteinte, fin du sujet. Rappelons-nous les réactions violentes des membres de l'extrême-gauche lors de la candidature d'Ilham Moussaid, qui s'est présentée avec son hijab aux élections. Marche arrière toute !
- Qu'est ce qui te touche spécialement dans les discriminations sexistes ? A quel sujet es-tu le plus sensible ?
Concernant les discriminations sexistes, la question des violences est celle qui me touche le plus. Non pas que j'estime que les questions liées à l'emploi par exemple ne seraient pas importantes, puisque de celles-ci vont découler tout un tas d'autres discriminations (pas d'emploi = pas de thunes = pas de logement = participation à la vie économique, politique et sociale limitée, matériellement et symboliquement). Mais c'est sur la question des violences que je suis la plus sensible. En tant que femme blanche, pauvre, queer, je pratique l'espace public - entendu comme tout ce qui n'est pas à l'intérieur de la maison - depuis mes 15 ans, trajets banlieue-Paris quotidien, sorties etc. J'y ai été agressée un grand nombre de fois, parce que je suis une femme. Et encore, je ne compte pas les agressions sexistes verbales ( = adressées à la femme que je suis, de manière non physique) parce que c'est tellement fréquent que c'est impossible. Comment compter toutes les mimiques dégueu, les "hum charmante" susurrés à l'oreille, les sifflements et les klaxons alors que je sors en jogging-bonnet-écouteurs un dimanche après midi ?
J'ai commencé il y a quelques mois une enquête en socio, de manière autonome, pour laquelle je rencontre de nombreuses jeunes femmes, franciliennes, utilisatrices des transports en commun et qui fréquentent activement l'espace public en général. Les résultats - même provisoires - sont flippants. Les femmes subissent un nombre d'agressions incroyable, qui sont fréquentes, répétées et...passées sous silence. On nous apprend à nous, à ne pas sortir trop tard le soir, à ne pas fréquenter certains lieux, à nous habiller pour éviter les agressions, à nous conduire de manière appropriée pour notre sécurité (ne pas boire, par exemple, ne pas ramener un garçon chez nous, ne pas se conduire en "allumeuse"), à limiter nos déplacements, notre prise de parole. On nous apprend depuis qu'on est petites que s'il nous" arrive quelque chose" (doux euphémisme de si un homme nous agresse), on l'a finalement bien cherché. Parce qu'on est en danger. C'est vrai, mais qui apprend aux hommes à ne pas agresser, harceler, à ne pas suivre les femmes dans la rue, ne pas les insulter, ne pas prendre un comportement ou une façon de s'habiller pour une "provocation" ou un appel au viol ? Qui leur apprend l'importance cruciale du consentement, même conjugal ? Qui leur dit que quand une fille dit non c'est non ? Pas grand monde. Donc oui, les différentes formes que prennent les discriminations sexistes dans l'espace public, et qui visent finalement à ne nous proposer que deux options (être en danger, assumer le risque ou rester à la maison, à subir une autre forme de domination masculine) m'intéresse particulièrement.
- Voudrais-tu rajouter quelque chose ?
C'est un truc que j'essaye de préciser toujours quand je parle race, genre et blanchité, parce que ça ne m'est pas venu tout seul, grâce à la lumière divine, l'expérience perso/pro et Delphy (envers laquelle je suis progressivement devenue plus critique). Ma trajectoire vers la sensibilisation et l'engagement sur les questions raciales et féministes est largement due aux personnes qui m'y ont amenée et qui surtout...en parlent bien mieux que moi (de l'articulation de ces deux axes). Je pense aux blogs et aux comptes-twitter - et aux apéros IRL qui se cachent derriere - de @s_assbague, @ThisisKiyemis, @Mrsxroots, @maayfeelingz, @NegreIneverti, Ms Dreydful, @majnounaaa, le site LMSI et d'autres. Ce sont en grande partie nos échanges et nos rencontres qui ont permis de forger ma réflexion. J'ai lu leurs textes tels quels, en tant que fille-queer-blanche-pauvre qui cherche des réponses sur internet et ça m'a parlé. Lorsque je ne comprenais pas et que j'avais des questions, je les interpellais et on discutait.
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À l'occasion de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, la délégation du Mouvement du Nid du Nord-Pas-de-Calais vous accueille dans ses locaux. Deux journées portes ouvertes pour découvrir notre association, et nos actions !
Infos pratiquesLes 27 et 28 novembre 2015
de 9h30 à 19h30
15 parvis Saint-Maurice à Lille
Au programme, projection de films, rencontres et débats avec les militantEs ainsi que la dédicace du livre de Bernard Lemettre, responsable de la délégation régionale : Je veux juste qu'elles s'en sortent. Mon combat pour briser les chaînes de la prostitution.
Beaucoup ont tendance à voir les féministes comme un groupe monolithique, dont les membres seraient interchangeables. Le féminisme est, plus que jamais, riche de personnalités très diverses.
J'ai donc décidé d'interviewer des femmes féministes ; j'en connais certaines, beaucoup me sont inconnues. Je suis parfois d'accord avec elles, parfois non. Mon féminisme ressemble parfois au leur, parfois non.
Toutes sont féministes et toutes connaissent des parcours féministes très différents. Ces interviews sont simplement là pour montrer la richesse et la variété des féminismes.
Interview de Béatrice.
Son twitter : MmeDejantee
Bonjour, peux-tu te présenter ?
Je m'appelle Béatrice, j'ai 32 ans et sur Internet on m'appelle aussi Mme Déjantée. C'est un pseudo que j'ai choisi il y a 6 ans parce que j'en avais marre d'avoir à justifier publiquement mes choix de vie, souvent jugés socialement non conformes: j'ai cinq enfants, je suis devenue maman à 19 ans comme d'autres décident d'entamer un tour du monde, et j'ai décidé que ça ne m'empêcherait pas de faire des études (longues). J'ai donc commencé en 2007 une thèse en sciences de l'éducation et je me suis rendue compte à quel point les connaissances en éducation circulaient difficilement et étaient difficilement accessibles pour celles et ceux qu'elles concernaient pourtant au premier plan (les parents, les éducateurs, les enseignants, entre autres...). En 2011, j'ai décidé d'ouvrir un site participatif de partage de lectures et de connaissances dans les domaines de la parentalité et de l'éducation, un site qui ressemblerait à un blog "de parent", qui parlerait couches, pleurs nocturnes et caca-pot, mais aussi de bouquins, de revues, parfois même d'études scientifiques et qui revendiquerait le droit pour tous (parents ou non!) de débattre sur les questions d'élevage des petits humains, considérées comme des questions de société. De fil en aiguille, ce site est devenu une association loi 1901,et puis finalement pour moi une occupation à temps assez plein et le point de départ d'une reconversion professionnelle, à la fois vers la rédaction et l'éducation populaire.
Depuis quand es-tu féministe et quel a été le déclic s'il y en a eu un ?
C'est pas facile à dater. Mon sentiment d'injustice fille/garçon, ça date de l'adolescence. J'étais tellement en colère!... de voir mes seins pousser, de voir mes règles arriver, j'avais l'impression que ça signait la fin de ma liberté. Je mettais des maillots de bain sous mes tee-shirts pour qu'on ne voit pas ma poitrine et du papier toilette dans ma culotte pour éviter ce que je considérais comme d'humiliantes couches. J'avais envie de hurler quand ma grand mère commentait mes demandes quotidiennes de sorties au grand air "c'est pas normal pour une fille! On dirait un garçon!" . Et puis j'ai connu le harcèlement sexuel au collège, l’hébétement de ne pas savoir où se situaient les limites de l'acceptable, la culpabilité qui va avec.
A 14 ans j'ai rencontré le père de mes enfants et on ne s'est plus quitté. Ça fait partie des trucs pas très socialement conformes dans ma vie. C'était pas calculé, je ne l'ai pas particulièrement souhaité, mais ça s'est trouvé comme ça et pour nous c'était bien. J'ai grandi dans une famille au fonctionnement plutôt traditionnel, un père très occupé professionnellement, et une mère complètement en charge du quotidien des enfants et de la maison. Mon compagnon était issu d'une famille féministe, avec une mère militante et un père qui cuisinait (un truc que je n'avais jamais vu avant!). Je me considérais comme totalement ignorante en matière de féminisme, donc je lui ai entièrement fait confiance, je me disais: "ce qu'il fait, c'est bien pour l'égalité dans notre couple, c'est forcément mieux que ce que je pense moi qui n'y connait rien". A l'époque j'étais en section scientifique, passionnée par la physique, la philo, l'épistémologie... il n'y avait que des garçons (ou presque!) autour de moi.
Et puis en 2010, j'ai commencé à fréquenter des groupes de femmes, des "tentes rouges". C'était des groupes assez inspirés des pratiques New age des féministes différentialistes des années 70. Ça a été complètement bouleversant pour moi de me retrouver uniquement entre femmes! De me rendre compte à quel point ça libérait ma parole! Et surtout de faire l'expérience qu'on pouvait se sentir fière d'être femme (et pas juste avoir le sentiment qu'on avait tiré le mauvais numéro)! Peu après j'ai découvert le monde des blogs, des réseaux sociaux et de twitter, j'ai découvert en même temps le féminisme militant, les multiples façons de le vivre et de l'exprimer. J'ai eu l'impression de mettre un mot sur ma colère, mes espoirs, mon énergie...et en même temps j'ai eu l'impression de repartir à zéro, de devoir remettre à plat plein de choses de mon quotidien, de mon couple, de l'éducation de mes enfants. C'était chouette, et vertigineux à la fois...
Tu es mère de ce qu'on appelle souvent "une famille nombreuse". As-tu déjà eu des réflexions à ce sujets, y compris de la part de féministes ?
Des réflexions oui, beaucoup. Il n'y a d'ailleurs pas eu besoin d'attendre d'avoir plus d'enfant que la moyenne pour. La norme procréative tyrannise toutes celles et ceux qui osent procréer (ou pas!) hors des clous! Devenir mère jeune, et de façon choisie en plus, c'est déjà tout un programme! A la première consultation de suivi de grossesse à 6 mois à la clinique où je devais accoucher, le médecin m'a lancé: "Mademoiselle, à votre âge, on vient pour un avortement, pas pour une grossesse!". J'ai été alitée pendant la majeure partie de ma grossesse à cause de trop nombreuses contractions, lors d'une hospitalisation pour menace d'accouchement prématuré, la sage femme de garde m'a malmenée parce que j'avais probablement "trop fait la fête" (alors que je ne me levais même pas pour manger...). Au moment de la pose de perfusion, alors que je signalais que j'étais très sujette aux malaises vagaux, elle m'a rétorqué que c'était parce que je ne désirais pas assez mon enfant avant de me laisser seule dans la pièce entrain de sombrer pour bien que je comprenne mon erreur. Souvent on me demandait si ce n'était pas trop "dur" d'élever un enfant à 20 ans, je répondais: "l'enfant ça va, le pire c'est de devoir supporter les remarques de la société". Du regard méprisant de la caissière de supermarché où tu vas acheter tes couches, au responsable d'une licence qui m'a refusé une dispense d'assiduité (que les étudiants qui travaillaient pouvaient demander) au titre que "vous ne pouvez pas décemment suivre une licence de physique avec un enfant en bas âge". Je ne pouvais pas entamer une conversation avec aucun parent du square (ou d'ailleurs) sans qu'on me demande mon âge comme éternel préalable. Comme si ma parole avait moins de poids, mes pratiques, mes espoirs aussi, comme si je devais constamment faire mes preuves de "mère suffisamment bonne" devant tout le monde. J'ai conscience que la curiosité des gens n'est pas forcément malsaine mais suis devenue un peu allergique à cette question à force (qu'on me pose encore aujourd'hui, quand je rencontre des parents d'élèves du collège de mon grand!!).
Et puis effectivement lorsque je suis passé du statut de "mère trop jeune" à celui de "mère de famille trop nombreuse" les réflexions ont changé. Les gens avaient besoin d'une explication: je devais répondre sur mes convictions religieuses, écologiques, sur mon choix de contraception, sur la sexualité dans notre couple. Ça leur paraissait juste complètement dingue que des gens souhaitent ça, comme ça, sans rien revendiquer, juste parce que ça leur semblait être le bon choix pour eux et pour leur famille. Une famille de cinq enfants, forcément, ça ne passe pas inaperçu dans la rue: on prend de la place dans le métro, au square, dans les magasins... Alors régulièrement il y a un passant pour les compter tous ostensiblement: "5, j'ai bien compté??? Ils sont tous à vous? Mais vous êtes une famille recomposée non? Vous n'avez pas peur d'en perdre un? HAHAHAHA". Il y a eu des périodes où on ne se promenait plus tous ensemble, pour ne pas gêner, et surtout pour ne plus avoir à répondre. Je partais de mon côté avec deux ou trois enfants, mon compagnon faisait de même et on pouvait recommencer à vivre sans être scrutés. Lorsqu'on a annoncé que nous attendions un cinquième enfant, un membre de notre famille proche, un verre de champagne à la main, nous a dit devant tous nos enfants réunis "hé ben, vous êtes de sacrés baiseurs!". Je vous passe les réflexions sur mon physique, parce que je suis maigre de nature, et que ce n'est pas assez "cohérent" au goût des gens avec l'image qu'ils se font d'une mère de famille nombreuse.
Dans la sphère féministe c'est plus complexe, je ne me souviens pas avoir eu de remarque directe. Mais c'est aussi parce que l'essentiel de mes contacts avec les militantes se fait via le net, donc finalement un endroit où la vie privée peut avoir une place totalement secondaire de façon bien plus naturelle qu'IRL. Par ailleurs, si je suis particulièrement attachée à voir le féminisme investir les questions de maternité, je ne porte pas en étendard mes propres choix procréatifs: ce sont les miens, et je milite pour chacun puisse faire les siens librement et les voir respecter absolument par les médecins, l'entourage, la société.
Considères-tu que les mouvements féministes s'occupent suffisamment des problématiques autour de la maternité ?
Clairement non, je pense que les problématiques autour de la maternité ne sont pas suffisamment investies, mais il y a aussi une récente évolution très notable et très encourageante en la matière, je pense au blog de Marie Hélène Lahaye, à celui de Poule Pondeuse. Je n'ai pas suffisamment de connaissances sur l'histoire du féminisme pour analyser le phénomène de façon pertinente mais il me semble que l'énergie qui a du être mobilisée pour revendiquer le droit à l'IVG a fait que la maternité a été considéré comme un problème secondaire: certes, les inégalités liées à la maternité étaient connues mais dès lors que la possibilité d'IVG existait, elles étaient d'une certaine façon sans objet. Pour être libres, il fallait "juste" ne pas procréer.
Je revois une interview de Simone de Beauvoir à la télévision au début des années 80 expliquer en quoi la condition de la femme sans enfant était bien enviable, à côté de celle dont les rejetons ne laissait même pas le temps de manger. Elle m'a beaucoup marqué, moi qui ait parfois connu ce genre de situation peu glorieuse... D'une façon similaire, je me souviens de l'étonnement des gens quand je disais que je n'avais pas vraiment aimé être enceinte: "t'avais qu'à pas faire d'enfants!". Du coup, ça devient compliqué pour une femme qui - pour une raison ou une autre - a envie de devenir parent (ce qui est tout à fait différent du désir d'être enceinte): tout se passe comme si elle s'auto-condamnait elle-même en toute connaissance de cause à une vie misérable sans avoir le droit de crier à l'injustice (puisqu'elle avait elle même consenti à son sort).
De tout cela a résulté selon moi une double méconnaissance contre lesquelles j'essaie avec mes petits moyens modestes d'agir: une méconnaissance du féminisme sur les questions liées à la maternité et la périnatalité, et réciproquement une méconnaissance des mères de la nécessité et de la pertinence de la réflexion féministe.
En avril tu as écrit un texte Nous sommes des menteuses de mère en fille qui a beaucoup buzzé et parlé à beaucoup de femmes, peux-tu nous en reparler ?
C'est un texte que j'ai écrit avec beaucoup de rage, et j'ai été très étonnée qu'il soit si lu et qu'il parle à tant de femmes... A l'époque j'avais autour de moi beaucoup d'amies, jeunes mères, dans un état d'épuisement terrible, qui passaient le peu d'énergie qui leur restait à se mépriser elle-même, à se dévaloriser, à se traiter de "mère en carton pâte", à être persuadées qu'elles étaient les seules à couler, à ne pas s'en sortir, que leurs mères en leur temps avaient été tellement plus fortes, tellement plus résistantes, tellement plus... J'étais tellement en colère contre ce mensonge qui empoisonnait tout! Une des personnes âgées de mon entourage a fait étant jeune une tentative de suicide pour cause de surmenage maternel (et je sais que c'est loin d'être un cas isolé!) ; au début du siècle, des chocolats aux amphétamines (qu'on considérait alors comme stimulants) étaient vendus pour lutter contre la fatigue des mères, combien sont-elles à avoir passé sous silence leur souffrance? Lorsqu'on regarde les chiffres des burnout maternels, ils sont effarants! Et personne ne sait que faire... les médecins reçoivent sans cesse dans leur cabinet des mères épuisées sans savoir réellement quoi leur proposer (il n'y a pas d'arrêt maladie pour les mères!) il faut attendre qu'elles développent des pathologies psychiatriques ou qu'elles mettent en danger leur enfant pour que la communauté réagisse! Et encore: en les pointant du doigt comme de mauvaises mères!! Peu après la publication de ce texte, plusieurs femmes m'ont dit "tu ternis l'image de la maternité! Nos filles ne voudront plus devenir mères!": c'est tellement symptomatique de ce cercle vicieux...
Je veux croire que cette torture morale et psychologique n'est pas une fatalité que doivent subir tête baissée les femmes qui souhaitent devenir parent! Une évolution en la matière suppose néanmoins de repenser en profondeur le rôle de la société face à l'épuisement parental, les rapports d'entraide, la répartition des responsabilités entre les co-parents, et le regard social porté sur les mères afin de le débarrasser des préjugés sexistes et des pressions colossales, j'ai conscience que le chemin est encore très long...
Où en sommes-nous 6 mois après? J'ai récemment rendu visite à ma grand-mère de 95 ans avec ma fille de 9 ans. Ma grand-mère a été déscolarisée à 12 ans pour aider son père boulanger après le décès précoce de sa mère, a élevé quatre enfants, était considérée comme une sorte de "guérisseuse" (je vous passe les détails des rituels exotiques visant à chasser le mauvais oeil), a vécu dans trois pays différents, a connu les camps de réfugiés, le dénuement, l'immigration, elle a été assistance maternelle, a accueilli des enfants de l'aide sociale à l'enfance, elle a parfois fait de la sous traitance en confection textile pour donner à manger à ses enfants. Lorsque ma fille lui a demandé: "et toi mamie, c'était quoi ton métier?". Elle lui a répondu: "oh moi tu sais je n'ai jamais travaillé! J'ai toujours vécu comme une princesse!". Voilà pour moi l'étendue de la couche de mensonge...
Tes parents sont-ils au courant de ton féminisme ? Qu'en disent-ils ?
Mes parents sont au courant, en partie du moins, et je ne saurais dire précisément ce qu'ils en pensent. Lors de la mobilisation après le scandale des touchers vaginaux sur patiente endormie dans laquelle je me suis énormément investie, mon père m'a clairement exprimé son soutien. Je sais qu'il respecte ma rage face à l'injustice et l'abus de pouvoir et mon envie de contribuer autant que je le peux à faire changer les choses qui m'indignent. Je ne sais pas exactement ce qu'en pense ma mère, nous en parlons rarement. Je sais que mes choix familiaux, professionnels et idéologiques la déconcertent souvent, même si elle les respecte. Ca n'est en tout cas pas vraiment un sujet qui nous a rapprochées.
Tu as beaucoup hésité à faire cette interview ; pour quelle raison ?
J'ai beaucoup hésité parce que j'ai conscience de voir le monde au travers d'un prisme déformé, de privilégiée. J'habite dans un pays riche, j'ai un toit sur ma tête et assez à manger chaque jour, je suis blanche, hétérosexuelle, cisgenre, j'ai eu la chance de faire de longues études et d'être en bonne santé. Je ne veux pas que mes combats en écrantent d'autres, plus urgents, plus douloureux, émanant de personnes qui ont moins d'aisance verbale ou de pouvoir social que je peux avoir (pas parce que je suis plus douée qu'une autre, mais juste parce que ma position privilégiée me l'octroie de fait). Ceci recoupe beaucoup mes questionnements dans la gestion du site associatif que je gère, parce que j'ai envie que ce soit autant que possible un espace "safe" pour tout-e-s, parce que je considère que mon rôle en tant que privilégiée n'est pas de monopoliser la parole mais de créer des espaces pour ensuite laisser la place à ceux qui n'ont pas autant de facilité à y avoir accès...Je ne dis pas que j'y arrive hein, mais j'essaye...
La deuxième raison qui m'a fait hésiter c'est que j'ai parfaitement conscience d'être "en chemin" du point de vue de l'égalité entre femmes et hommes: j'ai suis très loin de ne plus ressentir du tout les pressions et les culpabilités quant aux tâches ménagères et aux responsabilités éducatives et suis complètement admirative des personnes comme Gaëlle-Marie Zimmermann, je sais aussi que j'ai fait par le passé des choix professionnels profondément sexistes (l'avènement des enfants a de fait, sans commune mesure, plus affecté ma carrière que celle de mon compagnon, et j'ai conscience aujourd'hui qu'on aurait pu faire autrement). Bref, je n'ai de leçon à donner à personne, tout au plus l'envie de partager un combat qui a beaucoup de sens pour moi aujourd'hui.
Arrivez-vous avec ton mari à éduquer vos enfants de manière anti sexiste et à considérer de la même façon filles et garçons ?
L'éducation anti-sexiste, c'est un peu comme nettoyer un mur blanc... à chaque fois qu'on pense en avoir enlevé une bonne couche, on découvre ce qu'il reste à faire... Donc non, je ne pense pas que nous arrivions parfaitement aujourd'hui à éduquer filles et garçons de la même façon... On essaie d'être vigilant, de s'interroger sur nos réflexes, sur les implicites, sur les raisons de nos choix et d'associer nos enfants autant que possible à ces réflexions. Pour nous c'est surtout un travail très concret du quotidien: Ça peut être aider notre fils de cinq ans à assumer son envie d'avoir les cheveux longs ou de porter des leggings à l'école, d'interpeller la bibliothécaire du quartier sur le sexisme d'un ouvrage jeunesse en rayon, de commenter en famille le marketing genré dans les magasins, de reprendre les grands parents lorsqu'ils félicitent nos garçons pour leur force et notre fille pour le soin de sa tenue, d'aider notre fille de neuf ans à se défendre lorsque des garçons la tyrannisent dans la cour de récré, ou encore à proposer d'animer des ateliers égalité fille/garçon lors de la fête du livre. Ça passe aussi par beaucoup de discussions, beaucoup de débats en famille... avec notre aîné de 13 ans nous parlons de culture du viol, de lutte contre l'homophobie, d'inégalités entre femmes et hommes, de la notion de consentement, ou encore des injonctions à la virilité qu'il peut subir au quotidien. Il exprime souvent son désir d'agir pour "redorer" l'image des hommes et réparer les inégalités, c'est sans doute dit d'une façon un peu maladroite mais on estime qu'il y a là une énergie positive à encourager. Avec notre fille de 9 ans, nous essayons de lutter contre les préjugés qui font que les filles ont peur d'être dans la rue, nous essayons de l'aider à se projeter dans des qualités diverses (pas que sois belle et tais toi!), on parle de consentement aussi...il y a peu elle me confiait qu'elle craignait le jour où sa poitrine pousserait parce qu'une amie à elle lui avait dit que les garçons n'auraient de cesse de vouloir la toucher. On a du mettre des mots sur tout ça, parler de l'inacceptabilité des agressions, du droit à disposer de son corps, et aussi de réfléchir à ses moyens d'action pour ne pas se sentir vulnérable. Il n'y a jamais de répit! Et puis les enfants en retour questionnent directement ou indirectement certains de nos choix de parents, sur l'exemple que nous leur donnons, parfois lui-même porteurs d'une bonne dose de sexisme, et ils nous invitent à nous remettre en question et à évoluer, c'est un échange très stimulant!
Peux-tu nous parler des injonctions faites aux mères dans le domaine de l'accouchement et de l'allaitement ?
Le domaine de la maternité est marqué en apparence par de grands clivages, en très résumé et très caricatural on peut dire que se dresse souvent le clan de "pour" contre le clan des "contre". L'accouchement et l'allaitement sont souvent au coeur de ces clivages: allaitantes contre biberonnantes, péridurale contre accouchement physiologique... Ce qui me dérange énormément dans ces clivages est la perte de vue de la dimension de choix individuel, qui reste pourtant être centrale. J'ai rencontré dans les deux "clans" des personnes d'une violence hallucinante, persuadées de posséder LA vérité qu'elles voulaient faire appliquer à toutes, j'ai aussi rencontré des personnes d'un respect extraordinaire, qui cherchaient comment accompagner et soutenir au mieux les femmes dans leurs choix, comment bricoler pour trouver des solutions qui leur conviennent à elle, leur famille, leur enfant (je pense par exemple à la sage femme @10lunes, à l'action de l'association CIANE, à la conseillère en allaitement @veroniqueIBCLC).
Les injonctions sociales et médicales surfent un peu sur les deux camps et si on peut reprocher à la première vision son caractère parfois dichotomique, on peut reprocher à la seconde son ambivalence, qui plonge souvent les femmes dans une série d'injonctions paradoxales... On demande par exemple aux femmes enceintes de se soumettre à des contraintes alimentaires drastiques, à une observance médicale de chaque instant, et ce dès la conception, tout en leur intimant l'ordre de ne pas se stresser, parce que ce serait mauvais pour leur enfant à naître. Pour l'allaitement, c'est un peu pareil: on promeut l'allaitement maternel dès la naissance parce que l'OMS/l'Etat a dit de le faire, parce qu'il y a des avantages sanitaires, et que c'est un label de qualité recherché que d'être "hôpital ami des bébés" mais en même temps on va stresser à mort les femmes pour qu'elles pèsent leur bébé avant et après les tétées, parce que leur bébé aura perdu un pouillème de poids de plus que prévu, ou parce qu'il aura grossi plus qu'avec des courbes standardisées d'un bébé nourri au biberon... De même on va pousser les femmes à mettre en place un allaitement maternel (qui met bien un mois/un mois et demi pour être vraiment lancé) mais les culpabiliser si elles ne sont pas en mesure d'avoir sevré, mis en place un allaitement mixte ou été en mesure de tirer leur lait pour leur reprise de travail à deux mois... Parallèlement à ça, les femmes qui ne souhaitent pas allaiter se voient tout de même proposer (imposer?) avec plus ou moins d'autoritarisme une "tétée d'accueil" en salle de naissance, ce qui est parfois vécu de façon très violente, elles sont aussi largement culpabilisées de ne pas donner "le meilleur" pour leur enfant. Quant à celles qui auront eu le culot de prolonger leur allaitement plus de 9 mois, on va les regarder d'une façon soupçonneuse voire carrément évoquer l'inceste... De quoi devenir dingue!!
Sur l'accouchement, la situation est plus complexe. On a d'un côté l'accouchement ultra technicisé, qui est assez largement considéré comme la "norme" (pour s'en assurer, il suffit de visionner l'émission "Baby boom": on n'y voit que des femmes allongées sur le dos, perfusées, périduralisées, monitorées, accouchant sous les "poussez poussez poussez" dirigistes du gynécologue) et qui correspond à une double demande: une demande réelle des femmes d'en finir avec la fatalité de la douleur mais aussi une demande de rentabilité médicale (une femme sous péridurale ne mobilise pas autant de personnel médical qu'une femme sans péridurale qui aura davantage besoin d'être soutenue, écoutée, réconfortée; une femme sous péridurale peut supporter plus facilement l'injection d'hormones de synthèse censées accroître le rythme et l'intensité des contractions et donc hâter l'accouchement, l'accouchement sous péridurale ça évoque souvent la Machine qui fait Ping des Monthy Python). Et de l'autre l'accouchement physiologique, qui regroupe des gens de sensibilité très diverses. Parmi eux figurent clairement des mouvements new age au sectarisme qu'il est légitime d'interroger mais ce mouvement est aussi et surtout en majorité représenté par des soignants et des usagers qui veulent mettre au premier plan le respect de l'individu (de son corps, de ses émotions, de son vécu) et s'interroger sur les potentiels effets iatrogènes des techniques médicales habituellement utilisées pendant l'accouchement. Les effets iatrogènes, c'est un peu comme le pompier incendiaire: c'est le fait que des dispositifs médicaux induisent des effets indésirables qui doivent ensuite être pris en charge par d'autres dispositifs médicaux et ainsi de suite...Par exemple, ce sont les défenseurs de l'accouchement physiologique qui ont mis le doigt sur le fait que les épisiotomies (section du périnée en vue de faciliter le passage de l'enfant) n'étaient pas efficaces dans la prévention des déchirures graves et qu'elles pouvaient même les favoriser; ce sont eux qui ont alerté sur le fait que les hormones de synthèse administrées pour accélérer le travail induisaient un risque plus élevé de déclencher une hémorragie du post-partum (une des causes majeures de décès maternel en France), ce sont enfin eux qui ont montré que la position gynécologique (allongée sur le dos) qui est assez largement imposée aux femmes était sans doute une des plus pratiques pour le gynécologue ou la sage femme mais aussi une des moins favorables à la progression du bébé dans le bassin maternel.
Les médecins étant en France les détenteurs de la "technique" médicale autour de l'accouchement (ce sont eux qui pratiquent les extractions instrumentales avec forceps, ventouse, eux qui posent les péridurales, qui pratiquent les césariennes), le débat accouchement technicisé VS accouchement physiologique a réveillé l'ancestral conflit entre gynécologue et sage femme, c'est à dire entre la médecine des hommes et celle des femmes.
Qu'as tu à dire sur le sexisme présent dans le couple hétérosexuel avec des enfants ?
Je trouve qu'on parle plus souvent d'éducation anti-sexiste en terme de contenus éducatifs (quels jouets, quels habits, quelles activités...) qu'en terme de modèle. Or les parents sont un des premiers modèles des enfants, ne serait-ce qu'en raison de l'importance de l'apprentissage par "imitation". Je suis donc persuadée que les stéréotypes les plus implicites que nous portons en nous sont particulièrement basés sur cette "référence" que nous construisons malgré nous. Dans un couple hétérosexuel, l'arrivée d'un enfant est souvent très "coûteuse" du point de vue de l'égale répartition des tâches. Tant qu'il n'y a pas d'enfants, se répartir les tâches ménagères et administratives peut encore relever de la logique comptable: qui fait la vaisselle, passe l'aspirateur, qui descend les poubelles, récure les toilettes, qui amène la voiture à réparer, qui paye les factures, etc... Il peut toujours y avoir des réticences, des mauvaises habitudes, ou de la mauvaise volonté mais en cas de déséquilibre on a encore la possibilité de s'en tenir au strict entretien de ses propres affaires. Lorsque l'enfant arrive, cette marge de manoeuvre est assez largement réduite à néant. Une amie disait récemment "tu veux perdre 10 ans de luttes féministes? Fais un gosse". Bien souvent, la grossesse met directement dans le bain, un peu comme un avant goût de la vieillesse: fatigue, douleurs, nausées, angoisses... certes toutes les femmes ne cumulent pas tous ces symptômes mais l'extrême majorité ne peuvent toutefois poursuivre le même "rythme" que leur conjoint. Ensuite, l'arrivée de l'enfant complique passablement la résistance passive: on ne peut pas dire à son mec "m'en fous, c'est si tu lui donnes pas à manger ben tant pis, il ne mangera pas!". Alors qu'une baignoire peut tout à fait supporter de ne pas être récurée pendant plusieurs semaines. Enfin le partage égalitaire des tâches liées aux enfants est assez souvent biaisé en raison d'un nombre incalculable de tâches "invisibles" (cf le concept de "parent par défaut"): je connais des pères "super investis" qui pensent "faire leur part" parce qu'ils savent donner un bain, habiller un môme, lui faire à manger, qu'ils l'accompagnent à l'école le matin et gèrent le pyjama/dents/histoire/bisou du soir. Ce mec là, tout le monde va le féliciter, tout le monde va dire à sa femme "mais QUELLE CHANCE tu as!!!" (sinon carrément la culpabiliser). Et pendant ce temps là, la femme s'escrimera à vérifier que les cahiers de liaison sont bien signés, ira au rendez-vous avec la maîtresse, prévoira le cadeau d'anniversaire pour le petit copain du môme, s'inquiétera qu'il manque des chaussettes dans le tiroir de son chérubin, réservera les colonies de vacances, prendra rendez-vous pour les vaccins, donnera les vitamines de l'hiver, etc.....mais ça évidemment tout le monde s'en fout puisque personne ne sait que ça fait AUSSI partie du package.
La dernière raison qui rend si ardue le partage des tâches liées aux enfants dans un couple hétérosexuel tiens en cette phrase de la sociologue féministe Christine Delphy: "le problème des femmes hétérosexuelles, c'est qu'elles couchent avec l'ennemi". Comme il est difficile (et parfois douloureux) pour une femme hétéro de se rendre compte que le grand amour de sa vie, tout capable qu'il est de se faire cuire un oeuf tout seul, (parfois même) tout féministe qu'il se dit être, n'en est pas moins un homme. Et que ce statut lui a fait acquérir (même à son insu) des comportements dominateurs, une assurance, une liberté que sa femme n'a pas aussi naturellement et qui fait de lui un macho en puissance: Ce qu'il fait pour les enfants doit d'être célébré, ce qu'elle fait est banal, ce qu'il rate avec les enfants est touchant, ce qu'elle rate avec les enfants est indigne, son congé parental à elle est passé inaperçu, sa journée enfant malade à lui a été marquée d'une pierre blanche, elle est toujours prise pour naturellement compétente en éducation, il est toujours pris pour naturellement compétent dans tous les autres domaines intellectuels et ainsi de suite...
A ce titre, j'ai longtemps cru que le seul espoir d'égalité pour les femmes était de cultiver elles aussi la "virilité" (et la liberté, la force, l'assurance, qui allaient avec) avant de réaliser lors d'une discussion avec l'historienne de la famille et féministe Anne Verjus que ce pouvait être particulièrement sexiste de n'envisager la société comme ne pouvant qu'être structurée sur le système de valeur "virilité", classiquement attribué au masculin et imposé à tous par ce genre. Qu'il était peut être possible de construire un autre système de valeurs, tout aussi universel (que hommes et femmes pourraient désirer cultiver, comme c'est le cas actuellement pour la virilité), tout aussi désirable mais qui ne pose pas à la base l'écrasement des forts sur les faibles. Un système de valeur où le but serait de construire un monde plus doux pour tout-e-s, plus respectueux de chacun-e, plus bienveillant, où on prendrait soin les un-e-s des autres. Après tout, après des dizaines de milliers d'années de guerres et de conflits, il ne serait pas trop tôt d'en finir avec la virilité meurtrière! C'est ici que ma réflexion s'arrête... ou plutôt que mon chemin se poursuit... Merci de m'avoir donné la parole!
Peux tu donner des exemples de partage des tâches inégalitaire qui commencent ou se renforcent après l'arrivée des enfants ?
Je précise que je vais parler pour les couples hétérosexuels, d'abord parce que c'est ce que je connais, et ensuite parce que je pense que les rapports inégalitaires femmes/hommes sont assez déterminants dans ce cas.
Les inégalités commencent avec la grossesse, c'est une évidence mais c'est toujours mieux de le rappeler. Un homme pourra être aussi dévoué qu'il le peut, prendre en charge totalement les tâches ménagères, etc... dans la grande majorité des cas: il ne vomira pas pendant trois mois, ne subira pas les examens médicaux invasifs, ne se sentira pas la responsabilité psychologique de la bonne santé de l'enfant à naître, ne verra pas sa carrière potentiellement mise en danger par un arrêt de durée aléatoire (hé oui, les grossesses pathologiques, ce n'est pas sur commande). Ça ne s'arrange pas vraiment quand l'enfant est là! On pense souvent que partager les tâches liées aux enfants ça se réduit à une histoire comptable: toi tu changes les couches, moi je donne le bain, toi tu te lèves au premier réveil nocturne, moi au second. Réfléchir là dessus, ça peut être intéressant mais dans bien des cas c'est totalement insuffisant... car un nombre stupéfiant de tâches relatives au soin des enfants sont "invisibles": penser à prendre rendez-vous chez le pédiatre, établir une whishlist d'anniversaire pour les grands parents, étudier les comparatifs de sièges auto les plus sécuritaires, embaucher une assistance maternelle, monter le dossier de crèche en mairie, envoyer des photos du bambin à la famille, acheter un pyjama parce que tous les autres sont trop petits.... sans compter tout ce qui a trait à l'éducation!!! C'est la vocation du site que j'anime (Les Vendredis Intellos) d'accueillir des débats/échanges autour des questions d'éducation, et dans la société dans laquelle nous vivons, il est clair que l'éducation de l'enfant n'est pas perçue comme un truc easy qu'on apprendrait sur le tas: au contraire, il faut se renseigner, confronter, choisir, la pression sociale est énorme!!! Pendant longtemps on s'est demandé pourquoi sur le site on accueillait 98% de femmes et quasiment pas d'hommes. On a réfléchi au design du site (renvoie-t-il à des stéréotypes de genre plutôt "féminins"?), on a réfléchi au format des billets publiés (parler de bouquins/de textes publiés, parler d'"experts en éducation" ça pouvait évoquer aussi un stéréotype "masculin"), on a réfléchi à notre propre capacité à sortir de l'entre-soi, à adapter notre vocabulaire pour ne pas parler que de "contributrices" : bref, on s'est pris la tête comme on aurait rêvé que les hommes agissent dans les milieux où les femmes sont très minoritaires. Et puis, aux dernières rencontres annuelles de l'asso, alors qu'une fois encore je déplorais le manque de parité parmi les contributeurs/trices du site, un homme m'a dit: "Nous, en tant qu'hommes, on ne se sent pas obligé de se prendre la tête sur l'éducation. Pas parce que ça ne nous intéresse pas, pas parce qu'on se sent exclus de ça, mais juste parce que depuis qu'on est tout petit on nous apprend qu'on n'a pas à se remettre en question. On décide, point. Et au mieux on assume après si on se plante. Mais on ne ressent pas le besoin de partager ça avec d'autres". En résumé (et très caricatural): les hommes sont sûrs d'eux, les femmes moins. A cause de (grâce à?) ça les femmes s'informent et débattent sur l'éducation des enfants, les hommes moins. Résultat: ce sont elles qui se sentent responsables de l'efficacité des choix éducatifs et qui subissent en première ligne la pression sociale au "parent parfait". Le silence des hommes de son côté n'est pas considéré socialement comme un excès de confiance en soi mais comme un désintérêt pour le sujet. Résultat: dès qu'ils changent une couche, ils sont acclamés comme s'ils avaient franchi l'Everest. Bref, il y a du pain sur la planche.
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Avec le soutien de l'Agence Régionale de Santé Pays-de-Loire, notre délégation de la Sarthe propose à Mamers le 26 novembre et au Mans le 27 novembre deux journées de formation. Elles seront utiles aux adultes encadrant des jeunes (santé, services sociaux, enseignement...) désireux de favoriser l'égalité filles-garçons et de repérer les situations à risques de violence.
Infos pratiquesMamers,
Réseaux sociaux : nouer des liens sans risques
26 novembre 2015, 9h30 - 16h30
Salle du Cloître, Place de la République
Sur inscription avant le 23 novembre (bulletin ci-dessous)
Le Mans,
Filles, garçons, bâtir des relations égalitaires
27 novembre 2015, 9h30 - 16h30
Espace Gisèle Halimi, 30 avenue Félix Geneslay
Sur inscription avant le 23 novembre (bulletin ci-dessous)
Ces deux journées sont mises en place grâce au soutien financier de l'Agence Régionale de Santé Pays-de-Loire ; elles sont gratuites et limitées à 15 personnes. La formation est assurée par la délégation de la Sarthe du Mouvement du Nid et mme Christine Laouénan, journaliste, écrivaine et spécialiste de l'adolescence et de l'égalité filles/garçons.
Intentions et programmesRéseaux sociaux : nouer des liens sans risques (Mamers, 26/11)
programme complet et inscription
Très utilisés par les jeunes générations, les réseaux sociaux permettent une communication immédiate entre les utilisateurs. L'enjeu de ce web social, c'est d'être vu et apprécié, d'avoir beaucoup d'amis.
Certains internautes profitent de cette confusion entre espace privé et espace public pour avoir recours à une intrusion persécutrice. Loin d'être un terrain virtuel, Internet peut mettre en danger l'utilisateur, d'autant que la responsabilité des auteurs n'est pas engagée.
Quels risques encourent les adolescents qui usent et abusent de ces outils interactifs ? En quoi favorisent-ils des risques prostitutionnels ?
Filles, garçons, bâtir des relations égalitaires (Le Mans, 27/11)
programme complet et inscription
Bien que l'égalité entre les hommes et les femmes soit inscrite dans la loi, la réalité montre qu'il reste encore des progrès à faire. Malgré les apparences, l'éducation des filles et des garçons demeure encore inégalitaire. Les parents comme les éducateurs peuvent avoir des attentes différentes selon les sexes, ce qui favorise des stéréotypes sexués et des comportements sexistes.
Dès 15h00, le 25 novembre, les associations agissant pour l'égalité des droits Femmes/Hommes et contre les violences faites aux femmes échangent avec le grand public aux abords des principales stations de tram de Strasbourg. La délégation du Bas-Rhin du Mouvement du Nid vous attend à Faubourg National ! À partir de 18h30, à la médiathèque Olympe de Gouges, ne manquez pas la conférence "Suède : le pays où les femmes ne sont plus à vendre" avec la parlementaire et féministe suédoise Malin Björk.
Le 25 novembre, à l'occasion de la Journée internationale contre les violences faites aux femmes, la commission plénière égalité Femme – Homme de la Ville organise de nombreuses manifestations.
Entre 15h et 18h : présence des associations sur les principales stations de tram pour aller à la rencontre des passantEs. Le Mouvement du Nid vous attend à Faubourg National, dans le quartier de la Laiterie, lignes B et F.
18h : Rendez vous devant la verrière de la gare pour une déambulation jusqu'à la médiathèque Olympe de Gouges.
18h30 : Conférence : "Suède : le pays où les femmes ne sont plus à vendre"
Intervenante : Malin BJÖRK, femme politique suédoise, membre du Parlement européen depuis 2014 au sein du Groupe politique de la Gauche unitaire européenne. Féministe engagée, Malin BJÖRK est particulièrement active depuis des années dans la lutte contre le système prostitutionnel et contre toutes les formes de violence contre les femmes.
à Médiathèque Olympe de Gouges, 3 rue Kuhn
Contact : osezlefeminismebasrhin@gmail.com
19h : Pot de l'égalité à la médiathèque Olympe de Gouges.
Pour sensibiliser et échanger sur le système prostitutionnel avec le grand public, dans le cadre de la Journée de lutte contre les violences faites aux femmes, les militantEs de la délégation de la Sarthe vous invitent à partager une boisson chaude et échanger au square des Ursulines, au Mans.
Infos pratiquesLe 25 novembre de 11h à 17h,
square des Ursulines, au Mans.
L'association Femmes Solidaires de Miramas organise une soirée de mobilisation d'échanges dans le cadre de Journée de lutte contre les violences faites aux femmes. Expo, courts-métrages, débats... au programme de cet événement auquel la délégation des Bouches-du-Rhône du Mouvement du Nid est heureuse de participer !
Infos pratiquesCinéma le Commedia
Rue Vaillant Couturier
Miramas
et Une histoire banale de Audrey Estrougo.
Nous avons présenté le court-métrage Sage-femme sur le site de notre revue, Prostitution et Société : Sage-femme.
Beaucoup ont tendance à voir les féministes comme un groupe monolithique, dont les membres seraient interchangeables. Le féminisme est, plus que jamais, riche de personnalités très diverses.
J'ai donc décidé d'interviewer des femmes féministes ; j'en connais certaines, beaucoup me sont inconnues. Je suis parfois d'accord avec elles, parfois non. Mon féminisme ressemble parfois au leur, parfois non.
Toutes sont féministes et toutes connaissent des parcours féministes très différents. Ces interviews sont simplement là pour montrer la richesse et la variété des féminismes.
Interview de Sophie Gourion.
Son twitter : @Sophie_Gourion
Peux-tu te présenter ?
Je suis Sophie Gourion, j'ai 42 ans, je suis rédactrice web et blogueuse. Je suis mère d'une fille de 7 ans et d'un garçon de 10 ans.
Depuis quand es-tu féministe ?
J'ai vraiment du mal à situer exactement quand cette prise de conscience a débuté.
Je pense que ma mère a toujours été féministe sans le revendiquer ou se l'avouer, un peu comme M Jourdain faisait de la prose sans le savoir.
Elle vient d'une famille d'Afrique du Nord assez traditionnaliste, a dû commencer à travailler comme sa soeur à 16 ans alors que ses frères ont continué leurs études, a subi pas mal de pression familiale pour se marier mais a resisté à sa manière, ce qui était loin d'être évident pour l'époque. Elle s'est finalement mariée avec mon père mais assez tardivement pour son milieu d'origine. Elle n'a jamais lu de magazines féminins, je ne l'ai jamais vue courir les soldes, elle m'a souvent répété que la vraie beauté était sans artifices. Elle a toujours travaillé, n'a jamais développé d'attirance pour les activités étiquetées "féminines". Quand mon frère est né, c'est mon père qui s'en est occupé pendant que ma mère est retournée travailler, ce qui à l'époque avait été assez mal vu par certains. Plus tard, contrairement aux autres mères juives de mes copines, elle ne m'a jamais poussée à me marier, a toujours privilégié mon bonheur et mes choix.
Pour ma part, je dirai que ma prise de conscience féministe est relativement récente. J'ai longtemps été à des années lumière de tout cela. J'ai travaillé dans la mode puis dans le domaine du marketing chez le N° 1 mondial des cosmétiques car ce milieu m'attirait énormément. Je me souviens avoir lancé à une collègue avant le lancement d'une campagne d'un produit amincissant assez choquante (avec des pinces à linge sur les cuisses): "On va encore avoir les chiennes de garde sur le dos. Ca les occupe, que veux-tu". Pour te donner une idée du chemin parcouru!
Pourtant, le harcèlement sexuel, le harcèlement de rue, les questions déplacées lors des entretiens, les remarques sexistes dans le milieu du travail, les différences de salaire, tout cela je l'avais vécu. Mais je pensais que cela faisait partie des effets indésirables inhérents à la condition féminine.
Je crois qu'il a fallu que je devienne mère pour que tout cela devienne intolérable. Enceinte, mon corps ne m'appartenait plus : entre les gens qui te tripotent le ventre, les internes qui défilent les uns derrière les autres pour regarder ton col, la sage-femme qui dit "je coupe" au moment de l'épisiotomie sans jamais avoir évoqué cette possibilité avant, la puéricultrice qui te dit de prendre sur toi pour allaiter même si ce n'est pas ton truc, je me suis dit qu'il fallait que je donne de la voix pour me faire entendre. Et me réapproprier mon corps. Sans compter la dépression post-partum qui a pointé le bout de son nez après la naissance de mon fils. Pour la plupart des gens, je ne correspondais pas à l'image d'Epinal de la mère épanouie et sur son petit nuage. Je faisais peur.
Ce qui m'a permis de reprendre ma vie (et mon corps) en main, ce sont les forums de jeunes mamans type Doctissimo. Je sais qu'ils ont été beaucoup moqués mais pour moi ils ont été un véritable outil d'empowerment. J'ai trouvé un endroit où les femmes échangeaient sur la façon dont on pouvait devenir active lors de son accouchement, expliquaient que l'on pouvait rédiger un projet d'accouchement, racontaient leurs échecs dans leurs tentatives d'allaitement, leurs doutes et leurs angoisses aussi. Les livres de Martin Winckler ont également été une révélation pour moi.
Quand j'ai commencé à m'intéresser aux questions féministes, le blog de Maïa Mazaurette m'a éclairée à l'époque sur pas mal de notions, notamment le consentement. Puis, arrivée sur Twitter, j'ai peu participé mais ai beaucoup lu. C'est une excellente manière de se familiariser avec le féminisme quand on n'a pas cette culture au départ. Ca m'a donné envie d'apporter ma pierre à l'édifice en ouvrant mon blog. Au départ, je souhaitais parler essentiellement du marketing genré, car après avoir travaillé 10 ans dans la marketing je trouvais que j'avais ma légitimité sur le sujet, contrairement à d'autres thèmes plus "académiques". Puis j'ai ensuite avec le temps abordé d'autres thématiques, notamment tout ce qui touche à l'éducation et au genre parce que c'est un sujet que je vis quotidiennement avec mes enfants.
Tu dis que tu avais conscience du sexisme mais que "cela faisait partie des effets indésirables inhérents à la condition féminine." Tu pensais donc qu'on ne pouvait rien y faire ?
Je ne pensais même pas qu'il était possible de faire quelque chose pour que cela change! Pour moi, il ne s'agissait que de désagréments plus ou moins gênants, je voyais les choses comme des événements individuels isolés les uns des autres, je n'avais pas du tout conscience du sexisme comme un système généralisé et oppressif. Et puis j'avais tendance à culpabiliser, à me remettre en question plutôt que la société : si je me suis fait suivre dans la rue, peut-être est-ce parce que je portais une jupe et pas un pantalon. Du coup, j'adoptais des stratégies d'évitement, comme le jean, la capuche et les écouteurs dans les oreilles plutôt que me dire que le phénomène me dépassait et qu'il fallait être révoltée et avoir envie de faire changer les choses.
Est ce que tu penses que les féministes s'intéressent assez à la question de la grossesse et de l'accouchement ?
Je trouve que ces questions sont peu investies par les féministes et je m'en désole. Est-ce parce que, pour la première vague, la maternité était souvent perçue comme un fardeau, une aliénation? Autant, la voix des féministes se fait entendre au sujet de la contraception ou de l'IVG, autant on l'entend peu, il est vrai quand il est question de grossesse et d'accouchement. Pourtant le sujet est, à mon sens, hautement féministe. Il a à faire avec le consentement (les touchers vaginaux dont on entend enfin parler prouvent à quel point la notion de consentement est floue pour certains médecins), le droit à disposer de son corps, la liberté de choix. Il suffit de voir avec quel mépris et légèreté la question du "point du mari" est souvent abordée dans les médias : sur mon blog, j'avais dénoncé le traitement journalistique du sujet par 20 minutes qui titrait "Le point du mari : le mythe d'une chirurgie destinée à donner plus de plaisir aux hommes". Mythe alors que de nombreux témoignages de patientes et de sages-femmes venaient accréditer la réalité de la pratique. Après mon billet, le titre a été changé, 20 minutes a rédigé un autre article donnant la parole aux patientes mais entre-temps le journaliste était venu sur mon blog affirmer que j'étais jalouse car je voulais travailler à 20 minutes! L'année dernière, une journaliste m'avait interviewée au sujet de l'allaitement. Sa question "allaiter, est-ce féministe?" (pour distribuer les brevets de féminisme, les médias sont très forts). Pour moi l'essentiel est d'avoir le choix. Sauf qu'en tant que mère, notre choix n'est pas libre et dénué de toute pression extérieure. Enceinte, on n'a cessé de me dire que l'allaitement était "naturel" "instinctif" "bon pour le bébé et la mère", des mots qui sont loin d'être anodins. J'ai donc "décidé" d'allaiter (alors même que ma mère me le déconseillait) et ça a été catastrophique. Il a fallu que je pleure devant une puéricultrice au bout du 2ème jour en réclamant un biberon pour que l'on respecte enfin mon choix. Pour mon 2ème enfant, je n'ai eu de cesse de répéter que je voulais un biberon, même sur la table d'accouchement, pour être sûre que ma volonté allait être respectée. Pour en revenir au féminisme, je trouve que les réseaux sociaux font bouger les choses. Le tumblr "je n'ai pas consenti" au sujet des défauts de consentement dans les actes médicaux , des blogs tels que celui des "Vendredis intellos", de "Poule Pondeuse" ou "Marie accouche là" s'emparent des sujets de la maternité et du féminisme avec beaucoup de pertinence et d'efficacité.
Tu as un fils et un fille ; arrives-tu à avoir avec eux une éducation antisexiste ?
Je dirais que je fais de mon mieux. J'essaye d'agir sur les leviers conscients : je leur laisse le maximum de choix tout en les poussant à expérimenter le maximum de choses, indépendamment de leur genre. Je ne suis pas du tout dans la diabolisation, je pense même que c'est contre-productif. Un de mes copains à qui on avait interdit de jouer avec un pistolet-jouet enfant m'a ainsi raconté que la première chose qu'il a volé a été un pistolet! Je n'ai jamais interdit à ma fille une Barbie ou à mon fils un déguisement de policier par exemple. Comme ils sont relativement proches en âge, ils s'échangent les jouets de toute manière et rien n'est cloisonné.
Je me rends compte à de petits signes que finalement j'ai réussi à leur transmettre pas mal de choses. L'autre jour, ma belle-mère a dit à ma fille "On ne dit pas de gros mots, c'est pas jolie dans la bouche d'une fille". Elle lui a répondu du tac au tac "dans la bouche d'un garçon non plus!".
Et l'autre jour dans un magasin, elle pestait contre la difficulté à trouver des Lego "ni policier ni princesse".
Après, je ne suis pas la seule prescriptrice : il y a l'école, la télévision, la famille. D'où l'importance d'être vigilant, d'expliquer, de proposer des alternatives.
En ce qui concerne les tâches ménagères, c'est assez égalitaire, ils ne font pas grand-chose ni l'un ni l'autre . J'avais pourtant établi un tableau des tâches, ça a duré une semaine.
En quoi est il gênant qu'il y ait des jeux de filles et de garçons ?
C'est une question qui revient souvent sur le blog : le problème de la segmentation par genre c'est qu'elle limite les possibilités des enfants et les enferme dans des stéréotypes. Aux filles, l'apparence et la passivité, aux garçons l'action et la performance, des clichés que l'on retrouve dans la littérature enfantine. Une étude a ainsi démontré que les femmes et les fillettes étaient plus souvent représentées à l’intérieur qu’à l‘extérieur et dans des activités passives. A l’opposé, les hommes et les garçons étaient davantage illustrés dehors que dedans, vaquant à des occupations actives. Les conséquences de ces représentations sont nombreuses : "Pour les filles, le manque de modèles valorisants porte un coup à l'estime de soi et conditionne des comportements. Les stéréotypes restreignent par exemple leurs choix professionnels: il leur est difficile de choisir un métier qu'elles n'ont jamais vu exercer par d'autres femmes. Les garçons sont également confinés dans un rôle rigide: ils auront plus de difficulté à choisir un métier dit "féminin", par peur des moqueries de l'entourage, des copains" expliquait ainsi Anne Daflon-Novelle, en charge de l'étude.
Je l'expliquais sur mon blog, la segmentation des jouets par genre est assez récente et répond à un impératif économique qui permet de doubler les intentions d'achat (difficile de pouvoir refiler le vélo rose de l'ainée au petit frère, il faut en racheter un autre). Le genre était ainsi remarquablement absent des publicités de jouets au tournant du 20e siècle, mais a joué un rôle beaucoup plus important dans le marketing du jouet dans les années antérieures et postérieures à la seconde guerre mondiale. Cependant, au début des années 1970, la séparation entre "les jouets des garçons" et "les jouets des filles" a semblé s’éroder. En 1975, très peu de jouets étaient explicitement commercialisés selon le genre et que presque 70 % n'ont montré aucune signalisation de genre du tout.
Dans les années 1970, les annonces de jouet défiaient souvent des stéréotypes en montrant des filles en capitaine d'avion construisant et jouant et des garçons mitonnant des petits plats dans la cuisine. Mais depuis 1995, la publicité genrée a fait un bond en arrière pour revenir à une situation comparable à celles des années 50. Trouver aujourd’hui un jouet qui n'est pas commercialisé explicitement ou subtilement (par l'utilisation de couleur, par exemple) par le genre est devenu incroyablement difficile. Même Lego, "neutre" à mon époque (je vous parle d'un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaitre) s'est lancé dans une gamme "spécial fille", Lego Friends avec briques rose bonbon et salon de coiffure. Si l'on a cru bon de créer une gamme "spécial filles", cela sous-entend que les jeux de construction (comme les jeux scientifiques, de stratégie) sont par défaut masculins. Il ne faut pas s'étonner ensuite du faible nombre de jeunes filles en école d'ingénieurs!
Ton blog s'appelle Tout à l'ego pourquoi ce titre ?
Parce que tout le monde me répétait que pour qu'un blog soit lu, il fallait avoir une ligne édito très claire et ne pas en dévier.
J'ai toujours été une vraie touche à tout et l'idée de m'enfermer dans une thématique unique me pétrifiait. Comment allais-je tenir sur la durée dans ce cas?
J'ai donc décidé de m'accorder la liberté d'aborder des sujets très différents : le féminisme mais aussi l'éducation, ma vie professionnelle, des jeux d'écriture mais aussi des sujets plus "lifestyle" comme l'alimentation, les jouets ou le développement durable.
D'où le nom "Tout à l'égo, ma vie en vrac sans tri sélectif" qui illustre le côté fourre-tout, défouloir du blog, tout en évoquant le côté "egotrip" de la blogueuse.
Quels sont les sujets qui t'intéressent le plus dans le féminisme ?
Beaucoup de choses m'intéressent mais je ne veux ni m'approprier la parole d'un.e autre ni aborder des sujets dont je n'ai pas une connaissance empirique. Mon féminisme est un féminisme assez terre à terre, pragmatique, issu de ce que j'ai vécu. Je n'ai pas de grande culture livresque à ce sujet, j'ai fait des études assez courtes du coup je parle de ce que je connais. Le gender marketing, le sexisme dans la publicité m'intéressent énormément parce qu'ils disent beaucoup de notre société. Ils distillent des valeurs de façon subliminale qu'il me parait important de décrypter (même si on me dit régulièrement de parler plutôt des femmes afghanes). Les stéréotypes de genre dans la littérature enfantine, dans les jouets ou la presse pour enfants m'intéresse également beaucoup. J'ai d'ailleurs mené une étude sur le sujet sur le blog afin de comparer les 100 premiers jeux proposés par Apple en tant que « Jeux de filles » et « Jeux de garçons » et disponibles sur iPhone. Ce qu’il en ressort est que l’on y retrouve, à peu de choses près, les mêmes stéréotypes de genre que ceux que l’on trouve dans la littérature enfantine : apparence et passivité pour les filles versus action et performance pour les garçons.
Qu'est ce que tu appelles un "brevet de féminisme" ?
C'est un peu le "label rouge du féminisme", son "AOC"! Le brevet de féminisme est en général attribué par des médias qui ont compris que le sujet était un attrape-clic même s'ils n'avaient aucune légitimité à décreter qui était une "vraie féministe". Récemment, le magazine « Elle » a ainsi proposé à ses lectrices un sondage intitulé « Etes-vous une vraie féministe ? », avec pléthore de clichés en tout genre. Un peu comme si le Ku Klux Klan s’amusait à décerner des brevets d’antiracisme. C’est aussi le cas de cette journaliste du Figaro (journal de référence du féminisme s'il en est) qui a décrété que Florence Foresti n’était pas vraiment féministe en dépit de celle qu’elle affirmait. La grande tendance c'est aussi de clouer au pilori les peoples qui déclarent ne pas être féministe à longueur d'articles enflammés (en ignorant au passage le prix à payer quand on se déclare publiquement féministe). J'ai vu aussi passer sur d'autres sites des titres définitifs tels que "Le barbecue n'est pas féministe" ou "Le self-defense est féministe". D'autres vont décider que la cup est plus féministe que le tampon, que si tu n'arrives pas à retenir ton flux, t'es une fausse féministe. Bref, le féminisme sert parfois à vendre tout et n'importe quoi parfois, c'est un peu la caution du style "vue à la télé".
Entre féministes, on peut parfois être tentées de retirer des brevets de féminisme parce qu'on a de vues opposées, parce qu'on tient des propos "problématiques" (l'expression m'agace mais je n'en trouve pas d'autres). Il faut tenir compte du fait que nous ne sommes pas toutes au même point d'avancement dans notre cheminement, que c'est une perpétuelle évolution (quand je relis des trucs que j'ai écrits y a quelques années, je me cache dans un trou). Etre féministe, c'est vouloir l'égalité hommes-femmes, tout le reste n'est que détails.
Pourquoi est il gênant de se demander si allaiter est féministe ou pas ?
Parce que la question, telle qu'elle a été posée par le journal qui m'a interviewée, laisse penser que le féminisme est un dogme, avec une charte de bonne conduite à respecter. C'est extrêmement binaire et dangereux. Je pense qu'il faut se penser la question autrement : ai-je vraiment envie d'allaiter ou est-ce que ce choix a été influencé par mon entourage? Je pense que quand on est féministe, on se pose perpétuellement des questions, et c'est très sain, sans que l'on ait besoin forcément d'apposer le tampon "féministe" sur chacun de ses actes. Par exemple, je m'épile et je porte des talons hauts inconfortables : je ne dis pas que je le fais "pour moi" car je suis consciente d'obéir à des normes culturelles et que ce n'est ni agréable ni confortable. Pour autant, je ne me demande pas si "c'est féministe" ou pas.
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Nous organisons en partenariat avec la Délégation aux Droits des Femmes de Lorraine et la Mairie de Metz une conférence-débat avec Claudine Legardinier, journaliste, à l'occasion de la parution de son dernier ouvrage.
Mardi 24 novembre 2015
à 18h30
À l'Hôtel de Ville de Metz, salon de Guise
Prostitution, une guerre contre les femmes
Éditions Syllepse
Présentation de l'éditeur
Il n'y a pas que les intégrismes qui menacent l'avenir des femmes. L'ultralibéralisme, de façon plus douçâtre, travaille à leur asservissement. En cherchant à normaliser la prostitution, présentée comme une option parmi d'autres, il entrave aujourd'hui leur longue marche vers l'autonomie et l'égalité.
Le temps est venu de mesurer le prix infini payé par les femmes à ce "fossile vivant". Même relooké, même glamourisé, il est le miroir, partout dans le monde, de leur condition fragilisée. Loin d'être une solution, il constitue une double peine qui pèse sur les accidentées de la vie.
Car c'est du tort que la prostitution fait d'abord aux femmes. A toutes les femmes. Ce "destin" éternel auquel beaucoup s'empressent de les renvoyer est l'arme majeure de leur dévalorisation, dans le réel comme au plan symbolique. Pour les premières concernées, c'est une impasse qui peut coûter cher : privation de parole, déni de droits, rackets, violences et humiliations quand ce n'est pas meurtres. Pour toutes, un laboratoire des stéréotypes les plus éculés et un insidieux plafond de verre.
Les profits et bénéfices ? Ils vont à d'autres, et d'abord à la machine capitaliste et à l'ordre marchand : proxénètes, secteurs multiples (tourisme, médias, etc), Etats qui lorgnent sur cet apport rêvé pour le PIB ; mais aussi "clients" qui usent là de l'outil idéal pour l'exercice du pouvoir et la conservation du vieil entre-soi masculin.
La complaisance reste infinie. Des médias, des intellectuels, appuyés par certains courants politiques, exercent une propagande tenace pour encourager l'activité. Les résultats sont là : le recours à la prostitution connaît une croissance exponentielle sur le terreau porteur de la précarité.
Preuve est pourtant faite, après des siècles d'échecs pour l'organiser et la contrôler, qu'il est temps de changer de curseur ; de déboulonner cette forteresse réputée imprenable. En la matière, la France a fait depuis le tournant des années 2000 un important et courageux pas en avant.
Une révolution culturelle est donc en marche, rien de moins. Une utopie amoureuse et politique porteuse de transformation sociale, un projet d'avenir qui affirme le rejet du tout-marchandise et la volonté d'un nouveau vivre-ensemble.
Organisé par le Zonta d'Aix-en-Provence, cette conférence fait intervenir François Wioland, délégué du Mouvement du Nid des Bouches-du-Rhône. Le système prostitutionnel donne lieu à une grande diversité de représentations dans nos esprits. Venez pour échanger avec nous et confronter ces images aux réalités exprimées par les personnes prostituées que nous rencontrons.
Infos pratiquesle 24 novembre 2015 à 19h00
Mairie du Pont de l'Arc, salle des Mariages
Route des Milles, Pont de l'Arc
Aix-en-Provence
Avec l'intervention de François Wioland, responsable de la délégation du Mouvement du Nid des Bouches-du-Rhône et à l'invitation du Zonta Club d'Aix-en-Provence, membre de Zonta international (ONG dont l'objectif est de faire avancer le statut des femmes partout dans le monde, par l'éducation.)
Entrée libre et gratuite.
Avec les jeunes de la Mission locale du Mans, les militantEs de la délégation de la Sarthe font évoluer les regards sur la prostitution ! Dans les agréables locaux du FJT Le Flore, venez découvrir cette exposition qui restitue leur réflexion. Et le 25 novembre, nos militantEs vous proposent un débat.
Infos pratiquesFJT Le Flore, rue Mauperthuis
Le Mans
Entrée gratuite.
Exposition Des regards sur la prostitution du lundi 23 au vendredi 27 novembre,
Rencontre et débat avec le Mouvement du Nid le 25 novembre.
Dans le cadre de la Journée internationale pour l'éradication des violences faites aux femmes, plusieurs manifestations ont lieu du lundi 23 au vendredi 27 novembre 2015 dans le Loir-et-Cher. La ville de Blois et diverses institutions et ou associations évoquent le phénomène prostitutionnel afin de rompre le silence sur cette violence aux mille visages et pour laquelle les stéréotypes ont la vie dure. La délégation d'Indre-et-Loire du Mouvement du Nid s'associe et participe à cet effort salutaire de sensibilisation.
Conférences, débats, projections de films, expositions... retrouvez le programme complet sur le site de la ville de Blois.
Projection du documentaire "Les survivantes"Mardi 24 novembre à 20h00
Avec Rosen Hicher et les militantEs de la délégation du Mouvement du Nid d'Indre-et-Loire, en partenariat avec le cinéma Les Lobis et la ville de Blois, cette projection sera suivie d'un débat.
Venez écouter les irrésistibles harmonies gospel d'Art of Voice le 21 novembre à l'église Saint-Marceau d'Orléans ! Le choeur joue au bénéfice de notre équipe du Loiret.
Infos pratiquesSamedi 21 novembre à 20h30
Église Saint Marceau, 121 rue Saint Marceau à Orléans
Le choeur gospel Art of Voice nous fait l'amitié de jouer au profit de notre délégation du Loiret. Votre contribution sera entièrement reversée pour soutenir notre délégation, qui agit pour l'accompagnement et le soutien des personnes prostituées et la prévention du risque prostitutionnel auprès des jeunes.
Un jeu tirage au sort aura lieu pour gagner une BD.
Art of VoiceLe chœur gospel Art Of Voice existe depuis 2006 et rassemble une trentaine de choristes et solistes.
Le gospel est un style musical très actuel, à la fois riche harmoniquement et rythmiquement, imprégné de nombreux courants musicaux tels que le blues, le jazz, la soul, et plus récemment le rythm'n'blues et le rap, styles musicaux qu'il a influencés à son tour. Art of Voice fait découvrir une partie de ce répertoire contemporain dans une ambiance de grande convivialité.
extraits du site internet d'Art of Voice
Cet événement, organisé par les BTS Tourisme du Lycée ND Peltre dans le cadre de la Journée internationale des droits de l'enfant, est une façon originale de sensibiliser et lutter contre le tourisme sexuel. Dès le début de l'après-midi, différentes associations, dont le Mouvement du Nid de Moselle, vous accueillent sur les lieux.
Infos pratiquesPour toute information, visitez la page Facebook de BTS Tourisme du Lycée ND Peltre !
Beaucoup ont tendance à voir les féministes comme un groupe monolithique, dont les membres seraient interchangeables. Le féminisme est, plus que jamais, riche de personnalités très diverses.
J'ai donc décidé d'interviewer des femmes féministes ; j'en connais certaines, beaucoup me sont inconnues. Je suis parfois d'accord avec elles, parfois non. Mon féminisme ressemble parfois au leur, parfois non.
Toutes sont féministes et toutes connaissent des parcours féministes très différents. Ces interviews sont simplement là pour montrer la richesse et la variété des féminismes.
Interview de Sarah.
Bonjour, peux-tu te présenter ? Depuis quand es-tu féministe et quel a été le déclic s'il y en a eu un ?
Alors pour les présentations je ne sais pas trop quoi dire donc je vais rester très "factuelle" Je m'appelle Sarah (on peut utiliser mon prénom), presque 29 ans, hétéro en couple monogame, j'habite en ville depuis toujours, aspirante CPE, au chômage après 8 ans de salariat pendant mes études.
Je dirais que je suis féministe depuis longtemps mais je n'accepte ce qualificatif que depuis quelques années, je devais avoir 22 ans. Avant je crois que je faisais partie des "je ne suis pas féministe mais..." et des "non mais ces féministes là elles abusent on doit pas inverser les dominations non plus". Bref, je composais complètement avec le patriarcat parce que c'est beaucoup plus simple d'être d'accord avec les hommes (les dominants). Ça a été un cheminement personnel et intellectuel assez long, étudier la socio et notamment la sociologie du genre a permis un déclic.
Tu dis que tu composais avec le patriarcat car c'était plus simple ; peux tu nous en dire davantage là dessus ? Qu'est-ce qui t'a fait accepter le qualificatif de féministe ?
Alors je voulais faire un truc bien construit et clair etc mais j'arrive pas à formuler ça bien, alors je vais livrer ce que je pense un peu en vrac, en espérant rester compréhensible. Désolée si ça n'est pas le cas. Je vais peut être un peu raconter ma vie, mais ça me parait faire partie du truc, pour raconter un long cheminement. Bref.
Composer avec la patriarcat pour moi ça revenait à laisser les potes (surtout les potes mecs) faire des blagues sexistes, des blagues de culs idiotes, me faire des réflexions sur mon attitude trop agressive sans broncher etc. Me laisser dire que j'étais une casse-couille rageuse dont on peut rire gentiment. Pendant des années j'ai été une parfaite petite main du patriarcat en me taisant, et aussi (j'en ai si honte aujourd'hui) en encourageant tout ce système, les blagues, les "ah elle est trop bonne cette meuf" "elle, elle est trop chiante". J'ai joué la pote cool, pas casse-couille avec son féminisme qui met mal à l'aise. J'ai squatté les terrasses en mattant et commentant le physique des meufs qui passent avec mes potes célibataires. J'ai parlé cruement de cul pour pas qu'on me prenne pour une chochotte prude qui prend tout mal, une frustrée (sachant que j'étais souvent célibataire, pas de relation sérieuse avant 20 ans). J'ai accepté des relations pourries, où le mec insiste tellement lourdement pour avoir des rapports sexuels que j'en pleurais de pas en avoir envie et de passer pour un prude. J'ai accepté d'être en soi disant couple libre avec un mec qui voulait surtout pouvoir mentir tout le temps et baiser à droite à gauche sans me le dire. La fidélité physique n'est peut être pas le truc le plus essentiel pour moi dans un relation, mais ça implique une grande honnêteté pour moi, et j'ai fermé les yeux sur tous les mensonges par peur d'être trop "conventionnelle". J'ai serré les dents en souriant mécaniquement quand on me faisait des réflexions du style "tiens toi qu'es à moitié féministe, ça doit pas te plaire [insérer ici n'importe quelle anecdote perso ou sujet d’actualité].
J'ai jamais été à l'aise avec les codes de la féminité, de la séduction, des rapports hommes femmes tout ça. J'ai jamais su quoi faire de moi, de mon corps trop gros par rapport aux autres filles pour être franchement et immédiatement désirable, mais pas moche non plus et avec lequel je suis à l'aise quand je suis seule; ni de mon caractère soit disant trop volcanique, trop dur, trop exigeant. J'ai toujours , depuis l'adolescence, eu cette colère en moi, cette rage, ce truc qui m'étouffe, et comme j'étais pas à l'aise avec "les trucs de meufs "(jouer la mystérieuse, capricieuse, les minauderies, cette manière de cherche à obtenir ce que l'on veut mais surtout sans le dire clairement, sans avoir l'air d'exiger), bah j'ai pris le contre pieds, je me suis sortie de la catégorie "meuf" pour être dans la "neutre". J'étais du genre à dire "non mais moi jsuis pas une "meuf"", avec cette touche de mépris pour les autres filles et cette touche d'angoisse pour qu'on ne m'y range pas. Je crois que j'étais plus dure avec les autres filles que certains de mes potes mecs. Eux voyaient nos différences comme quelque chose de naturel, normal, mignon même si "quand même qu'est ce que vous êtes chiantes". Moi ça me mettais tellement en colère de les voir toutes minauder, jamais gueuler, toujours à donner l'impression qu'elles ne sont pas autoritaires alors qu'en fait la plupart obtenaient toujours ce qu'elles voulaient (voir ce film et pas celui là, aller dans tel resto, faire ceci ce week end etc, peut importe). ça me rendait malade ce jeu idiot de laisser croire aux mecs que s'ils ne décident pas, c'est juste pour être gentils, pour pas qu'on leur casse les pieds. Qu'au fond c'est toujours leur décision. Je leur en voulais à elles de jouer ce jeu, alors qu'au fond je crois que je savais que ce jeu nous était imposé. J'ai été "la bonne pote gueularde", celle devant qui on parle de cul et on parle mal de ces idiotes de meufs. Parce que j'arrivais pas à jouer le jeu j'ai changé d'équipe. Et je m'en veux tellement aujourd'hui d'avoir été cette fille qui méprise les autres meufs tout en les jalousant un peu. Parce que ça avait l'air plus simple d'être comme elles, de faire semblant.
Je ne sais pas quand j'ai vraiment accepté ce qualificatif. Je crois qu'il ne me gênait pas trop à condition qu'on parle d'un petit féministe réformiste, rien de trop bouleversant. J'ai jamais cru que c'était notre rôle de faire la vaisselle, la bouffe, s'occuper des mômes etc, j'ai jamais trop cru que c'était notre nature. Je ne m'en souviens pas en tout cas. La nécessaire égalité des droits, l'accès à l'ivg, le partage des tâches etc, ça fait partie des trucs que j'ai plus ou moins toujours défendus. Peut être parce que j'ai grandi seule avec ma mère et mes sœurs. Nous n'étions que des filles à la maison, donc pas de rôle particulièrement genrés, les choses étaient faites parce qu'il le fallait, pas parce qu'on était des femmes. Le sexisme au foyer me choquait chez ma tante/nourrice, ça me faisait bizarre de voir le père de mes amies rester le cul sur sa chaise à table, parce que pour moi ça ne correspondait pas à ce que je vivais. Ma mère faisait tout car elle était seule, pas parce que c'est une femme.(j'avais pas encore compris que même divorcée, c'est pas normal d'être tt le temps seule face à tout, j'étais la seule enfant de divorcés parmi mes ami.e.s j'avais pas de point de comparaison, pour moi c'était normal de jamais voir mon père et que ma mère soit seule face à notre éducation, les factures etc).
Du coup j'acceptais de me dire féministe mais pas trop fort, plutôt "non mais moi jsuis humaniste". J'ai changé au fur et à mesure de mes années d'études de socio, en comprenant la nécessité du mot, la nécessité de conceptualiser et de voir le système dans son ensemble, et j'ai pris un virage beaucoup plus radical en lisant certains blogs(à partir de 2009/2010) et ensuite en arrivant sur Twitter. C'est l'instant un peu groupie, mais ton travail ainsi que celui de GMZ (entre autres) a été fondamental dans la construction de mon identité féministe. Vous lire m'a apporté énormément intellectuellement et personnellement. ça m'a ouvert les yeux, ça m'a permis de mettre des mots justes et précis sur ce que je ressentais, cette colère, cette rage. ça m'a permis d'accepter qui je suis, mon caractère. ça m'a permis de me dire "mais merde, j'ai raison d'être furieuse, j’arrête d'essayer d'être conciliante, j'arrête de négocier. J'ai raison, je le sais, et jsuis pas désolée, allez vous faire foutre si vous ne le supportez pas". En gros, pouvoir vous lire puis échanger sur Twitter avec vous m'a un peu permis de me construire. Je me sentais si seule avec ma colère et mes questions, à part quelques meufs j'avais jamais échangé sur ces questions d'injonctions patriarcales. J'ai plus appris sur les féminisme, sur la nécessité de la lutte et ses possibilités en 4 ans d'internet qu'en toute une vie.
Tu parles de "jeu qui serait imposé" entre les hommes et les femmes ; peux- tu détailler ?
Par jeu imposé je veux parler de cet espèce de jeu de rôle hétéronormé qu'on nous présente comme naturel, si naturel que si on ne joue pas c'est pas tout à fait normal. Des rôles féminin et masculin très codifiés qui dès l'enfance sont présentés comme "allant de soi". Les filles aiment être belles (il paraît que c'est une certitude, certains disent même que c'est naturel, pour attirer le plus de mâles et les plus beau pour faire de beaux enfants) (j'ai dit "être belle" mais c'est plutôt "se faire belle" pour être regardé, parce que si elles ont le mauvais goût de dire qu'elles se trouvent belles et que ça leur suffit on les traitera de connasses prétentieuses). Mais elles ne sont (et ne seront) jamais assez belle, alors plus elles grandissent plus on leur donnent des raisons de complexer, de se détester. Sur cette base (et sur la base de plein d'autres préjugés), qui est en fait un comportement imposé dès la naissance, on dira que les meufs sont des chieuses, un peu superficielles, jamais contentes, qui ont toujours besoin d'être rassurées par le regard des hommes, toujours au régime etc. De leur côté, les mecs sont éduqués à être forts, dynamiques, turbulents, bruyants, ils doivent avoir confiance en eux (la plupart sont des qualités très recherchées pour "réussir", même les petits défauts genre "bruyant" sont des atouts dans le monde du travail par exemple), et surtout ils doivent aimer les filles, les embêter, les draguer, les courtiser. C'est dans leur "nature" il parait. On éduque les femmes à avoir besoin des hommes, et les hommes à avoir envie des femmes. ça fausse le jeu tout de suite, cette différence . Mais on doit jouer le jeu, c'est à dire faire comme si tout ces rôles qui sont si complémentaires n'est ce pas merveilleux étaient un ordre naturel, comme si tout ça allait de soi. Les filles doivent minauder bêtement quand des mecs les regardent, montrer qu'elles aiment bien ça mais qu'elles ne cherchent pas (ça fait pute, c'est très mal), elles doivent être coquettes (sinon ce sont de vilaines négligées) même si ça implique d'être vues comme superficielles. Elles doivent faire attention à ce qu'elles mangent mais pas en faire une obsession au risque de passer pour des chieuses qui n'aiment pas profiter de la vie et ne pensent qu'à elles. Et les mecs doivent être un peu foufou, avoir besoin d'être materné en privé mais diriger quand même suffisamment en public pour ne pas passer pour des soumis ("c'est ta meuf qui porte la culotte wouarfwouarf"). Ils acceptent qu'on leur dise quand couper leur cheveux et quoi manger ce soir mais ils doivent conduire la bagnole et parler au banquier pendant le rendez-vous annuel. Quand ils ne décident pas, il faut bien que tout le monde sache que c'est 1/parce qu'ils s'en foutent ou 2/parce qu'ils veulent nous faire plaisir. Ce sont des rôles déjà écrit. Qu'on doit jouer depuis l'enfance, de façon plus marquée dès l'adolescence. Et les femmes sont toujours perdantes, sur plus ou moins tous les tableaux. Alors oui pour les mecs aussi c'est imposé, la masculinité et encore plus la virilité c'est pas facile etc. Mais ça n'est rien par rapport à ce qui s'impose aux femmes. Etre discrète, attentive, attentionnée, jolie mais pas trop, toujours dans l'insécurité émotionnelle, sans confiance en soi, ça paye pas le loyer. Et sortir de ce rôle là non plus d'ailleurs, parce qu'on se fait regarder de travers, comme si on était des sauvages au sale caractère. C'est ça le jeu dont je parle, faire croire que tout cela est naturel, que c'est une jolie valse, que nous sommes complémentaires et que c'est pour le bien de tout le monde. Et même quand on doute, quand on se dit que quand même, on a l'air un peu perdantes tout le temps, on sent bien que si on ne joue plus, faudra au moins accepter de se ranger au comportement des hommes, ne surtout pas ouvrir trop fort sa bouche, ne pas pousser les autres meufs à se questionner, à se rebeller. Si on fait ça, on le paye cher, on se fait traiter de sale féministe hystérique, on nous soupçonne d'être malade mentale, traumatisée par quelque chose qui nous empêche de penser et agir normalement, on fait chier. On nous fiche jamais la paix si on commence à remettre ces rôles en question. (Je précise quand même qu'on peut tout à fait correspondre à certains schéma et attentes dites féminines (aimer mettre des robes courtes et moulantes, vouloir des enfants...être hétéro....) sans être pour autant soupçonnées de "complicité" avec le patriarcat. Déjà parce qu'on fait ce qu'on peut. Ensuite parce qu'on fait ce qu'on veut. Mais ça, ça marche que si on est assez informées, si on a pris suffisamment de recul sur les rôles genrés pour vraiment choisir. Sinon, on est dans ce rôle de perdante d'avance, et ça me met dans une colère pas possible de penser à toutes ces femmes (dont je suis un peu aussi) piégées.
Tu vis en couple hétéro ; est-ce que ton compagnon est féministe ?
Oui, mon copain est féministe, mais il ne s'en revendique pas à tout bout de champ puisqu'il sait qu'il n'est pas vraiment concerné, ou en tout cas que ce n'est pas à lui de se saisir de se combat. Il me soutient, m'accompagne parfois à des manif/rassemblement, mais il reste discret. Je crois qu'il est plus bavard sur le sujet quand il est avec ses amis, qui ne sont pas particulièrement féministes ni sensibilisés aux rôles de genre etc. Ce ne sont pas des salopard, des beaufs franchement misogynes ni rien, loin de là, ils sont plutôt au dessus de la moyenne je trouve, ils n'ont même pas consciences de l'ampleur de ce qu'on considère comme des inégalités/violences. Sans parler clairement féminisme, je sais qu'il les a plusieurs fois repris sur certains propos/comportements sexistes/homophobes. En fait je trouve qu'il fait un plutôt bon job d'allié, il me laisse tranquille, soutien la non-mixité militante et sensibilise doucement de son côté quand l'occasion se présente. Je ne vais pas faire la liste de tout ce que je considère comme des "qualités féministes" chez lui parce que ça fait un peu trop liste de remerciements, alors que c'est censé être la base mais ça fait du bien d'être avec qqun qui me respecte intellectuellement et humainement et qui ne me pousse pas à changer pour être plus "acceptable" socialement. Il s'en fout que je me fâche avec tt le monde en soirée ou au boulot, que je rentre de soirée furieuse en disant que j'ai failli me battre avec un mec con etc. Soit il est d'accord avec moi et me soutient, soit il n'est pas d'accord et me dit juste ce qu'il pense de la situation, pas de mon comportement (je ne saute pas à la gorge de tout le monde non plus hein, quand même, je ne met personne en danger).
C'est une question qui se pose beaucoup dans les couples, même en Suède le partage égalitaire des tâches ménagères est compliqué à obtenir. Y arrives-tu ?
Alors, le sujet qui fâche, le partage des tâches. Clairement, non, on y est pas. Pas parce qu'il considère que c'est à moi de faire les choses domestiques, mais parce qu'il s'en fout si c'est pas fait. L'aspirateur pas passé de la semaine? On s'en fout. La salle de bain pas nettoyé depuis 10 jours? On s'en fout. Etc etc. Sauf que moi je m'en fout pas vraiment. Jsuis pourtant pas manique, vraiment pas, ni particulièrement attachée au fait de donner une belle image de mon foyer. Mais quand même, ça me saoule que ça soit pas aussi propre que ce que je voudrais, aussi bien rangé etc. Je sais que c'est aussi une question d'éducation, le bazar est bien plus toléré chez les garçons, du coup beacoup ont pris l'habitude de s'en foutre. Et puis quand on fait le gros ménage il fait sa part (je fais la cuisine, il fait la sdb. Il passe l'aspi, moi la serpillière. A tour de rôle pour les toilettes.). Mais ça c'est le "gros ménage", au jour le jour je réclame plusieurs fois que tel ou tel truc soit fait (passer l'aspi dan le salon, nettoyer la table...), alors que ça fait partie de notre accord de base. Comme j'adore cuisiner, je m'occupe de faire à manger. Lui il s'occupe des lessives. Après de nombreuses disputes sur la vaisselle qui trainait trop longtemps à mon goût, j''en ai eu ras le bol. Plutôt que de partir en claquant la porte, on a décidé que tout ce qui concerne la cuisine c'était mes affaires, comme ça c'est fait au rythme que je veux. Au final, je ne fais pas beaucoup plus la vaisselle, ou à peine, mais c'est moi qui m'organise selon ce que je veux cuisiner ou pas. Si tout est sale et que j'ai la flemme, c'est coquillette au beurre dans un bol, jmen fous et lui aussi, et en extra flemme c'est tartines avec ce qu'il reste dans le frigo, on s'en fout. En échange, il est censé passer l'aspi au moins 2 fois par semaine et nettoyer les tables tous les jours (on a deux chats qui trainent partout, tables y compris). Bon bah ça par exemple faut que je réclame, beaucoup. Et même si je ne fais pas à sa place la plupart du temps (j'ai aussi appris à m'en foutre, ou à essayer en tout cas), c'est pesant d'être celle qui réclame, fait la liste des courses, décide de quand on fait les courses etc. Le rôle d'intendance quoi. C'est surtout ça qui me gonfle, au final je pense passer plus de temps que lui aux tâches domestiques mais une grosse partie se passe en cuisine et j'adore vraiment ça, alors bon... Donc à mon sens on est au 2/3 du chemin je dirais. C'est surtout d'être celle qui réclame, qui rappelle plusieurs fois qui me gonfle. Heureusement qu'on a pas d'enfants et qu'on n'en veut pas par contre, là c'est plus compliqué de dire "jmen fous".
A propos du partage des tâches ménagères, certains te répondraient que les femmes sont trop maniaques ou qu'elles ne laissent pas leur conjoint faire le ménage, que penses-tu de ca ?
Alors pour ce qui est de la maniaquerie présumée des femmes je dirais que quand depuis ta plus tendre enfance on te fais comprendre que c'est ton rôle de nettoyer et qu'une fille désordonnée/ qui ne fait pas le ménage souvent est une fille louche, négligée et pas nette/sale, forcément t'as pas envie de te faire traiter de souillon toute ta vie et tu finis par adopter un comportement si ce n'est maniaque du moins attaché à la propreté. On fait peser une charge morale sur la propreté chez les femmes qu'on a pas chez les hommes. Un garçon/ado/homme qui laisse traîner son linge, ne jette pas ses canettes de soda vides ou ne fais pas la poussière on dira "ahlala, c'est bien un homme ça, ils s'en foutent de la crasse", mais si une fille fais la même chose on dira "Ah mais vraiment quelle souillon, c'est un manque de respect de soi d'être aussi négligée, imagine si elle ramène un copain la dedans, la honte! J'espère qu'elle est plus soignée avec son hygiène personnelle" gnagnagna . On doute toujours de la propreté des femmes qui ne se comportent pas de façon irréprochable (au sens patriarcal/bonniche du terme). C'est comme si on n'était un peu sale à l'intérieur quand on laisse "notre" intérieur en bazar. Nous sommes notre intérieur. Là où un homme sera peut être un peu critiqué mais aussi excusé parce que "ahlala les garçons". Les garçons sont tacitement autorisés à s'en foutre du ménage, du coup ils sont surement moins sensibles et attentifs au bazar et à la saleté que nous qui sommes obligées depuis toujours à traquer la saleté pour prouver notre sens de l'hygiène et de la tenue du foyer. C'est pas dans leur côté du catalogue de jouets qu'on trouve le chariot de ménage professionnel, on ne les a pas habitué depuis la petite 'enfance à passer le balai. Ce qui mène à la deuxième partie de ta question, "les femmes ne laissent pas leur mec faire le ménage".
Déjà, j'aimerai beaucoup lire tous ces témoignages d'hommes enfermés dans le placard ou attachés au radiateur par leur compagne pour les empêcher de se précipiter sur le Mr Propre, ce qu'ils ne manqueraient assurément pas de faire si seulement on n'était pas aussi chiantes et dirigistes et méchantes. Ca doit être très touchant. Être coupé comme ça dans son élan doit être si dur à vivre.
Plus sérieusement, comme je le disais tout à l'heure, je pense que si on admet cette possibilité, il faut voir ça comme l'addition d'une longue éducation à la propreté et du mépris des hommes (et de la société en général) pour les tâches domestique. Nous sommes éduquées à repérer, traquer et virer la saleté. On (nos mères/tantes/nourrices...) nous enseigne les bons gestes depuis toujours. On SAIT faire (globalement). C'est pas particulièrement une fierté, juste on nous a impliqué la dedans depuis longtemps, alors sans être une pro la plupart des meufs savent par exemple passer aspirateur et serpillière correctement, sans oublier sous les meubles et sans marcher par dessus et laisser plein de traces. Les hommes n'ont pas été autant poussé. Ils savent souvent moins bien faire, certainement pas par nature mais parce qu'ils sont autorisés à s'en ficher. Et beaucoup ne veulent pas apprendre, parce qu'ils s'en foutent, parce que le ménage c'est chiant (comme si pour nous c'était systématiquement une partie de plaisir intense). Du coup, beaucoup de femmes qui pourraient passer la serpillière les yeux fermés; quand elles arrivent à faire un partage des tâches avec leur conjoint, elles se retrouvent avec des choses pas faites exactement comme elles aiment/veulent, et surtout face à un homme qui ne veut pas écouter et/ou apprendre à faire correctement. Parce que le ménage c'est pas important, comme toutes les tâches confiées de force aux femmes depuis toujours c'est une activité sans intérêt, méprisable et méprisée, dépréciée (comme le soin aux tout-petits par exemple). Si la bataille pour le partage des tâches abouti à une bataille pour éviter d'avoir à repasser derrière je comprend que certaines jettent l'éponge. C'est fatigant de se disputer sur les sujets domestiques. Alors oui, il y a très certainement des femmes qui ne veulent pas laisser leur conjoint faire le ménage. Non seulement parce que ça devient presque une fierté d'être une femme soignée, on veut garder ce petit terrain où on "domine". Mais aussi parce que après s'être fait prier pour participer, beaucoup d'homme ignorants préfèrent mal faire plutôt que d'écouter leur compagne et faire ce qu'elles disent. Je crois que les femmes qui disent "non je t'interdit de toucher au ménage c'est mon rôle" sont beaucoup plus rares que celles qui disent "non mais laisse je vais le faire, toi tu laisses toujours plein de marques/poussière ça m’énerve, je te l'ai déjà dit mais tu n'écoutes pas", c'est pas du tout la même chose.
Pour bien faire, il faudrait qu'on apprenne à s'en ficher et que les hommes apprennent à le faire correctement au lieu de se cacher derrière leur petit doigts en disant "elle veut pas"
Est-ce que tu voudrais que je te pose d'autres questions ?
Je ne sais pas, j'ai l'impression de n'avoir parlé que de moi et ma vie privée/domestique, j'ai l'impression que c'est nul, et je sais que rien que ça c'est un problème. C'est pas parce qu'on parle cuisine et aspirateur qu'on doit se sentir nunuche, je sais que ce sont de vrais enjeux, mais y a quand même ce sentiment désagréable de "arrête avec tes trucs de bobonne". Je pense que c'est bien sûr un problème qui vient de la société en général mais aussi d'un certain féminisme, qui a force de vouloir (à raison) briser les chaînes domestiques des femmes en vient à mépriser/donner un sentiment de mépris à celles qui aiment/veulent être chez elles, cuisiner, faire des enfants, passer du temps avc leur mec etc...
Il reste tant de sujets de colère à aborder, tant de violence et d'injustice... la culture du viol qui fait de nous des victimes à chaque temps de nos vies, passé-présent-futur, le travail qui précarise les femmes, les violences conjugales, la contraception libre et gratuite, l'IVG quand je veux, comme je veux, autant que je veux, le virilisme, la lesbophobie, la transphobie..... Tant de zone de combat à mener en plus de nos vies, ça paraît tellement insurmontable. Et pourtant, on milite, chacune à son niveau. Je ne suis pas une militante de terrain au sens traditionnel du terme, je ne distribue pas de tract, je ne tiens pas de permanence d'accueil dans une asso etc. Les violences et injustices que l'on subit sont autant publiques qu'intimes, ça résonne dans nos vies personnelle, c'est pour ça que c'est dur de se mobiliser parfois. Mais je crois que le simple fait de parler féminisme, de se nommer féministe, de prendre la parole (chez soi, avec des amis, au travail...) c'est déjà du militantisme. Suffit de voir ce qu'on se prend dans la figure quand on parle féminisme dans nos vies privées pour s'en rendre compte.
J'ai du mal à trouver au niveau local un mouvement féministe qui me corresponde, qui ne soit pas islamophobe/putophobe/réservé aux csp+ et à celles qui ont lu (et compris) Butler ou Wittig. Un mouvement qui puisse accueillir toutes les meufs qui auraient besoin du féminisme (et uniquement les meufs, la non-mixité est essentielle pour moi) . Un truc populaire quoi. Parce que récemment, j'ai assisté à trop de rassemblements/réunions/discussions où la plupart des femmes que je connais se seraient senties comme des abruties incultes dont on ne veut pas. C'est un peu le reproche que je fais aux groupes "intersectionnels". L'esprit de l'intersectionnalité, le nécessité de penser les oppressions comme pouvant se croiser/cumuler, le fait qu'une femme noire n'a pas le même vécu social, les même problèmes qu'une femme blanche, qu'une femme précaire n'a pas les même besoins qu'une csp+ etc, c'est une évidence pour moi. Mais quand je lis/entend des conversations à ce sujet, avec tout ces mots compliqués, ce franglais permanent, ces expressions incompréhensibles, ces blagues pour initiées... bah ça me fait de la peine. Je sais qu'ils existent des mouvement accessibles et tout, mais encore trop peu. Une fois sur twitter j'ai lu "oh ça va hein, j'attend un minimum de curiosité intellectuelle de la part des gens avec qui je parle, renseignez-vous sur l'intersectionnalité etc avant de me parler". Je ne me souviens plus du contexte, la meuf en question avait certainement des raisons légitimes de s’énerver. Mais ce mot "curiosité intellectuelle", ça m'a tellement mise en colère. Bon sang, on sait que le savoir, la transmission du savoir est un enjeu politique, on sait que pleins de meufs restent sur le carreau, attendre d'elles qu'elles fassent le chemin seules c'est dégueulasse. Quand t'es prolo, issue d'un milieu prolo, que t'as des enfants, un taf précaire (ou pas d'ailleurs), bah t'as ni le temps ni surtout le réflexe de chercher "intersectionnalité" (ou tout autre concept) sur le net et de prendre le temps, faire l'effort de lire comprendre déconstruire tes connaissances etc. C'est excluant comme façon de faire, il faut vraiment qu'on trouve une solution pour vulgariser correctement le vocabulaire féministe dans son ensemble sinon on continuera à laisser trop de meuf sur le bord de la route.
Voilà, jcrois que j 'ai plus ou moins tout dit....
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Les travailleurs sociaux sont, en règle générale, insuffisamment armés pour initier des dynamiques efficaces d'accompagnement et de réinsertion des personnes qui se prostituent ou se sont prostituées.
Pour cette raison, nous avons élaboré le cycle "Travail social et prostitution". Dans le Nord-Pas-de-Calais, ce sont actuellement près de 600 acteurs sociaux qui ont été formés. Cette formation qui se déroule sur huit jours permet de comprendre les enjeux de la question prostitutionnelle et d'agir sur le terrain.
Infos pratiques À l'Hôtel de ville de Lille,
8 journées de formation (56 heures)
Jeudi 19 et Vendredi 20 Novembre, Jeudi 17 et Vendredi 18 Décembre 2015, Jeudi 21 et Vendredi 22 Janvier, Jeudi 25 et Vendredi 26 Février 2016.
Public visé Travailleurs sociaux de polyvalence de secteur, de prévention spécialisée, d'action et d'animation sociale ; Professionnels de santé ; Agents d'insertion de mission locale, du R.S.A., Formateurs…
Inscriptions et informations auprès de la Délégation du Mouvement du Nid du Nord-Pas-de-Calais, avant le 6 novembre 2015
03 20 06 14 08 ou 06 85 21 89 71 / formulaire de contact
Projet de formation L'intention générale est de développer chez les participants la capacité à :
Notre démarche Cette formation sera caractérisée par :
L'évaluation En plus de l'évaluation « classique » effectuée par les participants un bilan sera fait sur l'ensemble du dispositif :
Une attestation sera remise précisant les thèmes abordés, la qualité des intervenants et la démarche retenue.
Les intervenantEs sont des spécialistes des thèmes abordés (médecins, juristes, assistants sociaux, etc.), dont certains sont sympathisants ou militants du Mouvement du Nid.
ProgrammeTravail social et prostitution, session 2015/2016
A l'occasion de la Commission Mixte Paritaire réunissant mercredi 18 novembre sept parlementaires de chaque assemblée, les sénateurs et sénatrices Républicains ont refusé d'adopter un texte sans maintien du délit de racolage. Le délit de racolage avait pourtant été abrogé le 14 octobre au Sénat par une majorité d'éluEs. En conséquence, le président de la CMP, Guy Geoffroy (député LR), a pris acte de l'impossibilité d'un consensus en CMP.
Le dernier mot sera donc donné à l'Assemblée nationale, pour l'adoption d'un texte global incluant l'inversion de la charge pénale des personnes prostituées vers les "clients" prostitueurs.
Tout en saluant la perspective d'une adoption rapide de la loi, ouverte par l'échec de la CMP et l'engagement de la procédure du « dernier mot », le Mouvement du Nid regrette que la majorité transpartisane établie à l'Assemblée nationale n'ait pas pu être reproduite au Sénat. En refusant d'endosser l'abrogation du délit de racolage, la majorité LR au Sénat s'exclue elle-même du vote d'une loi historique qui offre enfin protection et alternatives aux personnes prostituées tout en sanctionnant ceux qui les exploitent financièrement et sexuellement a déclaré Grégoire Théry, Secrétaire général du Mouvement du Nid.
Vous partagez avec nous l'ambition d'une société qui refuse radicalement la violence prostitutionnelle. Aidez-nous, par votre don, à mieux agir sur le terrain, aux côtés des personnes prostituées, et pour la prévention auprès de nos jeunes !
Chère amie, cher ami,
En 2015, tant de choses ont changé ! Et c'est grâce à vous qui nous offrez votre confiance et votre soutien.
Changements pour les personnes, d'abord : pour Mariana, Ariane, Eudoxie, Marc [1]... qui au prix de mille difficultés ont réussi à sortir de la prostitution. Pour elles, c'est le jour et la nuit, mais que d'épreuves avant d'y parvenir ! Tout au long de leur parcours, nous étions à leurs côtés pour les soutenir. Pour le Mouvement du Nid, le droit à ne pas être prostituée (ou prostitué) est un droit humain fondamental ! À l'échelle du pays, c'est une révolution qui est en marche. Nos convictions gagnent du terrain : aujourd'hui, chacun admet que la prostitution est une violence, un gâchis odieux de vies humaines. Grâce à l'enquête « Prostcost » publiée en juin dernier, nous avons révélé que l'ensemble du système prostitutionnel coûtait à la France 1,6 milliard d'euros par an ! Pour les personnes prostituées, le coût humain et social est terrible...
Déterminés et ambitieux pour l'avenir des personnes prostituées, pour protéger nos jeunes des risques prostitutionnels, nous avons de sérieux atouts, que vous connaissez : 25 délégations départementales et le siège national qui travaillent sans relâche, notre expertise et notre expérience uniques, fruits de bientôt 80 ans de rencontres avec les personnes prostituées dans toute la France.
En 2015, votre générosité a démultiplié nos forces. Aujourd'hui, le contexte économique est toujours difficile ; les défis qui nous attendent sont immenses et exigent plus que jamais notre mobilisation.
Comme nous, vous pensez que chaque personne a un avenir hors de la prostitution. Comme nous, vous voulez épargner à tous les jeunes d'être happés dans l'engrenage prostitutionnel. Nos approches, nos outils ont fait leurs preuves sur le terrain. Avec vous à nos côtés, nous pouvons espérer maintenir et développer nos actions auprès des personnes prostituées et pour la prévention auprès des jeunes.
Soyez assurés de notre reconnaissance et de la bonne utilisation de votre geste de solidarité.
Jacques Hamon
Président du Mouvement du Nid-France
Clichy, le 12 novembre 2015
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[1] Lire leurs témoignages sur le site de notre revue, Prostitution et Société.
Beaucoup ont tendance à voir les féministes comme un groupe monolithique, dont les membres seraient interchangeables. Le féminisme est, plus que jamais, riche de personnalités très diverses.
J'ai donc décidé d'interviewer des femmes féministes ; j'en connais certaines, beaucoup me sont inconnues. Je suis parfois d'accord avec elles, parfois non. Mon féminisme ressemble parfois au leur, parfois non.
Toutes sont féministes et toutes connaissent des parcours féministes très différents. Ces interviews sont simplement là pour montrer la richesse et la variété des féminismes.
Interview de Claire-Lise.
Son twitter : @Sayaelle
Bonjour, peux-tu te présenter ? Depuis quand es-tu féministe et quel a été le déclic s'il y en a eu un ?
Pour répondre à ta première question, j'ai 36 ans, je travaille donc dans un HEPAD auprès de personnes très dépendantes, et suis actuellement en congé parental.
J'ai été élevée dans une famille croyante, évangélique, et j'allais donc à l'école du dimanche avec ma sœur et mes cousins, et ça reste de très bons souvenirs de discussions, avec un enseignement des textes bibliques et une fraternité que l'on ne retrouve pas partout.
Puis la foi pouvant être fluctuante, la famille s'est mise un peu à distance de l'église, sans pour autant perdre ses valeurs. Moi j'ai grandi la dedans, ça m a construite, et je me posais pas beaucoup de questions. Il y avait une réponse divine pour tout. Il fallait prendre patience. Voir venir. S'en remettre à Dieu. Aimer les gens, l'humanité comme une création imparfaite mais tellement aimée de Dieu qu'il lui a donné son fils unique pour que quiconque croit en lui ait la vie éternelle. Tout était à sa place, il y avait un ordre des choses, c'était tout blanc ou tout noir. En gros, ça se battait pas dans ma tête.
Et puis...
Donc je suis tombée amoureuse a 18 ans, je l'ai embrassé, demandé en mariage ( j'attendais mais comme ça venait pas j'ai pris les devants, en lui en voulant un peu de ne pas suivre l'ordre des choses.) Bref j'ai réfléchi depuis et je suis fière de ce geste là, je n ai plus l'impression d avoir transgressé une règle mais d'avoir juste agi selon moi.
Pour parler du déclic, c'est venu plutôt progressivement. J'ai eu un garçon. Il a ete à la maternelle. J'étais pas du tout sensibilisée sur les question du genre. Je savais tout juste qu'on pouvait changer de sexe. Je trouvais ça sale, triste, et honteux. Mon fils adorait Dora. Une semaine. Il voulait un cartable Dora, rose. Et je lui ai refusé. Parce qu'on se serait moqué. Et j'ai commencé à me dire que c'était con de réagir comme ça, de quoi j'avais peur, quel mal y avait-il etc... Et lui il a retenu la leçon, y a des trucs de filles, et d'autres de garçons. Ca aurait pu en rester là mais le sort en a décidé autrement ( chez moi on dit Dieu avait prévu).
C'est mon fils qui m'a fait réagir. J'ai commencé à chercher pourquoi du bleu pour les garçons, pourquoi des dînettes pour les filles, mon mari ne s occupe-t- il pas aussi bien du petit que moi ? N'a-t-il pas changé ses couches (lavables) et fait la cuisine tandis que je crépissais (enceinte) les murs de la cuisine ?
En même temps j ai vu beaucoup de critiques sur le net sur les croyants, qui véhiculent des stéréotypes, et j'ai dû me questionner sur ce que je croyais sans remettre en cause ma foi, sans renier Dieu. J'ai relu ma Bible. Il y a un commandement qui justifie tout : aime ton prochain comme toi même.
Je me suis dit que c'était ça, la clé. La domination, c'est une invention d'hommes, de créatures. Aime ton prochain ça veut aussi dire fais les courses en sortant du boulot pour que ton conjoint qui bosse comme un dingue trouve lui aussi un peu de temps libre. Et ça marche dans les deux sens. Ça veut dire égalité respect et tout ce qu'on peut mettre de positif et de grand dans ce mot.
En résumé pour moi ce verset de la Bible il est féministe.
Il y a eu un autre événement qui m'a amenée à réagir plus fortement, c'est quand je suis tombée enceinte de ma fille. A 4 mois de grossesse, pour une fois sans le papa, l'écho me dit que c'est une fille. Tellement voulue, désirée, au point d'en pleurer. Je la voulais parce que une fille, hein, c'est toujours mieux qu'un garçon, plus intelligente et sage et avec de jolis habits. Oui, c'était moi, ça ( il y a 18 mois, donc). Et puis là, je la vois cette fille, à l'écran. Je sais qu'elle sera Noelie, et que je l aime à un point !!! Et ça fait bang dans ma tête. Je comprends qu'elle est une personne et qu'elle fera tout ce qu'elle voudra. Qu'il me faut tout déconstruire. Que tout ce que je croyais sur les attributions de genre sont fausses, et qu'il me faut faire table rase.
Ca va crescendo, avec cette grossesse. Je voulais accoucher à la maison depuis que j'avais quinze ans, mais je croyais que si on m'en empêchait, c'était pour mon bien. J'ai déconstruit. J'ai convaincu mon mari, et c'était pas un petit défi, mais j'ai déconstruit. J'ai trouvé une sage-femme libérale, bienveillante douce et féministe, qui a sourit quand j'ai dit que je ne l'étais pas. Elle a été radiée de l'ordre depuis. J'ai accouché, mon mari a appelé la clinique pour leur dire que bébé était née a la maison, qu'ils pouvaient nous rayer de la liste. Lui qui venait de vivre la plus belle aventure de notre vie s'est fait pourrir par le personnel de la clinique. On a mis le temps à réagir. Je cherchais presque des excuses au gynéco.
Puis je suis tombée sur le tumblr Je nai pas consenti et je commence à mesurer l'étendue des degats, et à me dire qu'il faut que ça change. Qu'on doit se battre.
Donc je dois être féministe, même si je sais pas trop me situer, je dois déconstruire mes reflexes de pensée. Ma prise de conscience est très récente et je tâtonne dans mes questionnements.
Tu as écrit un roman Le faire ou mourir ; peux-tu nous en parler ?
Concernant mon roman, il a servi de terreau. En tombant sur un fait divers, un peu comme celui de ces jours ci dans l'Oregon, d'ailleurs, et les commentaires virulents qu'il a suscité (le gosse avait quinze ans tout juste) j ai voulu remonter en arrière dans son histoire et inventer un parcours difficile qui mènerait a la tuerie. C'était pour moi, pour comprendre, pour avoir de l'empathie, comprendre quel rôle moi j avais joué, en tant que citoyenne lambda, dans l'accomplissement de ces meurtres. C'était pour déconstruire. J ai pas lu l'histoire du vrai criminel. Je voulais pas en savoir trop et que ca m'influence. C'était juste pour moi. J'ai inventé Dam, et le plus extraordinaire c'est qu'il s'est construit tout seul. Il raconte sa propre histoire d'ado frêle et brimé, dans une famille sans dialogue, et qui trouve l'amour. Mais cet amour est réprimé, et les paroles des autres plus que les gestes le conduisent au pire. Bref, sa publication est un hasard et une magnifique aventure qui dure depuis 2011, et qui m a permis de rencontrer plein de gens qui militent pour les droits des personnes LGBT, des gens que j'aurais jamais eu l'occasion de rencontrer à l'école du dimanche!
Je participais tout a l heure a des rencontres a Lille, avec des jeunes, dans le cadre d'un festival littéraire, et j avais l'impression de déconstruire pour que d'autres puissent reconstruire derrière. C'est l'effet que ça m'a fait.
Qu'est ce que l'évangélisme ? En, quoi se différencie-t-il d'une religion comme le catholicisme ?
Les chrétiens évangéliques sont assez proches des protestants.
Ils se différencient des catholiques par une liberté de se convertir, et donc de se faire baptiser par immersion complète. Ce n'est pas imposé a la naissance par la famille, c'est une expérience personnelle du croyant, adulte, qui fait une vraie rencontre spirituelle, qui rend témoignage de cette rencontre et qui symbolise sa renaissance par le baptême, comme l'a fait Jésus dans les évangiles en se faisant baptiser par Jean Baptiste dans le Jourdain. (À ce propos, j ai envie de préciser que beaucoup de personnes refusent d assister à un baptême de ce genre, alors que l'on refuse rarement d assister à un baptême catholique...)
L'Eglise n est pas le lieu mais l'ensemble des croyants, qui se rassemblent dans des locaux neutres ; pas d'icônes, encore moins de statues. Il n y a pas de saints que l'on peut prier, car il n y a que Dieu, père fils et saint Esprit. Les saints sont seulement les chrétiens, et on ne les prie pas, même morts.
Les pasteurs peuvent se marier, et avoir des enfants. Les femmes peuvent être pasteurs, mais ça se voit plus aux États-Unis.
La Bible est le seul livre de référence. Il sert de ligne de conduite. Voilà en gros. Les chrétiens apportent la parole de Dieu, en laissant l autre libre d être touché par cette parole ou pas.
Beaucoup de religions sont contre des actes féministes tels que l'IVG par exemple ; comment arrives-tu à concilier ta religion et ton féminisme ?
Concernant l avortement, je n'ai pas trouvé de référence claire. Les chrétiens n'avortent pas car ils comptent sur Dieu en toute circonstance et si Dieu le veut, alors ils sont capables de faire face, avec amour, patience, humilité. Je n'ai pas lu qu'ils devaient obliger les autres à la même confiance, ni qu'ils devaient les juger, les tourmenter, les punir. Dieu est juge. Nous, on doit juste aimer notre prochain. Et la Bible cite les fruits de l amour : la patience, la bonté, etc...
Pour ma part, j'ai eu du mal avec l'IVG. Cest dur à déconstruire parce que je reporte sans arrêt sur les autres mon amour de la maternité, que j'ai du mal à imaginer d autres ressentis. C'est récent. Je réfléchis, faut voir comment ça mouline là-dedans ! Je m'efforce d aimer avant tout, et même si l'ivg est un droit dont je n'userai pas pour mon cas, (comme tout un tas d'autres droits qu'on ne remet pas en questions pour autant, d'ailleurs) je crois profondément que je ne dois pas en priver les autres. Quand je vois des masses, des statistiques, c'est difficile de déconstruire. C'est toujours plus facile de voir des gens, des personnes, et au lieu de vouloir trancher et me poser en juge et de dicter les propres lois, je vais lire des témoignages et ça me recentre.
C'est pas facile de concilier les deux, foi et féminisme. Ça demande de s interroger, de revoir sous un autre angle, et souvent ça culpabilise, parce qu'on ne sait pas si on ne renie pas un peu des deux parfois.
Qu'est ce que l'école du dimanche ?
L'école du dimanche, c'est un peu le catéchisme des catholiques ; c'est pour les enfants, c'est le dimanche car le dimanche est consacré à Dieu, et on enseigne les évangiles.
C'est facile parce que dans les évangiles, Jésus enseigne à ses disciples en utilisant des paraboles, qui sont des petites histoires.
Je me souviens très bien de la première fois où j'y ai entendu celle du bon samaritain ; où un voyageur est détroussé, laissé pour mort, et pleins de gens (très biens nés, respectés), passent devant sans lui porter secours car il n'est pas de leur catégorie sociale... et c'est celui duquel on en attend le moins socialement qui l'aide, le relève, le loge, paye ses soins... Jésus termine en disant de nous aimer les uns les autres. Je trouve que ce texte a une résonnance particulière dans l'actualité en ce qui concerne les migrants et j ai souvent envie de le marteler a ceux qui se disent chrétiens et oublient leur prochain...mais je m éloigne !
Beaucoup de féministes dans le catholicisme, l'islam ou le judaïsme, relisent leur livre saint au prisme du féminisme et en font une lecture féministe ; est-ce ce que tu as commencé à faire ? Penses-tu que Jésus était féministe ?
J'ai commencé à relire certains textes. Il parait qu'on en apprend toujours, et Dieu dit à chacun ce qu'il a besoin d'entendre, s'il ne ferme pas son cœur. Je dois juste bien écouter. Je pense aller farfouiller sur le net pour trouver des expériences similaires, mais souvent j'ai ressenti du rejet, du jugement, surtout si tu évolues dans un milieu ouvertement athée. Les gens pensent souvent qu'on est bêtes de croire à la création en 6 jours par exemple, quand toute la science parle d'évolution sur plusieurs milliards d années. Ils pensent sans doute que la foi ne s'accomode pas de la science, et pourtant, moi, la science m'explique comment Dieu s'y est pris pour faire le monde, et je trouve ça magnifique. Tout ça pour dire qu'on est jugées en tant que femme, mais aussi en tant que croyante, et c'est parfois la double peine il me semble. Pas facile dans ce contexte de faire évoluer sa pensée. Certaines fois je me suis fait démonter sur des discussions par certaines qui se disaient féministes parce que je me questionnais sur ces sujets de foi qu'elles trouvaient incompatible avec un mouvement ou même une simple notion de féminisme. Il faut que je cherche mieux, et souvent je lis longtemps avant de questionner maladroitement, je n'aime pas prendre des coups sur internet.
Concernant Jésus, il a fait dans la Bible des choses envers les femmes que les hommes de son époque reprouvaient. Il avait un amour des gens, des faibles, des petits, des malades, et il a cité plusieurs femmes en exemple. Mais je ne crois pas, à la lecture des textes, qu'il était féministe comme on l'entendrait nous. Je ne sais pas encore comment je vais concilier ça.
J'aurais aimé que le fils de Dieu soit une femme. Ça m'aurait facilité les choses, et sans doute pas qu'à moi !
Je suis heureuse que tu aies posé ce thème...en t'écrivant j'ai l impression que ça met de l'ordre dans mes idées.
Tu dis que tu te questionnais sur des sujets de foi que des féministes trouvaient incompatibles avec le féminisme ; peux tu en donner quelques exemples ?
C'était plutôt global, comme sujet de foi. Je n'étais pas rentrée dans des détails de dogme ou autre, mais j avais réagi par rapport à des commentaires qui fustigeaient violemment ma "religion" ( j'aime pas trop ce mot auquel je préfère foi, d'où les guillemets) et les croyants en général.
Je m'étais sentie blessée, insultée, bafouée, prise pour une ignorante, une arriérée, que sais-je ? Parce que j'étais du mauvais côté, qu'on ne pouvait décemment pas à la fois être féministe et sous le joug d'un livre qui condamne la femme à la souffrance dès les premières pages...
Tu travailles dans un HEPAD auprès de personnes très dépendantes ; peux tu nous décrire ton travail ?
Mon travail en HEPAD consiste à accompagner des personnes âgées dans les gestes du quotidien. Je travaille en secteur fermé qui encadre ces personnes, pour la plupart avec des troubles de la mémoire tels qu'elles ne pensent plus à se laver ou à s alimenter. Ça demande beaucoup de respect et de patience, et je me rends de plus en plus compte à quel point. On est dans l'intimité de personnes vulnérables, qui n'ont souvent plus les mots pour dire leurs douleurs, leurs peurs, leur gênes. On est très vite maltraitant, dès qu'on n'est plus bien-traitant en fait. Il n y a pas d'intermédiaire. Ça commence par le regard qu'on pose sur la personne vieillissante. Il s'agit de beaucoup de femmes, avec des histoires et des parcours propres. Je crois que je vais écouter leur cheminement avec un autre point de vue quand je reprendrai le boulot. En cela, le tumblr Je n'ai pas consenti m a grandement ouvert les yeux sur ma pratique de soignant.
Que pense ton mari de ton féminisme ?
Quant a mon mari...
Et bien bonne question, je n en sais rien. Je ne sais même pas si j ai dit le mot féministe pour ne pas l effrayer. Je le ménage, ce qui en dit long sur le chemin qu'il me reste à faire ^^
Mais je lui raconte beaucoup mes lectures, mes idées (ou plutôt celles des autres) et je donne mon avis. Nous avançons ensemble. Il s'indigne avec moi.
J'ai l'impression que je lui mettais beaucoup de pression en attendant inconsciemment qu'il se comporte comme un meneur, un chef de famille fort, qui prend les décisions et protège sa petite tribu. Je crois que cette réflexion nous a libérés des clichés en légitimant notre façon de vivre.
Je vais arrêter de dire que j'ai de la chance d'avoir un mari comme lui, qui sait tenir une maison en mon absence, qui n'est pas jaloux et qui s excuse lorsqu'il n'a pas eu le temps de passer l'aspirateur.
Je dirai juste que c'est normal.
Beaucoup de féministes pensent qu'il n'est pas possible d'être pratiquante, d'adhérer à une religion et d'être féministe : que peux tu dire là dessus ?
Hmm. Certaines féministes et les cases bien carrées... tout l’un ou tout l’autre mais pas des deux.
En réalité je n’en sais rien. Je crois que ça va être un parcours difficile.
Comment réinterpréter les textes sans les modifier ? Car de la Bible, on ne doit rien y ajouter, rien en retrancher. Si je considère qu’elle est la parole de Dieu, que les hommes (et oui... pas de femmes...) qui l’ont écrite, transmise, ont été inspirés par Dieu, ai-je le droit de la remettre en question ? Et si j’admets que les textes ont subi l’influence de leurs auteurs, où est-ce que je place Dieu dans tout ça ? Jusqu’à quel point je m’écarte, jusqu’à quel point je suis dans le vrai ? Je vais surement devoir faire des compromis, et dans ce cas, est-ce que je vais garder la tranquillité d’esprit que la foi m’apporte, et en même temps le sentiment d’humanité que m’apporte ma démarche pas tout à fait encore militante ? Bref, j’ai pas encore choisi ma case. Ce qui domine, c’est l’envie de ne rien perdre, et au contraire, de tout gagner.
Est-ce que ton entourage et ta famille ont constaté de ton féminisme - sans forcément mettre un mot dessus - qu'en disent ils ?
Je crois que ma famille se rend compte de ce changement.
J’y vais doucement, en amenant une idée après l’autre, fréquenter quelques blogs m’aide à mettre ma pensée en mots, et à faire rebondir certaines discussions. Je n’y vais jamais de front, mais je m’efforce de poser les bonnes questions... ça marche bien pour le moment. Je parle de féministes qui disent ceci ou cela, et je vois jusqu’où je peux aller. Au début je ne disais pas le mot qui fâche. Maintenant j’arrive à rapporter des références, des études, et si j’avais meilleure mémoire je serais plus crédible.
Parfois ma famille n’est pas d’accord avec moi. Ca n’entache pas nos relations pour autant. Je pense que ma famille prie pour que j’entende raison, et moi pareil pour eux.
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Notre délégation de la Sarthe et le CCFD-72 Terre Solidaire vous proposent une projection suivie d'un débat sur la situation des femmes victimes de la traite. L'événement s'inscrit dans le cadre de la Semaine de la Solidarité Internationale du collectif "Pour une terre plus humaine".
Infos pratiquesmardi 17 novembre de 15h00 à 17h00
À la Maison du Citoyen, le Mans
Place des Comtes du Maine
La délégation du Mouvement du Nid du Bas-Rhin participe à l'agora associative organisé lors de ce colloque contre les violences faites aux femmes.
Infos pratiquesLe mardi 17 novembre 2015 à 8h30
au Palais de la Musique et des Congrès
Place de Bordeaux à Strasbourg
Pour télécharger le programme et s'inscrire au colloque, rendez-vous sur le site de la mairie de Strasbourg.
Ce colloque fait intervenir des intervenantEs d'horizons divers pour éclairer la réflexion par leur expertise et leur expérience. De nombreuses associations locales sont présentes tout au long de la journée à l'Agora associative, rassemblant les acteurs et actrices de la prévention, de l'accompagnement, et du soutien aux femmes victimes de violences. Notre équipe du Bas-Rhin vous y accueille sur son stand.
Lors des attentats de janvier, nous étions tous au travail lorsqu'un collègue a appris qu'il y avait eu des tirs à Charlie hebdo. Nous sommes modérateurs pour la presse sur Internet. Dans le cas d'une actualité comme celle-là, nous nous préparons psychologiquement au tsunami de merde qui va arriver ; désolée de l'image mais je n'en vois pas d'autre pour qualifier ce qu'on voit. Nous appelons nos clients, abordons la charte que l'on va appliquer, les points sensibles, les hésitations possibles. On attend confirmation des noms des morts pour pouvoir publier les commentaires qui en parlent.
Nous savons qu'en quelques minutes, des milliers de commentaires vont déferler et que cela ne sera pas beau ; la tristesse de quelques uns sera oubliée, fondue par le racisme et la colère des milliers d'autres. Nous pouvons lire quelques 5 ou 6000 commentaires en une journée pour vous donner une idée. Mes internautes répètent en boucle le néologisme "padamalgam"pour s'empresser d'en faire.
Alors on s'arc boute, on pleure. C'est curieux de pleurer pour un boulot n'est ce pas ?
Le plus paradoxal est qu'on n'a pas le temps de pleurer les morts ; on pleure de ce qu'on lit, on pleure de la haine, on pleure du racisme, on pleure de ce qu'il va advenir si les commentaires se répercutaient un jour dans les urnes.
Le vendredi suivant les attentats j'étais chez un client et je rentrais par la ligne 1 ; j'ai vaguement entendu que le métro n'allait pas jusqu'à Vincennes sans y prêter plus d'attention jusqu'à ce qu'on me prévienne de la prise d'otages en cours dans un magasin casher.
Et là je savais, qu'en plus du racisme, nous aurions à lire de l'antisémitisme ; parce que c'est cela la magie des commentaires sur Internet c'est que même les victimes deviennent coupables. Et que de toutes façons derrière "les musulmans forcément violents qui commettent des attentats", il y a toujours "les juifs qui les manipulent". Toujours, ca ne change jamais, on y a toujours droit. Pendant deux jours on a eu droit à la litanie des coms des "juifs qui manquent jamais une occasion se de faire remarquer".
Les 15 jours suivants ont été compliqués ; voyez vous dans notre métier on n'a pas le temps de s'arrêter pour respirer face à l'actualité, pour comprendre ce que cela signifie parce qu'on doit gérer au plus vite les réactions des gens qui eux n'ont aucune envie de réfléchir.
Ce vendredi j'ai été sur le pont dés l'annonce des attentats, en support et maintien de vendredi à dimanche.
Cette fois ci les internautes n'ont pas pris leur dix minutes réglementaires pour pleurer les victimes ; ils se sont jetés sur leurs cibles fétiches - les musulman-es - pour les accuser de tous les maux, les sommer de se désolidariser, accuser ceux qui le faisaient d'avoir un double visage. Alors je pleure.
Je regarde les beaux visages des victimes pour continuer , parce qu'ils n'ont pas mérité, aucun d'entre eux, que de la haine s'ajoute à ce qu'ils ont déjà subi. Je ne suis pas croyante - pas cette chance ai je parfois envie de dire - alors je ne sais pas ce qu'on fait dans ces cas là.
Je n'écris pas, contrairement à ce qui pourrait être cru, pour être consolée ou plainte. Les blessé-es peuvent ou doivent être plaint-es, les familles de victimes peuvent ou doivent être plaint-es.
J'écris pour essayer de vous demander de réfléchir. Pour vous demander - et je m'inclus là dedans - si le commentaire que vous vous préparez à poster je ne sais où, est vraiment nécessaire.
J'écris parce que je ne comprends pas comment ce merveilleux outil qu'est Internet est devenu ce torrent de boue haineuse racisme, antisémite et islamophobe (il n'est pas que cela mais c'est ce qu'il est là aujourd'hui pour moi).
J'écris parce qu'il est étrange de voir des gens écrire des propos racistes, se plaindre d'avoir été "censurés" et lorsqu'on leur lit leurs commentaires, réaliser d'un coup qu'en effet "ils se sont peut-être emportés". Et parce que je les crois sincères ; parce que certains n'ont plus aucune mesure, parce que certains sont comme emportés par une foule haineuse qui jette des pierres parce que les autres en ont jeté aussi.
Il est scandaleux et indécent de vous voir instrumentaliser ces victimes pour répandre votre haine.
Hier, un homme m'a souhaité sur twitter de "crever dans un attentat" , parce que j'avais simplement demandé à ne pas faire l'amalgame entre réfugiés et terroristes. Le pire est peut-être que cette phrase ne m'a pas touchée, ni blessée tellement je me blinde sinon je ne résisterais pas à mon travail.
Et je me dis, sincèrement que dans la vie normale, cet homme ne se serait jamais autorisé ce genre de propos ; qu'il sera peut-être sincèrement étonné ce matin de se relire.
Aujourd'hui je lis qu'il faut interdire l'islam en France, fermer définitivement les frontières, traduire la quasi totalité de la classe politique devant un tribunal militaire comme Pétain le fut en son temps, rouvrir Cayenne, organiser des milices, fermer toutes les mosquées, demander un pardon collectif de la part des musulmans, enquêter pour voir si les juifs n'ont pas organisé tout cela. Et je lis des menaces de crimes racistes.
Voyez vous je compare parfois cela au harcèlement de rue ; entendre une fois "eh mademoiselle" ca serait tolérable mais imaginez qu'on l'entend des dizaines de fois. C'est ce qu'il se passe ici ; on lirait parfois au hasard d'un propos , un propos raciste, on se dirait benoîtement comme on le fait depuis 30 ans "qu'il s'agit d'une minorité isolée" mais on ne peut plus le dire ; pas quand on rejette à tour des bras (et j'entends par là des milliers de commentaires par jour) des propos pénalement condamnables. Vous remarquerez que je ne propose pas de solution ; parce que toutes celles que j'envisage impliquent de renoncer à certaines libertés et je sais qu'elles ne sont pas bonnes.
J'aimerais - parce que je suis à la fois d'un pessimisme inégalé mais que je conserve aussi foi en la raison humaine - que certains d'entre vous réfléchissent à ce qu'ils vont écrire ces prochains jours. Aux amalgames qu'ils vont faire. A la haine qu'ils vont entretenir.
J'aimerais dire à quel point je suis persuadée que les terroristes vont jubiler en vous lisant ; combien ils jubilent que vous haïssiez les musulmans ; c'est un point que vous avez en commun d'ailleurs parce que pour ces gens là il est sans aucun doute encore pire que de mal croire en Allah (comme ils pensent que font les musulmans) que de ne pas y croire du tout.
J'écris parce que même les gens (non concernés par le racisme) et pas spécialement racistes l'ont dépolitisé ; ils voient les propos racistes et détournent les yeux comme on le ferait d'un crachat sur le sol : "Il n'y a qu'à pas lire, il n'y a qu'à tout coller sous le tapis".
J'ai parfois l'impression d'être complice de ce racisme, de cet antisémitisme, de cette islamophobie, de ce sexisme, de cette homophobie, de cette transphobie en cachant tout ce que je lis derrière un bon gros tapis épais.
Petit à petit nous faisons leur jeu, en refusant d'admettre le simple mot "islamophobie", en refusant de nous interroger sur nos pratiques et réflexes face à nos concitoyens musulmans. Nos concitoyens. Pas nos invités en transit, nos bonniches et nos ouvriers. Pas des gens qu'on tolère. Nos concitoyens.
Je ne sais pas ce qu'il convient de faire face aux discours de haine sur Internet ; il serait vain de penser que la justice a la capacité physique, financière, logistique de traiter chaque parole délictueuse. J'aimerais penser que les gens vont arriver à se raisonner, qu'ils vont lire les articles que des journalistes s'évertuent chaque jour à écrire pour qu'on comprenne mieux, qu'on analyse, qu'on réfléchisse. J'aimerais qu'on repense nos façons de parler sur internet qu'on soit moins dans l'instantanéité ce qui permet, je le constate chaque jour, le développement d'une parole haineuse.
Alors je vais me remettre au boulot, comme mes collègues, espérer cacher la merde sous le tapis et continuer jour après jour. Mais ce jour comme chaque jour depuis longtemps, je me dis que les terroristes ont gagné. La haine, le racisme, l'islamophobie, le manque de respect des victimes qui sont instrumentalisées crient aux terroristes que leur plan fonctionne comme ils l'avaient prévu.
Voilà je ne sais pas quoi dire de plus. je doute que ce texte soit lu par celles et ceux qui le devraient.
Je n'ai même plus le temps de pleurer sur les victimes, je pleure sur ce que vous en faites.
Les terroristes ne nous tueront pas tous non , ca j'en suis bien sûre ; votre haine, votre bêtise, votre racisme, votre antisémitisme, votre islamophobie y arrivera.
Toutes mes pensées, mon soutien, vont aux victimes et à leur famille. Je pense à vous comme des millions d'autres personnes le font.
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Beaucoup ont tendance à voir les féministes comme un groupe monolithique, dont les membres seraient interchangeables. Le féminisme est, plus que jamais, riche de personnalités très diverses.
J'ai donc décidé d'interviewer des femmes féministes ; j'en connais certaines, beaucoup me sont inconnues. Je suis parfois d'accord avec elles, parfois non. Mon féminisme ressemble parfois au leur, parfois non.
Toutes sont féministes et toutes connaissent des parcours féministes très différents. Ces interviews sont simplement là pour montrer la richesse et la variété des féminismes.
Interview de Eve.
Peux-tu te présenter ?
Je m'appelle Evelyne et, bien que je porte un prénom d'esthéticienne quinquagénaire, j'ai 34 ans et je suis mère au foyer.
Depuis quand es-tu féministe ?
Je crois que j'ai commencé à me considérer féministe le jour où j'ai compris à quel point j'avais fini par intégrer le sexisme comme une forme de normalité. Et à quel point j'étais en train de me contenter tout naturellement de l'éducation sexiste que, dans la famille, on se refile de génération en génération. C'est arrivé assez tard, vers mes 25 ans dirais-je, quand je me suis vue adopter, comme un automatisme, l'attitude fataliste de ma mère à l'égard du sexisme, un fatalisme un peu tordu qui consiste à reconnaître que les femmes ont souvent le mauvais rôle tout en réussissant pourtant à se convaincre qu'il y a une certaine fierté à tirer de ce rôle de bonniche opprimée. C'est à ce moment-là que j'ai compris que dans ma famille, le sexisme était une forme d'inexorable malédiction que les mères transmettent à leur fille le plus naturellement du monde. J'avais une toute petite fille à l'époque, je me suis promis de ne pas reproduire cette éducation à la con qui consiste à élever les filles tout d'abord dans la culture du viol mais aussi dans une posture de bonniche, comme si nos codons d'ADN étaient programmés pour assumer tout le merdier domestique.
Pourquoi as-tu hésité à faire cet interview ?
J'ai hésité à faire cet interview car je ne parviens toujours pas à me sentir légitime en tant que féministe. Et parce que, pour être parfaitement honnête, je commence à douter sérieusement du féminisme qui, selon mon point de vue, divise beaucoup trop les femmes alors qu'il est censé les rassembler. Même dans le féminisme, on te dit comment faire ou comment penser, on t'explique ce qui fait que tu es plus ou moins féministe que ta voisine. J'ai passé la trentaine, j'ai quatre enfants, je suis mère au foyer et j'ai zéro indépendance financière. Alors forcément, quand je commence à la ramener sur le féminisme, on me rit au nez et on me ramène à la sordide caricature de meuf entretenue par son mari et tout juste bonne à pondre des gosses en série. Pire, je suis une traitresse à la cause, moi qui plonge tête la première dans ce que les militantes féministes aiment qualifier de servitude volontaire : car comment oser prétendre être féministe quand on a ni le temps ni les moyens de penser rien qu'à soi ?
Est-ce que tu peux reparler de cet article Home sweet home et nous dire ou tu en est de tes réflexions ?
J'ai fini par sortir de cette frustration de mère au foyer contrariée par le manque de vie sociale et de considération. Et d'accepter une bonne fois pour toutes que c'était mon choix. Que j'avais voulu cette grande famille et que mon mari et moi avions décidé ensemble de cette situation qui, bien que, d'une certaine façon, typique des schémas familiaux sexistes décriés par le féminisme (papa au boulot, maman à la maison), est plutôt pour moi une certaine idée du travail d'équipe : on a choisi d'avoir beaucoup d'enfants, maintenant à nous de faire le choix le plus optimal pour garantir notre qualité de vie tout en s'y retrouvant au mieux financièrement. Finalement, c'est cela, le sexisme que je défends. Avoir le choix. Le choix de travailler à plein temps et de ne pas être forcément complètement disponible pour ses enfants. Le choix de ne pas avoir d'enfant du tout. Le choix de vouloir élever ses enfants à plein temps. Mais dans tous les cas, cesser d'être victimes des préjugés sexistes de base (qui, à mon grand regret, proviennent bien souvent des femmes elles-mêmes) et être respectée et soutenue dans ses choix.
Tu as 4 enfants ; arrives tu à les éduquer de manière antisexiste et te comporter de la même façon qu'ils soient fille ou garçon ?
J'ai tellement vécu le sexisme au quotidien dans ma famille que je mets un point d'honneur à ne pas reproduire l'éducation que j'ai reçu de ma mère. Car oui, étrangement chez nous, le sexisme se transmet de mère en fille, c'est quand même dément de voir à quel point des générations de femmes ont intégré les préceptes et attentes sexistes de leurs aïeux au point de les transmettre elles- tout naturellement à leurs propres filles.
Chez nous, à la fin des repas de famille, toutes les filles étaient systématiquement attendues pour la vaisselle et le rangement et dès sept ou huit ans, tu avais droit à ton torchon pour aider les femmes de la famille. Les hommes et les garçons en revanche restaient à table à discuter ou à finir leur verre pendant que les femmes s'activaient en chœur. Et tout le monde avait toujours l'air de trouver cela parfaitement normal. A table, on servait aussi systématiquement les hommes en premier, va savoir pourquoi. Les dimanches matins, pas de grasse matinée pour les filles, jamais. Même enfants, il fallait épauler la mère dans les maintes tâches ménagères. Mon frère de son côté a eu droit à toutes les grasses matinées du monde et personne ne s'étonnait de le voir interrompre le déjeuner dominical pour réclamer un petit déj. Jamais on n'aurait toléré cela de la part de ma sœur ou de moi.
Et puis surtout, il y a eu cette différence flagrante dans l'approche de la sexualité. Ma mère s'est toujours revendiquée moderne et à la cool pour avoir "offert" la pilule à ses filles dès leur 15 ans. Mon point de vue, avec le recul, c'est que c'était aussi et surtout une façon d'avoir le contrôle sur la sexualité de ses filles, en nous traînant et nous accompagnant chez le gynéco. Plus tard, quand les petits amis dormaient à la maison, c'était chacun dans une chambre et y avait pas intérêt à déconner avec ça. Quelques années plus tard, mon frère ramenait sa gonzesse à la maison et au lieu de mises en garde, on lui a offert un lit double pour qu'il ait plus de place lorsqu'il dormirait avec ses amoureuses. Quand j'y repense, je suis folle de rage.
Voilà un exemple des différences d'éducation filles / garçons dans ma famille. Ah oui, et puis bien sûr il y avait cette fameuse culture du viol omniprésente chez nous : ne pas provoquer, ne pas aguicher, ne pas trop faire "fille qui cherche", "parce qu'on sait jamais ce qu'un garçon peut avoir derrière la tête". C'était notre mission à nous les filles, de veiller à faire oublier la plaie qu'on a entre les jambes. Ca menait parfois à des situations très injustes et humiliantes, comme cette fois où j'allais réviser chez un ami et où j'avais décidé de porter un chandail avec col en V, très légèrement décolleté. Ma mère m'a vue et m'a demandée si j'étais sûre d'y aller uniquement pour réviser. Un chandail putain. Un chandail ! Pas un soutien-gorge en résille hein ! A côté de ça, j'ai pas le souvenir d'avoir jamais entendu ma mère rencarder mon frère sur la façon dont il était censé s'habiller ni se comporter avec les filles. Jamais.
Et bref, tout ça, quand j'y repense, ça me met hors de moi. Alors je suis très, très vigilante avec mes enfants. Je ne laisse pas les garçons de la famille prendre les filles pour leurs bonniches. Tout le monde participe équitablement à tout. Si spontanément ma fille aînée se lève pour accomplir une tâche, je n'hésite pas à la faire s'asseoir et je rappelle à tout le monde que les membres de cette famille pourvus d'un pénis sont également aptes à se lever et à se servir tout seuls. Idem quand mon mec fait accidentellement des remarques maladroites à nos filles du genre "Brosse-toi les dents sinon tu vas avoir des dents pourries et tu trouveras jamais d'amoureux", ou bien "Si tu ne te coiffes pas, tu seras moche et les garçons ne te regarderont pas", je bondis : ça a l'air de rien mais je refuse ça, qu'on éduque les petites filles en sous-entendant que dans la vie, il faut être belle dans l'unique but d'interpeler les garçons ou de leur plaire. Alors je le reprends à chaque fois et j'explique bien aux filles qu'on ne prend pas soin de soi pour faire plaisir aux garçons, certainement pas. Et évidemment, je refuse d'élever mes filles dans cette culture du viol et je veille d'ores et déjà à attirer l'attention de mes fils sur la façon dont ils sont et seront tenus de se comporter avec les filles.
Pourquoi as tu fais le choix de rendre ton blog payant ?
Je sais que tout le monde aimerait bien entendre que j'ai fait ça pour l'appât du gain, parce que c'est vraiment trop tentant de gagner de l'argent en vendant des trucs aux gens, parce que je suis une collabo vendue au grand Capital. Et aussi parce que j'ai pas de cœur et que je m'en fous d'obliger les gens à choisir entre manger et lire mon blog tellement je leur soutire tout leur blé (sans déconner, j'exagère à peine, j'ai eu droit à beaucoup de remarques de ce genre, à croire que j'étais en train de réclamer un demi SMIC à chacun de mes lecteurs... pour info, on parle de 2 balles par mois hein).
Mais la vérité c'est que je n'ai pas beaucoup de temps libre pour moi, ni beaucoup d'activités. Une heure de piano par semaine, un peu de jardinage entre deux sorties d'école, des travaux d'aiguille tard le soir quand les enfants sont couchés. Je suis le genre de fille qui se lève une heure plus tôt le matin pour avoir droit à une heure de libre pour lire un livre, sans ça, j'aurais jamais le temps de lire quoi que ce soit. Je ne dis pas ça pour me plaindre, c'est juste pour donner le ton de ce qu'est, pour beaucoup de femmes, le quotidien de mère de famille presque-nombreuse.
Et bref, dans tout ça, le blog me prenait vraiment beaucoup de temps. Et j'écrivais souvent à des heures pas possible, entre une heure et trois heures du matin par exemple, pour pouvoir boucler mes articles. C'est certes amusant, d'écrire pour le plaisir, mais dans ces conditions, c'est aussi vachement épuisant (bonjour le réveil à 6 h du mat' hein). Et très sincèrement, j'ai été à deux doigts de le laisser en plan car ça devenait un peu pénible à gérer. Alors je me suis dit que si les gens se mettaient à soutenir financièrement le blog, et si je parvenais à rassembler une petite cagnotte mensuelle, peut-être bien que ça me donnerait à nouveau la patate. Parce qu'on va pas se mentir, c'est tout de même gratifiant et rassurant de se sentir un peu soutenue de la sorte. D'autant que ça fait des mois que les gens lm'interpellent régulièrement en me disant "Hey mais édite ces chroniques ! Fais-en un bouquin, j'achèterai direct !", ce qui semblait laisser entendre que oui, une bonne partie de mon public était prête à me soutenir financièrement pour que je puisse écrire encore plus.
Alors oui, c'est peut-être moche d'avoir besoin d'en passer par la thune pour se sentir soutenue mais hey, il me semble qu'on vit dans un monde qui fonctionne grâce à l'argent non, alors pourquoi ce serait sale et honteux de faire payer ses textes ? Je veux dire, on est d'accord pour payer à peu près tout et n'importe quoi. On paye pour des chaînes TV, on paye même pour un traitement prioritaire de sa commande... Du coup je comprends pas pourquoi les blogs d'écriture devraient faire exception. On paye son journal, on paye ses légumes chez son primeur, on paye sa viande chez son boucher, on achète la musique aux musiciens, mais par contre les auteurs, non, veto, eux ils doivent continuer à distraire à l'œil. Je suis pas du tout d'accord avec ça et passer le blog en abonnements, ça a aussi été ma façon de marquer le coup et de défendre ce que je considère comme une sorte d'artisanat. Oui, selon moi les chroniqueurs, les illustrateurs, sont autant d'artisans qui travaillent et donnent de leur temps pour proposer un "produit".
Et j'avoue que je comprends pas trop le déchaînement de reproches suscités à chaque fois qu'un auteur passe son contenu en payant. Je trouve ça limite triste de voir certains auteurs de talent me confier "Moi j'adorerais faire payer l'accès à mon blog mais j'ai peur du bashing". Come on ! Vous payez bien pour vous abonner à des chaînes câblées bidon qui vous coûtent une fortune, vous allez sérieusement chialer pour un abonnement mensuel à deux balles ? Ah mais oui, j'oubliais que les gens ont des principes ("Si tous les blogs deviennent payants, où va-t-on ??" >> les blogs payants sont-ils un signe annonciateurs de l'apocalypse ? Dans deux heures je ramasse les copies).
Mais bon, pour en finir avec cette question, je suis très contente d'avoir fait le choix de passer le contenu du blog en contenu réservé aux abonnés (je précise qu'en plus, cela ne concerne qu'une partie des publications, la moitié des chroniques restant accessibles gratuitement de même que trois ans d'archives) même si pour le coup, je suis passée de quelques 2000 lecteurs quotidiens à une petite trentaine d'abonnés. Et j'ai le regret de vous annoncer qu'après ça, j'arrive encore à me regarder dans un miroir, même si ça va en décevoir plus d'un.
Du coup, la dynamique du blog a changé, les abonnés se sentent un peu plus comme chez eux et sortent de leur anonymat, j'échange dix fois plus avec mes lecteurs que je n'ai eu l'occasion de le faire par le passé. Les gens m'écrivent plus facilement, me remercient et m'encouragent, et moi ça me file une sacrée banane et ça me donne encore plus envie d'écrire des trucs chouettes pour faire plaisir à tous ces gens-là. Et puis il y a beaucoup moins de râleurs, ça aussi c'est drôle (les gens qui savent que tu écris gratos mais qui en plus la ramènent sur ce que tu dis, sur la faute d'orthographe que t'as pas vue à la quatrième ligne, qui se plaignent des sujets que tu n'as pas encore abordés ou qui te harcèlent pas toujours gentiment parce que bordel, ça fait au moins trois semaines que t'as rien publié, si ça continue comme ça ils arrêtent de suivre ton blog hein) ("remboursez nos invitations !") (parce qu'en fait, c'est ça, internet : non seulement ça doit être gratos mais en plus ça doit autoriser n'importe qui à dire n'importe quoi, tout le temps).
Est-ce que je dois regretter les milliers de lecteurs qui ont cessé de me suivre depuis l'ouverture des abonnements et du contenu payant ? Etrangement, je n'y pense pas et je n'arrive pas à trouver cela dommage, je n'arrive pas à plaindre tous ces gens qui "à cause de moi", sont "obligés" d'arrêter de me suivre. Moi je n'oblige personne hein. D'ailleurs c'est ça qui est bien dans la vie, c'est qu'on n'est jamais complètement obligé. Les gens peuvent s'abonner à mon blog, ils peuvent aussi ne pas le faire. Ils peuvent le lire ou ne pas le lire. Ils peuvent décider d'amputer leur budget de deux euros par mois ou refuser de le faire parce qu'ils préfèrent acheter deux paquets de Pim's à la framboise à la place. Ils peuvent aussi refuser de s'abonner en guise de protestation contre la mort de la gratuité du web. On peut s'abonner ou non à Deezer ou à Netflix, et ben pour mon blog c'est pareil. Je propose un contenu à deux euros. Et à partir de là, chacun fait comme il veut. Et pour citer Jean-Claude : et ça c'est beau !
As-tu eu l'occasion de parler à ta mère de ce qui te pèse dans l'éducation que tu as reçue ? Envisages-tu de le faire ?
Concernant ma mère, on en a déjà parlé comme ça, concernant deux ou trois trucs, mais on n'a jamais abordé la question pour de bon. Cela dit, j'ai vite pigé qu'elle comprenait, qu'elle se rendait compte qu'elle avait simplement reproduit le schéma de sa mère, sans doute hérité de sa propre mère. En revanche, on ne parle pas des différences d'éducation fille / garçon, ça reste sujet tabou. Et c'est très étrange car de temps en temps, elle parle elle-même de son adolescence et dénonce les injustices qu'elle a elle-même subies à cause de la différence d'éducation filles / garçons... sauf qu'elle semble même pas percuter que ce dont elle se plaint, c'est très exactement ce qu'elle a elle-même reproduit avec ses enfants. Je ne sais pas si c'est du déni ou quoi (en tous cas ça y ressemble fortement).
Tu as brièvement évoqué ta journée de mère de famille nombreuse ; pour beaucoup de gens c'est un continent inconnu, peux-tu l’évoquer plus en détail ?
Je ne sais pas comment résumer une journée de mère de famille nombreuse. Ca commence à 6 heures 30 et ça se termine vers 22 h. Enfin à 22 h, c'est la fin de toute tâche domestique (repassage et tutti quanti), l'heure à laquelle je dis stop, quoi qu'il arrive, même si tout n'est pas terminé. Le tout entrecoupé par douze trajets entre la maison, les écoles et le bus scolaire. Et des plages horaires libres qui excèdent rarement les deux heures consécutives. Du coup clairement, je cours tout le temps. Et les loisirs, c'est soit après 22 h, soit les week-ends quand les gosses sont chez une mamie ou en vadrouille. Plus quelques loisirs et activités ponctuels trois ou quatre soirs par mois. Mais ça a ses bons côtés hein, je m'en plains pas (même si parfois, on dirait que).
Des gens te rétorqueraient que tu as voulu tes enfants, pourquoi t'en plaindre ?
La vérité c'est que c'est pas tant mes enfants qui me pèsent. Je veux dire, tous les parents ont leurs moments de ras le bol avec les gosses, qu'on en ait qu'un, deux ou douze. Et je ne fais pas exception à ça. Dans l'ensemble, ce n'est pas ça qui est lourd et si c'était à refaire, je referai tout pareil. Le rythme un peu balèze et les horaires à gérer, ça me saoule parfois mais pas plus que ne me saouleraient mon boss ou mes horaires de boulot si j'étais salariée, j'imagine. Ce qui est plus difficile en revanche, c'est l'étiquette "mère au foyer" en société. Après tu me diras, c'est peut-être bien qu'une question d'ego, j'en sais rien. Mais clairement, j'en peux plus de voir les mines embarrassées quand on me demande mon job et que je réponds que j'élève mes mômes (et encore, je m'estime heureuse quand j'ai pas droit aux remarques du genre "Ah ok, tu fais rien, donc"). C'est aussi les amalgames mesquins et débiles du genre mère au foyer = fainéante qui veut pas bosser et qui se la coule douce pendant que son mari l'entretient. Ou bien encore dans les repas, quand je me rends compte (et je jure que ce n'est pas de la parano) que dès lors que je me suis présentée comme mère au foyer, on m'implique pas forcément dans les conversations. Comme si j'avais rien à dire. Comme si je maîtrisais aucun sujet à part peut-être la recette de la tarte aux pommes et la cuisson du bœuf bourguignon. Comme si mes seules compétences c'était la pâte à modeler. Et mes seules connaissances celles de la chaîne Disney Junior. Car là aussi, les amalgames et raccourcis vont bon train. Mère au foyer car juste bonne à "pondre" et donc probablement pas assez intelligente pour avoir fait des études, avoir un avis ou des opinions. Tout cela, oui, c'est très frustrant. Et je vais même aller plus loin, ce qui me contrarie le plus, c'est que souvent, quand je suis confrontée à des femmes ayant le profil inverse (par exemple sans enfant, travaillant etc), je sens la condescendance fuiter de chacun de leurs pores. Le mépris total façon "Han ok, t'es une pondeuse, tu branles rien de tes journées, t'as pas d'ambition, t'es enchaînée à ta vie comme à un boulet, pauvre conne va". Et ça, oui, ça me met en rogne. Parce que c'est une réalité, pas un fantasme. C'est pas systématique, par chance, mais ça revient quand même assez régulièrement ce truc. De la même façon que très régulièrement, je suis la meuf qu'on prévient pas en cas de virée ou qu'on n'invite plus aux soirées sous prétexte que "Tu comprends, avec tous tes gosses, on s'est dit que tu serais peut-être pas trop dispo pour faire la fête !". C'est tous ces trucs-là qui, à force, me pèsent pour de bon.
Est-ce que tu aurais quelque chose à dire aux féministes qui considèrent qu'on ne peut pas être féministe et mère au foyer ?
Ce que j'ai envie de dire aux féministes qui considèrent qu'on ne peut pas être féministe tout en étant mère au foyer ? Tu veux dire, en restant polie ? Sérieusement, j'ai même plus envie de m'aventurer sur ce terrain-là tellement l'expérience m'a montré que ça servait à que dalle. Pour moi, depuis le début, être féministe c'était : avoir le choix. Mais en fait non. Il suffit de regarder les causes défendues par le féminisme en général, ça bouge au gré des tendances, faut que le militantisme reste sexy. On défend les filles harcelées dans le métro, on défend les victimes de viol, on défend les femmes opprimées du bout du monde. On milite, on fait de la boxe ou du self defense, on porte des badges à slogan. Le féminisme qui se passe dans une cuisine, avec des mères au foyer qui débattraient aussi du sexisme au quotidien et de tout ce qu'il faudrait faire bouger à petite échelle, sans forcément en passer par le militantisme pur et dur, ben j'ai pas l'impression que ce soit le féminisme à cette sauce-là qui l'emporte. Ce féminisme là me donne l'air de pas intéresser grand monde. J'ai souvenir de pas mal d'élans de solidarité sur les réseaux sociaux en faveur de victimes d'actes de sexisme. Mais tu vois, par exemple, j'ai jamais vu aucune féministe défendre précisément ces "sœurs" qui font le choix d'élever des mômes et qui revendiquent le droit à ce qu'on leur foute la paix (et qu'on arrête de les prendre pour des gogoles exploitant pleinement les capacités de leur utérus à défaut de savoir faire usage de leur cerveau). Et tout cela m'amène parfois à me demander si ça a encore du sens de nos jours de se revendiquer féministe.
Tu as constaté une situation extrêmement violente sur twitter il y a peu, peux-tu nous en parler ?
Tu vois la dernière fois par exemple sur Twitter, avec une autre fille on a voulu donné un coup de main à une lycéenne qui était en train de se faire harcelée par d'autres gamins sur les réseaux sociaux. Harcelée pour avoir mis des talons hauts à 15 ans. Ca allait très loin, du genre "Haha trop fort venez on continue elle va finir par se suicider !". Ben j'ai été vraiment dégoûtée car ce soir-là je t'assure qu'y avait vraiment du monde su Twitter, y compris des gens qui passent leur temps à s'indigner et se révolter sur le sexisme, le bashing, le harcèlement et compagnie. Sauf que là, PERSONNE a réagi. Personne. On n'était que deux. On a contacté l'établissement de la môme et pris les choses en main. Ca m'a dégoûtée car - et je dis ça sans méchanceté, on est bien d'accord - la moindre parisienne qui se fait peloter le cul dans le métro a le soutien de tous les enragés et tous les féministes de Twitter. En revanche quand ça touche une petite péquenaude d'un lycée rural, subitement, ça n'interpelle personne. Alors que selon moi, le gros du travail il est là. Soutenir les gosses qui se font traiter de pute, utiliser son statut de grande personne pour intimider un peu ces jeunes cons qui harcèlent et leur remettre un peu les idées en place, ben tout ça, c'est aussi un combat. Et peut-être que j'en fait des caisses, je sais pas, que je suis pessimiste concernant le combat féministe. Mais dès qu'une fille se fait agressée verbalement dans le métro parisien ou dans un train, on a droit au billet de blog, aux réseaux sociaux qui relayent, à tout le soutien possible. Autant pour des agressions ou harcèlement moins "sexy", il se passe rien. Alors que ça sert à rien de se battre contre des gros cons machos de 30 ou 40 ans si on prend pas la peine de s'attaquer direct aux jeunes générations, histoire d'éviter qu'ils ne deviennent justement les gros cons qui, plus tard, toucheront le cul des filles dans le train. Bref, c'est ce genre d'anecdote isolée qui me fait prendre conscience des lacunes du féminisme. On peut pas faire du féminisme de façon intelligente, durable et constructive, si on s'attaque qu'à certains aspects au détriment de tout le reste. Et si on néglige ce qui, de mon point de vue est la clé (mais là encore, je peux me tromper) : l'éducation des garçons, nom d'un chien !
By the way, true fact qui m'a troué le cul, c'est la réponse de l'établissement après qu'on ait signalé le harcèlement dont a été victime la gamine :
- "On va faire un rappel à l'ordre".
- "Vous savez, on a les preuves des propos tenus et l'identité des élèves harceleurs qui la poussent au suicide ou l'humilient depuis des heures !"
- "Oui mais ça on n'en tient pas compte. Pour l'éducation nationale, les réseaux sociaux n'ont aucune existence. On n'est pas habilité à enquêter de ce côté et on ne peut pas considérer quoi que ce soit qui émane des réseaux sociaux comme des preuves."
Aucun des harceleurs s'est pris la moindre sanction. La môme se serait foutue en l'air que ça aurait été pareil. Alors, ça fait pas froid dans le dos, de voir comment le gouvernement prétend gérer le problème du harcèlement à l'école ? Personnellement, j'en chialerai.
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Beaucoup ont tendance à voir les féministes comme un groupe monolithique, dont les membres seraient interchangeables. Le féminisme est, plus que jamais, riche de personnalités très diverses.
J'ai donc décidé d'interviewer des femmes féministes ; j'en connais certaines, beaucoup me sont inconnues. Je suis parfois d'accord avec elles, parfois non. Mon féminisme ressemble parfois au leur, parfois non.
Toutes sont féministes et toutes connaissent des parcours féministes très différents. Ces interviews sont simplement là pour montrer la richesse et la variété des féminismes.
Interview de Nunca.
Bonjour, peux-tu te présenter ?
J'ai 36 ans, je suis végan, je n'ai pas d'enfant et je n'en veux pas. Je suis issue d'un milieu socio-culturel très modeste .Je n'ai pas vraiment de métier, j'alterne entre des périodes de chômage et des jobs précaires.
Sinon, je suis banche, hétéro et cisgenre.
Depuis quand es-tu féministe et quel a été le déclic s'il y en a eu un ?
Il n'y a pas eu vraiment de déclic non, pas d' événement précis qui m'a fait dire "Voilà! A partir d aujourd'hui je suis féministe!" mais plutôt une accumulation de sentiments de malaise, d'incompréhension et d'injustices qui, peu à peu, m'ont tout logiquement conduite à me définir comme telle.
Il y a les souvenirs d'enfance : ma grand-mère (j'ai grandi avec ma mère chez mes grand parents entre une mamie complètement dévouée et effacée et un grand-père macho et autoritaire) qui servait toujours les hommes en premier à table leur octroyant le plus gros morceau de viande, mes tantes et cousines qui se levaient pour débarrasser alors que les hommes restaient assis à discuter après les repas. Ça ne m 'a jamais semblé normal, je ne comprenais pas.
Il y a ce souvenir précis de moi, encore petite, faisant la vaisselle et de mon grand-père, debout, surveillant ma façon de m'y prendre, mon sentiment de révolte à ce moment là et ses mots cinglants: "tu seras une folle comme ta mère".
Il y a les discours sur celles qui "l'ont bien cherché" qui m'ont toujours horrifiée et me mettaient en rage. Aussi loin que je me rappelle je n'ai jamais pu supporter tout ce qui se rapporte au slutshaming. Très tôt, je crois, j'ai senti qu'il y avait là quelque chose de profondément injuste.
Il y a une agression sexuelle à 20 ans qui a été l'occasion de me les prendre en pleine tronche toutes ces saloperies. Les relations avec les mecs aussi, le souci qu'elles me posaient, l'impression qu'il y avait quand même "anguille sous roche" au pays du prince Charmant.
Puis mes premières rencontres IRL ou virtuelles avec des féministes assumées, les brochures des infokiosques des squats anars avec lesquels je commence à flirter. Les nombreux débats sur internet, les centaines de témoignages de femmes sur les violences qu'elles subissent, leur coté universel qui m’apparaît alors.
Chez moi, il n'y avait pas de livres, je n'ai pas hérité d'une culture féministe. En fait, peut être qu'il a toujours été là, viscéral et qu'il s'est affûté avec le temps.
Est-ce que des gens t'ont déjà questionné sur ton non désir d'enfant ? Que leur réponds-tu ?
Oui même si le fait que je sois bien entourée limite les dégâts. Aujourd'hui, toutes mes potes sont féministes, mon non-désir ne leur parait donc pas aberrant. Je ne me suis jamais sentie jugée par elles à ce niveau. Quant à mon compagnon actuel, il est certain de ne plus en vouloir donc pas de souci de ce coté là non plus.
Sinon oui, clairement, c'est un choix qui interroge.
Je crois que ça a été un peu compliqué à accepter pour ma mère par exemple, mais pour être franche, je m'en moque. Je suis intimement convaincue que ce choix ne regarde que moi et je n'en tire aucune culpabilité. Et ce que je réponds aux gens que je sens un peu dans le jugement de valeur ou la curiosité déplacée, c'est juste ça : je leur annonce très vite que je me moque de leur avis sur la question, que je n'ai pas envie d'enfants, point et que ça ne regarde que moi
Je peux en revanche en parler plus longuement avec des ami-e-s/amoureux qui sont dans la discussion cool ,l'échange et la bienveillance, mais les personnes qui y vont de leur petite morale, ce n'est pas possible. Tout dépend de qui me questionne et de la façon dont iel le fait quoi.
Sinon, j'ai droit à la ritournelle de l'horloge biologique régulièrement quand je vais chez les médecins, à leurs airs perplexes face à mon non projet bébé à court, moyen ou long terme, à leurs hypothèses et considérations pourries sur la/ma vie. Bref, les joies du corps médical. Là encore, je ne m'étends pas sur le sujet. Ce ne sont pas mes ami-e-s, je ne leur demande pas leur avis, je n'ai donc rien à leur confier.
Est-ce que tu as eu l'occasion de discuter avec tes grands-parents de l'atmosphère machiste qu'il y avait chez eux ?
Non. Chez moi on ne parlait pas. Je crois que ce que je pouvais penser de son attitude était bien le dernier souci de mon grand-père. Alors, en dehors de mes quelques réactions de défense qui m ont valu d'être taxée de folle, non, pas de discussion. Je me souviens d'un seul court échange avec ma grand-mère sur sa relation avec son mari au cours de laquelle elle avait laissé échappé qu'elle n avait jamais aimé le sexe. Elle a eu 7 grossesses...
Tu disais qu'après ton agression sexuelle, tu as subi du slut shaming ; peux-tu en parler ?
Oui.
Pour situer le contexte. Je faisais du camping avec une amie. On nous a sexuellement agressées la nuit pendant qu'on dormait.
Nous avons appelé les flics et porté plainte. Au poste les flics nous ont demandé comment nous étions habillé, l'un d'eux a même tenté une petite blague sur le fait qu'il fallait comprendre les hommes, nous étions si jolies...Mais dans l'ensemble, iels ont été correctes.
Le lendemain matin, on a du affronter les gens qui bossaient dans le camping .Selon eux, nous étions des allumeuses qui se trimbalaient à moitié nues ( pour info : c'était l'été, il devait faire plus de 30 degrés) qui buvaient et "riaient avec des hommes" . Texto hein. Iels ont dit : "Vous riez avec des hommes!". La veille de l'agression, on avait effectivement bu et échangé quelques mots avec un groupe de mecs sympas à la table voisine alors on méritait sans doute quelque part d'être punies pour avoir osé nous comporter ...voyons...un peu comme des mecs? Rire, boire, profiter de l'été. Un crime, à croire. L'alcool à Patriarcatland c'est magique :il déresponsabilise les hommes coupables mais responsabilise les victimes. Ça me révolte.
A l'époque je n'étais pas consciemment féministe mais je savais déjà que les choses se passaient souvent ainsi dans ces cas-là et pourtant ,étrangement, j'avais l'impression de nager en pleine 4eme dimension. Tout ça me semblait complètement surréaliste, presque grotesque. Ma copine pleurait et hurlait après les gens. Moi je planais, abasourdie par tout ce que j'entendais.
On nous a viré du camping après nous avoir expliqué ,qu'ici, on ne voulait pas d'histoires.
Je ne vais pas rentrer dans les détails mais je n'ai pas vécu l'agression en elle-même comme une grande violence. En revanche ,tout ce qu'on s'est pris dans la tronche ça l'a été.
J'ai beaucoup, beaucoup pensé et je pense toujours à toutes les victimes qui ont eu à supporter le même genre d'accusations. Les histoires des copines, les affaires de viols médiatisées, toutes ont leur lot infâme de slutshaming .Ça me rend malade, ça me plonge dans des états de rage à en fondre en larmes. La violence du patriarcat est inouïe, terriblement destructrice.
Je me rends compte que depuis le début, je te parle beaucoup de petites expériences de ma vie, de choses qui pourraient surement sembler anecdotiques à certain-e-s. Mais il n'y a rien d'anecdotique dans les humiliations et violences machistes. Nos expériences en la matière sont profondément politiques. Sans doute me suis-je affirmée clairement féministe quand j'ai compris ça, que ces expériences prenaient toutes intégralement place dans un système bien huilé d'intimidation .Quand tu saisis par ex, que le viol n'a rien d'un coup de pas de bol, d'un accident de la vie mais qu'il est un outil stratégique de domination, tu commences à appréhender la réalité du patriarcat dans toute sa barbarie.
Tu parlais de ta précarité ; penses-tu que les militantes féministes parlent assez de la précarité des femmes, (qui représentent la majorité des pauvres) ?
Non.
Ça m'embête de te répondre ça parce que je suis à mille lieux de penser que le féminisme est un truc de bourges, mais non. Je n'ai pas le sentiment que les féministes se penchent assez sur les questions de précarité et tout ce qu'elle implique.
Pourtant, le double mépris que tu supportes quand tu es une femme ET une précaire il est bel et bien là. La lutte des classes, ce n'est pas de la vieille histoire. Nous sommes évidemment doublement fragilisées. Bien sur que ça nous rend encore plus vulnérables aux situations abusives au travail, au foyer etc.
Et puis la précarité a des conséquences multiples .Je veux bien qu'on investisse la pornographie, qu'on travaille à proposer autre chose que des scénarios misogynes, je veux bien qu'on débatte sur le fait de savoir si le gode ceinture c'est libérateur ou encore trop phallocentré. Ce n'est même pas que je le veuille bien en fait c'est que je trouve ça nécessaire. Mais c'est quoi ta sexualité quand tu flippes de perdre ton appart parce que tu n'as plus un rond, quand tu rentres crevée d'un taf sous payé dans lequel tu es méprisée, quand tu es à la rue? Quelle place il reste pour ton épanouissement sexuel, pour l'identification de tes désirs propres ? La précarité influence tout: ton rapport au sexe, au corps, à l'amour, à l'estime de soi.
Comment ne pas se sentir loin des problématiques de représentativité des femmes dans la classe politique ou à la tête des grandes entreprises quand tu sais que, de toute façon, jamais tu ne foutras les pieds dans les écoles huppées qui mènent à ces postes?
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Beaucoup ont tendance à voir les féministes comme un groupe monolithique, dont les membres seraient interchangeables. Le féminisme est, plus que jamais, riche de personnalités très diverses.
J'ai donc décidé d'interviewer des femmes féministes ; j'en connais certaines, beaucoup me sont inconnues. Je suis parfois d'accord avec elles, parfois non. Mon féminisme ressemble parfois au leur, parfois non.
Toutes sont féministes et toutes connaissent des parcours féministes très différents. Ces interviews sont simplement là pour montrer la richesse et la variété des féminismes.
Interview de Audrey.
Bonjour, peux-tu te présenter ?
Je m'appelle Audrey, j'ai un peu plus de 25 ans, je viens d'obtenir un bac + 5 en droit des affaires, je serai bientôt demandeuse d'emploi. Je suis une femme blanche, cisgenre, agnostique, hétéro-romantique mais + - asexuelle. Je viens d'une classe moyenne à aisée. Je souffre d'une maladie génétique orpheline, j'ai été diagnostiquée à 14 ans, j'ai des difficultés d'élocution. Depuis quelques temps, je fais des recherches et des démarches pour détecter un haut potentiel (autrement dit, HQI, surdoué ou zèbre) ainsi qu'un syndrome d'Asperger. En plus de tout ce que je viens de décrire précédemment, je serais donc neuroatypique, à bien des égards. Politiquement, je me définis comme étant "de gauche" (bien que de nos jours, je pense que le clivage droite/gauche ne veut plus rien dire), je me définis comme trotskiste et libertaire. J'ai des tendances anarchistes. Autre chose importante, je suis childfree.
Depuis quand es-tu féministe et quel a été le déclic s'il y en a eu un ?
Je dirais que je suis "féministe" depuis toujours, même si je n'ai mis le mot dessus que récemment. Déjà petite, je n'étais pas une gamine "genrée". Je n'aimais pas les poupées, je ne portais pas de robes, j'avais une sainte horreur du rose. Je n'ai jamais fait la différence entre les filles et les garçons, d'ailleurs, j'ai été élevée avec un frère qui a un âge proche du mien et aussi loin que je me souvienne, mes parents ne nous ont pas donné une éducation genrée. Je jouais avec ses jeux et inversement, nous avions des jeux en commun. Je vois par contre la différence avec ma petite soeur, âgée de 8 ans, qui est très genrée. Je ne sais pas si c'est imputable à une différence d'éducation (mon frère et moi avons été élevés par nos grands-parents maternels, pas ma soeur) ou si, me concernant, c'était lié à la forme d'autisme dont je suis peut-être atteinte. Il faut dire que petite, je n'avais pas réellement conscience du monde extérieur, j'étais dans ma bulle, dans mon monde, j'avais tout simplement d'autres préoccupations que les autres petites filles de mon âge.
J'ai toujours été hypersensible, justicière dans l'âme. Probablement est-ce dû au fait que je me sentais déjà différente, "pas normale". J'ai un passé médical assez lourd (j'ai fait au moins 18 ans d'orthophonie, j'ai été opérée plusieurs fois), et j'ai l'impression que mon enfance, comme mon adolescence ont été "volées". Je n'ai donc pas eu le loisir de me pencher sur ces questions, bien que j'avais conscience qu'il y avait des injustices dans un système comme le nôtre.
D'ailleurs, bien que très intéressée par la politique - au sens strict, pas au sens du spectacle de guignols que nous donnent les politiciens - je ne suis pas très intéressée pour participer à cette mascarade. Le système tel qu'il est en ce moment ne me convient pas, je ne tiens pas à le cautionner en votant. Ce n'est pas une position facile à assumer, étant donné que beaucoup de personnes ont essayer de me culpabiliser, mais je ne démords pas. J'ai des convictions, j'essaie de m'y tenir au mieux, et tant pis si ça ne plaît pas.
Déjà au lycée, je me revendiquais comme étant de gauche. Nous étions alors en plein boom de l'élection présidentielle que 2007, et surprise, mon entourage était essentiellement de droite. à l'époque, je me revendiquais déjà comme libertaire. Ce n'est plus tard que je me suis définie comme communiste. J'étais au courant qu'il y avait des inégalités hommes/femmes, avec ma mère on s'insurgeait de voir les catalogues de jouets avec du rose pour les filles (et des caisses enregistreuses, des caddies, des cuisines et des poupées) et du bleu pour les garçons. Je me souviens aussi qu'on m'engueulait parce que je n'aimais pas du tout faire le ménage (et je n'aime toujours pas), mais je ne sais pas si c'est parce que mes parents estimaient qu'en tant que femme je me devais de savoir faire le ménage, ou s'ils auraient aimé que je les aide un peu plus à la maison. J'ai bien évidemment été confrontée au harcèlement de rue, surtout qu'entre temps j'ai commencé à mettre des jupes et à porter des talons, ainsi que du maquillage. ça s'est fait assez naturellement, c'était là, mais je n'avais pas encore mis de mot dessus.
C'était il y a à peu près trois ans que j'ai compris que j'étais réellement féministe. J'étais plus ou moins "en couple" avec un homme cishet, mais je n'étais pas intéressée par le côté sexuel de la chose. J'ai donc toujours refusé de coucher avec, de manière plus ou moins explicite. Puis, il m'a dit clairement qu'il n'était pas intéressé par une relation, mais la seconde d'après il était en train de me tripoter. Pendant des semaines, je me suis sentie sale, humiliée, j'avais une impression bizarre. J'ai vécu dans le déni, jusqu'à ce que des gens que je rencontre me fassent prendre conscience que j'avais vécu une agression sexuelle.
étant très sensible, ça m'a profondément remuée, j'ai fait des crises d'angoisse et j'ai échoué mon année à cause de cela. J'ai réellement pris conscience que j'étais féministe lors de la légalisation du mariage pour tous, j'ai eu des débats assez houleux avec des membres de ma famille, farouchement contre. J'ai eu le déclic, et j'ai commencé à lire sur le féminisme, tout d'abord via Madmoizelle. Puis j'ai découvert Paye ta Schnek. C'est là que mon militantisme s'est réveillé. Je venais de plonger dans l'engrenage et dès lors, il n'était plus possible de revenir en arrière.
Tu dis que tu es hétéro-romantique et + ou moins asexuelle peux-tu définir ces termes ?
Nous vivons dans une société hétéro-normée, où chacun est hétérosexuel par défaut. Or, je distingue l'attirance romantique et l'attirance sexuelle. Mon côté hétéro-romantique est attiré par les hommes cishet, tandis que je n'ai pas/peu d'attirance sexuelle. J'ai des grosses difficultés à éprouver du désir physique pour quelqu'un.e ce qui me bloque dans toute tentative d'avoir une relation. Je ne souhaite pas être sollicitée pour des rapports sexuels. Bien sûr, j'ai déjà essayé d'en avoir, j'en ai déjà eu, mais je n'ai pas trouvé cela particulièrement transcendant. Si on ajoute à cela un possible Asperger et mon traumatisme dû à l'agression sexuelle dont je parlais précédemment, je n'ai vraiment pas envie de faire du sexe. Cela fait peu de temps que j'ose me revendiquer comme asexuelle, avant je
pensais que j'étais juste bizarre.
Tu dis avoir vécu une enfance où tu ne correspondais que peu aux stéréotypes féminins (jouets, vêtements) puis tu soulignes avoir adopté des habillements considérés comme féminins ; saurais-tu expliquer ce changement ?
Pour moi, les vêtements, le maquillage ne sont pas là pour satisfaire un quelconque diktat de la beauté. Je sais que ces injonctions existent, mais je n'en ai jamais réellement tenu compte. J'ai toujours eu une personnalité tournée vers l'intérieur, sans réelle conscience du monde qui m'entoure, de fait, je fais ce que j'ai envie comme j'ai envie. J'ai longtemps affirmé haut et fort que je me moquais bien du regard des autres. Au lycée, je me teignais les cheveux selon mes envies, peu importe si j'étais déjà harcelée pour d'autres raisons. Aujourd'hui, je considère mon apparence comme un outil politique. On nous dit de ne pas porter trop court, de ne pas se maquiller comme un camion volé? Peu importe, j'ai le droit d'être habillée comme je veux lorsque je me promène dans l'espace public et les autres n'ont aucun droit de regard sur mon apparence. J'ai envie de me montrer au monde comme je souhaite être et ce n'est pas pour quelques relous ou des personnes pudibondes que je vais m'empêcher de porter comme je veux. Si aujourd'hui je me maquille, je mets des talons et des robes/jupes, c'est pour me réapproprier des choses qui sont traditionnellement associées aux femmes. C'est pour me réapproprier mon image, et qu'on arrête de me sexualiser parce que je m'habille d'une façon ou d'une autre. Mon message pourrait être: "je me maquille? Je porte des jupes? Je mets des talons? Et alors?!" Je me réapproprie des codes genrés féminins, c'est une façon comme une autre d'affirmer ce que je suis, ce que je fais, c'est pour moi et pas pour les autres. Une femme ne devrait pas être soupçonnée de se faire belle pour plaire à qui que ce soit. Et celles qui le font effectivement pour plaire, où est le problème? C'est aussi ça le féminisme,c'est avoir le choix d'être ce que l'on veut peu importe l'avis des autres.
Est-ce que tu considères avoir déjà reçu des remarques sexistes au sujet de ta maladie génétique et de tes difficultés d'élocution ?
Des remarques sexistes, pas à proprement parler, mais j'ai déjà été victime de validisme, ça c'est clair. Concernant la question des enfants, par exemple - je développerai un peu plus mon point de vue dans la question suivante - j'ai toujours affirmé haut et fort que je n'en veux pas. Je disais ça quand j'avais 15 ans, puis 20, puis 25. Ca n'a toujours pas changé. J'ai su que ma maladie pouvait occasionner des retards d'apprentissage ou de développement. Par exemple, j'ai eu une puberté assez tardive. Lorsque je dis que je ne veux pas d'enfants, on me claque dans la figure que c'est normal que je n'en veuille pas POUR L'INSTANT, parce qu'en raison de ma maladie, j'ai des retards, donc comme j'ai des retards, ça viendra un jour. Je ne sais vraiment pas comment faire pour que mon choix soit reconnu comme un choix valable et irrévocable. Apparemment, ma maladie ne me permettrait pas de faire des choix, contrairement à toutes les femmes. C'est assez douloureux à entendre. J'ai souvent eu l'impression qu'en raison de ma maladie, de mes difficultés d'élocution, j'étais moins "femme" que les autres, que j'avais moins de valeur, que je ne pouvais pas plaire à un homme. D'autant plus qu'on m'a dit pas plus tard que cette année que mon handicap pouvait peser dans la balance si jamais quelqu'un se décidait à entrer en relation avec moi. Apparemment, beaucoup d'hommes s'arrêteraient à ça. En sus du validisme j'ai aussi subi de l'âgisme. J'ai un visage très juvénile, des grands yeux innocents, et une naïveté qui pourrait être caractéristique des asperger.
Les personnes que je rencontre n'en reviennent pas que j'ai 25 ans. On me donne facilement 18-20 ans. Ce qui est un problème dans le monde du travail car nous manquons de crédibilité.
Qu'est-ce qu'être childfree ?
Les childfree, ce sont des femmes qui ont décidé, en leur âme et conscience, de ne pas avoir d'enfants. La société nous matraque sans cesse avec l'idée selon laquelle pour être heureuse, une femme se doit d'avoir enfanté. Limite, avoir des enfants EST une obligation. En ce qui me concerne, je n'ai JAMAIS voulu d'enfant, de quelque façon que ce soit. Je ne me voyais pas mère, même quand j'étais enfant, je ne jouais pas à la maman, ce genre de jeu. Je n'ai jamais eu le soi-disant instinct maternel. Cela fait à présent quelques temps que je dis à qui veut l'entendre que je ne souhaite pas enfanter. Je me prends pléthore de remarques, du style "tu changeras d'avis" avec le regard complice qui signifie MOI JE SAIS. Ou alors "c'est parce que tu n'as pas rencontré le bon", ou alors "t'es jeune, t'as le temps de voir", "tu risques de le regretter". Ces injonctions me mettent les nerfs en pelote. La plupart des gens que je connais sont en couple/ont des enfants. à mon âge. Quand j'ose dire "mais, c'est pas un peu jeune pour avoir des enfants?" je me fais violemment rembarrer à coups de "t'es qui pour décider si c'est jeune ou pas, elles font ce qu'elles veulent!" D'accord. Mais dans ce cas, quand MOI je dis que je n'en veux pas, pourquoi on n'applique pas le même principe? Pourquoi je suis trop jeune , trop égoïste, que je ne sais pas ce que c'est la vie, que je vais finir seule avec mes chats, qu'avoir un enfant, c'est ce qu'il y a de plus beau? Sincèrement, je me pose la question. Je fais des angoisses à cause de cela, je n'aime pas les enfants, je suis très mal à l'aise quand il y en a un dans le coin. Je me sens nauséeuse rien qu'à m'imaginer enceinte, en fait, la simple idée de la grossesse me révulse. J'ai un rejet violent de
tout ce qui a trait à la maternité, et je me sens incomprise par mon entourage, qui pensent que c'est une phase, que ça va me passer. J'ai été touchée par la vague de haine qu'il y a eu suite au documentaire web de ces femmes qui ont choisi de se faire stériliser, parce que j'envisage de le faire mais j'ai l'impression de faire quelque chose de criminel. En tant que childfree, je défends farouchement le droit à l'IVG et ça m'attriste de le voir reculer. Aujourd'hui, je suis fatiguée de me battre pour faire respecter mon choix, j'ai l'impression de brasser du vent car les mentalités ne changent pas assez rapidement.
Tu parles de validisme et d'âgisme. Peux-tu définir ces termes ?
Le validisme et l'âgisme sont tous deux des oppressions systémiques qui reposent respectivement sur le rapport de domination valides/handicapé.es et le fait d'être discriminé par rapport à son âge. Les personnes valides sont beaucoup plus privilégié.es que les personnes non-valides, dans le sens qu'iels ont plus facilement accès à l'emploi, qu'ils sont mieux payés, qu'on ne les accuse pas d'être assistés, que leurs compétences ne sont pas remises en causes parce qu'ils n'ont pas de handicap. Une personne victime d'âgisme sera considérée comme "trop jeune" ou "trop vieille" - surtout les femmes, d'ailleurs. Chez les hommes on parlera d'expérience, une femme sera tout simplement trop vieille. Pourquoi cette différence? Il faut aussi savoir que les jeunes femmes sont nettement moins crédibles dans le monde du travail. Les gen.tes doutent encore plus de leurs compétences, râlent quand elles prennent du galon, bref, une femme jeune qui réussit bien sa vie est généralement assez mal vue. L'âge est aussi un prétexte pour nous infantiliser complètement. Nous ne serons jamais suffisamment matures pour prendre des décisions lourdes de conséquences, ou pour avoir des responsabilités...à Hollywood d'ailleurs, les femmes d'un certain âge sont boudées au profit de femmes plus jeunes. Le dernier exemple ? Monica Bellucci, qui si je ne me trompe pas avait été choisie pour incarner une James-Bond girl. Monica commence à vieillir, il est vrai, mais elle fait beaucoup plus jeune que son âge. Pourquoi dans ce cas ne pas avoir choisi une actrice de cet âge pour camper un personnage de cet âge? C'est un bel exemple d'âgisme.
J'ai fait des études de droit. C'est un milieu assez élitiste, assez classiste. J'ai cependant remarqué qu'il y avait de plus en plus de femmes dans les amphis. Si ça résout le problème du sexisme? Probablement pas, car elles sont nombreuses à avoir intégré le sexisme. Pas plus tard que cette année, j'ai recommencé à traîner avec des filles, et j'ai entendu de sacrées horreurs: slutshaming, grossophobie...En fait, en tant que personne, je n'ai pas été victime de sexisme à proprement parler. Il y avait surtout de l'homophobie - en particulier aux environs de la légalisation du mariage pour tous. Je me souviens de cette chargée de TD qui était victime de rumeurs persistantes concernant sa sexualité. J'ai envie de dire elle aime les femmes, et alors? En quoi ça la rend moins compétente qu'une autre? Par contre, et ça, je l'ai remarqué, c'est qu'il y a beaucoup plus d'enseignants hommes que de d'enseignants femmes. Et c'est encore un gros problème dans l'enseignement supérieur.
Ta famille sait-elle que tu es féministe ? Qu'en pense-t-elle ?
Pas vraiment. De même, peu de personnes de mon entourage savent que je suis féministe, parce que je ne le crie pas sur tous les toits. Cependant, depuis quelques temps, j'ai commencé à relayer des publications féministes, parce que je vois bien trop d'horreurs dans ma timeline. J'y parle de consentement, de harcèlement de rue, d'IVG, et le pire, c'est que des personnes pas déconstruites me reprochent de trop me plaindre. Mon père et mon frère ne se doutent pas que je suis féministe. Ma mère le sait. Elle a quelques idées féministes, mais c'est une féministe TM. Je crois que c'est un mot qui fait peur. Je n'ai pas envie de passer mon temps à expliquer que oui, je suis féministe, et non, je ne suis pas une lesbienne misandre (et sinon, où serait le mal, franchement?) La dernière fois que je disais en quoi voter FN est problématique notamment au regard du droit des femmes, et par rapport à l'IVG, mon frère s'est marré et il a fait "bon moi je me casse", sous-entendu j'ai pas envie d'entendre des sornettes.
Peux-tu nous donner des exemples de discriminations que tu as subis pendant tes études par rapport à ton handicap ?
J'en ai évidemment vécu plusieurs. Surtout cette année, en fait. La première, c'était à l'occasion d'un concours d'éloquence, organisé entre différentes facs à un niveau national. Nous étions une équipe (trois cismecs, j'étais la seule fille) et un des plaideurs a fini par abandonner le navire. L'enseignante qui nous a encadrés craignait que j'aille plaider en soulignant à plusieurs reprises que j'avais un défaut d'élocution. Ce que j'ai très mal pris, parce que je ne voyais pas en quoi j'étais moins capables que ces cismecs ou l'autre équipe de filles. Le pire, c'est d'avoir insisté sur le fait qu'on devait représenter la fac, que des gent.es important.es allaient être présent.es, ce genre de choses. La seconde, c'était toujours à cause de la même enseignante. Je lui ai posé des questions sur l'éventualité de solliciter une agrégation pour être enseignant.e chercheur.se, car la recherche c'est vraiment mon domaine. Elle m'a clairement fait comprendre que ce n'était pas la peine parce que les places étaient très chères (dans le sens rares) et que je n'avais pas beaucoup de chances de l'obtenir en raison de mon élocution. Autant dire que des métiers comme avocate ou magistrate, ce n'est même pas envisageable. Enfin, des personnes de ma connaissances, lorsque je recherchais mon stage, m'ont dit de ne pas hésiter à me faire embaucher comme travailleur.se handicapé.e. Bah oui, les entreprises ont des quotas.
Je trouve d'ailleurs, en tant que concerné.e que cette histoire de quota est une vaste fumisterie. J'aimerais être embauchée pour mes compétences, mon savoir-faire, mon expérience et non parce que je suis handicapée. Je n'ai pas envie d'être réduite à mon handicap. C'est une particularité, OK, ça fait partie de moi, OK, mais je ne suis pas QUE ça. De plus, n'ayant "que" des difficultés d'élocution, je ne me sens pas légitime à solliciter ces aides. Je bénéficie d'un bon passing, c'est à dire que bien qu'étant potentiellement discriminée en raison de ce handicap, je peux néanmoins passer pour une personne valide, car ce n'est pas marqué sur ma tronche que j'ai des difficultés d'élocution. Je suis relativement passe-partout, aussi je refuse d'entendre parler de cette histoire de quotas.
De la visibilité, oui, bien sûr, ce serait même le nec plus ultra, mais je ne suis pas un quota. Je suis un individu à part entière, avec sa sensibilité, son intelligence, ses idées, ses compétences, et je n'ai pas envie d'être déshumanisée pour faire du chiffre.
Tu parles de "féministe "TM" ; peux-tu expliquer la signification de ce terme ?
L'expression Féministe TM est souvent utilisé dans les milieux militants comme un terme péjoratif. Ces mots désignent les féministes blanches, cisgenre, hétérosexuelles, valides qui, sous couvert de libération de la femme, utilisent des procédés néo-colonialistes pour conformer toutes les femmes à leur vision du féminisme. Ce mouvement ne tient absolument pas compte des différences culturelles, religieuses, de genre, d'orientation sexuelle. Chez ces féministes, j'ai remarqué de l'homophobie, de la transphobie, du racisme et surtout, de l'islamophobie. Ce sont des blanches qui vont s'ériger en "white saviors" [sauveuses blanches] pour voler à la rescousses des femmes qui sont oppressées par le voile islamique (alors que certaines d'entre elles ont délibérément décidé de le porter, par choix et non parce qu'on les y oblige) Les Femen sont, à mon sens, représentatives de ce mouvement féministe. Leur dernier coup d'éclat, très médiatisé, a révélé une islamophobie latente. Un peu moins récemment, il y a eu Lou Doillon qui a fustigé Beyoncé et Nicki Minaj, en leur reprochant d'avoir une
attitude dégradante parce qu'elles se dénudent de manière délibérée dans leur clip pour dé-sexualiser le corps de la femme. Je crois aussi que "osez le féminisme" est un mouvement qui s'en rapproche. On reproche aussi aux lectrices de Madmoizelle d'être un peu trop féministes TM. Ce n'est pas du tout ma vision du féminisme. Je me considère comme étant une féministe intersectionnelle, c'est à dire que je m'emploie à promouvoir la liberté pour tout.es. J'essaie de ne pas voir le monde à travers le spectre de la femme blanche hétérosexuelle. Je considère que les femmes musulmanes ou racisées n'ont pas besoin de nous pour mener leurs propres combats, elles sont dotées d'une conscience et elles font des choix, exactement comme nous. En tant que femme blanche et athée, je n'ai pas le droit de leur imposer ma vision de ce que doit être la femme. Je n'ai pas le droit de dire que le voile, c'est mal. (de toute façon, je ne le pense pas) Je trouve qu'il est prétentieux de penser que notre devoir (en tant que femme blanche ) est de leur ouvrir les yeux sur les oppressions qu'elles subissent.
C'est pour ça que dans des discussions qui dénigrent le féminisme, j'en ai ras le bol d'entendre "mais occupez vous des femmes voilées d'abord". Ce n'est pas à moi de le faire. Ce n'est pas non plus une façon de me dé-responsabiliser par rapport à ça, parce que je ne suis pas légitime dans ce combat, n'étant pas concernée. Ce que l'on déplore à propos des féministes TM, c'est qu'elles se mêlent de tout, et surtout de ce qui ne les regarde pas. On doit aussi apprendre à
se taire, rester à notre place, ne pas "piquer" la visibilité aux autres et ramener la couverture à soi. C'est très important.
edit du 21/11/2015
Je voulais ensuite revenir sur certains de mes propos, notamment sur la dernière question et la définition du terme Féministe TM. J'aimerais ajouter qu'en tant que femme blanche je ne peux pas me revendiquer intersectionnelle, car après avoir lu et écouté les témoignages de militante.s racisé.es, je me suis rendue compte qu'en réalité, l'intersectionnalité concerne celleux qui subissent à la fois le sexisme et le racisme. N'étant pas racisée, je ne serai guère plus qu'une alliée
dans la lutte contre le racisme. En me revendiquant intersectionnelle, cela revient à s'approprier une lutte qui ne me concerne pas et contribue à éclipser les autres. Je ne peux pas utiliser mes privilèges de blanche pour porter le message des racisée.es car cela me ferait occuper une place et un temps de parole qui ne seraient pas légitimes.
Je voulais donc modifier ce passage là tout en apportant toutes mes excuses aux éventuelles personnes que j'aurais pu offenser en prenant trop de place dans une lutte qui n'est pas la mienne.
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Beaucoup ont tendance à voir les féministes comme un groupe monolithique, dont les membres seraient interchangeables. Le féminisme est, plus que jamais, riche de personnalités très diverses.
J'ai donc décidé d'interviewer des femmes féministes ; j'en connais certaines, beaucoup me sont inconnues. Je suis parfois d'accord avec elles, parfois non. Mon féminisme ressemble parfois au leur, parfois non.
Toutes sont féministes et toutes connaissent des parcours féministes très différents. Ces interviews sont simplement là pour montrer la richesse et la variété des féminismes.
Interview de Judi.
Bonjour, peux-tu te présenter ?
Bonjour, je suis Judi, j'ai 29 ans, femme blanche cis (du même genre que celui assigné à ma naissance) bisexuelle et handicapée. J'ai été amputée d'une jambe quand j'étais petite, suite à un cancer, ce qui m'a donné un regard particulier sur les injonctions à la beauté ou à la féminité, depuis toute petite. On a tenté de me donner une éducation la plus normale possible, vu que je ne suis pas vraiment handicapée selon les normes de la société (je peux marcher, avec une prothèse, et on me regarde parfois de travers lorsque mon ami se gare sur une place réservée aux handicapés, comme si je fraudais), mais les douleurs chroniques et la violence en milieu scolaire m'ont conduite au burn out assez tôt. Depuis, je passe mon temps à m'éduquer seule, en grande partie sur les questions sociales. Contrairement aux idées reçues, je n'ai pas eu de difficultés particulières à trouver des partenaires sexuels ou amoureux au long de ma vie, ce qui m'a aidé à me rendre compte très tôt de ma bisexualité. Mais ça ne veut pas dire que c'est aisé !
Depuis quand es-tu féministe et quel a été le déclic s'il y en a eu un ?
Je me déclare réellement féministe depuis 4 ou 5 ans maintenant. Avant, lorsque je ne m'étais pas encore vraiment renseignée sur ce sujet, je suivais la croyance populaire selon laquelle les féministes détesteraient les hommes, et je ne donnais donc pas de nom à ces idées qui l'étaient pourtant bel et bien. J'avais déjà eu l'occasion de réfléchir à différentes choses, notamment sur les attentes différentes envers les femmes et les hommes, le fait que des gens ~bien intentionnés~ s’inquiétaient de mon avenir car j'aurais forcément du mal à trouver un petit ami alors que personne ne semblait comprendre que j'avais d'autres préoccupations, par exemple. Le vrai déclic a été un article publié sur Slate je crois, il y a longtemps, sur les femmes en politiques. A l'époque, je considérais naïvement qu'atteindre le haut de l'échelle n'était qu'une question d'envie et de volonté, mais lire les échanges des autres personne m'avait poussé à réfléchir. Merci, commentateurs courageux ! Cependant, annoncer simplement "je suis féministe" à été un combat en soi : j'éprouve même parfois de la gêne à l'utiliser, comme si je me permettais une bravade, alors que je n'ai pas de problème à dire que je suis contre le validisme ou l'homo/biphobie. Le patriarcat a bien travaillé.
Peux-tu expliquer le regard particulier que tu portes sur les injonctions à la beauté ou la féminité ?
J'ai longtemps considéré en être exclue, comme si cela allait de soi. Comme si, quitte à être marginalisée, je pouvais me permettre de ne pas m'en préoccuper. Avoir ce handicap visible m'a donné l'impression que je ne pourrais qu'être laide, et donc automatiquement exclue de tout ce que la société nous donne comme image de la féminité. Pas de jolies robes moulantes, pas de talons, bref je ne pouvais pas prétendre être une vraie femme. C'est avec une sorte de distance que je considère ces questions. Pourtant, on me fait comprendre depuis mon adolescence que je dois m'en préoccuper, essayer d'être belle, et concilier ces deux concepts a été extrêmement perturbant. J'ai beaucoup souffert psychologiquement en tentant d'être ce que je savais ne pas pouvoir être : une jolie femme. Grâce au féminisme, j'ai réussi progressivement à accepter d'être physiquement imparfaite et, sans dire que j'aime mon corps, je ne ressens plus cette souffrance. Le regard des autres ne me pèse plus autant. Je trouve cependant dommage que l'on n'évoque pas davantage les corps handicapés dans les campagnes de "body positivity" (cette idée selon laquelle tous les corps sont beaux même en sortant des normes habituelles de la femme jeune blanche mince et valide). Mais quand on voit les difficultés des femmes rondes/grosses à faire leur place dans les médias, on se dit qu'il reste de toute façon beaucoup de chemin à faire.
As-tu déjà subi des remarques sur ton handicap que tu penses sexistes, c'est-à-dire que tu ne les aurais pas subies si tu étais un homme ?
J'ai déjà eu beaucoup de questions ou remarques en rapport avec mon avenir en couple, alors que je n'en ai jamais eu sur un éventuel avenir professionnel ou d'autres difficultés de la vie courante. Je peux me tromper, mais j'ai l'impression que c'est ce qui intrigue le plus les gens et qu'on ne poserait pas ces mêmes questions aux hommes. On m'a même déjà poussée dans les bras d'un jeune homme que je détestais, parce que lui m'appréciait, en me disant en substance de ne pas faire la difficile. C'est vraiment très dur à entendre. Mon seul rôle de femme était de trouver un homme, et mon handicap m'obligerait à prendre le premier qui daignerait m'accepter. Cette idée m'a même poussée à rester quelques mois dans une relation clairement abusive.
J'ai également eu des questions très gênantes sur ma façon de m'habiller, par exemple "est-ce que tu mets des jupes courtes ?", "tu peux porter des talons ?", des questions que je considère comme vraiment intrusives et inappropriées. Je ne crois pas qu'on aborde les hommes dans la rue en leur demandant si ils portent des slips kangourous.
Tu parles de violence en milieu scolaire, peux-tu préciser ce point ?
Au collège puis au lycée, le seul aménagement dont je bénéficiais était de pouvoir partir cinq minutes avant les autres, accompagnée d'un élève qui porterait mon sac, pour avoir le temps d'atteindre le bus. Ce simple petit bénéfice, mineur vu la vitesse à laquelle je marche, m'a valu très vite l'animosité des autres élèves, sans compter les fois où les professeurs me le refusaient purement et simplement (la violence n'est hélas pas seulement le fait des élèves). Je me suis rapidement retrouvée seule, et je ne demandais plus à personne de m'accompagner car ces élèves aussi subissaient également la rage des autres. Je passais donc mon temps dans les couloirs, ce qui était interdit par le règlement mais que l'on m'autorisait sans doute un peu par pitié, attendant chaque jour la fin des cours avec impatience. On m'insultait, me traitait de préférée des profs, et on m'isolait. Cela s'est aggravé au lycée, où la violence est devenue plus directe encore : les rares amies que j'ai pu me faire ont été éloignées de moi par des rumeurs affreuses et mensongères, et j'ai même été victime de slut shaming (la panoplie d'insultes habituelles que l'on réserve aux femmes ayant une sexualité active) parce que j'avais un petit ami un peu plus vieux. J'ai donc fait une dépression, ce qui a été considéré par les professeurs comme un simple caprice d'adolescente et qui ont donc refusé de m'aider, et quitté le lycée. Depuis ces événements, j'ai une phobie sociale très importante et je parviens difficilement à me faire des ami(e)s, je vis donc assez isolée socialement. J'aurais aimé comprendre ce qu'était le slut shaming à l'époque, peut-être que j'aurais pu lutter et tenir le coup. Le féminisme a le pouvoir de sauver des vies, dommage que ça ne soit pas enseigné en classe !
Arrives-tu à répondre aux gens qui te parlent de ta vie amoureuse et de ton handicap ? Que leur dis-tu ?
Longtemps j'ai eu du mal à trouver les mots à cause de la gêne, alors je me contentais d'esquiver. Maintenant c'est plus simple et je peux leur répondre assez facilement, soit en les envoyant paître parce que je suis parfaitement capable de gérer ma vie amoureuse, soit répondre à leurs questions si elles ne sont pas trop malvenues. Je suis finalement assez à l'aise sur ce sujet, même si cela m'a demandé du temps. Je suis chanceuse sur ce point : on parle souvent de l'isolement affectif des personnes plus lourdement handicapées, mais j'ai eu différents partenaires dans la vie. Des hommes, quelques femmes, et même si tout n'a pas toujours été rose je ne crois pas avoir déjà été rejetée à cause de mon handicap. De même, je n'ai jamais eu l'impression d'être fétichisée. J'ai parfois eu peur que l'on considère mes partenaires comme des gens anormaux, comme si j'étais une handicapée avant d'être une personne et qu'il fallait être bizarre pour me trouver attirante. Donc quand on s'étonne que je puisse être en couple depuis de nombreuses années avec une personne très bien, je rappelle gentiment que je suis également une personne très bien !
Tu parles des campagnes "body positivity" ; portes-tu un regard bienveillant dessus ?
Globalement oui : je trouve ça important de montrer des corps différents, pour que chacun puisse voir que tous peuvent être beaux, et pas seulement ceux auxquels nous sommes habitués. Parce qu'on a beau être raisonnable et savoir que personne ne peut être aussi parfait qu'un top model retouché sous photoshop, ces images s'imposent pourtant comme un idéal dans notre esprit. C'est bien de rappeler que l'humanité n'est que la somme d'individus différents. Cependant, je ne suis pas forcément d'accord avec cette sorte d'obligation à aimer son corps que j'ai parfois remarquée. Si certaines le peuvent, c'est très bien, mais je n'aimerais pas que les autres se sentent prisonnières d'une nouvelle injonction : il n'y a aucun mal à ne pas aimer son corps malgré tout. En bref, je trouve cela très bien pour les gens comme moi, qui n'ont par ailleurs que peu de modèles auxquels s'identifier : ça booste une confiance en soi qui peut faire défaut.
Les gens valides ont souvent assez peu conscience des problèmes rencontrés au quotidien par les handicapé-es tant la société française fait peu pour les aider dans leur quotidien (transports non adaptés, administration etc), peux-tu nous en parler et nous donner des exemples concrets ?
Je ne peux parler que de ma situation, privilégiée par rapport à des gens à mobilité encore plus réduite. Mais la difficulté à laquelle je pense en priorité est bien entendu l'argent. Lorsque notre handicap nous empêche de travailler, nous percevons une allocation (l'AAH) qui s’élève actuellement à 800€. Les options sont donc limitées : soit vivre seul avec cet argent (et probablement une petite APL mais je ne sais rien sur ce point), soit être hébergé par un membre de la famille et s'arranger. Vivre avec une autre personne, même en colocation, automatiquement considéré comme une vie maritale, fait diminuer l'AAH en fonction des revenus de l'autre personne, et on arrive très vite à ne plus avoir d'argent du tout. Pourtant, notre handicap ne disparait pas lorsqu'on habite avec quelqu'un d'autre. Les personnes en situation de handicap sont donc condamnées à être dépendante de leur conjoint(e) lorsqu'ils en ont un(e). De même, toute activité professionnelle fait diminuer l'allocation. Je peux comprendre ce dernier point, mais en sachant que nos rares options sont généralement des emplois précaires ou peu payés, le risque de mettre en danger notre seule source de revenus stables est trop important (si on a la chance d'en profiter), sans parler de notre santé car les handicaps ont souvent des conséquences collatérales diverses. Quelles que soient nos options possibles ou choisies, le message envoyé par ces conditions est clair : notre existence coute bien trop cher, et toute possibilité pour réduire ce coût sera saisie. D'autre part, spécifiquement en tant que femme, nous sommes déjà largement infantilisées par la société et il est difficile de se construire une image de soi de personne pleinement adulte lorsqu'on nous fait clairement comprendre que nous sommes comme un enfant, pris en charge par sa/son conjoint(e).
Ajoutons à cela qu'il est difficile de se déplacer (je suis moi-même dépendante de mon ami pour les déplacements en voiture) et qu'il est donc préférable d'avoir tous les services de base à portée de main. Mais cela oblige à vivre zone urbaine, où le coût de la vie est plus élevé, et où on ne trouve pas toujours de places pour se garer, alors que je ne peux marcher que des courtes distances sans souffrir. Chaque déplacement demande donc une certaine planification, et bien souvent je préfère ne pas tenter de sortir plutôt que de créer des problèmes. Quand aux transports en communs, les utiliser est trop éprouvant pour moi : rester debout est une torture, et les correspondances me compliquent encore la tâche, sans parler des horaires trop serrés.
J'évoquais cela plus tôt, mais je me trouve dans une situation où je dois toujours être prête à justifier de mon handicap. Quand je me trouve sur une place handicapée, ou que je peux demander un tarif spécial pour visiter un musée, etc... J'ai souvent préféré abandonner pour ne pas être encore une fois obligée d'expliquer ma situation en public ou prise à parti par des inconnus, quitte à me donner du mal. Je refuse également de prendre l'avion pour ne pas avoir à vivre la gêne de la fouille et du portique qui sonne. Ça peut sembler des préoccupations dérisoires, mais c'est ma qualité de vie globale qui en est diminuée. Tous ces facteurs vont hélas dans le sens de l'isolement des personnes souffrant de handicap. J'oublie sans doute beaucoup d'autres choses, mais cela donne une idée générale.
Tu disais que des gens te posent des questions gênantes sur ton handicap, par rapport à ta façon de t'habiller par exemple ; peux-tu expliquer en quoi c'est intrusif et déplacé ?
C'est une question difficile, je crois que c'est pour beaucoup une question de ressenti et j'imagine qu'une question que je trouverais intrusive semblerait anodine à une autre personne. Mais généralement je demande une chose : est-ce que la question que l'on me pose serait posée aussi simplement à une personne valide ? Ce système n'est pas infaillible mais il aide à expliquer : si la réponse est "non", il y a de forte chance que je n'ai pas envie d'en deviser avec un(e) inconnu(e), et que cela ne le/la regarde tout simplement pas. Bien entendu, cela ne concerne pas les proches, avec qui je parle de sujets personnels autant que n'importe qui. J'ai l'impression que toute variation trop visible à la norme fait de nous des sortes de personnes publiques, qu'il soit question de handicap, de couple non-hétéro, de genre (pour les personnes non cis), ou même de tatouages ou de couleur de cheveux. Beaucoup de gens vont alors poser la première question qui leur passe par la tête, sans réaliser qu'en face d'eux se tient une personne sensible, qui a sans doute déjà entendu ces mêmes question et dont la vie est régulièrement résumée à un point de détail, parfois avec violence (même si ce détail peut être important, nous ne sommes pas que cela). Pour satisfaire une curiosité pas toujours saine, ils sont capable de nous mettre mal à l'aise sans y voir le moindre problème. J'ai presque envie de dire que le problème ne réside d'ailleurs pas tant dans la question que dans le droit que se donnent des inconnus sur nous : considérer que l'on peut demander à une personne d'étaler des détails intimes de sa vie sur la place publique pour notre bon plaisir, c'est ça qui est déplacé à mon sens. J'espère que ce n'est pas trop confus, comme je le disais le ressenti y joue une trop grande part pour pouvoir fournir une explication totalement objective.
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Beaucoup ont tendance à voir les féministes comme un groupe monolithique, dont les membres seraient interchangeables. Le féminisme est, plus que jamais, riche de personnalités très diverses.
J'ai donc décidé d'interviewer des femmes féministes ; j'en connais certaines, beaucoup me sont inconnues. Je suis parfois d'accord avec elles, parfois non. Mon féminisme ressemble parfois au leur, parfois non.
Toutes sont féministes et toutes connaissent des parcours féministes très différents. Ces interviews sont simplement là pour montrer la richesse et la variété des féminismes.
Interview de Sabrina.
Son, twitter : @_SasaT_
Bonjour peux-tu te présenter ?
Sabrina, 37 ans, lyonnaise, mariée, 2 enfants, directeur de mission dans un cabinet de conseil, blogueuse dilettante et twitteuse assidue.
Depuis quand es-tu féministe ; y-a-t-il eu un déclic particulier ou est ce venu progressivement ?
Je suis féministe par endoctrinement et héritage maternel. Ca fait donc plus de 30 ans.
Ma mère est algérienne, kabyle d'origine, et a connu la période faste de la libération algérienne. A son époque (elle est née en 1948), elle faisait partie des rares femmes éduquées / diplômées (elle a eu le bac). Elle portait des cheveux très longs et des robes très courtes, c'est impressionnant de voir les photos de l'époque quand on sait ce qu'est devenue l'Algérie depuis.
Maman a fait partie d'un groupe qui a crée l'équivalent du MLF algérien. C'était une période intense de sa vie, elle l'évoque avec plaisir. Sur un bateau entre Alger & Marseille, elle a rencontré un expatrié qui enseignait en Algérie, mon père. Elle a donc quitté l'Algérie en 1977, et n'y vit plus depuis lors.
Les discours "militants" de ma mère, je les ai toujours entendu, je mets des guillemets car c'est un militantisme de salle de bains, au sens où elle s'est consacrée à sa famille, et s'est surtout occupée de transmettre ses valeurs féministes à ses filles (beaucoup moins à son fils), et peu dans le public.
Le message central a toujours été autour de l'AUTONOMIE. Quoi qu'il advienne dans ta vie, tu dois être autonome, capable en toute circonstance de dépendre de personne, et encore moin d'un mari / concubin.
Même si j'ai baigné dans le féminisme, j'ai eu un déclic important, j'avais 12 ans et nous vivions en Allemagne, et le consulat de France recevait régulièrement des conférenciers français et étrangers. Ce jour là ma mère m'a emmené entendre BENOITE GROULT. Bien moins célèbre que d'autres féministes de la même époque, elle m'a littéralement subjuguée. Ses mots sont allés droit au cœur (et du mien) des femmes allemandes, qui qui galèrent à concilier vie pro et vie perso. Son ouvrage de référence Ainsi soit-elle, est certes un peu daté, mais c'a été une révélation.
Tu as un garçon et une fille ; leur enseignes-tu des valeurs féministes ? Arrives-tu à avoir une éducation antisexiste avec eux ?
Ils ont respectivement 4 (la fille) et 8 (le garçon), ils sont donc un peu jeunes pour que je leur enseigne de manière formelle le féminisme, mais j'essaie d'être attentive à certains comportements (y compris les miens) et dérives sexistes, ce qui reste éminemment compliqué dès lors que l'on ne vit pas en vase clos. Les messages sexistes sont partout : chez les grands parents d'abord (en dehors de ma féministe de mère s'entend) et la famille, à la télé (qu'ils ne regardent pas chez nous) mais surtout à l'école, pas tant de la part du corps enseignant que chez les petits camarades. Comment refuser à sa fille ce qu'elle voit et convoite chez ses copines.
Pour le 1er, le garçon, je ne me suis pas tracassée, même si j'ai constaté un penchant naturel pour les camions et les grosses roues. Mais il a aussi adoré Merida, qui est l'histoire d'une princesse "rebelle", dont il a souhaité avoir une poupée (ce qu'il a eu).
Pour la fille, elle a été au contact 1er de son frère, ce qui fait qu'elle a joué avec ses camions, et partagé ses activités de "garçon". Mais à partir de 2,5 ans / 3 ans, elle s'est mise à me singer (beaucoup). Elle veut être toujours en robe, elle veut se maquiller le matin, "comme maman". Et puis avec l'école est venu le cortège des barbies, des têtes à coiffer, et du rose !
Mes copines me font peur "si tu la prives de rose (que je suis tentée de faire) elle va faire une fixette, et tu vas te retrouver avec une Barbara Cartland !"
Du coup je me suis calmée dans ma chasse au rose. Je laisse faire la mamie (qui s'en donne à cœur joie). De la même manière que j'ai arrêté de me battre pour la mixité aux anniversaires (j'ai tenu le coup 3 ans). Clairement, à partir de la fin de la maternelle, il y a un gros gap qui se creuse entre filles et garçons. Ils ne jouent plus ensemble, ont des rapports de séduction / répulsion, et SURTOUT, le niveau de maturité est très différent. Ce n'est qu'une observation empirique, qu'il faudrait analyser de manière systémique, mais je constate qu'un garçon de 7 ans et une fille de 7 ans, ça n'a rien à voir. Les filles son plus posées / mûres / obéissantes / dégourdies.
Alors tout cela est par ailleurs en contradiction avec mes principes antisexistes, j'en ai bien conscience, mais je ne suis pas capable d'en faire abstraction.
Par ailleurs, les enfants grandissants, j'essaie aussi de répondre simplement et "sobrement" à des questions sociales / sociétales / sexistes dont je sens qu'elles sont générées par des échanges avec leurs camarades de classe. Une fois par exemple, mon fils est rentré de l'école en me disant "tu sais, Marius, il a deux papas". Je sentais à son regard qu'il testait ma réaction avec cette information incongrue à ses yeux. Je l'ai regardé et lui ai dit "Et ?". Il est reparti en disant "Ah ben non rien."
Sur le coup, j'ai préféré en faire un non sujet, parce que je ne voulais pas dramatiser le cas, et surtout pas me lancer dans des explications sur l'orientation sexuelle, etc, surtout sans avoir défini une ligne de conduite avec son père.
En tous cas à l'école, je vois bien que les questions autour de l'homosexualité les travaillent beaucoup. Il y a là une forme d'exotisme qui les intrigue. Dans notre entourage, nous avons un ami proche qui est gay, dont les enfants sont fans absolus. Et de temps en temps, ils reviennent à la charge sur ses choix sexuels, son absence de mari, etc.
En bref, il n'y a rien de plus conformiste, voire réac, qu'un enfant !
Rencontres-tu du sexisme dans ton travail ? Sous quelle forme se manifeste-t -il ?
Oui ! c'est un de mes 1ers chevaux de bataille, 15 ans que je bosse, dans les métiers du conseil, où il y a de plus en plus de femmes, mais où les clients / décideurs sont le plus souvent des hommes. J'en ai raconté des épisodes sexistes dont j'ai été victime sur mon blog, on pourrait en faire un livre.
Celui-ci explique notamment ce que je fais vis à vis du sexisme dans le monde du travail, je reprendrais bien ce paragraphe pour te répondre ici :
Pour ceux qui suivent ce blog et mon compte twitter, l’égalité hommes / femmes dans le monde du travail est mon principal cheval de bataille. Je souhaite gagner autant qu’un homme à compétence et expérience équivalente (je suis engagée socialement et collectivement dans mon entreprise à cet effet), je considère que la parentalité (des hommes et des femmes) n’est pas (ne doit pas être) un frein à une carrière accomplie, et je veux que les équipes soient gérées de la même manière qu’on soit un homme ou une femme. Je supporte mal par exemple que les femmes soient stigmatisées / signalées comme « plus empathiques » dans leur management (on est des connasses comme les autres). Le travail doit être le lieu emblématique d’une stricte égalité, c’est là que je crois que la valeur d’exemple est la plus forte (après l’école). L’exigence doit se porter tant vis à vis des hommes qui doivent proscrire comportements sexistes, paternalistes et discriminants (pas de surnoms « affectueux », pas de harcèlement moral ou sexuel évidemment), que des femmes, qui doivent éviter d’utiliser certains ressorts sexistes / sexués dans le cadre professionnel. On s’abstiendra donc de pleurer quand on est en échec, ou de minauder (montrer ses seins / coucher) pour arriver à ses fins. S’agissant des postes à responsabilité / de direction, je suis en faveur d’une politique de quotas, parce que sinon le monde de l’entreprise sera encore régenté par des hommes (blancs de + de 50 ans) pendant encore 200 ans (et de même en politique).
Je suis très à cheval sur ces sujets, et je reprends méthodiquement toutes les situations / comportements sexistes et misogynes, je ne laisse rien passer. C’est très fatigant et décourageant, surtout quand on bosse dans des milieux masculins ET malins, c’est à dire qui savent jeter un peu de poudre aux yeux sur l’égalité et la parentalité avec quelques « mesurettes ». Je décortique TOUS les plans proposés et au quotidien je ne tolère aucun comportement misogyne ou ambigu. Par exemple, le chef qui m’appelle en tout paternalisme « ma puce », je lui réponds « oui papa ». C’est dans le cadre professionnel que je me rends le plus compte du chemin restant à parcourir concernant l’égalité, et pourtant je travaille dans le tertiaire supérieur, où la situation est loin d’être la plus critique.
En bref, il y a pour moi deux formes de sexisme au travail :
- la plus visible : celles des mâles blancs de + de 50 ans, qui sont déstabilisés par cette arrivée massive de gonzesses ambitieuses et compétentes, et se défendent en usant de machisme et paternalisme. Ce sont des blaireaux et des beaufs, mais assez facilement neutralisables à mon sens (en termes symboliques j'entends). Alors oui il faut continuer à se battre, défendre l'égalité salariale, ne laisser passer aucun comportement sexiste ou de harcèlement etc, mais pour moi cette bataille est quasiment gagnée.
- la plus pénible : l'organisation du travail structurellement défavorable a qui veut exercer sa parentalité dans des conditions pas trop iniques. Cela concerne donc hommes ET femmes (je suis très attentive et insistant quant à ce point). Mais clairement, tant que les hommes considéreront normal de commencer une réunion avant 8h et / ou de la finir après 18h30, ils sont irrespectueux de l'équilibre de vie des gens.
Quelle est pour toi la difficulté à traiter du féminisme en politique ?
On oscille beaucoup trop entre sujet de société / de moeurs et combat "pointu" d'arrière garde (comme l'écologie). Du coup, en fonction du sens du vent et de l'opportunité du jour, le féminisme est (mal) traité en politique. Après, à mon sens, la question est celle de l'égalité entre les hommes et les femmes, point barre. Et cela doit irriguer les politiques publiques dans leur ensemble. C'est pourquoi, de mon point de vue, ces créations sporadiques de délégation aux droits des femmes sont certes un mal nécessaire, mais ont tendance à circonscrire la question à des "problèmes de bonne femme", là où il faudrait tout traiter en transversal : l'égalité salariale, le respect de la parentalité, l'accès aux postes de pouvoir, etc.
Le sujet doit concerner tout le monde, puisque les femmes représentent 50% de l'humanité, et "font leur vie" avec les 50% restants (ou pas, si célibat ou homosexualité). Ce n'est pas un sujet mineur, d'arrière garde, comme on l'entend souvent, mais un choix de société.
Penses-tu qu'aujourd'hui le féminisme a bonne presse auprès des jeunes filles ?
Le féminisme a une image catastrophique auprès des jeunes générations. Pour recruter et former de jeunes diplômé(e)s à bac + 5, je suis effarée par
1/ le peu d'intérêt qu'ils portent à la question, voire leur léger mépris (générationnel) vis à vis de questions qui leur paraissent déjà résolues, soldées,
2/ leur manque de connaissance du sujet / de ses acteurs. Je fais souvent le "test Despentes", c'est à dire que je la cite dans une conversation type "machine à café". 9 fois sur 10, les jeunes collaborateurs, hommes ou femmes, ne savent pas qui elle est, alors qu'à mon sens c'est une des figures les plus médiatiques du féminisme. Alors qu'en est il de tout le reste ...
Pour autant, je constate que les filles continuent de se heurter très concrètement à ces questions d'égalité hommes femmes, notamment quand elles entrent dans le monde du travail. Là, elles se trouvent confrontées de plein fouet aux discriminations (salariales, retours de congés maternité catastrophiques), à la domination des hommes blancs de plus de 50 ans aux niveaux hiérarchiques les plus élevés, à la difficile conciliation de la vie privée et la vie pro, etc. En général, c'est au fil d'une de ces expériences, forcément douloureuse, que je retrouve un dialogue avec elles. Dommage que ce soit par dépit, par un vécu négatif, parce que forcément, ça rend les échanges amers, tendus et pas toujours très constructifs, alors que je suis persuadée que le féminisme œuvre pour une société meilleure !
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La mission départementale aux droits des femmes et à l'égalité (DDCS) et le Centre d'information sur les droits des femmes et des familles organisent quatre journées de formation sur les violences sexistes, où nous intervenons pour présenter le système prostitutionnel.
Infos pratiquesMardi 3, jeudi 5, mardi 10 et jeudi 12 novembre 2015 de 9h à 17h00.
Cité administrative Gaujot
Entrée 1 - Salle polyvalente
14 rue du maréchal Juin à 67000 Strasbourg
Frais d'inscription : 160 euros / Etudiants : 60 euros.
Pour tout renseignement :
Centre d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF)
24 rue du 22 novembre 67000 Strasbourg
03 88 32 03 22 / www.cidff67.fr
Télécharger le programme détaillé
IntentionLa Direction départementale de la cohésion sociale (mission départementale aux droits des femmes et à l'égalité), et le Centre d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF), avec un cofinancement de la Ville de Strasbourg, proposent une formation en novembre prochain, sur la question des violences faites aux femmes.
Seront traités les violences dans le couple, la prostitution, les viols, le harcèlement sur le lieu de travail,.... Ces violences physiques, psychologiques, économiques ou sexuelles, s'exercent dans la sphère privée ou publique.
Cette formation est destinée à tout-e professionnel-le susceptible de prendre en charge une victime : personnels de santé, travailleurs sociaux, avocats, enseignants, policiers, gendarmes, éducateurs, responsables de centres communaux d'action sociale, salariés et bénévoles des associations et des centres d'accueil et d'hébergement,...
Ces quatre journées sont animées par des intervenant-e-s qualifié-e-s (juristes, magistrats, médecins, psychologues, responsables d'associations spécialisées, lieux d'accueil et d'hébergement, services d'aide aux victimes, police et gendarmerie), qui apporteront des éléments sur les mécanismes des violences, la législation, le fonctionnement des lieux d'accueil (victimes, auteurs et enfants témoins). Cette formation permettra l'amélioration de la prise en charge des victimes, l'échange de bonnes pratiques et la constitution d'un réseau.
Au Cinéma Rex de Mamers
Mardi 3 novembre à 20h00
Much Loved
Marrakech. Noah, Randa, Soukaina et Hlima sont des prostituées, des objets de désir. Elles surmontent au quotidien la violence d'une société qui les utilise tout en les condamnant.
Lire notre critique de Much Loved sur le site de notre revue, Prostitution et Société.
Cyber-harcèlement, prostitution, pornographie... pour aider les acteurs et actrices médico-sociaux et éducatifs mais aussi les parents à repérer, prévenir et accompagner leurs jeunes, la délégation du Mouvement du Nid de la Sarthe vous convie à une journée d'étude à Mamers.
Infos pratiquesMardi 3 Novembre 2015 de 9h00 à 17h00, à la salle des Fêtes de Mamers. Participation : 20 euros par personne. Le Mouvement du Nid est un prestataire de formation agréé. Les places sont limitées, l'inscription est obligatoire ! Un email de confirmation vous sera envoyé. L'inscription est à envoyer avant le 28 octobre 2015 accompagnée de votre chèque à la
Délégation du Mouvement du Nid de la Sarthe
Espace Gisèle Halimi
30 avenue Félix Geneslay 72100 Le Mans
Télécharger la plaquette d'information.
Les "cyber-violences", phénomènes récents et en plein développement, restent encore méconnues, et les jeunes victimes insuffisamment prises en charge.
La matinée de notre journée d'étude sera consacrée à l'approfondissement du rapport des jeunes à l'identité virtuelle, en particulier sur les réseaux sociaux. Que recouvre la notion de cyber-violence ? Quelles sont ses facettes sexistes et sexuelles et les risques encourus par les jeunes ? Nous examinerons des situations concrètes de cyber-harcèlement, de chantage sexuel, et d'entrée vers la prostitution. Ce sera l'occasion d'étudier comment l'identité virtuelle travaille le rapport au corps, notamment par la pornographie.
L'après-midi, des étude de cas pratiques nous permettra de faire le point pour aider les jeunes à se protéger et à déjouer ces risques de violences. Parmi les thématiques de prévention développées par le Mouvement du Nid, celles de l'égalité filles-garçons, de l'éducation à une sexualité libre et sans violences, du respect de chacun, et de l'estime de soi sont essentielles pour favoriser des attitudes responsables et donner des signaux d'alerte chez les jeunes.
Cette intervention de prévention et de citoyenneté associe la représentation théâtrale participative, le débat et l'information par les intervenants du Mouvement du Nid. Elle vise l'échange de façon ludique et dynamique sans exclure l'improvisation sur les questions d'égalité femmes-hommes, de sexisme, l'impact du sexisme dans les relations, la violence sexuelle, l'achat d'un acte sexuel, la réalité et le quotidien de la prostitution…
Le théâtre réactif alterne des scènes où le public peut être acteur et des scènes où il est spectateur. La cohérence des différentes parties est rendue grâce aux différents genres artistiques : le drame, la poésie et l'humour…
Une partie-conclusion rassemble tous les personnages et les intervenantEs.
Une comédienne meneuse de jeu régule et favorise la réflexion et les échanges entre les jeunes et les intervenantEs du Mouvement du Nid avec l'objectif de les rendre acteur et actrice, de provoquer le débat et de déclencher des interrogations en agissant directement sur les scènes.
La Compagnie « Les Bradés », qui pratique régulièrement le théâtre d'improvisation, pourra adapter le spectacle en fonction de la structure, du public et du contexte de l'établissement au sein duquel il se déroule.
POUR QUEL PUBLIC ?Théâtre réactif conçu pour les élèves de seconde, première et terminale.
INTERET PEDAGOGIQUECet outil de prévention vise à
sensibiliser et prévenir les conduites sexistes, le risque prostitutionnel, et promouvoir l'égalité filles-garçons ;
interroger sur les pratiques de violences que les jeunes peuvent subir ou constater dans la société ;
favoriser l'implication des jeunes pour trouver des solutions ;
amener à réagir sur des situations de violences psychologiques ou physiques ;
faire évoluer les comportements au sein comme au dehors de la structure scolaire et dans l'environnement quotidien ;
développer une prise de conscience de l'impact néfaste de certaines situations inégalitaires et des avantages collectifs et individuels d'une société plus égalitaire entre les femmes et les hommes.
Beaucoup ont tendance à voir les féministes comme un groupe monolithique, dont les membres seraient interchangeables. Le féminisme est, plus que jamais, riche de personnalités très diverses.
J'ai donc décidé d'interviewer des femmes féministes ; j'en connais certaines, beaucoup me sont inconnues. Je suis parfois d'accord avec elles, parfois non. Mon féminisme ressemble parfois au leur, parfois non.
Toutes sont féministes et toutes connaissent des parcours féministes très différents. Ces interviews sont simplement là pour montrer la richesse et la variété des féminismes.
Interview de Nela.
Bonjour, peux-tu te présenter ?
Bonjour! Je m'appelle Nela, j'ai 24 ans, je suis commence un internat en anesthésie-réanimation dans un mois. Je suis en couple sans enfants, et je viens de commencer il y a peu de temps un tumblr féministe : Je suis une publication sexiste.
Depuis quand es-tu féministe et quel a été le déclic s'il y en a eu un ?
Je pense que c'est un ensemble de petits déclics qui se sont opérés en moi depuis mon adolescence. Mes parents ne sont pas particulièrement féministes, mais ils m'ont éduqué de façon très ouverte et cultivée, ils ont attaché beaucoup d'importance à ça. J'avais quelques barbies et des jouets assignés aux filles, mais aussi des legos, des jeux éducatifs et un train électrique. Je me rappellerai toujours du jour où mon grand-père ingénieur m'a montré plusieurs de ses médailles gagnées au boulot, et qu'il m'a dit qu'un jour j'aurai les mêmes.
Je suis donc partie dans mon adolescence avec une certaine assurance. Et j'ai commencé à percevoir certaines choses dans les rapports envers les femmes que je trouvais injustes. Il faut savoir que je viens de Pologne où le sexisme est beaucoup plus ancré dans la société, et où entend beaucoup plus de choses contre l'IVG (puisque c'est interdit), sur la sacralisation de la maternité féminine, le rôle protecteur de l'homme et toutes ces bêtises. Du coup, il y a eu un effet de contraste important qui m'a fait comprendre que rien n'était naturel et que tout était question d'éducation.
Il y a un exemple qui m'a beaucoup marqué en Pologne justement peut-être un peu le déclic si il y en a eu un: j'étais au mariage d'une cousine éloignée dont le mari prenait le nom parce qu'il s'appelait "Nu" en polonais. Je précise qu'à l'époque j'en avais rien à faire de tout ça, mais quand j'ai entendu ça, je me suis dit, "oui ça semble logique, le type a un nom difficile à porter, c'est tout à fait compréhensible". Et puis tout les hommes des trucs du style: "Moi je pourrais pas, ce serait déshonorant". Et c'est là que je me suis dit: Ils parlent du nom de leur femme qu'ils sont censés aimer là, d'un être humain qui leur est égal, et pourtant ils trouvent ça déshonorant de porter leurs noms alors que pour les femmes c'est normal de porter le nom de leur mari depuis des générations. Il y a un problème quelque part. Maintenant, ça fait 8 ans qu'ils sont mariés et vous pensez qu'ils s'en sont remis? Ben toujours pas. Il y a toujours un Tonton Roger pour rappeler que "il a pris le nom de sa femme, hahaha, ce pauvre soumis"
Enfin, j'ai commencé à lire les sites féministes comme Vie de Meuf, et j'ai recommencé à me dire à plein de reprises "Ah ben, là aussi il y a un problème". J'ai commencé à comprendre que des choses qui semblaient normales à tout le monde ne l'étaient pas.
C'est ainsi que je suis devenue féministe.
On entend souvent dire qu'il y a beaucoup de sexisme dans le milieu médical ; que peux-tu dire là dessus ?
Oui, c'est vrai.
Il y a déjà le sexisme classique du "Je comprends pas pourquoi les femmes choisissent des spés comme chirurgie et anesth-réa elles vont avoir des enfants plus tard" ou "Bon c'est bien si vous êtes médecins les filles, mais vous aurez des enfants donc chef de service c'est peut-être pas pour vous". C'est assez fréquent. Je me souviens d'un chef qui nous a dit avec un grand sourire qu'on viserait pas de carrière hospitalo-universitaire, parce qu'il y a les enfants et qu'il faut partir deux mois à l'étranger et qu'entre-temps notre ami/mari risquerait de nous tromper. Bref l'éternel sexisme du "une femme peut réussir sa vie, mais pas trop non plus, elle a des gosses", qu'on doit retrouver dans beaucoup de milieux...
Et puis il y a un sexisme plus spécifique que j'attribuerais à la mauvaise excuse du "On est médecins, on a un rapport détaché au corps humain, donc on peut se permettre de tout faire ou tout dire". Du coup, si on aime pas qu'un chirurgien nous fasse une remarque déplacée sur notre physique on est féministe hystérique ou coincée. Si on aime pas une paillarde ou une tradition de bizutage débile, on est coincées. Si on aime pas les dessins de levrettes à l'internat, on est coincées. Il y a pas mal de gens qui perpétuent tout ça au nom de la tradition carabine, et comme personne n'ose les contredire et que beaucoup (notamment de filles) sont d'accord avec eux ils sont persuadés que tout le monde pense comme eux. Sauf que non, j'ai discuté avec pas mal de gens qui n'aiment pas tout ça. J'ai eu des réactions d'étonnement quand j'ai dit que j'étais mal à l'aise de dormir dans la chambre de garde de gynéco, remplies de dessins obscènes. Moi personnellement, je trouve que ce sont des dessins qu'on m'impose en tant qu'étudiante/interne, parce qu'à moins de changer de job, je suis obligée de les supporter.
As-tu vu passer les articles sur les violences sexistes médicales et obstétricales ; qu'en as tu pensé ?
J'ai jamais vu de touchers vaginaux sans consentement ou des trucs comme ça, je dis pas que ça n'existe pas, j'en ai pas vu, mais je trouve ce que je lis révoltant.
Lors de mes 10 semaines, en gynéco ça s'était bien passé, tout le monde était plutôt cool avec les patientes, à part un sage-femme qui a dit à une femme qui voulait une stérilisation définitive à 38 ans après 3 gosses "Non, ça va pas être possible, après vous allez rencontrer un autre homme et tomber amoureuse". C'est aussi illégal qu'infantilisant. Après tout ce que je lis sur #Payetonutérus ne m'étonne pas plus que ça, c'est souvent ce qu'on entend en off. C'est lié à ce que je disais dans la question précédente. Certains médecins ont tellement désacralisé le corps humain qu'ils en oublient que les autres ont de la pudeur. Ca me choque beaucoup. Je suis aussi patiente et il y a des choses que je ne supporterai pas entendre. Il faut que cela cesse.
Tu disais que l'IVG est interdit en Pologne ; as-tu connaissance de femmes autour de toi qui ont avorté ? Parle-t-on de l'IVG ou est-ce un sujet tabou ?
Pas en Pologne, non. J'en connais peut-être mais comme c'est clandestin, elles le crient pas sur les toits. J'y vais une fois par an quelques semaines faire quelques visites familiales, j'ai pas forcement les temps d'établir des liens de confiance suffisamment forts pour savoir ce genre de choses.
A chaque fois que je vais en Pologne, j'ai l'impression d'être dans une autre galaxie en ce qui concerne l'IVG; dans les séries et les émissions là où l'avortement est déculpabilisé en France, là-bas c'est une cascade d'arguments anti-choix classiques (tu ruinerais ton psychisme à vie...) C'est toujours difficile pour moi d'écouter ça. Ce qui n'empêche pas que beaucoup de gens ne partagent pas cet avis. Beaucoup commencent à en avoir assez des diktats de l'église catholique locale, et certains m'ont confié être pour l'IVG. D'autres en revanche, sont toujours très réacs. Dans l'ensemble, ça reste assez tabou comme beaucoup de choses liées au féminisme. J'ai beaucoup d'admiration pour les militant(e)s féministes, LGBT, pro-laïcité de là-bas qui sont encore plus stigmatisé(e)s qu'ici et qui doivent se sentir bien seules. J'assume bien mon féminisme en France maintenant, mais là-bas ça reste compliqué. Les préjugés sont plus tenaces.
J'ai parfois l'impression que le corps médical sera extrêmement difficile à faire évoluer en termes de respect des droits du patient et plus spécifiquement des femmes ? Qu'en penses-tu ?
Je pense qu'on parle d'une partie du corps médical. En 6 ans d'études j'ai vu de tout des respectueux, des bons, des mauvais, des je m'enfoutistes, des odieux. J'ai pas dit que tout le monde se comportait mal, je tiens à cette précision, beaucoup de praticiens se retrouveront jamais sur #Payetonuterus. Ceci étant dit, je pense que le corps médical ne se remet pas assez en question et est très récalcitrant à la critique. Et je m'inclus dedans des fois. On se fait régulièrement traiter de nantis malgré la charge colossale de travail qu'on a dans nos études et nos horaires de dingues, quand on se fait insulter ou agresser aux urgences, quand on fait des généralités qui sont perçues comme injustes par beaucoup. Ce qui se passe c'est qu'à force de réfuter toutes les critiques, on réfute aussi celles où nous sommes (du moins pour une partie d'entre nous) critiquables. Beaucoup ont tendance à prendre toute critique pour une agression.
De plus comme je la disais, les médecins ont souvent un sens de la pudeur moins important que celui du reste de la population, ce qu'ils peuvent oublier dans les rapports avec le patient. C'est paradoxal parce que c'est à de respecter ça le plus.
Et puis un médecin sexiste est un médecin comme un autre, beaucoup de choses sont banalisées et les mentalités changent lentement. Ce qui est particulièrement gênant dans un domaine qui touche autant l'intimité.
Tu parles de paillarde ou de dessins de levrette, peux-tu nous en dire plus et nous dire à quoi ils se réfèrent et pourquoi autant y sont attachés ?
Je parle de chansons paillardes chantées lors d'événements carabins qui consistent à 85% à parler d'alcool et de sexualité féminine de manière obscène. En ce qui concerne les dessins de levrette, c'est qu'un exemple parmi d'autres de dessins à contenu porno qu'on trouve dans les internats de médecine et les chambres de garde, qui personnellement me saoulent. Des fois, on fait passer beaucoup de manque de respect pour de la liberté sexuelle.
Pourquoi ils sont attachés à tout ça? Aucune idée, faudrait leur demander, c'est quelque chose qui me dépasse.
Tu viens de lancer le blog Je suis une publication sexiste ; dans quel but l'as-tu lancé ?
J'ai eu envie de faire ce blog après avoir lu 50 nuances de Grey et un article sur lequel je suis tombée par hasard intitulé "15 raisons inavouables pour lesquelles les femmes acceptent de coucher." que j'ai trouvés effroyables d'un point de vue de stéréotypes sexistes. J'avais rédigé deux billets humoristiques sur Facebook sur chacun d'entre eux, et j'ai eu de bons retours. Je me suis rendue compte que ça me plaisait et que je le faisais plutôt bien, donc j'ai décidé de faire un blog de coups de gueule humoristiques contre ce genre de choses qui ne manquent pas. J'ai envie de casser l'image de la féministe pas drôle qu'ont les gens à tort (en fait, les féministes ont beaucoup d'humour, c'est juste qu'elles se moquent des sexistes, pas des femmes), de faire quelque chose de sympa et d'accessible à quelqu'un qui n'y connaît rien tout en insérant des pistes de réflexions et de la pédagogie de temps en temps.
Beaucoup de gens te diraient que ces publications, ces publicités sont parfaitement anecdotiques et "qu'il y a des combats plus importants à mener" que peux-tu répondre à cela ?
Que tout est lié. Moins les femmes sont abreuvées d'articles sans intérêts, moins elles éprouvent le besoin de rentrer dans des stéréotypes souvent réducteurs, moins elles sont assimilées à des objets, plus elles ouvrent leurs champs des possibles et plus elles sont fortes et confiantes, et à même d'acquérir plus de droits et d'égalité et à se défendre. Les femmes ne réussissent pas moins parce qu'elles sont moins performantes ou qu'elles font des gosses, elles réussissent moins parce qu'elles subissent une pression importante et parce qu'on rabaisse leur confiance en elle.
Quand RTL crée un site pour les adolescentes et les jeunes femmes qui n'a que 4 rubriques (mode-beauté, psycho-sexo, confessions, lifestyle) et qui regorge d'articles stupides, il réduit le champ de vision des jeunes femmes en construction, alors qu'une jeune femme de 18 ans a bien d'autres préoccupations que de savoir pourquoi elle doit pas mettre des jeans troués ou quelle femme de footballeur elle serait. Il y a des milliers de choses qui peuvent intéresser une jeune femme à condition qu'on lui dise que c'est pour elle.
Quand les magazines en tout genre trouvent normal que le Prince Charles décide que les gardes du corps de Kate Middleton soient des femmes parce que le pauvre homme malheureux a été traumatisé par la liaison de Lady Di avec son garde du corps, on fait passer le message que c'est normal qu'on surveille les femmes.
Quand on ose parler de la féminité d'une canette d'Orangina qui serait plus belle, plus fine plus élégante., on ne valorise pas les femmes. On assimile des objets à des femmes. Ce qui est plus ou moins pareil que d'assimiler des femmes à des objets. Et le féminisme au fond ça veut juste dire que les femmes sont des être humains à part entière.
On écrit des articles pour dire que les femmes couchent par vanité, superstition ou reconnaissance, alors que les hommes ne couchent que par envie. Et on perpétue le fait que les hommes sont des bêtes en rut, et que les femmes des créatures chiantes et compliquées, et qui coucheront avec vous si vous payez un resto assez cher ou que vous leur faites de la peine, parce qu'elles seraient pas sympa de vous refuser quoi que ce soit.
ELLE qui se dit féministe ose se demander si la fellation est le ciment du couple, et nous fait comprendre que c'est un du de la femme pour l'homme. Super, l'idée de consentement.
La preuve c'est qu'un bouquin aussi pathétique et mal écrit comme 50 nuances de Grey a un succès phénoménal auprès des femmes, alors qu'il ne fait que romantiser les relations abusives et le harcèlement. Le gars trace le téléphone de la fille dans le "bouquin" ce qui est même pas légal et l'héroïne trouve ça mignon et les lectrices avec elle. Uniquement parce que le type est beau et riche. Mais comme toute femme est tombée 100 fois sur un test débile similaire à celui sur les femmes de footballeurs (qui sont riches) ou un article minable où on lui dit : "Et puis bon, on ne va pas mentir, toute femme est sensible à l'effort qu'une personne s'est donnée pour elle. Ou à l'argent", beaucoup ne verront même plus le problème.
On retrouve beaucoup cette idée de soumission et de dépendance de la femme envers l'homme au final dans la presse féminine, et à travers ça on ne peut que rabaisser l'importance de leur vie professionnelle, que les induire en position de dépendance et de vulnérabilité dans le couple.
On rabaisse constamment la femme sous toutes ses formes sous couvert d'humour ou d'articles légers, alors qu'on devrait leur dire "Vous êtes des êtres humains qui peuvent tout faire et on vous DOIT un respect non négociable".
Du coup je prends tous ces articles, je les décortique, les critique, les ridiculise et m'en sert aussi de base pour faire un peu de pédagogie et faire passer le message féministe avec le talents que je pense posséder, à savoir le sarcasme et l'ironie.
Je rajouterais que la situation des femmes en France est bien sûr bien meilleure que dans d'autres pays, mais je suis convaincue qu'une égalité femmes-hommes fortement avancée et prise au sérieux dans les pays développés et modernes ne peut que pousser les autres à accorder aux femmes leurs droits fondamentaux, surtout dans un monde hyper-connecté qui avance à toute vitesse.
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Beaucoup ont tendance à voir les féministes comme un groupe monolithique, dont les membres seraient interchangeables. Le féminisme est, plus que jamais, riche de personnalités très diverses.
J'ai donc décidé d'interviewer des femmes féministes ; j'en connais certaines, beaucoup me sont inconnues. Je suis parfois d'accord avec elles, parfois non. Mon féminisme ressemble parfois au leur, parfois non.
Toutes sont féministes et toutes connaissent des parcours féministes très différents. Ces interviews sont simplement là pour montrer la richesse et la variété des féminismes.
Interview de Enid.
Bonjour peux-tu te présenter ?
J'ai 25 ans, je suis féministe, je suis lesbienne/queer, je suis blanche, je viens d'un milieu populaire, je travaille dans la culture. Je raconte beaucoup trop ma vie sur twitter sous le pseudo de @LittleEnid.
Depuis quand-es tu féministe ; y-a-t-il eu un déclic particulier ou est ce venu progressivement ?
Je suis féministe (dans le sens "j'utilise et revendique le mot") depuis que j'ai lu King Kong Théorie de Virginie Despentes, j'étais en terminale. Ça avait été un choc pour moi à l'époque de découvrir un féminisme qui abordait franchement les questions autour de la sexualité, qui ne soit pas anti-porno, qui parle de désirs féminins, de travail du sexe sans être moralisateur, qui questionnait l'hétérosexualité. Après ça, j'ai pioché dans la bibliographie de fin de bouquin, je me suis retrouvée à lire Fières d'être pute de Maîtresse Nikita et Thierry Schaffauser et c'était parti !
Tu te définis comme lesbienne/queer. Que veut dire le mot queer ? Pourquoi est il important pour toi de dire que tu es lesbienne/queer ?
Queer prend beaucoup de significations différentes selon les personnes qui l'utilisent. Dans ce contexte je l'utilise comme terme parapluie pour dire "pas hétéro", ça laisse de la place à la fluidité (ne pas être strictement ni définitivement quelque chose), ça permet de ne pas être trop contraint par des étiquettes qui sont là avant tout pour nous aider.
Pourquoi je l'ai précisé quand tu m'as demandé de me présenter ? J'ai énuméré quelques appartenances (de classe également) pour qu'on sache d'où je parle, ça peut permettre de mieux comprendre mes réponses, d'influencer tes questions. Parce que le fait d'être queer, blanche, issue de milieu populaire mais n'y appartenant plus tout à fait, tout ça entre en jeu dans mon féminisme / mon rapport au genre, le nourrit, construit mes expériences, mes opinions.
Tu dis qu'il était important pour toi de découvrir un féminisme ne soit pas anti-porno ; pourquoi ? Est-ce que tu as l'impression que le féminisme est traditionnellement anti porno ?
Je ne pense pas que le féminisme soit traditionnellement anti-porno, le débat sur cette question et le féminisme pro-sexe ne sont pas nouveaux. Mais je pense qu'avant Despentes, je ne connaissais que des stéréotypes sur les féministes, les épouvantails qu'on brandit pour moquer certaines revendications. Je ne voyais que des féministes préoccupées par "l'image de la femme" dans la publicité, dans la pornographie. Mon opinion a évolué mais à 17 ans ça ne me parlait pas du tout. J'avais besoin d'un féminisme qui ne cherche pas à être respectable, un féminisme de meufs qui regardent du porno, qui en font, etc. À partir du moment où on admet ça, qu'on désamorce un certain tabou, qu'on utilise le féminisme pour libérer nos désirs (ou absence de), nos pratiques sexuelles (ou absence de), on peut ensuite vraiment s'interroger sur ce qui pose problème dans certaines représentations, dans le fonctionnement d'une industrie, etc.
Ça a été important pour moi de découvrir un féminisme préoccupé par la liberté, qui n'impose pas aux femmes des conduites pour protéger une image commune, un féminisme qui me rend responsable de mes propres choix.
Penses-tu que les féministes ont traité ou traitent convenablement des questions spécifiques aux lesbiennes et aux queer ; comme l'homophobie déjà, mais aussi les problématiques liées à la PMA ?
La question suppose que "les féministes" soit une autorité centrale hétérosexuelle, qui va ensuite partager avec les femmes de groupes minoritaires. Or le féminisme n'est pas hétérosexuel par défaut. Je n'attends pas que "le féminisme" inclue les meufs queers, mon féminisme EST queer ! Despentes, mon premier modèle féministe, est lesbienne !
C'est ce traitement qui pour moi n'est pas convenable dans le féminisme hétérosexuel. D'ailleurs j'ai l'impression que le terme "les" ferait bondir, c'est difficile de se penser hétérosexuel-le, de comprendre qu'on partage des trajectoires communes avec un groupe.
Concernant la PMA, je suis assez surprise du manque de convergence avec les féministes hétérosexuelles : la PMA en France est interdite aux couples de femmes mais aussi aux célibataires. En gros, la PMA est autorisée uniquement pour les hommes. Si c'est pas un combat pour les féministes hétéro et queer, ça...
(réponse Valérie ; ma question était en effet complètement hétérocentrée, je te prie de m'en excuser).
As-tu été élevée dans une famille féministe ?
Aucune femme de ma famille ne se revendique ou ne se revendiquait féministe. Franchement ça se fait pas dans le milieu duquel je viens ("populaire" même si ça recouvre beaucoup de réalités différentes). Par contre, ça n'empêche pas des comportements qui vont à l'encontre des stéréotypes de genre, des résistances, des femmes fortes, combatives, qui ont pu être confrontées à bien plus de violences (patriarcales et/ou de classe) que moi. Sur les femmes des milieux populaires, je suis en train de lire une merveille d'ailleurs : Des femmes respectables, classe et genre en milieu populaire de Beverley Skeggs. Ça évoque notamment la manière dont la féminité se construit dans les milieux populaires autour du travail du care et en rejet/réaction aux valeurs des femmes de classes supérieures, féminisme compris.
Te considères-tu comme une militante ? Que mets-tu derrière ce mot ?
J'ai fait quelques manif au moment du mariage pour tous, collé et arraché quelques affiches... voilà l'étendue de mon palmarès militant ! Honnêtement je n'ai pas l'aisance sociale requise pour ce genre d'actions de terrain. Peut-être que ça viendra mais en attendant j'ai autre chose à faire que me flageller au nom du Bon Féminisme. (Je sais que ce n'est pas ce que tu dis dans ta question mais je constate que masculinistes comme féministes, certain-e-s ont tendance à culpabiliser les "militantes sur internet", à tracer des frontières entre les bonnes et les mauvaises). Je fais des choses qui sont dans mes cordes : je réponds à ton interview, j'écris quelques textes (sur le blog collectif Choses Aléatoires), je lis, je réfléchis, je partage. Quand j'ai la force, je reprends les gens qui disent/font des choses sexistes, selon l'humeur ou la personne, je les engueule ou alors on discute, on se fait réfléchir. J'essaie d'atomiser mon sexisme intériorisé, ce qui prend beaucoup plus de temps que prévu. Pour moi c'est ça, être féministe, peut-être que ce n'est pas être militante. I can live with that.
Est-ce que tu es davantage intéressée par certaines problématiques féministes ? Lesquelles ?
Je suis assez fascinée par la manière dont les résistances s'expriment différemment quand on est une meuf de milieu populaire, une meuf queer, tout simplement parce que les entraves se manifestent différemment, on t'empêche sur des fronts qui sont pas les mêmes. Par exemple, la manière dont la féminité peut être réappropriée et transformée en affront, en puissance, en insolence par les meufs queer (et par les meufs pauvres aussi je crois). Ça fait sens parce qu'on t'astreint à une féminité respectable que tu peux pas atteindre, parce que t'as pas les moyens, pas les codes, pas envie, alors tu la refuses, t'en fais autre chose. Tu prends le contrôle.
Sinon en vrac m'intéressent :
- les analyses matérialistes du travail domestique,
- la non-mixité du féminisme : j'aimerais que les hommes proféministes s'intéressent un peu moins à l'histoire et aux théories féministes et un peu plus aux rapports de pouvoir dans la capacité à parler et être écouté,
- les sorcières ! Ce que ça signifie d'un point de vue féministe (réappropriation de la médecine notamment).
Peux-tu nous parler davantage de la réappropriation de la féminité par des meufs queer ou trans ?
Je ne peux parler pour les meufs trans. Pour moi, pouvoir se réapproprier la féminité, ça part du constat féministe que le genre est une construction sociale, du constat queer que c'est une performance (dans le sens quelque chose qui n'existe que parce qu'on le fait, "une copie sans original") et j'ai aussi en tête Wittig qui disait que les lesbiennes ne sont pas des femmes. Ça part d'une distanciation avec le féminin et ses attributs, d'un ressenti que ça m'est étranger, que ça n'a rien de naturel. A partir de là, puisque les attributs de la féminité ne sont pas plus naturels pour les femmes que pour les hommes, quand je les revêts (maquillage, vêtements, etc.) je ne suis ni plus ni moins qu'une drag queen.
Pour aller plus loin : Wendy Delorme parle très bien de l'identité fem (réappropriation du féminin par les lesbiennes) dans Quatrième génération. Et Broadly a fait un reportage auprès de meufs drag queen à Londres. Et pour finir j'ai écrit deux articles sur le sujet sur le blog collectif Choses aléatoires : https://chosesaleatoires.wordpress.com/2013/06/28/fem-pouvoir/ + https://chosesaleatoires.wordpress.com/2014/03/23/jouir-sans-entrave-du-pays-de-candy/
C'est assez critiqué par certaines féministes hétéro (et d'autres) parce qu'elles ne comprennent pas le vécu des bi et des lesbiennes et les injonctions spécifiques auxquelles on fait face. En gros on est prises en étau entre le stéréotypes des lesbiennes qui sont trop moches pour séduire les hommes et celui d'être des victimes du patriarcat parce que féminine. Or face à une injonction contradictoire : trop moche / trop traditionnellement féminine, y'a pas de bonne réponse. La réappropriation est une manière de se sortir d'une voie sans issue, de tirer de la fierté de l'expression de genre dans laquelle on se sent mieux, de refuser de s'excuser, de reconnaitre qu'il y a de la joie et du pouvoir dans cette identité. Que glorifier de la masculinité n'est heureusement pas la seule réponse.
Qu'est-ce qu'une analyse matérialiste ? Peux-tu nous en dire plus là dessus ?
Le féminisme matérialiste c'est un féminisme inspiré du marxisme, qui envisage la société divisée en classe d'hommes dominant une classe de femmes. C'est ce qu'on appelle le patriarcat. On s'intéresse aux réalités matérielles d'une vie de femme et d'une vie d'homme. En gros, qu'est-ce que ça donne quand on observe une famille hétéronucléaire comme une usine ? Si on ne ment pas aux enfants, papatron exploite maman qui effectue un travail polyvalent non rémunéré à 168h par semaine et à perpétuité (enfin jusqu'à ce que Papa meure).
Voilà, c'est ma définition librement adaptée du courant féministe représenté par le MLF à la lutte et Christine Delphy à la théorie dans les années 70.
Tu parles d'hommes proféministes ? Pourquoi ne dis-tu pas "homme féministe" ?
C'est comme un patron à la CGT, c'est louche, non ?
Mais en fait peu importe les motivations pour lesquelles un homme vient au féminisme, peu importe sa bonne foi, malheureusement et c'est la chose la plus terrible au monde : les hommes proféministes retirent du pouvoir de leur affirmation. Je ne dis pas engagement parce qu'on ne leur demande pas à eux s'ils manifestent. Le proféministe, il dit qu'il l'est on le croit et on le regarde avec admiration, on l'écoute avec attention, même au sein de groupes féministes. Une féministe on lève les yeux au ciel, on lui demande ce qu'il reste à obtenir, si elles ne seraient pas allées trop loin ces mal-baisées, ces rabats-joies. Une féministe si elle est sur internet on lui demande avec mépris ce qu'elle fait en vrai pour être féministe. Regarde comme on parle de Beyoncé aussi, comme son féminisme est critiqué, remis en question... Un homme il le dit et il l'est et comme on ne lui demande rien de plus. Il ne fait rien de plus, que le dire, en long en large en travers, il parle il parle il oublie que la parole c'est le pouvoir, que le contrôle sur sa propre lutte c'est déjà l'émancipation.
Donc je concède "proféministe", et c'est déjà sympa.
Tu parles, à propos des femmes de ta famille, de "comportements qui vont à l'encontre des stéréotypes de genre" peux-tu citer quelques exemples ?
Les femmes de ma famille font/faisaient des métiers physiques qui impliquent le corps, elles s'abîment le dos, les mains. Par ailleurs ce sont des métiers traditionnellement féminins mais qui demandent de mettre toute coquetterie de côté.
Il y a des histoires de violences conjugales et aussi de solidarité entre femmes, de résistance, des femmes qui parce qu'elles avaient été témoins forgent des exigences pour leur propre vie.
Sur les autres questions que j'aimerais aborder : j'aimerais bien qu'on parle du rapport avec l'instruction et le féminisme. Est-ce qu'il faut avoir lu x textes fondateurs pour être féministe ? Le féminisme est-il élitiste ?
Du coup puisque c'est moi qui pose la question, peut-être qu'on peut y répondre ensemble ? Ton avis m'intéresse en tout cas.
Par exemple, dans l'évolution de mon féminisme, y'a eu un truc super important : j'ai étudié un semestre en Études Féministes à Montréal, j'ai eu une chance géniale, j'ai appris de la théorie, de l'histoire du féminisme, j'ai eu l'impression d'ingurgiter en 4 mois ce que j'aurais mis 10 ans de militantisme à apprendre. Mais c'est un privilège incroyable et ça peut pas être une condition pour se sentir légitime à être féministe. C'est pour ça que les zines, les discussions, les réseaux sociaux sont super importants, on échange du savoir. J'ai l'impression que c'est pour ça que tu fais ton blog aussi ? J'imagine que t'as des choses à dire là-dessus du coup.
Réponse de Valérie (puisqu'elle m'a été demandée)
Mon blog est un blog de vulgarisation féministe. C'est aussi pour ca que je résume des bouquins parce que bcq de gens n'iront pas les lire par manque de temps/d'envie/d'argent. (ce sont les pages les moins lues du blog soit-dit en passant). Beaucoup de féministes me taclent en disant "ah mais elle, ca n'est pas un féminisme assez avancé". Et oui et je m'en flatte ! J'essaie de m'adresser à des gens qui savent à peine ce qu'est le féminisme ; j'ai toujours fait ca, d'où le fait que je demande à chaque interviewée d'expliciter les termes complexes que des gens peuvent ne pas connaître.
Je ne sais pas si lire est un luxe ou un privilège ; c'est à dire le fait d'aller dans une bibliothèque et prendre des livres. Quand on est âgé-e, mère de famille, qu'on exerce un métier qui tue les neurones et le corps et qui fait que le soir on a juste envie de dormir/buller devant la télé, je le comprends.
Quand on est plus jeune et en forme, avec un travail ou une activité laissant du temps, j'avoue que j'ai davantage de mal à comprendre mais c'est la fille de prof privilégiée qui parle. Je vois partout plein d'initiatives pour pousser les enfants à lire et cela me semble une excellente chose. Lire permet de ne pas s'ennuyer, lire permet de connaitre ses droits et de se défendre.
Je constate chaque jour que des gens qui ont des métiers faciles, bien payés (donc du temps autant en vrai temps, qu'en temps de cerveau parce qu'ils ont un métier qui n'est psychiquement/physiquement pas usant) et qui n'ont pas d'angoisse face à l'objet "livre", refusent tout bonnement de s'instruire. Ils viennent parler avec les féministes par exemple, leur sortent des âneries et refusent tout bonnement de lire ce qu'on peut leur conseiller.
Je pense qu'à un moment de sa réflexion - mais on n'est pas obligé de pousser sa réflexion qui est souvent plus théorique qu'autre chose - on doit lire. J'ai écrit un article sur l'impact de la photo d'Aylan Kurdi ; j'avais des idées mais j'ai du mettre le nez dans des bouquins car je manquais de théorie autour de la photo.
D'un côté je me dis qu'il est important d'avoir lu certains textes et d'un autre côté je n'ai pas envie de dire cela car je vais sembler mettre de côté plein de gens qui ne les liront pas. Si on prend un exemple comme Delphy sur le travail , je pense qu'il est incontournable, par exemple, pour comprendre la charge du travail ménager. Delphy déblaie ce qu'on mettrait une vie à comprendre (parce qu'elle y a justement passé sa vie).
Faisons une comparaison. si je veux mettre une vis dans un mur, je vais prendre une perceuse. Je ne vais pas refabriquer de a à z une perceuse puisque quelqu'un l'a déjà créée. Tu peux arriver à la même réflexion qu'un bouquin féministe ; n'importe qui le peut. Mais en combien de temps ? le bouquin est là pour faire des liens que tu mettras trop de temps à faire seule.
Et d'un autre côté, je sais que beaucoup de féministes ne liront jamais pour de multiples raisons évidemment valables (il n'y aurait d'ailleurs pas de raisons non valables et je ne souhaite pas pour autant les dévaluer). Bref. J'ai beaucoup blablaté pour en arriver à la conclusion que je n'ai pas vraiment de réponse à cette question !
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Beaucoup ont tendance à voir les féministes comme un groupe monolithique, dont les membres seraient interchangeables. Le féminisme est, plus que jamais, riche de personnalités très diverses.
J'ai donc décidé d'interviewer des femmes féministes ; j'en connais certaines, beaucoup me sont inconnues. Je suis parfois d'accord avec elles, parfois non. Mon féminisme ressemble parfois au leur, parfois non.
Toutes sont féministes et toutes connaissent des parcours féministes très différents. Ces interviews sont simplement là pour montrer la richesse et la variété des féminismes.
Interview de Lorenza.
L'association Georges Sand dont elle est membre.
Bonjour peux-tu te présenter ? Depuis quand es-tu féministe ; y-a-t-il eu un déclic particulier ou est-ce venu progressivement ?
Alors je m'appelle Loz (c'est mon pseudo), j'ai 20 ans, j'étudie à sciences po Rennes. Je ne sais pas trop quoi dire d'autre d'important...
Je suis devenue féministe il y a un peu plus d'un an. J'avais déjà eu des conversations avec des copines un peu plus déconstruites que moi, et je comprenais les enjeux en gros. Mais c'est quand un homme avec qui je travaillais m'a fait une réflexion hyper sexiste que j'ai commencé à vraiment m'interroger et m'intéresser aux féminismes, aux débats et aux actions. Et c'est la que j'ai été un peu "aspirée" par la spirale de la déconstruction et du militantisme.
Tu parles de "déconstruction" ; qu'est-ce que cela signifie ?
Quand je parle de déconstruction je veux parler de changement de façon de penser. C'est un peu comme si on t'avait appris à marcher d'une certaine manière et tout d'un coup tu te rends compte qu'il n'y a pas que cette façon de marcher. Et qu'en plus de ça, celle qu'on t'a appris te fait mal aux pieds. Pour moi la déconstruction c'est apprendre à penser, à agir et à parler d'une façon qui ne blesse pas les femmes, et le moins de personnes possibles d'ailleurs, qui seraient victimes du patriarcat ou d'autres formes d'oppression. C'est apprendre qu'une femme qui couche le premier soir et qui a pris son pied, ben tant mieux pour elle, et qu'elle a pas à être jugée négativement pour ça. Qu'une fille qui serait qualifiée d'obese ou de grosse a le droit d'aimer son corps parce qu'il n'est pas moins beau que celui d'une autre. Que ce n'est pas "normal" d'avoir peur de sortir en jupe le samedi soir quand tu sais que tu rentres toute seule. Et commencer à prendre conscience de ça, poser des mots dessus, agir et changer sa façon de vivre les choses.
Peux-tu nous évoquer la remarque qui t'a été faite ? Etait-ce l'événement le plus sexiste auquel tu avais été confrontée jusque là ?
J'étais au boulot et je disais que les femmes n'avaient quand même pas autant d'avantages que les hommes dans la vie. Le mec me dit "Ben si quand vous sortez vous vous faites payer des trucs, vous avez les boîtes gratuites, tout ça" alors moi j'ai dit que c'était vrai, que c'était toujours sympa de faire une économie d'un verre ou deux. Et le mec me dit "Mais tu te fais payer des verres toi ?" et j'ai répondu que oui, ça m'était arrivé. Il m'a ensuite dit "AH ben ça veut dire que tu couches ensuite. Faut pas que le mec ait payé pour rien". J'étais sidérée qu'il puisse considérer que si j'acceptais des verres c'était que je "devais" avoir un rapport sexuel à la suite. Je pense pas que ce soit le truc le plus sexiste que j'ai vécu, mais c'est arrivé à un moment où j'étais peut-être plus susceptible de m'indigner, j'avais mes copines qui m'avaient parlé de trucs et ça a plus ou moins fait tilt dans ma tête, je recoupais un peu les infos dans ma tête et ça faisait beaucoup à avaler pour que l'argument "Beeh oui mais c'est comme ça" suffise.
Est-ce que ta famille est féministe ? Sait-elle que tu l'es ?
Ma mère a un rapport avec le féminisme assez compliqué: elle trouve que les causes sont souvent ou dépassées ou trop modernes, ça ne la touche pas. Et pourtant elle ne m'a pas (trop) élevée dans une idée particulière de la féminité, elle me disait toujours "il faudra que tu te trouves un mec ou une copine qui aime le ménage et ranger parce que tu n'es pas très ordonnée" et que je ferai une grande carrière, et quand elle parlait de moi en couple elle disait toujours "avec un homme ou une femme, peu importe".
En revanche mon père et ma soeur ne comprennent pas du tout mon engagement. Iels sont toustes les 3 au courant, et iels sont toujours en train de me dire que j'exagère ou que je ne devrai pas m'énerver sur tel ou tel sujet parce que ce "n'est pas si important". Mon père a souvent des réflexions sexistes, que je lui fais remarquer, il se dit qu'effectivement il est macho et sexiste mais il dit en gros que ce n'est pas de sa faute et qu'il n'est pas prêt à changer.
Le reste de ma famille élargie ne le sait pas et je crois que je préfère que ce soit comme ça car iels sont encore vraiment dans une vision "traditionnelle" de la femme mère, la femme qui cuisine, etc, et que rien que le fait que je sois en coloc avec mon mec alors que j'ai seulement 20 ans et que je fasse des études longues les dépasse à mon avis, je n'ai donc pas envie de rentrer dans ce genre de débat.
Tu parles de la peur des femmes dans la rue le soir ; est-ce quelque chose qui est pour toi courant chez les femmes ? Y-es-tu confrontée toi même ?
Je pense que beaucoup de femmes ont peur dans la rue le soir (si ce n'est toutes). Déjà parce qu'on nous élève en nous disant "ne rentre pas seule le soir", "fais attention à toi", à cause d'une grande menace: les hommes. Je comprends pas trop pourquoi on nous dit ça à nous, et pourquoi on cherche pas à résoudre le problème plutôt ? Ensuite, si personne ne t'a dit de faire attention à toi quand tu sors le soir, tu as les infos pour te faire flipper: les viols, les agressions sexuelles, sont souvent imputés ( à tort évidemment) à une tenue trop courte et au fait que la fille soit seule le soir. Et enfin, et la je pense que je j'apprends rien à aucune fille: il y a le harcèlement de rue qui t'apprend que nous les femmes, on est vulnérables et potentiellement des proies quand on sort dans la rue. Qui n'a jamais pris de réflexion inopinée sur sa façon d'être habillée ? Qui n'a jamais subit de main aux fesses ? De sifflements ? Donc je pense qu'on est toutes confrontées à ça a un moment.
Penses-tu pouvoir faire peu à peu évoluer ton père et ta sœur sur le sujet ou est-ce que cela serait trop source de conflits ?
Je ne sais pas si je pourrais faire évoluer ma famille. Je pense qu'au moins je leur apporte des pistes de réflexion de comment c'est, quand on pense différemment d'eux. De la à penser qu'iels deviendront féministes, non. Mon père parfois semble peiné que je le prenne pour un sexiste. Peut-être que le temps fera son oeuvre. Mais je pense que ça demande encore plus de volonté et de courage de soutenir les causes féministes quand on est un mec, et je sais pas s'il est capable de tant d'efforts.
Limites-tu tes mouvements parce que tu as peur dans l'espace public ? As-tu des stratégies pour avoir moins peur ? Quelles sont-elles ?
Oui ça m'arrive. Avant je ne sortais qu'en jean et en baskets, parce que j'avais peur de devoir courir. Maintenant je m'en fiche, je sors en robe très courte, mais je me débrouille pour ne pas rentrer seule. Je rentre avec mes copines, je demande à un copain de me ramener. Mais surtout je me passe mentalement des réactions que je pourrais avoir si quelqu'un venait à me faire chier. Du coup j'ai moins peur parce que je sais que je suis capable de pas me laisser intimider. Je suis sur le groupe Facebook Répondons et ça m'aide vraiment à avoir confiance en moi quand je sors.
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Beaucoup ont tendance à voir les féministes comme un groupe monolithique, dont les membres seraient interchangeables. Le féminisme est, plus que jamais, riche de personnalités très diverses.
J'ai donc décidé d'interviewer des femmes féministes ; j'en connais certaines, beaucoup me sont inconnues. Je suis parfois d'accord avec elles, parfois non. Mon féminisme ressemble parfois au leur, parfois non.
Toutes sont féministes et toutes connaissent des parcours féministes très différents. Ces interviews sont simplement là pour montrer la richesse et la variété des féminismes.
Interview de Léna.
Bonjour peux-tu te présenter ?
Je m'appelle Léna, j'ai 30 ans. Je suis universitaire : je suis en train de terminer ma thèse, et j'enseigne en IUT. Je suis aussi mère célibataire, j'ai une fille de 6 ans.
Depuis quand es-tu féministe ?
En un sens, j'ai toujours été féministe, si on prend la définition qui me semble la plus large : vouloir une égalité femme/homme.
Mais j'ai commencé à réellement m'y intéresser, et à me considérer comme telle, début 2014, donc assez récemment. A cette époque, j'ai commencé à aborder les études de genre dans le cadre de ma thèse, j'ai donc découvert des concepts et des outils qui m'ont permis de structurer ma réflexion sur le sujet. C'est à peu près à cette époque que, parallèlement à mes lectures académiques, je me suis inscrite sur Twitter, où j'ai commencé à suivre différents comptes féministes, et notamment féministes intersectionnels. Depuis, je suis en "apprentissage" perpétuel.
Penses-tu que les mouvements féministes gèrent bien les difficultés rencontrées par les mères célibataires ?
Honnêtement, je n'en sais rien. Je ne me suis jamais rapprochée d'un mouvement particulier ni intéressée en détails à leurs approches, donc je ne sais pas trop si ces groupes contribuent à améliorer la cause des mères célibataires, et si oui, comment. A titre personnel, je peux juste dire que ça n'a aucune incidence sur ma situation de mère célibataire.
As-tu l'impression que ta fille est déjà confrontée au sexisme, de quelle manière ?
Oui, elle y est déjà pas mal confrontée je trouve. Notamment en ce qui concerne les jeux genrés à l'école. Des enfants se sont souvent moqués d'elle parce qu'elle aimait Spiderman, ou ont voulu lui interdire de jouer au foot parce que c'est "réservé" aux garçons. Sans compter les remarques sur le fait que les filles étaient "moins fortes" que les garçons, ce genre de choses...
Ca passe aussi par des petites réflexions au quotidien. Par exemple, un jour je l'ai laissée choisir un Tshirt dans un magasin, et elle en a pris un représentant Dark Vador. Alors qu'elle l'avait à la main, un vendeur lui a lancé "c'est ton frère qui va être content!".
Malheureusement, je constate aussi du sexisme dans l'éducation que lui donne son père quand elle est chez lui. Ca se traduit par de petites phrases comme "il faut souffrir pour être belle", ou "une fille ne doit pas dire de gros mots, c'est pas joli". Il me fait aussi des réflexions proches du slut shaming, quand il me dit par exemple qu'il ne veut pas qu'elle porte de vernis à ongle parce que "ça fait pouffe". Du coup, j'anticipe déjà la période où elle sera adolescente, si elle veut se maquiller un peu, porter certaines tenues, ou quand elle commencera à découvrir la sexualité... Je sais déjà que son père et moi risquons de nous affronter assez violemment sur le sujet.
En attendant, je lui parle déjà d'égalité fille/garçon, avec des mots adaptés à son âge bien sûr. Et j'essaie de lui inculquer la notion de consentement : par exemple l'an dernier, un petit garçon de sa classe l'embrassait de force, je lui ai expliqué que c'était inacceptable.
Y-a-t-il du sexisme dans le milieu universitaire ? Comment se manifeste-t-il ?
Je sais par ouï-dire qu'il y en a, mais personnellement, j'ai eu la chance de ne jamais y être confrontée directement. Je ne suis donc pas la mieux placée pour en parler.
Tu es séparée de ton conjoint qui était très misogyne ; peux-tu nous donner des exemples ?
(trigger warning) Oui. Je commence juste par quelques éléments de contextualisation : le père de ma fille a quinze ans de plus que moi, je l'ai rencontré alors que j'avais 21 ans et lui 36. A ce moment-là, je sortais de 3 ans sans la moindre relation amoureuse, ma confiance en moi était au plus bas, et j'étais tellement contente d'avoir enfin trouvé quelqu'un qui "veuille de moi" que j'ai laissé passer dès le départ des choses que je n'aurais jamais dû accepter. Avec le recul, quand je repense à toute mon histoire avec lui, je me demande comment j'ai pu en arriver là et j'éprouve parfois de la honte. Alors que ce n'est pas moi mais lui qui devrait éprouver ce sentiment...
C'est quelqu'un qui a du ressentiment envers à peu près tout et n'importe quoi, et en particulier envers la gent féminine. Ca s'exprimait beaucoup par du slut-shaming, il employait des expressions absolument ignobles pour qualifier celles qui ne correspondaient pas à son image de la "femme respectable" : "slip sale", "sac-à-foutre", "vide-couilles"... Il critiquait les femmes qui avaient, selon lui, trop de partenaires sexuels, surtout celles qui cherchaient à se mettre en couple après avoir eu de multiples conquêtes : pour lui, elles essayaient de se faire passer pour des "femmes bien" alors que leurs relations passées les avaient, à ses yeux, endommagées, perdu leur valeur. Et il considérait que ces femmes étaient malhonnêtes envers les hommes avec lesquelles elles cherchaient à se caser et à fonder une famille, comme si elle leur vendaient de la marchandise endommagée... La fameuse dichotomie maman/putain, en somme.
C'est quelqu'un qui est aussi très imprégné de culture du viol : pour lui c'est tout à fait compréhensible qu'une femme se fasse agresser sexuellement si elle porte une tenue ou a une attitude qu'il juge provocante, car certains hommes sont en manque (à cause des méchantes femmes qui les rejettent bien sûr) et ne peuvent pas se contrôler devant tant de tentations.
Le paradoxe, c'est qu'il me dévalorisait souvent car je ne m'habillais/me coiffais pas de manière assez sexy à ses yeux... et que ça ne l'a pas empêché de me violer.
Il voulait que je sois sa chose, pour lui une femme appartient à son conjoint et doit être toujours disponible pour lui. Il me disait souvent des choses comme "sois docile", "sois offerte", "sois soumise"... Il voulait que je porte des jeans plus moulants, il m'a déjà dit qu'il fallait que je fasse la vaisselle en string pour qu'il puisse arriver et disposer de moi à n'importe quel moment...
J'en passe et des meilleures... Mais à cette époque, j'en étais encore au début de ma vie sexuelle, je n'avais eu avant lui qu'un seul partenaire, à l'époque du lycée, avec qui je m'entendais bien, mais je n'avais jamais réussi à avoir de plaisir car on s'y prenait trop mal. Je me suis donc retrouvée avec cet homme à la fois beaucoup plus expérimenté que moi et complètement nourri de culture porno.
Au début de notre relation, avant que sa misogynie ne se révèle (ça s'est fait progressivement), je ne ressentais pas de plaisir pendant nos rapports, en raison de mon inexpérience et de ma timidité. J'en suis donc arrivée à la conclusion que j'étais frigide (non). Les premiers mois il a fait mine d'être compréhensif et patient, mais il a rapidement changé d'attitude. Il m'a fait beaucoup culpabiliser en me disant que j'avais un "problème", et me reprochait sa frustration... alors même qu'il n'a pas arrêté d'avoir des rapports avec moi pour autant. Il ne se posait même pas la question, et à vrai dire, à l'époque, je ne me la posais pas non plus. J'avais tellement peur qu'il me quitte que je me laissais faire sans discuter, y compris pour des choses qu'il a continué à faire régulièrement après que je lui ai expliqué que non seulement je n'aimais pas ça, mais que ça me faisait mal. Dans sa tête, il était parfaitement normale qu'un homme puisse disposer de "sa femme" quand bon lui semblait.
Avec le recul, repenser à tout ça au prisme du féminisme m'a aidée à mettre le doigt sur des notions que je n'avais pas précisément en tête à l'époque : consentement, viol conjugal... La phrase de Nicole-Claude Mathieu "Céder n'est pas consentir" m'a permis de mettre un mot sur ce que j'avais vécu : des viols.
Rien ne semble être une excuse pour être restée avec lui près de trois ans, et pour avoir eu, volontairement, un bébé avec lui. Je ne souhaite pas m'étendre sur cette question. Je préciserai juste qu'en dépit de tout ça, je ne regrette pas d'avoir eu ma fille.
C'est moi qui l'ai quitté, six mois après la naissance de notre enfant. Je suis partie le jour où il a levé la main sur moi, en plus des violences verbales et psychologiques que j'endurais depuis des années.
Cette histoire détermine entièrement mon rapport au féminisme. Au début de ma relation avec lui, moi aussi j'ai pu avoir des propos ou des idées allant dans le sens du slut-shaming (sans pour autant apprécier les termes qu'il utilisait pour qualifier les femmes, ni cautionner la culture du viol). J'ai beaucoup évolué, et aujourd'hui j'ai en main des outils conceptuels qui m'ont fait défaut à l'époque, pour comprendre à la fois ma situation personnelle et la dissymétrie des rapports femmes/hommes dans le système patriarcal (dont mon ex semble être, de ce point de vue, une incarnation caricaturale).
Comment envisages- tu face à ta fille de contrer les remarques sexistes de son père ?
J'essaie de lui expliquer à chaque fois que l'occasion se présente que les filles ne sont pas inférieures aux garçons, et que les femmes peuvent faire exactement la même chose que les hommes.
Je ne sais pas encore comment les choses se passeront à l'adolescence, mais je n'hésiterai pas à lui dire que je suis en désaccord avec son père s'il émet des remarques empreintes de slut-shaming concernant ses tenues vestimentaires ou sa sexualité. A partir du moment où elle aura atteint la majorité sexuelle, je lui expliquerai qu'elle peut avoir des rapports avec un ou plusieurs partenaires du moment que c'est mutuellement consenti, qu'elle en retire du plaisir, et qu'elle se protège.
Je ne tiendrai pas compte des éventuelles interdictions de son père concernant une tenue ou une relation : si elle veut porter une jupe courte au lycée ou inviter son copain ou sa copine à dormir à la maison, elle en aura l'autorisation avec moi. Bien sûr, ça s'accompagnera de discussions sur le féminisme et sur des notions que je regrette de ne pas avoir maîtrisées si jeune (bien que j'aie moi-même eu des parents ouverts et tolérants).
Est-ce-que ta fille est déjà touchée par certaines remarques (comme celle sur le tee shirt batman?)
Ca l'agace, mais pas outre mesure, parce qu'elle comprend bien ce que je lui explique quand elle m'en parle : qu'il n'y a pas des jouets/personnages/films "de fille" et "de garçon", et qu'elle peut aimer/faire ce qu'elle veut. Je saisis toutes les occasions que j'ai de le lui rappeler, même si évidemment je ne prépare pas ma "leçon féministe du jour" : c'est toujours basé sur l'expérience du quotidien.
Tu as souhaité mettre un trigger warning avant de répondre à une question ; peux-tu expliquer ce que cela veut dire et pourquoi tu as souhaité le faire ?
Un "trigger warning", c'est un avertissement indiquant que ce qui va suivre peut choquer, perturber. Dans le cas présent, je pense qu'il est nécessaire de mettre un trigger warning parce que je rapporte des propos insultants extrêmement violents, et, bien sûr, parce que je parle de viol. Cela peut heurter la sensibilité de personnes qui ont vécu des choses similaires dans leur passé, ou qui, tout simplement, supporteraient mal d'être confrontées à un récit aussi dur.
Est-ce-que ton ex mari a pu comprendre pourquoi tu le quittais ? Est-ce-que tu sais ce qui motive une telle haine des femmes ? Est-ce-que son père a la même haine envers les femmes ?
Non, mon ex (nous n'étions pas mariés) n'a absolument pas saisi les véritables raisons de mon départ. Sur le coup, même si c'est moi qui lui ai annoncé que je ne pouvais pas continuer, il a considéré que c'était d'un commun accord, parce que "ça n'allait plus entre nous" depuis la naissance de notre fille (il ne remet absolument pas en question tout ce qui a pu se passer avant).
Suite à mon accouchement, j'ai refusé tout rapport sexuel. C'est très cliché dit comme ça, mais devenir mère m'a apporté une force nouvelle. Son "chantage affectif implicite" ne marchait plus sur moi, c'est-à-dire que je n'avais plus peur d'être quittée si je n'accomplissais pas mon "devoir conjugal". Il l'a très mal pris, a vécu ça comme un véritable affront et s'est senti "lésé" (le terme est de lui). A partir de là, j'ai fait partie des meubles pour lui. Il était totalement aveugle face à l'état d'épuisement physique et psychologique dans lequel je me trouvais du fait que je m'occupais à peu près seule d'un nourrisson. Et il ne s'est absolument pas posé la question des désagréments physiologiques qui suivent une grossesse...
J'ai commencé à projeter de partir alors que ma fille avait environ 2 mois. Je voulais attendre un peu, et notamment trouver un petit travail (j'étais entre mon Master et mon Doctorat, je ne voulais pas renoncer à mon projet de thèse). Finalement, le geste violent qu'il a eu envers moi alors que notre fille avait 5 mois et demi a accéléré les choses : je m'étais toujours dit que s'il franchissait un jour cette limite, je partirais sans attendre.
J'ai eu une immense chance dans mon malheur : l'aide financière de ma famille, qui m'a apporté un immense soutien, tant sur le plan moral que matériel. Grâce à mes parents et ma grand-mère, j'ai pu prendre un appartement pour ma fille et moi très rapidement, et même me lancer dans ma thèse à la rentrée suivante. Je sais qu'un très grand nombre (la majorité?) de femmes victimes de violences conjugales ne peuvent pas quitter leur conjoint car elles n'ont pas les ressources nécessaires pour s'en sortir seules. Je m'estime donc infiniment privilégiée.
Bref, pour finir de répondre à la question après cette longue digression : mon ex estime que nous nous sommes séparés à cause de MON "problème sexuel" : je n'aimais pas le sexe, n'étais plus disponible pour lui, et c'est ça qui, selon lui, a fait que notre couple ne pouvait plus fonctionner.
Je ne sais pas exactement ce qui motive chez lui une telle haine envers les femmes. C'est quelqu'un de misanthrope de manière générale ; pendant mon travail de thérapie (que j'ai achevé l'an dernier), j'ai même fini par mettre un nom sur sa pathologie : c'est un sociopathe. A mon avis, c'est quelqu'un qui éprouve un grand complexe d'infériorité, qu'il essaie de contrer en écrasant les autres, en les méprisant et en essayant d'être en permanence en situation de domination par rapport à eux. Par exemple, il ne s'excusera jamais à propos de quoi que ce soit, parce qu'il considère ça comme une marque de faiblesse.
Si ça se manifeste de manière aussi violente envers les femmes, c'est probablement lié au fait qu'on vive dans un système patriarcal, dans lequel les femmes sont en position d'infériorité dans les rapports sociaux : elles sont des "proies faciles" pour lui, c'est toujours plus facile de taper (au sens propre et au figuré) sur plus faible que soi.
C'est tout à fait inconscient chez lui, car c'est par ailleurs quelqu'un qui tiendra sans complexe des propos masculinistes : il considère qu'on vit dans une société où les femmes n'ont plus à se battre pour l'égalité, mais qu'à l'inverse elles ont pris le pouvoir et sont abusives envers les hommes (il parle par exemple des "violences psychologiques" que les femmes infligeraient très souvent aux hommes au sein de leurs couples). Il déprécie ce qu'il appelle les "femmes modernes", i.e. émancipées, indépendantes, celles qui "ne font plus la cuisine" et sont libérées sexuellement. Je pense que ça lui fait peur, tout simplement, à cause du complexe d'infériorité refoulé dont je parlais plus haut.
Je n'ai jamais perçu de misogynie chez son père, avec lequel je m'entends plutôt bien. Comme les gens de sa génération (il va sur 70 ans, il est et restera imprégné de stéréotypes de genre (madame cuisine, monsieur bricole), mais il n'a pas de ressentiment ni de haine envers la gent féminine.
As-tu porté plainte contre lui ?
Non, je n'ai pas porté plainte contre mon ex. Pendant la relation, je n'y ai tout simplement pas pensé. Je n'avais pas le recul nécessaire pour réaliser que j'étais victime de choses totalement abusives qui pouvaient peut être être punies par la loi. Et puis je n'aurais pas vraiment eu de preuves à apporter...
Quelques mois après la rupture, il a eu des accès de rage à une période où je venais de commencer une relation avec un autre homme. Au cours d'une dispute, il a à nouveau eu des gestes violents envers moi. Cette fois, j'ai voulu porter plainte, mais je n'avais aucune marque physique prouvant l'agression. Comme la première fois, il m'avait davantage bousculée que véritablement frappée, je n'avais donc pas de bleu ni de trace que je pouvais faire constater à l'hôpital, et les policiers ont refusé d'enregistrer ma plainte. Je n'ai pu faire qu'une main courante. Je ne le lui ai jamais dit, mais je garde le document en sachant que je pourrai le ressortir si j'avais à nouveau des problèmes graves avec lui.
J'anticipe une autre question, en précisant dès à présent qu'il voit notre fille régulièrement (toutes les semaines, bien que j'aie sa garde), et que, même si son éducation laisse à désirer à de nombreux niveaux, il n'est pas violent avec elle.
Le numéro vert pour les victimes de violences conjugale : 39 19 (numéro anonyme et gratuit)
The post Interview de féministe #21 : Léna appeared first on Crêpe Georgette.
Beaucoup ont tendance à voir les féministes comme un groupe monolithique, dont les membres seraient interchangeables. Le féminisme est, plus que jamais, riche de personnalités très diverses.
J'ai donc décidé d'interviewer des femmes féministes ; j'en connais certaines, beaucoup me sont inconnues. Je suis parfois d'accord avec elles, parfois non. Mon féminisme ressemble parfois au leur, parfois non.
Toutes sont féministes et toutes connaissent des parcours féministes très différents. Ces interviews sont simplement là pour montrer la richesse et la variété des féminismes.
Interview de Cécile.
Bonjour peux-tu te présenter ? Depuis quand es-tu féministe ; y-a-t-il eu un déclic particulier ou est ce venu progressivement ?
Franco algérienne ayant vécu en Tunisie de 3 à 14 ans, j'ai toute mon enfance eu la double culture, occidentale et orientale.
Ma mère Algérienne a été très marquée dans sa jeunesse par "Le deuxième Sexe" et a toujours été féministe, à sa façon. Elle nous a donné une éducation plutôt occidentale et la sexualité n'a jamais été tabou.
Durant mon enfance, j'entendais son discours sur l'émancipation de la femme et en même temps je voyais autour de moi les différences entre mes frères et moi dans ce qui leur était autorisé et ce qui ne me l'était pas. Je crois c'est vers 11 ans que je suis petit à petit devenu féministe.
J'étais ce qu'on appelle communément "un garçon manqué" (j'ai toujours détesté ce terme !). Les jupes me gênaient, j'aimais jouer au foot, j'avais les cheveux courts, ça ne posait problème à personne Mais à un moment, visiblement les règles n'étaient plus les mêmes. Je n'avais plus le droit de jouer dehors avec les copains, plus le droit de partir dans les salles de jeux, je devais faire attention à comment je me tenais, ... Bref on m'a gentiment fait comprendre que j'étais une Fille et que à priori c'était plus un handicap qu'autre chose.
Je tiens à préciser que j'ai eu ma puberté beaucoup plus tard, j'avais toujours un corps d'enfant, ça n'était pas lié à d’éventuels formes ou courbes. C'était purement gratuit.
J'étais en révolte, j'avais toujours entendu que la Femme était libre de faire la même chose que les Hommes, ... Et en même temps je voyais ma mère/ la société m'assigner à une place que je ne voulais pas.
Je voulais avoir les mêmes droits que mes frères !
Heureusement à 14 ans, je suis arrivée en France pour moi ça était la libération, je voyais bien que je ne disposais pas des mêmes prérogatives que les garçons, mais c'était déjà beaucoup mieux.
Plus tard, quand j'ai eu 18 ans, je suis allée à la fac, loin de ma famille, découvrir les joies de la vie étudiante. J'ai fait la fête, beaucoup d'associatif, je trainais dans les squats, les concerts punks, ... toujours essentiellement dans des milieux plutôt masculins. Rapidement je me suis rendu compte que même là, au milieu de tout ces gens qui voulaient refaire le monde, qui refusent les diktats de la société ( j'étais jeune , être une femme, c'était pas l'atout gagnant. Fallait quand même pas trop la ramener avec ma grande bouche, les nanas qui variaient les amants ça le faisait pas trop quand même, et puis il y avait toujours les gars bourrés à remettre à leur place, des mains aux fesses "pour rigoler", ...
C'est grâce à mon conjoint que je suis vraiment devenu féministe, on s'est rencontré à cette époque et c'était le seul à me considérer comme son égal. Il n'en voulait pas qu'à mes fesses, il n'attendait pas de moi que je sois bonne en cuisine, j'étais libre. Avec lui, je me suis rendu compte que ça n'était pas juste dans ma tête, il y avais bien une injustice faite à mon genre. A partir de là, j'ai commencé à lire, à discuter, à m’intéresser au féminisme et surtout, à partir de là je l'ai assumé haut et fort : je suis féministe militante.
Donc pour me présenter je dirait que je m'appelle Cécile, j'ai 32 ans, je vis avec mon "pacsé" depuis 14 ans, j'ai une fille de 4 ans et j'essaye comme je peux d'être tout à la fois, mais pas en même temps: mère, femme, amante, professionnelle, amie, sœur, citoyenne...
En gros une femme épanouie, où l'image que je m'en fait !
Comment enseignes-tu à ta fille l'égalité de droits entre hommes et femmes ? Trouves-tu qu'à son tout jeune âge elle subit déjà des diktats genrés ?
Mon enseignement de l'égalité entre hommes et femmes se fait au quotidien avec ma fille.
C'est quelque chose que nous avons beaucoup en tête dans nos choix d'achats, dans les explications qu'on lui donne et surtout dans ce qu'elle observe de notre fonctionnement parental.
Elle va grandir avec un modèle de Maman qui travaille plus que Papa (en terme de volume horaire), elle voit donc un homme faire les tâches domestiques, la cuisine, venir la chercher à l'école, ... tout ça lui semble complètement naturel. Elle le voit dans nos familles, elle le voit chez nos amis, ... elle peux le généraliser au sein de son petit monde.
Depuis l'entrée à l'école, là les choses sont devenus un peu plus compliquées. La socialisation avec ses pairs amène chez elle une envie de respecter les codes. Elle veux plus coller à l'image de petite fille, avec du rose, des paillettes, bref des trucs girly !
On essaye de réguler tout ça, de décortiquer ses représentations pour mieux les modifier. En fait, on lui fait un lavage de cerveau, mais à l'envers ! Je discute, j'explique, tout ce que fait un parents habituellement mais avec un spectre élargi.
Dans l'absolu, je m'y prend de la même manière pour lui expliquer les valeurs qui me semble importantes, l'écologie, le respect, la tolérance, la diversité, etc. et le féminisme.
Après ça, il y a les incontournables princesses Disney ! A un moment, il faut accepter les compromis, je ne vais pas lui interdire les Barbies. Donc j'essaye de valoriser certains comportements par rapport à d'autres.
Je lui explique que quand même Cendrillon est un peu mollassonne, elle est complètement passive et épouse le premier prince venu. Pourquoi ne dit elle pas non à sa belle mère, pourquoi elle ne s'enfuit pas ? On ne la voit que chanter et faire le ménage !
La Belle et la Bête nous a donné du beau matériel avec le personnage de Gaston. Il est beau, fort, admiré de tous et pourtant c'est le méchant. Ma fille a posé beaucoup de questions : pourquoi la Belle ne veux pas l'épouser et surtout pourquoi les autres filles veulent l'épouser ? Nous en avons beaucoup discuté. Du haut de ses 4 ans, elle entend tout ça, elle le comprend à sa façon. A force elle intègre tout ça.
Je fait aussi attention au vocabulaire, je refuse de sortir à ma fille des âneries du type "c'est pas beau dans la bouche d'une fille" ou "c'est pas joli", ...
Le fond du message c'est que les Femmes comme les Hommes (j’insiste là dessus), n'ont pas à subir les choses ! Le champs des possibles est le même, je refuse qu'elle se limite du fait de son genre. Et ce message lui est diffusé sous toute ses formes à travers la vie de tout les jours.
Est ce que ma fille subit déjà les diktats genrés : évidement ! Il suffit d'aller faire un tour dans n'importe quel magasin de jeux pour commencer. La grande majorité de ce qui touche aux enfants est genrée.
Ceci dit, en cherchant un peu, nous lui avons trouvé des livres, des jeux, des dessins animés qui correspondent à nos idées et qui défendent l'égalité Homme/Femme. J'ai été à plusieurs reprises très agréablement surprise sur la quantité et la qualité d'applications sur tablette, d'albums jeunesse (elle a déjà son 1er manuel féministe, mes nièces aussi) proposés dès 3 ans.
Ma préférée : La Princesse au petit prout !
Ceci dit, si je me permettre de répondre à une question qui n'est pas posée c 'est tout ce que je ne peux pas lui enseigner et qui est en lien avec le féminisme. Ce face à quoi mon champs d'action est nettement plus limité : la culture du viol. Face aux données sur les violence sexuels, je suis horrifiée de me dire que statistiquement ma fille, juste parce qu'elle est une fille, subira à fortiori des attouchements, un jour où l'autre. Comme une fatalité ou un couperet du fait de son sexe !
Je rigole en disant que pour sortir, ma fille devra d'abord prendre des cours de self défense. Au fond, je ne rigole pas vraiment, je sais que c'est un peu extrême, mais honnêtement c'est le fond de ma pensée. Être capable de réagir, ne pas se positionner comme une victime ambulante comme on nous l'apprends.
Le pire c'est que ça ne règlerait pas grand chose dans la mesure où la majorité des attouchements surviennent dans l'entourage. Je suppose que ayant moi même été victime d'une agression sexuel dans mon enfance, ma perception en est modifiée. Mais au vu des chiffres, je ne pense pas être si parano que ça.
Ai-je déjà eu des rejets en mentionnant ton militantisme ?
Très honnêtement, pas vraiment ou pas frontalement. Je n'hésite à reprendre les gens sur un mot, une idée ou un acte sexiste, mais j'utilise toujours l'humour, ça marche mieux. Je vis en pleine cambrousse dans le Sud Ouest, alors ici, la majorité des mes collègues masculins sont rugbymen et/ou chasseurs. Je ne vais pas faire de généralité, mais c'est plutôt ambiance virile. En règle générale quand je me revendique "féministe" ça les fait rire et comme ils voient que je ne me démonte pas, ils m'écoutent. Il faut dire que pour être crédible, je n'ai pas intérêt à me planter, mais avec les bons arguments (différence de salaire, harcèlement, etc) je parviens à des résultats.
Si ils ont des filles alors là, c'est presque du gâteau !
Étonnamment, même si je ne parlerais pas de rejets, les collègues femmes sont plus difficiles à toucher. Quand je les entends me parler de leur double journée (boulot/maison), du repas qu'elles laissent dans le frigo si elles sortent entre copines ... Elles ont abdiqué depuis longtemps et sont complètement fatalistes. Alors quand elles font des remarques sur le port du voile qui serait l'ultime signe d'oppression masculine, ça me fait bien rire. Et ça m'afflige.
Pourquoi penses-tu que les femmes de ton entourage ont abdiqué ?
Je suppose que c'est en partie lié à l'éducation. Dès l'enfance on apprend aux filles une certaine forme de passivité je trouve. Dès petite, il ne faut pas trop faire de bruit, pas trop de vague. Il suffit de voir comment on forme nos filles : ne pas être trop turbulentes, ne pas se tâcher, ne pas être trop envahissante, ...
Bref : savoir rester à sa place ! Des vrais victimes ambulantes ! Nous sommes éduquées, puis identifiées comme des petites choses fragile. Et l'homme serait là pour nous protéger.
J'imagine que certaines se complaisent là dedans et surtout que leur éducation ne leur a pas permis d'apprendre à se révolter.
Dans mon idée, être féministe, c'est être une guerrière, ne rien lâcher, ne pas se soumettre ! Je crois que c'est précisément ce que je veux apprendre à ma fille et c'est ce qui m'a été transmis par ma mère. C'est en ça que je me considère militante.
Même si je ne suis pas d'accord avec beaucoup de discours féministe relayés par certaines assos (débat sur la prostitution, sur le port du voile, ...). Il n'empêche qu'une bataille est en cours, et malgré les différences d'opinions, je fait partie de cette armée en marche.
Finalement, je m'interroge sur le mot abdiquer concernant mes collègues, car encore faut il livrer bataille pour abdiquer.
Et puis il y a celle pour qui le mouvement ne semble plus pertinent. "On a déjà le droit de vote, le droit à un compte en banque, ... c'est déjà pas mal. Non parce que sinon on faire peur à nos chers hommes. Il suffit d'un peu de patience."
Ce type de discours me fait vomir. Où placent elles leur estime d'elle même ?
Par contre, je précise que ce sont certaines de mes collègues, et en aucun cas des proches. La passivité est quelque chose de rédhibitoire pour moi !
Je souhaiterais ajouter quelque chose concernant l'apparence monolithique du féminisme.
Quand je discute avec des amies, certaines ont une pensée féministe mais ne se reconnaissent pas en tant que telle pour diverses raisons. Entre autres car elles imaginent l'étiquette comme figée, monolithique justement et ne s'y reconnaissent pas.
J'entends que le féminisme porte mal son nom, comme si ce mot signifiait la prise de pouvoir des Femmes sur les Hommes. Que les féministes bataillent pour des détails : supprimer la case "mademoiselle", le harcèlement de rue ... Que les actions sont trop extrêmes, celles des Femen sont souvent citées. Que vouloir l'égalité Homme/Femme n'est pas possible puisque nous ne sommes pas physiquement constitués de la même manière. Que le sujet est trop compliqué et qu'elles ne se sont pas assez documentées pour pouvoir vraiment l'argumenter et s'y identifier.
Beaucoup craignent d'avoir une étiquette collée à elles si elles s'affirmaient en tant que Féministe, comme une tare à cacher.
Il me semble pourtant que c'est précisément la multiplicité des idées, des combats, des personnalités, ... qui fait la richesse de la réflexion.
Le féminisme n'est pas une entité en soi, c'est une façon de penser, une lutte où chacune amène sa pierre à l'édifice. Je continue encore régulièrement à me faire violence (surtout concernant une envie de progression hiérarchique sur laquelle je me freine toute seule de peur de "ne pas être capable" quand je sais que je le suis, entre autre), à modifier ma façon de me positionner, de penser, ... Et c'est ce qui me plaît.
Évidement que je ne me reconnaît pas dans toutes les prises de positions prises par certaines associations (prostitution, port du voile, ...), mais ça n'est pas ce que je recherche.
Je sais que je suis de gauche et pourtant, je ne me reconnais dans aucun parti politique et je serai bien incapable de maîtriser tout les sujet de façon poussée. Pourtant ça ne choque personne.
Alors pourquoi autant de réserve à s'affirmer féministe pour certaines de mes congénères ?
Mais j'y crois, profondément. Et j'espère que ma fille plus tard ira plus loin que moi dans ce combat, comme je l'ai fait moi même vis à vis de ma mère. C'est ce qui me fait avancer.
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Bernard Lemettre, responsable régional du Mouvement du Nid dans le Nord-Pas-de-Calais et ancien président de l'association, est invité par la librairie Tirloy de Lille pour une dédicace.
Infos pratiquesJeudi 22 octobre 2015 de 17h00 à 19h00
À la librairie Tirloy, 62 rue Esquermoise à Lille.
Découvrir le livre Je veux juste qu'elles s'en sortent. Mon combat pour briser les chaînes de la prostitution.
Quelques jours plus tard... merci à la librairie Tirloy pour son accueil chaleureux et à tous les participantEs que nous avons eu le plaisir de rencontrer !
Beaucoup ont tendance à voir les féministes comme un groupe monolithique, dont les membres seraient interchangeables. Le féminisme est, plus que jamais, riche de personnalités très diverses.
J'ai donc décidé d'interviewer des femmes féministes ; j'en connais certaines, beaucoup me sont inconnues. Je suis parfois d'accord avec elles, parfois non. Mon féminisme ressemble parfois au leur, parfois non.
Toutes sont féministes et toutes connaissent des parcours féministes très différents. Ces interviews sont simplement là pour montrer la richesse et la variété des féminismes.
Interview de Peggy Sastre.
Bonjour, peux-tu te présenter ?
Peggy Sastre, 34 ans à l'heure actuelle. Même si je « passe pour » une femme, je me considère comme neutre du point de vue du genre, surtout dans le sens où mon sexe ou ma sexualité n'a absolument aucune espèce d'importance sur ce que je considère être mon « identité » (concept avec lequel j'ai beaucoup de problèmes, mais passons). Question C.V., après trois ans de prépa littéraire, j'ai suivi des études de philosophie abouties par un doctorat, en me spécialisant sur les liens entre Nietzsche et le paradigme darwinien. Professionnellement parlant, j'écris et je traduis, notamment pour la presse (Slate, l'Obs, en particulier) et l'édition. Le 22 octobre, je sors chez Anne Carrière mon 4ème livre signé de ma seule main, et le 6ème en comptant les deux que j'ai rédigés en collaboration avec Charles Muller. Le 5ème/7ème est en préparation, il est prévu pour février 2016 aux éditions Favre.
Depuis quand es-tu féministe et quel a été le déclic s'il y en a eu un ?
Je dirais que j'ai toujours été féministe par défaut. Par défaut, j'entends que je n'ai pas été réellement formée au féminisme, ni même que j'ai ressenti un quelconque déclic, vécu un avant/après. J'ai grandi dans un foyer où il n'y avait pas de différence perceptible de statut entre ma mère et mon père ou entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes. La seule figure vraiment machiste et « phallocratique » que j'ai pu connaître jeune, c'est mon grand-père et tout le monde se foutait de sa gueule quand il pestait, comme il pouvait le faire, s'il ne présidait pas les tables des repas familiaux, par exemple. Même s'il pouvait se montrer vociférant, verbalement violent, etc., il n'a jamais eu la quelconque emprise sur personne dans ma famille. Il était vraiment considéré comme une sorte de fossile ridicule. De mes parents en général et de ma mère en particulier, je n'ai ressenti qu'une seule pression : bien réussir à l'école pour ne pas vivre dans la misère. Je n'ai jamais été éduquée à une quelconque importance des tâches domestiques, par exemple. Chez moi, côté ménage, les parents se partageaient les corvées et les enfants n'en foutaient pas une, comme s'il fallait les « protéger » de ça. De même, je n'ai jamais ressenti qu'on m'espérait un destin différent de celui de mon frère et réciproquement. Au cours de mon éducation familiale, le couple, le mariage, le foyer ou même la sexualité ont plutôt été rangés du côté des obstacles ou, a minima, des trucs vraiment secondaires dans la vie.
Même à l'école, je n'ai jamais ressenti que j'étais brimée (ou, à l'inverse, valorisée) à cause ou grâce à mon « identité » féminine. Durant toutes mes études, exception faite de la fac et de certains rapports de séduction avec des profs (ce que j'explique d'ailleurs principalement par un facteur mathématique : plus on avance en philo, moins il y a de filles en proportion, et encore plus dans mon cursus orienté philo analytique et philo des sciences, donc il y a moins d'offre et les mecs sont au taquet), jamais je n'ai eu le sentiment d'un traitement sexuellement différencié. Jamais je n'ai entendu « tu es une fille/femme, donc tu peux/tu ne peux pas ». Dans ma vie professionnelle non plus, même si je suis encore moins représentative que pour le reste, vu que les ¾ de ma carrière se sont pour l'instant déroulés en indépendance et en télétravail. En gros, j'ai toujours été féministe sans vraiment le savoir, et j'ai vraiment su que je l'étais en me rendant compte que plein de gens, et surtout des femmes, ne l'étaient pas.
De la sorte, si déclic il y a eu (= l'envie d'écrire dessus, d'avoir un discours « public » sur la question) c'est avec la rencontre/fréquentation, à partir de l'âge de la fac, je dirais, de femmes qui m'ont fait chier sur mes choix personnels – le fait de ne pas vouloir d'enfant et le revendiquer, par exemple, le fait d'avoir été violée et de m'en foutre, d'avoir vécu mon avortement comme l'un des plus beaux jours de ma vie, etc. Personnellement, en matière de conservatisme et d'anti-féminisme, j'ai beaucoup plus eu à pâtir de femmes que d'hommes. Et même d'un point de vue extra-personnel : j'ai quelques amies putes ou actrices pornos, et la plus grande violence, en proportion, qu'elles subissent vient de femmes. Idem pour les personnes trans ou appartenant à des minorités sexuelles « visibles » qui peuvent ou ont pu faire partie de mon entourage : le gros du bataillon conservateur, maximaliste, correcteur, remetteur dans le droit chemin, etc., est féminin. Après, je sais qu'il faudrait que je note tout bien dans un petit carnet et vérifie que je ne suis pas biaisée sur cette question, ce qui est tout à fait probable, mais c'est ma perception.
C'est pour cela que mon féminisme a été « activé » par l'état, que je considère assez déplorable, dans lequel se trouvent une grande majorité de femmes à l'heure actuelle, dans les cercles que je peux fréquenter et/ou observer. Pour le résumer à gros traits, j'observe une dissonance entre les « principes » et les « actes », entre la théorie et la pratique. Et cette dissonance rend maboule. Plein de femmes se disent féministes, gueulent dès qu'un marketeux ose vendre un rasoir pour poils de chatte, mais dans les faits, leur plus grande aspiration consiste à s'attirer un mec, à le garder coûte que coûte (même s'il faut fermer les yeux sur plein de trucs), elles crient sur les toits dès qu'elles sont « en main », elles gogolisent totalement avec leurs/les enfants, etc. Des trucs qui, en soi, ne me dérangeraient pas du tout (ma « religion », c'est que chacun fait ce qu'il veut tant qu'il ne tente pas d'imposer ses vues à autrui) s'il n'y avait pas, par ailleurs, une espèce de « culture de l'indignation », du donnage de leçon qui me crispe à cause justement de cette contradiction paille/poutre et hôpital/charité. A l'inverse, j'ai beaucoup plus de tendresse, si ce n'est d'admiration pour les femmes et les filles (car c'est un phénomène que j'observe plutôt chez des ados ou chez de très jeunes femmes) qui s'offusquent si je dis qu'elles sont féministes, mais qui, pragmatiquement, vivent une vie que je considère comme telle : elles valorisent l'indépendance et l'individualisme, ne font pas de la vie sentimentale et/ou familiale l'alpha et l’oméga de leur existence, elles sont outrées à l'idée que le sexe puisse avoir une quelconque influence sur les opportunités professionnelles, etc.
Beaucoup de féministes diraient que tu n'es pas féministe voire que tu fais le jeu des masculinistes, que peux-tu répondre ?
Ma personnalité fait que je suis très peu sensible aux critiques, comme d'ailleurs aux compliments. Même quand on m'insulte, non seulement je subis un processus de dépersonnalisation (« ce n'est pas de moi qu'on parle »), mais s'il m'arrive que je puisse concevoir qu'on parle de moi, je m'en fous, ça ne me concerne pas, ça me passe au-dessus. Au mieux ou au pire, ça peut me faire sourire ou me décevoir, si par exemple cela vient d'une personne à laquelle je tiens, mais cela ne me touche pas, au sens le plus strict du terme, je ne suis pas « atteinte ». Je pense que c'est une « case » dont mon cerveau n'a pas été dotée, parce que là encore, il n'y a pas eu de déclic, de formation, de processus de « développement personnel » qui a pu m'aider à « acquérir » cette indifférence, elle a toujours été là. Après, pour théoriser le truc, je crois vraiment que les jugements appartiennent aux gens qui les formulent, les ressentent, pas à ceux qui en sont la cible. Tant qu'on ne franchit pas, bien sûr, la frontière physique. Donc si des féministes pensent que je ne le suis pas ou que je fais le jeu des masculinistes (pire : que j'en suis), grand bien leur en fasse.
Cela étant dit, en tant qu'intellectuelle, cela me fait plaisir quand on me comprend et pas plaisir quand on ne me comprend pas. Donc cela ne me fait pas plaisir qu'on puisse penser que « je suis » à l'opposé de ce que « je suis » en réalité. Je ne peux pas faire le jeu du masculinisme, voire être masculiniste, parce que je n'aime pas le pouvoir, je suis contre tout pouvoir. Mon monde idéal est plein de diversité et vide de hiérarchie. Et même, dans toute la gamme des pouvoirs possibles, c'est le pouvoir masculin que je trouve le plus con, le plus affligeant, celui contre lequel j'aurais envie de me battre le plus. Reste que je ne pense pas qu'on puisse se battre contre quelque chose sans comprendre pourquoi ce quelque chose en est venu à être ce qu'il est, comment il a pu faire souche, s'encroûter, etc. Et c'est un processus qui demande, nécessairement, d'admettre quels ont pu, quels peuvent être ses avantages. Mais isoler de tels avantages ne veut pas dire que je les valorise, moi, dans mon échelle de valeurs personnelle, car ce n'est vraiment pas le cas.
Aussi, en vieillissant et en avançant dans mon « œuvre », je me rends compte qu'au final, ne pas être comprise me fait plaisir, car cela me force à m'expliquer, à gommer les ambiguïtés (ou, a contrario, à souligner qu'il existe des ambiguïtés « indécidables »), à clarifier des trucs, etc. Même si je sais que je ne suis pas encore parfaitement pédagogue (parce que, très basiquement, j'ai un plus grand plaisir à apprendre qu'à enseigner), je sais que je suis partie d'un point où je me disais « yolo, tous des cons, j'avance, je m'en branle », à « ok, je m'en branle, mais si en m'arrêtant deux secondes je peux corriger une erreur – qu'elle soit de mon fait ou de celui de mon 'audience' – dans la manœuvre, c'est toujours ça de pris ».
Là où je pourrais être anti-féministe, c'est dans le fait qu'une certaine « mystique » féministe actuelle me navre, dans ce qu'elle me semble contre-productive. J'ai l'impression que, dans beaucoup de cercles, on s'accroche davantage sur des questions sémantiques qu'autre chose, et de manière extrêmement totalitaire, étouffante, on est vraiment dans de la novlangue idéologique. De la même manière, qu'une grosse partie du féminisme actuel soit, justement, aussi idéologique dans le sens le plus péjoratif du terme me donne l'impression d'une balle tirée dans le pied. Idem pour la prépondérance accordée à l'émotionnel sur le rationnel. Pour reprendre la formule d'Arnaud Vauhallan, je pratique un « féminisme abordé par la pensée et non par le militantisme ». Je n'ai rien, a priori, contre le militantisme, je suis même fascinée par beaucoup de mouvements purement militants, comme le pacifisme de Martin Luther King, mais ce n'est pas ma guerre. J'aimerais, à l'inverse, que des militants essayent de me « respecter » qu'importe que je ne mène pas la leur. Il y a de la place pour (à peu près) tout le monde.
Tu sors un livre La domination masculine n'existe pas : pourquoi ce titre ?
De un, il faut savoir que je suis nulle en titres et en résumés, c'est vraiment un truc qui me donne des vapeurs et, dans mon monde idéal, il n'y aurait pas de titre sur rien, à la limite des numéros pour différencier les choses, mais c'est tout. De deux, j'écris des livres et des articles, pas des slogans. Cela étant, un titre doit être le meilleur compromis possible entre des objectifs commerciaux (titiller la curiosité, en bien comme en mal) et des objectifs intellectuels (coller au mieux au propos exposé). En l’occurrence, surtout si on l'associe à l'image de couverture (le tableau « Jeunes spartiates » de Degas, qui a été trouvé du premier coup par mon éditeur Stephen Carrière comme s'il avait été branché en prise directe avec mon cerveau), je trouve que ce titre réussit au mieux le challenge, surtout par rapport « aux titres auxquels vous avez échappé ».
Même si on peut comprendre le besoin d'objectif commercial pour ton éditeur et pour toi, ce titre est une véritable provocation - dans le mauvais sens du terme - pour beaucoup de féministes. Beaucoup d'opposants au féminisme risquent de nous agiter ton livre sous le nez en disant que "même une féministe dit que cela n'existe pas". Ne crains tu pas ce retour de bâton ?
Ben s'ils l'agitent dans ce sens, c'est qu'ils n'ont pas lu le livre. Donc non, cela ne me fait pas du tout peur. Au contraire, je m'amuse plutôt à l'idée que plein d'anti-féministes puissent se précipiter dessus pour conforter leurs biais, et risquent d'en sortir soit déboussolés, soit retournés dans leurs a priori. C'est un peu un livre d'entrisme féministe, en fait. En outre, je considère que la "provocation" appartient à ceux qui se sentent provoqués, pas à ceux qui semblent provoquer. Dans le cas contraire, on justifie le tabassage de pédés ou le passage à l'AK47 de dessinateurs de presse. Et puis, intellectuellement parlant, la provocation est souvent une rampe d'accès à une pensée différente – c'est-à-dire l'acte même de penser – et je ne vois pas ce qu'il y a de négatif ou de risqué là-dedans. Ne pas être "provoqué", "chamboulé", c'est stagner.
Pourrait-on dire ou créer le terme "féministe évolutionniste" pour te définir ?
J'ai créé moi-même le terme d'évoféminisme pour définir « ma » pensée, c'est-à-dire un féminisme qui prend comme base, comme matière, le paradigme darwinien et évolutionnaire. Mais aussi un féminisme évolutif, en mouvement, en état perpétuel d'amendement, de correction, d'adaptation, etc. Comme l'est la science moderne et comme l'est le vivant. Depuis plusieurs années déjà, beaucoup de chercheurs darwiniens ont « inclus » du féminisme dans leurs travaux pour faire de la meilleure science. C'est le cas, par exemple, de la primatologue Sarah Blaffer Hrdy, qui a été une des pionnières en termes de réévaluation du rôle dévolu aux femelles dans la sélection sexuelle. M'est avis que le féminisme devrait inclure ce que la science nous apprend de nous-mêmes pour devenir lui aussi meilleur.
Qu'est-ce que la sélection sexuelle dont tu parles beaucoup dans tes livres ?
C'est le second mécanisme de l'évolution découvert par Darwin, objet de son ouvrage La descendance de l'homme. Le premier, énoncé dans l'Origine des Espèces, est la sélection naturelle : ce qui fait que les espèces (c'est-à-dire les individus qui les composent) changent au cours du temps en s'adaptant aux contraintes de leur environnement, parce que ces variations leur procurent un avantage différentiel dans le cadre de la lutte pour la survie. Exemple schématique : telle forme de dent va être naturellement sélectionnée parce qu'elle est plus efficace pour mastiquer, et donc pour extraire des calories de tels aliments présents dans tel environnement, et donc pour survivre, et donc pour se reproduire, et ainsi de suite. La sélection sexuelle, c'est tout ce qui relève, au sein d'une même espèce à reproduction sexuée et chez l'un des deux sexes, des traits favorisés (ou non) par les membres de l'autre. Très souvent, la sélection sexuelle est même « plus forte » que la sélection naturelle, comme la force électromagnétique est plus forte que la force gravitationnelle. L'exemple classique, c'est les plumes du paon : du point de vue de la sélection naturelle, ces plumes sont débiles, car elles attirent les prédateurs, mais reste qu'elles ont pu perdurer car les paonnes adorent ces plumes – elles copulent davantage avec des mâles colorés, avec plein de grosses plumes remarquables, qu'avec les plus ternes et moins dotés en plumage. Au bout d'un moment, parce que les avantages « sexuels » des traits « extravagants » supplantent leurs coûts « naturels », ils en viennent à dépasser/supplanter les traits « discrets ». D'autres traits peuvent avoir autant d'avantages sur le plan de la sélection sexuelle que de la naturelle, comme la taille ou la musculature, par exemple : au cours de l'évolution, les femmes ont pu favoriser les hommes grands et/ou musclés parce que ces traits leur procuraient (à eux) un avantage en termes de survie, ce qui par la même occasion leur permettaient (à elles) d'accéder à des avantages en termes de reproduction. En résumé, ce qui relève de la sélection naturelle est sélectionné par l'environnement, ce qui relève de la sélection sexuelle est sélectionné par le sexe avec qui vous devez en passer pour vous reproduire, mais ces deux mécanismes sont évidemment loin d'être toujours hermétiques l'un à l'autre.
Tu parles de "évoféminisme" c'est-à-dire un féminisme qui prend comme base, comme matière, le paradigme darwinien et évolutionnaire". Peux tu nous définir ce qu'est l'Evolution et le paradigme darwinien ?
L'évolution, c'est la modification graduelle et perpétuelle des espèces vivantes en réponse et en fonction des contraintes spécifiques de leur environnement. Je parle de paradigme darwinien parce que si, à la base, Darwin (et Wallace) a découvert des lois biologiques, leur très grande force scientifique est de pouvoir s'appliquer à un nombre extraordinaire de processus, loin d'être limités au cadre strict de la biologie. Il y a, par exemple, une évolution culturelle : les cultures changent, elles aussi, au cours du temps sous la pression de contraintes environnementales, contextuelles. Des chercheurs travaillent aussi sur la médecine darwinienne – comment certaines maladies peuvent être envisagées (et traitées) comme des syndromes maladaptatifs, à l’instar de l'obésité, des troubles métaboliques comme le diabète, le cancer, la maladie d'Alzheimer et autres démences séniles, etc. –, il y en a d'autres qui se spécialisent en psychologie ou même encore en éthique évolutionnaires. Le champ de ce « paradigme » est très vaste, parce que les champs d'application des lois fondamentales découvertes par Darwin – notamment : les éléments les plus adaptés perdurent et se développent, les moins adaptés périclitent et disparaissent – le sont tout autant. Les objets changent, mais les mécanismes fondamentaux restent les mêmes. Sans vraiment le savoir lui-même, Darwin a découvert l'infrastructure la plus essentielle du monde vivant, dans tous ses aspects. En l'état actuel des connaissances, aucun « secteur » du vivant n'échappe aux lois découvertes par Darwin et affinées depuis par ses successeurs. Un processus d'affinage qui est d'ailleurs toujours en cours.
Ton précédent livre Le sexe des maladies parlait de la médecine différenciée ; peux-tu nous en parler ?
La médecine différenciée est née d'un constat, fait en gros depuis la fin des années 1990 : un tas de maladies ont un « tableau » significativement différent selon le sexe du malade. J'ai voulu faire ce livre pour synthétiser au mieux et au plus accessible l'état des connaissances en la matière, parce qu'elles sont aujourd'hui plus que conséquentes. D'abord d'un point de vue purement scientifique : statuer de ce qui est. Mais aussi d'un point de vue relativement « militant », parce que l'idéologie de « l'indifférentalisme » sexuel – pour résumer : il n'y aurait pas de différences d'ordre physiologique entre hommes et femmes, et même si c'était le cas, les différences socioculturelles (construites et « déconstructibles ») sont bien plus importantes, dans tous les sens du terme, et ceux qui prétendent/défendent le contraire cherchent à (ré)établir une hiérarchie conservatrice entre les sexes – peut être atrocement délétère pour la recherche médicale et, en fin de compte pour la prise en charge des patients (qui sont souvent dans ce cas des patientes). Par exemple, il y a quelques années, des féministes américaines s'étaient insurgées contre une mise à jour de la notice d'un somnifère, le zolpidem (Stilnox) parce qu'elle précisait que les femmes devaient en prendre la moitié d'une dose « normale » pour en ressentir les effets escomptés. Pour dénoncer ce qu'ils estimaient être du « sexisme », des groupes avaient fait le pied de grue devant le laboratoire en question, envoyé des pétitions au gouvernement fédéral, etc. En fin de compte, la modification de la notice avait été actée – sur la base de connaissances vieilles déjà d'une dizaine d'années à l'époque –, mais si cela n'avait pas été le cas, des femmes auraient continué à prendre une dose trop forte d'un somnifère et auraient eu davantage de risques d'effets secondaires, et notamment d'accidents de la route causés par une baisse de leur vigilance. En quoi est-ce que féministe de faire passer des « principes » devant la réalité, surtout quand ces principes peuvent avoir comme conséquence très réelle d'envoyer des femmes s'emplafonner dans des platanes ? C'est absurde et c'est dangereux. Comme je le disais plus haut, j'aborde le féminisme par la pensée, les faits, la méthode rationnelle. Et si ces éléments en viennent à se révéler contradictoires avec des principes d'inspiration idéologique, alors ce sont eux qu'il faut modifier, parce que la réalité est dramatiquement bien moins « flexible ». Napoleon Chagnon dit souvent qu'il y a deux types d'anthropologues : ceux qui collectent les faits et font des théories permettant un tant soit peu de les ordonner, au risque de les modifier si jamais de nouveaux faits ou des faits plus précis apparaissent, et ceux qui font des théories et qui, s'ils trouvent des faits qui leur sont contradictoires, estiment qu'ils se sont trompés dans leurs calculs. Cette dichotomie peut, à mon sens, être appliquée au féminisme. Si votre idéologie ne « colle pas » avec le réel, il y a de plus grandes chances que ce soit votre idéologie la fautive, pas la réalité.
Tu écrivais en 2010 un hommage à Valérie Solanas appelé Ex utero manifesto ; c'est un texte extrêmement violent - ceci dit sans jugement - comme peut l'être Scum manifesto. Es-tu pleinement en accord avec ce texte en 2015 ? Est-ce qu'il te semble que ton écriture et ta pensées sont moins radicales aujourd'hui ?
Je dirais que mon écriture me semble surtout moins « lyrique » aujourd'hui, même si j'aime bien, par ci par là, distiller des paragraphes un peu plus « emportés » que d'autres. Reste que je suis toujours d'accord avec ce texte : à mon sens, l'un des plus gros obstacles que les femmes ont à surmonter pour devenir les égales des hommes, et notamment pouvoir jouir des mêmes opportunités, c'est tout ce qui a trait à leur appareil reproductif. Qu'on le fasse de manière symbolique ou prosaïque, notamment avec l'utérus artificiel que j'appelle plus que jamais de mes vœux, mais qu'on le fasse. Ou, plus précisément : que celles qui ont envie de le faire puissent en avoir les moyens. Et j'aime toujours autant Valerie Solanas (que j'ai toujours appréciée d'un point de vue littéraire, je précise en passant).
Si l'on invente l’utérus artificiel, quel devient l'utilité des femmes, tant au niveau de l'évolution qu'au sein d'un monde patriarcal ? Ont-elles encore une utilité ?
Non, vu qu'on aura toujours besoin d'elles pour produire des ovules, en attendant d'inventer des ovules artificiels. D'ailleurs, dans notre monde patriarcal comme tu dis, on est scientifiquement plus proche de produire en série des spermatozoïdes synthétiques que des utérus ou des ovules, comme on est bien plus proche du clonage humain par parthénogenèse que de l'auto-suffisance reproductive des hommes, au risque de les rendre bien plus rapidement inutiles...
En outre, il est extrêmement peu probable que l'utérus artificiel, même s'il est inventé, devienne le mode général de reproduction de l'humanité, comme aujourd'hui la PMA est loin d'être le mode « par défaut » de reproduction ou comme « tout le monde » ne se sert pas de contraception, etc. Cela ne fera qu'ouvrir une nouvelle porte, diversifier encore un peu plus « l'offre » reproductive disponible.
Tu traduis extrêmement souvent pour Slate des textes de Lauren Wolfe, peux tu nous parler d'elle ? Pourquoi choisis tu aussi souvent de la traduire?
Je la suis et connais son travail depuis assez longtemps, grâce à « Women under siege », un site qui documente, pour parler d'une façon très générale, le « viol comme arme de guerre », c'est-à-dire les liens entre conflits et violences sexuelles infligées aux femmes. Quand j'ai vu qu'elle commençait à être publiée dans Foreign Policy, que Slate.fr a le droit de traduire, je me suis jetée dessus parce que c'est le genre de voix qu'on entend assez peu, je trouve, en France. D'un côté, elle a un bagage journalistique extrêmement solide – c'est une des meilleures reporters que je connaisse –, de l'autre, une vision militante très forte, sans que ni l'un ni l'autre ne se grignotent. Enfin, elle choisit des sujets, parle de pays, etc. à mon sens sous-traités dans la presse en général et la francophone en particulier. Pour résumer, la plupart du temps, ses articles me font dire « elle va non seulement apprendre des trucs aux gens, mais aussi leur faire comprendre que les trucs qu'ils pensaient savoir ne sont en fait pas si vrais », soit, selon moi, ce qu'on peut souhaiter de mieux à des lecteurs.
Tu avais co écrit avec Lola Lafon une tribune sur Polanski ; pourquoi ce choix ? Pourquoi cette affaire-là t'a marquée plus spécifiquement ?
Parce que cette affaire, notamment dans son traitement médiatique, était un peu le prototype d'une affaire de viol et de ce que beaucoup de femmes violées peuvent endurer. Le fait que même dans une « histoire » où les faits sont connus, sans aucune ambiguïté, où il y a des preuves, où l'accusé ne nie pas, etc., on arrive non seulement à une lacune de justice, mais à une inversion totale de la réalité où le « bourreau » devient la « victime », et inversement. Mais ça, c'était avant les affaires DSK, qui ont sans doute tout explosé en la matière.
Ensuite, cela m'intéressait de travailler avec Lola Lafon et non seulement de proposer une synthèse publique de nos points d'accords, mais de le faire d'une manière plus littéraire que proprement argumentative.
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Beaucoup ont tendance à voir les féministes comme un groupe monolithique, dont les membres seraient interchangeables. Le féminisme est, plus que jamais, riche de personnalités très diverses.
J'ai donc décidé d'interviewer des femmes féministes ; j'en connais certaines, beaucoup me sont inconnues. Je suis parfois d'accord avec elles, parfois non. Mon féminisme ressemble parfois au leur, parfois non.
Toutes sont féministes et toutes connaissent des parcours féministes très différents. Ces interviews sont simplement là pour montrer la richesse et la variété des féminismes.
Interview de Marion.
Son twitter : @marion_mdm
Bonjour peux-tu te présenter ?
Bonjour ! Moi c'est Marion, j'ai 30 ans, je suis cadre dans la communication, et j'habite Paris... Blanche, hétéro, cisgenre, autant dire que je suis une vraie privilégiée et que l'on peut me qualifier de féministe bourgeoise (mais je le prends bien)
Depuis quand es-tu féministe ?
Pour simplifier je dis que je suis devenue féministe très tôt car je voulais sortir en boîte à 16 ans. Mais en vrai, c'est un héritage familial. Ma mère ne s'est jamais définie comme féministe, pourtant elle a toujours été attachée à son indépendance et à sa liberté d'action. Ca remonte à très loin, mais elle est issue d'une famille très machiste avec des frères omni présents, dans une grosse fratrie où les filles étaient mises en formation couture et les garçons en formation bâtiment. Bref, ma mère voulait sortir, aller au bal, rencontrer des garçons, et à chaque fois ses grands frères venaient la chercher pas la peau du dos car une fille ne devait pas sortir... Ce qui fait que quand elle a eu une fille, elle a toujours dit "ma fille sortira comme elle voudra." Mon grand frère sortait beaucoup aussi, ce qui fait que quand j'ai voulu suivre son exemple, ma mère m'a appuyée malgré toutes les réticences familiales, les remarques des voisins... Ouin dans les années 2000 c'était encore comme ça. C'était aussi une grande militante anti slutshaming qui dit toujours "on dit d'un homme que c'est un Don Juan mais d'une femme que c'est une salope". Cela peut paraître léger mais mon enfance et mon adolescence ont été bercées par ça , ce qui fait que j'ai toujours été très attachée à cette notion de liberté et d'égalité : que je sois une femme ne doit pas m'empêcher de vivre ma vie comme bon me semble.
Dans les faits, c'est plus compliqué, c'est que ce qui fait que je me revendique depuis toujours ou presque comme féministe. Pour l'anecdote, ma grand-mère s'était remariée avec un homme maltraitant, au collège on étudiait la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen; alors un dimanche de visite chez elle, j'avais entrepris de lui citer des passages pour lui dire qu'elle devait pas se laisser faire quand il l'empêchait de faire des choses. Après tout c'était écrit dans un texte très important !
Pourquoi selon toi, ta mère ne s'est jamais définie comme féministe ?
Pour tout avouer, je ne lui ai jamais vraiment posé la question. Mais je pense qu’elle a vécu à une époque où se définir comme féministe c’était être militante au MLF. Rien à voir avec les réticences actuelles à se dire féministe car ce serait un gros mot, juste un fossé entre quelqu’un qui a arrêté l’école très jeune, qui n’a fait partie d’aucun mouvement politique ou association et la portée symbolique de se définir comme militante, avec tout l’engagement et l’implication qui allaient avec.
Beaucoup de gens te diront que, comme tu es une fille, tu risques le viol et les agressions sexuelles si tu sors. Il est donc normal qu'on veuille protéger les filles ; c'est pour leur bien. Qu'as-tu à répondre à cet argument ?
Pour l’anecdote - j’adore les anecdotes - quand avec ma meilleure amie on était en vacances avec mes parents dans une station balnéaire vers 17-18 ans, on leur expliquait que si on allait en after et qu’on rentrait à 8 heures du matin c’était car les cinq-dix minutes de trajet à pied étaient plus dangereuses à 4 heures du matin qu’une fois le soleil levé quand les vieilles dames promenaient leur bichon. Cet argument d’extrême mauvaise foi avait plutôt bien fonctionné.
En vrai, je pense qu’un homme est autant soumis à des dangers quand il sort : j’ai un pote qui a eu du GHB dans son verre et s’est retrouvé sur le trottoir sans son portefeuille, d’autres qui se sont battus avec une bande de mecs et ont fini à l’hosto. Bref, on dit aux jeunes filles que le monde extérieur est un danger pour elles pour bien leur faire comprendre que dans le fond elles n’ont rien à faire dehors.
Après ça n’empêche pas de se responsabiliser et d’appliquer des règles de bon sens qui sont valables pour tous, hommes comme femmes : ne pas monter en voiture avec des gens ivres, faire attention à son verre, avoir son téléphone sur soi, savoir comment rentrer chez soi …
Qu'est-ce-qui te touche spécialement dans le féminisme ; as-tu des sujets qui te tiennent à cœur ?
Je n’ai jamais réussi à me rattacher à une mouvance. Je suis d’accord avec l’approche du féminisme intersectionnel mais étant plutôt tout en haut de la hiérarchie des oppressions, (blanche, boulot de cadre, hétéro, citadine…) j’estime que je n’ai pas à me positionner là-dessus pour laisser à place aux concernées.
Du coup je suis d’abord plus sensible à ce qu’on qualifie de sexisme ordinaire : tous les comportements qui font que dans la vie quotidienne on introduit une différence entre les hommes et les femmes car c’est la tradition, car c’est « comme ça qu’on fait ». Par exemple, j’ai 30 ans, c’est le moment où beaucoup de gens se marient et font des enfants et je trouve que le patriarcat revient souvent au galop à ce moment-là : la tradition du mariage en robe blanche, église et le papa qui accompagne à l'autel, transmission du nom de famille aux enfants, changement de nom de famille de la femme, essentialisation de la figure de la mère, congé parental, tâches domestiques… Pas dans tous les cas certes, [#notallcouples] mais souvent, trop souvent pour que ce soit juste un « choix personnel ».
Autre sujet, évidement, le slutshaming, c’est mon héritage et quelque chose dont j’ai été victime moi-même, alors je ne laisse rien passer là-dessus.
La misogynie m’irrite beaucoup également, je peste à chaque fois que je vois des blogueuses mode se faire tacler sur les réseaux. J'essaie de ne pas employer un langage sexiste : je suis prête à reprendre une féministe qui va traiter une femme de conne ou de connasse ; et je cherche activement des insultes non sexistes, c’est pas facile.
Puis enfin, mon combat du moment ce sont ces mecs qui estiment devoir donner leur avis sur le physique des femmes sur internet. Récemment on m’a dit que je devrais sourire plus sur mes photos instagram, pour les égayer. Ou comment ramener une femme proprement et calmement à son rôle de décoration. Du coup je réponds « personne ne t’a demandé ta validation », et rien à fiche si je passe pour une cinglée, un jour ça rentrera !
Tes amis et ta famille savent-ils que tu es féministe ?
C’est marrant cette question, car si j’y réfléchit bien tous mes amis de « maintenant » connus à paris, qui bossent tous peu ou prou dans le web me suivent sur Twitter donc je m’en cache pas. Par contre si je prends mes amis d’enfance, je ne me suis jamais vraiment positionnée sur le sujet. Ils doivent s’en douter car je ne cache pas tellement mes opinions et je n’hésite pas à dire mon désaccord mais on ne se voit pas assez souvent pour que cela devienne un vrai sujet de conversation ou de désaccord.
Quant à mes parents et ma famille proche, ça n’a jamais été un grand secret !
Plein de gens penseraient que c'est plutôt gentil et sympa de te faire une remarque gentille sur tes photos ; pourquoi n'acceptes-tu pas ces remarques et parles-tu de "validation" ?
Sur le cas qui a déclenché mon petit combat c’était plutôt désagréable dans la mesure où c’était une remarque déplacée d’un mec que je connaissais de nulle part.
Mais d’un point de vue plus général, chaque fois qu’une femme arrive quelque part, c’est son physique qu’on regarde en premier : est-ce qu’elle est jolie ? Mince ? Féminine ? Si elle correspond à ces critères fortement hétéros centrés & occidentaux c’est bien, elle passe le test, elle est validée.
Sinon gare à elle, et elle sera critiquée et dépréciée peu importe qu’elle soit intelligente, qu’elle fasse des choses passionnantes ou qu’elle soit super drôle. Un homme a la chance incroyable de ne pas être vu avant tout sur son physique. On peut citer les différences de traitement entre les femmes et les hommes politiques dans la presse : les femmes sont décrites par le menu, leur charme, leurs vêtements, leur féminité, quand personne ne décrit systématiquement l’apparence des hommes politiques.
Un exemple que je trouve parlant c’est qu’on ne voit pas spécialement de présentatrices télé qui ne rentrent pas dans les critères de validation (jeune, mince, jolie…) alors que les présentateurs télé ont bien plus de possibilités : ils peuvent être quasi grabataires et continuer d’animer une émission télé ou de présenter le journal. Pour rire (jaune), tapez présentateurs télé dans Google Images, puis tapez présentatrice télé au même endroit... Il y a bien quelques exceptions mais elles sont rares !
Au bout d’un moment, cela me devient insupportable, j’en ai marre que les femmes soient définies par leur physique, je n’ai pas envie d’être définie par mon physique. Je n’ai pas envie d’être jugée sur mon apparence par des mecs que je ne connais pas. Faire un compliment c’est certes gentil mais c’est une forme de sexisme bienveillant. Ramener systématiquement une femme à son physique même pour le complimenter c’est la réduire à ça, c’est nous chosifier alors qu’on est des personnes.
Si je devais résumer : toute ma vie n’est pas centrée sur le fait de plaire aux hommes.
Peux-tu nous parler du slutshaming et ce que cela désigne pour toi ?
Je sais que ce terme de slutshaming n’est pas super apprécié dans certains sphères féministes car trop « jargonnant », mais quand je l’ai découvert ça a été la révélation. Enfin un mot clair pour expliquer un truc que j’ai vécu pendant des années.
Par exemple, un jour un odieux misogyne a dit à ma meilleure amie « Si Marion continue de se comporter comme ça elle trouvera jamais de mec ». Par comme ça comprendre : embrasser des mecs en boîte, sortir, boire et enlever ses chaussures quand on a trop mal aux pieds.
Le slutshaming c’est considérer que les femmes doivent bien se tenir : avoir une vie amoureuse, oui, mais monogame dans une relation stable, hors de question d’avoir des flirts ou des relations sans lendemain, ne pas s’habiller avec des jupes courtes, ne pas sortir, ne pas boire, si elles dérogent à ces principes de vie d’une femme bien comme il faut ce sont des salopes, et on leur fait durement remarquer. Le slutshaming c’est un moyen de contrôle des femmes qui ne veulent pas suivre les lois du patriarcat quand il s’agit de leur comportement amoureux et de leur habillement.
En quoi pour toi est-il misogyne de tacler des blogueuses mode ?
Tu as fait un excellent article sur la misogynie intégrée alors je ne vais pas en reparler !
Mais je rajouterai que dès qu’une femme s’expose sur Internet elle est victime de harcèlement collectif. Je n’ai pas vu de campagnes de « bashing » systématiques comme en sont victimes les blogueuses mode sur des blogueurs mode, par exemple, pourtant ils existent et traitent les mêmes sujets. Une youtubbeuse qui sort un livre pour ados, c’est intolérable, elle ne devrait même pas avoir le droit d’être éditée, un blogueur qui sort un livre c’est de la littérature et on se précipite à ses séances de dédicaces. D’ailleurs certains blogs de mode masculine ont sorti des livres aussi, c’est passé inaperçu. Il y a ici une différence de traitement qui devient criante. C’est tellement systématique que c’est juste une façon de dire aux femmes, là encore : le monde extérieur n’est pas fait pour vous, alors vous ne voulez quand même pas réussir professionnellement ?
Rencontres-tu du sexisme dans ton boulot ? Sous quel forme s'exprime-t-il ?
Je travaille dans la communication, donc c’est un secteur très féminin. On pourrait se dire « génial il y a une majorité de femmes dans ce secteur, c’est donc un milieu non sexiste ! ». Pourtant quand on y regarde de plus près on remarque que les postes de haut niveau sont réservés aux hommes : combien de directeurs d’agence sont des femmes ? Combien de femmes sont associées dans les grandes agences de communication ? Combien de directeurs de création sont des femmes ?
Au final j’ai souvent travaillé dans des ambiances assez machos, où faire des remarques sur le physique des stagiaires femmes c’est rigolo, où ce n’est pas rare de voir que des hommes évoluent plus vite, où l’ambiance souvent « bière foot » n’est pas facile niveau intégration – pourtant j’adore la bière. Le plafond de verre c’est un truc très sournois, on n’y croit pas tellement jusqu’à ce qu’on le voit en vrai, car bien sûr on m’a jamais dit « on recrute un mec car toi tu vas tomber enceinte », mais quand on voit la répartition des effectifs, c’est beaucoup plus pernicieux. Il y a de quoi de poser des questions. Le pire c’est qu’on finit par croire qu’on est nulle, que c'est notre faute !
On entend souvent dire - y compris par les femmes - que les secteurs très féminins sont une plaie et qu'il vaut mieux travailler avec des hommes. Que penses-tu de cette assertion?
Je pense qu’elle est empreinte de misogynie. C’est moins bien de bosser avec des femmes car elles seraient des pestes, colporteraient des ragots, seraient jalouses des autres femmes. Jolie image de la sorcière ! Par ailleurs, je soupçonne aussi une forme de racisme de classe sur cette croyance : cela fait référence à des bureaux de femmes à des postes peu qualifiés.
En vrai, l’ambiance dans les lieux de travail est très liée à l’organisation du travail lui-même, au management en place, au travail proposé aux salariés. Bien sûr que si l’entreprise encourage la compétition entre les salariés cela va être « marche ou crève ! ». Dans mon secteur il y a des entreprises réputées pour être des paniers de crabes et d’autres non, et cela n’a rien à voir avec le genre des salariés.
On m'a dit un jour que tout n'était qu'affaire de talent et de book dans la milieu de la création ; qu'aurais-tu à dire sur cela ?
C’est utopique de penser que tout est une histoire de talent dans les métiers créatifs : on connaît tous des gens très talentueux qui n’arrivent pas à faire reconnaître leur talent ou végètent dans des métiers où ils ne s’épanouissent pas. Se faire reconnaître dans son travail ça implique aussi une bonne relation avec son management, se voir confier des projets intéressants, savoir se vendre, avoir la gueule de l’emploi, être bien intégré, être au bon poste au bon moment. Le monde de l’entreprise est hyper sournois. On sait que les femmes savent bien moins se vendre dans le travail, et au cas où on me pose la question : ce n’est pas nos ovaires qui sécrètent des hormones qui font qu’on se met moins en avant, mais plutôt une histoire d’éducation. D’ailleurs, on sait ce qui arrive aux femmes qui se mettent trop en avant : on leur fait des remarques sexistes...
Par ailleurs, dire « tout est dans le book », et si les hommes réussissent mieux sur leur book, cela veut logiquement dire que les femmes ont un book moins bon. Cela veut dire quoi du coup ? Que les femmes sont moins talentueuses que les hommes ? Qu’elles sont moins douées en création ? C’est extrêmement sexiste d’attribuer à un genre des qualités et des attributs particuliers.
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Beaucoup ont tendance à voir les féministes comme un groupe monolithique, dont les membres seraient interchangeables. Le féminisme est, plus que jamais, riche de personnalités très diverses.
J'ai donc décidé d'interviewer des femmes féministes ; j'en connais certaines, beaucoup me sont inconnues. Je suis parfois d'accord avec elles, parfois non. Mon féminisme ressemble parfois au leur, parfois non.
Toutes sont féministes et toutes connaissent des parcours féministes très différents. Ces interviews sont simplement là pour montrer la richesse et la variété des féminismes.
Interview de Lorraine.
Peux-tu te présenter ?
Alors, je m'appelle Lorraine, je suis journaliste et bloggeuse. J'ai 28 ans, je fais pas mal de sports, j'habite en province. Je suis critique livre et série pour un site de culture pop, ça c'est pour le côté blog. Sinon, je suis dans une relation monogame avec un homme depuis 9 ans, mais ne me définit pas sexuellement et sentimentalement comme hétéro. Bi ou queer, j'imagine serait plus ma définition, même si j'avoue ne pas le faire trop en public. Côté sport, j'ai fait du parachutisme pendant 6 ans, là je suis plus en montagne et fais de l'escalade. J'aimerai bien me lancer dans une thèse, en socio et gender studies, et dois économiser un peu pour ça. Ou alors réussir à être pigiste de façon continue et en vivre.
Depuis quand es-tu féministe ; y-a-t-il eu un déclic particulier ou est-ce venu progressivement ?
Le féminisme a toujours été dans ma famille. Mon père surtout, ne me considérait pas comme différente de mon frère, et comme j'étais l'ainé, j'avais le droit de boire à 18 ans, un verre de whisky avec lui en fumant ma cigarette quand lui fumait la pipe. Il m'a offert Ainsi soit-elle, de Benoite Groult. Mais je pense que mon féminisme est issu de ma sexualité. En fait, mon père, en parallèle, quand je posais la question de ma sexualité (à savoir, bi au moins, car j'aimais quand même les garçons), me disait que ça n'existait pas. Mauvaise expérience renouvelée à 18 ans, quand un ami gay dénigre les bis devant moi en me disant : "il y a deux choses à éviter dans le milieu : le Sida et les bis". Puis, à 21 ans, je suis partie dans le cadre d'un échange aux Etats-Unis et ai suivi des cours de "Gender studies" (à savoir : histoire du mouvement LGBT, mon enseignant se nommait Bob Connelly). Et j'y ai découvert Kinsey, le fait que la sexualité est fluide... Découvrant que j'existe, je me lance à fond dans les livres, au centre de ressources LGBT du campus. Bizarrement, c'est en me rendant compte de cette biphobie, ce dénigrement (car je n'arrivais pas à me définir, je refusais d'être attirée par des filles, je n’avais pas le droit car je n’existais pas), cette discrimination, que je suis devenue féministe. Les deux me semblent intimement liés (Bourdieu explique à la fin de la Domination masculine, que plus une société est patriarcale, plus elle est homophobe). Je suis devenue féministe car l'éducation, la parole libre me semblent importants pour permettre aux jeunes, filles comme garçons, de se construire.)
Tu pratiques des sports considérés comme masculins et dangereux ; t'a-t-on déjà fait des remarques à ce sujet ? Comment réagis-tu ?
C'est amusant que tu me dises qu'il s'agisse de sports masculins. Pour tout te dire, c'est la première fois que l'on me le dit. Je sais qu'il y avait moins de filles que de garçons, et c'était dur de se faire sa place car j'avais 16 ans, là où la majorité avait 25-30 ans. J'imagine que dans le milieu, il y a beaucoup de filles qui sautent, enfin, c'est connu, donc on te fait pas de réflexion sur ton sexe. Les trucs les plus sexistes que j'ai vu sont : les hommes qui matent tes fesses quand tu plies ton parachutes, à genoux les coudes au sol (pour aplatir la voile) et les fesses en l'air ; les mecs qui plient ton parachute parce que tu es une fille ; les mecs qui font la différence entre les femmes qui sautent et celles qui sont là, accompagnant leur mari ou présente sans sauter, et assez dénigrées. Le sexisme y existe, avec un gros double standards entre les femmes et les hommes qui couchent (tu vois l'image du surf donné dans Point Break ? La fête, un peu d'herbe, le sexe ? Voilà, c'est à peu près ça). Après, je n'en ai pas trop souffert, étant trop jeune. Quand ça a commencé à chauffer, disons mon avant dernière année, à 19 ans, je suis sortie avec deux copains à deux semaines d'intervalles. Les deux mecs étaient d'accord, je veux dire, cela s'est très bien passé. Mais j'ai compris que le regard des autres étaient un peu empli de jugement. Quand j'ai voulu présenter mon copain (le types avec qui je suis depuis 9 ans), j'ai eu le droit à un (sur le ton de l'humour) : "c'est ton gode sur patte?". Mais je pense que j'aurai été un mec, j'aurai eu le droit à : "c'est ta poupée gonflable?". C'est un milieu assez libéré sexuellement, ce qui n'empêche pas les clichés et stigmates. La mère de mon compagnon était parachutiste aussi, comme lui, et donc, il n'a jamais eu ce présupposé de "masculin".
Le côté dangereux ne m'a pas souvent été jeté au visage non plus. Je suis la "casse-cou" de la famille et quand je me suis fait les ligaments croisés en tentant une descente en longboard il y a trois ans, j'ai plus eu le droit de ma mère à un grand soupir en mode "ben voyons, ça ne m'étonne même pas". Elle est bien plus lourde quand elle me dit que je manque de grâce et que si je continue à être brusque comme ça, je ne trouverai pas de mec (jusqu'à ce que j'en trouve un). C'est elle la moins féministe de la famille, qui a voulu (et veut encore) que je me fasse refaire le nez parce que je serais plus jolie. Mon père et mon frère hurlaient quand elle me disait ça. Bon, je suis peut-être devenue féministe parce que ma mère, au foyer, ne l'était pas.
Mais bref, côté montagne, plus que le danger, je vois ça comme un partenariat d'égal à égal avec mon compagnon de cordée (toujours mon mec la plupart du temps) : sa vie est entre mes mains et l'inverse est vrai aussi. Si je veux progresser, je dois être autonome. Si je ne vais pas bien, ou ne sais pas me gérer, c'est là que le danger arrive. Je dois devenir son égale, pour pouvoir le suivre ou passer la première ("en tête" dans le jargon de l'escalade). Famille de skieurs aussi, et skieurs hors-pistes, je n'ai jamais eu à souffrir d'un stigmate de danger ou de masculin (pour tout te dire, quand j'ai eu 7 ans, j'ai voulu faire du foot et là c'est mon père qui a refusé de me laisser faire ce sport de mecs. Il n’est pas parfait non plus).
Pour la montagne et l'escalade, dans le milieu, tu n'es pas jugée sur ton sexe, mais sur tes capacités, et ça fait une grande différence, quand l'accident est vraiment dangereux. Beaucoup de femmes grimpent "en second", moins "en tête". En tête, c'est quand tu es premier et que tu dois mettre la corde dans des mousquetons, tu tires la corde sous toi en avançant. Si tu tombes, c'est plus compliqué, plus effrayant et tu peux faire de sacrées chutes (à la clé, tu peux te faire vraiment mal, voir te tuer). En second, tu es tiré par la corde, qui est assurée, c'est moins dangereux. Je ne sais pas vraiment pourquoi cette distinction, si ce n'est que le second est en général "moins bon", "moins fort" que le premier. Mais aussi parce que les femmes apprennent souvent avec leurs compagnons, et donc sont moins doués car elles ont commencé après. Et sincèrement en grimpe comme en escalade, il n’y a pas vraiment de différences physiques : des filles vont être plus souples pour passer là, des garçons plus costauds pour se tracter... Ca demande de l'engagement et peut-être est-ce en ça que c'est moins sexiste. Il y a un certain respect dans le milieu.
Idem pour la montagne. Ok, quand on part longtemps, mon mec prend plus d'affaires que moi sur le dos, et ça m'arrange bien : il est plus costaud. Je crois que souvent, lorsqu'une cordée est mixte, en escalade ou en marche, c'est majoritairement des couples. Il faut pas mal de confiance en l'autre, échanger des moments tout sauf glamour (l'épreuve toilette en pleine nature, pleurer parce qu'on a peur), passer beaucoup de temps ensemble. Il y a peu de mixité dans les cordées quand ce n'est pas un couple. Il existe aussi des cordées d'amis très proche. Sinon, il y a aussi juste des potes qui vont grimper entre eux, et là c'est mixte. Ca dépend juste de la sortie. Quand je parle de cordée, en général, il s'agit d'une personne unique avec qui tu fais des choses "plus dangereuses», plus techniques, où tu sais que tu es à ta limite. C'est généralement une seule personne. Quand il s'agit de faire des choses plus simples, c'est différent, c’est du loisir. C'est compliqué pour ça la montagne, tout dépend de ton niveau et des objectifs de la journée. Plus c'est difficile, plus tu as intérêt à avoir une profonde confiance en la personne/les personnes avec qui tu es. Si le paramètre danger s'en va, ou est plus faible, tu peux t'ouvrir à d'autres. Mais non, seules tes capacités comptent. Après, je t'avoue, quand on part en bande, on est très peu de filles, peut-être deux, trois, et je suis généralement la seule (mais c'est aussi lié au fait que je n'ai pas d'enfant. Des amies ont arrêté quand elles en ont eu. Elles ont commencé à avoir peur, leur compagnon aussi parfois).
C'est peut-être pour ça que j'aime ces sports… Ils ont une petite pointe de dépassement de soi, de nature, de danger. Et on me fout la paix sur mon genre.
Après, c'est très compliqué de savoir si c'est parce que je suis en couple, ou si c'est parce que je suis une grimpeuse. J'ai rarement vu des exemples de sexisme envers des femmes dans ces milieux, ok, il y a des dragueurs lourds dans tous les endroits, mais on ne t'empêchera pas de faire quelque chose si tu dis que tu le sens. Quand je vais grimper seule en salle, qu'on ne me connait pas, personne ne vient m'embêter. On se laisse la place, on est poli, on s'entraide sur certains passages. C'est assez facile.
Par rapport à l'escalade et au parachutisme, il est intéressant aussi de noter qu'historiquement, ce sont des sports où il y avait beaucoup de femmes pionnières! De plus, les équipes nationales ou locales en parachutisme, dans toutes les disciplines, sont des équipes... Mixte! Ça doit faire partie des rares sports dont c'est le cas. Et c'est international.
Est-ce que la biphobie désigne la même chose que l'homophobie ?
Non, la biphobie n'est pas la même chose. C'est sûr. Je veux dire, si j'étais avec une copine et qu'on se fait insulter, sans que personne ne me connaisse/ne connaisse mon attirance, c'est de l'homophobie. La biphobie pour moi, c'est tout simplement la négation d'un état et une méfiance totale. Sois je n'existe pas : "c'est quoi être bisexuelle ? Un jour, tu te tapes un garçon, un autre une fille ? Ca ne veut rien dire" ; je dois donc choisir. Soit je suis un danger, véhiculeur d'MST et qui trompera son mec/sa meuf un jour ou l'autre parce qu'un seul sexe ne me suffit pas. On nie aussi un désir, une attirance, car quand je suis un homme, je suis hétéro, quand je suis avec une femme, lesbienne. Comme lors d'une interview, où Anna Paquin, qui vient de se marier est interrogé sur le fait qu'elle se dise bisexuelle alors qu'elle a un mari. Devoir choisir. Être infidèle. Ne pas exister. Une phase. Être pour les plans à trois. La biphobie, c'est un ensemble d'injures et de préjugés liés à une personne qui se dit/est bisexuelle, visible dans tous les milieux.
Quels sujets féministes te touchent davantage ?
J'aime beaucoup déconstruire les stéréotypes que je vois dans la culture populaire (là dernièrement, grosse discussions sur le rôle d'Anne Hathaway dans Interstellar).En sujets féministes, je me bats aussi pour l'égalité professionnelle, qui est loin d'être atteinte dans le milieu du journalisme : l'une des particularités de la presse quotidienne régionale est que, dans la mienne en tout cas, presque 90% des postes de responsabilités (rédaction en chef des locales, rédaction en chef web et édition) est tenue par des hommes (et des blancs). C'est très très difficile d'y faire face. J'essaye d'en blaguer.
Constates-tu du sexisme dans ton travail ? Comment y fais-tu face ?
Le pire que j'ai eu, ça a été cette année, un jour où je n'allais vraiment pas bien (mes deux grands-pères venaient d'avoir un cancer de diagnostiqué à littéralement 12h de différences), j'ai croisé un de mes supérieurs dans les couloirs (qui a plus de 60 ans) et qui m'a caressée la joue en passant à côté de moi. J'ai tellement été sonnée que je n'ai pas bougé et n'ai rien dit. Sinon, il y a les "elle est mignonne la nouvelle"! ou le pire, c'est quand tu interviews quelqu'un, un homme politique par exemple, et là c'est le pompon de paternalisme condescendant : "vous avez bien compris mademoiselle", "une jeune fille comme vous...", ils te caressent le bras, etc. Vu que tu as besoin de leur parler en général, tu souris et tu sers les dents.
Résultat, je me défonce sur le blog pour lequel je suis bénévole et je tacle les séries et les livres lorsqu'ils ont des représentations que je trouve un peu limite. Je me frite régulièrement avec des gens, mais bon, pour le moment, je n'ai perdu mon calme qu'une seule fois (et ai pourri la personne qui a pris pour toutes les précédentes, mea culpa). J'essaye de déconstruire le scénario, le mouvement de la camera, les interprètes, dernièrement ce fut le cas pour Penny Dreadful. Je crois que la culture populaire, les séries/livres/films sont fondamentaux pour ancrés des stéréotypes, et donc des avancées dans l'esprit des personnes, du public et comme j'ai des bases sur le sujet, je les utilise. C'est une façon de faire de la pédagogie, ou de s'énerver quand on en peut plus, en utilisant un médium que tout le monde peut avoir.
Tu es en couple avec un homme depuis 9 ans ; est-il féministe ? Peut-on parler des tâches ménagères ? Arrivez-vous au partage à égalité ?
Alors, oui, il est très féministe. Peut-être est-ce dû au fait qu'il a été élevé principalement par sa mère dans son enfance..."ou par des réflexions propres, je ne sais pas... Entre collègues, quand un déborde ou fait une réflexion peu classe, soit il lui rentre dedans, soit si le contexte n'est pas en sa faveur, il devient très ironique et sarcastique, mais de façon à ce que la personne ne sache pas si il est de son côté ou s'il doit se sentir offensé. L'ayant vu à l'œuvre, c'est assez effrayant. J'ai parlé avec lui du parachutisme et de l'escalade hier soir, c'est lui qui m'a rappelé le fait que de grands pionniers étaient des femmes ("Lynn Hill, tu sais, c'est elle qui a libéré le Nose au Yosemite, c'était mythique"). On réfléchit ensemble à des problématiques qui peuvent sembler futiles, types pourquoi les femmes ne grimpent pas plus en tête (quelles sont leurs freins ?). Idem sur les sexualités, quand je me suis prise la tête avec mon beau-père sur l'homosexualité, ce dernier s'est tourné vers mon copain, en lui disant :" et toi alors, tu feras quoi si ton fils est gay?" "-je lui souhaiterai tout le bonheur du monde").
Pour les tâches ménagères, il en fait généralement plus que moi. Il cuisine, je fais la vaisselle ou on la fait à deux (quand c'est moi qui cuisine, ce qui est plus rare, on inverse les tâches), il est plus maniaque que moi et passe plus souvent l'aspi. J'ai plus de vêtements donc je fais la lessive... Je pense que c'est dû au fait que j'ai été étudiante plus longtemps que lui, et donc travaillais tard le soir. Il faisait les tâches ménagères pour que je n’aie pas à le faire en plus de mes études. Maintenant, il demande à ce que je fasse plus ma part et je râle. On essaye d'être le plus équilibré possible. Je pense que c'est essentiel dans un couple, de se soutenir sur ces points. J'ai besoin d'être soutenue si je veux me présenter à des postes de responsabilité, quand je pars au clash ou ce genre de choses. C'est plus... réconfortant. Idem pour les enfants, on en parle, mais je n'en veux pas, et le congé mat' c'est lui qui en profitera le plus (ce n'est pas mon genre). Ca ne nous empêche pas de nous écharper sur certains points, bien entendu, notamment sur les espaces de non-mixité.
En quoi est-il important de déconstruire les séries, les films dont les représentations sont limites ?
Le problème n'est pas que oui, c'est juste une série. Juste un livre. Juste une histoire. Sauf qu'il s'agit de miroirs de la société, et il existe aussi des stéréotypes qui se produisent dans de nombreux ouvrages. Les livres, les films, les séries sont ce qu’on appelle des technologies de genre. Ils induisent des attentes sur leur public. Pour donner un bon exemple, c'est l'actrice Whoopi Goldberg qui découvre une actrice noire (Nichelle Nichols) jouant dans Star Trek et qui se rend compte qu’on n’attend pas forcement d'un acteur noir qu'il joue uniquement les serviteurs. Ces représentations s'inscrivent dans la mémoire de leur public et induit des attentes dans le rôle des femmes. Ainsi, en littérature SF, on peut parler de cyborg, de monstres outre espace, mais tu auras rarement des jeux sur le genre. Je peux te citer les ouvrages où c'est le cas, mais c'est rare : Ursula Le Guin et La main gauche de la nuit, Ayerdhal et l'Histrion... Et encore, il s'agit d'ouvrages datés et avec les stéréotypes de l'époque (femme douce etc...).
Une série a un créateur, un showrunner, qui va mettre sa patte, sa vision de la femme/homme/homosexuel dans la série et retranscrire ses convictions dans son spectacle (même sans le faire exprès. C'est pour ça qu'il faut le déconstruire). Mais c'est le cas aussi dans des avancées : ex. Ellen DeGeneres qui fait son coming-out dans la série Ellen, le fait que Queer as folks soit une série réalisée par un homme gay (Russell T. Davies), ce n'est pas anodin. Si Abdelatiff Kechich s'est fait engueuler pour Le Bleu est une couleur chaude, c'est aussi pour ça. Sans une lesbienne sur le plateau, comment veux-tu qu'il ne donne autre chose que sa version hétéronormée du lesbianisme? J'ai aimé le film (pas les scènes de cul) vraiment, mais oui, il s'est fait plaisir. Tu as beau te documenter sur le sujet, comment rendre compte d'une expérience qui t'es totalement étrangère, dans ton scénario et ta direction d'acteur ? Il faut se rendre compte de ses limites, je ne pourrais par exemple jamais rendre compte de l'expérience d'un immigré ou d'une femme noire sans parler avec elles, les impliquer dans un processus créatif. Que l'on le veuille ou non, nous sommes le fruit de structures qui se retranscrivent dans l'art, sous toutes ses formes, dans nos récits narratifs. Il faut donc travailler sur ces structures, les déconstruire pour s'en libérer. A l'inverse, regarde la série Sense8 réalisée par les Wachowski (un frère et une soeur trans donc) : c'est la première fois que j'entends une femme déclarer : "I love gay porn". C'est juste génial ! Exemple inverse : l'absence totale de discussion sur l'avortement dans les séries américaines, sans que cela ne soit un drame.
Si on travaille sur ces stéréotypes, ces structures, on peut alors jouer avec. On est pas obligé de ne pas les suivre, on peut toujours avoir des personnages féminins doux, mais il faut savoir pourquoi on le fait : parce que c'est une femme, ou parce que ça fait partie de son histoire en tant que personnage ? Et existe-t-il une pluralité de représentations, ce qui permet alors que toutes les femmes peuvent s'identifier, ou savoir qu'une femme n'a pas besoin d'être douce.
N'importe qui a accès à des séries. Les jeunes, les ados... les séries et les films ont-ils le devoir de leur montrer toute la palette des possibilités ? Peut-être pas (je pense qu'il faut qu'ils se rendent compte de leurs responsabilités tout de même), mais c'est là qu'entrent journalistes et chercheurs.
En quoi ces représentations peuvent-elles nous influencer nous spectateurs ?
C'est ce qu'on appelle en socio la performativité : le fait de dire quelque chose et que cela soit vrai. Le meilleur exemple est : "Je vous déclare maintenant mari et femme". Ces mots, prononcés dans un certain contexte, par une personne d'autorité, permet qu'effectivement, les deux personnes soient devenue magiquement mari, et femme. Cela peut prendre en compte la façon de parler, de bouger : le comportement est performatif. L'insulte, l'injure est aussi performative. Prenons "Sale pédé". Je, en tant que gay, vais associer le fait que je suis pédé (propos injurieux et donc honteux) et en plus que je suis sale. Donc qu'aimer les hommes est une chose immorale, impropre. Ces propos deviennent performatifs car répété par un grand nombre de personnes et toléré par la société.
Prenons cette idée de performativité, mélangeons là aux technologies de genre.
La télé, les séries, peuvent devenir performative par la simple représentation réitérée de stéréotypes. Exemple dans les publicités, ce sont les femmes qui lavent le linge. Exemple dans les séries, une femme qui couche avec plusieurs hommes au cours de la série est une garce. Je prends des exemples flagrant, il y en a de plus pernicieux, comme celui de l'usage du viol ou des tentatives de viol sur des personnages féminins pour montrer la cruauté d'un ennemi (ex : Buffy. Lorsque SPOILER Spike tente de la violer, elle se défend à peine, et Spike s'en va, rendu fou par son geste. Le but est de montré que Spike est méchant et a besoin de se rendre compte de cela pour retrouver son âme, et de montrer Buffy faible pour la faire sortir grandie de cette épreuve. Sauf que le viol devient une arme banale (car on le voit dans de nombreuses séries, ce qui a pour objet inverses de montrer tous les hommes comme des violeurs en puissance), et diminue Spike dans un sens : a-t-on besoin d'une tentative de viol sur un personnage féminin pour avoir envie de changer ? Buffy est objectiver dans ce passage, devenant une jeune fille sans défense et au lieu d'être un modèle de force, elle est réduite à son sexe, femme, et donc qui dit femme dit "objet de tentative de viol». FIN DU SPOILER.) Ou l'usage de ce qui est appelé le manpain : un personnage féminin auquel est attaché le héros va mourir pour lui permettre de prendre conscience de quelque chose et donc l'autoriser à être cruel/violent pour autoriser sa vengeance (ex : Abigael et Beverly Katz dans Hannibal).
Les personnages féminins n'existent alors que pour la souffrance causée au héros.
La performativité dans ces cas, c'est que la maison est le domaine de la femme. Elle seule est la responsable du linge /des couches (etc...). Ou en tout cas doit en faire partie (alors qu'une femme peut avoir le droit de ne rien faire à la maison), en être la maitresse de maison. Ce qu'on a vu de multiples fois est intégré, il devient vrai. Dans le second cas, on intègre le fait que la femme est faire valoir d'un homme. Ses soucis, ses tracas, sa personnalité n'est que renforcée en fonction de son lien avec quelqu'un de sexe masculin. Elle n'est pas responsable de sa propre vie.
Donc nous avons ces stéréotypes, répétés encore et encore, par différentes séries, de différents genres (séries historiques, séries fantastiques etc...). Et même si on sait qu'il ne s'agit que d'une série, c'est le manque de variété qui va naturaliser certains comportements, comme celui de la mère (douce), de l'homme qui a le droit de tout pour se venger. Après tout, une série est aussi la reproduction de certains traits de la société, pour permettre une identification à des personnages. Mais en répétant encore et encore les mêmes schémas, on ne permet pas à des personnages appartenant à des minorités de se reconnaître ou alors d'intérioriser certains des stéréotypes (ex : la folle dans Les filles d'a côté, qui donne l'impression alors que si on est gay on doit être efféminé, et si on n'est pas efféminé, alors on n’est pas gay). A l'inverse, présenter un personnage féminin de pouvoir sans stéréotypes (donc qui n'a pas sacrifié sa vie de famille pour cela par exemple) permet à de jeunes filles de se dire que c'est possible, ça existe. L'exemple d'Ellen Ripley dans Alien par exemple, un rôle d'abord écrit pour un homme qui s'adapte très bien à une femme.
Pour donner le parfait exemple (merci Marc Ferro) de à quel point les structures existent sur les produits créatifs, prenons l'exemple d'un salon bourgeois dans un film. Le salon bourgeois, dans ces moindres détails, n'est que ce que l'on pense dans la majorité être un salon bourgeois. Il est créé pour que quand on le voit, on pense à un salon bourgeois. Là même chose est vraie pour les personnages. On les stéréotypes. Exemple inverse dans Hannibal toujours (série dont le showrunner est aussi gay), on apprend au détour d'un twitt de Bryan Fuller (le showrunner donc), que Jimmy Price est gay. Ce qui n'est jamais montré ou expliqué dans la série. Idem pour Dumbledore dans Harry Potter. Ce qui permet de donner plus de couleurs à une palette, et donc plus de modèles, d'idées pour représenter les gays.
Ces stéréotypes sont si intrusifs, montrent des interactions qui semblent tellement naturelles, que même s'il s'agit de fiction, on peut à la marge finir par reproduire des comportements, que l'on soit enfant ou adulte. C'est l'un des effets de la télévision, positif ou négatif, et c'est aussi un de ses plus : permettre de réfléchir à des situations et se faire des avis sur ce qu’on n’a pas autour de nous. Dans Orange is the new black, une des femmes en prison est trans, et interprétée par une actrice trans, Laverne Cox. Peu de personnes savent ou connaissent des trans. Le fait d'en voir une sur écran, même dans une situation imaginaire, permet d'appréhender ce qu'est, en partie, la transexualité. Il existe donc aussi des effets positifs, pas que pernicieux.
Mais je pense que tout le monde, même des féministes, peuvent être touchés par des stéréotypes dans ces séries. Parce que la société qui les produit ne permet pas encore l'égalité homme-femme, elles ne parviennent pas encore en être exempt. Il ne faut donc rien laisser passer. (Encore un exemple dans Interstellar : SPOILER à la fin du film, l'actrice Anne Hathaway enterre son amoureux... et donc le héros va la rejoindre, car elle l'attend. Or on peut supposer qu'elle n'aurait jamais voulu être avec lui, elle vient d'enterrer quelqu'un qu'elle aimait depuis plus de 10 ans ! Mais parce qu'ils s'entendaient si bien, qu'ils ont partagé des moments forts, on suppose qu'ils doivent finir ensemble, ce qui perpétue le cliché du mec bien. Si on est un mec bien, qu'on s'entend bien avec une fille, qu'on échange des expériences fortes... alors forcément, on va tomber amoureux l'un de l'autre. Et pourtant, le film est pas mal, il y a des personnages féminins intéressants etc... FIN DU SPOILER)
Si jamais, pour aller plus loin :
Teresa de Lauretis, Théorie queer et cultures populaires : De Foucault à Cronenberg
Didier Eribon, Réflexions sur la question gay
Raewyn Connell, Masculinités. Enjeux sociaux de l'hégémonie
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Le 16 octobre 2015 à 19h30
À l'Ageca, salle 8
177 Rue de Charonne, Paris XIème.
Gratuit.
Notre ciné-débat de l'automne s'appuie sur des extraits de la comédie tout public Don Jon (2013) qui évoque avec humour le quotidien d'un homme "accro" à la pornographie, et sur l'intervention de la réalisatrice Anne Billows, militante du Mouvement du Nid et du Réseau Éducation Féministe.
Venez échanger et discuter avec nos bénévoles de Paris après la projection ! Un buffet dînatoire sera offert. Nous vous attendons nombreuses et nombreux.
Beaucoup ont tendance à voir les féministes comme un groupe monolithique, dont les membres seraient interchangeables. Le féminisme est, plus que jamais, riche de personnalités très diverses.
J'ai donc décidé d'interviewer des femmes féministes ; j'en connais certaines, beaucoup me sont inconnues. Je suis parfois d'accord avec elles, parfois non. Mon féminisme ressemble parfois au leur, parfois non.
Toutes sont féministes et toutes connaissent des parcours féministes très différents. Ces interviews sont simplement là pour montrer la richesse et la variété des féminismes.
Interview de Hélène.
Bonjour peux tu te présenter ?
Je m'appelle Hélène, j'ai 28 ans et je viens d'un département rural, pauvre et où avec du recul, j'ai l'impression d'avoir eu peu accès à des choses que mes potes considèrent comme normales. Je vis en région parisienne depuis quelques années et j'ai du mal à m'y faire. Ma famille est ce qu'on pourrait qualifier d'engagée et m'a transmis des valeurs autour de la différence même si il y a la question des différences intergénérationnelles qui se posent maintenant par rapport à certains sujets (féminismes, religions, etc.)
Depuis quand es tu féministe ; y-a-t-il eu un déclic particulier ou est ce venu progressivement ?
Je me suis "rendue compte" que j'étais féministe il y a quelques années seulement même si je l'ai sûrement toujours été. Par exemple, quand en primaire on a appris la règle de l'accord, je me rappelle avoir été choquée du fait que le masculin l'emportait. C'est une sensibilité à l'injustice en générale qui m'a amenée au féminisme. Je me sens sûrement plus légitime à m'investir et à parler de féminisme que dans d'autres luttes car je suis directement concernée. Je n'ai pas à subir d'autres discriminations en tous cas. Et c'est le fait de conscientiser qu'il s'agisse de discriminations qui est parallèle à ma définition en tant que féministe. Actuellement j'essaie d'associer mon engagement avec les projets que je développe à mon travail dans une association.
Dirais-tu que ta famille est féministe ?
Je ne dirai pas que ma famille est féministe au premier abord. Mes parents ont des côtés clichés en plein dans les stéréotypes de genre (ma mère est pomponnée, douce, à l'écoute des autres... mon père est une figure du syndicalisme, il défend les autres etc) mais en même temps pas tant que ça: c'est lui qui gère les courses, la bouffe, tout le temps par exemple et ça depuis toujours. Mon père a introduit la question du sexisme et de l'homophobie au niveau local dans son syndicat mais ce n'est pas quelque chose qui vient en premier lieu.
Mes parents connaissent par exemple les slogan pro-choix et s'opposent à la manif pour tous. Mon frère par contre (24 ans) joue bien un rôle de macho délibéré, d'autant plus avec moi.
Peux-tu préciser les choses auxquelles tu n'as pas eu accès et que beaucoup de gens voient comme normales ?
Quand je suis arrivée à Lille pour étudier (puis à Paris où ça m'a confirmé tout ça), je me suis rendue compte que je n'avais pas eu accès à des tas de choses très variées: culture, rencontres faciles de gens très différents de toi, accès à des services (par exemple des actions de sensibilisations de structures extérieures à l'Education nationale en cours sur la santé quelque soit la thématique). J'en ai parlé pas mal à une amie qui vient elle-aussi de là-bas. Ca donne l'impression d'avoir dû tout chercher nous-mêmes et que sans la curiosité c'est compliqué. En "arrivant en ville", tu as l'impression d'une profusion de personnes et d'idées qui font que ça te donne plus l'occasion de conscientiser. Ce n'est pas quelque chose de méprisant pourtant c'est l'idée qu'en milieu rural, tu dois prendre la voiture ou les peu de transports pour faire des choses et donc rencontrer des personnes. Et donc quand tu es jeune et sans permis eh bien c'est mort.
Y-a-t-il des combats féministes auxquels tu es davantage sensibilisée et pour lesquels tu t'investis davantage ?
Par rapport au féminisme, il y a plusieurs combats auxquels je suis plus sensibilisée et c'est toujours une question de réflexion petit à petit pour toujours voir plus de choses et leurs intrications. Je dirai sans ordre de préférence:
- l'appropriation par les femmes de leur corps (par rapport à la médicalisation, aux rapports de pouvoir dans la relation soignant.e -.patiente, ça inclut IVG, contraception) donc le libre-choix, et étroitement lié le libre-choix pour tout (travail du sexe, voile, habits etc).
- en transversal, toutes les questions liées aux rapports sociaux de sexe et donc leur lien avec toutes les thématiques ci-dessous dessus. et depuis relativement peu de temps (1,5 ans on va dire) je commence à comprendre ce que c'est que l'intersectionnalité
- l'égalité (sexes, sexualités, identités), ça rejoint les injustices qui me hérissent, les discriminations
- tout ce qui touche à l'empowerment au quotidien, avec tout le monde
Tout ça avec paradoxalement peu de mobilisation militante, liée probablement du fait d'être "étrangère" à Paris. Par exemple, je n'écris pas, la dernière manif que j'ai faite c'était le 8 mars... A Paris, c'est avec mes collègues, quelques potes et mon mec que je parle féminisme au quotidien. A Lille, j'avais l'impression que le format de la ville et de ma vie rendait plus facile le fait de faire des choses. A Paris c'est plus pragmatique: dans ma vie de tous les jours, à mon boulot.
Donc pour revenir à ta question, je m'investis plus dans les choses "quotidiennes" autour de la réflexion sur le choix, l'inclusivité, l'acceptation, la déconstruction des normes.(je crois)
je suis également très sensible au sujet des violences sexuelles et pour lequel j'ai du mal à argumenter "tranquillement" quand j'entends des choses trashos, etc.
Comment arrives-tu à gérer le machisme de ton frère ? Est-ce-que tes parents le constatent ? Le tolèrent-ils ?
Il joue de son machisme (qui en plus n'est pas toujours là) donc il me provoque. Ca dépend de l'état d'esprit mais soit j'ignore soit je m'énerve. Mes parents le constatent. Lorsque ça provoque des crises familiales ça ne les fait pas rire. Sinon mes parents rient comme d'une blague autre. La dernière crise a eu lieu à Noël dernier (un classique) quand on a commencé à parler de genre et que si je n'avais pas confiance sur le fait qu'ils n'allaient pas être dans des stéréotypes avec mes futurs gosses, je ne leur laisseraient pas. Mon féminisme fait partie de mon altérité pour ma famille dans le sens où je suis celle qui a voyagé, celle qui a fait des études, celle qui est partie.
Constates-tu beaucoup de sexisme autour de toi , chez tes amis ou au boulot ? As-tu l'impression que les choses progressent peu à peu ou pas ?
Je constate du sexisme, euh, beh partout hein. Autour de moi aussi. Mine de rien je pense que nos discussions font réfléchir ma famille (plus sur les sexualités peut-être). Avec mes potes de Lille (donc mes ami.e.s proches) , c'est une réflexion permanente, beaucoup d'échanges. Avec mes copains de Paris, ça dépend desquels, le degrès d'intimité, le fait qu'on se connaisse depuis longtemps ou pas. Je crois que quand je rencontre des personnes dans le cadre amical, je balance généralement quelques répliques pour que les gens comprennent vite que ça serait cool qu'ils et elles ne sortent pas trop de conneries. C'est une forme de censure qui me permets d'éviter de me prendre la tête systématiquement avec les gens mais ça ne fonctionne pas toujours. Le sexisme ou l'homophobie ordinaire reviennent au galop.
Au boulot, c'est plus facile. On est un groupe qui grandit de plus en plus à discuter et à se définir comme féministes. J'ai l'impression que depuis mon arrivée il y a eu de grands changements par rapport à la conscientisation du sexisme et à la définition que les personnes font d'elles en tant que féministes. Une autre victoire aussi, mon responsable, un homme blanc etc qui a débarqué il y a presque un an, commence à réfléchir aux rapports de pouvoir, au genre etc et ça se sent dans sa pratique. Par contre, au niveau des autres cadres de direction c'est une catastrophe.
Dans mon couple, j'ai la chance d'être avec quelqu'un qui réfléchit beaucoup mais avec simplicité. C'est les tâches ménagères où se cristallisent le problème et le classique, "on fait moitié moitié pareil" mais la prise d'initiative et l'organisation, j'ai l'impression que c'est moi qui la porte. Il est éloigné des normes classiques de la masculinité donc ça aide à avoir moins d'injonctions qui influence la vie de couple.
Quelles solutions envisages tu face au problèmes des tâches ménagères ? En quoi est-ce si important ?
J'envisage juste de pouvoir continuer à discuter de ce qu'implique l'organisation des tâches et pas juste l'exécution. Mais on en parle pas mal en ce moment et il y a déjà une grande différence par rapport à la répartition de l’exécution des tâches. Dans son cas, je ne pense pas qu'il s'agisse de sexisme mais d'un apprentissage: 2 fils, répartitions des tâches entre les parents plutôt stéréotypées.
Bref, il y a de la marge de travail et je pense être aussi pas mal injuste quand il m'arrive d'en parler.
Ca me pose problème pour des raisons idéologiques: j'ai du mal à quitter mes lunettes genre (parfois je pense voir le mal où il n'est pas ou bien, je complexe de ne pas participer au bricolage) d'autre part car la vie à Paris m'épuise, les transports, le rythme, les boulot. J'ai du mal à envisager qu'on ait un enfant et d'avoir l'impression dans le même temps que je gère trop de choses par rapport à lui.
Ca me semble futile tout ce que je suis en train de raconter. C'est peut-être parce que je parle du sexisme dans mon entourage, qui je pense, est moins violent dans ma sphère privée que ce que doivent affronter des femmes. Je pense que c'est lié aux personnes qui m'entourent: au boulot j'ai de la chance, mes copains vont de "sensibilisés" à "complètement dedans", mon compagnon est dans le dialogue et la réflexion. Ce n'était pas le cas de mon ancien compagnon qui à la fin m'insultait de "féministe de merde"... Je pense donc que je baigne dans un environnement sécurisé, en tout cas dans la sphère privée. Les réactions de mon frère par exemple, j'ai appris à faire avec et j'ai l'impression de prendre des chemins détournés pour que l'esprit puisse s'ouvrir un peu.
Quels sont les événements qui t'ont fait te conscientiser de plus en plus ?
La sensibilité aux choses injustes m'a fait tiquée, comme je te le disais avant, dès gamine. Je me rappelle avoir été énervée qu'un copain du lycée homo me dise être étonné que je ne sois pas vierge vu mon habillement. De m'être sentie démunie et passive quand ma première année de fac à Lille, un mec d'une cinquantaine d'année s'est installé à côté de moi dans le bus, m'a demandé mon numéro et a fait sonné son portable pour voir si c'était le bon. Ca faisait vraiment la campagnarde qui débarque en ville et qui fait se qu'on lui dit. Je me suis sentie en danger quand à mes 16 ans ma mère m'a annoncé que son grand-père la violait quand elle avait 4 ans et faisait ses siestes avec et que dans le même temps elle m'a dit "les hommes c'est tous des bêtes" alors que je n'avais pas encore commencé ma vie sexuelle. Le féminisme n'a pas été la première chose dans laquelle je me suis engagée mais le fait de croiser au fur et à mesure plus de personnes concernées par les mêmes injustices, m'a "remontée" au fur et à mesure et permis de comprendre.
Du coup, je me sentais concernée initialement par les sujets "classiques". Par exemple, je crois que ma première vraie action ça a été de participer à une contre-manifestation qui a lieu au Planning de Lille en novembre car les anti-IVG viennent prier. Je n'y suis pas allée par "féminisme" mais c'était dans la foulée du mouvement anti-CPE. C'est un peu le point de départ pour le féminisme je crois. On est tombée sur une catho de notre âge qui nous a sorti que si une femme tombait enceinte à la suite d'un viol c'était qu'elle s'était abandonnée au plaisir. C'est un des trucs qui a été le déclic.
De même pour la non-mixité et comprendre quel était l'intérêt, c'est d'avoir participer à une marche de nuit non-mixte.
Ca fait relativement peu de temps que je m'intéresse aux choses par lesquelles je suis moins concernée parce que je suis blanche, hétéro, pas musulmane, etc. Pas parce que ça ne m'intéressais pas avant mais parce que c'était un truc pas identifié dans ma tête.
Pourquoi es-tu plus sensibilisée à certaines thématiques féministes?
Pour la deuxième question j'ai déjà répondu en partie. Pour la relation soignant.e.s-patiente, c'est un truc qui me gonfle depuis longtemps mais j'y ais été confrontée directement quand j'ai voulu laisser la pilule (je vivais en Italie à ce moment-là) et que la gynéco m'a represcris une autre pilule alors que ce n'était pas ce que j'avais demandé.J'ai eu ce même sentiment quand je suis tombée enceinte l'année dernière et qu'un toubib qui forme des gens à l'accompagnement de l'IVG m'a prise pour une conne quand je lui ai demandé de me faire le papier stipulant la date de notre rendez-vous (pour le délai de réflexion lié à l'IVG) en faisant comme s'il ne savait pas de quoi il s'agissait. Et puis j'ai encore eu ce sentiment durant les 3 années d'une formation de sexologie que je viens de terminer où la majorité des profs étaient des médecins bien dans leur position de pouvoir et que j'ai été humiliée à différentes reprises devant toute la promo à cause de mes remarques embarrassantes sur le viol.
Quel est pour toi l'intérêt de la non mixité ?
Pour la non-mixité, c'est le sentiment de pouvoir qui est pour moi important. La manif non-mixte est sûrement l'action qui génère le plus ce sentiment pour moi. Il y a une appropriation de l'espace, un sentiment de sécurité, de force, de solidarité. C'est sûrement pour ça que j'ai du mal à l'argumenter face à des détracteurs.euses, c'est parce que pour moi ça se vit et ça se sent dans les tripes.
Quelles remarques as tu faites dans ta formation de sexologie qui leur a paru embarrassantes ? Pourquoi l'étaient-elles selon toi ?
En première année on a eu un cours sur la loi, c'était un avocat très bien mais plusieurs remarques de la part de collègues de cours ont émaillé le cours. Un des médecin étudiant a dit que si la pénétration était possible c'est qu'il y a avait consentement. Les profs s'en sont mêlés suite à un mail collectif que j'ai envoyé et ont demandé des explications. Le responsable de la formation est intervenu la semaine suivante sans piper mot. 2 semaines après c'est une profs gynéco femme qui est revenu sur les propos de manière lamentable et en m'affichant ( "c'est suffisant, ça te va?"). Bref, une horreur. C'était un sujet sur lequel je n'avais pas encore travaillé et qui me prenait particulièrement aux tripes à cette époque et ça a été dur de gérer. L'année d'après on a eu un cours d'un psychiatre horrible qui intervenait sur les paraphilies et nous a encore dit des choses horribles. J'ai ouvert ma gueule au début puis me suis tue pour me protéger. (par exemple, j'avais commenté le fait que les violences n'existaient pas que dans les couples hétéros et il m'a humiliée en commentant que c'était peut-être mon fantasme mais que à sa connaissance..., etc etc.)
Ce qui est sidérant dans cette histoire c'est que tout ça a choqué peu de personnes en proportion dans toute cette promo et qu'il y a eu peu de réactions, que les gens buvaient les paroles des profs sans aucun esprit critique. En première année, les gens ont commenté mon intervention en imaginant que si je réagissais comme ça c'est que j'avais été victime. Comme dans les cas de violences, on a parlé de mon comportement à moi et non de ce qui avait été dit ou fait.
J'avais dû mal à gérer ces moments et je me dis encore que j'avais une part de responsabilité à contredire les profs car ces pros en formation pourraient faire beaucoup de dégâts dans l'accueil de victimes...
C'est très brouillon mais cet enseignement en 3 ans donne aux personnes une assurance et une crédibilité qui peut être vraiment dangereuse pour les gens les consultant. Idem sur le fait qu'en 3 ans, nous n'avons parlé à 99 % que de couple hétéro et de pénétration pénis vagin...
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Un projet innovant au service de la construction d'alternatives à la prostitution : en Alsace, 40 acteurs associatifs, institutionnels et économiques se sont constitués en réseau pour favoriser l'insertion professionnelle et la formation des personnes en situation de prostitution.
L'essentiel en une page avec ce dépliant synthétique à télécharger
Infos pratiquesSignature officielle des chartes d'engagement des 40 membres du nouveau réseau régional d'acteurs pour favoriser l'insertion professionnelle et la formation des personnes en situation de prostitution
15 Octobre 2015 à 16h30
à Colmar, Cité Administrative, 3 rue Fleischauer
Grande Salle du Bâtiment D
15 Octobre à 16h30 à Colmar : Signature officielle des chartes des 40 membres du nouveau réseau régional d'acteurs pour favoriser l'insertion professionnelle et la formation des personnes en situation de prostitution
17 Octobre 2015 : Des actions qui s'inscrivent dans la journée mondiale de lutte contre la misère
18 Octobre 2015 : Des actions qui contribuent à la journée européenne de lutte contre le trafic des êtres humains
Isabelle Collot, salariée de la délégation du Mouvement du Nid du Bas-Rhin, présente le projet pour la télévision Alsace 20.
Lors du passage en deuxième lecture au Sénat de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel, la séance a esquissé un projet de société ambitieux, sabordé par Les Républicains et les absents. Vivement la CMP et le dernier mot à l'Assemblée nationale pour le rétablir définitivement !
Des avancées malgré le vote incohérent de la majorité sénatoriale Les républicainsLa seconde lecture au Sénat a permis plusieurs avancées, dont certaines historiques. Elle a notamment mis fin à 76 années de répression contre les personnes prostituées en abrogeant définitivement le délit de racolage. Elle a aussi renforcé les mesures de protection des personnes prostituées, y compris étrangères. Nous nous félicitons d'avoir été entendus sur plusieurs points par les sénateur.ice.s et tout particulièrement par celles et ceux présentEs en séance a déclaré à cet égard Claire Quidet, porte-parole du Mouvement du Nid.
Car le résultat du scrutin au Sénat a été dicté par une autre réalité : La majorité Les Républicains a voté en bloc pour le maintien de la répression à l'encontre des personnes prostituées et contre l'engagement de la responsabilité pénale des clients prostitueurs.
Votant en bloc, par scrutin public, Les Républicains ont perdu sur le délit de racolage qui est définitivement abrogé. Nous nous en félicitons. Mais ils ont aussi gagné en préservant temporairement l'impunité des "clients" prostitueurs dénonce Grégoire Théry, Secrétaire général du Mouvement du Nid. Au final, les présents en séance, de tous bords, auront esquissé un projet de société ambitieux visant à protéger les personnes prostituées et à mettre fin à l'impunité des prostitueurs. Mais cette ambition a été sabordée par le vote en bloc des Républicains et des absents. Nous sommes persuadés que la CMP permettra d'aboutir à une loi globale et cohérente.
Un fossé : en séance les sénateur.ice.s de tous bords présents étaient largement favorables à une loi globale et cohérente !La seconde lecture au Sénat aura été marquée par un fossé entre la qualité des interventions en séance, très largement favorables à une loi globale incluant l'inversion de la charge pénale des personnes prostitutées vers les clients prostitueurs, et les votes en bloc, par scrutin public, des absents. Ainsi, par exemple, le seul sénateur LR à s'être exprimé sur le fond de l'article 16, Cyril Pellevat est aussi le seul sénateur LR à avoir voté pour son rétablissement. Tous les autres, absents du débat, ont voté en bloc conte.
Le projet de société des Républicains : maintenir la pénalisation des personnes prostituées et préserver l'impunité des clients prostitueurs !La palme de l'incohérence et de la mauvaise foi revient aux votes en bloc des Républicains. Alors qu'ils s'opposaient farouchement à la sanction des clients prostitueurs en invoquant le risque de précarisation des personnes prostituées, les sénateur.ice.s républicains ont voté en bloc pour le maintien du délit de racolage. Autrement dit, pour protéger les personnes prostituées, ils préfèrent pénaliser les victimes que les auteurs !
J'inaugure une nouvelle rubrique sur le blog qui ne sera pas spécialement féministe ; j'espère pourtant qu'elle vous intéressa. Elle concernera assez banalement mes lectures du moment.
Il y a peu, j'ai demandé à mes ami-es facebook de m'indiquer leurs livres préférés ; c'est au final un sacré challenge ! Lorsque je ne connaissais pas le livre qui m'avait été conseillé, je m'imaginais ce qu'il pouvait être en fonction de ce que je savais de la personne. Cela donne parfois un résultat surprenant.
Un rêve américain de Norman Mailer : Chaque année lorsque je vais chez ma mère, je vais au même vide-grenier où un homme vend ses livres. Cette année, j'y ai acheté ce bouquin-là me disant que c'était l'occasion ou jamais d'enfin lire Norman Mailer.
Le résumé : Un homme tue sa femme après une énième dispute et tente de faire passer le crime pour un suicide.
Mais que voilà un pitch original lorsqu'on sait en plus que la femme est décrite comme une garce de première qui martyrisait son mari ! Vous vous imaginez combien j'ai pu aimer ce livre .
Qui plus est, j'imagine qu'il devait être très irrévérencieux et politiquement incorrect d'écrire ce genre de phrase en 1965 pour décrire une femme qui jouit (après qu'il vienne de la violer) "je pouvais sentir des eaux basses et stagnantes, autour d'un tronc d'arbre mort dans un étang la nuit". et "les femmes ayant découvert la puissance du sexe ne sont jamais loin du suicide".
Bref si vous aimez les longues descriptions misogynes, les tourments d'un assassin, ce livre est fait pour vous.
Les Femmes de Stepford de Ira Levin : Joanna, son mari et leurs enfants emménagent dans une nouvelle ville où toutes les femmes sont de parfaites ménagères uniquement préoccupées de leur intérieur pendant que leur mari s'occupe dans un étrange "club des hommes". Joanna s'y fait des amies jusqu'au jour où celles-ci commencent à changer.
Peut-être avez-vous vu le film avec Nicole Kidman ; étrangement (ou pas) la fin est complètement différente dans le livre.
Ce livre a été écrit en 1975 et Ira Levin a sans aucun doute très bien symbolisé les peurs masculines au moment où les mouvements pour les droits des femmes étaient extrêmement forts. Et il a encore mieux montré combien les hommes sont parfois prêts à tout pour ne pas renoncer à leurs privilèges.
Mon chien Stupide de John Fante : C'est un livre qui m'a été conseillé par quelqu'un dont c'est le livre préféré.
Un chien stupide et obsédé débarque un jour dans la vie d' Henry J. Molise, un auteur raté qui va voir dans ce chien l'occasion de pimenter un peu sa morne vie.
Un ovni. Je dois avouer que j'ai été un peu surprise des descriptions plutôt très explicites du pénis du chien Stupide qui passe sa vie à chercher un orifice où entrer qu'il soit humain, canin, porcin mâle ou femelle. c'est un livre à la fois immensément drôle où le comportement du chien sert en quelque sorte de revanche pour l'humain et, dans sa seconde partie, d'un roman beaucoup plus intimiste où l'on voit toute la tristesse du personnage qui voit ses enfants partir.
Une saison de machettes de Jean Hatzfeld : Dans Dans Le nu de la vie, l'auteur, grand reporter interrogeait des rescapé-es du génocide rwandais. Il donne la parole dans ce livre à 12 assassins hutus, en attente de leur procès.
Nous pourrions être ces hommes et nous pourrions avoir considérer que tuer était comme aller aux champs, que massacrer le voisin n'a rien d'extraordinaire, que tuer était comme un travail. "Couper" comme ils disent ; je ne sais s'ils emploient ce mot qui est le même que celui employé pour les travaux de coupe dans les champs pour atténuer les actes qu'ils ont commis ou si le kinyarwanda - comme le français - manquait de mots pour définir les actes qu'ils ont commis.
Ces douze assassins n'ont pas beaucoup d'états d'âme, ils espèrent rapidement sortir de prison, vivre à côté des rescapé-es sans réellement envisager comme cela va se passer ni se questionner sur le pardon qui pourrait leur être accordé. En fin de livre, ils posent pour une photo comme une bande de copains qu'ils n'ont jamais cessé d'être. Hatzeld offre des pistes pour comprendre le génocide même s'il reste toujours face à ce genre d'actes, une part d'inconnu ce que certain-s appelleraient "le moment où dieu a détourné les yeux".
Le bizarre incident du chien pendant la nuit de Mark Haddon : Ce livre m'a encore une fois été conseillé comme "livre préféré" ; ce n'est sans doute pas un livre que j'aurais pensé à acheter, je serais sans doute passée à côté d'un chouette roman .
Christopher, un jeune adolescent qui souffre, probablement, d'une forme d'autisme découvre que le chien de sa voisine a été assassiné ; il va donc mener l'enquête.
Je ne saurais dire si ce livre traite correctement de l'autisme ; en revanche il décrypte à merveille toutes les bizarreries humaines ; le fait de parler par expressions et métaphores, le fait de souvent mentir, l'idée que les relations humaines sont faites pour part de dissimulations. C'est un livre très tendre sur les difficultés d'un jeune adolescent à comprendre le monde qui l'entoure, monde qui ne fait pas grand effort pour être compris.
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Le Mouvement du Nid salue la détermination du Gouvernement et la mobilisation de femmes parlementaires de tous bords et des deux assemblées !
Alors que le Sénat examinera cet après-midi en seconde lecture la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel et le soutien à ses victimes, le Mouvement du Nid salue la détermination du Gouvernement à faire aboutir rapidement ce texte et permettre ainsi la mise en oeuvre des mesures attendues par les victimes et les associations qui les accompagnent.
En déposant hier un amendement gouvernemental rétablissant la sanction pénale de l'achat d'un acte sexuel et en annonçant simultanément le doublement de la ligne budgétaire dédiée au soutien aux personnes prostituées et victimes de la traite des êtres humains, le Gouvernement envoie un signal fort de mobilisation pour l'adoption définitive de la loi s'est félicité Jacques Hamon, président du Mouvement du Nid.
Au même moment huit femmes parlementaires de tous bords et des deux assemblées publient un appel pour l'adoption de la loi. Le Mouvement du Nid se réjouit de cette initiative transpartisane signée par Catherine Coutelle, députée socialiste, Chantal Jouanno, sénatrice UDI, Maud Olivier, députée socialiste, Michelle Meunier, sénatrice socialiste, Nicole Ameline, députée Les Républicains, Marie-George Buffet, députée communiste, Valérie Létard, sénatrice UDI et Laurence Cohen, sénatrice communiste.
Le Mouvement du Nid en appelle à la responsabilité de tou.te.s les sénateur.ice.s pour voter aujourd'hui en séance plénière un texte de loi global et cohérent, c'est-à-dire incluant notamment l'inversion de la charge pénale des personnes prostituées vers les clients de la prostitution.
Contact presse :
Elise Guiraud : 01 42 70 77 79
Grégoire Théry : 00 32 496 21 64 66
Alors que la loi antiprostitution revient aujourd'hui au Sénat, un projet inédit mené en Alsace aide les victimes à trouver un travail « normal ».
A l'initiative du Petit ensemble de l'Olivier (PEPO) avec l'Église protestante unie de France, une après-midi de réflexion et débats vous est proposé. Marie-Pierre Monier, sénatrice de la Drôme et maire de Vinsobres, est présente, de même que des militantEs de nos délégations des Bouches-du-Rhône et du Vaucluse. Après un état des lieux présenté par le responsable de notre délégation des Bouches-du-Rhône, place au dialogue avec le public.
Infos pratiquesDimanche 11 octobre 2015, 14H30
Salle polyvalente de Vinsobres
Réflexions à l'occasion du débat sur la nouvelle loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel : regards sur la marchandisation de l'être humain
Présentation par M. François Wioland, responsable de la délégation du Mouvement du Nid des Bouches-du-Rhône, échanges avec l'assemblée et avec madame la Sénatrice-Maire de Vinsobres qui participe actuellement au débat sur cette question au niveau national dans le contexte de l'examen par le Sénat de la proposition de loi.
Beaucoup ont tendance à voir les féministes comme un groupe monolithique, dont les membres seraient interchangeables. Le féminisme est, plus que jamais, riche de personnalités très diverses.
J'ai donc décidé d'interviewer des femmes féministes ; j'en connais certaines, beaucoup me sont inconnues. Je suis parfois d'accord avec elles, parfois non. Mon féminisme ressemble parfois au leur, parfois non.
Toutes sont féministes et toutes connaissent des parcours féministes très différents. Ces interviews sont simplement là pour montrer la richesse et la variété des féminismes.
Interview de Céline.
Bonjour Céline peux-tu te présenter ?
Je vais avoir 42 ans. En couple, j'ai un fils de 18 ans. J'habite dans l'Ouest depuis 10 ans, je suis née et j'ai grandi en région parisienne.
Depuis quand es-tu féministe ; y-a-t-il eu un déclic particulier ou est-ce venu progressivement ?
Il y a toujours eu un petit sentiment d'injustice. J'ai des souvenirs de réunions de famille où les femmes faisaient la vaisselle, sauf une de mes tantes ( qui passait pour une indigne paresseuse ). Cette façon de parler d'elle dès qu'elle avait le dos tourné, je ne comprenais pas. En cinquième, une prof de français nous a parlé de Simone de Beauvoir. Je me souviens juste de "on ne nait pas femme, on le devient " c'est banal mais c'est ce qui a commencé à me faire réfléchir.
Il y a eu quelques confrontations et agressions que j'ai pu subir dans les transports parisiens ou sur des parkings et les réactions de mes connaissances qui trouvaient ça "pas si grave". Parmi ces personnes, il y avait un copain qui venait d'avoir une petite fille. Je lui ai demandé de ne pas réagir comme ça si un jour par malheur ça devait lui arriver.
Quand je suis partie de chez mes parents, j'avais une voisine un peu plus âgée que moi. Elle parlait toujours de "sa" cuisine, "son" aspirateur et ça avait le don de me mettre hors de moi. Tous ces trucs qu'elle faisait pas par manque de temps, parce qu'il fallait s'occuper de tout autour en plus du travail. C'était un problème pour moi et je ne savais pas comment l'expliquer.
Est-ce-que ton compagnon est sensibilisé au féminisme ?
Il est sensibilisé mais pas assez. Il comprend mal la notion de viol conjugal par exemple. Il dit que j'exagère au sujet des publicités sexistes, mais je le soupçonne de vouloir me contredire. Il me rapporte des propos très violents entendus dans des conversations parmi ses connaissances mais ne leur dit rien pour autant. Pourtant ça le révolte. Je lui demande de réagir parce que c'est un des moyens de changer les choses.
Qu'as tu enseigné à ton fils en tant que féministe ?
Le consentement, autant que possible. Pour la théorie du genre, c'est difficile car je ne suis pas la seule à l'éduquer. Il y a son père qui rentre volontiers dans son jeu quand il s'agit de décider ce qu'aiment "les filles". Il y a aussi l'école qui fait beaucoup de dégâts. Je ne me fais pas de soucis car je sais qu'il est encore en train de se construire.
Te considères-tu comme une militante ? Que mets-tu derrière ce mot ?
Je me pose la question justement. J'ai longtemps cru qu'il fallait se structurer, maintenant je ne suis plus sûre. Militer au quotidien IRL ou derrière son écran, ça peut servir aussi. je côtoie des femmes féministes, mais pas hommes. Ce n'est pas voulu mais je crois que c'est mieux.
Est-ce-que des combats féministes te touchent plus que d'autres ?
L’accès à l'IVG, c'est vraiment un symbole pour moi, le droit pour lequel il faut toujours lutter. Les actions du planning familial qui doit encore se battre pour exister dans les territoires. Le traitement des médias sur les affaires de viol, et de féminicide est un phénomène qu'il me semble important de surveiller. On gagnerait à s'inspirer de la charte espagnole sur les violences conjugales.
Pourquoi penses tu que ton compagnon ne réagit pas aux propos sexistes qu'il entend ?
Je crois qu'il pense que ça ne sert à rien. C'est dommage car ils sont plus jeunes que lui et même si ça en fait réfléchir un seul, ce serait déjà pas mal. Ceci dit je constate avec mon fils que quand je lui explique ce qui est bien et mal, il me répond que les choses ont changé, les codes, les relations ont changé. Ce n'est pas toujours facile de transmettre dans la bienveillance quand plusieurs personnes ou groupes de personnes participent à la construction d'un individu.
Tu parles de féminicide : peux tu expliquer de quoi il s'agit ?
Je parle de féminicide pour ne pas dire violences conjugales répétées qui mènent à la mort. C'est ma définition maintenant je ne sais si tout le monde l'entend de cette façon.
As-tu vécu des situations de sexisme au travail ?
Pour mon premier entretien dans la boite où je suis toujours, on m'a demandé "je vois que vous avez un enfant, avez vous un mode de garde". Évidemment j'ai dit oui et je me suis écrasée. Par la suite, j'ai fait en sorte que tout le monde comprenne bien que je n'allais rien passer de sexiste, et ça s'est vite vu.
Comment es tu féministe au quotidien ?
Au quotidien je ne laisse rien passer. Des réparties pour chaque parole sexiste, en famille, au travail, avec les amis. Je ne sais pas si ça change quelque chose mais au moins ça me fait du bien. En tant que parents, on a fait en sorte que notre fils sache se débrouiller tout seul. S'occuper de son linge, se faire à manger si on est absent. Je connais des hommes de 60 ans qui sont incapables de se faire cuire un œuf. J'ai plusieurs amies plus âgées que moi, jusqu'à 87 ans. Quand elles se confient c'est "j'en ai marre, je suis fatiguée, il fait toujours la tête, je pensais que ça passerait avec l'age" etc. Non, ça ne passe pas avec l'âge. Le mec de 25 ans qui te reproche d'être allée faire des courses à la superette sans l'avertir, c'est le même à 89 ans. A part ça je voudrais bien écrire, mais je ne sais pas par où commencer et je trouve que d'autres le font beaucoup mieux que moi. Je réfléchis avec plusieurs autres féministes pour agir.
Comment expliques- tu que certaines femmes restent avec des hommes qui d'évidence sont machos comme par exemple ta voisine de 87 ans ?
C'est sûrement qu'on leur a toujours dit que c'était normal.( les hommes sont comme ça ) il y a aussi le milieu social ( rural ) la famille et "sa réputation". Une séparation impacte toute la famille, enfants comme beaux- parents. La famille au sens élargi s'en mêle, prend partie. Il y a aussi la question de l'indépendance ce financière, difficile à acquérir en raison du temps partiel imposé, des différences de salaire. J'ai connu des cas de séparation une fois que les enfants étaient "grands", et là j'imagine les années de souffrance en silence.
Certains te diraient que si un homme de 60 ans ne sait rien faire c'est bien que sa mère ne lui a rien appris plus jeune ; que répondrais tu à cela ?
Que je n'ai jamais entendu parler d'un homme qui s'est laissé mourir de faim dans des vêtements sales parce que sa mère ou sa femme était à la maternité ( par exemple ). Mais c'est vrai que j'ai déjà entendu des femmes dire que ce n'était pas très viril de faire la vaisselle ou d'éplucher des pommes de terre. Elles n’éduquent donc pas leurs garçons en conséquence. Quand c'est ma voisine et parce qu'elle a cet âge, je serre les dents, je lui dis que les choses ont changé, que maintenant on aime bien être indépendant(e). Un jour que j'étais en train de remplacer la batterie de ma voiture, elle m'a demandé pourquoi je ne laissais pas "mon mari" faire ça. Le paradoxe, c'est que si ma voisine se retrouve toute seule, elle aura largement les capacités de s'en sortir sur le plan domestique, alors qu'il faudra sûrement une aide extérieure si c'est son mari qui lui survit.
Je voudrais ajouter que ce n'est pas parce que en théorie homme et femme sont égaux en France qu'il faut cesser de réclamer son dû. On vous dira que vous exagérez, que décidément on ne peut rien vous dire et que vous n'avez aucun second degré. Oui on peut être féministe ET mariée, mère (parfois au foyer ) épilée, ou pas, maquillée, tatouée on s'en, fout. Ce n'est pas parce qu'un carcan est invisible qu'il n'existe pas.
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Ce lundi 12 octobre 2015, le Mouvement du Nid se réjouit du dépôt simultané de trois amendements identiques (SOC, CRC, UDI-UC) visant à maintenir la sanction des clients de la prostitution, écartée en Commission spéciale !
Maryvonne Blondin (SOC), Claudine Lepage (SOC), Michelle Meunier (rapporteure SOC) et trente de leurs collègues socialistes ont déposé un amendement de maintien de l'article 16.
Laurence Cohen (CRC), Brigitte Gonthier-Maurin (CRC) et onze de leurs collègues communistes ont fait de même.
Chantal Jouanno (UDI-UC), présidente de la Délégation aux droits des Femmes du Sénat, a aussi déposé un amendement rétablissant l'interdiction de tout acte sexuel imposé par l'argent. En première lecture, neuf de ses collègues, dont Valérie Létard (UDI-UC) et Catherine Morin-Dessailly (UDI-UC) avaient soutenu la sanction des "clients" de la prostitution.
En première lecture au Sénat, le 30 mars 2015, trois sénatrices Les Républicains avaient voté pour la sanction des clients de la prostitution : Fabienne Keller (LR), Joëlle Garriaud-Maylam (LR) et Sophie Primas (LR). Nous les encourageons à déposer un amendement en ce sens et à mobiliser leurs collègues pour mettre enfin un terme à l'impunité de ceux qui exploitent financièrement et sexuellement les plus précaires pour leur imposer un acte sexuel par l'argent.
Retrouvez ici la liste des amendements déposés
Contact presse :
Elise Guiraud - 01 42 70 92 40
Les hommes sénateurs sont solidaires pour faire obstruction à la sanction des clients de la prostitution... Démonstration, en cinq faits et une illustration flagrante, du sexisme de la "Chambre haute". Ce communiqué unitaire est signé par 60 associations de terrain agissant pour l'égalité femmes-hommes et en soutien aux victimes de toutes les violences sexuelles et sexistes (viol, inceste, prostitution, mutilations sexuelles, harcèlement sexuel, violences conjugales).
Parce que contrairement au Sénat,
Nous, associations de lutte contre les violences sexuelles et sexistes :
Vous vous demandez pourquoi le Sénat bloque depuis décembre 2013 l'adoption définitive de la proposition de loi visant à dépénaliser les personnes prostituées et à sanctionner l'achat d'un acte sexuel ? La réponse est sociologique et statistique : la « Chambre haute » est composée de 74% d'hommes et de 26% de femmes. Sa moyenne d'âge est de 65 ans.
Or au Sénat, comme dans la société, les chiffres sont explicites (voir nos cinq faits ci-dessous). Les femmes et les jeunes sont favorables à la pénalisation des "clients" de la prostitution, alors que les hommes, surtout âgés, défendent encore le droit de disposer sexuellement et financièrement du corps des femmes.
C'est donc sans surprise qu'on notera que dans tous les groupes politiques, la mobilisation en soutien à la PPL est animée principalement par des femmes courageuses : Laurence Cohen (CRC), Brigitte Gonthier-Morin (CRC), Michelle Meunier (SOC), Maryvonne Blondin (SOC), Claudine Lepage (SOC), Chantal Jouanno (UDI), Valérie Létard (UDI), Fabienne Keller (LR), Joëlle Garriaud-Maylam (LR) ou Sophie Primas (LR).
Mais au Sénat, les femmes sont rarement présidentes (ni de groupes, ni de Commission spéciale). Et c'est donc aussi sans surprise qu'on retrouve des présidents de tous bords pour défendre les privilèges masculins : Jean-Pierre Godefroy (SOC), ancien président de la Commission spéciale, Jean-Pierre Vial (LR), nouveau président de la Commission spéciale, Didier Guillaume, président du groupe socialiste, Bruno Retailleau, président du groupe LR, François Zocchetto, président du groupe UDI.
LE CRITERE DETERMINANT : LE SEXISMEAmicale du Nid - Assemblée des Femmes - Association Contre la Prostitution des Enfants - Association Femmes libres - Association française des Femmes des Carrières Juridiques - Centre de Recherches Internationales et de Formation sur l'Inceste et la Pédocriminalité - Centre National d'Information sur les Droits des Femmes et des Familles - Chiennes de garde - CHOISIR la cause des femmes - Clara Magazine - Coalition Against Trafficking in Women - Collectif Alouette - Collectif Féministe Contre le Viol - Collectif fier-e-s et révolutionnaires du Parti communiste français - Collectif lesbiennes féministes ba-ham - Collectif National Droits des Femmes - Comité Permanent de Liaison des associations abolitionnistes du proxénétisme - Commission genre et mondialisation d'ATTAC - Conseil National des Femmes Françaises - Coordination des Associations pour le Droit à l'Avortement et à la Contraception - Coordination française pour le Lobby Européen des Femmes - Coordination Lesbienne en France - Elu/us Contre les Violences faites aux Femmes - Encore féministes ! - Ensemble l'égalité c'est pas sorcier - Equipes d'Action Contre le Proxénétisme - Espace Simone de Beauvoir - Fédération nationale GAMS - Fédération Nationale Solidarité Femmes - Femmes en résistance - Femmes pour le Dire, Femmes pour Agir - Femmes solidaires - FIT Une femme, un toit - Fondation Scelles - L'Escale - La ligue du droit international des femmes - Le Lobby Européen des Femmes - Le monde à travers un regard - Les Effronté-E-s - Les moutons noirs - Les trois quarts du monde - Maison des femmes de Paris - Marche mondiale des femmes - Mémoire traumatique et victimologie - Mouvement Jeunes femmes - Mouvement du Nid - Mouvement national Le Cri - Osez le féminisme ! - Planning familial 75 - Rajfire - Regards de femmes - Réseau féministe Ruptures - Réussir l'égalité femmes-hommes - SOS les mamans - SOS sexisme - Zero impunity - Zéromacho - Zonta club de France
Beaucoup ont tendance à voir les féministes comme un groupe monolithique, dont les membres seraient interchangeables. Le féminisme est, plus que jamais, riche de personnalités très diverses.
J'ai donc décidé d'interviewer des femmes féministes ; j'en connais certaines, beaucoup me sont inconnues. Je suis parfois d'accord avec elles, parfois non. Mon féminisme ressemble parfois au leur, parfois non.
Toutes sont féministes et toutes connaissent des parcours féministes très différents. Ces interviews sont simplement là pour montrer la richesse et la variété des féminismes.
Interview de Lenneth.
Son compte twitter : @Lenneth__
Bonjour Lenneth peux-tu te présenter ?
Je suis Lenneth, j'ai 33 ans. Je passe beaucoup de temps à lire (que ce soit de la littérature "classique" ou des comics) et à jouer aux jeux vidéo.
Depuis quand es-tu féministe ; y-a-t-il eu un déclic particulier ou est-ce venu progressivement ?
C'est un peu compliqué de dire exactement à quel moment précis je me suis dit "je suis féministe". Je crois même que pendant longtemps ce n'était pas un mot que j'avais envie d'employer pour la simple et bonne raison qu'il est souvent associé à des choses négatives. Il y a une imagerie assez déconcertante derrière ce mot et ça je l'ai perçue assez tôt.
Mon souvenir le plus ancien remonte à mes 13/14 ans. A l'époque je traduisais mon féminisme par l'envie de ne pas me marier ni d'avoir d'enfants parce que c'était selon moi une façon de s'enchaîner à un homme. De ne plus être libre. Et cela venait sûrement de ma mère. Elle était mère au foyer et me disait tout le temps qu'il fallait que je travaille à l'école pour que je puisse avoir un emploi et avoir mon propre argent. Elle avait arrêté l'école très jeune pour s'occuper de ses nombreux frères et sœurs. J'ai mis du temps à me rendre compte qu'elle en avait souffert. Elle me rappelait également régulièrement de ne jamais me laisser faire par les hommes. Qu'il fallait que je prenne mes propres décisions. Encore aujourd'hui je me dis que ce doit être l'une des rares mamans à ne pas me demander "quand est-ce que tu te maries? Et quand vais-je être grand-mère"? Elle me dit toujours "fais ce qui te rend le plus heureuse".
Bref j'ai cependant bien vite compris que le féminisme ne se résumait pas à des histoires de mariage et d'enfants. Arrivée à la fac j'ai commencé à m'intéresser à la façon dont on mettait les gens dans des cases selon leur sexe. L'orientation professionnelle, les couleurs, les cadeaux de Noël,… Ça m'a très vite agacée et ce qui m'énervait encore plus ce sont les réponses à mes réactions, du genre "ben oui c'est comme ça et puis c'est tout". Parfois je me demande comment j'ai fait pour ne pas laisser tout tomber et abandonner tout espoir de faire réfléchir les gens.
J'ai par ailleurs des passions qui disons-le honnêtement sont considérées dans notre société comme des passe-temps masculins même si aujourd'hui (soyons optimistes) on sent que ça bouge. Je joue aux jeux vidéo depuis que je suis toute petite et j'ai continué. Pour les comics j'ai commencé ado, j'ai laissé tomber et puis je suis retombée dedans il y a 4/5 ans.
C'est un milieu très particulier quand tu es une gonzesse. Les personnages féminins, que ce soit dans les jeux vidéos ou les comics, sont, je ne vais pas dire systématiquement car ce serait mentir mais disons très souvent, hypersexualisés. Alors quand tu te construis autour de cette image qu'on te donne de la femme ben tu finis par te poser des questions. Alors c'est ça qui compte mon physique? Uniquement? Alors j'imagine que le fait d'être très sensible à l'apparence physique qu'on me vend régulièrement dans les médias quels qu'ils soient ne m'aide pas. Cependant, quand même il y a un moment où tu te dis qu'en tant que femme ce serait bien que tu ne sois pas réduite à ça. Je crois que le pire c'est de finir par penser que cette représentation de la femme est normale parce que là tu cautionnes un système qui mérite d'être détruit.
Certains m'opposent que la femme dans les jeux vidéo ou dans les comics n'est plus seulement une damsel in distress. Elle se bat et fait preuve de courage. Oui enfin dans des tenues assez étranges. Le "strong female character". Quand je vois le personnage de Quiet dans Metal Gear Solid V (allez jeter un œil c'est magique) je ne sais pas si je dois rire ou pleurer.
Aussi, je suis intimement convaincue que ce sont ces deux passions qui ont permis de faire évoluer mon féminisme au fil du temps. C'est grâce à celles-ci qu'aujourd'hui je dis sans avoir peur des remarques que je peux me prendre parfois "je suis féministe".
Ta mère semble très féministe ; est-ce qu'elle se définit comme telle ? Pourquoi si cela n'est pas le cas ?
Non ma mère ne se définit pas du tout comme ça. Je vais expliquer quelque chose et cela n'a rien de péjoratif.
Comme j'ai pu le préciser dans une précédente question, ma mère a arrêté l'école assez jeune. Elle avait pour tout dire 14 ans. Et d'ailleurs même avant d'arrêter définitivement elle n'y allait pas de façon régulière. De ce fait il y a pas mal de choses qui lui échappent intellectuellement parlant. J'insiste sur un point, je ne traite pas ma mère d'idiote, elle a de quoi être fière, elle a toujours tout fait pour que l'on réussisse à s'en sortir que ce soit financièrement ou pour que ses filles puissent faire des études (mon père n'était pas très chaud pour que je me casse loin). Mais voilà je ne peux pas discuter de certains sujets avec elle, je ne peux jamais approfondir les choses. Je crois que si je demandais à ma mère si elle est féministe, elle me répondrait oui mais avec sa façon à elle de comprendre le féminisme: ne pas se laisser faire par les hommes, se barrer si ton mec te fait chier et surtout travailler pour ne jamais se retrouver dans une situation où tu ne peux pas fuir ton mec. Je devrais lui poser la question tiens, je pourrais être étonnée.
Tu parles du fait que l'apparence physique est importante pour toi tant on te l'a vendue comme telle ; est ce que cela entraîne des comportements particuliers chez toi, de l'auto dénigrement ?
Pour être honnête je me trouve totalement folle. Il n'y a pas une journée où je ne trouve pas un truc à redire sur mon physique. Un jour j'ai trop de cul, un jour je n'en ai pas assez, un autre jour ce sont mes seins qui vont me poser problème. Il m'est déjà arrivée de craquer totalement et de me mettre à pleurer parce que la taille de mes seins ne me convenait pas. Et il y a des jours où je n'en ai rien à faire mais en gros il y a toujours quelque chose qui ne va pas.
L'image que j'ai de moi n'est donc pas particulièrement positive mais je me soigne. Je suis très perméable aux médias, je voue une haine profonde à la presse féminine qui entretient selon moi des pressions importantes consciemment ou pas sur les femmes. On te dit d'assumer ton corps et la page d'après on te propose de perdre tes kilos en trop avant l'été. Je cherche la logique du truc. Et ne parlons pas du traitement de la sexualité féminine c'est bien souvent assez lamentable. Je pense que nous sommes nombreuses à nous souvenir de "la fellation ciment du couple"
Toutes les femmes n'ont évidemment pas les mêmes problèmes de confiance en elles. Mais j'entends des choses qui font froid dans le dos. J'ai une collègue qui n'aime pas se mettre en maillot de bain parce qu'elle trouve que les copines qui l'accompagnent sont toutes "bien foutues" comme elle dit alors qu'elle de son côté se trouve trop "ronde". Le truc assez drôle c'est que lorsque j'entends ça je dis que c'est n'importe quoi, qu'il ne faut pas réagir de cette manière. Ouais "fais ce que je dis, ne fais pas ce que je fais".
C'est très bien si certaines femmes réussissent à échapper à tout cela. Moi je n'y arrive jamais totalement. J'ai l'impression qu'on me dit constamment qu'il faut que je sois comme ceci ou comme cela.
En quoi est ce gênant que les persos de JV soient hypersexualisés tant qu'ils sont forts et savent se battre ?
Pour répondre à ta question, je dirais que les personnages féminins n'étant pas traités de la même manière que les personnages masculins, on en vient à se poser des questions sur pourquoi cette hypersexualisation? Oui elles sont fortes et savent se battre mais elles restent tout de même "objectifiées", elles sont définies par ce côté sexy et ont rarement des choses intéressantes à raconter.
Là où l'hypersexualisation pose problème c'est quand tu finis par te rendre compte que c'est la seule option possible pour les personnages féminins, quand ces derniers restent simplement des objets de fantasme. Quand tu viens de parler de traitement sexiste dans ce milieu, les réactions font peur. Je les résumerais ironiquement ainsi "pourquoi sale connasse de féministe veux-tu nous empêcher de mater des culs et des nibards?" ou alors "de toute façon c'est parce que tu es jalouse de ne pas avoir la même paire de boobs" Non merci avoir des flotteurs à la place des seins ne m'intéresse pas. Alors que l'on pourrait aussi discuter de cette représentation idéalisée des personnages masculins qui pose souci.
Les jeux vidéo visent avant tout un public masculin. On crée des personnages masculins pour contenter le joueur: il sont forts, il savent faire preuve de courage, prendre les bonnes décisions, protéger les autres,.. et du côté des personnages féminins on a des femmes qui peuvent effectivement être fortes voire totalement badass dans leur état d'esprit mais qui bien souvent se retrouvent à moitié à poil et sont mises en scène pour flatter le regard du joueur (cf Bayonetta, le personnage féminin badass mais qui est fait malheureusement pour qu'on lui mate le cul et qui a le droit a son petit viol dans le deuxième opus) On pourra me dire "oui mais ce n'est pas toujours le cas". Ouais enfin si on prend l'ensemble des jeux vidéo et qu'on cherche les personnages féminins qui ne sont pas en détresse ou alors qui ne sont pas à moitié déshabillés ça devient compliqué.
Je pourrais en discuter pendant des heures parce qu'en tant que joueuse j'ai souvent l'occasion de me poser des questions à ce sujet et d'en parler avec d'autres joueurs ou joueuses. Le sexisme reste pour certains (et certaines) un gros mot et les joueurs n'ont pas toujours envie que ce média soit traité comme les autres.
Quels jeux videos conseillerais-tu qui ne soient pas trop dans la caricature sexiste ?
Le plus dur c'est de trouver un jeu où le personnage principal est un personnage féminin non représentée de façon caricaturale. Je ne cite évidemment que des jeux auxquels j'ai joués, qui sont une tout petite part des jeux que j'ai faits.
Beyond good et evil
Dragon Age 3
Transistor
Silent Hill 3
Valkyrie Profile
J'en oublie sûrement mais je tenais à ne citer que des jeux qui comportaient des personnages féminins qui sont des personnages principaux, cela réduit tout de suite la liste.
Je sais que certains seront étonnés de voir que je n'ai pas mis Samus, l'héroïne de Metroid. Mais bon quand un jeu te "récompense" sur ton temps de jeu en déshabillant de plus en plus le personnage, je ne trouve pas cela terrible. Juste non.
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Beaucoup ont tendance à voir les féministes comme un groupe monolithique, dont les membres seraient interchangeables. Le féminisme est, plus que jamais, riche de personnalités très diverses.
J'ai donc décidé d'interviewer des femmes féministes ; j'en connais certaines, beaucoup me sont inconnues. Je suis parfois d'accord avec elles, parfois non. Mon féminisme ressemble parfois au leur, parfois non.
Toutes sont féministes et toutes connaissent des parcours féministes très différents. Ces interviews sont simplement là pour montrer la richesse et la variété des féminismes.
Interview de Marushah.
Son compte twitter : @Marushah
Bonjour Marushah peux-tu te présenter ?
Je suis une femme blanche de 40 ans, ingénieure en informatique, hétéro en couple avec 2 mômes.
Je milite (un peu) au Planning depuis quelques mois. Je me suis aussi syndiquée il y a peu, à SUD, et suis élue au CE.
Quoi dire d'autre... J'ai eu été assez "féminine" jeune, mais j'ai pas mal abandonné tout ca, s'occuper de mon apparence me gonfle, maintenant. J'ai pris pas mal de kilos avec l'arrivé des mômes. je dis ça car ça change beaucoup le regard des autres, ce qui est assez structurant.
J'aime la cuisine, la voile, et fabriquer des trucs (déco, bricolage etc.)
Depuis quand es tu féministe ; y-a-t-il eu un déclic particulier ou est-ce venu progressivement ?
Je lie beaucoup mon féminisme à l'arrivée de ma fille (l'ainée, va avoir 9 ans le mois prochain). Je me souviens halluciner devant les magazines genrés pour la jeunesse. Je ne sais plus depuis quand je me dis officiellement féministe mais ca me semble dater de mon arrivée sur twitter.
Oui, j'ai vraiment l'impression que c'est venu progressivement.
Après, je suis issue d'une famille de gauche, où les femmes sont plutôt "fortes". Ma sœur, qui a 17 ans de plus que moi, me faisait lire des livre pour enfant féministe quand j’étais petite.
Mais jeune adulte, ma sœur s’était embourgeoisée et j’étais plutôt dans l'idée que c’était un combat gagné, youpi.
Au boulot aussi, je me suis doucement rendue compte que j'avais de la peine à me valoriser, que j’étais moins écoutée que les mecs, que je stagnais à un niveau. J'ai eu deux personnes a gérer qui, quasi ouvertement, méprisaient les femmes et ne supportaient pas d'en avoir une comme chef.
Qu'est-ce qui t'a décidé à militer au Planning ? Qu'y fais-tu ?
Par connaissance. L'asso me plait par son positionnement à l’écoute des femmes, sur le terrain, l'éducation populaire sans iérarchiser les gens.
Pur l'instant, je fais des perm' de temps en temps, des formations, j'ai participé à un stand sur un festival.. j'ai un problème de temps pour vraiment réussir a m'investir.
Tu parles des magazines genrés pour la jeunesse. As-tu l'impression que les magazines pour enfants et ados sont davantage genrés que lorsque tu étais enfant ?
Oui.
J'ai grandi dans une période post 68 (née en 75) où, j'ai l'impression, il y a eu un gros effort sur le sujet.
Actuellement, les modèles/jeux/histoire main stream proposés aux filles sont hyper genré, vers le "tout princesse".
Apres, on trouve aussi une offre beaucoup plus large que quand j’étais petite, je crois. Du coup, en cherchant, on a aussi beaucoup de choses vraiment cool.
C'est peut-être moins vrai pour les garçon qui (comme d'hab), ont une offre de modèles/jeux/histoire beaucoup plus large. Et je sais pas ce qu'on leur proposait avant.
Mais pour eux aussi, c'est un peu galère de trouver des histoires avec des garçons sensibles, respectueux, qui pleurent.. etc.
En fait, je trouve qu'il y a une fabrication de 2 mondes sans lien possible : le monde fille, le monde garçon.
Par exemple, Lego a fait des boîtes filles avec des personnages 2 fois plus grands que les persos "normaux" (hahaha). Comme si l'idée qu'une fille et un garçon pouvaient jouer ensemble aux legos était inimaginable.
Tu évoques des problèmes de sexisme au bureau avec des collègues misogynes ; as-tu pu régler cette situation ? Comment t'y es-tu prise ?
J'ai complètement désinvesti l'affaire. J'en ai plus rien a battre de ne pas progresser. Du coup, aussi, je me suis investie dans le syndicat pour avoir des choses intéressantes a faire.
Pour l'instant ca va, mais j'ai un peu peur de ma fin de carrière où on me reprochera d'avoir stagné. Je pense que je vais le payer cash à ce moment là, mais tant pis.
Pour le sexisme quotidien, ya pas grand chose a faire. Je relève de temps en temps histoire que les gens autour ne se sentent pas tout permis, mais je laisse passer beaucoup de choses pour pas être "la chieuse".
En quoi le fait que les jouets, magazines soient autant genrés pose un problème selon toi ?
L'éducation des enfants me parait un des axes de travail efficace pour casser le patriarcat, comme pour le consolider et mon impression est qu'à ce niveau là il se consolide.
L'éducation des filles est poussée a fond sur la princesse qui fait rien et qui attend que son prince fasse tout. Elle doit être belle et attentionnée aux autres.
Surtout la beauté, d'ailleurs. Ma môme de 8 ans qui me dit qu'elle a du gras au cuisse alors qu'elle est largement en dessous de la moyenne de son âge, ca me fait peur.
Comme je le disais avant, j'ai de plus en plus de problèmes avec ce concept de beauté. C'est hiérarchiser les gens sur des critères sans intérêt et la pression là-dessus est très forte sur les filles. Du coup, on est obligé de dépenser un temps/savoir énorme pour ça et si on ne le fait pas on est très mal vue. Ca nous empêche de se consacrer a des choses plus "constructives" et ça crée des frustration terrible car le but est inatteignable.
Bon, je pars un peu dans tous les sens.
Pour l'éducation des garçons aussi, c'est un gros problème. On valorise la force, l'écrasement de l'autre, le mépris du féminin. En plus, si j'arrive à peu prés à élever ma fille dans des valeurs pas trop "fille", pour mon garçon, quitter les valeurs "garçon", c'est très difficile. Le regard des autres est hyper dur. Il est exclu (en partie) par ses camarades par exemple, et je suis profondément persuadée que c'est a cause de ca.
Parce qu'il aime les bisous, qu'il a un sac hibou rose, les cheveux longs (enfin plus maintenant, il a demandé a les couper) etc.
Lui qui n'avait manifesté aucun intérêt pour la bagarre avant, est devenu plus violent a la fin du CP.
Tu dis avoir peur d'être "la chieuse" au boulot ; penses-tu que beaucoup de femmes laissent couler lorsqu'elles entendent des propos sexistes pour cette raison là ?
Oui.
Ca et le fait qu'elles n'analysent pas le propos obligatoirement comme sexistes.
Genre les blague de culs. Quelqu'un en parlait sur twitter. Soit tu te réappropries le cul (ce que j'ai tendance a faire, même si en vrai c'est pas une activité qui me fascine tant que ca) et tu met les hommes mal à l'aise, soit tu gueules que c'est sexiste et ils se foutent de toi. La réaction attendue d'une femme est qu'elle s'offusque. La discussion ne doit pas être pour elle.
Dans mon monde pro très masculin (l'informatique), il est compliqué d'aller contre le groupe des hommes. Ça arrive, parfois, si on est plusieurs et qu'on se soutient. Sur ma dernière mission, j'avais une collègue plutôt dans le "je suis pas féministe mais" et parfois elle réagissait et je la soutenais, ou l'inverse. Mais pas toujours. Par exemple, les stéréotype H/F ne la gérait pas au contraire elle les validait, ce qui m'attristait pas mal.
Quels sont les sujets féministes auxquels tu es le plus sensible ?
C'est étonnant comme elle est pas facile, cette question.
Je dirais femme et pauvreté, les femmes qui subissent plusieurs oppressions, parce que c'est là que ca devient le plus terrible. Du coup, plus concrètement, la prostitution, le voile, les mères célibataires, les femmes racisées... etc.
Apres, ce n'est pas des choses que je subis, du coup c'est dur pour moi d'en parler, mais c'est ce qui me parait le plus important. Je vais plus parler des sujets qui me touchent directement, comme l'éducation des mômes et le sexisme au boulot.
Les métiers autour de l'informatique sont des métiers très masculins ; as-tu l'impression que la profession se féminise un peu ? Si c'est le cas en quoi est-ce un bien selon toi ?
Hélas, 3 fois hélas, c'est plutôt l'inverse : il y a moins de femmes dans les nouvelles générations que dans la mienne. Mon mec qui est prof d'info confirme (moins de filles dans ses cours).
En plus, les filles sont "orientées" vers le métier plutôt que le technique pure. Moi par exemple je ne fais plus de programmation, mais du dialogue avec le client ainsi que la rédaction de ce qui est décidé avec eux de ce que doit faire l'appli, les documents à destination des développeurs : je suis l'interface entre le métier et le technique.
Au début de ma carrière, j'aimais les 2, mais (et c'est classique), les opportunités sont allées davantage vers le métier. Parfois je le regrette. Avec 25% de femmes, je crois, globalement dans l'info, on arrive à avoir des équipes "métiers" majoritairement féminines.
Est-ce que la féminisation serait un bien ? C'est surtout que ca signifie que c'est une carrière "fermée" aux femmes, qu'on apprend à ne pas désirer, même si ca aurait pu nous correspondre. Ca se fait très tôt, avec les maths vues comme pas féminines etc.
De plus, concrètement, ca signifie que pour les femmes dans l'informatique, on est assez seules. C'est plus compliqué de se défendre, donc ca reste un milieu misogyne. Plus que le reste de la société, ça je sais pas (mais un peu, je crois).
Et puis c'est un métier quasi sans chômage, qui paye bien, et comme par hasard réservé aux hommes :/
Tu parles de ta fille de 8 ans qui s'inquiète déjà des problèmes de poids ; à quoi est-ce du selon toi ? Comment essaies-tu d'aller contre cela ?
Parce que TOUT parle de ca autour de moi. Ma sœur par exemple, grosse ado est maintenant complètement flippée sur ca, malgré ses 50 kilos toute mouillée. Elle capte juste le message omniprésent.
Je lui tiens déjà un discours clairement féministe. C'est un peu lui raconter tôt les horreurs de la vie, mais j'ai pas du tout aimé me rendre compte si tard de tout ca, j'ai eu l'impression qu'on m'avait menti, alors je suis plus cash avec ma fille.
Du coup je lui ai déjà dit que fallait pas avoir pour but unique d'être belle ou mince, car c'est un discours qui pourrit la vie des femmes, faut pas se laisser avoir avec ca. Le but d'une vie n'est pas de faire plaisir aux garçons, d'essayer de leur plaire, mais d'être soi-même, heureuse.
De plus, je suis moi-même en surpoids et je sens que ca la gène. Du coup, je valorise mon surpoids, pour montrer que c'est pas un problème en soi. Genre "T'as froid ? pas moi, ma graisse me tient chaud !" ou "t'as aucune chance de me battre au judo, je suis beaucoup plus lourde que toi, c'est ma force" etc.
As-tu pu parler à ton fils de certains de ses goûts qui s'opposent aux goûts traditionnels masculins ?
Un peu mais il aime pas (plus) trop parler de ca.
Je dis souvent que chacun a le droit d'aimer ce qu'il veut, que c'est stupide de s’empêcher d'aimer un truc parce que c'est pas "garçon".
Un fois il m'a dit "Les autres, ils aiment pas les bisous. J'comprend pas, moi j'aime beaucoup les bisous !"
Mais ses problèmes, c'est surtout des problèmes de hiérarchie. "Machin a pas voulu jouer avec moi aujourd'hui" et machin a fait ca parce qu'il peut, Titouan est plutôt en bas de la hiérarchie de la cour de récré, parce que trop gentil, pas assez bagarreur, s'impose pas assez. Enfin je l'analyse comme ca.
Il est petit (5 ans). Je sais pas trop quoi lui dire sur le sujet, comment l'aider. Je peux dire ce que je veux : être rejeté c'est pas cool.
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De plus en plus de femmes témoignent sur leur blog ou les réseaux sociaux, des agressions sexuelles, attouchements, exhibitions sexuelles, tentatives de viol ou viols qu'elles subissent.
C'est un phénomène assez récent car la plupart des femmes n'osaient pas en parler parce qu'elles en avaient honte ou parce qu'elles n'étaient pas sûres d'avoir vraiment vécu une agression.
Les féministes ont largement contribué à cette libéralisation de la parole des femmes en parlant beaucoup des violences sexuelles et en déconstruisant les stéréotypes autour d'elles.
On constate que, chaque fois qu'une femme témoigne d'une agression subie, les réactions de beaucoup d'hommes sont de deux ordres :
- ils expliquent à la victime ce qu'elle aurait du faire
- ils expliquent ce qu'ils auraient fait si ils avaient été présents.
Ces réactions suscitent beaucoup de tensions sans que les hommes ne comprennent réellement pourquoi ils sont mal accueillis alors qu'ils pensent bien faire. Essayons donc d'analyser ces réactions.
Expliquer à la victime ce qu'elle aurait du faire
"Là aussi, pour que les femmes puissent se penser capables de se défendre, il faudrait des images de femmes décidées, sachant dire non, capables de poser leurs limites et de répondre efficacement aux agressions verbales ou physiques." Irène Zeilinger NON C’EST NON Petit manuel d’autodéfense à l’usage de toutes les femmes qui en ont marre de se faire emmerder sans rien dire.
Très souvent, la victime témoigne de ce qu'elle aurait aimé faire ou du faire selon elle. On a tendance après une agression, quelle qu'elle soit, à retourner en tout sens la situation pour voir comment on aurait pu agir. Ainsi on se dit, lors d'une tentative de vol à l'arraché, qu'on a eu tort de s'accrocher comme un damné à son téléphone, ca ne valait peut-être pas le coup de se faire casser le nez. A contrario, si le téléphone nous a été arraché, on se dit qu'on aurait pu davantage résister, qu'on a été lâche, nul, qu'on n'a pas été vigilant ou qu'on a réagi trop tard.
Cette impression d'avoir mal agi, quelle que soit la façon dont on l'a fait, est démultiplié dans les cas d'une agression à caractère sexuel. Ce sentiment de culpabilisation de la victime existe quel que soit le genre de la victime ; si c'est une femme, on lui expliquera que le risque de viol est grand surtout si elle "se conduit mal". On ne parlera que très rarement du risque du viol aux hommes (peut-être quand ils sont très jeunes) mais nombreux estimeront que si cela arrive à un homme c'est qu'il ne s'est pas assez défendu. Les victimes d'agressions sexuelles portent donc très souvent une culpabilité due aux discours extrêmement accusateurs qu'on entend à peu près partout.
Une victime qui témoigne est donc souvent en plus du choc de l'agression, en pleine incertitude. Il n'est pas rare qu'elle témoigne de sa culpabilité et de ses regrets de n'avoir pas agi si elle ne l'a pas fait.
Très souvent des hommes lui expliquent donc ce qu'elle aurait du faire et comment elle devra agir la prochaine fois (ce qui est assez maladroit, une victime n'a aucune envie de penser à "la prochaine fois").
Il importe de comprendre qu'hommes et femmes ne sont pas socialisés de la même manière. J'avais écrit il y a quelques années ce texte Tu seras violée ma fille qui avait suscité beaucoup de partages chez des femmes (y compris des femmes peu sujettes à partager des textes féministes) et beaucoup d'incompréhension chez les hommes. Beaucoup de femmes se retrouvaient dans cette description où je démontrais combien les femmes sont éduquées à avoir peur de l'agression sexuelle.
Le texte Le trottoirgate ou comment la peur vint aux femmes suscita lui aussi le même type de réaction. Il était difficile pour les hommes de comprendre deux choses ; que les femmes aient peur et qu'elles aient peur d'eux. L'idée que les femmes sont éduquées à avoir peur est une idée difficile à faire passer tant on inculque le contraire aux hommes ; les hommes sont éduqués dans l'idée qu'ils ne doivent avoir peur de rien sinon ils ne seront pas virils. Un homme est poussé à prendre des risques, à dépasser les limites, à ne jamais montrer sa peur. Une femme au contraire est davantage censée faire attention, se méfier des inconnus, se méfier de ce qu'elle fait, de ce qu'elle porte, de ses attitudes ; bref à avoir peur.
Beaucoup de femmes sont élevées dans la peur ; on leur enseigne jour après jour que si elles se conduisent mal (sans vraiment expliquer ce que le "mal" signifie. ca peut commencer par "sortir le soir seule") elles sont violées. Pour autant, on n'apprend pas aux femmes à se défendre. Dans le texte Les avantages à naître et grandir homme en France, je montrais combien on apprend aux femmes à être douces et calmes. Ainsi dés à l'âge de 5 ans, les filles commencent à inhiber leur agressivité tant cela n'est pas considéré comme une attitude féminine. Au contraire, on encourage fortement l'agressivité chez les petits garçons ; c'est assimilé au fait d'avoir "du tempérament" de la "testostérone" ; celui qui sera jugé comme trop doux sera souvent malmené, insulté, harcelé.
Dans ce contexte-là il est extrêmement difficile pour un homme de comprendre ce que vit une femme, au regard de leurs socialisations extrêmement différentes. Là où lui a été poussé, tiré pour savoir se battre, elle a été inhibée et contrainte jusqu'à ce que la violence, y compris pour se défendre, lui apparaisse comme un comportement impossible à avoir. J'en parlais dans ce billet Les mensonges faits aux femmes où je démontrais qu'on ne cesse de dire aux femmes qu'elles risquent d'être violées, que c'est ce qui peut leur arriver de pire dans la vie, que c'est presque pire que la mort mais on ne leur donne aucun moyen de se défendre. Pire on leur ment en leur disant que ne rien faire est mieux que se défendre.
Les hommes ne sont pas élevés dans la peur de l'agression sexuelle et du viol (ils sont davantage élevés dans la terreur qu'on pense qu'ils ne sont pas assez virils), ils ne connaissent donc pas ce sentiment diffus, complexe à expliquer que connaissent beaucoup de femmes. Le viol et les agressions sexuelles sont vues par beaucoup de femmes comme quelque chose d'atroce, une salissure extrême, qui cause une peur panique d'où le fait que beaucoup de victimes de viol soient en état de sidération pendant l'acte. C'est ce qu'explique Virginie Despentes au sujet de son viol ; elle était armée, aurait pu se défendre et pense d'ailleurs que si elle avait subi un autre type d'agression (pour la voler par exemple), elle aurait réagi. Mais face à cette menace de viol, qui constitue pour beaucoup de femmes, une peur absolue et panique d'être tuée, elle n'a pas réagi.
Les hommes sont au contraire éduqués à réagir à toute agression envers eux (quitte à de mettre en danger) et ne sont pas éduqués dans la crainte du viol ; il leur est donc extrêmement difficile, voire impossible de comprendre les peurs et inhibitions des femmes à ce sujet. J'ai coutume de citer l'anecdote d'un homme féministe que j'estime et qui avait choisi de donner des cours de self defense aux femmes puisqu'il était prof d'art martial. Il a vite compris qu'il n'arriverait pas à comprendre et travailler sur les peurs des participantes et leur inhibition de la violence. Il a donc passé la main à une enseignante avec qui cela s'est beaucoup mieux passé.
Il est donc vraiment inutile - sauf si cela vous est demandé expressément - de donner des conseils aux femmes en matière de défense face aux agressions sexuelles. Ce ne sont pas des situations que vous appréhendez de la même manière (j'avais d'ailleurs un jour fait un bref sondage sur twitter au sujet des agressions sexuelles dans le metro ; les hommes agressés avaient ressenti de la surprise dans leur grande majorité et les femmes de la peur) ; vos conseils ne sont pas utiles. Lisez et écoutez plutôt ce que les femmes disent sur le sujet.
Expliquer ce que eux auraient fait
On assiste également très souvent lors de ces moments où les femmes témoignent de leurs agressions à des démonstrations viriles où les hommes témoignent de ce qu'ils auraient fait. En clair, à les entendre, si nous avions eu la chance qu'ils soient là, l'agresseur aurait passé une sale quart d'heure. Et ces réactions virilistes sont évidemment présentes à grand nombre à chaque témoignage.
Mais le fait est que l'immense majorité des femmes agressées dans l'espace public sait que les chose ne se passent pas ainsi. On connait déjà l'effet du témoin : plus un grand nombre de personnes assistent à une agression, moins la probabilité d'aide est élevée.
Très peu de femmes ont pu bénéficier d'aide lorsqu'elles ont été agressées ; c'est malheureusement un constat récurrent, nous avons du nous débrouiller.
Constatons en plus que nous sommes déjà face à une situation sexiste et violente puisqu'une femme raconte son agression. Pour celles qui lisent, cela rappelle souvent des souvenirs d'agressions passées. Est-il bien nécessaire et utile de rajouter de la violence verbale en expliquant ce que vous auriez fait à l'agresseur ? On sait tous et toutes qu'il y a un très petit nombre de gens qui réagissent face à une agression. Pourtant le nombre d'hommes (car il ne s'agit que d'hommes) à expliquer ce qu'ils auraient fait est toujours très élevé. Quel en est l'intérêt ? Nous faire regretter de ne pas nous être promené avec un homme ? De nous être promenée seule ? de ne pas vous connaître ? D'avoir l'impression que vous avez quelque chose à dire sur le sujet ? D'instituer une atmosphère violente où les hommes méchants agressent les femmes et où les hommes gentils les défendent ?
Posons nous simplement la question de l'anormalité de l'agression sexuelle. Il n'y a pas à la voir comme quelque chose de normal, d'ancré dans les mœurs ou selon un cycle bien établi les femmes sont agressées et ou les chevaliers blancs fantasment sur ce qu'ils auraient fait.
En clair, il est important - je le répète depuis assez longtemps - d'écouter les femmes lorsqu'elles témoignent d'une agression et de leur témoigner votre soutien. Et cela sera déjà largement suffisant et nécessaire.
The post Réagir face au récit d’une agression sexuelle appeared first on Crêpe Georgette.
Beaucoup ont tendance à voir les féministes comme un groupe monolithique, dont les membres seraient interchangeables. Le féminisme est, plus que jamais, riche de personnalités très diverses.
J'ai donc décidé d'interviewer des femmes féministes ; j'en connais certaines, beaucoup me sont inconnues. Je suis parfois d'accord avec elles, parfois non. Mon féminisme ressemble parfois au leur, parfois non.
Toutes sont féministes et toutes connaissent des parcours féministes très différents. Ces interviews sont simplement là pour montrer la richesse et la variété des féminismes.
Interview de Marie-Hélène.
Salut Marie-Hélène peux-tu te présenter ?
Je suis juriste de formation, mais je suis surtout intéressée par les aspects politiques du métier. Il y a deux ans, j'ai lancé mon blog Marie accouche là qui vise à élaborer une analyse féministe sur la façon dont les femmes sont (mal)traitées pendant leur accouchement. J'ai eu la chance, par un heureux hasard de circonstances, de vivre un accouchement respecté (suivi global par une sage-femme et accompagnement bienveillant de mon accouchement naturel en plateau technique d'une maternité). J'ai pris conscience de l'importance capitale de cet événement dans la vie d'une femme. J'ai également pris conscience de la violence que représentent les gestes médicaux imposés aux futures mères dans le cadre d'un accouchement classique.
Quand j'ai commencé à parler de naissance respectée, je me suis heurtée à un lever de bouclier, y compris de la part de féministes. L’accouchement tel qu'il se pratique à l’hôpital est perçu dans notre société comme un progrès pour les femmes. « La médecine sauve des vies », « la péridurale libère les femmes de l'injonction biblique tu enfanteras dans la douleur ». Questionner les conditions d'accouchement est tabou. Pourtant, dès mes premiers billets (qui ont été à ma grande surprise largement diffusés sur les réseaux sociaux), j'ai reçu de nombreux témoignages de femmes racontant les violences et humiliations qu'elles ont subies. Ces témoignages m'ont encouragée à creuser, billet après billet, le système de domination masculine extrême qui s'impose aux femmes lors de la naissance de leur enfant.
Depuis quand es-tu féministe ?
J'ai toujours été convaincue de l'égalité entre les femmes et les hommes, et lorsque j'étais jeune, j'étais même convaincue que cette égalité était atteinte. Quand j'ai eu une vingtaine d'années, j'ai été confrontée à la réalité de la société, et j'ai vite déchanté. C'est au contact d'autres féministes que je me suis intéressée de plus près à ces questions. Puis, à force de côtoyer des féministes de tout âge, j'ai osé moi-même me revendiquer comme telle. Par la suite, j'ai énormément lu et débattu sur tous les sujets liées aux discriminations et aux violences de genre, ce qui m'a permis de comprendre le patriarcat en tant que système d'organisation de la société, et d’appréhender les mécanismes de la domination masculine.
Pendant toutes ces années, j'ai considéré le féminisme comme une affaire privée, comme une grille de lecture personnelle qui me permettait de mieux comprendre la société et d’interagir avec elle dans mon propre intérêt. Je n'ai jamais fait partie d'une association féministe. Même s'il m'est arrivé de participer à l'une ou l'autre action, je ne me suis jamais considérée comme une militante féministe. Ce n'est qu'avec l'ouverture de mon blog que j'ai décidé de franchir le pas et mettre à profit tout mon bagage féministe au service d'une cause qui touche une majorité de femmes.
Ton blog Marie accouche là aborde des questions qui avaient été très peu abordées par les mouvements féministes ; pour quelle raison à ton avis ?
Si on regarde l'Histoire récente du féminisme, celui du XXème siècle, on constate que les féministes se sont d'abord intéressées aux droits politiques (suffragettes), puis aux droits sexuels et reproductifs (contraception, avortement). J'ai une grande admiration pour Simone de Beauvoir et pour toutes les féministes qui se sont battues pour permettre à chaque femme de se réapproprier son corps et sa vie sexuelle, et contre l'aliénation que représentait la fonction exclusive de femme au foyer. Elles se battaient - à juste titre - pour le droit des femmes à ne pas avoir d'enfant. Malheureusement, ce courant féministe a eu tendance à considérer la maternité comme un asservissement des femmes. Elles n'ont pas eu d'attrait pour le questionnement du rôle de mère ni a fortiori pour l'accouchement. Les mères étaient même perçues comme des traitresses à la cause des femmes, et ne méritaient dès lors que peu d'attention.
A partir des années 1980 ont émergé les questions liées au genre. Les féministes ont questionné les limites entre le sexe masculin et le sexe féminin à partir des situations à la marge: homosexualité, transsexualité, transgenre, intersexués, etc. La différence qu'on croyait fondamentale et immuable entre les hommes et les femmes est remise en question. Que ce soient les neurosciences, la biologie, la génétique, l'anthropologie, la sociologie, toutes les disciplines ont mis en lumière l'absurdité de figer les gens en deux catégories biologiques opposées. Il est maintenant démontré que les différences entre les hommes et les femmes sont avant tout des constructions culturelles et que même les différences physiques sont très relatives. Ces questionnements et découvertes ont permis de démontrer que les hommes et les femmes sont fondamentalement pareils, et qu'aucune compétence ou aptitude ne devait être attachée à l'un ou l'autre sexe. Dans ce contexte, des phénomènes biologiques comme la grossesse et l'accouchement entrent difficilement dans cette analyse de genre, puisqu'ils tendent à affirmer une différence physiologique entre les sexes. A mes yeux, c'est la raison pour laquelle l'accouchement n'a pas été questionné.
Je considère qu’analyser l'accouchement d'un point de vue féministe n'est pas incompatible avec les avancées féministes précédentes. S'il faut continuer à se battre pour l'accès à la contraception et à l'avortement, s'il faut défendre le slogan "un enfant si je veux, quand je veux", il faut tout autant respecter la liberté des femmes qui souhaitent devenir mères. Il faut donc aussi se battre contre les discriminations et violences qu'elles subissent.
Aborder l'accouchement est aussi compatible avec la remise en question des identités sexuelles figées, puisqu'il suffit, afin de contourner le piège de l'essentialisme, de considérer les futures mères non pas comme une catégorie biologique « femme », mais simplement comme des personnes qui accouchent (toutes les femmes n’accouchent pas, tandis que des personnes ne se considérant pas comme des femmes peuvent accoucher). Il est également possible d'aborder les conditions de la naissance auprès des catégories en marge du modèle hétérosexuel, par exemple la PMA pour les couples lesbiens, la gestation pour autrui pour les couples homosexuels, l'obligation de stérilisation imposé aux transsexuels, etc.
De plus, les recherches liées à l'accouchement peuvent aussi alimenter ce courant féministe d'analyse des genres. J'ai écouté l'exposé d'une paléo-anthropologue, July Bouhallier qui a consacré une thèse de doctorat à l'étude de centaines bassins d'hommes et de femmes préhistoriques, d'hommes et des femmes de tous les continents et de grands signes. Elle a pu invalider la croyance selon laquelle l'espèce humaine aurait plus de difficulté pour accoucher à cause de la station debout et des déformations du bassin que cette station impliquerait (si les femmes humaines ont des difficultés pour accoucher, c'est d'abord en raison de contraintes culturelles, par exemple l'absurdité de se mettre couchée sur le dos avec les jambes en l'air). Mais ce que cette paléo-anthropologue a surtout observé, c'est l'énorme variation des formes et des tailles de bassins tant chez les femmes que chez les hommes. De plus, elle a constaté que les bassins masculins sont tout aussi aptes à permettre un accouchement. Ses recherches peuvent donc s'inscrire dans les gender studies, et démontrent, y compris via le sujet de l'accouchement, la relativité des catégories homme/femme.
Quels sont les retours autour de ton blog tant au niveau des professions médicales, que du grand public que des féministes ?
A ma grande surprise, j'ai constaté que mon blog touchaient énormément de gens et entrait en résonance avec le vécu d'un grand nombre de femmes. J'ai reçu plein de témoignages d'accouchement, dont certains sont d'une violence inouïe en faisant part d'actes assimilables à des viols et des tortures. Des amies, des collègues, des personnes perdues de vue depuis longtemps, se sont mises à me parler de leur accouchement, des humiliations, de l'infantilisation, de gestes douloureux, du sentiment de s'être vue "voler" leur accouchement. D'autres femmes me remercient pour l'existence de mon blog parce qu'il leur a permis d'identifier la cause de leur souffrance, de lire des propos jusque-là tabous, de se sentir pour la première fois comprises et reconnues au regard des violences qu'elles ont subies en mettant leur enfant au monde. Ce qui me touche aussi beaucoup, ce sont les messages de jeunes femmes qui ont découvert mon blog alors qu'elles n'avaient pas encore d'enfant, qui ont ouvert les yeux sur cette réalité, et qui, lorsqu'elles se sont retrouvées enceintes, ont fait les démarches pour vivre une naissance respectée.
Mes relations avec les médecins, gynécologues et obstétriciens sont beaucoup plus tendues. J'en ai eu un bel exemple lors de l'affaire des touchers vaginaux sur patiente endormie au bloc opératoire. Sur les réseaux sociaux, bon nombre de médecins et de futurs médecins ont fait preuve du plus grand mépris pour les femmes et ont démontré leur incapacité à prendre en compte l'intérêt de leurs patientes tant ils croyaient en leur propre supériorité. Bon nombre de médecins sont aussi enfermés dans des dogmes, au point de ne suivre ni les recommandations de l'Organisation Mondiale de la Santé, ni les conclusions des études scientifiques, ni les bonnes pratiques élaborées la le Collège des Gynécologues et Obstétriciens français. Ils reproduisent bêtement les gestes qu'ils ont appris pendant leurs études, se plient à des protocoles hospitaliers qui visent à optimiser l'activité économique de l'hôpital, et cherchent en premier lieu à se protéger contre des éventuels procès. Dès que je soulève la question du respect des futures mères pendant l'accouchement, ils se limitent à répondre « la médecine sauve des vies, circulez, il n'y a rien à voir » en m'accusant à demi-mot de vouloir la mort des femmes.
En revanche, ce blog me permet de côtoyer des professionnelles que j'admire de plus en plus: les sages-femmes. J'ai l'occasion de rencontrer des sages-femmes brillantes, passionnantes, et en plus ouvertement féministes. Malgré toutes les pressions qu'exercent les médecins et les politiques pour les soumettre au pouvoir médical, certaines d'entre elles se démènent corps et âme pour permettre aux femmes de vivre leur grossesse et leur accouchement dans le respect et la bienveillance. Ce sont de vraies résistantes, dans le sens politique du terme. Ce sont les héritières directes des femmes érudites du Moyen Age, qui accompagnaient les femmes dans tous les aspects de leur sexualité. Celles qui ont été brûlées comme sorcières sur les bûchers, à l'époque moderne, lorsque les médecins hommes ont décidé d'accaparer leurs connaissances et s’approprier le corps des femmes.
Des médecins te rétorqueraient que certes il y a surmédicalisation mais on a un taux de mortalité de la mère et du nouveau-né très bas ; que peux-tu dire face à cela ?
Quand on regarde les causes de mort périnatale dans l’Histoire, on voit qu’elles sont principalement liées aux conditions de vie difficile (les gens mourraient facilement et l’espérance de vie était de moins de 30 ans au XVIIIème siècle), mais surtout au manque d’hygiène. La fièvre puerpérale, transmises par les médecins qui ne se lavaient pas les mains entre l’examen de cadavres et celui du vagin des futures mères, tuait jusque 20% des mères dans les hôpitaux. Grace à Pasteur et aux règles d’asepsie, la mortalité a diminué de moitié à la fin du XIXème siècle.
Juste après la seconde guerre mondiale, la mortalité en couche a chuté pour atteindre des niveaux proches d’aujourd’hui. C’est dû non pas aux actes des obstétriciens, mais à un autre progrès fondamental de la médecine générale que sont les antibiotiques. Grace à celles-ci, on a pu pratiquer des césariennes qui ne tuaient plus les femmes. J’ai balayé l’Histoire de la mortalité en couche dans mon billet Il y a deux siècles je serais morte en couche. Vraiment ?
Depuis la seconde guerre mondiale, la mortalité périnatale a continué à baisser, mais toujours pas en raison de l’action des obstétriciens. Les principales causes de mort en 1950 étaient pour un tiers toujours la fièvre puerpérale (qui a très vite définitivement disparue), un tiers les maladies liée à l’hyper-tension (aujourd’hui détectable pendant la grossesse) et un tiers les décès dus aux avortements clandestins (qui ont disparu depuis la légalisation de l’avortement). La mortalité directement liée à l’accouchement n’a que très peu baissé depuis lors. La moitié des décès aujourd’hui sont dus aux hémorragies du post-partum, et on observe que la moitié de ces hémorragies sont le résultat d’une prise en charge médicale inadéquate. J’explique cette évolution des 60 dernières années dans mon billet Si je n’avais pas accouché à l’hôpital, je serais morte et mon bébé aussi. Ah bon ?
Donc non, la surmédicalisation ne sauve pas de vie. La succession de gestes médicaux standardisés, imposés aux femmes dont l’accouchement se présente pourtant parfaitement, s’apparente plus à un rituel pour conjurer les mauvais sorts qu’à une médecine respectueuse des êtres humains et basée sur des conclusions d’études scientifiques. Les femmes sont capables d’accoucher, et la médecine ne devrait intervenir qu’en cas de pathologie ou de demande particulière de la future mère. Pas s’imposer aveuglement à toutes.
Pourquoi penses-tu qu'aussi peu de femmes parlent de ce qu'elles ont subi de la part du corps médical pendant leur accouchement ?
Il y a un véritable tabou. La violence obstétricale est à ce point la norme dans les hôpitaux qu’il est très difficile de la dénoncer. Exactement comme il est difficile, pour des femmes excisées, de dénoncer cette mutilation dans leur communauté où elle est considérée comme normale et bénéfique. Tout l’entourage de la femme cherche à la faire taire, en balayant ses plaintes par un simple « mais tu es en bonne santé et ton bébé aussi, c’est le principal ». Si elle insiste, elle est rappelée à l’ordre par le sempiternel « la médecine sauve des vies » qui clôt toute discussion.
Il y a aussi bon nombre de femmes convaincues que les violences qu’elles ont subies étaient nécessaires pour les sauver ou sauver leur enfant. Les études démontrent pourtant que dans l’écrasante majorité des cas, les complications pendant l’accouchement sont directement causées par des actes médicaux inutiles (déclenchement, injection d’ocytocine de synthèse, touchers vaginaux à répétition, position couchée sur le dos, environnement stressant, etc). Pour les cas où la situation est réellement pathologique, les interventions médicales sont tout aussi efficaces si elles sont pratiquées dans le respect de la femme, dans un climat de bienveillance, d’écoute et de recherche du consentement préalable, en prenant en compte la douleur tant physique que psychologique, et en accompagnant les futures mères d’un soutien émotionnel. Torturer une femme n’a jamais sauvé son enfant.
Penses-tu à intégrer une association féministe qui pourra t'aider dans tes combats ?
Je serais ravie que des associations féministes s’intéressent à ces questions et je suis prête à les aider. Il est essentiel que la violence obstétricale soit considérée comme une violence faite aux femmes et fassent partie des combats féministes comme la lutte contre le viol et les violences conjugales.
En Belgique, j’ai créé avec d’autres féministes, parents, sages-femmes, médecins la Plateforme pour une naissance respectée. Cette Plateforme est aujourd’hui soutenue par une vingtaine d’organisations dont certaines de poids telles que la Ligue des Familles, et des associations féministes comme Le Monde selon Les Femmes. Le but de cette plateforme est d’interpeler le monde politique pour plus de respect lors de l’accouchement. Nous organisons en ce moment une série de soirées citoyennes dans plusieurs villes du pays (les informations utiles sont ici).
Tu vis entre la France et la Belgique. Constates-tu des différences entre le féminisme français et belge ?
Les différences sont à l’image de la différence de mentalité entre la France et la Belgique. Pour caricaturer, en France, on est dans la posture et l’affrontement. En Belgique, on est dans le pragmatisme et le consensus. Cette différence d’approche se reflète dans les prises de positions féministes et les actions de terrain. Une autre différence est qu’en France, les féministes sont plutôt constituées en associations autonomes, tandis qu’en Belgique, elles sont intégrées dans les partis politiques et les organisations plus généralistes. Mais fondamentalement, les constats et les revendications féministes sont les mêmes dans les deux pays.
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Vous avez lancé une publicité sexiste qui joue sur d'habiles ressorts méconnus tels que "les femmes sont des connasses vénales semi-illetrées" ?
Vous avez torché un numéro d'été de votre petit magazine à maigre tirage où vous explorez la très méconnue antienne "ces féministes toutes des extrémistes" ?
Vous avez lancé une chanson où vous envisagez - et c'est assez original - de traiter toutes les femmes de putes ?
Vous avez écrit une série où vous jouez avec humour sur le sexisme des personnages auquel vous n'adhérez évidemment pas mais qui vous fait quand même marrer ?
Mais vous vous inquiétez du budget publicité pour vous faire connaitre. Il est difficile en ces temps troublés de faire connaitre le vrai politiquement incorrect. Et ce ne sont pas les 3 fans semi débiles que vous méprisez secrètement mais qui vous rapportent pas mal de pognon qui vont s'en charger.
J'ai donc trouvé une solution ; sponsorisez mon indignation, mon féminisme et votre sexisme.
Vous voulez de la pub et vous avez malignement joué sur quelques ressorts sexistes afin que les féministes réagissent (que vous êtes subtil !). PAS DE PROBLEME.
Pour 100 euros le twit, je produis une grosse et vraie indignation. Je garantis un RT de 2% minimum.
Pour 850 euros j'écris un billet dénonçant le sexisme de votre production ARTISTIQUE et INTELLECTUELLE (et je m'engage à mettre 5 liens vers votre site).
Bien évidemment en l'absence de tout paiement, je ne parlerai jamais, et à aucune occasion, de vos productions. Vous comprendrez aisément que tout travail mérite salaire et en l'absence de paiement
- visant à faire la publicité de vos productions auprès de gens n'en ayant jamais entendu parler
- contribuant à la montée du nombre de twits dédiés à votre production, chiffre que vous pourrez ensuite montrer à vos investisseurs
il est bien normal et naturel que je n'écrive rien, n'envisageant pas de vous procurer publicités et par là même revenus supplémentaires, gratuitement.
Mon indignation à votre service.
Vos billets dans ma poche.
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Une vingtaine d'ex-prostituées en Alsace bénéficient depuis février d'un dispositif unique en France d'accompagnement vers l'emploi, ont expliqué lundi à Strasbourg les promoteurs de ce projet financé par l'État, mais qui s'appuie sur le monde associatif.
Pour aider ces femmes (et aussi quelques hommes) à trouver une formation ou un travail, une chargée de mission rémunérée par les pouvoirs publics a été mise à la disposition du Mouvement du Nid, une association qui lutte pour l'abolition de la prostitution, a expliqué lors d'une conférence de presse Christine Blec, sa vice-présidente nationale.
Mon travail, c'est de nouer des partenariats avec des structures d'insertion et de formation, et de les sensibiliser aux spécificités des personnes issues de la prostitution, résume la chargée de mission, Annelise Morel, qui assurera cette fonction au moins jusqu'en février 2016.
Pour l'heure, 26 ex-prostitués ont bénéficié de ce programme : l'une a suivi une formation de six semaines en informatique, deux sont en passe d'entamer une formation dans le domaine de la sécurité ou du service à la personne, et une autre a même décroché un emploi en CDI dans une chaîne de restauration rapide.
À 90% étrangères, les personnes concernées sont souvent très éloignées du monde du travail, et doivent d'abord prendre des cours de français, a observé Mme Blec.
Les accompagner vers l'emploi, c'est les aider à disposer des ressources nécessaires pour ne pas retourner sur le trottoir, mais aussi à construire un parcours de vie positif, a-t-elle souligné.
Le 15 octobre, une quarantaine de structures (chantiers d'insertion, agences d'intérim à vocation sociale, centres de formation...) officialiseront leur partenariat avec le Nid et les acteurs concernés, à travers la signature d'une charte. Ce texte contient notamment une clause de confidentialité, afin que la personne puisse s'insérer dans ses nouvelles fonctions sans que ses collègues n'aient connaissance de son passé.
Les promoteurs de ce projet espèrent qu'il servira d'exemple au niveau national.
La nécessité d'organiser un accompagnement vers l'emploi des personnes sorties de la prostitution, figure d'ailleurs dans la proposition de loi renforçant la lutte contre la prostitution, ont-ils souligné.
Cette loi, largement commentée ces derniers mois car elle prévoit par ailleurs la pénalisation des clients de prostituées, doit être examinée en deuxième lecture au Sénat le 14 octobre.
Un projet innovant au service de la construction d'alternatives à la prostitution : en Alsace, 40 acteurs associatifs, institutionnels et économiques se sont constitués en réseau pour favoriser l'insertion professionnelle et la formation des personnes en situation de prostitution.
Isabelle Collot, salariée de la délégation du Mouvement du Nid du Bas-Rhin, présente le projet pour la télévision Alsace 20.
Beaucoup ont tendance à voir les féministes comme un groupe monolithique, dont les membres seraient interchangeables. Le féminisme est, plus que jamais, riche de personnalités très diverses.
J'ai donc décidé d'interviewer des femmes féministes ; j'en connais certaines, beaucoup me sont inconnues. Je suis parfois d'accord avec elles, parfois non. Mon féminisme ressemble parfois au leur, parfois non.
Toutes sont féministes et toutes connaissent des parcours féministes très différents. Ces interviews sont simplement là pour montrer la richesse et la variété des féminismes.
Interview de IronMaiden.
Bonjour, depuis quand es-tu féministe ; y-a-t-il eu un déclic particulier ou est-ce venu progressivement ?
Ma découverte du féminisme... C'était une progression lente, au fil des années. J'ai une vie compliquée, donc je me dois de l'expliquer un peu.
J'ai grandi dans une famille un peu spéciale. Aristocrate par mon père et ma mère, on peut dire que j'ai été élevée dans une certaine idée de la France et des valeurs familiales. J'ai été une parfaite jeune fille de bonne famille. Résultats brillants, tenue et éducation irréprochables, j'étais un pilier de la communauté traditionaliste de ma petite ville d'origine. J'ai été bien sûr aux Scouts d'Europe, j'ai même été assistante et cheftaine guides et louvettes. Ma mère dirigeait le rallye de ma ville et j'organisais les nouvel ans, dîners, sorties de mon petit cercle social, j'étais vue comme un boute-en-train et une personne à la spiritualité forte, citée en exemple par beaucoup de mères qui complimentaient la mienne, une version française de Bree Van de Kamp dans Desperate Housewives.
Poussée par les ambitions de mes parents, j'ai compris très tôt que pour être aimée il fallait que je sois exactement ce qu'on attendait de moi. Je devais avoir l'air impeccable en toutes circonstances, cheveux attachés, habillée classique mais pas trop coincée non plus, jamais vulgaire. Ne pas trop manger, ne pas trop parler hors conversations mondaines et ne pas avoir d'opinions différentes dans ce joli petit monde qui tourne bien rond. Ou pas. Il y a un truc à savoir avec les tradis: ils sont persuadés d'être à contre-courant de la société actuelle débauchée et qu'ils doivent se battre tous les jours pour "maintenir" les valeurs dont ils se réclament, puisqu'ils sont "persécutés" à cause de ce racisme "anti cathos" (Si si je vous jure!). Ils se pensent donc comme plus forts que les autres lambdas qui cèdent aux sirènes de notre société de consommation. Ils pensent qu'ils sont à ce titre de plus grands "rebelles" que les autres "anti-tout donc anti-rien".
Sauf que voilà. J'avais beau essayer, je n'arrivais pas à rentrer dans ce moule idyllique.
Physiquement déjà, contrairement à la plupart de ces jeunes filles de ce milieu, je n'ai jamais été super mince. Je suis grande, "bien bâtie" comme dirais ma grand-mère et assez pulpeuse. Ma poitrine vulgaire me causait de grands tracas parmi ces jeunes frêles qui pouvaient se permettre les tenues à la Coco Chanel faites pour ce genre de gabarit sans hanches. Je dominais physiquement la plupart des hommes autour de moi et j'avais bien compris que ça, c'était inacceptable. La seule alternative possible était d'être maigre pour compenser, comme ma sœur. J'ai donc été anorexique et boulimique pendant des années. Comme elle d'ailleurs. Et comme ma mère. Et comme beaucoup de ces minettes qui s'affament en ayant l'air "naturelles". Mais bon ça aussi c'est un tabou. Car dans ma tribu d'origine, rien ne doit jamais paraître. Il y ce masque de "dignité" derrière lequel on cache toutes nos misères. Les tabous règnent en roi, rendant tout le monde malade mais personne ne fait rien et surtout tout le monde entretient ce système de façon assez masochiste. Certains diront qu'ils sont parfaitement heureux ainsi et qu'ils n'ont pas de problèmes, que j'extrapole à toute une communauté des problèmes et un mal-être personnels. Mouais. La grande farce continue donc, ininterrompue. Quiconque brisera le silence des apparences se verra jeter l’opprobre d'un milieu qui ne veut pas voir sa propre laideur en face. Et puis parce que c'est comme ça. On dit rien, ma grand-mère a subi donc moi aussi et toi aussi. Chacun porte sa croix, à l'image du Christ, omniprésent dans ces familles. L'individu ne compte pas. Le sacrifice et la soumission au "devoir" est une seconde nature.
Donc je reviens à mon éveil féministe... Je disais physiquement différente, trop grande, trop formée mais aussi trop bavarde, trop d'idées, trop de passions. Je dominais intellectuellement les jeunes hommes qui m'entouraient. Et ça, y faut pas non plus. Alors on fait comme ma mère, on se tait et on déprime gravement pendant 30 ans de mariage à faire la bonne chez soi avec 2 doctorats, et un vin rouge tous les soirs pour oublier tout ça. Bah oui, c'est normal les femmes on doit choisir entre travail et famille hein. Pour les enfants. L'idée d'avoir rendue ma mère malheureuse, vu qu'elle avait fait ce sacrifice pour moi, a été la source d'un très gros chantage affectif sur de longues années. Abnégation, toujours. Je faisais donc tout pour leur plaire vu qu'ils étaient mes parents et que c'était mon devoir.
Seulement voilà. Je lisais. Je n'ai jamais adhéré à la religion de façon littérale, je la voyais comme une structure sociale nécessaire, une tradition qui n'empêchait pas mes propres philosophies plus abstraites de me tenir de lieu de Foi. Méditer. J'ai lu mon premier livre de philosophie à 12 ans. Platon. Je m'en souviens. J'adorais réfléchir. Pourquoi, comment, pourquoi. C'est peut-être ce qui a causé ma perte et a changé ma vie à jamais. Si je n'avais pas eu de cerveau, peut-être que j'aurais pu être plus heureuse et rentrer dans le moule. Les hommes n'aiment pas les femmes intelligentes me disait ma mère.
J'étais donc trop impressionnante, c'était pour ça que les garçons ne m'invitaient pas à danser. Trop jolie, trop trop trop... Il fallait que je me ratatine pour ne pas être trop. Sous des apparences parfaites j'étais donc une adolescente mal, très mal. Je ne m'aimais pas, quelque chose n'allait pas avec moi malgré tous mes efforts pour faire taire mon cerveau et mes questions.
Ah et puis mon premier copain... Chassé par mes parents parce qu'ils avaient peur que j'y perde ma virginité. J'ai donc compris à 16 ans aussi que j'avais une sexualité, un désir anormaux, trop puissants. "Monstrueuse". Alors que les autres filles ça n'avait pas l'air de les travailler. Elles n'en parlaient jamais, restaient dans leur petit monde de princesse. Donc ça aussi je le retenais, même si je ne comprenais pas donc je ne sortais jamais.
A 18 ans j'ai intégré une Ecole d'excellence en France. J'avais réussi tous les concours, j'étais la fierté de ma famille, j'ai fait le défilé du 14 juillet avec ma promo devant Sarko, super.
Puis je suis sortie avec un catho tradi, comme moi. Puis on a couché ensemble, on a craqué, on n'a pas attendu avant le mariage. Et là, là j'ai eu mon déclic féministe. C'était génial, c'était beau, on s'aimait, je me sentais bien, j'adorais ça! Mais bon voilà, après ses week-ends scouts il revenait en disant "Faut qu'on arrête, c'est pêché, tu es monstrueuse, tu me tentes, ce n'est pas bien etc". Comment peut-on qualifier quelque chose d'aussi beau et bon de pêché? Mon corps n'est pas mauvais. Le désir qu'il suscite n'est pas démoniaque. C'est là que je me suis rendue compte de l'absurdité de tout ça. Et puis le prêtre auquel je me confessais a bien enfoncé le clou en me disant que c'était la responsabilité de la femme de maintenir la pureté parce que les hommes "c'est pas de leur faute, ils sont plus faibles, leurs besoins sont là et la nature est ainsi faite, on ne peut pas le leur reprocher". Mais moi si, on peut le reprocher? Moi je dois me taper 10 Ave Maria et pas lui? Non mais oh!
Du coup j'en ai eu marre. Cela m'a dévasté. Et puis honnêtement, autour de moi il y avait tellement de ces "jeunes filles de bonnes famille" qui prenaient la pilule et couchaient avec leur fiancé avant le mariage. Et ces mecs qui chopaient en soirée. Mais bon, premier rang à l'église, et les premiers à dire "salope, pute" etc. J'en ai eu ma claque. Et mon beau-frère connu pour coucher partout avant de rencontrer ma sœur, non ça ne dérangeait pas. Faut bien qu'ils tirent leur coup et qu'ils aient de l'expérience pour un bon mariage! Mais ma sœur non non, vierge. Il faut bien. Et puis pas de pilule ça rend stérile. Bref...
Je suis partie un an à l'étranger, et là, démolie par ma rupture, j'ai couché avec tout ce qui me plaisait. J'ai peut-être commencé à 20 ans, mais j'ai bien rattrapé. Et j'ai ainsi découvert que j'étais bisexuelle. Non les filles hétéros ne ressentent pas ces papillonnements dans le ventre quand elles croisent une très bonne amie. Elles ne tombent pas amoureuse des autres filles. Tous mes complexes ont disparus. Je me suis sentie entière, et bien pour la première fois. Une partie de moi manquait, et je me l'étais rendue. J'ai repris possession de mon corps.
Mon divorce a donc commencé avec le patriarcat. Le féminisme est venu en même temps avec mes deux amies de l'Ecole. On a eu ce même éveil, ensemble. Sauf que contexte militaire hyper sexiste et homophobe n'aidant pas, plus ça allait et moins on allait bien, moralement. On se rendait compte de toute l'horreur du patriarcat et des violences faites aux femmes. On se partageait les liens, les articles, les sites, on parlait, on réagissait, on écrivait des textes, on se soutenait et on apprenait toutes ensembles. Cette amitié là est la plus importante de toute ma vie.
Non ce n'était pas normal. Tous se vautraient dans cette folie illogique et misogyne comme si c'était le paradis. Mais non, ce n'était pas le paradis. Quand en soirée d'Ecole, les mecs ont le droit de se mettre à poil et toi tu te fais rembarrer parce que tu enlèves ton T-shirt (et menacer de viol) ce n'est pas juste. Quand tu te pointes vers ton supérieur hiérarchique qui te dis que tu aurais pu au moins mettre un peu de maquillage vu la mauvaise mine que tu tires, non ce n'est pas professionnel. Quand tu dois apprendre tous ces chants paillards insultants et dégoûtants et on te le fait passer pour des "traditions amusantes" et que ton malaise est dû à ton "manque d'humour", non ce n'est pas normal. J'ai vécu mon bizutage comme un traumatisme. Dieu merci depuis ça été interdit et des plaintes sont remontées. Faire un concours de cris de jouissance aux filles de l'Ecole devant un parterre d'anciens en rut ne m'apprend rien d'autre que l'humiliation parce que j'ai un vagin. Et un vagin, c'est la honte bien sûr, espèce de "con".
Quand on te fait sentir mal parce que tu existes, c'est qu'il n'y a pas de place pour toi dans cette société phallocrate. Parce que si on interdit à quelqu'un d'être là physiquement, intellectuellement, verbalement, émotionnellement elle n'existe pas. C'était donc ça ce mal-être que je me suis traîné toutes ces années. C'était mon fort intérieur qui luttait parce qu'on lui intimait de ne pas exister. Je n'étais donc pas anormale. Le fait que je réagisse mal à quelque chose de malsain prouvait que j'étais en très bonne santé justement. Pourquoi il y a plus de femmes que d'hommes qui sont malades et dépressives? Moi je vous le dis il y a de quoi.
Je dirais donc que je me suis découverte féministe il y a 4 ans, mais que cette révolte et ces questions ont toujours été au fond de moi et ont enfin trouvé leur écho dans ce mouvement.
Est-ce que ta famille sait que tu es féministe, bisexuelle ?
La boulimie et l'anorexie sont des maladies essentiellement féminines ; dans ton cas - même si les choses sont toujours complexes bien sûr - penses tu que cela était lié au fait que tu ne rentres pas dans l'image idéalisée de la Femme ?
Es-tu toujours catholique ?
Tu dis "Quand on te fait sentir mal parce que tu existes, c'est qu'il n'y a pas de place pour toi dans cette société phallocrate." ce sont des mots très forts. Penses-tu qu'on nie aux femmes le simple droit d'exister ?
En rentrant de l'étranger ma famille a commencé à devenir agressive, cherchant le débat permanent (sourd bien entendu) dès que j'étais en contact avec eux parce que petit à petit ils s'apercevaient que je changeais, je sortais avec des amis, soirées étudiantes, j'avais un copain, je ne leur téléphonais qu'une fois tous les deux jours au lieu de tous les jours, faisais du shopping avec l'argent que je gagnais (et bien d'ailleurs)... Ils se sont mis à imaginer pas mal de choses sur la vie soit disant déjantée que je menais. Ils étaient persuadés que je me droguais car j'avais dit une fois que niveau sous c'était un peu tendu bref... Je me souviens de l'air choqué de ma mère le jour où je lui ai dit que je n'allais plus à la messe tous les dimanches et prenais du recul par rapport au catéchisme.
Et un jour j'ai appris par ma sœur lors d'une dispute récente que ma mère avait lu à l'époque mon journal intime, caché au fond de ma valise lors d'un week-end chez eux. C'est ainsi qu'ils ont su pour ma bisexualité. Ils ne m'avaient rien dit bien sûr. Mais j'avais remarqué qu'ils devenaient odieux avec moi, pour n'importe quel prétexte.
Le summum de la crise a été le mariage pour tous. Ils étaient contre bien sûr, faisaient toutes les manifs... Je m'étais positionnée ouvertement pour. C'était humiliation sur humiliation. Seule contre tous, je me retrouvais le bouc- émissaire de tous les maux de la société, de la pédophilie à la zoophilie en passant par le taux de suicide des jeunes enfants élevés sans père et divorcés. Tous leurs discours du dimanche répétant les clichés de Frigide Barjot sur les homosexuels... Ils sont instables, infidèles, pervers, sexualité animale, fous, immatures, traumatisés Freudiens, créatifs et sympas, mais ce n'est pas de l'amour, ils en sont incapables, pauvres folles dominées par leur désir. Et puis "Je les connais les homos, j'ai un pote homo, etc etc". "Un papa une maman, sinon les enfants sont dérangés donc c'est pour leur bien. L'homosexualité est un choix qu'on ne demande pas aux enfants".
Sauf qu'en attendant, j'entendais et écoutais tout. C'était de moi qu'ils parlaient. Avec le recul je me rends compte de leur sadisme. Ils disaient tout cela en sachant pertinemment que j'aimais aussi les filles. C'était horrible. Je me sentais agressée de partout. Je ne pouvais pas regarder la télé, lire un journal ou aller voir des amis sans entendre les débats violents et le déchaînement homophobe qu'il y a eu dans ces mois-là. Oui oui, c'est bien de moi dont ils parlaient. J'ai commencé à me fissurer intérieurement. Une longue descente aux enfers. Les gens oublient que quand ils parlent ou agissent il y a des enfants pour écouter. Et que peut-être ces monstres à qui ils adressent leur haine sont en fait dans leur propre foyer. J'ai commencé à sombrer. Ils le savaient, le voyaient mais continuaient. Je sais bien que tout ce qui s'est passé par la suite était de la pure peur de leur part (on ne refait pas toute une vie de formatage) mais nul parent digne de ce nom ne fait subir ça à son enfant. Surtout quand on clame avoir des valeurs familiales et vouloir protéger les enfants, alors qu'au final, ils ont failli tuer le leur avec leurs imbécillités.
Et en plus cette année-là j'ai avorté. Seule, à 20 ans. J'ai tout gardé pour moi, à tel point que mes deux meilleures amies n'ont su que le jour-même par hasard en me téléphonant. "T'es où?" "A l'hôpital". "Pourquoi?" "J'attends pour me faire avorter" "QUOI? On arrive". J'avais tellement honte que j'en avais même pas parlé à mes amies féministes. Je ne prenais pas de contraception à l'époque parce que j'avais réellement peur de devenir stérile. Et les avortements alors... "Meurtrière", "irresponsable", "Fallait prendre ses précautions avant", "Fallait pas faire ta salope" etc... Les phrases entendues tellement de fois destinées à d'autres femmes résonnaient maintenant pour moi. Mais je passe sur ce moment qui n'est pas la question.
J'ai fait mon coming-out bisexuel et "non pratiquante" (attention même pas athée!). Mes parents ont retiré leur garantie pour mon appartement via leur avocat le lendemain, lundi 10 juin 2013. J'ai donc failli être expulsée de ma location à cause d'eux, et c'était l'effet recherché. Mon statut de militaire m'a protégée auprès de mon agence qui a été conciliante. Pourquoi est-ce que je connais la date par cœur? C'est ce jour-là j'ai fait ma première tentative de suicide. Après avoir écouté les messages vocaux laissés par mes parents le matin même, me disant que j'étais un monstre et que je les faisais souffrir, j'étais égoïste et qu'ils devaient se protéger ainsi que le reste de la famille de moi, ils ne me reconnaissaient plus, je n'étais plus la bienvenue.
Mon foie a survécu, avec 3 fois la dose toxique dans les veines. Je n'ai eu aucune séquelle. Ce sont mes meilleures amies qui m'ont tenu la main toute la nuit en service de réanimation. C'est elles que j'ai appelé en premier lorsque je me suis sentie partir, chez moi dans mon appartement. Juste avant j'avais appelé le curé de mon école pour tout lui raconter et lui ai demandé de m'aider. Vous savez ce qu'il m'a répondu? "Si tu pries assez fort et es vraiment sincère dans ton repentir, alors seulement Dieu pourra te pardonner". Voilà. Depuis je ne peux plus mettre les pieds dans une Eglise ou croiser un prêtre sans avoir une violente douleur dans la poitrine, comme une crise cardiaque et j'ai l'impression que je vais mourir. Donc pour répondre à ta question, non je ne suis plus catholique, et même si je le voulais, je ne pourrais plus nerveusement. Il n'y a pas de mots pour décrire la douleur ressentie ce jour-là. C'est au-delà de la douleur (et pourtant, j'ai été très malade, des douleurs à 10/10 je connais). Mais là c'est... une désintégration intérieure. Elle est tellement forte qu'on ne ressent plus rien. Qu'un grand vide qui vous bouffe. Vous n'entendez plus rien, vous ne voyez plus rien. Une mort intérieure. C'est assez étrange, cette sensation d'être mort à l'intérieur d'ailleurs. On sait qu'on est là, le corps bouge, réactif, chaud, vivant. Mais on ne ressent plus rien. J'ai commencé ma psychothérapie à ce moment-là.
Les appels dans le même genre ont continué tout l'été, de la part de tous les membres de ma famille, et même des anciens amis du lycée du même "cercle social". Encore aujourd'hui j'ai eu une "altercation" avec l'un d'entre eux sur Facebook. Je reçois des appels de ces gens-là pour me dire qu'ils prient pour moi, pour le salut de mon âme, et qu'ils gardent en eux l'image de cette jeune fille bien et pure qu'ils ont connue autrefois. Des années après! Et moi pendant ce temps je laissais faire. Je retournais les voir quand même. J'étais tellement out, ils avaient une telle emprise sur moi, je faisais mon "devoir" de bonne fifille. Je m'en fichais de moi-même, je ne me rendais pas compte.
J'ai survécu. J'ai travaillé très dur, mais j'ai fait un burnout et une rechute de burnout qui m'ont valu l'exclusion de mon école. Je me suis retrouvée sans école, sans travail, sans famille. Je leur ai demandé de l'aide pour vivre et ils m'ont donné 40 euros pour mon anniversaire. "Tu veux être indépendante, vas-y. On verra si tes choix de vie et tes valeurs sont les meilleurs". Pendant ce temps j'ai continué à lire et me "former" avec des articles féministes, traitant de tout. Du racisme aussi, ma famille étant FN (j'ai même rencontré Jean-Marie Lepen alors que je faisais du babysitting chez les meilleurs amis de mes parents, les élus locaux du parti!). Le militantisme virtuel m'a permis de découvrir un nouveau monde et d'en apprendre sur moi-même. Toutes le peurs et préjugés avec lesquels j'ai été éduquée tombaient les uns après les autres. Je publiais mes articles sur Facebook, sachant que ma famille les lirait vu qu'ils étaient dans mes contacts. Une provocation indirecte, en quelque sorte. Ou plutôt de la résistance, de mon point de vue.
Je suis retournée l'été d'après chez eux parce que j'étais en arrêt maladie, épuisée, malade (tumeurs et anémies de stress, migraines, insomniaque etc) et n'avais nulle part où aller. Un soir ma mère s'est lâchée, me traitant de folle hystérique, féministe catin, crachant dans la soupe etc etc... Ils s'y sont tous mis. J'ai pleuré tout ce temps en leur demandant d'arrêter, sans pouvoir en placer une. Ça a duré de 16h à 21h, le 5 août 2014. J'ai fini par gifler ma mère. Je suis remontée dans ma chambre et j'ai pris mes cachets pour dormir. C'était ma 2e tentative de suicide.
J'ai passé une semaine en isolement à l'hôpital. On a eu un entretien familial et je crois que c'est là que mon père a commencé à comprendre enfin qu'il y avait un problème. Il a longuement parlé avec les médecins, au contraire de ma mère qui s'est fermée complètement. "On ne lave pas son linge sale en public". Et puis tout était de ma faute de toutes façons. Je me suis mise toute seule dans cet état, parce que c'est ce qu'on gagne à vouloir vivre sa vie de femme de façon "non naturelle", avec des responsabilités, des charges trop importantes, sans homme. C'était ma mère et ma famille les vraies victimes, vu comme je les faisais souffrir. Et il y a des enfants qui battent leurs parents, la preuve. Etc etc...
J'ai dû m'arrêter 1 an complètement pour me soigner. J'ai eu pas mal d'opérations (quand on somatise le corps prend cher). J'ai coupé les ponts plusieurs mois. J'ai depuis compris les notions de famille toxique, chantage affectif, groupe de survie, culpabilisation, manipulation, parentalisation des enfants, déni, idéalisation (l'enfant préférera se blâmer et se faire du mal à soi-même plutôt que de remettre en question le mythe parental, à la base de sa survie vu que les parents sont tout-puissants pour le tout petit). J'ai compris aussi que je n'étais pas vraiment boulimique/anorexique, les symptômes ayant disparu quand j'ai quitté le foyer familial et mon milieu social à 18 ans. Il s'agissait d'un transfert de trouble par ma sœur et ma mère, qui elles avaient un comportement d'addiction à la maigreur/régimes. Donc oui cela était lié au fait que je ne rentrais pas dans l'image idéalisée de la Femme que mon entourage et mon "monde" de l'époque m'imposait. Une fois débarrassé de cette pression, j'ai été guérie. J'ai compris que j'avais ce qu'on appelle une capacité de résilience. C'est à dire une capacité à guérir des traumatismes, à me recréer toute seule des fonctionnements cognitifs sains (c'est là que le féminisme m'a aidée) sans prendre modèle sur celui familial toxique et malsain. Donc le suicide était une réaction logique face à une situation et une accumulation d'événements, un appel à l'aide sur un moment de panique.
J'ai eu la confirmation par les médecins que je n'avais aucun trouble psychiatrique aussi (à la grande déception de ma famille, ça les aurait bien confortés). Seule, sans cet environnement toxique, j'allais bien. Je n'ai même jamais réellement été dépressive. Le burnout est une façon de l'éviter. D'ailleurs, ce n'est pas bien du tout parce que c'est nécessaire de déprimer et de pleurer de temps en temps. Il faut lâcher prise. Sans sous-papes on craque!
J'ai beaucoup, beaucoup lu dans cette période. De tout, psychologie, économie, philosophie... Freud aussi, j'ai vu à quel point ce misogyne était à l'origine entres autres de cette conception "un papa une maman" comme condition sine qua non pour l'équilibre de l'enfant, et du fait que la femme intrinsèquement n'aurait pas de libido active et que sinon c'était pathologique, une femme phallique, masculine, hystérique. Les analyses de nombreuses féministes sur la question m'ont permis de comprendre à quel point toutes ces théories dépassées étaient entrées dans l'inconscient collectif et déterminaient beaucoup de réactions des gens aujourd'hui dans leurs relations aux femmes. Je me suis intéressée au bouddhisme aussi. J'ai eu une grosse fausse route quand j'ai lu les enseignements du Bouddha concernant les femmes. Qu'elles n'avaient pas accès à la formation de ses disciples parce que leur esprit était trop lié au physique et à la chair de par leur nature plus faible. Ce ne sont pas les seuls: ce n'est qu'au VIe siècle que l'Eglise de Rome a reconnu à la femme la possession d'une âme, et il n'y a toujours pas de femmes prêtre chez les catholiques. Pourquoi? Parce qu'elles ont déjà le "privilège divin" d'être maman! Bah oui! De quoi tu te plains grognasse?
J'ai compris aussi combien de pressions et d'attentes contradictoires pesaient sur les femmes. Tout d'abord cette perfection physique. Et ensuite celle de fonder une famille, parfaite bien entendu. Et puis la carrière, la sexualité... Faut être performantes partout! Mais d'où viennent toutes ces injonctions? Pourquoi est-ce qu'on se complique la vie? Qui édicte les règles? Qui décide des tendances, des "traditions" et des lois de notre société? La réponse est simple. La plupart des postes de dirigeants étant occupés par des hommes depuis plus de 2 000 ans... Tada! Et voilà. Une société faite par des hommes. Ce sont eux qui prennent la parole en politique, eux qui font les discours, eux qui publient des livres, sont réalisateurs, écrivains, penseurs, créent des œuvres artistiques... Encore aujourd'hui en majorité (regardez les statistiques) même si ça s'améliore mais ce n'est pas encore ça. Voilà pourquoi je dis qu'on n'existe pas, pas vraiment si on n'est pas assez représentées et notre parole n'est pas suffisamment relayée. Vu le temps qu'il m'a fallu pour m'extraire de mon mode de fonctionnement familial, alors des fonctionnements au niveau d'une société...Une psychothérapie collective, sur des siècles, c'est ainsi que je conçois le féminisme. Des groupes de paroles pour se remettre de ces millénaires d'oppression et d'automatismes qui partiront enfin petit à petit. Il faudra beaucoup de générations pour ça. Voilà pourquoi il y a des mouvements féministes. Des femmes se sont mises ensemble, pour faire bloc et contrebalancer cet effet de masse et d'héritage. Que d'autres femmes le fassent seules, sans structure ni mouvement, tant mieux. Heureusement qu'on a pas besoin de passer par cette case... Mais l'effet de groupe est utile et franchement ça aide.
J'ai compris beaucoup de choses. Et surtout que ma famille ne changera jamais, qu'ils ne m'accepteront jamais et ne m'aimeront jamais. Du moins pas telle que je suis vraiment. On n'aime pas quelqu'un pour ce qu'on veut qu'il fasse ou soit pour nous. Sinon vous êtes un gros pervers narcissique. Je ne parle plus à ma mère. Ma sœur ça va mieux depuis 2 mois... Mon père a décidé de m'aider. Il n'approuvera jamais mais préfère me voir même si je le déçois plutôt que pas du tout, c'était trop dur sinon. Voilà où on en est...
Avec le recul, je me rends compte à quel point le féminisme a été ma bouée de sauvetage. Il est tellement important de dire aux femmes qu'elles sont fortes, qu'elles sont intelligentes, qu'elles sont capables, qu'elles peuvent TOUT, absolument TOUT faire aussi bien qu'elles le veulent. Si seulement on le pensait, beaucoup comme moi n'auraient pas perdu autant de temps à s'enfermer dans des relations de maltraitance physique ou émotionnelle parce qu'elles n'envisagent pas une seule seconde le fait qu'elles n'ont pas besoin de dépendre de la famille ou d'un homme pour vivre. Pourquoi y a-t-il autant de femmes battues à votre avis? Ou de femmes victimes d'agressions sexuelles? Ou tout simplement, le nombre de femmes qui n'ont pas confiance en elles et sont complexées? ça aussi c'est un dommage psychologique handicapant! Si on nous éduque à être victimes, on apprend aux hommes à être des bourreaux. C'est pour ça que c'est vital de défaire les clichés "typiquement masculin-féminin" car c'est comme ça qu'on se ferme les opportunités dans la vie. Cela crée de la peur et des limites. Il n'y a pas de pute, de salope ou de frigide. Ce sont des inventions pour faire peur aux femmes avec une morale superficielle, parce qu'il y aurait des femmes "respectables" et d'autres pas. Comme le loup-garou pour faire comprendre aux enfants que le soir il faut dormir. Sinon... Fessée! (je m'égare...)
En fait le pire dans tout ce que je te raconte, c'est qu'après tout ce que j'ai vécu, ma parole de femme est toujours remise en question. C'est ça le pire. Ne pas être prise pour crédible. Quand un mec, ton pote, te sort "Non mais c'est faux quand tu dis que tes opinions féministes sont sous-représentées, on en parle tout le temps dans les médias. Il n'y a pas de haine des femmes, tu exagères, il y a un profond respect général je trouve au contraire... Tu projettes des trucs perso sur la société... Les hommes aussi souffrent. Et puis tu interprètes mal ce que je dis, ne te braque pas, t'as rien compris". Les gens vous disent quoi ressentir. Si je te dis qu'en tant que femme je ressens ça et ça, tu ne vas pas me dire que c'est faux. Si je dis que telle attitude me blesse, tu n'as pas à me dire que je ne comprends rien. C'est ne jamais prendre en compte la souffrance de l'autre en face, et surtout ne pas changer son attitude pourtant à l'origine de cette souffrance. Au lieu de s'excuser et arrêter, on va demander à l'autre d'arrêter de souffrir et changer son ressenti, s'obliger à aimer ça. J'ai l'impression que c'est ce qu'on demande à beaucoup de femmes. Prendre sur elles encore et toujours. Il ne viendrait jamais à l'idée de quelqu'un d'aller voir un enfant alors qu'il vous raconte sa journée en rentrant à la maison "Non non, tu n'as pas eu cours de maths aujourd'hui. Tu as eu français, et d'ailleurs tu ne t'es pas écorché le genou à la récré, tu t'es cogné la tête" "Mais regarde ça saigne!" "Te braques pas, tu vois tu es intolérant et tu ne supportes pas qu'on ne soit pas d'accord avec toi! Et puis moi aussi j'ai mal, je me suis fait piquer par un moustique!". Absurde! Tu es dans ma tête? Tu as une caméra pour savoir ce que je vois et entends? Non mais. C'est mon cerveau, je le garde merci.
Peux-tu témoigner sur le viol que tu as subi ? As-tu pu en parler autour de toi ?
C'était pendant mon année à l'étranger, je suis rentrée en France pour fêter le nouvel an avec ma bande de potes du lycée avec qui j'étais encore en contact. Nouvel an 2011-2012... C'était dans la demeure familiale (bah oui, entre aristos forcément! XD) et on avait vidé les caisses de champagne (bah oui pas de bièèèères très chèèèèère!!). On s'était bien éclatés, pendant la fête on avait fait des échanges de déguisements, trop cool. Sous le gui, le cousin de ma pote m'a roulé une pelle. Bon... Je m'en fichais un peu, une pote est ensuite venue m'en rouler une juste après bref c'était le grand n'importe quoi classique et drôle des soirées entre potes. Vers 4:00 du matin je suis montée me coucher. J'avis mes règles, fatiguée, jetlag, je change mon tampon et me vautre sur le lit, complètement inconsciente. Et là le cousin arrive. J'étais tellement out et surtout choquée que j'ai rien pu faire. Il a fait sa besogne, j'avais mon tampon. Je peux vous dire que j'ai eu très mal. J'ai crié, il a mis sa main sur ma bouche. Mes potes ont cru que je jouissais. Le lendemain matin je me suis même excusé auprès du mec pour l'état dans lequel j'étais. J'étais tellement choquée que sur le coup j'ai complètement refoulé et nié ce qui s'était passé. J'ai rigolé devant mes potes qui me faisaient des blagues sur "Le bruit que vous avez fait hier soir, hein? (clin d'œil)". Puis après le covoiturage je rentre chez moi et je me douche. Pendant 3 heures. Attendez, maintenant que j'y repense... Rentrée 15h, j'en suis sortie à 20h00. J'avais horriblement mal. Je saignais en plus de mes règles, le tampon avait ouvert le col de l'utérus vu comme j'avais été forcée. Je n'ai pas pleuré, je n'ai rien dit. Je me suis couchée et ai gardé ma douleur. 2 semaines de maux de ventre et de saignements. Je n'ai même pas consulté, je n'avais encore jamais vu de gynéco à l'époque vu que je n'étais pas mariée ou mère. J'ai eu de la chance de ne pas choper une infection ou quelque chose quand j'y pense. Et puis j'étais persuadée que c'était de ma faute, j'avais qu'à pas être bourrée je l'avais bien cherché et chauffé pendant la soirée. Bah oui, salope, tu l'as mérité. Et c'était trop tard. Si je revenais vers mes amis en disant que "Non en fait c'était un viol etc" "Bah pourquoi tu nous as pas dit? Pourquoi tu ne t'es pas défendue?".
Ce n'est que pendant une soirée avec mes 2 meilleures amies féministes qu'à un moment on discutait et A. a parlé de ce témoignage d'une jeune fille qui avait été violée par son copain. Son copain! Et là ça a fait tilt. 1 an après. J'ai pleuré. Et c'est sorti. Ma pote F. a balancé son verre contre le mur de rage tellement elle était en colère et choquée parce que je racontais. C'est là enfin que j'ai compris une vérité élémentaire, simple. Le viol c'est une relation sexuelle non consentie. Point. J'étais persuadée avant qu'il fallait avoir été battue, violentée par un inconnu etc... Comme dans les scènes spectaculaires des films. Et bien non. Le simple fait d'être ivre= droguée donc incapable d'être consentante, ou non, c'est donc profiter d'un état de faiblesse et donc un viol. Même si je n'avais pas eu mes règles et un tampon sur le coup mon viol aurait été quand même vrai et crédible.
J'en ai reparlé depuis, avec de nouvelles potes. Et surtout mon mari. Enfin, futur, on se marie dans quelques mois. Je ne peux juste plus sortir avec un homme qui n'est pas pro-féministe. Je précise homme parce qu'une femme ne n'est pas pareil, nous vivons toutes le sexisme donc il y a une empathie et une identification/compassion plus facile à créer. J'ai essayé depuis, mais quelqu'un qui n'a pas la notion de bodyshaming, slutshaming, consentement etc... Ce n'est juste pas possible. A cause de ce viol entre autres. Un de mes ex m'a quand même sorti qu'il ne fallait plus que je sorte sans lui, qu'il fallait que je me protège et que je n'avais pas été assez prudente. Je l'ai plaqué dans l'heure qui suivait. Aucune femme ne mérite d'être violée. Je refuse de vivre dans la peur. C'est au violeur de changer son comportement, pas le mien. Ça suffit avec la culpabilisation.
Rst-ce-que tu souhaiterais rajouter quelque chose ?
On a fait le tour je crois ^^
Sinon je vais écrire un livre autobiographique ce sera fait héhé
Bien sûr qu'il y aurait d'autres choses à dire, le féminisme est un sujet tellement passionnant parce qu'il touche précisément TOUS les domaines... On en aurait pour des heures. Pas assez d'une vie pour s'y consacrer, comme Simone de Beauvoir =)
Merci en tous cas me m'avoir donné la parole, ça m'a fait du bien de témoigner. Mon petit bilan de rentrée. Et maintenant que je le vois, ça va, je suis plutôt fière de moi, suis assez costaud en fait! ^^ (faut bien s'autocoacher sinon personne ne le fait pour vous)
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Pour nos sympathisantEs et futurs bénévoles, la délégation de Paris offre les 3 et 12 octobre 2015 deux réunions d'accueil pour présenter ses actions !
IntéresséE par le Mouvement du Nid, vous avez envie de prendre part à nos actions ? Chacun, chacune peut trouver sa place au sein de notre association et aider en fonction de ses envies et ses disponibilités ! La délégation de Paris a le plaisir de vous convier à deux réunions d'accueil des nouveaux et nouvelles bénévoles et sympathisantEs, au local de l'association :
samedi 3 octobre de 14h30 à 15h30
lundi 12 octobre de 19h à 20h30.
Au 8 avenue Gambetta, métro Père Lachaise.
Sur inscription auprès de la délégation... utilisez les coordonnées ou le formulaire ci-contre !
Beaucoup ont tendance à voir les féministes comme un groupe monolithique, dont les membres seraient interchangeables. Le féminisme est, plus que jamais, riche de personnalités très diverses.
J'ai donc décidé d'interviewer des femmes féministes ; j'en connais certaines, beaucoup me sont inconnues. Je suis parfois d'accord avec elles, parfois non. Mon féminisme ressemble parfois au leur, parfois non.
Toutes sont féministes et toutes connaissent des parcours féministes très différents. Ces interviews sont simplement là pour montrer la richesse et la variété des féminismes.
Interview de Extatiq.
Bonjour peux- tu te présenter ?
Je suis extatiq sur twitter. J'ai 26 ans, je travaille dans un établissement scolaire, je suis lesbienne, cis et blanche.
Depuis quand es-tu féministe ; y-a-t-il eu un déclic particulier ou est-ce venu progressivement ?
J'ai l'habitude de dire que je suis devenue féministe à cause de Soral, c'est un peu une exagération, mais fin 2006, je suis tombée sur des vidéos dailymotion de lui dans C'est mon choix, il était particulièrement anti-féministe et très virulent. Ca m'a intriguée, je suis allée lire sur le féminisme et j'ai découvert que j'en étais une.
A l'époque cela voulait dire quoi pour toi être féministe ? Est-ce-que ta définition a changé ou évolué depuis ?
A l'époque être féministe c'était revendiquer avoir le droit d'être traitée de la même manière que les hommes. Ca a évolué oui, parce qu'en vivant et en lisant, je définis surtout ça comme une lutte pour la survie, ça a pris une dimension personnelle aussi, mais c'est une lutte politique pour la survie dans un système d'oppression. En fait, que ce soit par mes expériences personnelles ou le peu de théorie que j'ai lu ces deux visions ont convergé vers une même définition.
Tu parles de "lutte pour la survie" : ce sont des mots très forts et très lourds. Beaucoup de gens n'ont pas conscience à quel point un système peut être oppressif. Peux-tu détailler ce point ?
J'ai conscience que ce sont des mots très forts. Ceci dit, les injonctions liés à ces oppressions sont étouffantes. Le stress post-traumatique que je vis m'a placée dans une survie personnelle quotidienne, mais au delà de ça, je n'aurai pas le courage d'affronter les blagues, les réflexions semi-ironiques et les éditorialistes qui épiloguent sur notre infériorité. Je lisais encore aujourd'hui quelque chose sur les différences d'évaluation lié au genre, et combien la sous-évaluation des filles dans les matières scientifiques par leurs professeurs leur instillait l'idée qu'elles n'étaient pas douées pour ces matières. A mon avis, baigner dans une culture qui attaque autant ce que tu es c'est destructeur et nocif. Et je parle ici du sexisme, mais ça ne lui est pas du tout exclusif.
Je te suis depuis longtemps sur twitter et tu demandes régulièrement aux gens de mettre des "trigger warning" ou "tw". C'est un concept encore assez peu connu et mal compris. Peux-tu nous expliquer ce qu'il signifie ?
C'est rigolo que tu poses cette question, parce que dans une certaine sphère militante sur twitter, j'ai fini par devenir, madame trigger warning. Et ça m'a poussé à moins en parler, parce que j'ai pas envie d'avoir cette étiquette sur le dos.
Je l'avais défini comme ça dans un de mes textes :
On peut traduire trigger par déclencheur dans le champ d’application de ces avertissements. Le champ sémantique du mot trigger en anglais est assez vaste puisqu’il signifie tout aussi bien gachette, détonateur, amorce ou déclic. L’usage du mot dans les milieux militants est issu du domaine psychiatrique puisque la notion de trigger fait référence à ce qui provoque un rappel de traumatisme.
Le terme est donc, à l’origine, très lié aux notions de PTSD (Etat de stress post-traumatique) et de survie à des événements traumatisants. Il est également utilisé pour désigner les événements, contenus, objets qui amènent des crises phobiques.
(...)
Sur internet, on retrouve des trigger-warning plus explicites et pensés comme outil utile non à une censure mais à une inclusivité plus grande, dans deux grands domaines, sur les travaux de fanfictions au sens large, mais aussi dans les contextes militants anti-racistes, féministes. La formulation des avertissements est parfois sujette à débat : « Doit on détailler ou pas leur contenu ? Quels contenus sont à signaler ? »
(...)
L’objectif n’est pas de protéger tout le monde. L’objectif est de permettre à des personnes à qui certains contenus occasionnent des situations d’inconfort extrême de pouvoir naviguer dans des espaces, prétendant lutter avec eux, et en les prenant en compte, sans craindre de voir survenir de manière impromptue les dits contenus.
Je ne vais pas faire la liste des moments où avertir d'un contenu est nécessaire et de ceux où on peut s'en passer. (il y a des textes sur Choses Aléatoires, sur le blog de Ca fait genre également qui en parlent). En fait je trouve que c'est une question importante parce qu'elle fait réfléchir à nos pratiques militantes, on a pour habitude de montrer l'horreur pour la dénoncer. Deux exemples très différents me viennent en tête immédiatement, récemment la photo d'Aylan Kurdi qui a continué à être diffuser après que sa famille a demandé l'arrêt de son utilisation, et il y a un peu plus longtemps les propos violemment transphobes, lesbophobes, homophobes et biphobes de la manif pour tous qui ont été surmédiatisés souvent sans contextualisation. A chaque fois on se dit que l'horreur va suffire (la liste des utilisations de cette logique militante est longue). Mais en fait il faut expliquer pourquoi on en arrive là, ce qui crée et maintient les systèmes d'oppression, parce que malgré ce qu'on peut croire, ce n'est pas évident.
J'ai largement dévié de la question initiale, mais s'il y avait une chose à retenir dans leur utilisation c'est ceci : Si on prétend lutter contre des injustices faites à quelqu'un mais qu'on utilise des techniques qui contribuent à tenir cette personne à l'écart de la lutte c'est qu'on a une pratique militante défaillante.
Ah et un ajout, on peut utiliser "avertissement de contenu" qui est certes plus long mais qui évite de rendre la lecture difficile à des personnes non anglophones.
Tu disais dans une question précédente que nous baignons dans une culture qui infériorise les femmes ; peux-tu en donner quelques exemples ?
Je vais préciser ma réponse, on baigne dans une culture qui insécurise les femmes et les personnes qui ne sont pas des hommes cisgenre plus globalement.
Ca marche sur ce que l'on est avec les injonctions intenables corporelles et de comportement. Les injonctions contradictoire (ex. Il faut que tu fasses du sexe sinon tu es coincée, mais pas trop sinon tu es une salope) sont quasiment impossible à éviter et elles essayer de les satisfaire est par définition complètement vain donc on est jamais sûr.e de soi toujours à se dire que peut être on devrait être autrement.
Et puis ça nous insécurise aussi sur comment on peut circuler dans l'espace public et ça tu l'as par exemple très bien montré dans tes articles sur la culture du viol qui nous apprennent à le craindre dehors et nous pousse à rester à l'intérieur. Donc insécurité sur sa personne et sur sa présence et dans l'espace public.
Et le temps qu'on passe à essayer de respecter ces injonctions toutes plus complexes les unes que les autres, on ne l'a pas pour se rendre compte que peut être finalement dans la manière dont on nous a orienté à l'école, peut être qu'il y avait du sexisme et on aurait pu se rebeller contre.
C'est comme ça que je vois la chose fonctionner, et c'est pour ça que ça me fait enrager quand on m'explique que le patriarcat a disparu avec la fin des lois sexistes sur la possibilité de travailler ou d'ouvrir un compte sans l'accord de son mari par exemple. On a certes détruit certaines structures légales, on n'est loin d'avoir détruit les structures mentales qui le perpétuent.
Te sens-tu militante ? Que mets-tu derrière ce mot ?
Je me sens militante, même si je me sens pas assez militante aussi. Je mets derrière ce mot lutter pour essayer de détruire les structures d'oppression. Je pense pas qu'il y ait UNE bonne manière de militer. En ce moment la façon dont je milite passe beaucoup par l'écriture de texte et puis j'ai créé un groupe de parole avec d'autres victimes de viol. J'ai quelques projets, un film sur lamanifpourtous et sont impact sur le milieu transpédébigouine et je voudrais monter une action sur le consentement à destination des ados en utilisant des médias qu'ielles utilisent beaucoup (comme youtube).
En tant que féministe lesbienne, as-tu l'impression que les féministes hétérosexuelles prennent en compte les demandes spécifiques que peuvent avoir les lesbiennes ?
Pas vraiment. C'est super agaçant de voir que couple c'est toujours couple homme-femmes dans la communication des assos les plus connues, dans les films sur le sexisme, ou dans les échanges entre militants. C'est un petit exemple, mais ça montre une certaine paresse dans la manière dont on envisage la lutte féministe.
Ca peut paraître minime et au final pas si grave sauf que ça a des conséquences graves, la questions des violences conjugales dans les couples de femme par exemple mérite qu'on s'y attarde. De même, il y a des chiffres qui sont alarmants sur les consommations de produits psychoactifs par les femmes non cis-hetero. Et ça c'est des trucs qui à mon sens méritent qu'on les explore. Et en tous cas qu'on nous laisse un espace pour l'explorer.
Tu souhaites réaliser un film sur le consentement à destination des ados ; pourquoi ce choix ?
Pour la réalisation de contenu sur le consentement à destination des ados en passant par youtube. Ca part de plusieurs constats, l'éducation à la sexualité à l'école est assez sommaire et beaucoup plus tournée vers le contraception que vers le consentement. Il y a des gens qui font des choses intéressantes sur la sexualité sur internet. Ceci dit, je le vois au quotidien au travail, ce qu'on peut dire dans un petit coin de twitter/tumblr ou sur un blog est pas toujours accessible et il y a finalement peu de chose sur le consentement dans le youtube francophone. Pour l'instant c'est vraiment à l'état d'ébauche. Mais l'envie est là.
Extatiq collabore au blog participatif Choses aléatoires.
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Anecdotiques, ces dizaines d'hommes outrés au fil des années lorsque j'avais le malheur de lancer une initiative réservée aux femmes.
Anecdotique, le fait que des hommes ne prennent pas la peine de lire les interview que je mène depuis quelques jours mais préfèrent commenter le fait que j'interviewe uniquement des femmes.
Je pourrais exposer les dizaines de textes ou de projets intéressant directement les hommes que j'ai pu crer mais je me rends compte que cela ne serait jamais assez, qu'il en faudrait toujours plus, qu'à partir du moment où il y a UN projet sans homme c'est déjà un de trop. Tous ceux qui reprochent la non mixité nous disent bien qu'ils sont très féministes d'ailleurs mais curieusement ils ne semblent pas s'intéresser à ce que les femmes ont à dire, ils préfèrent parler de ce que eux voudraient dire. Une étude montrait qu'on reproche toujours à une femme de parler trop.. parce qu'il a en fait été mesuré qu'elle parle trop face aux femmes qui ne parlent pas.
Nous sommes tellement habitués à ce qu'il y ait des hommes (blancs) partout, à tous les niveaux, tous les milieux, tous les sujets que leur absence est anormale. Leur absence crée un malaise ; la discussion devient suspecte sans homme. Ils sont l'alpha et l'omega sans lesquels une discussion n'existe pas vraiment, n'est pas totalement intéressante, profonde, objective et raisonnable.
Rappelez-vous les très nombreuses discussions sur la féminisation de certaines professions ; cela causerait une mauvaise ambiance, un travail de moindre qualité, des enfants perturbés futurs délinquants si l'on parle du corps enseignant. Mais la masculinisation massive de TOUS les conseils d'administration, de TOUTES les instances dirigeantes ? C'est la normalité. L'homme blanc est vu comme le référent, le sujet X et les autres sont surnuméraires ; c'est eux dont on questionnera les compétences, eux dont on questionnera la présence et la légitimité. On pensera, par défaut, que tous les hommes blancs présents sont naturellement compétents, ce qui nous met à peu près au niveau de Zemmour et Morano soit-dit en passant si on pense vraiment qu'une couleur de peau et une paire de testicules créent la compétence. On ne questionne plus le fait que lorsqu'il y a un expert à interroger cela soit forcément un homme. On ne s'étonne pas d'ouvrir un journal économique avec 100% d'experts masculins, de voir que la politique reste un monde d'hommes, ou de voir un plateau télé avec 100%d'hommes blancs. Ils nous représentent, nous a-t-on appris, selon le beau modèle universaliste français. Et puis ca ne serait pas un peu du sexisme et du racisme que de pointer leur genre et leur couleur de peau ?
J'ai cherché au hasard la composition de conseils d'administration d'écoles, d'entreprises ou d'autres organismes. Je vous laisse l'apprécier : le Collège de France, le sénat, EDF, TF1, Arte, AP-HP, la FFF. Des hommes, blancs, en majorité, partout. Des hommes blancs experts en tout ; je ne sais si c'est une spécialité française d'ailleurs que de savoir discuter de tous les sujets et d'avoir un avis sur tout.
Oh, les femmes blanches sont invitées, les personnes racisées aussi ; mais pour (parfois) parler de ce qui les concerne. On invitera ainsi des femmes le 08 mars, ou un-e noir-e le 10 mai. C'est souvent cela en fait, toutes celles et ceux qui ne sont pas des hommes blancs, sont des témoins. Nous n'analysons pas, nous ne conceptualisons pas, nous existons simplement pour produire des témoignages et ca sera les hommes blancs qui transformeront l'essai et qui produiront de l'analyse.
Dans un contexte si uniformément masculin, ma petite initiative détonne ; comment ai-je osé n'interviewer que des femmes ? Qu'ont-elles à dire qu'un homme ne pourrait dire ? Internet est pourtant immense ; chacun-e est libre d'interviewer des hommes sur le féminisme s'il le souhaite. Le fait que je ne le fasse pas n'est pas signe d'une interdiction soudaine d'interviewer les hommes.
On me somme de m'expliquer : pourquoi uniquement des femmes. Cet acte banal devient d'un coup un ferment révolutionnaire, une initiative dangereuse. Je ne fais pourtant que renverser la vapeur et donner la parole à des femmes sur un sujet les concernant en premier lieu. C'est peut-être cela qui gêne au fond, qu'un sujet puisse concerner en premier lieu les femmes. Les femmes, comme Brigitte Grésy le montrait, sont avant tout interrogées en tant que victimes ou témoins. Nous sommes habituées à ce que leur parole n'existe pas seule, pas en tant que telle, mais qu'elle soit accompagnée, analysée, expliquée par la parole d'un homme, expert sur le sujet. Ainsi si l'on interroge une femme par exemple sur un sujet la concernant, on n'attendra pas qu'elle fournisse une analyse. Elle est bien trop subjective, bien trop dans le pathos et l'affect. On lui posera donc des questions déplacées et sans aucun intérêt politique puis on donnera la parole aux experts. Et il y a l'idée qu'on arrive à faire un truc sans eux, qu'on parle sans eux, qu'on n'ait pas besoin de leur avis, de leur expertise, de leur témoignage. Cela ne nous intéresse absolument pas. Dans une vie, où l'on est habitué à faire passer les désirs des hommes avant les nôtres, cela est tout bonnement insupportable.
Les femmes ne sont expertes en rien et témoins en tout ; elles ne disent rien qu'un homme ne pourrait dire avec le recul et la capacité d'analyse qui lui est propre. Personne sinon les féministes, ne questionne l'absence des femmes à peu près partout, tant elle parait normale. C'est l'absence masculine qui ne l'est pas. Notre absence est tellement normale, habituelle, qu'un micro-évènement comme des interviews sur un petit blog, semble prendre toute la place et contrebalancer les milliers de lieux tous masculins et autrement plus importants.
Alors au final dans ce contexte-là, mon initiative d'interviewer uniquement des femmes est effectivement un acte révolutionnaire ; puisqu'il suscite autant de réprobation, de critiques et d'attaques. Si le simple fait de ne pas donner de place à un moment donné aux hommes est insupportable, c'est qu'il n'est pas encore rentré dans les têtes qu'ils en ont déjà partout. Et tant qu'ils squatteront, sans aucune légitimité pour cela, tous les lieux de pouvoir, alors nous utiliserons ce qu'il nous reste, Internet, pour nous exprimer.
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Beaucoup ont tendance à voir les féministes comme un groupe monolithique, dont les membres seraient interchangeables. Le féminisme est, plus que jamais, riche de personnalités très diverses.
J'ai donc décidé d'interviewer des femmes féministes ; j'en connais certaines, beaucoup me sont inconnues. Je suis parfois d'accord avec elles, parfois non. Mon féminisme ressemble parfois au leur, parfois non.
Toutes sont féministes et toutes connaissent des parcours féministes très différents. Ces interviews sont simplement là pour montrer la richesse et la variété des féminismes.
Interview de Sandrine.
Son twitter : @SandG_
Son blog : La pinardothek
Bonjour Sandrine, peux tu te présenter ?
Alors je m'appelle Sandrine, bien que mon nom usuel du net soit Sand (rien à voir avec George).
J'ai 33 ans, presque 34. Je suis caviste en Belgique, blogueuse, maman de deux mômes. Mon domaine c'est le vin: j'en bois, j'écris dessus, j'en vis.
Depuis combien de temps te définis tu comme féministe ? Y-a-t-il eu un déclic précis qui t'a fait devenir féministe ?
Je ne peux pas le dater précisément, parce que ça vient vraiment d'une prise de conscience progressive (et c'est pas fini). Je n'ai pas baigné dans un milieu féministe (au contraire ma mère m'a plutôt donné une image très négative des femmes, forcément victimes). C'est donc en rencontrant des gens, en discutant, beaucoup via le net que j'ai commencé à m'intéresser au féminisme.
Il a fallu du temps entre s'y intéresser et se déclarer comme féministe, d'ailleurs. Parce que d'une, ça reste pas facile vis-à-vis de l'entourage, proche ou pas. Il faut assumer "l'image féministe" de misandre, hystérique, et tout ce qu'on veut bien coller comme étiquette: il faut avoir le cran de supporter être vue comme ça par certaines personnes, que ce soit vrai ou pas.
Ensuite, j'ai le tort de lire beaucoup de femmes intelligentes: j'ai toujours une espèce de complexe bizarre à m'assumer "féministe" à côté d'elle.
Parce que j'ai l'impression que mon féminisme est pas assez militant, pas encore assez réfléchi, qu'il n'englobe pas encore tout ce que je voudrais y retrouver.
Sur ton blog, tu traites beaucoup de sujet où tu parles à la fois de vin et de féminisme ; peux tu nous en parler ? quels liens fais tu entre les deux ?
Le vin, c'est le sujet principal, le féminisme vient donner du relief. Avant d'écrire mon blog, j'ai beaucoup lu les autres, et j'en ai conclu ce que je ne voulais pas faire.
Pas un truc chiant, qui s'adresse à une élite, avec un langage codé. Pas un truc qui sente le "vieux". Et pas non plus -comme je l'ai lu souvent de plumes féminines du vin qui tentent de se différencier- avec une orientation girly.
J'ai volontairement choisi des couleurs "neutres" au départ, pensant agenrer mon blog. D'ailleurs, au début, on me prenait régulièrement pour un homme. Et puis, petit à petit je me suis mise à parler de ce qu'une femme qui bosse dans le vin peut subir: des petites humiliations du quotidien, quand on suppose que vous n'y connaissez rien, aux trucs marketings qui dépeignent les femmes comme des greluches, et considèrent qu'on n'a droit qu'aux rosés, et aux vins sucrés. Je fais surtout ça parce que ça m'énerve d'être (souvent) ramenée à mon sexe avant ma compétence pro. Je me suis rendue compte que plus j'en parlais, plus j'avais de retour de femmes, qui me disaient merci: elles complexaient, ou simplement se sentaient seules à râler dans leur coin. Bien sûr, ça peut paraitre un sujet accessoire, parce qu'on se dit "quelle importance qu'on tende la carte des vins seulement aux hommes" ou "qu'est-ce que ça peut faire qu'on qualifie un vin de féminin"... Mais pourquoi pas? Si chaque femme, dans son domaine de compétence aide à réaliser le sexisme qui y sévit, et faire évoluer -un peu- les mentalités vers plus de féminisme, on y gagne toujours.
Si en plus, j'arrive à donner à certaines le goût de parler plus de vin, d'oser s'imposer, d'oser dire ce qu'elles aiment, c'est super cool.
As tu commencé à parler de féminisme et de droits des femmes à tes enfants ? De quelle manière ?
pas à la plus jeune (qui va avoir deux ans). Pour le plus grand, (10 ans) oui dans la mesure du possible, on commente l'actualité (au moment de l'affaire tartines, j'ai beaucoup expliqué) et surtout, ça passe par des choses concrètes: aider au ménage, être responsable de ses affaires, savoir faire tourner une machine. Je trouve impératif qu'un garçon sache se débrouiller sans "fille" à côté. Si on veut que les mecs fassent des taches ménagères, ne soient pas violents, sachent discuter, c'est maintenant que ça se joue. C'est difficile parce qu'il est à un age, où j'ai l'impression, le genre est très fort. Les garçons "doivent" se comporter comme des garçons pour "exister" aux yeux des copains. Lui apprendre que se battre, c'est pas"être un gars" c'est compliqué. Comme le fait de pleurer ne fait pas de lui "une fille". Après, j'imagine qu'en grandissant il sera moins inquiet de tout ça. J'espère.
As tu l'impression que le milieu du vin est particulièrement machiste ?
Machiste non, disons qu'il s'améliore en ayant encore quelques relents sexistes. Les femmes ont toujours été là, mais moins exposées qu'aujourd'hui. CE qui me chagrine plus, c'est que je vois une évolution où on passe d'un machisme assumé à une célébration de "l'entre-filles". Y a plein d'assoc' de vigneronnes qui se montent (premier de leurs réflexes: se défendre d'être féministes). J'y verrai pas de souci si c'était des groupes de paroles et d'entraide, comme on voit dans certains milieux féministes, non mixtes pour garantir la liberté des femmes. Sauf que c'est tout l'inverse: des groupes clivants qui exacerbent le girly, la féminité des femmes du vin, etc.
Peux-tu expliquer les préjugés autour des femmes et du vin ?
Les femmes seraient au choix: plus douées pour goûter, (on t'explique que c'est physiologique, les hormones, ou ce genre de conneries), plus douées pour verbaliser la dégust', plus attirées par le joli (= belles étiquettes), pas du tout attirées par les vins costauds, rouges, puissants...
Et en même temps, elles s'y connaîtraient peu. Je te passe le paragraphe sur les vigneronnes (plus sensibles et donc douées en vinif, mais incapable de faire les travaux physiques lourds : bullshit)
Le packaging répond à cette image de femme coquette, éthérée, sensible....
Je ne compte plus les articles que j'ai écrit sur des étiquettes, des qualificatifs, qui abrutissent la femme, complètement, et la prennent pour une cruche. On crée des cartes de vignobles avec des dessins, plutôt que des mots, pour qu'elle comprenne bien. En gros, elle est considérée comme meilleure dégustatrice car plus fine et plus sensible, et en même temps elle n'y connait rien et il faut lui simplifier le vin.
Le pire de tout, c'est que c'est la femme, la pire ennemie du féminisme, parfois.
Ne penses tu pas qu'une étape "vivent les femmes" ( le girly, la féminité des femmes du vin) est malheureusement indispensable pour que les femmes soient reconnues ?
Il y a latent aussi, cette forme de sexisme qui oblige les femmes du vin à être toujours "sexy". Les mecs on leur demande rien.
Il existe des assoc', des concours réservés aux femmes et franchement quand tu vois comment ça se passe...
Donc, non, je ne crois pas qu'il faille en passer par là: mon gros kiff, ce serait qu'il y ait beaucoup plus de visibilité pour les femmes qui méritent, bien sûr, mais pas à n'importe quel prix.
On pourrait déjà commencer par les voir dans les médias (sous un autre angle que "les femmes du vin", qui n'est même plus un marronnier : c'est devenu un baobab)
Pour exemple, les récompenses du vin restent majoritairement attribuées aux hommes.
Tu as une fille et nous discutions il y a peu du fait qu'il est très difficile de ne pas instantanément dire devant une photo de petite fille "qu'elle est jolie" alors qu'on le dit beaucoup moins face à un garçon. que peux tu nous dire là dessus ?
J'ai une fille -et en plus elle a la (mal)chance d'être jolie: c'est une petite fille, pour autant qu'on puisse en juger qui est bien dans sa peau. Elle reçoit évidemment des compliments sur son physique (que j'essaie d'équilibrer par des compliments plus neutres: style, tu es courageuse, tu es forte, tu es drôle). Avec mon fils, il a été très complimenté aussi sur son physique petit (boucles blondes et grands yeux verts, tu parles huhu), mais en grandissant, les gens ont commencé à parler beaucoup plus évidemment de son caractère. Avoir des enfants des deux sexes te fait te poser beaucoup de questions sur ce que tu leur dis/ comment tu leur dis. J'ai plus tendance à dire à ma fille qu'elle est mignonne (même si je me retiens) et je suis moins spontanée avec mon fils. Je crois que le truc est là: arriver à donner suffisamment d'assurance à son enfant, qu'il puisse être serein (en le complimentant, mais pas QUE sur son physique ou son caractère, les choses qu'il fait) sans en faire trop et transformer ça en obsession.
As-tu une éducation antisexiste avec tes enfants ou sens tu parfois que tu te comportes différemment en fonction de leur genre ?
Dans la mesure du possible, oui. J'essaie d'interroger le plus possible mes réflexes sexistes quand j'en ai. Parce qu'on ne se débarrasse pas comme ça de son éducation, à soi. Après, c'est toujours hyper difficile: il y a l'éducation rêvée, celle dont on se dit "je ne transigerai sur rien" et puis la réalité pratique à laquelle on se heurte. Avant d'avoir mon fils, je pensais "jamais de sucette". Au bout de 15 jours sans dormir, j'ai craqué. Après, le tout est de savoir sur quoi on peut céder de temps en temps (des jouets genrés, parce que les copains ont pareil, en expliquant qu'il existe d'autres façons de jouer, par exemple) et sur ce quoi on ne cédera jamais (les insultes, le fait de dire "c'est pour les filles" de façon méprisante, ou "c'est pas pour les filles" d'ailleurs).
Différemment en fonction de leur genre, je n'en ai pas l'impression: la différence d'âge entre eux est telle (8 ans) qu'il m'est difficile de comparer. Mais j'ai l'impression d'avoir été aussi maternante, proche, de mon fils bébé que de ma fille. Je les pousse tous deux de façon égale vers l'autonomie, en tous cas.
Tu es caviste et tu gères une cave ; comment les clients réagissent ils quand tu les conseilles ? As-tu souvent des remarques sexistes ?
Au début, comme on ne me connaissait pas, j'étais surtout vue comme l'épouse de. Systématiquement, on appelait donc "l'homme" pour être conseillé, on lui demandait confirmation devant moi (?!) de ce que je venais de dire, etc.
Avec le temps, ça arrive de moins en moins, limite certaines personnes préfèrent être conseillées par moi (question d'affinités et de psychologie, sans doute).
Les remarques sexistes, sur les "vins pour une femme", "vins féminins", je les reprends systématiquement, en douceur, mais fermement. Selon les gens, avec de l'humour, histoire de faire comprendre gentiment. Dans un contexte pro, tu peux pas gueuler sur les gens: avec un peu d'expérience, tu peux tout de même arriver à faire passer le message calmement.
Parles-tu ouvertement de ton féminisme à ta famille ou tes amis ? Comment le prennent-ils ?
Oui, selon les personnes ça fait rigoler ou rien du tout. J'ai toujours été identifiée comme "grande gueule", ou "originale", donc le fait de dire "les petits gars, je suis féministe", ça étonne pas grand monde. Ce qui me fait plaisir, c'est quand je vois que ça a un petit impact (sur mes petites cousines par exemple) qui y réfléchissent déjà malgré leurs 18 balais. A cet âge-là, j'étais loin de me questionner là-dessus. J'ai souvent des discussions sur le féminisme ou le sexisme avec mon fils, mon mec, parfois ils ont du mal à piger, mais ils écoutent, on échange, et au final, ça fait évoluer tout le monde.
Tu as beaucoup hésité à réaliser cette interview ; peux tu me dire pourquoi ?
J'ai hésité parce que j'ai parfois l'impression d'être une féministe-caviar. Bon, c'est une boutade mais l'idée c'est: je vis moins d'oppressions que d'autres, beaucoup moins, je suis hétéro, blanche, j'ai pas de problème de fric... Donc, et c'est un peu idiot peut-être j'ai l'impression d'être dans un féminisme très confortable par rapport à d'autres. Et puis il y a Internet: je lis beaucoup, silencieusement, des afrosfeministes, des féministes intersectionnelles, bref des femmes qui elles me semblent vachement plus réfléchies et impliquées: je n'ai pas envie de leur prendre une place, ou une visibilité. Je me sens un peu comme un mec, en gros, un mec profem qui devrait s'effacer devant de "vraies féministes". C'est paradoxal, hein?
Aussi, et c'est lié à mon caractère: j'ai toujours peur de dire des conneries. Pour donner un exemple parlant, j'ai attendu des années avant d'oser parler de vin sur le net, le temps d'être sûre d'avoir acquis un certain bagage. Alors, est-ce que je me sens légitime à parler à côté de féministes "sérieuses" qui ont lu plein de bouquins, ont plein de références que je ne connais pas, ont un jargon que je ne maitrise pas toujours: pas encore.
Est-ce qu'il y a des combats féministes qui te touchent plus que d'autres ?
Des combats qui me touchent plus que d'autres, oui et non. Ceux sur lesquels je peux agir au quotidien m'effraient moins: éducation, marketing genré, sexisme dans le milieu pro. Ca ne veut pas dire que je ne m’intéresse pas au reste (sexisme et racisme, femmes voilées, travail du sexe, femmes mutilées, etc) juste que j'ai moins de moyen d'agir / moins de légitimité à en parler.
The post Interview de féministe #9 : Sandrine appeared first on Crêpe Georgette.
Beaucoup ont tendance à voir les féministes comme un groupe monolithique, dont les membres seraient interchangeables. Le féminisme est, plus que jamais, riche de personnalités très diverses.
J'ai donc décidé d'interviewer des femmes féministes ; j'en connais certaines, beaucoup me sont inconnues. Je suis parfois d'accord avec elles, parfois non. Mon féminisme ressemble parfois au leur, parfois non.
Toutes sont féministes et toutes connaissent des parcours féministes très différents. Ces interviews sont simplement là pour montrer la richesse et la variété des féminismes.
Interview de Laure.
Bonjour Laure peux tu te présenter ?
Je vais essayer de situer mon point de vue : j'ai 26 ans, je suis française avec papiers, blanche, valide, élevée dans une famille de gauche des classes moyennes/sup', assignée femme à la naissance et toujours perçue aujourd'hui comme femme même si je ne me reconnais pas dans les archétypes du genre, auto-définie comme queer, dans mon genre comme dans mon orientation sexuelle.
Je ne sais pas si ça me "présente", mais si je ne m'arrête pas là, vous aurez le droit à un énorme pavé indigeste.
Depuis quand es tu féministe ; y-a-t-il eu un déclic particulier ou est ce venu progressivement ?
Je ne sais pas exactement depuis combien de temps je me *dis* féministe. Cela doit faire 4 ou 5 ans ? Peut-être plus... Ça a été une prise de conscience progressive depuis ma pré-adolescence : je notai petit à petit toutes les injustices que je pensais subir (j'étais une enfant très orgueilleuse), dont celles liées à mon identité de "fille". J'ai eu la chance de grandir dans une famille où les femmes ne se laissent pas marcher sur les pieds. Ma mère, son indépendance et le respect que lui porte mon père, ainsi que ma tante (militante féministe, gouine et anti-raciste), m'ont très largement influencée. plus récemment, c'est en fréquentant d'autres féministes que j'ai pu me forger une pensée politique, au delà des "intuitions" enfantines.
Qu'est ce que cela signifie exactement "auto-définie comme queer, dans mon genre comme dans mon orientation sexuelle" ?
Cela signifie, pour moi du moins, plusieurs choses qui sont liées :
- je suis persuadée (et je ne suis pas la seule) que le genre (féminin/masculin/...) est une construction sociale et non pas un fait (biologique, génétique ou je ne sais quoi) ;
- en conséquence, on pourrait ne pas se "limiter" à deux genres (féminin et masculin) ; certaines sociétés reconnaissent
d'ailleurs d'autres genre, bien qu'ils soient minoritaires ;
- de plus, cette division femmes/hommes est complètement intriquée avec le système de domination masculine et donc le
sexisme, ainsi qu'avec l'hétéro-norme (ou "domination hétéro").
En ce qui me concerne, bien que j'accepte mon histoire et ma construction en tant que femme, je ne veux pas que cela suffise à me définir : je refuse à la fois la binarité du genre, et l'hétéro-norme et l'hétéro-socialisation m'ennuient de plus en plus. J'utilise pour couvrir tout cela le terme "queer", qui exprime à la fois mon identité de genre en dehors du binaire femme/homme, et mes attirances affectives et sexuelles pour des personnes qui sortent elles aussi, à leur manière, des normes genrées.
Pourquoi as tu précisé autant de choses dans ta présentation, comme le fait d'être valide ou avec des papiers ?
Nos sociétés humaines sont construites sur de nombreux systèmes de domination : les dominations masculines et hétéro, que j'ai déjà évoquées, mais aussi la domination blanche, de classe, validiste, hédoniste, etc. Cette prise en compte de tous les systèmes de domination, sans chercher à dire que certains sont plus "graves" ou "importants" que d'autres a été nomme "l'intersectionnalité". C'est l'un des courants du féminisme dont je me sens le plus proche. Bien que femme et queer, je porte en moi de nombreux privilèges (en tant que blanche, valide, etc) et je pense important de les nommer pour que l'on puisse critiquer mon discours en connaissance de cause.
Quelles injustices as tu subi étant jeune ?
Oh, des trucs très classiques : on me reprochait ma grande gueule, mon caractère colérique et bagarreur, j'avais l'impression de pouvoir moins de goinfrer que mes frères, d'être moins écoutée et prise aux sérieux que mes camarades de classe gars, je ne comprenais pas pourquoi je devais m'enlever les poils des jambes (je ne l'ai d'ailleurs jamais fait), j'étais facilement dénigrée par les mecs avec lesquels je trainais (je me suis fait peu d'amies filles durant mon adolescence), etc. Et sûrement plein d'autres trucs. Le sexisme ordinaire quoi.
Tu dis ne t'être jamais épilée ; as tu subi des remarques à ce sujet ?
Oh, oui, très souvent. Par ma mère et ma soeur, d'abord, qui ne comprenaient pas. Puis par certains mecs : "C'est sale une fille avec des poils", "Ça dérange pas tes amants ?", "Tant mieux si tes potes s'en foutent, mais moi je ne pourrais pas coucher avec une fille pas épilée". Aussi par d'autres meufs : "T'as du courage, j'oserais jamais", "Je pourrais pas" et parfois "Je t'admire, peut-être qu'un jour j'arrêterais aussi de m'épiler" (je passe les commentaires de celles qui ne s'épilaient pas non plus). J'ai rarement eu des remarques de gens inconnus au sujet de mes poils (sauf peut-être quand on m'a traitée de "sale gouine libérée" dans la rue, les poils ont du jouer ! ). Et puis en grandissant et en choisissant mieux les gens que je fréquente, j'ai eu de moins en moins de remarques.
Est-ce-que tes proches, ta famille savent que tu es féministe ? Comment réagissent ils ?
Oui ! C'est un truc dont je parle très souvent ! Déjà, beaucoup de mes proches sont aussi féministes. Quant aux autres, iels le respectent et même s'iels ne sont pas toujours d'accord avec certains de mes points de vue, on arrive à avoir des discussion riche et intéressantes. Mais j'ai quand même l'impression que, souvent, leur réticences face à mes discours sont plus liées à une peur des "chiennes de gardes castratrices", image qu'a encore le féminisme pour beaucoup de personnes, plutôt qu'au contenu réel de ce que je raconte. C'est dommage et j'essaie de bosser la dessus aussi, sans tomber non plus dans des discours "bisounours".
Et il y a un autre aspect, que je trouve très positif, à ce que je sois identifiée comme féministe : on vient souvent me voir pour discuter de questionnements autour de la sexualité, des relations filles/mecs, ou bien des copines me racontent les abus qu'elles ont vécus... Je n'ai pas réponse à tout, heureusement, mais je suis contente de pouvoir donner un point de vue ouvert, non jugeant et soutenant.
Dans tes réponses tu emploies le mot "iels".que veut il dire ? Pourquoi fais tu ce choix de langage ? quelle en est l'utilité ?
"Iel" ("iels" au pluriel) est un néologisme : c'est un pronom personnel "neutre", ou bien à la fois masculin et féminin, ou bien renvoyant à un autre genre, ni féminin, ni masculin, ni neutre. Il permet de parler d'une personne dont on ne connaît pas le genre, ou bien dont le genre n'est ni masculin ni féminin (dans mon entourage, c'est important). Il permet aussi de ne pas tenir compte de cette foutue règle grammaticale "le masculin l'emporte sur le féminin" lorsqu'on parle de plusieurs personnes.
La langue a un énorme pouvoir. Je crois qu'en la modifiant, on peut aussi aider à modifier nos manières de penser et d'agir.
Pourquoi selon toi, le féminisme a une si mauvaise image ?
Je ne sais vraiment pas. Peut-être parce que le féminisme remet en question des choses qui sont si ancrées en nous que cela fait peur ? Le changement effraie, il va à l'encontre de notre confort. Si l'on fait partie de la population privilégiée (ici les hommes), on ne veut pas lâcher le pouvoir. Et si on fait partie de la population dominée (ici les femmes), on peut se sentir jugée ou impuissante face aux analyses féministes. Mais c'est sûrement bien plus complexe que ça.
Tu m'as dit que tu t'étais prostituée ces derniers mois. Beaucoup de gens pensent que cela n'est pas un choix féministe et que c'est contraire à la dignité des femmes ; qu'as tu à dire à ce sujet là ?
La question de la prostitution est compliquée. Aujourd'hui en France, la plupart des prostituées sont avant tout esclaves des réseaux de prostitution et c'est quelque chose qu'il faut dénoncer : non pas à cause du travail du sexe, mais bien à cause de l'esclavage ! Mais en ce qui concerne le travail du sexe, je pense que toute personne (les femmes en particulier) devraient avoir le droit de faire ce qu'elle veut de son corps et du reste. Pour ma part, comme d'autres, j'ai *décidé* de me prostituer, *de mon plein gré*, via des annonces d'"escorting" sur Internet. C'est un travail relativement facile pour moi (contrairement à la plupart des autres jobs !) : je suis à l'aise avec mon corps et avec la sexualité hétéro, je suis bonne comédienne... et puis ça paie bien ! Je demande 200 euro de l'heure, ce que je peux me permettre vu certains de mes privilèges : blanche, jeune, valide, parlant français, aisance sociale, etc.
Pour des raisons politiques, je me positionne contre le monde capitaliste et l'univers du travail qui lui est associé. Le travail est aliénant. Dans ce contexte, je trouve le taf de pute *vraiment* moins pire que d'autres : j'extorque des sommes faramineuses à des sales machos bourrés aux as ! Même si, dans l'idéal... je ne voudrais pas "bosser" du tout ! Il y a tellement d'autres projets merveilleux dans lesquels j'ai envie de mettre de l'énergie.
Certains peuvent penser que c'est indigne de vendre du sexe ; qu'on se salit en faisant cela. que penses tu de ces affirmations ?
Pour ma part, je trouve inacceptable de vendre des actions financières, ou des assurances vie. J'aurais envie de dire : chacun.e ses valeurs morales et politiques ! Mais si je me contente de dire ça, sur un mode très "relativiste", je passe à côté de l'essentiel du problème : on n'arrête pas de dire aux femmes ce qu'elles peuvent et ne peuvent pas faire. Pas le droit d'avorter, pas le droit de coucher avec qui elles veulent, pas le droit de prendre du plaisir, pas le droit d'être "moche", "grosse" ou poilue, etc. Condamner les prostituées pour leur "indignité", c'est une fois de plus condamner des femmes pour leur liberté. Et parler à leur place ! Qui écoute les avis des travailleur.euse.s du sexe ??
Ce qui est digne ou pas évolue en fonction des groupes sociaux et est défini par les dominant.e.s. Ce n'est pas un critère que je considère valable pour juger d'une activité. Je préfère pour cela me baser sur d'autres éléments : l'activité est-elle choisie et consentie ? Oppresse-t-elle d'autres personnes ? etc. Ce sont des questions complexes aux réponses complexes...
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Beaucoup ont tendance à voir les féministes comme un groupe monolithique, dont les membres seraient interchangeables. Le féminisme est, plus que jamais, riche de personnalités très diverses.
J'ai donc décidé d'interviewer des femmes féministes ; j'en connais certaines, beaucoup me sont inconnues. Je suis parfois d'accord avec elles, parfois non. Mon féminisme ressemble parfois au leur, parfois non.
Toutes sont féministes et toutes connaissent des parcours féministes très différents. Ces interviews sont simplement là pour montrer la richesse et la variété des féminismes.
Interview de Lise.
Salut Lise peux tu te présenter ?
Je m'appelle Lise, j'ai 28 ans. Je suis psychologue, je travaille principalement dans le domaine de la petite enfance, du soutien à la parentalité et avec des enfants autistes. Je suis maman d'un petit garçon de 10 ans, séparée du papa. J'ai également plusieurs passions que je pratique activement comme la musique et l'escrime.
Depuis quand es tu féministe ?
C'est difficile de donner une date précise je n'ai pas l'impression d'être devenue féministe du jour au lendemain... J'ai eu des prises de conscience qui ont déclenché une réflexion, puis ca a été une sorte de processus. J'ai eu les premières prises de conscience il y a environ 8 ans, mais j'ai dû commencer a me définir vraiment comme féministe depuis 6 ans.
3. tu as eu un enfant assez jeune ; est ce que cela a été compliqué pour toi, as tu eu des réflexions sexistes à ce sujet ?
Plus âgistes que sexistes je dirai. Le pire vécu fut qu'à la maternité une journaliste cherchait des femmes enceintes pour un reportage. Elle m'a demandé une interview, elle me mettait d'emblée dans la case "ado enceinte cas social" et malgré les réponses que je lui donnais (que j'étais enceinte par choix, que je vivais avec le père, que nous n'avions pas de soucis financier car il travaillait etc.) elle voulait absolument me faire rentrer dans son moule de pensée, me disait que ce n'était certainement un choix conscient vu mon âge. Elle a quand même bcp insisté pour filmer mon accouchement, j'ai refusé catégoriquement elle était furieuse au téléphone et m'a raccroché au nez... Bon de toute façon je ne vais pas raconter tout le traitement de mon accouchement qui était catastrophique sur le plan humain, pour le coup je pense que quasi toutes les jeunes mamans en France vivent ce genre de violence médicale (péridurale trop dosée qui m'a totalement shoutée, bébé pris dans la nuit sans m'avertir alors que je dormais, impossibilité de prendre une douche alors que je suis restée 10 jours...)
Tu as une passion assez peu commune comme l'escrime ; y constates-tu du sexisme ? comment y réagis-tu ?
Alors s'il y a un domaine dans lequel j'ai rencontré du sexisme c'est bien celui là. Je précise que je fais de l'escrime artistique et historique, cela veut dire que je me bats en costume, avec des répliques d'armes anciennes. Ce n'est pas comme l'escrime moderne, nous ne cherchons pas à nous toucher (heureusement vu les armes qu'on manipule !) mais c'est une sorte de chorégraphie que nous faisons pour les besoins d'une pièce de théâtre, d'un film. Pendant tout mon parcours j'ai rencontré du sexisme, cela fait 5 ans que j'en fais... J'ai eu un professeur qui interdisait purement et simplement aux filles de faire certaines démonstrations. Avoir des rôles dans certaines pièces relève du challenge pour les filles, nombre de mecs se réfugient derrière le "tu comprends à l'époque les femmes ne se battaient pas" (faux historiquement en plus) ou "dans les histoires classiques de cape et d'épées (3 mousquetaires, Zorro, le bossu...) il n'y a pas de rôle féminin qui se bat". Alors en général il y a une situation pour laquelle ils adorent qu'on fasse un combat c'est "la fille sexy qui se bat, en cuir, en corset, ou en robe fendue"... C'est marrant à jouer certes, mais en gros si tu les écoute tu es purement et simplement cantonnée à cela, et celles qui n'ont pas le physique pour cet emploi on en parle même pas... Un jour j'ai participé à une pièce dans laquelle je jouais une héroïne féminine escrimeuse, qui est bisexuelle et qui bat en duel les mecs, j'ai eu le droit à une levée de bouclier des acteurs masculins, leur ego était vraiment impacté c'était incroyable ! Heureusement (je touche du bois !) j'ai trouvé un club d'escrime bcp plus safe sur ce sujet depuis un an et c'est vraiment cool, de partir en camp mousquetaire ensemble et que tout le monde fasse toutes les tâches, que les filles comme les mecs se battent, cuisinent, montent le camp...
Es-tu amenée dans le cadre de ton travail de constater et de travailler sur des situations sexistes ?
Oui, comme je travaille avec des parents et des jeunes enfants, je fais un gros travail de prévention sur les inégalités de genre dans la petite enfance. Je vois tous les jours des parents qui disent à leur petite fille qu'elle doit être jolie et sage et faire une peinture rose sans se salir et à leur petit garçon qu'il est grand et fort et qu'il ne doit pas pleurer ni jouer avec ce jouet vaguement rose... Des petites filles habillées en robe a froufous alors qu'elles savent à peine marcher... Des mamans enceintes qui pensent que vu que leur grossesse est difficile avec plein de nausées et qu'elles prennent trop de kilos c'est probablement qu'elles attendent une fille... Des parents qui disent que c'est "naturel" que leur garçon aime les voiture et leur fille la dînette. Des paroles que je reprend, je les incite à réfléchir sur ces représentations, je leur explique ce qu'elles peuvent induire chez leur enfant quand elles sont répétées. J'estime que ça fait partie de mon boulot, vraiment. Sinon il m'arrive aussi d'accueillir des femmes, des mères, des enfants victimes de violences conjugales, sexuelles, psychologiques donc là aussi il y a tout un travail de réflexion que j'ai et que j'essaie de transmettre à mes collègues sur le positionnement à avoir pour accueillir convenablement ces personnes, écouter leur souffrance, ne pas tomber dans certains biais machistes etc.
Est- ce que des sujets féministes te concernent davantage que d'autres ?
De par mon travail tout ce qui touche à l'éducation non genrée des enfants, aux stéréotypes que les parents et les professionnels peuvent avoir.
De part mon vécu et mon travail : les représentations sociales des familles différentes, homoparentales, monoparentales, familles pluri culturelles, des grossesses adolescentes... La question du partage des tâches ménagères et d'éducation des enfants. La violence économique que subissent les femmes, quasi toutes dépendantes économiquement du père dès la naissance d'un enfant.
De part mon vécu : le rapport au corps, à la sexualité. Le partage des tâches et de l'espace physique (dans la maison, pour les rangements, les pièces consacrées à chacun) au sein du couple. Les stéréotypes sur les mères séparées et les difficultés pour les mères séparées, bien plus que pour les pères à émerger après la séparation, à "refaire leur vie" comme on le dit communément même si je déteste ce terme.
As-tu l'impression que les parents sont réceptifs à ce que tu peux leur dire au sujet des représentations genrées ou y-a-t-il de grandes résistances ?
Il y a une façon de présenter les choses en fait, c'est sur que si on aborde le sujet de façon frontale on risque de les braquer. En tant que psy je pense que c'est communément admis que je les questionne sur certaines choses qu'ils font ou qu'ils disent. Je ne cherche pas à leur asséner des idées toutes faites mais à les faire se questionner sur les représentations qu'ils ont. Un parent qui me dit que "c'est naturel" que sa fille joue à la poupée je lui réponds "ah bon ? Vous êtes sûr ? En quoi est ce naturel pour vous ?" Le fait qu'ils comprennent que ces choses "naturelles" ne le sont pas tant que cela et qu'ils se posent des questions est vraiment une étape essentielle. C'est mon boulot de leur renvoyer cela, que ce n'est pas "naturel", qu'il y toute une construction sociale derrière ces représentations. Après s'ils en ont envie on peut en parler plus et pousser plus loin la réflexion. Mais déjà l'étape de "planter la graine" c'est beaucoup en fait ! Peu de personnes leur renvoient cela dans leur entourage ou dans les médias...
Tu parles de stéréotypes au sujet des mères séparées , quels sont- ils ?
Mère paumée, qui ne peut pas élever correctement ses enfants, les mères célibataires sont souvent attaquées et responsables de tous les maux dans les discours sur les déchéances éducatives, le manque supposé d'obéissance à l'autorité chez les jeunes
Chieuse ou irresponsable qui "l'a bien cherché", elle n'avait qu'à pas quitter son mec, elle aurait pu faire un effort (même s'il la battait, était violent avec ses enfants...)
Profiteuse des aides de la CAF, de la pension alimentaire versée par le père
Femme indisponible sexuellement pour de nombreux hommes, célibataire mais ne pouvant se consacrer exclusivement à eux du fait qu'elle ait moins de temps disponible avec ses enfants, cela leur pose problème et est un frein pour que les mères retrouvent une vie affectIve et sexuelle après la séparation
Femme pas assez disponible pour les employeurs, forcément pauvre et précaire aux yeux des propriétaires ou banquiers. Donc difficultés pour trouver du travail, un logement, un prêt...
As-tu déjà pensé à abandonner l'escrime, au vu de ce que tu y subissais en termes de sexisme ?
Non, parce que je suis une coriace je pense ! Par contre j'ai changé plusieurs fois de clubs, de personnes avec lesquels j'en faisais, comme c'est un petit milieu c'est pas si évident, je m'en suis mis à dos certains... Et maintenant je préfère en faire avec des filles, quand je monte un combat je préfère le faire avec une femme, parce que les mecs même sans le vouloir tombent quasiment tous dans le biais de "je vais initier la charmante jeune fille au maniement des armes", sauf que maintenant j'ai un bon niveau, meilleur que certains mecs, et qu'ils ont quand même ce réflexe, se sentir meilleur qu'une fille particulièrement dans ce domaine. J'accepte des cours ou des conseils de personnes qui ont un meilleur niveau que moi et des critiques pertinentes, qu'elles viennent d'hommes ou femmes. Mais je n'accepte pas d'attitude paternaliste sur le mode "je vais t'apprendre la vie ma petite" de la part de mecs qui ont une épée dans les mains seulement depuis un an ou deux...
Parles tu de féminisme à ton fils ? ou évoques tu les représentations genrées ? penses tu qu'il y est sensible ? arrives tu à contrer un peu les autres influences qu'il peut subir, entre autres à l'école ?
Je crois beaucoup à l'exemple que les parents montre tous les jours à leurs enfants plus qu'aux discours. Mon fils a toujours mis des épées dans les mains des princesses playmobils comme pour les chevaliers parce qu'il me voyait faire de l'escrime... Dans les jeux qu'on achète, dans notre style de vie on fait déjà passer plein de message à nos enfants. Je lui ai déjà parlé des notions de consentement et d'inégalité homme/femme lorsque cela s'y prête, qu'il me pose des questions ou que cela vient dans la conversation. J'ai déjà rigolé et critiqué avec lui certains films, dessins animés, livres... avec des représentations sexistes.
As-tu l'impression que les mouvements féministes s'occupent suffisamment des droits des mères, des questions autour de la maternité et de l'accouchement ?
Pour la question des violences médicales et de l'accouchement on en parle de plus en plus et c'est tant mieux. Par contre pour les mères célibataires qui sont une minorité réellement opprimée dans notre société je regrette vraiment que ce ne soit que très rarement abordé. En plus ca a ouvert un boulevard aux masculinistes pour porter des revendications ultra machistes sur l'obligation des mères séparées de rester vivre non loin de leur ex, de baisser les pensions alimentaires, de rendre obligatoire la résidence alternée même lorsqu'il y a eu des violences conjugales...
Et sur le partage des tâches liées à l'éducation des enfants, sur toutes les mères que je reçois en tant que psy, qui vivent dans des cités hlm ou des quartiers chics de Paris, quasiment toutes souffrent réellement d'un déséquilibre dans ce partages des tâches. Elles sont épuisées, déprimées, isolées, culpabilisées quoiqu'elles fassent, pas étonnant que certaines arrêtent de travailler et se retrouvent ainsi ultra dépendantes de leur conjoint, c'est trop difficile de tout cumuler. Il y a encore vraiment du travail à faire, pour faire comprendre aux hommes qu'être un "nouveau père" ce n'est pas seulement emmener leur enfant à la crèche sur le chemin de leur boulot le matin ou changer une couche de temps en temps.
La maternité concerne énormément de femmes et nombres de leurs difficultés découlent du fait qu'elles ont un enfant. La solution peut être certes de ne pas avoir d'enfant. Mais les femmes doivent avoir le choix. Elles devraient pouvoir avoir un enfant tout en ayant un travail, une vie affective et des temps de repos et loisirs, pour la simple et bonne raison que les hommes ont ce droit.
Lisa lance avec d'autres mères séparées féministes un collectif : Collectif maman solo
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"Photographier, c'est s'approprier l'objet photographié. C'est entretenir avec le monde un certain rapport qui s'éprouve comme rapport de savoir, et donc de pouvoir. (...) le texte imprimé filtre le monde, le transforme en objet mental, de façon moins traîtresse, semble-t-il, que les images photographiques qui sont maintenant la source principale où l'on apprend à qui ressemblait le passé et ce que contient le présent. Ce qui est écrit sur une personne ou sur un événement se donne ouvertement comme une interprétation, au même titre que ces "propositions" plastiques artisanales que sont les peintures et les dessins. Les images photographiques ne donnent pas tant l'impression d'être des propositions sur le monde que des morceaux du monde, des miniatures de la réalité que quiconque peut produire ou s'approprier." Susan Sontag Sur la photographie
"C'est qu'en face d'elles [les photographies], nous sommes à chaque fois dépossédés de notre jugement : on a frémi pour nous, on a réfléchi pour nous, on a jugé pour nous ; le photographe ne nous a rien laissé - qu'un simple droit d'acquiescement intellectuel : nous ne sommes liés à ces images que par un intérêt technique ; chargées de surindication par l'artiste lui-même, elles n'ont pour nous aucune histoire, nous ne pouvons plus inventer notre propre accueil à cette nourriture synthé tique, déjà parfaitement assimilée par son créateur. (...)La photographie littérale introduit au scandale de l'horreur, non à l'horreur elle-même." Roland Barthes Mythologies
"Pendant que, sur le terrain, des être de chair et de sang se suicident ou s'entretuent, le photographe reste derrière son appareil, à créer un tout petit élément d'un autre monde : le monde de l'image, qui se propose de nous survivre à tous". Susan Sontag De la photographie
"Il y a une limite où l'exercice d'un art, quel qu'il soit, devient une insulte au malheur." Maurice Blanchot, L'écriture du désastre.
Avant de commencer cet article, je voudrais préciser dans quel contexte il a été écrit. Lorsque la photo d'Aylan Kurdi est parue dans la presse, j'avais un accès très réduit à Internet, ce qui ne m'arrive quasiment jamais, et à l'actualité. J'ai vu la photo par quelqu'un qui l'avait partagée sur facebook et j'ai au départ cru que la diffusion de cette photo émanait d'une initiative individuelle. Ce n'est que le lendemain, en jetant un œil à twitter, que j'ai pu voir la diffusion massive de cette photo, les polémiques et l'émotion intense qu'elle suscitait. Dans le contexte où j'étais, cette émotion m'a parue - et me paraît toujours - totalement incompréhensible puisque j'avais pu par ailleurs constater que les articles autour du même sujet suscitaient une royale indifférence de la part de la majorité des personnes qui s'émouvaient de cette photo.
J'ai donc eu envie de réfléchir à plusieurs choses :
- Pourquoi la photo arrive-t-elle à susciter une émotion que les textes seront toujours incapables de provoquer ?
- Est-ce que la photo, à elle seule, est un matériel aussi intéressant, aussi complet que le texte pour dire l'histoire ou l'actualité ?
- Pourquoi cette photo-là en particulier a-t-elle suscité une émotion aussi importante, du moins en Europe ?
Je précise rapidement une autre chose ; j'emploierai systématiquement dans ce texte le mot "migrant-e". Le vocable "réfugié-e" que certains nous somment d'employer me semble entériner une situation où il y aurait les mauvais migrants (les migrants économiques) et les bons réfugiés (qui fuiraient la guerre). Je ne considère pas qu'il y a de bonnes ou mauvaises raisons de migrer ; le mot "migrant-e" désigne donc simplement moi celui ou celle qui a entamé ou achevé un parcours de migration d'un pays à un autre, ou d'une région à une autre.
Je parlerais également du cadavre plutôt que du corps ; les mots ont un sens sans aucun doute bien moins fort qu'une image comme on va le voir. Le mot "corps" ne désigne pas forcément un corps mort ; employer ce mot serait donc, selon moi, une manière d'édulcorer la mort d'un enfant, parce qu'elle nous serait insupportable. Ce qui me semble insupportable sont les politiques migratoires européennes en obligeant les migrant-es à prendre des risques insensés pour venir en Europe. Il ne s'agit donc pas d'irrespect lorsque je préfère employer le mot "cadavre" plutôt que le mot "corps" mais la moindre des choses est de regarder ces cadavres, et pas les émotions qu'elles provoquent en nous.
Je pense qu'il est important, à un époque où nous sommes plus que jamais submergés d'images , d'apprendre à les analyser, les comprendre et s'en détacher. On nous enseigne à l'école dés notre plus jeune âge à analyser les textes ; nous savons décrypter les intentions d'un auteur, nous pouvons comprendre les codes employés car on nous l'a appris.
Nous subissons chaque jour énormément d'images - violentes ou non - sans être guère capables de les décortiquer et de comprendre ce qu'elles provoquent en nous. Je crois important d'étudier ce qui a pu émouvoir certains d'entre nous dans cette image - alors que la situation des migrant-es est connue, documentée et photographiée depuis bien longtemps. La photographie du cadavre de cet enfant mérite notre intérêt, au delà de l'émotion rapide qu'elle a pu susciter ; si la plupart d'entre nous avons été incapables ces dernières années de nous intéresser au sort des migrant-es et qu'il faille en arriver à la photographie du cadavre d'un enfant pour voir naître des réactions - je n'ai pas parlé d'engagement - c'est que la photo a un pouvoir que le texte n'a pas, et que CETTE photo nous dit quelque chose que d'autres photos ne nous ont pas dit, et qui, on le verra, est pour moi fort loin du sort des migrant-es mais nous ramène sans doute à nos propres angoisses.
Je voudrais préciser une seconde chose. Il y aura dans ce texte des photos, plus ou moins connues, de faits d'actualité ou historiques mais il n'y aura pas la photo du cadavre d'Aylan Kurdi. Le journaliste Muhammad Lila a interviewé la tante de l'enfant et qui, au nom du père d'Aylan, a affirmé ne plus vouloir que cette photo soit publiée. Si l'on souhaite parler d'Aylan Kurdi, il faut alors, dit-elle, publier des photos où il est vivant.
En 2001, se tient une exposition intitulée "Mémoires des camps. Photographies des camps de concentration et d’extermination nazis 1933-1999". L'historien et philosophe Georges Didi-Huberman écrivit un article dans le catalogue de l'exposition sur 4 photos prises à Auschwitz par un membre d'un sonderkommando. Devant la polémique qui suivit, il publia ensuite le livre Images malgré tout où il explique que ces quatre photos sont des images, qui nous disent quelque chose, qui ont été prises "malgré tout", malgré la volonté nazie de faire de la solution finale un crime n'ayant jamais existé, malgré les risques encourus par celui qui a pris ces photos : "quatre "réfutations arrachées à un monde que les nazis voulaient offusqué ; c'est-à-dire sans mots et sans images". Pour Gérard Wajcman et Élisabeth Pagnoux, qui suivent en cela la pensée de Claude Lanzmann, il ne peut pas y avoir d'images des génocides parce que "La Shoah fut et demeure sans image". C'est pour cela que Lanzmann dans son film Shoah a choisi de privilégier le témoignage qu'il pense comme le plus proche de la vérité.
Il existe extrêmement peu d'images des camps d'extermination et aucune des gazages, qui auraient montré le caractère volontaire, systémique, systématique et délibéré d'éliminer de façon massive des groupes racialisés. On ne peut pas montrer par l'image qu'il y a eu une volonté génocidaire alors Lanzmann en conclut que les images qui existent sont mensongères puisqu'elles ne disent qu'une toute petite part de la vérité. On ne peut donc représenter les génocides commis par les nazis par une image car celle-ci décrira toujours une réalité qui sera en dessous de ce qui s'est passé et contribuera au fond à minimiser les génocides.
Mais en quoi le témoignage serait-il plus fiable ? Par définition tous ceux qui témoignent dans Shoah sont vivants ; or le génocide juif n'est pas une histoire de vivants mais une histoire de morts : 67% des juifs du "continent européen" ont ainsi été exterminés. Alors, si on voulait être au plus proche de la vérité que cherche Lanzmann il faudrait être dans le silence absolu, seule façon de montrer que celles et ceux qui ne sont plus là ne peuvent justement plus raconter. Alors Shoah devrait être un film non pas de témoignages, mais un long silence de dix heures, seule manière d'être proche de la vérité des millions de morts. Cette position pour le moins paradoxale - se taire pour raconter - montre à mon sens combien la position de Lanzmann, même si elle pose les bonnes questions - n'est pas tenable ; le témoignage n'est pas plus vrai, ni plus objectif qu'une photo. Il n'existe pas de source parfaitement neutre, fiable et objective.
En revanche, on peut se demander si le texte, en général n'est pas davantage apte à retranscrire une situation d'actualité (ou historique) bien davantage qu'une photographie, s'il ne permet pas une plus grande précision. Est-ce qu'une image, à elle seule, est apte à rendre compte d'une situation historique ou actuelle et le peut-elle autant qu'un texte ? Est-ce qu'une image peut être autre chose que l'accompagnement d'un article ? Peut-elle se suffire à elle-même ?
Le pouvoir des images
Les images ont un pouvoir face à nous que les mots ont beaucoup moins.
Si un journaliste avait écrit un article autour de la mort d'Aylan Kurdi, il ne fait aucun doute que cet article n'aurait absolument pas eu le même impact que la photographie. Plusieurs faits me semblent expliquer cette différence de réactions.
Il faut un temps plus ou moins long pour lire un texte alors que j'embrasse l'image d'un regard. Si je devais écrire sur la mort d'un enfant migrant noyé sur une plage, je prendrais sans doute le temps d'évoquer et de décrire la plage et la nature alentours et je parlerais ensuite du cadavre de l'enfant. Vous auriez donc une durée de lecture pour vous habituer au fait que vous allez lire une description difficile. Lorsque nous regardons la photo du cadavre d'Aylan Kurdi, nos yeux ne peuvent s'y préparer en regardant d'abord la plage, ou la mer et sont immédiatement fixés sur le cadavre. Dans un texte, la mort de l'enfant sera contextualisée ; on nous expliquera où se passe la scène et comment cette mort est survenue par exemple. Dans l'image il n'y a aucune contextualisation, on est confronté à la mort directement sans aucune explication.
Il y a donc une confrontation immédiate avec l'horreur ; l'image a donc sur nous un plus grand pouvoir émotionnel que le texte.
Nous ne mettons pas en image tout ce que nous lisons ou disons ; si quelqu'un est en train de vous parler au téléphone du "beau ciel bleu" qu'il fait chez lui, vous ne visualiserez pas systématiquement un ciel bleu. Dans votre esprit, les mots ne se transforment pas forcément en images ; vous savez ce qu'est un ciel bleu, vous n'êtes plus cet enfant auquel les adultes montraient chaque objet pour lui apprendre le nom qui lui est associé.
Alors, si je vous parle d'"un enfant de 5 ans noyé sur une plage", peu d'entre vous vont en avoir une image mentale précise. Si je vous demande de faire l'effort mental de vous représenter cet enfant, en partant du principe que vous n'avez pas vu la photo, aucun d'entre vous ne construira la même image. Nous opérerons des censures mentales selon ce que nous sommes aptes à supporter ; peut-être certains d'entre nous y associeront des éléments caractérisant leur propre enfant. Certains imagineront une vague silhouette, d'autre verront une plage triste, déserte et grise comme s'il était impossible qu'on meure dans un lieu paradisiaque. La plupart d'entre nous n'imaginera rien, ne se représentera rien pour se protéger du choc de cette nouvelle. Devant la photographie d'un enfant noyé, nous ne pouvons pas censurer ce qui nous est insupportable, nous ne pouvons pas ne pas le voir et adoucir la vision de sa mort. Devant un texte, nous imaginerons sa mort, nous en ferons une mort acceptable pour nous, tolérable, devant une photo, nous ne le pourrons pas. L'image a donc encore une fois un pouvoir émotionnel que le texte n'a pas.
"Une photographie anonyme représente un mariage (en Angleterre) vingt-cinq personnes de tous âges, deux petites filles, un bébé je lis la date et je suppute 1910 ; donc, nécessairement, ils sont tous morts, sauf peut-être les petites filles, le bébé (vieilles dames, vieux monsieur, maintenant). (...) Devant la photo de ma mère enfant, je me dis elle va mourir : je frémis, tel le psychotique de Winnicott, d’une catastrophe qui déjà eu lieu. Que le sujet en soit déjà mort ou non, toute photographie est cette catastrophe." Roland Barthes La chambre claire
Barthes évoque dans cet essai que, devant toute photo, nous observons un évènement qui a déjà eu lieu. Il note qu'il n'a pas connu sa mère telle qu'elle est sur la photo qu'il regarde et que, très souvent lorsqu'on regarde une photo, la personne n'est déjà plus telle que sur la photo voire est déjà morte. On observe un moment qui n'existe plus, voire une personne qui n'existe plus. Les fleurs que j'ai en fond d'écran de mon ordinateur ne sont plus depuis déjà bien longtemps et pourtant, elles semblent bien réelles, bien exister en ce moment, lorsque je les regarde.
La photo d'Aylan Kurdi est à ce titre doublement morbide ; déjà parce qu'elle représente un cadavre mais ensuite parce que cette situation est passée ; au moment où nous regardons la photographie, Aylan Kurdi n'est plus sur la plage. Alberti disait de la peinture que c'est "une fenêtre ouverte sur le monde" . La photo est une fenêtre ouverte sur un monde passé ; d'un côté Aylan Kurdi semble être mort sous nos yeux, ce qui nous donne un sentiment d'impuissance insupportable et de l'autre nous savons très bien que cette situation est passée, qu'on ne peut plus agir même si la scène semble se dérouler à l'instant où nous regardons la photo. Notre confrontation à l'événement se situe bien dans le présent mais avec la conscience qu'il est passé. L'image a donc un pouvoir de frustration sur nous qui la regardons, qui est supérieur à celui du texte
"Ce que la photographie reproduit à l'infini n'a eu lieu qu'une fois ; elle répète mécaniquement ce qui ne pourra jamais plus se répéter existentiellement. (...) Dans la Photographie, la présence de la chose (à un certain moment passé) n’est jamais métaphorique ; et pour ce qui est des êtres animés, sa vie non plus, sauf photographier des cadavres; et encore si la photographie devient alors horrible, c’est parce qu’elle certifie, si l’on peut dire, que le cadavre est vivant, en tant que cadavre c’est l’image vivante d’une chose morte. Car l’immobilité de la photo est comme le résultat d’une confusion perverse entre deux concepts le Réel et le Vivant en attestant que l’objet été réel, elle induit subrepticement croire qu’il est vivant, cause de ce leurre qui nous fait attribuer au Réel une valeur absolument supérieure, comme éternelle; mais en déportant ce réel vers le passé ("ça a été"), elle suggère qu’il est déjà mort." Roland Barthes La chambre claire
"Cette vulnérabilité [face à la photo] est inhérente à la passivité caractéristique de quelqu'un qui est doublement spectateur car il assiste à des événements qui ont déjà reçu leur forme d'abord des participants, et ensuite de celui qui a fait l'image". Susan Sontag Sur la photographie
Lorsqu'on commence à écrire un texte, sur quelque sujet que ce soit, on part d'une page blanche, tout comme lorsqu'on commence un dessin ou une peinture. Personne n'a pré-écrit sur ma feuille ou ne m'a imposé des mots à utiliser dans le texte et personne n'a non plus pré-dessiné sur la toile blanche. Avec la photographie, nous sommes face au sujet que nous souhaitons prendre en photo qui s'impose beaucoup plus à nous que lorsque nous souhaitons en parler ou le peindre. On ne peut pas totalement le construire ou l'imaginer, il est et ne peut pas être occulté dans le processus de création. Prenons l'exemple d'une maison. Le dessin, la peinture ou le texte laissent libre cours à l'imagination pour s'inspirer de ses connaissances ou de ses fantasmes pour créer une maison. En photographie, au mieux, on peut sélectionner une maison, en choisir un angle de vue, un cadrage, mais cette maison est là et elle participera à ces choix. Le sujet de la photo a donc le pouvoir de s'imposer dans le processus créatif, voire d'imposer le processus créatif. Puisqu'il y a modification du processus créatif, il y a forcément modification de l'œuvre et donc de sa réception et image et texte n'ont encore une fois pas le même pouvoir. Dans la photo, le spectateur est doublement passif ; il subit le sujet dans ce qu'il impose et les choix que lui impose le photographe.
- " La Photographie ne dit pas (forcément) ce qui n’est plus, mais seulement et coup sûr, ce qui a été. Cette subtilité est décisive. Devant une photo, la conscience ne prend pas nécessairement la voie nostalgique du souvenir (combien de photographies sont hors du temps individuel), mais pour toute photo existant au monde, la voie de la certitude l’essence de la Photographie est de ratifier ce qu’elle représente. J’ai reçu un jour d’un photographe une photo de moi dont il m’était impossible, malgré mes efforts, de me rappeler où elle avait été prise j’inspectais la cravate, le pull-over pour retrouver dans quelle circonstance je les avais portés; peine perdue. Et cependant, parce que c’était une photographie, je ne pouvais nier que j’avais été là (même si je ne savais pas où)." Roland Barthes La chambre claire
Je parlais de "fenêtre ouverte sur le monde" pour justement souligner qu'une image a toujours l'air plus vraie, plus réaliste qu'un texte. Après tout si quelqu'un a pris cette photo à ce moment précis, c'est bien que cette situation a existé. La vérité nous "saute aux yeux".
Les gens qui ont mis en cause la réalité de cette photo ne nient pas que cette photo a été prise, ils ne nient pas l'existence de l'objet que constitue cette photo. Ils ne nient même pas non plus qu'un enfant soit éventuellement mort quelque part parce que la photo s'impose à eux malgré tout ; tout au plus peuvent-ils dire que l'enfant n'est pas syrien, ou qu'on a modifié sa position, ou que son père l'a tué mais la photo en elle même en tant que témoin de la mort d'un enfant n'est, elle, pas remise en cause. Si j'écris un texte sur la mort de cet enfant, on me demandera d'en fournir la preuve car mon témoignage ne suffira pas à attester qu'un enfant est bien mort dans les conditions que je décris.
"Les photographies sont des pièces à conviction. Ce dont nous entendons parler mais dont nous doutons nous paraît certain une fois qu'on nous en a montré une photographie." Susan Sontag De la photographie
Une photo, à elle seule, est elle apte à retranscrire une actualité ?
Lorsque je réfléchissais au pouvoir émotionnel de la photo d'Aylan Kurdi, je me suis prise à noter le nombre de photos retranscrivant un fait d'actualité marquant dont je pouvais me souvenir. Sans réfléchir, j'étais capable d'en citer une bonne dizaine alors que je me révélais incapable de citer le titre d'un seul article qui m'aurait marquée. Et pourtant lorsque je me souvenais précisément de chacune de ces photos, je me rendais compte qu'elles semblaient bien "pauvres". Sans aucun doute, elles touchaient aux émotions mais que nous disaient-elles ? Que nous apprenaient-elles sur le fait historique qu'elles évoquaient ?
En 2013, John Stanmeyer a remporté le World Press Photo pour la photo suivante.
Sans légende, si vous n'avez jamais entendu parler de cette photo, il va vous être bien difficile de comprendre de quoi elle parle. Sont-ce des gens en train de prendre en photo une éclipse de lune ou de soleil ? Cherchent-ils du réseau ? Est-ce une publicité pour des téléphones portables ?
Une photo d'actualité ne peut être comprise sans un texte la légendant. Un article de libé nous en dit un peu plus : "un cliché représentant des migrants africains brandissant en l’air leurs téléphones portables, en pleine nuit sur la plage de Djibouti, dans l’espoir de capter un signal de la Somalie voisine". Mais qui sont-ils ? D'où viennent-ils ? Pourquoi ont-ils migré ? Pourquoi se retrouvent-ils à Djibouti ? Cette photo ne peut pas nous dire tout cela ; sans légende, on peut tout aussi bien croire que la photo représente une bande de copains cadres sup américains qui brandissent leur iphone pour faire un selfie. Avec la légende on en sait davantage mais guère plus ; mis à part nous saisir (ou pas) aux tripes, qu'est-ce-que cette photo nous dit ? Si dans 1500 ans un chercheur en histoire tombe sur cette photographie perdue dans un fonds d'archive qui a été mal classé qu'arrivera-t-il à en conclure ? Qu'est ce que cela lui dira sur la situation des migrant-es de 2013 ? Cette photographie
est belle, par ses couleurs, sa composition etc. Pour autant, la réalité qu'elle représente est en totale contradiction avec cette esthétique. Mais c'est la seule réalité qu'on nous présente ; on ne nous montre des migrant-es que cette belle photo qui peut nous faire oublier la réalité de leur vie. Ce n'est pas que la photo mente c'est qu'elle montre un instant de réalité qui peut parfois occulter la réalité qu'elle illustre. Un article parlant des migrant-es ne pourrait se contenter de nous dire qu'ils tentent d'appeler leur famille ; on nous expliquerait sans doute pourquoi ils ont du partir, pourquoi leur famille n'a pas pu les suivre, leur lieu de départ et leur destination etc. L'article pourrait dire seul ce que ne peut faire l'image. Or en étant primée dans un concours, elle finit par devenir une information à elle seule et quitter son rôle de simple illustration.
Voici la photographie prise par James Nachtwey qui a eu le World Press Photo en 1994. Sans le contexte du génocide rwandais, cette photo ne nous dit rien ; elle nous montre un homme noir mutilé ; il pourrait bien être français, somalien ou brésilien. Si nous nous renseignons un peu, on apprend "Homme hutu mutilé par les Interahamwe, milice hutu qui le soupçonnait de sympathiser avec les rebelles tutsis." Cette information nous en dit davantage mais guère plus. Qui plus est pour illustrer le génocide rwandais, pourquoi choisir une photo d'un hutu ? Pourquoi choisir la photo d'un homme vivant alors que le génocide a fait 800 000 morts ? Encore une fois que dira cette photo à un historien dans 1000 ans ? Qu'apprend-elle à quelqu'un ne connaissant rien du génocide rwandais et qui souhaite se renseigner sur le sujet ? Au delà du choc provoqué par la gravité des cicatrices, que nous apprend-elle si c'est là son but ? Peut-elle exister seule, sans être légendée et sans accompagner un article expliquant le génocide ? Un texte qui parlerait du génocide rwandais et des blessures qu'a subi cet homme serait obligé de contextualiser ces cicatrices et de nous expliquer pourquoi et dans quel contexte elles ont eu lieu.
Sans complètement partager la position de Lanzmann, je considère que les photos illustrant l'actualité ou l'histoire, lorsqu'elles sont seules, sont des sources d'information pauvres. Elles en disent davantage sur les sociétés qui les sanctifient, qui en font des supports masturbatoires à leurs angoisses de mort, que sur l’événement qu'elles prétendent représenter ? Elles ne sont pas informatives, elles jouent sur nos émotions - qui ne produisent en général pas grand chose de bon hormis des indignations de façade - et ne présentent qu'un intérêt très limité.
Observons une autre photo qui est celle qui a eu le prix en 2014 et qui montre deux hommes homosexuels en Russie. Encore une fois, sans la légende, il parait difficile de savoir que ces hommes sont homosexuels et russes. Il est encore plus difficile de comprendre alors même qu'on montre un moment d'apaisement et d'intimité la répression que subissent les homosexuel-les en Russie.
Ces deux photos - Rwanda, Russie - sont non seulement incapables, seules, de rendre compte d'une situation, ne serait-ce que d'un fragment d'une situation mais elles tendent qui plus est à minorer la situation qu'elles prétendent évoquer ; le génocide rwandais ne se définit pas par les blessures d'un hutu pas plus que la situation des homosexuels en Russie par la vision d'un couple apaisé.
Je ne doute pas un seul instant des bonnes intentions des photographes ; je remets en cause en revanche la sanctification de la photo comme un matériel indispensable et pouvant exister seul comme témoin de l'actualité. la photographie ne peut être qu'un instantané, un témoin furtif mais en aucun cas décrire une actualité.
Dans ce contexte que nous dit la photo d'Aylan Kurdi et est-elle apte, seule, comme elle nous a été présenté en une de beaucoup de journaux, à témoigner d'une actualité ?
Il y a de nombreux morts parmi celles et ceux qui migrent. Ce sont, très souvent des morts sans cadavres, puisqu'ils disparaissent tout simplement ou meurent - en mer par exemple - sans qu'on retrouve leur cadavre. L'histoire des migrations est en ce début du 21eme siècle une histoire de morts sans cadavres, de morts en mer, de morts dans les déserts libyens ou mauritaniens. Il est donc pour le moins paradoxal que l'image qui frappe l'opinion publique soit justement celle qui montre un cadavre.
L'essentiel des migrants arrivant en Europe sont des hommes. (soit-dit en passant il me semble dangereux de débattre là où Marine Le Pen souhaite qu'on le fasse parce que le fait est qu'il y a bien une majorité d'hommes qui migrent - 66% - le débat, me semble-t-il, devrait surtout expliquer qu'il n'y a aucun problème, ni danger à ce que des hommes adultes migrent en masse). Encore une fois, cette photographie ne nous décrit pas la réalité de la migration ; elle nous en transmet un côté acceptable pour la plupart d'entre nous, tolérable. Nous fermions les yeux devant les hommes morts mais moins devant les tout petits garçons.
Cette photographie ne rend donc pas compte de la réalité des migrations en 2015 ; mais d'un très bref instant et du terrible destin d'un individu parmi des centaines de milliers.
Mais alors pourquoi cette photo-là a autant marqué l'opinion ? Il est évidemment compliqué de faire de la psychologie sociale d'autant plus si peu de temps après la diffusion de cette photo.
La philosophe Marie-José Mondzain évoquait que le spectacle de la mort d'un enfant est depuis le massacre des innocents une "figure séculaire voire millénaire de la douleur intolérable". Il n'y a en effet aucune raison rationnelle de trouver plus horrible qu'un enfant meure qu'un adulte ; c'est une pure construction sociale qui n'a rien d'universel. D'autres civilisations pourraient trouver qu'il est bien plu terrible que ce soit, par exemple, un homme dans la force de l'âge.
L'enfant a le visage dans le sable - au contraire de son frère - ce qui permet de s'identifier à lui simplement et rapidement pour tout occidental. La plage alentours est un lieu anonyme, le cadrage ne nous laisse aucun élément permettant de la localiser ; ce qui laisse à tout un chacun la possibilité d'en faire un lieu familier. Elle peut être ainsi la plage de nos dernières vacances ou à côté de chez nous.
La crainte de la noyade est une menace plausible pour beaucoup de parents. Autant peu de gens auront peur que leur enfant soit crucifié ou décapité (certains évoquaient qu'on n'a pas autant réagi devant les photographies enfants massacrés par Bachar El assad ou l'Etat islamique), autant la menace de la noyade existe d'autant qu'on a soigneusement alimenté leurs angoisses à coups de faits-divers et de matériels aussi coûteux qu'indispensables à acheter. L'enfant mort devient donc pour beaucoup de gens "notre enfant mort" ce qui permet une empathie beaucoup plus forte.
Beaucoup ont remarqué que les cadavres racialisés (c'est à dire les cadavres de noirs, arabes...) sont beaucoup plus photographiés que les cadavres de blancs. Il y aurait moins de respect pour ces cadavres là considérant qu'ils sont avant tout un bon matériel photographique. On observera par exemple qu'il n'y a pas eu, dans les medias, de diffusion massive des cadavres du 11 septembre ou de ceux de Charlie Hebdo. L'un des rares journaux (anglais) à avoir diffusé la photo d'une des victimes a publié la photo de l'homme en train d'être tué et pas de son cadavre. Il a subi l'opprobre générale alors qu'ici ce sont justement ceux qui n'ont pas diffusé la photo qui ont du se justifier. Le cadavre racisé est un bon support pour nos émotions blanches, notre scopophilie, un bon objet de tristesse mais est rarement vu comme un sujet, parlant et pensant. Il n'est pas étonnant que nos émotions s'arrêtent sur le cadavre d'un enfant, par définition incapable de parler, et que nous objétisons puisque nous n'avons aucune envie d'écouter ce que les migrant-s ont à dire.
Mais si la photo d'Aylan Kurdi a autant touché en Europe c'est à mon sens car son cadavre a subi un processus de déracialisation qui est justement possible car son visage n'est pas visible. Qu'est ce que j'appelle "déracialisation" ? Imaginons un recruteur qui passe une petite annonce pour un emploi ; il ne veut d'aucun noir dans son entreprise, il a donc écarté tous les profils où la photo montre le visage d'un homme noir. Il reçoit la candidature d'un Sébastien Lafont qui lui semble bien convenir pour le poste ; il le convoque et là, l'homme est noir (il trouvera une excuse lambda pour refuser de l'employer). Le candidat n'est pas devenu noir au moment où le recruteur le recevait ; il l'était avant et le serait après. mais aux yeux de cet homme, il a un moment été blanc puis a ensuite été racialisé. Pour le recruteur, avant qu'il le rencontre, cet homme n'est pas racialisé ; il subit donc un processus de racialisation ( il en a evidemment subi d'autres dans sa vie). C'est à mon sens ce qu'il s'est passé pour Aylan Kurdi, à l'inverse, et explique pour partie l'engouement pour cette photo chez les occidentaux ; l'enfant n'est pas identifiable, il est habillé "comme un occidental" ; on le déracialise en en faisant un de nos enfants ce qui aurait été impossible avec un enfant noir par exemple. Cette déracialisation permet une très forte empathie qui n'existe pas pour d'autres cadavres, plus racialisés et encore moins pour les migrant-es vivants.
Les photographies d'actualité marquent notre époque et nos esprits ; elles étaient normalement destinées à illustrer un article et n'étaient pas censées fournir l'alpha et l'oméga de l'actualité encore moins lorsqu'elles sont très parcellaires sur ce qu'elles prétendent raconter ou sujettes à toutes les interprétations. La place qu'elles prennent est inquiétante dans la mesure où elles satisfont en apparence le besoin de scoop sans pour autant apporter des informations pertinentes, complètes. Elles surfent sur la vague d'émotions et nos pulsions scopiques. Qui plus est, les images d'actualité, tendent à devenir, comme le titre ou le chapô, des slogans publicitaires destinés à attirer le lecteur. Elles sont donc toujours de plus en plus esthétiques, stéréotypées ; elles correspondent à nos fantasmes idéalisés à ce qu'on a envie de voir. Elles sont loin de la réalité beaucoup plus complexe, qu'elles tendent très malheureusement à occulter.
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Beaucoup ont tendance à voir les féministes comme un groupe monolithique, dont les membres seraient interchangeables. Le féminisme est, plus que jamais, riche de personnalités très diverses.
J'ai donc décidé d'interviewer des femmes féministes ; j'en connais certaines, beaucoup me sont inconnues. Je suis parfois d'accord avec elles, parfois non. Mon féminisme ressemble parfois au leur, parfois non.
Toutes sont féministes et toutes connaissent des parcours féministes très différents. Ces interviews sont simplement là pour montrer la richesse et la variété des féminismes.
Interview de Célina.
Bonjour Célina, peux- tu te présenter ?
J'ai 37 (bientôt 38) ans, je suis entrepreneuse, j'ai monté ma boite, ya un peu plus de 4 ans, ça marche pas trop mal, c'est cool Sachan tque je pens equ ej n'ai jamais été adaptée pour le salariat mais que passer le cap d'assumer l'entreprenariat a été tendu.. Je suis spécialisée dans le conseil en marketing. Je suis une femme cisgenre (donc pas transgenre/transexuelle, pour celleux qui connaissent pas le mot cisgenre), mi blanche mi basanée (mon père est mexicain et on me prend parfois pour une tunisienne ou marocaine, donc j'ai déjà subi différentes formes de racisme), valide, plutôt mince. Ouais c'est bien de préciser car on ne nomme jamais la norme. On parle d'homo, de transsexuels, d'handicapés, de gros, de noirs. Et du coup à force de pas nommer cette "normalité", on ne se rend pas compte que quand on est dedans il y a pleins de trucs désagréables qu'on ne vit pas. Le fait de nommer rappelle qu'on est avantagé sur pas mal de plans.
Depuis quand es-tu féministe ?
Bon déjà ma mère se revendiquait comme telle (bien que dans la famille, les rapports entre hommes et femmes n'aient pas été sur tous les plans des plus égalitaires ou pacifiques). En tout cas, c'est elle qui m'a fait connaître Simone de Beauvoir par exemple, mais j'avoue qu'à l'âge de 18/19 ans, le deuxième sexe me semblait complètement pas en phase avec ce que je vivais. Je suis devenue féministe progressivement, en réagissant aux marques de sexisme que je vivais tous les jours. Quand je faisais du son et que je trainais dans des studios de rap / hip-hop, on me disait souvent "on dirait un mec" (ouais parce j'étais + concentrée sur le son que sur ma coiffure ou mes fringues). Quand je disais à l'extérieur 'je fais du son' on me rétorquait toujours "ha ouais, tu chantes ?" (oui parce que bon bidouiller Pro Tools ou une MPC c'était pas trop un truc de nana). J'ai commencé à écrire des textes de chansons début 2002, et un des premiers textes disait en substance "si j'étais un mec ce serait mieux", je me disais vraiment à l'époque que j'aurais préféré être un mec pour que "tout soit plus simple". J'ai été violée à cette même époque et je me disais "si j'avais été un mec ça me serait pas arrivé". Et c'est durant cette période que j'ai rencontré une féministe, une nana plus âgée que moi, qui m'a ouverte au féminisme avec un grand F. Pendant quelques années je me suis forgé une première pensée féministe, je me souviens avoir échangé quelques mails avec Isabelle Alonso (on est vers 2002) j'étais super admirative et elle avait eu des mots de soutien qui m'ont fait beaucoup de bien. Par la suite, durant mes expériences pro j'ai eu droit à des choses du genre "tu n'es passez maternelle avec ton équipe", ou des "ha ouais tu es pas facile en négo" et je notais que certains hommes avec strictement les mêmes comportements, n'étaient pas jugés de la même manière. Je trouvais ça injuste. J'ai eu beaucoup de partenaires sexuels durant ma vingtaine, j'avais aucune envie de me caser, je me suis souvent fait traiter de salope, de fille légère, de nana qui ne trouverait jamais de mec, qui devait faire attention à son image, ce genre de choses, et parfois de la bouche de gens censés être des "potes", disant cela "avec beaucoup de bienveillance hein, c'est pour toi que je dis ça tu sais Célina". Et là pareil, je me disais "mais putain si j'étais un mec, on me dirait pas toutes ces choses là, pourquoi on me les dit à moi ?". Durant toute ces années, mon féminisme était pas formalisé, mais il était là, de manière très instinctive, viscérale, je réagissais à ce que je considérais comme des "injustices" par la colère, l'insulte, le sarcasme voire le dédain. Mais le moment où j'ai assumé de dire "oui je suis féministe et alors YAKOI ?" est arrivé plus tard, vers 2009/2010 je dirais. C'est ce moment où on sent que ça donne des ailes (comme Redbull mais en mieux) et non que ça enferme ou que ce serait un boulet (comme les autres le voudraient). Puis il y a eu les réseaux sociaux, où j'ai considérablement augmenté ma culture et mes connaissances. Ce qui était instinctif est devenu rationalisé, théorisé, intellectualisé. J'ai découvert une diversité de féministes, dont je ne soupçonnais pas l'existence. Et j'ai vécu ça comme une véritable émulation intellectuelle. C'est dingue ces gens qui voudraient qu'on pense toutes pareil, ce sont les mêmes qui défendent le débat, la pluralité des points de vue en démocratie, ou ce sont d'autres ? ^^ Le féminisme a, selon moi, comme ressort, l'étonnement philosophique et c'est avant toute chose ce qui fait que je suis féministe : cette capacité, devant la "normalité", de se demander "pourquoi ?" quand tout le monde te dira "c'est la vie, c'est comme ça". Cette capacité d'interroger des certitudes, de remettre en question. Et je pense que c'est au fondement même de sociétés cherchant à se pacifier de plus en plus, cette capacité là.
Tu as fondé Girlz in web ? Quel était ton but en créant cette association ? En quoi consiste-t-elle ?
Oui, fin 2009, avec une amie (Lucile Reynard), on a créé un réseau professionnel destiné à améliorer la visibilité et la promotion des femmes dans les métiers numériques. Devant le constat que, bien que nos métiers soient pas mal féminisés, dès qu'il y a un événement où ça va se mettre un peu en avant devant un par terre de gens du métier, il n'y a pour ainsi dire que des mecs. A ce moment là on a surtout envie de transformer ce constat en action concrète. On était pas mal branchées empowerement (et un peu lobbying). Ce qu'on voulait c'était faire en sorte que les nanas chopent des réflexes qui deviendraient des habitudes (réflexes que les mecs avaient plus "naturellement") comme réseauter à fond, se coopter, parler en public, se sentir légitime, experte, ne pas se sous estimer par défaut. Ce genre de petites choses qui, mises bout à bout, faisaient que être une expertE devenait super banal, et qu'on en verrait partout, au même titre qu'on voit des mecs partout. C'est vite devenu un super réseau professionnel d'empowermement, défendant l'ambition féminine et la mixité. On a organisé pas mal de trucs et rassemblé énormément de femmes méchamment motivées Je pense pouvoir dire qu'on a pété nos plafonds de verre (enfin une immense partie) par cet effet collectif. La non mixité, de fait, pendant les réunions du bureau de l'asso ou du conseil d'administration, a permis de partager des expériences qu'on aurait peut être moins facilement partagé dans un environnement mixte ou masculin, et cela donne une force incomparable. We can do it, comme dit la fameuse image. Depuis, pas mal de nanas qui étaient salariées au moment du démarrage sont aujourd'hui entrepreneuses. Et elles pensent que c'est en grande partie grace a cette asso. Ce que je dis ici est ma parole personnelle. Je me suis désengagée par manque de dispo et d'énergie à un moment, et depuis pas mal de temps c'est Marine Aubin et Marie Amélie Frere qui gèrent, ce sont des nanas qui en ont sous le capot, et ça fait plaisir.
Tu as employé le mot "empowerment" ; peux tu expliquer ce qu'il signifie ?
Je ne connais pas l'équivalent français mais ce serait proche de "autonomisation", mais le terme va plus loin que ça. C'est en gros prendre le pouvoir, pas des autres ou du monde, mais de soi. S'affirmer avec un grand A. Et donc d'un point de vue militant cela voudrait dire miser sur des actions ou les personnes concernées s'affirment, par elles mêmes, et s'affranchissent de ce qui les enferme, par elles mêmes. Un truc comme ça je dirais.
Pourquoi penses tu que les femmes ont moins les reflexes de réseautage que les hommes ? A quoi est- ce dû ?
Parce que les femmes sont plus sujettes au syndrome de l'imposture que les hommes. Je l'ai vu durant mes 12 années d'expérience pro. Et je l'ai vécu évidemment. On (je dis "on" exprès car cela m'arrive encore et que je sais que c'est partagé par pas mal de femmes) va avoir plus facilement tendance à dire des choses du genre "nan mais je suis pas légitime sur ce sujet" / "nan mais j'ai pas bcp d'expérience dans tel domaine" etc. Le geste de donner une carte de visite, par exemple, s'accompagne souvent de "si vous avez besoin de tel conseil / service contactez-moi, j'ai ce qu'il vous faut". Cela signifie s'être affranchie de ce syndrome et se positionner comme la bonne personne compétente. Et on a toujours 20000 raisons de ne pas être à la hauteur / assez compétente / assez expérimentée etc. De manière générale, pour les salariées comme les indépendantes, savoir se mettre en avant, avoir un profil pro à jour sur le web, aller dans des événements pro, c'est important. Se créer un réseau et être "dans la place" en gros. Alors à quoi ce gap hommes/femmes est du ? On vient d'une culture ou l'ambition ne s'est pas accordée au féminin pendant des siècles. Où les femmes étaient validées par les hommes, elles n'avaient pas trop de valeur intrinsèque en dehors de leur rapport aux hommes : épouse / pute / mère / fille. Donc jamais en tant qu'individus autonomes. Il fallait l'accord du mari pour ceci ou cela, on avait une valeur sociale quand on était mariée à un homme, quand on était mère, "derrière un grand homme il y a une femme", sous entendu la place de la meuf c'est derrière l'homme, dans les coulisses. Actrice mais pas de sa propre vie, actrice en coulisses quoi. Du coup se mettre en avant c'est sortir des coulisses. Ca veut dire que même si on a l'égalité dans les droits aujourd'hui, dans pas mal de réflexes c'est pas encore ça. On a vachement avancé, mais il reste du chemin.
En quoi la non mixité dans vos réunions était nécessaire ?
Elle l'était de fait, mais pas spécialement décidée. A partir du moment où on montait un réseau pour promouvoir les femmes dans le numérique, bah on était assez naturellement que des femmes autour de la table. Ca n'a jamais été posé comme une obligation, mais je me rappelle de discussions autour de la question de la présidence de l'asso : pouvait-elle être assurée par un homme ou pas ? J'ai toujours pensé que non. Certaines nanas dans l'asso n'étaient pas d'accord avec moi. Je devais aussi accepter que les nanas ne partageaient pas toutes ma vision du féminisme, d'ailleurs beaucoup ne se disaient pas féministes en fait. Ca reste un mot encore assez connoté "casse couilles" / meuf énervée. Je comprends que des nanas puissent ne pas s'y retrouver. Moi je trouvais impensable et dommageable qu'on puisse envisager qu'un homme soit président de GIW. Car on avait créé ce réseau précisément parce que les femmes manquaient de visibilité (par rapport aux hommes) et confier les rênes à un mec revenait à donner de la visibilité à un homme sur le manque de visibilité des femmes, pour moi c'était totalement incompatible.
Pour revenir à la non mixité, elle avait été posée de fait dans certaines situations : toutes celles qui touchaient au cœur de la mission de GIW. Les intervenantes des ateliers pro, par exemple, bah de fait si on voulait valoriser les femmes et leur expertise, cela ne pouvait être que des ateliers menés par des femmes. Les intervenantes dans nos événements étaient au départ que des femmes, puis on est allées vers de la mixité : on assurait des panels systématiquement 50/50. C'était une bonne idée mais pour le coup je trouvais qu'on jouait les bonnes élèves quand dans le même temps les autres événements pro ne faisaient pas le job de la mixité. Il y a eu aussi un sujet compliqué quand on a voulu créer le "guide des expertEs du numérique". Certaines nanas nous ont dit que c'était nul de faire un annuaire avec uniquement des nanas, que ça cultivait l'idée que les nanas avaient des caractéristiques spécifiques. Sauf que c'était oublier le contexte du projet, voire le nier carrément, et faire abstraction de l'objectif. Le contexte : beaucoup d'événements pro ont trop peu voire pas du tout d'intervenants qui sont des femmes. Les organisateurs, quand on les interpelle, répondent souvent 1/ mais on sait pas où les trouver et 2/ mais notre appel à intervenants était ouvert à tous ! Donc on devait :
1/ créer un annuaire qui réponde à "on sait pas où les trouver", réponse -> bah dans ce guide
2/ motiver les nanas a parler sur scène pour répondre aux appels à contributions (et ça c'est souvent le plus dur)
Tu travailles dans le conseil en marketing ; en profites- tu pour distiller des idées féministes ou est- ce impossible pour l'instant ?
Oui carrément ! Quand je sens que c'est possible. Et j'essaie toujours de trouver des arguments business et marketing, car il y a toujours une possibilité d'argumenter par le prisme du business. Avec certains clients plus ouverts, plus au fait du sujet, j'en parle plus librement, et ça passe. C'est comme ça que par micro touches on met des (e) plutôt qu'utiliser le masculin neutre. En général je le fais de manière cool mais j'ai le souvenir de m'être emportée quelques fois en réunion business très ouvertement, sachant que je risquais de perdre la mission, et au fond de moi honnêtement j'y étais prête, sur le moment le fait de ne pas laisser passer certains trucs me semblait plus important que les tunes que je pouvais gagner. Ces situations sont rares, mais elles peuvent arriver surtout dès lors qu'on échange avec des agences de publicité, qui malgré leur côté "cool" sont extrêmement conservatrices sur les questions de genre, et évidemment elles te diront l'inverse
Que penses-tu des multiples pubs très sexistes qu'on voit surgir très souvent ? Faut-il y réagir ?
Excellente question. J'ai tendance à réagir systématiquement. Et je maintiens que c'est la meilleure posture : réagir. Ne rien dire serait, à mon sens, pire. Mais je sais aussi que cela fait partie de la mécanique publicitaire. Les publicitaires et les marques sont attachés à ce qu'on appelle "le reach" (en gros la visibilité d'un message, pour faire simple) et ils ont quelques gimmicks célèbres qui synthétisent leur cynisme culturel "il n'existe pas de mauvaise publicité" ou "peu importe qu'on dise du bien ou du mal de moi, tant qu'on parle de moi". Du coup le bad buzz est devenu (ou a toujours été) une mécanique efficace pour booster le fameux "reach" (la visibilité). C'est une solution de facilité, très médiocre, à mon sens. Mais évidemment à chaque fois, si on les défonce, c'est un peu eux qui gagnent. Quoique pour beaucoup, en réalité elles sont assez soucieuses de leur image et en coulisses ce qu'on voit moins c'est que souvent ça leur fait moyen plaisir. Les marques ont ce double impératif subtile à manier : être le plus visible possible, être aimées du plus grand nombre. Donc trop de provoc inutile ou trop de bad buzz peut nuire à l'image de la marque sur le moyen terme, elles le savent. En tout cas, moi j'ai opté pour une manière de réagir : par le sarcasme et le détournement. Quand ils utilisent des hashtags pour relayer leurs opérations (ce qui, sur internet, est très souvent le cas), par exemple, le truc est de détourner ces hashtags. Officiellement -> pour pourrir un peu leurs reportings. D'autres fois je recommande de "payer des coups à des piliers de comptoirs de PMU - (pardon pour le côté mépris de classe) - car ils sont capables de sortir les mêmes merdes, cela coûterait bien moins chers que les créatifs pour le même résultat". Car il est question de ça : quelqu'un dont c'est le métier d'être créatif, de quelle créativité fait-il preuve quand il sert des stéréotypes déjà très (trop) largement partagés et dignes des brèves de comptoir ? Je pense que la publicité privilégie les stéréotypes aux archétypes, mais ça, c'est une autre histoire
Pourquoi penses-tu que la pub est un milieu très conservateur au niveau des représentations genrées ? A quoi est-ce du selon toi ?
Il ne l'est pas dans les apparences et évidemment comme beaucoup de milieux professionnels, le métier s'est largement féminisé, mais on note comme ailleurs que plus on est haut dans la hiérarchie et moins il y a de femmes. On note même que quand elles sont très haut dans la hiérarchie, il arrive souvent qu'elles soient moins bien payées que leur prédécesseur masculin. Faut faire gaffe, car ce faisant, choisir des femmes pour des hauts postes peut être officieusement une manière de satisfaire des actionnaires sur la gestion des coûts, sous couvert d'un discours public orienté mixité. Bref. Et surtout, il faut comprendre qu'un des métier les plus valorisé est celui de CREA (créatif / directeur de création etc) et là, on est carrément en extrême sous représentation : moins de 10% des directeurs de création dans le monde seraient des femmes. Il existe même une asso de femmes publicitaires aux Etats Unis qui s'appelle "the 3% movement", qui tient son nom du fait que moins de 3% des Directeurs de création sont des femmes (je sais pas si ce pourcentage correspond aux USA uniquement ou au monde entier en revanche).
Alors pourquoi ? Bah ma théorie est que la base du travail d'un publicitaire est de connaitre les modes de pensées ou habitudes d'une population à un moment donné T pour lui adresser un message qui va correspondre à ces modes de pensées ou habitudes (hashtag je vous ai compris). Et comme il faut s'adresser à la masse, on va vite sur le plus petit dénominateur commun... Donc en général c'est plus payant d'être conservateur que d'impulser des évolutions culturelles Il y a évidemment des exceptions qui confirment la règle, mais elles ne sont pas la norme. Banksy avait assez bien théorisé le souci en expliquant que le monde de l'art s'appauvrissait de talents car ceux-ci étaient happés par le monde de la pub. De fait, les deux univers sont proches, on utilise les compétences, savoir faire et langages des univers artistiques et créatifs, et c'est une manière de se rendre attractif pour des personnes qui auraient pu prétendre à une carrière d'artistes (c'est d'ailleurs pourquoi le métier de créa est quasiment le plus valorisé d'ailleurs), mais en réalité les desseins sont opposés la majorité du temps. Mais qui dit super valorisation d'une production de type créative dit concours de bite et qui dit concours de bite dit "attractif pour les hommes". De plus c'est un métier qui nécessite un grand sens de la synthèse : le format star est encore la pub TV de 30 secondes, donc raconter des choses en peu de mots, peu de temps, nécessite souvent d'utiliser des raccourcis. On peut difficilement se faire chier avec trop de nuances ou de subtilités.
As-tu des combats prioritaires dans le féminisme ? Quels sont-ils ?
Alors là... j'en sais rien... J'ai appris avec le temps et notamment en me prenant des tacles sur twitter, à ne pas prioriser. Et j'ai fini par comprendre que mon regard comportait le biais de ma propre expérience. Depuis je fais gaffe à relayer toutes les voix possibles, surtout celles les moins visibles et pas considérer certains sujets comme prioritaires sur d'autres. Après, globalement j'ai des affinités, forcément de par mon parcours, donc tout ce qui est business / monde professionnel, ça va me botter pas mal. Tout ce qui est analyse de discours aussi, vachement. Le langage, l'humour; tout ce qui est a priori "léger" et sans incidence. J'ai tendance à penser que ces détails "anodins" sont, par petits bouts éparpillés, des traces dispersées, édulcorées, d'oppressions réelles et parfois très violentes. Je ne pense pas qu'il faille penser que le langage est en soi l'outil d'oppression, je pense simplement qu'il en est un vecteur, comme l'humour. Et que à ce titre ils doivent absolument, impérativement, être analysés, décortiqués, sérieusement, pas pris "à la légère". Je prends l'exemple de l'humour : par exemple les blagues sur les noirs et leur gros sexe. Sait-on que cette blague en apparence anodine puise ses racines dans l'esclavage des occidentaux ? C'est à dire une époque où les noirs ont été animalisés (de fait on les prenait pour des animaux, des sous hommes etc.). Quand quelqu'un fait cette blague, il est presque impératif à mon sens d'éclairer la personne sur l'origine de cette blague. Non pas pour le censurer (on les connaît les réponses "ohaaa ça va, on peut plus rien dire !") mais juste pour qu'il ne puisse plus dire qu'il ne savait pas. Certaines blagues qui nous paraissaient "anodines" il y a 20 ans ne passeraient plus aujourd'hui : la vraie question est "tant mieux ou pas" ?". Il y a un vrai sujet, je trouve, sur la question de l'émetteur, de l'intention, des effets, de cet humour. L'humour est un marqueur social, marqueur d'une époque. Il n'est pas du tout "juste anodin" et s'il y a bien un sujet qui me botte plus que le reste c'est ça : l'analyse de discours et de l'humour en particulier. Car je n'ai pas encore toutes les réponses....
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Beaucoup ont tendance à voir les féministes comme un groupe monolithique, dont les membres seraient interchangeables. Le féminisme est, plus que jamais, riche de personnalités très diverses.
J'ai donc décidé d'interviewer des femmes féministes ; j'en connais certaines, beaucoup me sont inconnues. Je suis parfois d'accord avec elles, parfois non. Mon féminisme ressemble parfois au leur, parfois non.
Toutes sont féministes et toutes connaissent des parcours féministes très différents. Ces interviews sont simplement là pour montrer la richesse et la variété des féminismes.
Interview de Achaela.
Bonjour Achaela peux tu te présenter ?
Je suis étudiante, je suis une femme cis, blanche, et bisexuelle. J'écris sur un blog partagé Le bosquet des gens gentils, un blog culturel avec une écriture inclusive dont le twitter est @wearepeupliers.
Depuis quand es tu féministe ; y-a-t-il eu un déclic particulier ou est ce venu progressivement ?
J'ai été élevée par une famille assez progressive sur la question, avec beaucoup de femmes avec de forts caractères et qui ont dû se débrouiller seules, au moins du côté maternel. Ma mère ne se définit pas comme féministe mais elle accorde beaucoup d'importance à des choses comme le droit à l'avortement.
Mais j'ai vraiment commencé à m'intéresser au féminisme pendant les débats sur le mariage pour tous. J'ai vu les Femens et, avec une amie, on a commencé à se poser des questions. Pour nous le féminisme c'était un peu un combat fini, en tous cas en France, donc voir ces femmes-là nous a questionné. On a lu leur manifeste "Femen", et ça a vraiment été le moment où j'ai commencé à me pencher vraiment sur le féminisme.
Ensuite on a fini par prendre de la distance par rapport à elles, parce qu'on les trouvait finalement assez peu efficaces, et problématiques parce que très "sauveuses blanches", à intervenir dans des pays dont elles ne savent rien. A partir de là, j'ai trouvé d'autres féministes qui me paraissaient moins critiquables, plutôt dans des courants dérivés du féminisme intersectionnel, ou proche des mouvements LGBTIQA.
Pourquoi penses tu que ta mère ne se définit pas comme féministe ?
Je pense que le mot lui fait peut-être un peu peur, ou qu'elle doit penser qu'on ne peut pas être féministe sans être très militante. En tous cas elle n'utilise pas le mot, mais maintenant, à chaque fois qu'elle fait quelque chose que, moi, j'appellerais militant (comme faire remarquer à ses collègues que critiquer telle femme pour ses activités sexuelles sans rien dire sur ses partenaires masculins n'est pas très logique, par exemple), elle m'envoie un message pour me dire "tu aurais été fière de moi". C'est comme si j'étais "la féministe de la famille", mais qu'elle ne considérait pas son action comme féministe.
Tu dis avoir pensé que le féminisme était un "combat fini" ; qu'est ce qui t'avait donné cette impression ?
Je pensais qu'en France, on avait un certain nombres d'acquis politiques, qu'on était tranquilles, que le droit à l'avortement par exemple était acquis pour de bon. Je voyais bien que toutes mes amies et moi-même avions des histoires de "dragues lourdes" dans la rue (en fait du harcèlement), j'entendais les remarques sexistes, mais pour moi c'était vraiment le fait d'une minorité, je ne voyais pas le côté systémique de tout ça.
Tu parles de "LGBTIQA". Peux tu expliquer de quoi il s'agit ?
C'est un acronyme qui rassemble les personnes lesbiennes, gay, bies, transgenres, intersexes, queer et asexuelles. Sachant que "queer" est au départ insultant en anglais, mais que les personnes qui étaient désignées comme queer (en gros, personnes non cisgenres et non hétérosexuelles) réutilisent de façon politique.
Comment as tu réalisé le coté systémique du sexisme ? Est- ce en discutant avec des féministes, en lisant ?
La réalisation s'est faite petit à petit. J'ai commencé à débattre sur des forums ou sur Facebook, et comme je n'avais pas les connaissances derrière, je cherchais pas mal d'articles pour appuyer mon propos. Au départ, donc, c'était un peu brouillon, j'argumentais plus à l'intuition, mais au fur et à mesure que je lisais pour ça, j'ai commencé à avoir une compréhension un peu plus globale. En même temps, pas mal de médias ou de blogueuses que je suivais avant ont commencé à avoir une ligne plus féministe, comme Madmoizelle, ou Diglee. Et ensuite c'est en rejoignant certains groupes Facebook féministes, en lisant les articles et témoignages qui y était partagés que j'ai vraiment réalisé que le féminisme était davantage qu'une lutte contre certains soucis, mais qu'il y avait vraiment une oppression systémique des femmes. Les discussions avec d'autres féministes ça s'est plutôt fait après.
Quand et comment as tu analysé que la "drague lourde" était en fait du harcèlement ?
Pour la "drague lourde", c'est encore grâce à internet. Avant on en parlait vite fait entre copines, mais il y a deux trois ans, les initiatives contre le harcèlement de rue ont commencé à fleurir sur internet, le terme s'est diffusé, on s'est rendues compte que ça arrivait vraiment à toutes les femmes, partout dans le monde et dans tous les milieux. Donc j'ai réalisé le problème en même temps que tout le monde, quand des assos ou des blogs du type Paye Ta Schnek ou le Projet Crocodile se sont diffusés.
Tu es étudiante : comment vis tu ton militantisme dans ce milieu ?
On étudie avec des gens qui pensent que le sexisme existe au-dehors, mais pas dans nos promotions, parce qu'on est "éduqué-es", on est égalitaires, etc. Alors que des problèmes, il y en a à la pelle en fait. Et si on les fait remarquer, le retour de bâton peut être assez violent. En grandes écoles, l'esprit de groupe est fort, et critiquer certaines assos ne se fait pas, y'a aussi des chants qui peuvent être sexistes ou homophobes, mais ça ne se dit pas. On passe pour une chieuse, pour une personne qui pinaille, c'est un sujet de moqueries et de petites vannes - comme toutes les militantes je pense, mais là c'est vraiment en vase clos.
Du coup, c'est souvent les mêmes personnes qui se retrouvent à prendre la parole lorsque quelqu'un fait une remarque ou une communication sexiste. Non pas parce que personne n'est d'accord, mais parce que les gens n'osent pas. On préfère passer là-dessus plutôt que de passer pour une chieuse.
Les problèmes, ça peut être dans l'enseignement d'abord : un manque de représentation de femmes philosophes, autrices... Ou alors des profs qui vont lâcher des remarques transphobes en critiquant le soit disant "politiquement correct".
Chez les élèves, c'est des clichés, des remarques, des insultes homophobes. C'est aussi des chants très virilistes chantés pendant les intégrations, dont certains parlent même de viols d'enfants. Et surtout, des assos qui font leur communication en utilisant des images de femmes nues, ou des jeux de mots qui tournent grosso modo autour des femmes et des endroits où on peut leur insérer un pénis. Il est aussi courant, dans les rivalités entre écoles, d'utiliser l'homosexualité comme une insulte.
Une ressource qu'apprécie Achaela et qu'elle souhaitait partager : le blog L'écho des Sorcières
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Beaucoup ont tendance à voir les féministes comme un groupe monolithique, dont les membres seraient interchangeables. Le féminisme est, plus que jamais, riche de personnalités très diverses.
J'ai donc décidé d'interviewer des femmes féministes ; j'en connais certaines, beaucoup me sont inconnues. Je suis parfois d'accord avec elles, parfois non. Mon féminisme ressemble parfois au leur, parfois non.
Toutes sont féministes et toutes connaissent des parcours féministes très différents. Ces interviews sont simplement là pour montrer la richesse et la variété des féminismes.
Interview de Karine.
Bonjour peux tu te présenter ?
Bonjour, je m'appelle Karine, j'ai 44 ans, je vis à Lille depuis 2 ans après avoir été longtemps parisienne dans le 19ème, j'ai 2 enfants, un garçon de 12 ans et une fille de 11 ans, en garde alternée et je vis un couple (mon mec a lui-même un garçon de 9 ans, mais seulement un week-end sur 2 à son grand désespoir). Je travaille en free-lance dans le marketing depuis 5 ans, après de nombreuses années de salariat. J'organise donc mon temps beaucoup comme je le souhaite, ce qui me permet de dégager du temps pour ATD Quart Monde où je suis engagée depuis 5 ans, en particulier sur le sujet de l'école.
Depuis quand es tu féministe ?
Je crois avoir toujours été féministe: aînée de ma fratrie (j'ai un frère et une sœur) de parents soixante-huitards (quand ils étaient jeunes et donc m'ont eue !), j'ai eu l'impression d'être élevée de façon assez indifférenciée. Toutes les photos de moi petite sont en jean, salopette, coupe à la stone, j'ai eu très peu de poupées, en revanche j'ai eu des bouquins, des feuilles et des crayons dans les mains dès que j'ai pu les tenir. Et j'ai aussi été plutôt poussée dans mes études, dans l'idée d'être autonome et indépendante. Pas du tout dans l'idée "marie-toi et fais des enfants" et encore dans l'option de ne pas travailler. C'était aussi un acquis dans ma famille que contraception et ivg étaient évidemment autorisés sans condition (j'ai été aussi élevée dans le rejet clair des religions). Et qu'être féministe était bien (et pas un truc de femme frustrée, au contraire). Même si ma mère était au foyer et donc je me suis retrouvée une fois professionnelle et mère avec la double-injonction contradictoire "bosse à fond, sois indépendante financièrement" + "sois une mère parfaite et disponible".
J'ai aussi réalisé très jeune qu'il y avait des stéréotypes fille vs garçon, justement parce que je n'étais pas vraiment dans le stéréotype fille (pas dans les jeux de "fille" dans l'enfance, pas du tout intéressée par mon apparence à l'adolescence, pas du tout dans les jeux de séduction, hyper agacée par les commentaires du type "t'es drôlement bonne en maths pour une fille", choquée des commentaires sur les "filles faciles" quand les garçons à gros tableau de chasse étaient bien vus).
Mais c'est surtout dans la vie professionnelle que j'ai vu les différences de traitement qui m'ont mise en rage: quand, jeune diplômée, j'ai commencé à travailler dans une grande banque française, j'ai vu qu'à diplôme et fonction égaux, j'étais moins payée qu'un collègue mec. Sous prétexte qu'il avait fait son service militaire. Non mais pardon, en quoi ça le sur-qualifie à faire du contrôle de gestion par rapport à moi ?? Ensuite, quand j'ai demandé une expatriation, on m'a dit explicitement que c'était plus compliqué pour une femme, sauf si elle était mariée à un homme de la banque qui lui-même serait expatrié. Une collègue a perdu 1,5 année d'augmentation pour un congé maternité de 3 mois et demi...
Et puis je me suis trouvée, dans une autre boite, un poste au Pérou et j'ai été frappée par la différence entre la France et le Pérou (censé être un pays machiste pourtant): jamais au Pérou, je n'ai eu la moindre remarque sur le fait que je sois une femme dans mon boulot. Alors qu'en France, j'avais régulièrement droit à des "ah c'est agréable un sourire féminin dans une réunion", "vous présenterez les chiffres au directeur, ce sera plus agréable pour lui si c'est vous que moi". La seule fois où j'ai été ramenée à ma condition de femme et non de professionnel, c'est lors de la visite du PDG français qui a passé son temps le nez dans mon décolleté sans écouter un mot de ce que je disais. Dire que ça m'a mise en rage (en plus de choquer mes collègues péruviens) est un euphémisme. A l'inverse, au Pérou, j'ai vu ce qu'est une société où l'IVG est illégal et ça c'est une belle claque, d'autant plus que j'ai avorté peu de temps avant d'y partir et que je voyais le droit à l'IVG comme l'avancée la plus importante du droit des femmes (pour ça oui, j'ai fait des manifs et j'ai été témoigné sur le blog "je vais bien merci" dont j'aime beaucoup le propos). J'ai fait un long article sur l'IVG très documenté (à la fois statistique et philosophique) sur un site d'opinions en 2001 et j'ai été bouleversée par la violence inouï des commentaires, ça m'a fait réaliser que ce n'est pas aussi acquis que ça en a l'air.
Ca s'est encore affirmé quand j'ai eu des enfants. Subissant de plein fouet la double injonction "mère parfaite" et "grande pro", avec un père certes impliqué dans le maternage mais trouvant somme toute normal que je gère toute l'intendance logistique et administrative de la maisonnée (et pas normal que je m'en plaigne, notons que je m'en suis séparée depuis). Une de mes meilleures amies vivait la même contradiction et nous échangions beaucoup sur nos points de vue féministes, c'est ensemble qu'on a décrypté nos conditionnements (parce que bien sûr il faut se laisser faire pour se retrouver à tout assumer). Je me suis mise à lire pas mal de bouquins (je pense en particulier à L'injustice ménagère de François de Singly qui a m'a aidée à mettre des mots sur ce que je ressentais plus ou moins confusément), des blogs, à aller à des conférences, j'ai même été rencontré des chercheurs sur la conciliation vie privée / vie pro. A fréquenter des réseaux pros féminins aussi. Où d'ailleurs le féminisme n'a pas toujours bonne presse: je me souviens m'être opposée à une oratrice qui expliquait doctement qu'il fallait promouvoir un esprit féminin en entreprise sans tomber dans le féminisme. Je lui ai expliqué que promouvoir les femmes, mettre à jour les mécanismes des plafonds de verre, c'EST du féminisme et que dire le contraire dessert les femmes. C'est quand même pas honteux de souligner qu'aujourd'hui les femmes sont moins bien payées, moins promues et que c'est pas normal et qu'il est temps d'y remédier.
Et c'est aussi le moment où j'ai commencé à prêcher "la bonne parole" autour de moi, à expliquer les mécanismes des stéréotypes et des injonctions sociales à mes copines. A expliquer aussi en quoi "féministe" n'est pas un gros mot. Je crois avoir ouvert les yeux à pas mal. Même si, bien sûr, le savoir n'empêche pas systématiquement la reproduction des modèles (et oui, c'est toujours frustrant de voir une copine intelligente et indépendante devenir l'épouse modèle au service de la carrière de son mari. Ou celle qui annonce fièrement porter le nom de son mari).
C'est en revanche assez tard que je me suis sensibilisée à la problématique de la culture du viol. Via des lectures de blogs clairement. Mais aussi parce que, avec ma bande de copines, on échange sur un forum privé où on partage des choses souvent intimes et j'ai découvert que, dans cette bande de 30 nanas "normales" (dans le sens pas spécialement féministes, généralement mariées et mères de famille avec tout type de job), 8 ont vécu viol ou abus sexuel (et ça n'inclut pas les zones grises du petit copain ou mari qui "force un peu" ou met la pression). 8 sur 30, ça m'a paru vraiment massif. Et je vois surtout les dégâts du silence autour. Sur les 8, AUCUNE n'a porté plainte (moi non plus d'ailleurs). Même celles qui ont vécu des viols archétypes (inconnu sur lieu public). Donc c'est surtout sur ça que je me documente et l'ouvre maintenant.
Et puis je suis mère de 2 enfants, d'une fille et d'un garçon, et je suis donc hyper-sensible aux questions des différences de traitement filles - garçons dans l'éducation et à l'école. Longtemps uniquement sous l'angle "bridage des filles", et je crois que les 2 sont très sensibilisés sur la question. Et maintenant que mon fils est collégien et pré-ado, aussi sous l'angle "formatage viriliste des garçons" parce que, d'une part, je vois comme ça fait du mal aux garçons qui n'adhèrent pas à ce formatage et d'autre part parce que c'est évidemment là que se joue le futur harcèlement des filles. Je me refuse à éduquer ma fille à "faire attention" dans l'espace public même si je la prépare au fait qu'elle sera forcément harcelée (et donc qu'il faudra se défendre, PAS "faire attention". Bon je crains que son père n'ait pas la même politique que moi sur ce point). Je me concentre davantage sur l'éducation de son frère finalement: lui expliquer pourquoi c'est intolérable, pourquoi et comment il lui faudra s'opposer à ses "copains" s'il les voit avoir ce type de comportements.
As tu une éducation antisexiste avec tes enfants ? Enseignes tu des choses différentes selon que tu parles à ton fils ou à ta fille ?
J'ESSAYE d'avoir une éducation antisexiste avec mes enfants oui. De là à dire que j'y arrive je ne sais pas. J'essaye de ne pas marquer de différences liées à leur sexe, en priorité. Par exemple, j'avais lu et vu pas mal de choses sur les différences de comportements des adultes et des mères en particulier vis à vis de leur bébé selon que ce soit une fille ou un garçon, dans la façon de les tenir, de répondre aux pleurs. Du coup, j'ai fait attention à me comporter de façon identique quand ils étaient bébés. J'ai évité les vêtements trop genrés quand ils étaient petits aussi: mon critère, comme j'ai un garçon puis une fille assez rapprochés en âge, c'était que je puisse utiliser les vêtements pour l'un ou l'autre indistinctement (bon, évidemment, on m'a offert des tas de robes pour ma fille... Alors que, franchement, une robe sur un bébé, dans le genre pas pratique pour marcher à 4-pattes, hein !). Maintenant ils ne s'habillent plus pareil évidemment (même si ma fille trouve ses hauts plutôt dans les rayons garçon parce qu'elle supporte pas le rose, les fleurettes et les imprimés chatons) mais je mets le même focus (assez bas) sur la coquetterie pour mon fils que pour ma fille.
Je leur proposais les mêmes activités périscolaires et je les ai plutôt poussés à tester des activités atypiques pour leur genre (mon fils a fait de la danse. Il aimait beaucoup. Sauf qu'il était le seul garçon et a fini par avoir des remarques. Ma fille a milité pour que les filles puissent faire du foot avec les garçons sur la pause méridienne à l'école, alors qu'elles étaient cantonnées à faire pompom-girl, j'ai du finir par m'adresser à la directrice de l'école...). Encore aujourd'hui, ils font tous 2 du triathlon par ex et ça me plait que ce soit un sport peu genré.
Je leur propose aussi les mêmes livres. Et quand mon fils m'a répondu une fois "ça me tente pas trop ce bouquin parce que c'est une fille l'héroïne, pas un garçon", je lui ai fait remarquer que sa soeur se tapait beaucoup de romans dont le héros est un garçon sans rechigner et heureusement pour elle parce que sinon sa bibliothèque serait nettement plus petite que la sienne. Résultat, c'est lui qui est allé faire un scandale dans une librairie parce que la série qu'il lisait à ce moment Le journal de Georgia Nicholson était classé dans "romans pour filles": il leur a fait remarquer qu'il n'y avait de catégorie "romans pour garçons" donc dire "romans pour filles", c'est débile.
Dans le même genre, longtemps, on demandait aux 2 "alors est-ce que tu as un amoureux ou une amoureuse ?": leur père a pas mal fréquenté les milieux gays et c'est lui qui a souligné, à juste titre, qu'on n'avait pas à les étiqueter hétéro dès leur plus jeune âge. Bon, un jour, mon fils a fini par dire "non mais en fait, je crois pas que je serai amoureux d'un garçon, je suis plutôt amoureux de filles" donc on a arrêté. Mais, du coup, ils ont manifesté pour le mariage pour tous en ne comprenant même pas pourquoi il y avait à manifester tellement ça leur paraissait évident.
En entrant dans l'adolescence, même si aux 2, je recommande d'abord de cultiver leur propre personnalité (vs la pression des pairs), je commence à différencier. Je crois ma fille très sensibilisée sur les injustices faites aux filles, parce qu'elle en a vécu directement via le sketch du foot à l'école (j'ai adoré qu'elle fasse remarquer cet été qu'on dit "coupe de monde de foot" quand c'est des hommes et "coupe du monde de foot féminin" quand c'est des femmes. Et que c'est parfaitement sexiste). Son frère ne le vivant pas directement s'en rend moins compte. Donc c'est moi qui les lui souligne. Par ex, l'an dernier, il était dans une classe à projets "enfants précoces" et, sur 25, il n'y avait que 5 filles. Je lui ai demandé s'il avait une idée de pourquoi il y avait si peu de filles. Première réponse "y a moins de filles précoces ?". Mauvaise réponse évidemment (je lui ai sorti les statistiques, il est très factuel comme gamin, il a besoin de preuves). Et je lui ai expliqué les différences de traitement, le fait que les parents investissent plus l'éducation des garçons, que les filles sont davantage conditionnées pour ne pas poser de problème en classe (donc n'ont pas besoin d'être dans une classe "spéciale"). Donc qu'en gros, il fait partie du groupe ultra-privilégié des garçons, blancs, de catégorie sociale supérieure. Et que ça lui donne la responsabilité de ne pas abuser de ce privilège, voire de l'utiliser pour soutenir ceux qui ne les ont pas. Bon, évidemment, à 12 ans, il voit d'abord que, au milieu de ses pairs, il est l'intello pas très grand et pas très costaud donc il se vit pas comme privilégié mais j'ai espoir qu'à terme, ça devrait infuser. Je lui ai fait le test "like a girl" d'après la pub Always, et il était très honteux d'être tombé dans le panneau après avoir vu sa soeur le faire aussi...
A ma fille, j'explique plutôt qu'il ne faut pas juger les autres filles sur l'apparence (elle est dans une phase de rejet des "petites pétasses"), les injonctions faites aux filles dont elles ne sont pas responsables. Je ne lui parle pas encore slutshaming mais ça viendra.
Peux tu expliquer davantage ce que tu fais au sein d'ATD Quart monde ?
Au sein d'ATD Quart Monde, je fais partie du réseau Ecole. Je travaille depuis plusieurs années avec des enseignants, des professionnels de l'éducation, des parents en situation de grande précarité et des parents comme moi (c'est à dire pour qui l'école a été "facile" mais qui sont solidaires des familles pour qui c'est plus difficile) pour chercher des solutions concrètes qui permettent la réussite de tous les enfants à l'école. Ca s'est traduit par une plateforme de propositions présentée aux candidats à la présidentielle en 2012 (certaines sont reprises dans la loi de refondait de l'école. Pas toutes malheureusement. Et la mise en pratique pêche), par le rapport du CESE de Marie-Aleth Grard sur les bonnes pratiques qui réduisent les inégalités. Et localement à Lille, on anime des ateliers de partage de pratiques où se côtoient professionnels et parents de tous milieux. J'essaye aussi d'y glisser des messages féministes: comme on parle beaucoup des préjugés sur les enfants pauvres, j'ajoute au passage les préjugés fille - garçon.
Là où je retrouve les mécanismes du féminisme, c'est qu'il s'agit d'abord de prendre conscience des mécanismes qui construisent les inégalités (et on retrouve beaucoup les préjugés) et d'écouter les premiers concernés pour élaborer avec eux des solutions. Avoir une expérience du féminisme m'a aidée à "bien" travailler avec les parents en grande précarité: de même que je ne supporte qu'un mec m'explique ma condition de femme, je me suis appliquée à ne jamais expliquer à un militant pauvre ce qu'il vit et comment il est censé se comporter.
ATD milite actuellement pour que la discrimination sur l'origine sociale soit reconnue dans la loi. Et j'approuve. Parce que, même si on voit bien via le féminisme qu'interdire la discrimination par la loi ne résout pas tout loin de là, le fait que ce soit officiellement illégal offre une base pour avancer.
Tu parles de double injonction faite aux mères ; peux tu développer sur ce sujet ?
Ma génération, les quarantenaires, on est les filles des féministes. A ce titre, on a reçu l'injonction à être indépendantes, à avoir un boulot, voire quand tu viens d'un milieu aisé, à faire carrière: on nous a "vendus" que bien sûr, on pourrait être ce qu'on voulait, chirurgienne, chef de service, directrice, faire les mêmes carrières qu'un mec, il suffisait de s'impliquer (sous-entendu "autant qu'eux"). J'avais vraiment l'intention de faire "une carrière de mec". Et, en même temps, a fortiori quand tu as été élevée par une mère au foyer ayant eu 3 enfants, dès que tu as des enfants (et ça reste une énorme injonction faite aux femmes que d'avoir des enfants, je suis moi-même incapable de faire la part de l'injonction sociale et de mon désir perso dans le fait que j'ai voulu des enfants), ils sont censés devenir ta priorité des priorités (ce qu'on n'attend pas d'un père). Et là, y a hiatus parce que, concrètement, être super performante au boulot (et quand je dis super performante, c'est plus que les hommes parce qu'il faut démontrer que le fait d'être mère n'a vraiment aucun impact dans ton investissement professionnel. Ce qui est un chouia compliqué dans la vraie vie) ET être méga disponible pour tes enfants, ben, c'est pas possible. A la rigueur, le moment le plus facile (si on passe sur l'épuisement physique et le coût hallucinant...), c'est la petite enfance : avec une bonne nounou, tu t'en sors grosso modo. Mais quand ils grandissent, vont à l'école, sont malades, ont besoin qu'on les écoute raconter leurs petits et grands soucis, qu'on les accompagne dans leurs devoirs, à leurs activités (ah la grosse pression du début d'année "ils font quoi cette année comme activités tes enfants ?". Euh rien parce que le mercredi je peux pas faire taxi, je bosse...), à la bibliothèque, dans leur découverte d'Internet, etc... ben si tu es au boulot 11h par jour, 5 jours sur 7, voire en déplacement, ça marche pas. Un truc qui m'avait fait vraiment tilter: j'avais une convention collective de merde, avec des jours enfants malades non rémunérés. Leur père était fonctionnaire avec 12 jours enfants malades rémunérés. Quand il a fallu rester à la maison pour garder un enfant malade, c'est toujours moi qui l'ait fait. Parce que le chef de mon mec lui a dit "ben ils ont une mère tes enfants non ?" et parce que moi aussi je voulais rester à leur côté quand ils étaient malades (et du coup je bossais de la maison...). Ca n'avait aucun sens si on y réfléchit plus d'une seconde et demie.
Rajoute par là-dessus l'injonction de faire des menus équilibrés et faits maison, d'avoir une maison jolie et en ordre et la nécessité de remplir à temps tes démarches administratives (déclaration nounou, inscription à l'école, dossier CAF, suivi médical des enfants et j'en passe), je me suis retrouvée à lire aussi assidument les blogs d'organisation domestique que les blogs féministes. Et je vois bien le hiatus entre les 2 puisque, bien sûr, les blogs d'organisation domestique ne s'adressent qu'AUX femmes !
J'ai résolu le truc en 2 temps: d'abord, je suis sortie du salariat et je me suis mise à mon compte pour choisir, selon les moments, comment j'organise mon temps et l'ordre de mes priorités. Et je travaille à domicile. J'ai donc abandonné l'idée de "faire carrière", j'ai un boulot cool et dans lequel je gagne correctement ma vie, ça me suffit actuellement. Même si ça me gave de laisser le pouvoir en entreprises aux mecs parce que c'est pas comme ça que ça changera... Peut-être que je rechangerai plus tard, on verra.
Et quand je me suis remise en couple, j'ai cette fois choisi un mec féministe (j'ai définitivement renoncé à transformer un mec pas féministe en féministe, c'est trop de boulot !) et quand on a parlé de vivre ensemble, j'ai posé comme préalable qu'on discute du partage des tâches. On a tout listé et tout réparti. Le partage est juste et je m'efforce de le respecter (parce que le risque majeur, c'était que, par habitude, je prenne ses tâches !).
Tu dis qu'une de tes collègues "a perdu 1,5 année d'augmentation pour un congé maternité de 3 mois et demi" ? Peux tu nous expliquer comment cela est possible ?
Le retard d'augmentation à cause des congés maternité, je l'ai vécu aussi. En fait, c'est simple:
- entretien d'évaluation année N, tu es enceinte, tu vas partir en congé maternité dans 3 mois "tu comprends, on va pas t'augmenter maintenant puisque tu vas partir bientôt".(in petto, on va quand même pas investir sur une nana qui va bientôt être moins disponible et performante)
- entretien d'évaluation année N+1, tu es revenue de congé maternité depuis 5 mois "tu comprends, on ne va pas t'augmenter, t'as pas été là presque la moitié de l'année". (4 mois de congés mat et patho, + tes congés payés comme tout le monde mais comme tu les as collés à ton congé mat, ben non, ça fait pas comme tout le monde).
Et bam pas d'augmentation pendant 2 ans. Alors que j'étais partie en déplacement pro de 4 jours à l'étranger 2 jours après mon retour de congé mat (gros regret. Le truc qui m'a appris à dire non par la suite).
Ma collègue dans la banque, c'était "tout bêtement" parce que, à la date des augmentations, elle était en congé maternité donc suspension de contrat de travail. Contrat de travail suspendu, t'es pas augmentée et c'est valable jusqu'à la prochaine, il n'y a pas de remise à niveau à la reprise du travail. Si l'augmentation suivante n'est que 18 mois plus tard, tant pis pour toi.
Karine souhaitait rajouter quelque chose
Peut-être, pour conclure, je voulais dire que je suis bien consciente que le féminisme recouvre énormément de sujets et que volontairement je ne hiérarchise rien, même si je ne suis pas impliquée dans tout. Et, en même temps, il y a des sujets sur lesquels je n'ai pas d'opinion encore arrêtée, sur lesquels je m'interroge voire fluctue, en particulier quand ça touche des populations plus discriminées que moi: je pense à la question du voile (j'ai alterné pour ou contre l'interdiction et, encore aujourd'hui, je ne suis pas au clair), à la prostitution (je m'interroge sur la pénalisation des clients). Mais aussi à l'implication des hommes en particulier dans le domaine de la conciliation vie privée / vie pro (d'un côté, je trouve très bien que les hommes s'autorisent à réclamer du temps privé, de l'autre, ça me rend malade de penser que parce que ce sont des hommes qui le demandent, ça va peut-être arriver, tant que c'était un besoin de femmes, tout le monde s'en fichait). Bref je suis une féministe qui continue à s'interroger et donc à écouter et interroger les autres.
Et, du coup, même si je suis parfois en désaccord avec certains points de vue féministes (mais je gère bien le désaccord, je trouve ça enrichissant), la seule posture de féministe qui me gêne, c'est la posture omnisciente, qui assène sans douter. Je la trouve paternaliste, ce qui est quand même un comble pour une féministe
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Beaucoup ont tendance à voir les féministes comme un groupe monolithique, dont les membres seraient interchangeables. Le féminisme est, plus que jamais, riche de personnalités très diverses.
J'ai donc décidé d'interviewer des femmes féministes ; j'en connais certaines, beaucoup me sont inconnues. Je suis parfois d'accord avec elles, parfois non. Mon féminisme ressemble parfois au leur, parfois non.
Toutes sont féministes et toutes connaissent des parcours féministes très différents. Ces interviews sont simplement là pour montrer la richesse et la variété des féminismes.
Interview de Samie.
Bonjour Samie peux tu te présenter ?
Je suis une femme cis et blanche de 26 ans très imprégnée par la culture geek et les luttes féministes.
Je me définis moi même comme féministe intersectionnelle. A part ça, je suis étudiante en soins infirmiers. Son compte twitter : @_Samie00
Depuis quand es tu féministe ; y-a-t-il eu un déclic particulier ou est ce venu progressivement ?
Il s'agit d'un processus de longue date. D'aussi loin que je m'en souvienne je n'ai jamais apprécié être ramenée à un "rôle de femme/fille", déjà enfant donc. C'est par contre bien plus récemment que je me définie comme féministe. Là on peut parler de déclic, il s'agit du "scandale" provoqué par une succession d'articles dans la presse jeux vidéo et mettant en lumière le sexisme dans la communauté geek. Cela à provoqué beaucoup de discussions parmi mon groupe de potes geeks. J'ai été l'une des seules,et la première du groupe à défendre ces dénonciations. Cette prise de position a initié un besoin de mieux conceptualiser mes réflexions et de rencontrer de nouvelles personnes pour en parler.
Parallèlement à ces évènements, j'étais impliquée dans des associations LGBTI, notamment autour de l'accès à la PMA et de l'ouverture du mariage aux couples de même sexe. Une fois la loi sur le mariage passée j'ai commencé à concentrer mes activités militantes principalement autour des questions de sexisme plutôt qu'autour de problématiques LGBTI, même si il s'agit de luttes très liées.
Pourquoi précises tu que tu es cis et blanche ? En quoi est ce important pour toi de le dire ?
C'est toujours un exercice difficile de se présenter mais vu qu'on est là pour parler de féminisme, il me semble important d'expliquer d'où je parle. C'est à dire la position que j'occupe dans la société. La question suivante devrait permette de mieux comprendre ce choix.
Qu'est ce que le féminisme intersectionnel ? comment le définis tu ?
Le féminisme reconnait qu'il existe une hiérarchisation des individus en fonction de leur genre et vise à abolir les inégalités homme-femme. Malheureusement c'est loin d'être le seul système de hiérarchisation existant entre les individus. Penser en terme d'intersectionnalité c'est tenter de voir les système d'oppressions (sexisme, racisme, homophobie, classisme, validisme...) comme liés et interconnectés (et non identiques). Ainsi une femme noire sera non seulement ramené à son sexe mais aussi à sa couleur de peau. Il s'agit de deux systèmes d'oppressions différents mais présentant des mécanismes communs et surtout s'ajoutant dans le vécu de la personne concernée.
Il s'agit là de ma propre définition je pense qu'on peut en trouver des bien plus détaillées et mieux écrites.
As tu souffert du sexisme dans le milieu geek ? comment cela s'est manifesté ?
La première manifestation que j'ai eu à subir c'est en terme de représentativité. Pendant longtemps il m'a été difficile de trouver des jeux vidéo, des livres, des films que j'appréciais et où je pouvais m'identifier à une héroïne. Avec le développement d'internet et l'accessibilité à un nombre croissant de média, c'est moins le cas aujourd'hui mais ça demande parfois pas mal de recherche.
Ensuite pour ce qui est des communautés, de joueurs notamment, j'ai très vite arrêté de jouer en ligne avec des inconnus, c'était insupportable à cause de nombre de remarques sexistes. C'est plus facile avec les gens que je connais directement. Ils savent que je suis féministe, que c'est important pour moi et généralement il y a suffisamment de respect sur qui nous rassemble pour que ça se passe bien. Après il y en a toujours pour se croire malin à jouer les "trolls" dès que tu as le malheur de réagir à une remarque sexiste et vont tout de suite aller dans la surenchère.
Penses tu qu'il y a un sexisme spécifique dans le milieu geek ou est il le même que dans tous les autres milieux ?
Je pense que c'est la même chose que partout. Si ça se manifeste parfois aussi clairement, c'est parce que la culture geek (les jeux vidéo, les comics, la SF...) est encore étiqueté comme étant une "univers masculin". On a suffisamment d'études et de chiffres pour savoir que ce n'est pas le cas mais l'idée persiste et ça encourage tout un tas de comportements machistes sur la base du "on est entre couilles, on est chez nous, alors on peut se le permettre". Je pense qu'on doit trouver le même genre de réactions dans tout univers dit "masculins" comme certains sports ou d'autres activités.
Peux tu donner des exemples de remarques sexistes entendus lors de parties en ligne ? Beaucoup te diraient que c'est "simplement de l'humour" ; qu'as tu à répondre à cela ?
J'aurai du mal à donner des exemples précis car c'était il y a une dizaine d'années. Souvent c'était de la drague très lourde ou on me demandais un moyen de me contacter en ligne pour vérifier si j'étais bien une vraie fille, le tout en échange d'équipements ou de services "in game". Quand je refusais j'avais souvent le droit à des insultes sexistes et quelques fois même à des menaces de viol et de harcèlement irl. Je recevais régulièrement le même genre d'insulte après avoir gagné contre un joueur en duel.
Tu dis avoir renoncé à pratiquer une activité (le jeu en ligne avec des inconnus) à cause du sexisme ; peux tu développer là dessus ?
Ca m'a pas tout de suite dérangé, j'ai même trouvé ça pratique au début. J'avais 15 ans, je vivais chez mes parents et on me proposait de m'offrir des code pour payer mon abonnement en ligne(sans jamais devoir m'engager à donner mes coordonnées). Le problème est venue avec la répétition. Dans la majorité de mes nouvelles interactions, la question de mon sexe, de mon âge, et de la où j'habitais se posait dans les premières minutes. J'étais là pour jouer, pour incarner un perso qui tape sur des gros monstres dans un univers fantastique, pas pour être ramené à ma vie de jeune lycéenne encore moins pour être sexualisée. Du coup je me suis rapidement mise à jouer qu'avec les gens de ma guilde, des joueurs que je connaissais mieux mais même comme ça il y avait pour me faire des remarques misogynes et parfois très violente (voir les exemples avant). Dès que je suis partie vivre dans une plus grande ville j'ai pu rencontrer plus de joueurs et de joueuses "en vrai" et j'ai complètement arrêté de jouer en ligne. J'ai pensé plusieurs fois à m'y remettre mais quand je me souvient de tout ça, ça me décourage.
Es tu davantage sensibilisée à certaines problématiques féministes ? lesquelles ?
Ca va pas mal dépendre des rencontres que je peux faire, de mon propre vécu et de l'actualité.
Du fait de mes études et de mes choix de vie je suis particulièrement sensibilisée à tout ce qui est lié à la maternité et à la non-maternité. Comment les femmes sont ramenées à ce rôle sensé être naturel. La pression que subissent les mères qui galèrent pour concilier vie familiale, perso mais aussi la pression que subissent les femmes qui ne veulent pas d'enfants...
Depuis quelques temps je m’intéresse beaucoup à une problématique qui ne me concerne pas directement mais dont je suis témoin. A savoir les multiples oppressions que subissent les femmes vues comme arabes ou musulmanes. Ces derniers mois l'islamophobie a explosé en France et parmi celleux qui en sont victimes, les femmes sont une fois de plus les plus exposées. Ce sont aussi les dernières à qui on laisse la parole. En tant que féministe blanche et athée j'essaye de voir ce que je peux faire de l'indignation que ça éveille chez moi. Avec d'autre, on essaye aussi d'amener le débat dans nos cercles militants très laïcards.
Comment ta famille, tes amis vivent ils le fait que tu sois féministe ? le savent ils ? le sont ils devenus eux aussi ?
Je pense que tout le monde autour de moi connait mes positions féministes.
Avec ma famille on discute régulièrement de questions en lien avec le genre. Je pense qu'ils ont une vision moins binaires et essentialiste qu'avant sur le sujet.
Pour ce qui est des ami·e·s que j'ai rencontré·e·s ces dernières années, ça s'est fait essentiellement via des réseaux féministes. Elles et ils ne m'ont donc pas attendue pour être sensibilisé·e·s.
Celles et ceux que je connais de plus longue date le savent aussi même si on parle peu politique. Ca a créé quelques tensions avec certains. Par contre ça m'a permis de me rendre compte que j'avais des réflexions communes avec certaines amie et on a pu les partager et en débattre. Ca permet aussi de savoir qu'on peut se soutenir quand on se retrouve dans des environnement sexistes.
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La question du militantisme est une question finalement assez épineuse. Ainsi par exemple beaucoup de femmes féministes hésitent à se déclarer comme militantes ; d'autant plus lorsqu'elles entendent régulièrement "qu'elles ne militent que sur Internet". Beaucoup de femmes, dans les interviews que je suis en train de mener, me disent, alors même qu'elles ont énuméré tout ce qu'elles faisaient au quotidien, me disent "ne pas se voir comme des militantes". C'est une assertion qui ne serait pas à discuter si elle n'émanait pas parfois d'un dénigrement certain qui conduit beaucoup de femmes à toujours minorer ce qu'elles peuvent faire.
Il est étonnant de dire "qu'on ne milite que sur internet" et de voir en 2015, de voir Internet comme un lieu "à part", comme un lieu qui ne ferait pas partie de la vie.
En ce cas je dois me dire que "je ne travaille que sur Internet". En effet si demain Internet n'existe plus, je n'ai plus de travail.
Lorsque vous achetez un vêtement sur Internet, recevez-vous une image de ce vêtement ou bien un vrai vêtement fait de tissu que vous pouvez mettre ? Est-ce qu'un vêtement acheté sur Internet serait différent si vous l'aviez acheté dans la même enseigne physique ?
Lorsque vous conversez avec quelqu'un, est ce que cette conversation s'annule et disparaît purement et simplement de votre esprit lorsque vous fermez votre téléphone ou votre ordinateur ?
Les notions d'IRL/Internet pour peu qu'elles aient déjà eu un sens - ce dont je doute - me semblent passablement dépassées en 2015.
Pour beaucoup de gens militer signifierait par exemple manifester dans la rue, en brandissant des pancartes et en criant très fort.
Beaucoup de gens ont difficilement cette possibilité ; être blanc-he (et avoir des papiers en rège) par exemple aide beaucoup pour manifester. Observons cet article qui parle d'une manifestation au 104 contre l'exposition Exhibit B et regardons comment sont qualifiés les militants de la Brigade anti négrophobie, collectif de militant-es noir-es. On les décrit comme des "gros costauds" qui seraient "violents" et "agressifs", qui cherchent à" intimider". Passons sur l'image choisie qui semble nous dire en sous-texte que l'acteur noir de la photo est bâillonné et empêché de parler par d'autres noirs. Beaucoup de manifs - la plupart - passent par des slogans vigoureux - c'est le propre du slogan que de l'être - et pas mal d'entre elles passent par de la casse. Manifester, pour un groupe de militants noirs, peut vous faire courir le risque de passer pour un sauvage mal dégrossi plein de testostérone. Leur carrure est également évoquée dans cet article.
Etre racisé-e et manifester vous fait courir davantage de risques comme les fouilles et l'arrestation par exemple. Un homme racisé qui manifeste sera souvent vu comme un casseur, quelqu'un qui veut voler les honnêtes manifestants blancs, quelqu'un qui va générer de la violence et très rarement comme quelqu'un qui a des positions politiques à défendre.
On peut également avoir des difficultés à manifester parce que l'on a des handicaps sociaux ou physiques par exemple. Je n'apprendrais à personne que la France n'est pas extrêmement bien dotée en matière d'accès pour les handicapé-es (c'est évidemment un euphémisme) et pas mal de lieux ne sont pas accessibles surtout si l'on doit partir rapidement.
Et l'on ne peut parfois simplement pas manifester parce que cela nécessite d'être dans la foule, souvent assez serré et que pour certaines personnes c'est totalement inenvisageable à cause de maladies diverses.
Manifester est également un luxe en matière de temps. Je définirais ce "temps" de deux manières. Il y a le temps en termes horaires ; quelqu'un qui a des très jeunes enfants, ne peut pas toujours trouver simplement un mode de garde simple et bon marché et estimera qu'une manif n'est pas un lieu pour des enfants. Quelqu'un qui a un travail l'obligeant à une grande amplitude horaire pour un très maigre salaire (les plus concernées sont les femmes et encore davantage les femmes racisées) n'a pas ce luxe du temps, occupé qu'il est à courir d'un endroit à l'autre. Et puis il y a le "temps de cerveau" selon la cynique formule de Le Lay. Beaucoup de gens perdus entre des doubles ou triples journées, des boulots peu gratifiants, épuisants physiquement et mentalement n'ont pas ce luxe là. C'est d'ailleurs toute la perversité du système ; les gens qui auraient le plus besoin de temps pour réfléchir à leurs droits, aux inégalités qu'ils subissent sont ceux qui en ont le moins parce que tout est justement fait pour qu'ils soient tellement épuisés qu'il n'aient plus le temps ni matériel, ni psychique de penser. Cela ne signifie évidemment pas qu'aucune des personnes concernées n'arrive à prendre ce temps mais que simplement rien n'est fait pour l'y aider.
Et tout simplement, on peut estimer que ce mode d'action ne nous convient pas, qu'il est dépassé, qu'il ne fait plus bouger les gens.
Mais alors ca serait quoi militer ? Le Larousse dit : "Agir, combattre pour ou contre quelqu'un, quelque chose."
Tiens donc.
Que se passe-t-il exactement lorsqu'une femme commence à percevoir les inégalités de genre ? Son comportement va se modifier, consciemment ou non.
Si elle constate par exemple qu'on a moins tendance à écouter l'avis des femmes - dans quelque lieu que ce soit - elle en parlera peut-être à d'autres femmes, pour être sûre qu'elle ne se trompe pas et pour voir si d'autres femmes ont fait le même constat qu'elle. Elle aura donc fait passer une pensée féministe - peut-être débutante, peu importe ai-je envie de dire - à d'autres femmes. Elles auront échangé sur ce sujet et éventuellement décidé de le faire remarquer aux hommes qui leur coupent la parole, ou décidé de chercher des lectures qui pourraient les éclairer là dessus.
Une autre femme va un jour constater qu'elle voit de plus en plus de tee-shirts extrêmement genrés pour sa fille ; elle va faire le choix de ne plus en acheter, puis en parlera peut-être à sa famille en leur demandant de respecter son choix. Elle l'expliquera et certains de ses proches tenteront de se renseigner ; ils tomberont sur des articles en parlant. De fil en aiguille à partir d'un simple fait apparemment anecdotique, des dizaines de gens se renseigneront. Certains, bien sûr, ne feront rien de cette nouvelle information mais il n'en demeurera pas moins que la femme a l'origine de cette "chaîne" a bien milité ; elle a bien combattu contre quelque chose qui lui déplaisait.
Et que fait-on sur Internet ? On voit très régulièrement des hashtags sur twitter pour témoigner de situations vécues ; des femmes violées témoignent, des femmes harcelées, des femmes de couleur témoignent de ce qu'est être une femme de couleur dans un pays majoritairement blanc par exemple. Pourquoi est-ce également du militantisme ? Déjà parce qu'il y a un partage d'expérience entre concerné-es ; ce n'est pas tant l'expérience qui compte que de la confronter à d'autres personnes. Beaucoup de gens qui vivent une discrimination ont très souvent l'impression que c'est de leur faute, qu'il n'y a rien de systémique là dedans. s'ils peuvent constater que de nombreuses autres personnes ont vécu la même chose, alors ils "prennent conscience de leur classe" car leur expérience individuelle devient collective. Les non concerné-es eux, peuvent s'informer sur des situations dont ils n'ont pas forcément conscience : encore une fois ils n'en feront peut-être rien. Mais la personne qui a témoigné au départ a elle bien milité puisque par son témoignage elle a lutté contre une situation donnée.
Que fais-je moi à travers ce blog ? Je peux m'adresser à des personnes que je n'aurais jamais l'occasion ou l'opportunité d'approcher par un autre biais. Beaucoup de gens peuvent ainsi venir sur un blog féministe pour s'en moquer et troller par exemple et au final constater qu'ils sont d'accord avec certains points.
Le fait est qu'à partir du moment où vous commencez à constater les inégalités de genre - parfois donc même avant de vous dire féministes, vous militez.
Quand on commence à constater les inégalités entre hommes et femmes, notre comportement s'en ressent forcément. On en parle autour de soi, on en discute, on décide de renoncer à telle ou telle pratique qu'on a identifiée comme sexiste, on invite les autres à ne plus les pratiquer.
Beaucoup de femmes par exemple commencent à changer la façon d'éduquer leurs enfants ; elles cherchent des livres qui ne valorisent pas les représentations genrées ou ne présentent que des héros masculins et blancs. Elles essaient de faire en sorte que leur fille ait confiance en elle par exemple et ne soit pas trop touchée par les injonctions de genre.
Il n'y a pas de petit ou grand militantisme, de militantisme vulgaire ou digne. Et il n'y a certainement pas une façon de militer. Dés le moment où nous constatons les injustices que nous subissons, nous commençons à militer parce que le début de la conscientisation de classe est le début du militantisme. Qu'est ce que cela signifie ? Quand vous constatez que vous êtes victime d'une injustice et que vous comprenez que cette injustice n'est pas due à votre comportement mais émane de préjugés dus à votre genre/race/classe/etc alors c'est ce qu'on appelle la conscience de classe. Et cette conscience là va obligatoirement vous faire évoluer consciemment ou non. Et militer.
Il n'y a pas de petit ou grand féminisme. Militer dans la rue ou avec un pancarte n'a rien de plus grand ou plus digne que la mère de famille qui, jour après jour, s'efforce de décortiquer les pressons genrées subies par ses enfants. Militer dans la rue ou avec un pancarte n'a rien de plus grand ou plus digne que la jeune femme qui continue à exercer une passion malgré les insultes et les dénigrements masculins. Militer dans la rue ou avec un pancarte n'a rien de plus grand ou plus digne que celle qui choisit un métier dit masculin malgré les oppositions familiales. Militer dans la rue ou avec un pancarte n'a rien de plus grand ou plus digne que celle qui choisit de refuser chacune des blagues sexistes entendues au boulot.
Etre féministe c'est être militante. Je connais beaucoup de militantes.
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Beaucoup ont tendance à voir les féministes comme un groupe monolithique, dont les membres seraient interchangeables. Le féminisme est, plus que jamais, riche de personnalités très diverses.
J'ai donc décidé d'interviewer des femmes féministes ; j'en connais certaines, beaucoup me sont inconnues. Je suis parfois d'accord avec elles, parfois non. Mon féminisme ressemble parfois au leur, parfois non.
Toutes sont féministes et toutes connaissent des parcours féministes très différents. Ces interviews sont simplement là pour montrer la richesse et la variété des féminismes.
Interview de Gwendalen.
Bonjour Gwendalen peux tu te présenter ?
Bonjour , je m'appelle Gwendalen et j'ai actuellement 17 ans. Je suis en seconde année de prépa chimie dans le sud-ouest de la France, je veux devenir chercheuse en chimie. Je suis en couple depuis 4 ans avec un homme formidable et très sensible à la cause féministe. Ah, et je suis aussi très proche des animaux.Depuis quand es tu féministe ; y-a-t-il eu un déclic particulier ou est ce venu progressivement ?Je suis devenue féministe il y a environ trois ans, quand un des amis de mon copain a commencé à en parler avec moi. En moins d'un an, jeEn premier, c'est au niveau du travail, surtout au niveau du salaire car j'ai peur de me retrouver avec un salaire "bas" par rapport à celui d'un homme. Aussi, j'aime énormément les jeux vidéos, et dans ce domaine le sexisme est légion : "une fille ne sait pas s'occuper d'un ordinateur ou jouer à des jeux vidéos". Pendant mon enfance également, mon père avait plutôt tendance à privilégier mon grand frère pour toutes les tâches de jardinage, même lorsqu'il avait quitté la maison, il avait tendance à attendre qu'il vienne nous voir plutôt que de me demander . Il a changé maintenant, mais c'était très lourd quand même, je me sentais mal. Aussi, quelques hommes insultants m'ont reproché de ne pas m'habiller de façon assez féminine, et que ce n'était pas agréable de me regarder ; c'est assez injuste car cette remarque est extrêmement peu souvent reprochée aux hommes. Je ne veux pas être un objet sexuel ambulant pour hommes en manque.
Est-ce-qu'il y a beaucoup de sexisme dans ta prépa ? Penses tu qu'il y en a plus en sciences où l'on a tendance à penser que ce ne sont pas des matières pour les filles ?
Pas vraiment, on est une prépa majoritairement féminine, ce qui est une bonne chose ; parfois certains professeurs nous font des petites remarques comme quoi ça ne sert à rien de nous enseigner car nous resterons à la maison pour nous occuper des enfants, ou bien un prof qui s'obstine à redresser les élèves qui sont un peu vautrés sur la table et qui ne place pas toujours bien ses mains lorsqu'il le fait. Cependant, lorsque j'étais au lycée, en S, j'ai remarqué un sexisme flagrant qui prétendait qu'une fille ne pourrait jamais réussir en sciences, aussi bien auprès des professeurs que de certains élèves. Je pense que le sexisme est plus présent en sciences qu'en littérature ou en économie , oui.
Tu es devenue féministe très jeune ; était ce le cas de tes ami-es ou au contraire, étais-tu une des rares à l'être ?
Je n'ai jamais eu énormément d'ami(e)s , mais sur tous ceux que j'ai eus, aucun ne l'a été. Lorsque j'ai rencontré mon copain, j'ai rencontré ses amis dont au moins l'un d'entre eux était très féministe, mais à part cela, personne d'autre que je connais.
Tu signales que ton père a changé au sujet du jardinage ; est ce que tu lui as montré que tu étais apte à l'aider ? Comment a t il pris conscience qu'il avait une attitude sexiste ?
Je le montrais depuis le début mais j'avoue ne pas savoir ce qui l'a fait changer d'avis, je pense pouvoir affirmer que c'est ma mère qui lui signalait à chaque fois que j'étais là et que, peu à peu, il s'est rendu compte que j'étais aussi capable que mon frère . Je ne pense pas, cependant, qu'il pense que c'était sexiste.
Tu dis que tu aimes beaucoup les jeux videos ; as tu déjà envisagé d'abandonner ce loisir à cause du sexisme qui y est présent ?
Non, jamais, j'ai déjà pensé à dissimuler que j'avais cette passion ou à me faire passer pour un homme sur les JV en ligne mais jamais je
n'ai voulu abandonner .
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C'est pour bientôt ! Mercredi 14 octobre 2015, le Sénat étudie en deuxième lecture la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel, un texte qui supprime le délit de racolage et transfère la charge pénale sur les "clients" prostitueurs. Une révolution après des siècles d'impunité pour les "clients" et de répression pour les victimes de la prostitution... ainsi qu'un désaccord de fond lors de l'examen, en première lecture, de la PPL par la chambre haute. Si le Sénat s'oppose à nouveau à ces dispositions, la proposition de loi sera entre les mains d'une commission mixte paritaire. Dans tous les cas, c'est une nouvelle étape de franchie...
A lire sur notre site :
Communiqué du 12/06/2015 :
PPL : Le Mouvement du Nid salue une révolution des politiques publiques en matière de prostitution !
Communiqué du 30/03/2015 :
PPL prostitution au Sénat : un vote réac, déshonorant et irresponsable !
Nos militantEs vous reçoivent chaleureusement mercredi 16 septembre pour vous présenter les activités et les projets de la délégation pour l'année qui vient. Chacun, chacune peut trouver sa place pour agir à nos côtés !
Pour le Mouvement du Nid, la prostitution est une violence faite aux femmes et aux hommes qui n'est pas une fatalité. Elle a des causes sociales et culturelles sur lesquelles on doit agir. Nos bénévoles agissent dans plusieurs domaines :
Mercredi 16 septembre 2015, à 20h00, dans les locaux de notre délégation - 2 rue de la Loubière, à Marseille dans le 6ème arrondissement - nous vous accueillons pour vous présenter nos activités et vous faire partager nos convictions ! Voici quelques exemples des projets pour lesquels nous recherchons votre implication :
Pour toute information, contactez la délégation des Bouches-du-Rhône par mail à l'aide du formulaire ci-contre ou par téléphone : 04 91 92 04 84.
Beaucoup ont tendance à voir les féministes comme un groupe monolithique, dont les membres seraient interchangeables. Le féminisme est, plus que jamais, riche de personnalités très diverses.
J'ai donc décidé d'interviewer des femmes féministes ; j'en connais certaines, beaucoup me sont inconnues. Je suis parfois d'accord avec elles, parfois non. Mon féminisme ressemble parfois au leur, parfois non.
Toutes sont féministes et toutes connaissent des parcours féministes très différents. Ces interviews sont simplement là pour montrer la richesse et la variété des féminismes.
Interview de Nasham.
Peux tu te présenter ?
Je suis Nasham, je suis une femme cisgenre blanche, hétéro (je cumule) et j'ai 26 ans.
Depuis quand es tu féministe ; y-a-t-il eu un déclic particulier ou est ce venu progressivement ? Je ne saurais pas donner une date en particulier mais disons que je me revendique comme telle depuis à peu près 2 ans. J'ai une mère qui a énormément de défauts mais qui est féministe (plutôt mainstream hein par contre). Donc depuis toute petite j'ai entendu pas mal de slogasn féministes. Mes deux grands mères ont travaillé à une époque où ce n'était pas si courant, alors je pense que c'est familial. Le féminisme intersectionnel c'est beaucoup plus récent pour moi. Je suis devenue végétarienne puis végétalienne et j'ai rencontré un garçon formidable que j'ai converti à cette alimentation. De son coté il a réussi à me faire voir certaines incohérence du discours féministe tm et j'ai changé mon fusil d'épaule. C'est un bon allié on a contribué l'un l'autre à nous améliorer.Le féminisme et le végétalisme (on est en cours vers le véganisme mais je n'y suis pas à 100% pour le moment) ont donc été logiquement complémentaires pour moi.
Tu précises dans ta présentation que tu es cis, blanche et hétéro, pourquoi est-ce important pour toi de préciser tout cela ?
Alors j'ai pris conscience (par le biais de groupes facebook militants mais aussi grâce à l'influence de mon copain, hétéro blanc cis lui aussi mais qui a beaucoup fréquenté les LGBT++) que toutes ces caractéristiques font que je ne subis pas un certain nombre d'oppressions systémiques (on parle d'oppressions systémique quand quelqu'un subit une discrimination qui est régulière et qui est entretenue par tout une société : média/gouvernement etc...).
Comme je suis blanche je ne vais pas avoir à batailler pour me loger/trouver du boulot (ou en tous cas je bataillerai moins, et les refus que j'essuierai, j'aurai la certitude qu'ils ne sont pas dus à ma couleur de peau). Comme je suis cis (c'est à dire qu'à la naissance le corps médical a dit que j'étais une fille et que coup de bol, je me sens être une fille) je n'ai pas à subir la transphobie je n'aurai pas à affronter des médecins qui seront persuadés de savoir mieux que moi qui je suis/ce que je veux/ce qui est bon pour moi. Je n'aurai jamais à affronter des gens qui me diront "ah mais tu es un mec en fait/une fille en fait?" "mais c'est quoi ton vrai prénom ?" "t'as quoi entre les jambes" et autant de questions indiscrètes, oppressives et violentes.Comme je suis hétéro : je n'aurai pas à subir de lesbophobie (la lesbophobie c'est le mix de sexisme ET d'homophobie que les lesbiennes affrontent). Personne ne viendra me coller une droite parce que je donne la main à mon petit ami dans la rue. Je n'aurai pas à affronter des silences gênés au repas de famille quand je le présenterai à mes parents. Je ne risque pas de perdre des amis en faisant un coming-out. Je n'ai pas à subir un tas d'autres oppressions systémiques : je ne suis pas handicapée, je ne subis pas de validisme, je ne me prostitue pas, je ne subis pas de putophobie, j'ai plutôt la ligne : je ne subis pas de grossophobie, j'ai eu la chance de faire des études supérieures et de travailler : je ne suis pas victime de classisme... Pour résumer : j'ai toutes les caractéristiques qui sont réclamées par la société pour être l'individu idéal, sauf que je suis jeune, et que je suis une femme.The post Interview de féministe #1 : Nasham appeared first on Crêpe Georgette.
Le cinéma les Carmes vous offre une soirée qui s'annonce inoubliable : la projection du film Much Loved sera suivie d'un échange avec l'actrice principale, Loubna Abidar, qui s'exprimera sur la condition des femmes marocaines, la prostitution et les violences, mais aussi la liberté et la révolte... Avec la participation de la délégation du Mouvement du Nid du Loire et Zeromacho.
Much Loved, un film de Nabil Ayouch présenté à la Quinzaine des réalisateurs (Cannes 2015)
En version originale sous-titrée.
Vendredi 11 septembre 2015 à 19h30 _Au Cinéma Les Carmes
7 rue des Carmes à Orléans
Pour les tarifs et l'accès, rendez-vous sur le site du cinéma.
Notre délégation tiendra un stand et sera ravie de s'entretenir avec vous ! Prochainement, dans notre revue Prostitution et Société, nous vous parlerons plus longuement du film bouleversant de Nabil Ayouch.
Pour nous aider à soutenir les personnes en situation de prostitution et financer nos actions, venez chiner à la braderie solidaire du Nid du Haut-Rhin !
Pour la deuxième année consécutive, le Mouvement du Nid du Haut-Rhin organise un marché aux puces à Mulhouse le 6 septembre rues Wilson et Déroulède, dès 8 heures du matin !
Nous vous invitons à nous soutenir en prenant un stand ou en venant chiner mais aussi pour vous promener, manger, boire, échanger avec nous ou avec des personnes de tous horizons.
Nus réalisons cette manifestation pour financer des actions en direction des personnes que nous rencontrons et accompagnons dans le cadre de nos missions. Nous comptons sur votre présence, et pour faire circuler l'information !
Dimanche 6 septembre, cette nouvelle édition de la journée des Associations s'installe dans le superbe Parc Borély. Venez rencontrer l'équipe du Mouvement du Nid des Bouches-du-Rhône et 400 autres acteurs de la vie associative, culturelle et sportive.
Pour toute information, rendez-vous sur le site de la Cité des Associations.
Dimanche 6 septembre
De 10h à 19h
Parc Borély
C'est l'occasion idéale de prendre un premier contact avec nos militantEs, qui seront ravis d'échanger avec vous et vous présenter leurs actions.
Alors que le parlement français est en cours d'adoption d'un nouveau cadre législatif visant à lutter de manière efficace contre le système prostitutionnel, M. Philippe Saurel, Maire de Montpellier, Président de Montpellier Méditerranée Métropole et candidat aux élections régionales, vient d'annoncer un futur arrêté destiné à limiter les troubles liés à la prostitution.
Si nous pouvons entendre les soucis des riverains, souvent avancés pour justifier ce genre d'arrêté (entendre bruit de voitures et préservatifs usagés), nous ne pouvons nous empêcher de rétorquer que ceux-ci sont généralement causés par les clients prostitueurs.
De plus, ces nuisances ne peuvent égaler l'indignation que doit susciter l'esclavage sexuel que subissent ces femmes nigérianes, roumaines, bulgares et françaises victimes pour la plupart de proxénétisme et de traite des êtres humains.
Face à cette prostitution de rue bien connue des Montpelliérains, la réponse facile, celle que Monsieur Saurel semble choisir, consiste à éloigner le problème. Nettoyer le paysage (et c'est bien de cela qu'il s'agit) réduirait certainement localement pour une période les troubles à l'ordre public mais aggraveraient les conditions déjà difficiles des personnes prostituées :
L'arrêté anti-prostitution n'est en réalité qu'une pâle copie du délit de racolage, qui n'a pas permis en 10 ans de lutter concrètement contre le développement de la prostitution dans les rues de notre ville.
De nombreuses collectivités s'engagent dans des campagnes visant à dissuader le clientélisme et placent toute leur énergie dans la lutte contre le proxénétisme. Monsieur Saurel, pourquoi ne pas utiliser les effectifs que vous comptez mettre en place contre les troubles liées à la prostitution pour la lutte contre le proxénétisme et le clientélisme ?
Si nous réalisions un micro-trottoir dans la rue à propos du viol, les mots ne seraient pas assez forts pour en parler. On nous évoquerait ce "crime abominable", qui "détruit la vie des femmes" et dont "elles ne peuvent jamais se remettre". Le violeur serait qualifié de "monstre", de "salopard", "d'être inhumain", qu'il faut "enfermer à vie", voire "tuer" ou "castrer". Si nous parlions de viol sur des mineur-es de moins de 15 ans, les réactions seraient encore plus violentes et virulentes.
Si nous interrogions ensuite sur les gens sur ce qu'est pour eux un viol, la définition serait sans doute la suivante : "une jeune femme court-vêtue rentrant chez elle tard le soir, violée par un inconnu armé d'un couteau". Nous savons que ces représentations sont fausses mais elles ont profondément ancré nos esprits et il est extrêmement difficile de se sortir de l'esprit cette image pour se rappeler que le viol a davantage lieu dans un lieu privé et par une connaissance. Pourtant nous sommes à peu près toutes et toutes convaincues, que si nous ne condamnons pas tous les viols, nous condamnons les plus terribles, les plus violents, les plus atroces.
Lydia Gouardo est née en 1962. Son père légitime Raymond Gouardo la viole entre 1971 et 1999, date à laquelle il meurt. Elle fera plusieurs fugues, tentant de chercher secours auprès de différents services sociaux ou de la gendarmerie. Elle sera toujours renvoyée chez son père. Elle aura six enfants de ses viols ; elle écrit en 2008 un livre Le silence des autres et en 2014, Léonore Le Caisne, ethnologue au CNRS, publie Un inceste ordinaire. Et pourtant tout le monde savait.
Dans la cité où vivait cette famille, les enquêtes ont montré que beaucoup de gens savaient.
Les extraits qui suivent sont extraits de l'article de Léonore le Caisne, paru dans la revue Ethnologie française.
- "Ben évidemment ! s’écrie ainsi l’ancienne secrétaire de mairie. Quand on dit dans les journaux que tout le monde savait et que personne n’a rien fait, tout le monde savait, c’est vrai… Tout le monde savait que les enfants, c’était de son père !"
- "Y a que les anciens, qui savent !, lance un agriculteur. C’est vraiment des vieilles souches qui sont d’ici. Puis après y en a qui sont parties et qui sont revenues, mais… Mais vraiment qui ont connu l’histoire du pays…"
- "Bah on le voyait bien, y a personne d’autre qui venait, quand même ! Y a personne d’autre qui venait, parce que personne n’avait le droit de rentrer. Y avait jamais un mec qui rentrait la‑dedans."
- "On disait que c’était lui le père. Mais vous savez, les bruits… Moi, au début, je disais : « Non », puis après, à force de la voir enceinte, tous les enfants se ressemblaient, et elle n’avait pas de mec, alors… [rires]"
- "Nous, si vous voulez, on l’a su par des rumeurs. Comme on allait faire nos courses à Super M., et bon, c’est vrai que quand on rentrait à Super M. et qu’il était devant nous, les filles qui étaient à la caisse, elles disaient entre elles : « Tiens, c’est lui qui fait les gosses à sa fille ! » Et nous, c’est comme ça qu’on l’a su."
Si nous interrogions des gens au sujet d'un homme qui viole sa propre fille pendant des dizaines d'années et la met enceinte un grand nombre de fois, aucun mot ne serait pas assez dur pour le qualifier. Sans aucun doute certains arriveraient à se demander pourquoi elle est restée en ignorant les phénomènes d'emprise, la séquestration, la torture subie par cette jeune femme - en plus des viols - mais chacun s'accorderait à reconnaître que ce père est définitivement un monstre à enfermer. Dans les faits, cela n'est pas ce qu'il s'est passé. Les institutions savaient. Les voisins savaient. L'école savait, les gendarmes savaient, les médecins qui ont examiné ses blessures savaient, les éducateurs savaient, tout le monde savait. La tentation serait évidemment grande de se dire que cela ne se passerait pas comme ca "ailleurs", que là-bas c'étaient des "paysans", des "arriérés" mais que nous au moins on aurait agi différemment. Et pourtant les faits sont têtus ; des gens, sans aucun doute très semblables à nous, ni pires ni meilleurs que nous, se sont tus devant ce qui était un viol incestueux se déroulant quasiment sous leurs yeux. Pire ils en ont ri, pire ils ont fait des commérages, pire ils ont opéré des constructions mentales entre ceux qui savent "les vrais habitants, les anciens" et ceux qui ne savent pas "les nouveaux". Dans notre culture pourtant, comme dans bien d'autres, l'inceste - surtout entre parent et enfant - est dénoncé comme un tabou absolu, comme l'horreur ultime. Mais la réalité est têtue face aux objections de façade ; tout un pan de notre société n'a pas agi pour mettre immédiatement fin aux viols commis par cet homme. Cet homme a pu violer, séquestrer et torturer sa fille très longtemps et beaucoup de gens lui ont trouvé des excuses en expliquant par exemple que "Il avait sa personnalité un peu dure, mais j’aime bien les gens comme ça. Bon, il était peut‑être dur avec elle, mais faudrait voir comment elle était aussi. Les maillots, les décolletés, pour quelqu’un qui était si maltraité… Faut faire la part des choses. Ça se trouve, c’est peut‑être une fille qui voulait ce qu’elle voulait…" Même dans un cas donc d'inceste sur des dizaines d'années, il faut encore atténuer l'horreur des faits et encore excuser.
En 1977, Roman Polanski est arrêté ; il aurait mis de la drogue dans du champagne qu'il aurait fait boire à une adolescente de 13 ans, Samantha Geiner . Il l'aurait ensuite violée, bucalement, vaginalement et analement. Au terme de la procédure, il sera finalement accusé de relations sexuelles illégales avec une mineure ; il fuira les Etats-Unis pendant sa libération sous caution et ne sera jamais jugé pour ses crimes. Alain Finkelkraut écrivait "ce n'était pas une fillette, une petite fille, une enfant, au moment des faits" ; doit-on en conclure que ce genre de comportements aurait été acceptable avec quelqu'un qui n'était pas une fillette ? Et Costa Gavras de dire "elle en faisait 25" ; là encore on peut se demander s'il serait alors licite selon lui de violer une femme de 25 ans. Lorsque Polanski a été arrêté en Suisse, une pétition comportant des dizaines de signatures a demandé sa libération. Polanski est régulièrement reçu à Paris, on lui donne des prix, il est interviewé et donne son avis sur tout et rien. Il ne s'agit pas évidemment de se dire qu'on devrait enfermer Polanski à vie pour des actes commis il y a 40 ans. Il s'agit plus simplement de remarquer le gap entre ce que nous pensons du viol de mineure de moins de 15 ans et nos réactions lorsque de tels actes sont commis. Si nous interrogions les gens sur l'idée qu'un adulte puisse droguer une mineure de moins de 15 ans pour la sodomiser, là encore, les mots seraient sévères ; on parlerait de l'envoyer en prison, sans nul doute certains souhaiteraient qu'il lui arrive la même chose. Rien de tout cela ne s'est passé ici. Polanski a fui, il a échappé à la justice et collectivement nous montrons que cela n'est pas très grave puisque nous continuons à lui donner des prix, à le féliciter pour ses films ou à l'interviewer. Pire nous cherchons des excuses à son comportement en blâmant sa victime, la mère ou l'époque sans jamais nous demander pourquoi tout d'un coup nous sommes si timorés. Nous serions furieux qu'on ose nous dire que nous excusons le viol d'adolescentes droguées mais pourtant quel signe a renvoyé la société française face à ce viol ? A quel moment avons-nous par exemple collectivement dit que même si nous pouvons apprécier le travail de Polanski, nous condamnons sans aucune équivoque ce qu'il a commis ?
2014-2015. Des soldats de l'ONU - dont des français - sont accusés d'avoir violé des enfants entre 8 et 15 ans en Centrafrique : l'affaire est révélée par la transmission d'un rapport confidentiel de l'ONU. Pendant un an, l'ONU et l'UNICEF ont mené des entretiens avec les enfants faisant état de violences sexuelles. Ces entretiens n'ont pas déclenché d'enquête, ni amené qui que ce soit à offrir protection ou aides aux enfants concernés. L'un des enfants interrogés révélait ainsi continuer à être violé alors que l'enquête de l'ONU avait - normalement - commencé.
Paula Donovan, co-directrice du groupe Aids Free World déclare "The UN’s instinctive response to sexual violence in its ranks – ignore, deny, cover up, dissemble – must be subjected to a truly independent commission of inquiry with total access, top to bottom, and full subpoena power". ("La réaction instinctive de l’ONU aux violences sexuelles commises dans ses rangs – consistant à ignorer, nier, dissimuler puis feindre – doit faire l’objet d’une commission d’enquête véritablement indépendante, disposant d’un accès illimité, à tous les échelons, ainsi que d’un pouvoir complet d’assignation.")
Deux soldats français ont été suspendus par l'armée française pour le viol d'une enfant de 5 ans au Burkina Faso. Ils n'ont pas pour autant été arrêtés. Alors qu'il y avait un rapport sur ce viol l'ONU avait négligé d'en prévenir l'armée française. Il y a quelques jours, Amnesty international a demandé l'ouverture d'une enquête pour des homicides et un viol commis par les casques bleus à Bangui. Comme le souligne Lauren Wolfe, l'allégation de viol n'est pas prise au sérieux. Roméo Dallaire, chef de la mission de maintien de la paix au Rwanda durant le génocide de 1994 parle quant à lui d'une culture du silence quant aux exactions commises par les casques bleus.
Imaginons-nous, nous interroger sur le viol d'enfants de 5 ans par des militaires armés, chargés d'assurer leur protection. Demandons-nous quelles seraient nos réactions face à de tels actes ; on imaginerait des marches blanches et des appels au lynchage et des déclarations de principes la main sur le cœur. Et pourtant beaucoup de rapports nous montrent que l'ONU n'intervient pas pour enquêter face à ces abus. De très nombreuses réactions sur les réseaux sociaux - trop nombreuses pour qu'on puisse les éluder - justifiaient l'existence de ces viols par la "situation de stress très dure vécue par les soldats" (on imagine que les réfugiés, eux, ont des conditions de vie tranquilles). D'autres expliquaient encore que les africains mentent et inventent des choses afin d'extorquer de l'argent aux blancs. Encore une fois, la réalité des faits se heurte à nos représentations mentales. Dans notre esprit, nous sommes totalement choqués par la pédocriminalité et nous serions outrés qu'on puisse penser le contraire. Dans la réalité, le sort d'enfants africains noirs nous est complètement indifférent. Dans nos rêves les plus fous de pourfendeurs du viol, le viol d'un enfant doit être puni ; dans la réalité le viol d'un enfant de 5 ans qui a été filmé entraine pour l'instant la simple suspension des soldats et de vagues déclarations de principe de Ban Ki-Moon.
Nous pourrions multiplier les exemples. Nous pourrions évoquer des dizaines d'exemples où les faits correspondent exactement à nos représentations mentales du viol.
Nous savions déjà que les viols les plus communs, les plus courants ne sont que peu condamnés, tant par la justice que socialement. Nous savions qu'être violée par une connaissance ne fait pas de vous une "bonne victime de viol" car dans nos représentations mentales le viol ne ressemble pas à ce genre d'actes. Mais nous nous pensions impitoyables face à ce que nous appelons parfois "de vrais vols" ; les viols sur mineurs, la pédocriminalité, les viols sous la menace d'une arme ou les incestes.
Nous nous pensions impitoyables face aux viols d'enfants par des hommes lourdement armés. Nous nous pensions impitoyables face au viol d'une fille par son père sur une dizaine d'années. Nous nous disions fermement que droguer une adolescente pour la violer était un comportement extrêmement répréhensible.
Il n'en est rien. Ces exemples, qu'on pourrait multiplier à l'infini montre combien collectivement nous sommes au fond très tolérants face aux violences sexuelles. Nous trouverons toujours des excuses aux violeurs et toujours des responsabilités aux victimes quelle que soit la gravité du viol. Il serait aisé de se dire que nous ne sommes pas concernés ; que ce sont d'autres gens qui pensent ainsi mais que nous, nous les condamnons. Mais si tous et toutes nous réagissons ainsi, si tous et toutes nous continuons à nous dire que l'impunité face aux violences sexuelles n'existe pas, qu'il n'existe pas de culture du viol alors les viols continueront dans la plus grande indifférence. Nous avons beau jeu de condamner les viols commis par l'Etat islamique, nos mots ne sont pas assez forts pour dénoncer ces "barbares" qu"'il faudrait "exécuter". Mais pourquoi nos perceptions changent-elles quand nous sommes concernés ? Pourquoi ne sommes nous pas aussi prompts à juger lorsque des cas fort similaires arrivent en Occident ? La vérité - aussi culpabilisante soit-elle - est que les violences sexuelles ne sont pas vraiment un problème pour nous. La vérité est que nous nous en accommoderons toujours, quitte à distordre la vérité dans tous les sens. Les positions de principe, à agiter les bras en tout sens en hurlant que le viol c'est mal, ont fait long feu.
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Avant même leur naissance, on prépare les futurs hommes et femmes à des rôles genrés. Dés la vision échographique d'un pénis - ou d'une absence de pénis - , on imagine un prénom sexué, on achète jouets et vêtements qui le sont tout autant et on peint la chambre en fonction du genre qu'on souhaite pour son enfant. Dés lors, hommes et femmes sont préparés à leur future fonction dans la société et l'on se comporte différemment selon le genre de l'enfant ce qui façonne sans nul doute des façons différentes d'être au monde. Ainsi par exemple, les bébés filles sont nourries moins rapidement et moins longtemps, on n'attend pas les mêmes qualités d'elles que des garçons et l'on n'interprète pas de la même façon ce qu'elles expriment. En crèche on va encourager la créativité des garçons et pousser les filles à adopter des comportements "comme maman".
"Généralement, et même dans les milieux féministes, l’idéologie de l’égalité – et ici j’entends la croyance que sauf exception volontaire et consciente, filles et garçons sont élevées de la même manière – empêche de voir à quel point une identité de genre est injectée dans les personnes dès leur naissance. Cette identité de genre n’est pas uniforme selon les milieux, les pays, les régions, les classes sociales : mais elle possède un large substrat commun, celui qui spécifie les aptitudes, les qualités, les attentes et les devoirs de chaque sexe. L’identité de genre, administrée très tôt au nourrisson, n’est pas distinguable de l’identité personnelle : “ je suis une fille ” et “ je suis moi ” ne sont pas deux consciences différentes ; le genre n’est pas un attribut surajouté à une conscience de soi préexistante, mais forme l’armature, le cadre même de cette conscience de soi.
La division du travail selon les sexes n’est pas non plus un apprentissage qui viendrait tardivement – elle est consubstantielle aux “ qualités ” et “ traits ” féminins ou masculins. Il n’est pas “ naturel ” pour un homme de faire certaines choses ou de souhaiter les faire. Un petit garçon qui ne veut pas ranger sa chambre est considéré avec indulgence, de même qu’une petite fille qui ne veut pas se salir les mains avec du cambouis. Le traitement “ égalitaire ” est appliqué, quand il l’est, par-dessus, et sans remettre en cause, ce substrat considéré comme naturel." Christine Delphy, Les causes de l'inertie.
Les futures femmes sont ainsi préparées et façonnées pour deux rôles essentiels :
- être belles pour trouver un époux.
- se préparer à être de bonnes mères et de bonnes épouses.
Il serait illusoire de penser que "les choses ont changé". On ne demande plus à une femme d'être une bonne mère de la même façon qu'on lui demandait en 1950 mais cela reste une injonction extrêmement forte ; entre les tenants de l'allaitement ou du non-allaitement, du cododo, du portage, du congé maternité ou de la reprise immédiate du travail.
L'immense différence entre les rôles sociaux des hommes et des femmes est que ceux des hommes sont profondément valorisés et enviables. On éduque les garçons à être compétitifs, à être raisonnablement agressifs, qualités nécessaires pour être un homme et pour réussir dans la vie (et non pour réussir sa vie d'homme la nuance est importante). Une femme réussit sa vie de femme, un homme réussit sa vie.
Les femmes sont éduquées à être douces, sensibles, maternelles et à s'occuper des autres. Ces qualités ne sont pas valorisées bien au contraire mais elles restent indissociables de ce que doit être et faire une femme.
Pire on part du principe que le futur rôle essentiel d'une femme - être mère - ne s'apprend pas. Il serait inné, viendrait des gènes ou des hormones, de l'instinct ou des tripes mais il ne nécessiterait aucune compétence, aucun savoir-faire, aucune acquisition de compétence. Il faut être une bonne mère, une bonne éleveuse d'enfant, une bonne éducatrice mais cela ne nécessite aucun apprentissage. On l'a en soi. C'est un fonctionnement assez pervers ; cela permet de ne jamais complimenter les femmes qui élèvent des enfants et y arrivent (si tant est que ce mot veut dire quelque chose) et d'humilier celles qui ont des difficultés en remettant en cause non seulement leur faculté à élever des enfants mais leur être tout entier ; faut-il être une femme ratée pour ne pas savoir s'occuper des enfants ! Beaucoup de femmes à la naissance de leurs enfants se sentent démunies, mais elles n'ont pas le sentiment que c'est là quelque chose de tout à fait normal, comme on serait tous et toutes perdu devant une toute nouvelle tâche à accomplir. Elles se remettent en cause puis collectent des informations, se forment, apprennent par des livres, internet ou d'autres femmes. Mais elles n'ont souvent pas l'impression d'être en train d'apprendre et d'acquérir une nouvelle compétence comme on apprendrait une langue étrangère, non elles rattrapent un manque, quelque chose qui leur a fait défaut, ce fameux don qui ne leur a pas été donné ; l'instinct maternel.
Cette naturalité des femmes qui leur fait posséder des savoirs par instinct et non par formation ou par apprentissage est encore davantage perçue chez les femmes racisées qui sont, elles, non plus "seulement" naturalisées, mais surtout animalisées. Les femmes racisées - et en particulier les femmes noires - seraient dotées de cet instinct leur permettant d'éduquer et d'aimer n'importe quel enfant. Ce stéréotype de la mammy - sorte de mère éternelle - a été popularisé lors des périodes esclavagistes afin de justifier la mise en esclavage des femmes noires pour que certaines d'entre elles s'occupent des enfants blancs des esclavagistes. Les réflexions justifiant l'esclavage tendent toujours à trouver des raisons logiques à la mise en esclavage ; elles montrent les noir-es proches des animaux qui sont, dans l'idée populaire de bonnes mères. Les femmes noires seraient donc comme les femelles animaux de bonnes mères à qui on peut confier n'importe quel enfant, elles adoreront s'en occuper - fut-ce gratuitement et sous la contrainte. Cette idée perdure encore aujourd'hui ; il suffit d'étudier - aux Etats-Unis puisqu'en France cela est impossible - la représentation ethnique chez les nourrices pour voir combien ces représentations persistent. Cette croyance raciste et sexiste permet de considérer qu' il n'est nul besoin de considérer que vous avez une formation qualifiante et de vous payer en conséquence puisque vous ne faites qu'après tout exploiter des dons naturels.
"Enfin, l'intuition (si spécifiquement «féminine») classe les femmes comme l'expression des mouvements d'une pure matière. D'après cette notion les femmes savent ce qu'elles savent sans raisons. Les femmes n'ont pas à comprendre, puisqu'elles savent. Et ce qu'elles savent elles y parviennent sans comprendre et sans mettre en oeuvre la raison : ce savoir est chez elles une propriété directe de la matière dont elles sont faites." Colette Guillaumin, Pratique du pouvoir et idée de Nature (2) Le discours de la Nature
Les femmes sont encore en immense partie en charge de l'élevage des enfants - et souvent de leur éducation ; cette tâche ô combien compliquée et prenante n'est jamais valorisée et toujours naturalisée c'est à dire que les femmes n'ont aucun mérite à l'accomplir puisqu'elles savent naturellement le faire. Un homme en revanche accomplit quelque prodige en le faisant puisqu'il n'a pas ce petit supplément hormonal lui permettant de le faire ; lui a du apprendre, lui a du sacrifier de précieuses heures à se former. A partir de là, les choses sont simples ; le temps consacré à l'élevage des enfants ne compte pas, après tout les femmes aiment la chair de leur chair et doivent s'en occuper, les longues heures passées à comprendre pourquoi il pleure/pourquoi il ne dort pas/pourquoi il ne mange pas ne comptent pas, après tout leur instinct maternel va leur donner la bonne réponse et si elles ne l'ont pas c'est que quelque chose chez elle ne va pas.
"Par ailleurs, devenir mère est un élément déterminant de statut social, de respect par son entourage, pour une femme ; mais cet avantage est mitigé par le soupçon qui pèse sans cesse sur elle qu’elle ne mérite pas son statut, qu’elle n’est pas une assez bonne mère. Une pression constante venant tant de l’entourage proche et lointain, des services sociaux, que de l’Etat, s’exerce sur les femmes à cet égard. Elles n’ont en conséquence pas vraiment de moyens de faire à leur tour pression sur leur conjoint pour qu’il accomplisse sa part, car cela est interprété comme le souhait de se “ désengager ” des soins à l’enfant, et la preuve qu’elles ne sont pas de bonnes mères." Christine Delphy, Les causes de l'inertie.
Les choses ne changent guère en ce qui concernent les tâches ménagères qui, de façon écrasante sont encore faites par les femmes. Il est entendu par tous et toutes qu'il ne faut pas mettre en œuvre beaucoup d'intelligence ou de qualités pour les accomplir. Cela vient tout seul, c'est logique. En y réfléchissant un peu, on se rend bien compte qu'il faut bien savoir quel linge utiliser pour faire les vitres, quel mouvement opérer, quelle force avoir. Il faut connaitre la matière du tissu que l'on doit repasser, choisir la bonne température pour le fer et faire le bon mouvement afin de ne pas créer de faux plis. Les expertes savent les tissus les plus compliqués, les sols les plus difficiles. Mais là encore on juge toutes ces tâches bien inintéressantes, non qualifiantes et non intéressantes (et réservées aux femmes racisées lorsqu'on paie chichement quelqu'un pour les faire).
Le bricolage - tâche traditionnellement masculine (même si les choses sont en train de changer, les femmes s'occupent désormais aussi du bricolage quelle chance ont-elles décidément) - est censée nécessiter un lourd apprentissage, une technicité importante et des outils onéreux. Même si l'on peut s'accorder pour dire que planter un clou ne requiert pas plus de technicité que laver une assiette, ces deux tâches ne sont pas vues comme d'un même niveau de compétence. Là où les appareils ménagers facilitent le travail des femmes, les outils sont indispensables au travail de l'homme qui a besoin d'outils complexes et chers pour les réaliser. Là encore une tâche traditionnellement réservée aux femmes, le ménage, se révèle être considérée comme sale, évidente, inintéressante et sans attrait aucun.
Les femmes ont enfin le devoir d'être belles ou au moins d'essayer.
Que n'entendrait-elle celle qui ne fait "même pas" l'effort d'ailleurs ? Dés leur naissances, les femmes subissent donc un flot d'injonctions comme l'ont montré, entre autres, Faludi, Chollet et Wolf.
Il faut être belle ou essayer de l'être ; peu importe que cela coûte du temps, de l'argent et de la mésestime de soi. Les femmes subissent à longueur de journée des injonctions les poussant à être belles ; la beauté en général représentée par une très jeune femme mince, blonde et blanche, objectif inatteignable par beaucoup d'entre elles.
Les femmes sont donc enjointes à s "s'occuper d'elles", merveilleuse expression leur donnant l'impression qu'elles se consacrent du temps, qu'elles prennent du temps pour elles.
Cette injonction capitale qui marque la vie de toutes les femmes n'est pour autant pas valorisée ; on ne va pas complimenter la femme qui a passé deux heures à se coiffer et se maquiller. Bien au contraire, les femmes sont censées taire les efforts qu'elles font et faire comme si les cils leur venaient naturellement longs, la bouche naturellement rouge et les jambes naturellement glabres. Le summum étant atteint avec l'expression "nude" ; vous pensiez bêtement que le nude était le fait de ne pas se maquiller ? Le nude consiste à se maquiller et à ne pas avoir l'air maquillé. Voici ce qu'en dit le magazine Cosmopolitan : "Contrairement à ce que l'on pourrait penser, afficher un joli maquillage naturel nécessite un bon coup de main. Ou plutôt de pinceaux. Alors si vous êtes une adepte du make-up naturel et que vous voulez être belle sans être trop maquillée : Cosmo vous propose ses astuces pour un maquillage nude et discret, parfaitement maitrisé. C'est parti pour un coaching afin de réaliser un maquillage naturel pour révéler toute votre beauté." Imaginez-vous fournir un travail quelconque, peu importe lequel, qui vous a coûté du temps, de l'argent, pour lequel vous avez du vous former de longues heures et dont personne ne verra le résultat, chacun pensant que vous n'avez pas travaillé. C'est le principe du maquillage nude. Le dicton "sois belle et tais toi" prend alors une autre signification "tais toi de te faire belle".
Cette injonction à laquelle les femmes peuvent difficilement échapper est aussi décrite comme futile, ridicule, réservée aux femmes bêtes, aux bimbos, aux connes.
Les efforts qu'on nous demande de faire pour être belles là aussi sont copieusement moqués et décriés. Les blogueuses beauté ou mode sont depuis bientôt dix ans la risée de ce microcosme qu'on appelle la blogosphère. Là où on pourrait admirer la technicité de certaines qui savent transformer un visage, comprendre les ombres et travailler des matières, on préfère les juger comme futiles et bêtes.
Là encore une tâche que doivent accomplir les femmes est vue comme bêtifiante, non qualifiante, futile et inintéressante ; pour autant les femmes sont sommées de s'y intéresser.
Les trois principales tâches auxquelles les femmes sont censées s'adonner sont toutes unanimement décriées et déqualifiées. Elles ne permettent pas de réussir dans la vie, ni de gagner de l'argent (on constate que toutes ces tâches ne sont pas rétribuées), ni d'avoir la considération de ses pairs. Dans ce contexte-là, comment une femme pourrait-elle ne pas être misogyne ? Les hommes pensent toujours faire découvrir l'eau chaude aux féministes lorsqu'ils expliquent l'air grave que les femmes sont aussi misogynes. On apprend aux hommes et aux femmes depuis leur naissance qu'une femme vaut moins qu'un homme, que ses loisirs sont moins intéressants, ses aspirations moins passionnantes et toujours plus futiles et les femmes, avec tout cela, sont misogynes ? Mais c'est une vraie surprise ! Les loisirs dit féminins seront toujours eux aussi vus comme une extension des travaux ménagers et on regardera avec une sorte de commisération semi amusée, les brodeuses, les tricoteuses ou les crocheteuses. Le travail réservé aux femmes ne vaut rien et puis de toutes façons il n'a aucune valeur pécuniaire dans la sphère domestique et guère plus dans le monde du travail et l'on attend bien des femmes qu'elles fassent ces tâches-là tout en leur expliquant que ce sont des tâches inintéressantes ; au vu du nombre d'heures consacrées au ménage ou à l'élevage des enfants, c'est qu'il faudra bien finir par considérer que les femmes sont détestées pour qu'on leur confie sans aucune espèce de culpabilité des tâches que tout le monde s'accorde à trouver nulles.
Ce qui est étonnant c'est que les femmes ne se haïssent pas davantage dans ce monde-là et tentent au contraire de se réapproprier certaines des tâches décrites.
Ne nous y trompons pas. La misogynie intégrée ne sera jamais ce qu'est la misogynie masculine. Lorsqu'une femme fait preuve de misogynie, elle fait mal au groupe des femmes auquel elle appartient. Traiter par exemple une autre femme de pute est un comportement qu'on doit évidemment amender mais il peut s'entendre dans un contexte où traiter les autres femmes de pute est avant tout une stratégie pour éviter d'en être traitée soi même. Moquer les loisirs féminins d'autres femmes est aussi une stratégie pour montrer qu'on n'est pas "comme ca" et espérer gagner un peu de tranquillité de la part des hommes. Un homme qui est misogyne ne se fait aucun mal, pas plus qu'au groupe auquel il appartient. Il insulte, humilie et détruit la confiance en elles et la sécurité des femmes au bénéfice de son propre groupe.
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Amnesty International appelle à la décriminalisation de la prostitution Lorraine Questiaux, avocate et chargée de mission aux Affaires juridiques du Mouvement du Nid, et Catherine Gaudard, directrice du pôle action d'Amnesty France, était les invitées de BFM Story, le mercredi 12 août 2015. Elles ont débattu sur la proposition faite par Amnesty International de décriminaliser totalement la prostitution. Selon Catherine Gaudard, le but de cette résolution n'est pas d'arrêter de poursuivre les proxénètes, mais de défendre les droits des personnes prostituées.
Il ne peut y avoir d'amnistie pour un être humain achetant un autre être humain, même pour quelques heures. Il ne peut y avoir d'amnistie pour les clients de la prostitution, même si la personne prostituée l'est par « choix ». Comme de nombreuses sections nationales d'Amnesty International, nous nous opposons donc au projet de politique libérale proxénète défendu par leur siège.
Le conseil international d'Amnesty International qui se tient du 7 au 11 août 2015 à Dublin propose à ses sections nationales du monde entier de se prononcer sur un texte en faveur de la dépénalisation du travail du sexe. Cette politique pro-prostitution signifie non seulement le maintien de l'impunité des acheteurs du sexe, mais aussi la dépénalisation des proxénètes. Légaliser la prostitution et dépénaliser le proxénétisme, c'est renforcer la traite et l'esclavagisme sexuel.
La légalisation ou la décriminalisation de la prostitution est un outil de légitimation pour l'industrie du sexe. Si les juristes d'Amnesty International proposent de dépénaliser les personnes prostituées, ce que nous saluons, ils militent dans le même temps pour des politiques de dépénalisation du proxénétisme « non coercitif » et de légitimation des consommateurs, telles que mises en œuvre dès 2000, en Allemagne et aux Pays-Bas, avec les résultats que l'on connaît désormais : la police néerlandaise dit publiquement depuis 2010 que la législation n'a profité qu'aux proxénètes, tandis que les personnes prostituées sont toujours recrutées parmi les groupes les plus discriminés et sont toujours contraintes à la prostitution. En Allemagne, le constat établi n'est pas plus réjouissant. En mai 2013, Der Spiegel consacrait un dossier entier à « L'Allemagne-bordel », sous-titré « Comment l'Etat a promu la traite des femmes ». Depuis, Europol a rappelé au Parlement européen que la traite des êtres humains augmentait particulièrement dans les Etats ayant légalisé la prostitution et dépénalisé le proxénétisme. Cette analyse est confirmée par la recherche « Does Legalized Prostitution Increase Human Trafficking ? » que trois économistes européens ont menée sur 150 pays.
Non à la politique ultralibérale et patriarcale promue par les juristes d'Amnesty International. Le système prostitutionnel représente un aspect de la domination masculine dans sa forme pure. Le client achète une marchandise, la prostituée, qui devient son instrument de plaisir. Dans ce rapport de domination, l'homme détient tous les pouvoirs : le sexe et l'argent.
En militant pour la non-pénalisation des acheteurs de sexe, le siège d'Amnesty plaide pour le maintien d'une longue tradition patriarcale de mise à disposition du corps des femmes au profit des hommes et de leurs prétendus « besoins sexuels irrépressibles ». Pour justifier cette politique, Amnesty prend soin de redéfinir le sujet en qualifiant la prostitution de « travail du sexe » et la définissant comme un « accord contractuel par lequel des services sexuels sont négociés entre adultes consentants ». Mais il s'agit en réalité d'entériner une politique en faveur de l'esclavage sexuel, la traite, les camps de dressage, les tortures, les actes de barbarie, les mauvais traitements, les assassinats, les viols… qui sont le « lot » du système prostitutionnel.
Amnesty International, ONG de défense des droits humains, trahirait sa vocation en faisant le choix d'apporter son soutien aux esclavagistes modernes de l'industrie du sexe.
L'idée de l'abolition de la prostitution est apparue au XIXe siècle avec la lutte pour l'abolition de l'esclavage. Des humanistes comme Victor Hugo, Jean Jaurès, Victor Schoelcher ont développé l'idée de combattre la prostitution en tant que forme d'esclavage. Pourquoi Amesty International, ONG de défense des droits humains, ne se positionnerait pas contre cet esclavage comme le font les sections nationales d'Amnesty France et Suède qui souhaitent défendre les personnes prostituées, et qui s'opposent à l'impunité des proxénètes et des acheteurs de sexe.
Nous continuerons de notre côté à plaider pour la dépénalisation des personnes prostituées et la mise en place d'alternatives réelles à la prostitution, ainsi que pour la condamnation du proxénétisme et de l'achat d'un acte sexuel. Car nous militons pour une sexualité égalitaire et libérée de toutes les violences, discriminations et injonctions, qu'elles soient morales, physiques, psychologiques ou économiques.
La prostitution n'est pas le plus vieux métier du monde mais la plus ancienne forme d'oppression !
Ce texte est à l'initiative du mouvement Femen, du Mouvement du Nid, de la Coalition for the Abolition of Prostitution (CAP International), de l'Alliance des femmes pour la démocratie (AFD-MLF) et soutenu par Zéro Macho, les Effronté-e-s, Encore féministes !, Osez le féminisme, Femmes solidaires, Kadidia Sangaré (avocate, présidente de la commission nationale des droits de l'homme du Mali), Conseil national du droit des femmes (Brésil), Lidia Falcon (avocate, présidente du Parti féministe, Espagne), Fadila Mehal (fondatrice et présidente d'honneur des Marianne de la diversité), Philippine Leroy Beaulieu (actrice), Chantal Chawaf (écrivaine), Laurence Zordan (philosophe, écrivaine), Gérard Biard (journaliste), Julien Seri (réalisateur), Taslima Nasreen (écrivaine et féministe), Rosen Hicher, ancienne prostituée.
Naomi Wolf a montré dans "Quand la beauté fait mal. Enquête sur la dictature de la beauté" combien les femmes étaient soumises à des injonctions autour de leur physique, injonctions en général inatteignables ; il suffit d'ouvrir un magazine féminin pour s'en convaincre en regardant des minces mannequins blanches et blondes de 16 ans vanter le succès de crèmes anti rides et de produits anticellulite.
Ces injonctions conduisent donc en général les femmes à se dévaloriser quand elles ne les amènent pas à souffrir de différentes pathologies comme l'ont montré Susan Faludi et Mona Chollet en détaillant les maladies associées à des crèmes, des produits à injecter ou des opérations esthétiques ou à l'injonction d'être le plus mince possible. " [Les diktats esthétiques] contribuent à aggraver ce sentiment d'isolement dont souffrent les femmes des années quatre-vingts, car ils font de leur malaise un problème individuel, indépendant de toute pression sociale et curable si elles se conforment aux canons universels de la beauté en modifiant leur apparence physique" dit ainsi Faludi.
Les femmes sont donc dépendantes de l'approbation des autres, en particulier des hommes et se soumettent à des parcours harassants, entre maquillage, régimes et opérations pour tenter de "valoir quelque chose" ; cette injonction à la beauté est encore plus forte pour les femmes racisées qui doivent non seulement valoir quelque chose face aux hommes en général mais aussi face aux femmes blanches. Les femmes vivent donc sur un sentiment de culpabilité permanent à l'idée de pas être arrivées à être minces, jeunes et belles.
Elles sont donc soumises aux regards extérieurs, vulnérables et en attente face à ces regards qui les valideront et leur diront si elles valent ou non quelque chose. Susan Faludi montre que dans les années 70, décennie où les mouvements des femmes ont été extrêmement vivaces et puissants, les industries cosmétiques ont vu leur chiffre d'affaires chuter drastiquement. Cela montre bien que les industries cosmétiques exploitent le manque de confiance en soi des femmes, le développent et vendent aux femmes des produits censés les en guérir. Lorsque les femmes gagnent en empowerment, elles subissent moins les diktats esthétiques.
Les femmes sont victimes, tout au long de leur vie, de harcèlement sexuel dans l'espace public, d'agressions sexuelles et de viols. On estime, par an, à 86 000 le nombre de femmes entre 18 et 75 ans victimes de viols et de tentatives de viols. Le Haut Conseil à l'Egalité estime à 100% le nombre de femmes ayant déjà vécu une situation de harcèlement sexuel dans l'espace public.
Lorsqu'une femme raconte avoir été victime de harcèlement dans la rue, beaucoup d'hommes ont tendance à penser qu'elle exagère, c'est à dire qu'elle interprète comme harcèlement une situation qui ne l'était pas. Ils considèrent comme normal qu'un homme apostrophe une femme inconnue dans l'espace public car ils ne remettent pas en cause le fait que les hommes parlent aux femmes dans la rue ou esquissent certains gestes ; ce qu'ils nient est la gravité du geste ou de la parole et l'interprétation que la femme en a fait. Les hommes ne disent pas qu'elle a eu une hallucination auditive et qu'en fait personne ne lui a rien dit mais qu'elle s'est trompée sur le sens de ce qu'on lui a dit. "Après tout, disent-ils, on a bien le droit de faire un compliment aux femmes" "et puis c'est sans arrière-pensée" sans se rendre compte que ce "on" désigne uniquement le groupe des hommes , qui aussi dénué d'arrière-pensée soit-il, ne va pas jusqu'à dire à un autre homme qu'"il est bien beau ce matin". Il ne leur vient pas à l'idée que seul le groupe des hommes aborde le groupe des femmes pour valider leur physique et uniquement leur physique ; encore une fois s'il n'y avait aucune connotation (hétéro)sexuelle là-dedans alors les hommes complimenteraient (comme ils disent) aussi d'autres hommes.
Ainsi, bien peu d'hommes remettent en cause l'idée qu'on peut parler à une femme dans la rue pour la complimenter parce qu'il est bien admis par tous qu'une femme doit être belle et qu'il faut le lui dire car une femme n'existe pas sans validation masculine de son physique et que c'est flatteur pour elle de l'entendre fusse à coups d'insultes.
Dans ce contexte-là, les femmes qui subissent du harcèlement sexuel, sont assez démunies. Il faut du temps à la plupart des femmes pour comprendre que cette situation n'est pas normale ; après tout on leur a appris qu'il faut être belles et c'est ce que semblent leur démontrer les harceleurs quelle que soit la façon dont ils l'expriment. C'est d'ailleurs ce que leur dit leur entourage lorsqu'elles racontent les harcèlements subis : "tu es jolie comme un cœur en même temps ! " et "c'est pas aux moches que ca arrive tu sais !" Les femmes victimes subissent alors une triple contrainte ; elles ont subi toute leur vie des injonctions à être belles, on leur affirme que c'est cette beauté qui a causé leur harcèlement ce qui prouve qu'elles ont donc réussi à l'être. Le harcèlement sexuel devient donc une sorte d'ultime validation du physique des femmes ; lorsqu'on est harcelée c'est qu'on est jolie donc qu'on a atteint ce que devrait souhaiter toute femme.
Cette affirmation est tout aussi frappante dans le contexte du viol.
Lorsque Nafissatou Diallo a dit avoir été violée, son physique a été la première chose à être utilisé pour remettre en cause ses dires ; elle aurait été trop laide pour qu'un homme tel que DSK puisse la violer. On se demande ce qui signifie cette phrase. Quels hommes, qui ne seraient pas tels que DSK donc, auraient envie de la violer ? Qu'est-ce que cette société là où on commente le physique des femmes qui parlent de viol pour savoir si elles sont violables ou non ?
Ce genre de réflexions n'est pas isolée. Lorsque les victimes présumées de Bill Cosby ont posé en une du New York Magazine, beaucoup ont scruté leur physique et leur corps pour voir si Cosby avait bien pu vouloir envie de les violer ; on reste coi devant de telles initiatives soit-dit en passant. Lorsque Madonna a parlé en mars 2015 du viol subi lorsqu'elle avait 19 ans, nombreux ont dit que cela ne risquait plus de lui arriver comme si c'était quelque chose qu'elle aurait du regretter, comme si elle devait souhaiter pouvoir être encore "en état" d'être violée.
La femme victime subit donc une double indignité ; le crime qu'elle a subi est nié et son physique n'est pas validé ce qui, on l'a vu, lui assure une mort sociale rapide puisqu'une femme ne peut exister qu'à travers cette fameuse validation. Cette habitude qu'ont certains hommes de commenter le physique des femmes violées, laisse aussi entendre qu'ils se sont mis à la place du violeur pour voir s'ils auraient pu accomplir cet acte là ; ce qui leur pose alors problème pour l'accomplir n'est pas que ce soit un crime mais le physique de la victime. Ils ne se demandent pas s'ils ont envie de commettre un crime mais si la victime valait suffisamment le coup pour le commettre.
Le physique des femmes est donc considéré dans une société patriarcale comme devant être validé tout au long de leur vie par les hommes ; les femmes doivent pour cela s'astreindre à des régimes, des soins divers et variés souvent dangereux afin d'atteindre le graal de leur vie : l'approbation masculine. Les hommes se confèrent le droit de discuter du physique des femmes, et lorsque c'est dans un contexte d'agression ou de viol, cette discussion permet de valider et l'agression et le physique.
L'idée populaire autour des viols et agressions sexuelles est qu'ils ne touchent que les plus jolies dont le physique constitue une provocation en soi pour l'agresseur. Dans ce contexte-là, la beauté devient un triple piège ; on doit être belle mais si l'on est belle on provoque le viol. Et comme le viol et les agressions sexuelles ne touchent, paraît-il, que les femmes les plus belles, il devient une sorte d'ultime validation des femmes, une sorte de diplôme qui les place sur le marché de la "bonne meuf" pour reprendre l'expression de Despentes.
Les agressions sexuelles, le harcèlement et le viol ne peuvent plus donc être uniquement compris comme des actes de domination et d'appropriation du corps des femmes ; dans un monde patriarcal où l'on explique aux femmes qu'être belle est ce qui est le plus important pour elles et où l'agression sexuelle ne toucherait que les femmes belles, alors le harcèlement sexuel devient un élément ambivalent pour les femmes. Elles savent que la situation est anormale puisqu'elle n'existe pas dans l'autre sens, elles savent qu'il y a quelque chose de profondément anormal à ce qu'on valide en permanence leur physique mais tout concourt depuis leur naissance à se dire que tout cela est normal voire même valorisant. C'est sans doute pour cela qu'il a fallu autant de temps aux féministes à prendre en compte et à étudier le harcèlement dans l'espace public car pour beaucoup de femmes il était difficile de le voir autre chose que comme quelque chose de flatteur.
Les agressions sexuelles sont donc des actes très ambivalents dans une société patriarcale ; d'un côté ils constituent le pire de ce qu'une femme peut vivre (sauf si c'est commis par son mari, son ex mari ou tout homme ayant des droits très clairs sur son corps*), de l'autre elle est souvent accusée de les avoir provoqués, entre autres à cause de son physique, physique sur lequel on lui demande de travailler (et le temps qu'elle y passe constitue en effet un vrai travail) et enfin nombreux sont ceux à lui dire que cette agression prouve sa beauté, validation qu'on lui a indiquée comme importante depuis qu'elle est née.
* il s'agit ici de dire que les viols ou agressions sexuelles commis par des hommes étant ou ayant été partenaires des victimes, sont, socialement, moins perçus comme des crimes. Le viol ou l'agression sexuelle commis par un mari/ex mari/compagnon/ex compagnon est reconnu par la loi et punissable.
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L'islamophobie est selon la formule d'Abdellali Hajjat et Marwan Mohammed dans Islamophobie, Comment les élites françaises fabriquent le "problème musulman": "le processus social complexe de racialisation/altérisation appuyée sur le signe de l’appartenance (réelle ou supposée) à la religion musulmane."
Le racialisation consiste à considérer un groupe disparate et hétérogène de personnes comme un groupe homogène, aux mêmes caractéristiques sur la base d'un ou plusieurs éléments commun ou prétendument commun, comme par exemple la couleur de peau. L'islamophobie est une racialisation des musulmans dans le sens où elle considère qu'un groupe extrêmement hétérogène composé d'1,6 milliards de personnes est homogène dans sa façon d'être et sa façon de penser le monde. En clair, tous les musulmans du monde entier - et ceux supposés l'être, les fameux "musulmans d'apparence" - pensent la même chose, pratiquent l'islam de la même façon et ont la même façon d'envisager le monde.
Les propos islamophobes envahissent massivement Internet entre 2003 et 2006 ; il ne s'agit pas de dire qu'ils n'existaient pas avant cette date mais ces 3 années sont charnières en France. En 2003 commencent les débats sur le port du voile à l'école, bientôt soldés par une loi en 2004, votée à une large unanimité par la classe politique française. En 2006 sont publiées dans France-soir et Charlie hebdo des caricatures de Mahomet et s'en suit un procès car des associations musulmanes et la grande mosquée de Paris décident de porter plainte contre Charlie hebdo pour 3 de ces caricatures. Cet élément est souvent oublié dans la presse où l'on préfère laisser entendre que ces "représentants des musulmans" ont porté plainte pour l'ensemble des caricatures publiées. Une discussion autour de cette plainte aurait pourtant permis, dés 2006, de comprendre ce qu'était l'islamophobie et comment elle s'exprimait. Il ne s'agissait pas de condamner toute critique de la religion musulmane mais des caricatures faisant des musulmans un groupe homogène uni dans la même volonté de violence. Lors du procès et d'un immense débat national, les plaignants ont été déboutés.
La loi de 2004 et le procès de 2006 ont suscité de vifs débats au sein de la communauté française ; ce fameux procès en étant l'acmé. Il semble que de nombreux français non musulmans n'étaient pas prêts à concevoir que les musulmans français avaient quelque chose à dire et pire qui n'allaient pas dans leur sens. C'est ainsi qu'on commence à lire de manière répétée, et croissante des propos islamophobes. Ainsi par exemple le fait de porter plainte en 2006 a été perçu comme une grande violence par bon nombre de français non musulmans comme s'il ne s'agissait pas d'une méthode tout à fait démocratique. Suite au procès, une soirée a été organisée par le ministère de la culture en l'honneur des caricaturistes et un documentaire a été tourné tant beaucoup avaient l'impression que la liberté d'expression aurait pu être mise à mal par les musulmans.
L'islamophobie sur Internet dans ces années là s'articule autour de plusieurs points :
- La violence comme critère intrinsèque à la pratique de la religion musulmane : les musulmans sont intrinsèquement violents car le coran est émaillé de récits violents et que la violence est quasiment vue un commandement divin. En ce sens l'islamophobie s'aligne ici sur le traditionnel racisme anti-arabes qui a construit en 1 siècle et demi, l'image d'arabes violents, conquérants et dominateurs.
Philippe Sénac dans son livre Charlemagne et Mahomet souligne que la victoire de Charles Martel à Poitiers en 732 ne semble pas être au regard des contemporains l'événement d'importance qu'il est désormais dans l'histoire française. En revanche c'est à partir de la conquête de l'Algérie en 1830 qu'on commence à reparler de la victoire de Charles Martel ce qui permet de justifier la colonisation et les féroces répressions qui lui sont intimement liées ; parait ainsi en 1836 un livre de Reinaud intitulé Invasions des sarrazins en France. On recommence également à évoquer Poitiers après 1871 au moment de la perte de l'Alsace-Lorraine afin d'accélérer la reconstruction nationale.
Tout naturellement on assiste, par une partie de l'extrême droite française, à cette réappropriation des événements de Poitiers dés le milieu des années 2000 ; Charles Martel n'est plus vu comme le vainqueur des arabes mais des musulmans. Reparler de cette victoire permet de réaffirmer la violence quasi atavique et congénitale des musulmans et leur instinct de conquête. C'est en ce sens qu'il est important de comprendre en quoi l'islamophobie est une racialisation des musulmans qui deviennent un groupe ethnique avec la violence quasi chevillée au corps.
- l'intolérance vue comme caractéristique de la religion musulmane : Les musulmans sont également vus comme intrinsèquement intolérants et qui ne souhaitent pas comprendre, comme les colonisés en leur temps, les bienfaits de la civilisation française ; la laïcité et le droit au blasphème et à rire de tout. Là encore, les islamophobes cherchent à expliquer par la lecture du coran ce prétendu trait de caractère.
Dans ces années là donc, l'islamophobie reprend assez volontiers les thèmes du racisme anti arabe développé au cours de la colonisation et il faudra attendre le début des années 2000 pour voir émerger une théorie islamophobe s'élaborer et se dissocier du racisme anti arabe.
C'est à ce moment là que l'islamophobie commence à ressembler à l'antisémitisme tel qu'il existe depuis la fin du 19eme siècle. L'antisémitisme tend, entre autres, à présenter les juifs comme des gens sournois, faisant toujours passer leurs intérêts avant ceux des non juifs, n'hésitant pas pour cela à mentir et à déstabiliser des sociétés, des gouvernements et des pays. Ils placeraient des "gens à eux" (juifs ou non) à des endroits stratégiques de la société pour la gouverner.
L'islamophobie sur Internet de ces 5 dernières années a profondément muté et tend à emprunter aux théories du complot chères aux antisémites :
- la taqiya. Cette pratique est une pratique minoritaire au sein de l'islam ; elle consiste tout simplement si l'on vit dans un pays où les musulmans sont persécutés à taire le fait d'être musulman ou à le nier pour protéger sa propre vie.
Depuis quelques années, une partie des sphères complotistes anti musulmanes s'est emparé de ce concept pour expliquer que le coran donne la possibilité, voire l'obligation, aux musulmans de mentir aux non musulmans et ce quel que soit le sujet. Le mot taqiya renvoie à plus de 150 000 occurrences sur google dont la majorité sont des sites racistes ; il faudrait y ajouter toute les autres orthographes pour voir l'ampleur du problème.
En clair, les musulmans mentent en continu et disent des choses qu'ils ne pensent pas pour mieux berner les non musulmans.
Ainsi lorsque des musulmans ont dit être contre les attentats de janvier, nombre d'internautes ont parlé de la taqiya ; les musulmans diraient juste cela pour plaire aux non musulmans mais ils n'en pensent pas un mot.
Ce weekend un banal fait-divers est devenu une affaire nationale ; lorsque les jeunes filles mises en cause ont expliqué qu'il n'était pas question d'islam, nombre d'internautes ont là aussi parlé de taqiya. Ils étaient bien évident pour eux qu'elles étaient musulmans puisque leur prénom en témoignait et elles dissimulaient leurs véritables motifs - l'instauration de la charia - comme le coran les autorise à le faire. Il n'était tout simplement pas possible pour beaucoup d'internautes de penser qu'une femme qui a l'air musulmane puisse agir pour d'autres motifs que sa religion, réelle ou supposée. Le propre d'une théorie du complot est qu'elle est difficile à dénouer ; un musulman ne pourrait pas dire qu'il ne ment pas puisque cette parole là serait elle même vue comme un mensonge.
Malheureusement cet élément de la sphère complotiste s'est répandue chez certains media mainstream et on a vu fleurir ce genre d'articles où l'on nous explique que des terroristes ont adopté "la "taqiya", l'art de la dissimulation en langue arabe". cet article nous apprend que les terroristes feignent d'être des citoyens lambda avant de commettre leurs crimes. Il paraîtrait logique pour n'importe qui qu'un criminel, qu'il soit terroriste ou non, n'aille pas laisser transparaître ce qu'il compte faire. Ainsi Breivik et Mcveigh ne se sont pas promenés avec des signes ostensibles de leur radicalisation à l'extrême-droite avant de commettre leurs attentats. Ainsi Lépine n'a pas dévoilé sa haine des femmes avant de commettre le sien. Il est logique qu'un terroriste dissimule au maximum ses intentions s'il souhaite mener ses crimes à leur terme. Il n'y a donc rien de bien étonnant à ce que des terroristes islamistes fassent la même chose et il n'est pas question d'art de la dissimulation fusse-t-il français, burkinabé, chinois ou arabe. En parlant de taqiya, ces media ouvrent l'hypothèses d'une dissimulation propre aux musulmans ; après tout s'il existe cette taqiya, sans doute que tout musulman la pratique, vont-penser certains.
- les dhimmi. Un dhimmi est un citoyen non musulman qui vit dans un pays musulman et qui a un régime juridique spécifique. A partir des thèses de Bat Ye'or, dés les années 90, s'est puissamment développée ces dernières années sur Internet l'idée du dhimmi et de la "dhimmitude". Le dhimmi deviendrait donc le français non musulman soumis au tout puissant islam et qui n'aurait plus le droit de rien faire ; c'est toute l'idée du fameux pain au chocolat du ramadan. Les pauvres français non musulmans n'auraient plus le droit de manger pendant cete période.
Le dhimmi est également celui qui manœuvre en sous-main pour les musulmans soit parce qu'il s'est couché devant eux, soit parce qu'il y a un quelconque intérêt, souvent financier. Tout comme les antisémites voient des sionistes partout qui manœuvrent pour les intérêts occultes des juifs, les islamophobes voient des dhimmis partout.
Ainsi en 2012 surgit l'affaire des piscines de Lille dont certains horaires seraient réservés aux musulmans. Les complotistes s'emparent de l'affaire et enquêtent sur la vie privée de Martine Aubry, maire de Lille. Il est découvert que son mari Jean-Louis Brochen a défendu des jeunes filles portant le voile exclues de l'école. Il n'en a pas fallu plus pour classer Aubry et son mari comme "dhimmis". On a ainsi vu nombre de photo-montages montrant Aubry portant un voile voire une burqa et la rumeur a un temps couru qu'elle était une convertie (mais avec le principe de la taqya elle pouvait le dissimuler..).
Depuis 1 an, a surgi une autre affaire, celle d'Alain Juppé surnommé Ali Juppé. A Bordeaux va se construire une grande mosquée. Ce projet soutenu par Juppé a suffi à faire de lui un dhimmi pour nombre d'islamophobes. Il est d'ailleurs à parier que cet élément sera beaucoup utilisé lors des élections présidentielle de 2017 s'il arrive à se présenter.
Christiane Taubira est également vue comme une sorte d'agent dormant de l'islam ; il est en effet prétendu qu'elle ne voudrait pas évoquer les "arabo-musulmans" comme ayant été esclavagistes pour ne pas vexer les musulmans. C'est une des très nombreuses thèses complotistes autour de Taubira autour de laquelle gravitent les thèses les plus absurdes.
Dans le cas de Najat vallaud-Belkacem c'est un peu différent puisqu'elle n'est pas vue comme une dhimmi - étant considérée comme musulmane - mais comme quelqu'un œuvrant pour les intérêts de la religion musulmane ; ainsi la folle rumeur de remplacer le latin par l'arabe est le dernier avatar d'une propagande intensive visant à montrer Belkacem comme un agent de l'état marocain et par là même de l'islam.
- le Qatar.
L'islamophobie tend à assimiler tous les musulmans, ou musulmans présumés comme une entité globale et homogène qui auraient les mêmes intérêts c'est à dire l'expansion et la domination de l'islam sur le monde entier. A ce titre là, un musulman français est identique à un qatari par exemple et tous œuvrent dans le même but. Ainsi les affaires autour du PSG, du magasin le Printemps ont ravivé l'idée d'une France vendue "aux arabes" et donc à l'islam.
En dix ans donc les propos islamophobes se sont massivement imposés sur Internet. Des sites entièrement dédiés à l'islamophobie sont extrêmement visités et peu questionnés. L'islamophobie a, ces 5 dernières années, opéré une mutation ; si au départ elle reprenait des thèmes propres au racisme anti arabe elle est désormais une théorie très construite avec ses propres obsessions qui procède à un travail de sape quotidien. Ces thèses sont extrêmement difficiles à déconstruire car elles procèdent de fantasmes. Beaucoup les jugent risibles sans percevoir ce qu'elles disent de notre société ; les extrêmes-droites françaises ont dés le début d'internet, su utiliser ce medium comme un élément de propagande sans que rien ne soit fait contre eux. Il parait difficile en 2015 de ne pas considérer les sites complotistes et/ou d'extrême-droite comme des sources dangereuses d'opinion et pourtant c'est bien ce qui continue d'être fait. L'emballement autour de l'affaire de Reims devrait nous questionner sur nos propres réactions ; la difficulté pour certains à revenir en arrière, à questionner leurs propres pensées montrent que l'islamophobie en tant que théorie profondément complotiste gagne du terrain dans la société française.
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Hier, une jeune femme a eu la très agréable surprise de constater que, dans le métro, un homme avait tranquillement sorti son pénis et était en train de se masturber en la regardant. Elle a eu le courage de le prendre en photo et de la publier sur facebook afin de montrer ce qui peut arriver à toute femme effectuant n'importe quel trajet.
Cette photo m'a passablement marquée car il est assez rare de voir un agresseur sexuel en pleine action. On en parle, on donne leur nom, on dit ce qu'ils ont fait mais ils restent souvent dans l'esprit de beaucoup d'hommes comme des sortes de monstres, d'anormaux, qui n'ont rien à voir avec eux. La photo faisait la démonstration qu'un trentenaire bien habillé peut être un agresseur sexuel.
Ce qui frappe également dans cette photo est que nous sommes dans un lieu très fréquenté et qu'il se sent en totale impunité, ce qu'il est visiblement ; la jeune femme a appelé la police qui lui a signalé parfaitement connaitre ce personnage. On est fort heureuse de savoir que la police le connait depuis un moment. Colette Guillaumin disait que même les kleptomanes se cachent pour accomplir leurs méfaits et force est de constater que les agresseurs sexuels n'en font pas autant car, comme elle le signale, les femmes sont une propriété collective dont les hommes peuvent au fond bien faire ce qu'ils veulent, il n'y aura jamais de véritable conséquence à leurs actes. Lorsqu'elle a présenté le plan contre le harcèlement dans les lieux publics, Pascale Boistard a souligné que des publicitaires travailleraient sur des affiches pour dénoncer les agressions sexuelles, "pas forcément sur le ton de la morale". C'est vrai qu'il serait honteux de moraliser les agresseurs sexuels. Le fait est qu'au fond notre société n'est pas bien sûre qu'un homme qui vous met la main aux fesses n'est pas dans son bon droit ; alors il ne faut pas trop faire la morale aux hommes n'est-ce-pas. Il faut y aller doucement et ne pas trop perturber leurs habitudes ; les femmes peuvent bien attendre un peu plus que la lumière se fasse sans moralisation. Comme nombre d'hommes me l'ont déjà dit ; "le problème est que les féministes veulent l'égalité trop rapidement".
Lorsqu'une femme témoigne avoir été agressée, les réactions masculines sont de deux ordres (si on écarte évidemment les accusations de mensonge, qui constituent en général une bonne moitié des réactions). Les hommes expliquent d'abord ce qu'ils auraient fait s'ils avaient été là. Cela va du coup de pied retourné en pleine tête à la castration du dit agresseur ; c'est à se demander pourquoi je joue à ce point de malchance, comme la majorité des femmes que je connais, pour, chaque fois que j'ai été agressée, n'avoir jamais eu le soutien d'aucun homme. Sans doute n'ai je pas pris la bonne rame de métro, celle où se concentrent tous les hommes courageux qui savent ce qu'ils auraient fait et savent ce que j'aurais du faire.
Soit ces hommes expliquent ce que la femme aurait du faire. Et là on est visiblement dans une incompréhension totale. Les femmes sont éduquées dés leur plus jeune âge à avoir peur, ce qui ne veut pas dire, dieu merci, que certaines n'arrivent pas à dépasser cette peur ; ce qui n'est absolument pas le cas des hommes qui sont plutôt éduqués à être intrépides et à ne jamais manifester leur peur. Ceux qui d'ailleurs ne rentreraient pas dans le le schéma du parfait homme viril, seraient rapidement remis en place et harcelés jusqu'à ce qu'ils n'aient plus peur ; c'est en effet la grande logique du système patriarcal qui encourage les hommes à harceler ceux qui ne rentrent pas dans le moule viril pour qu'ils n'aient plus peur et à harceler les femmes pour qu'elles se tiennent à leur place par peur.
Nos parents, notre famille, nos connaissances, la télévision nous expliquent qu'il est hautement probable qu'un violeur nous attende à chaque coin de rue. On nous lit Le petit chaperon rouge où l'on apprend que même si l'on se conduit bien, même si l'on respecte ses aînés en allant les soutenir lorsqu'ils sont malades, le danger rôde toujours autour des femmes, dés leur plus jeune âge. C'est un premier mensonge puisqu'on sait bien que les agressions sexuelles et viols sont toujours davantage commis par des connaissances.
Beaucoup de femmes commencent ainsi à limiter leurs mouvements. Pour ma part j'ai commencé à 14 ans. Un jour sur le chemin du collège j'entends un sifflement ; je me retourne et j'avise un homme nu en train de se masturber à la fenêtre. J'en ai parlé à mes parents qui ont fait preuve d'une étonnante indifférence comme s'il était normal qu'un homme agresse sexuellement une gamine ; j'ai donc changé de chemin et rallongé mon parcours. J'avais bien intégré à 14 ans que cela n'est pas à l'agresser de changer de comportement mais à moi de modifier mon trajet ; et ma foi si j'avais fait le choix de ne pas changer de trajet on m'aurait sans doute dit que je n'avais pas à me plaindre puisque je tenais absolument à passer par là. C'est vrai quelle attitude saugrenue que de ne pas vouloir lâcher un pouce de terrain.
Le second mensonge réside dans le fait qu'on enseigne aux femmes combien ces quelques centimètres de chair sont menaçants. Il y a une quinzaine d'années la féministe Germaine Greer avait questionné des femmes ayant été confrontées à un exhibitionniste. Elle avait été surprise de noter que la plupart avait éprouvé un sentiment de peur panique. Greer soulignait qu'un homme qui exhibe son pénis se met en situation de vulnérabilité et qu'il n'était donc pas rationnel que ces femmes aient peur. Il n'était évidemment pas question pour elle de les culpabiliser mais de montrer combien les femmes sont éduquées à être face à une agression dans un état de peur paralysante qui les rend incapables de se défendre.
Le troisième mensonge consiste à dire aux femmes qu'il vaut mieux ne rien faire lorsqu'elles sont agressées car sinon cela sera pire. Comme on nous a déjà enseigné que le viol est la pire chose qui peut nous arriver ; les femmes sont donc face à des situations incompréhensibles et intenables à vivre. Irene Zeiliger souligne combien il est curieux de confier son sort à quelqu'un qui se prépare à vous agresser comme s'il savait mieux que vous ce qu'il faut faire.
C'est peut-être ici qu'est la plus grande trahison faite aux femmes.
Reprenons donc.
On nous enseigne que le viol est un danger qui touche toutes les femmes, spécialement celles qui se "comportent mal". On ne nous explique pas vraiment ce qu'est mal se comporter puisque les règles varient au cours des années et des personnes. On ne nous prévient absolument jamais que le danger va plutôt venir d'une connaissance que d'un inconnu. Ainsi si cela nous arrive, on se dira qu'on a forcément mal fait quelque chose ou mal compris cet acte.
Et là, face à ce danger qu'on nous a présenté comme si grand, comme si affreux, comme détruisant la vie des femmes et de leur famille, on ne nous enseigne pas à nous défendre. Dés notre enfance nous sommes conditionnées à avoir peur, à ne pas nous battre, à attendre. Des études ont montré que face à une menace imminente de viol (un homme qui vous saute dessus avec l'intention évidente de vous violer), la meilleure chance de l'éviter est de hurler et de se battre ; si l'on ne fait rien le risque d'être violée est grand tout comme si l'on supplie. Et pourtant, y compris dans l'armée américaine, où les femmes sont entraînées au combat, on nous a enseigné à ne rien faire ce qui est le moyen le plus sûr d'être violée.
Poussons davantage.
On enseigne aux femmes qu'elles ont un fort risque d'être violées, que cela sera dramatique pour elle mais qu'elles ne doivent surtout pas apprendre à se défendre. Ainsi dés leur enfance on inhibe leurs attitudes jugées agressives et on les pousse de gré ou de force à adopter des attitudes douces dites féminines. C'est à croire mais il faudrait un bien vilain esprit pour cela, que les violences sexuelles ne sont au fond pas si importantes socialement parlant. Les femmes s'en accommodent ; il y a bien 75 000 viols par an (dont une écrasante majorité de femmes) ; on finit donc par faire avec. Comme le disait Paglia, si la seule chose que vous trouvez pour nous empêcher d'être violée est de nous enfermer alors "laissez nous l'être".
Les hommes sont tellement occupés à ce que toute discussion sur le viol précise bien qu'on ne parle pas d'eux et ne leur demande aucun changement d'attitude qu'on va bien finir par se dire qu'ils s'en moquent complètement. Alors certes quand on va leur parler d'une agression subie, ils vont remuer les bras en tout sens en disant que "la prochaine fois ils seront là" mais gageons que cela n'ira pas beaucoup plus loin.
Alors que faire me direz vous ?
Les femmes doivent avoir davantage confiance en elles. Cela parait un bête conseil de développement personnel et pourtant c'est capital. Beaucoup d'hommes sont persuadés que les femmes passent leur temps à fourbir des plans machiavéliques pour les accuser de viol. Dans la réalité, les femmes agressées passent leur temps à se demander si elles ne sur-interprétent pas, si elles n'ont pas mal agi ou envoyé un signe à l'agresseur. Dans la réalité une femme qui a 15 cm de pénis en érection collé contre sa cuisse, va souvent être saisie de peur et de demander si elle ne se trompe pas, si elle ne va pas déranger les gens en faisant un scandale, si on va la croire, si elle ne fait pas des histoires pour rien.
quant aux hommes, il convient avant tout de leur apprendre à ne pas violer. C'est à la fois simple et visiblement quasi impossible.
pour le reste : Dworkin le dit mieux que moi
- " Se cacher derrière la culpabilité, c’est ma préférée. J’adore cette raison-là. Oh c’est horrible, oui, et je suis si désolé. Vous avez le temps de vous sentir coupable. Nous n’avons pas le temps que vous vous sentiez coupables. Votre culpabilité est une forme d’acquiescement à ce qui continue d’arriver. Votre culpabilité aide à maintenir les choses telles qu’elles sont.
J’ai beaucoup entendu parler ces dernières années de la souffrance des hommes sous le régime sexiste. Bien sûr, j’ai beaucoup entendu parler de la souffrance des hommes toute ma vie. j’ai lu Hamlet, bien sûr ; j’ai lu Le Roi Lear. Je suis une femme cultivée. Je sais que les hommes souffrent. Mais il y a un nouveau truc. Vous souffririez, cette fois, d’être informés de la souffrance d’autres personnes. En effet ce serait nouveau.
Mais en gros votre culpabilité, votre souffrance, se réduit à : bah, nous nous sentons vraiment très mal. Tout contribue à ce malaise si profond des hommes: ce que vous faites, ce que vous ne faites pas, ce que vous voulez faire, ce que vous ne voulez pas vouloir faire mais que vous allez faire quand même. Je pense que votre angoisse se résume à : bah, nous nous sentons vraiment très mal. Et je suis désolée que vous vous sentiez si mal, si inutilement et bêtement mal, parce que d’une certaine manière, c’est cela votre tragédie. Et je ne dis pas que c’est parce que vous ne pouvez pas pleurer, et je ne dis pas que c’est parce qu’il n’y a pas de réelle intimité dans votre vie. Et je ne dis pas cela .parce que l’armure avec laquelle vous vivez en tant qu’hommes est abrutissante : et je ne doute pas qu’il en soit ainsi. Mais je ne dis rien de cela."
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Lokita en la tuta Francio, la Movado de la Nesto agas rilate la kaŭzojn kaj la konsekvencojn de la prostituado. Ĝi estas asocio, kiu aktivas samtempe surloke kaj en la socia movado.
La Movado de la Nesto estas rekonita kiel asocio je publika utileco, kiel kompletiga edukada asocio, agnoskita de la Ministerio pri Edukado kaj kiel popola edukado agnoskita de la Ministerio pri Juneco kaj Sportoj. Ĝi estas ankaŭ kleriga organismo.
Lokita en la tuta Francio, la Movado de la Nesto agas rilate la kaŭzojn kaj la konsekvencojn de la prostituado. Ĝi estas asocio, kiu aktivas samtempe surloke kaj en la socia movado.
Ĉiujare niaj teamoj renkontas 6000 prostituitajn personojn sur la lokoj de la prostituado kaj dum la deĵoradoj. La movado edukas pli ol 2500 profesiulojn kaj renkontas prevente 20 000 gejunulojn por atentigi ilin pri la perfortoj de la prostituado.
Kun siaj parteneroj, la Movado de la Nesto helpas prostituitajn personojn en iliaj klopodoj ĉe justico-institucioj, ĉe sano-servoj aŭ eĉ ĉe la sociaj asekuroj. Kiam ili ekklopodas forlasi prostituadon, tiam la movado ankaŭ subtenas ilin.
4 prioritatoj por agadoj
Rompi la prostituata izoliĝo per surloka ĉeesto
La plejmultaj prostituitaj personoj estas tre soleĉaj solecaj. Iuj havas eĉ neniam kontakton kun la ekstera mondo de prostituado : familia rompo kaj sociaj malaliĝoj. En tiu kunteksto, la Movado de la Nesto ofte estas la unua paŝo al socia ligo. Ĉiusemajne, en trideko da francaj urboj, niaj teamoj de bonvolemuloj iras renkonte al prostituitaj personoj
Subteni la prostituitajn personajn kaj evoluigi alternativojn
Grandaj izoliĝo, sociaj kaj ekonomiaj malstabilecoj, ne laŭleĝa administrativa situacio, psikologia suferado, perdo de mem-estimo. Plej multaj virinoj, viroj kaj transseksuloj spertis gravajn perfortojn, ofte seksajn, antaŭ ol eniri prostituadon kaj ĉiam daŭre vivas en la prostituado.
La socia, psikologia, homa, medicina kaj jura helpoj al tiuj personoj, en la respekto de ilia vivosperto, postulas paciencon, persistemon kaj kuraĝon, kelkafoje por alfronti kun ili la multegajn defiojn, al kiuj ili estas konfrontitaj : resocialiĝo, klopodegoj ĉe prefekteĵo kaj sociaj servoj, aliro al juraj rajtoj, klerigado, gastigado, laboro, reakiro de memfido kaj nova estimo de sia propra korpo.
Niaj klerigadojDisvatigi nian socian celon edukante profesiulojn
Fakaj edukistoj, sociaj asistantoj, profesiuloj pri sano kaj justico, eduko-fakuloj havas esencan rolon sed ili ne estas sufiĉe ekipitaj por inici efikajn dinamikojn, por subteni la readaptadon de prostituitaj personoj aù preventi prostituadan riskon.
La prostituado estas ja preskaŭ neniam traktita, ĉefe en la klerigado de tiuj profesiuloj. Tiu manko estas ampleksigita pro la foresto de leĝaj tekstoj kaj pro la maltaŭga politiko rilate al prostituado. Tial la Movado de la Nesto disvolvis de multaj jaroj, klerigadajn kursarojn kaj informajn tagojn por la sociaj profesiuloj.
Niaj prevento-agadoj
Propagi edukadon pri egaleco kaj pri sekseco kaj konstrui rilatojn inter knaboj kaj knabinoj sen rilato al mono
Multe da profesiaj kaj asociaj praktikoj estas nun koncernataj de la prostituada risko ĉefe ĉe la gejunuloj. La amplekso de la fenomeno, la banaliĝo de seksa konduto kun riskoj, la disvolviĝo de prostituada trafiko, la komplekseco de helpo al la prostituitaj personoj aspektas al multaj sociaj kaj edukaj intervenantoj kiel realaĵo, al kiu ili estis nek alkutimiĝintaj nek preparitaj.
Ĉiu-jare la Movado de la Nesto renkontas 20000 gejunulojn okaze de la prevento-tagoj, dum tiuj renkontoj, la Movado de la Nesto starigas pozitive elpensitan strategion, kiu instigas gejunulojn iĝi propraj aktoroj kaj aktorinoj de sia vivo, kreskigante sian psiko-sociajn kompetentecojn : kritika pripensado, la kapablo esprimi siajn opiniojn kaj sentojn, la ekkompremo de siaj propraj emocioj kaj la mem-estimo kaj respekto al aliuloj.
Revenant tout juste d'un voyage au Rojava, au nord-est de la Syrie, je ne peux que m'indigner de la façon dont les médias occidentaux, dont la France, réagissent aux attentats terroristes perpétrés vendredi dernier dans diverses parties du globe. En France, on a surtout souligné ce qui s'était déroulé en Tunisie et en France... pour mettre en exergue, comme l'écrit l'éditorial du Monde, le dimanche 27 juin dernier, “une réaffirmation ferme unanime et permanente de nos valeurs démocratiques”. Comme si ce lien ne concernait pas d'autres carnages mentionnés au passage, soit au Koweït, en Somalie et plus particulièrement, en ce qui concerne la démocratie, celui qui a eu lieu à Kobané, dans le Kurdistan syrien.
- Femmes, guerre, pacifisme / Kobané , Rojava, État islamiqueComment entrer au plus vif des mots
sans les pousser dans le vide
sans le bruit de verre brisé et rouge
de nos vies répandues au ralenti
Je l'ai vu et ouï, je ne le croyais pas vraiment, je voulais ne pas le croire : la Belgique de Dutroux continue telle qu'hier ! Dutroux et les siens gagnent encore leur quotidien, chez nous. Ne se cachent-ils pas encore dans les prétoires et dans les chambres de nos enfants ?
- Enfance & adolescence : sexualisation, stéréotypes, violence / Dutroux, pédocriminel, prédateur sexuelZéromacho dénonce les termes de l'étude sur les pensions alimentaires qui vient d'être publiée par « France Stratégie » (organisme dépendant du premier ministre). Reprise sans aucune distance ni analyse critique dans la presse, elle scandalise les spécialistes qui dénoncent une manipulation.
- Famille, droit et bien-être des enfants