Prostitué, un choix de carrière comme un autre
« Aujourd’hui, à l’école, j’ai appris à sucer ! » s’est exclamée fièrement Fanny, 28 ans, à la sortie de son cours sur l’art du sexe oral. Comme beaucoup de jeunes femmes, Fanny s’était lancée à l’origine dans un autre cursus, ingénieur en informatique, un « secteur qui recrute » comme le répétaient ses parents.
Après en master réussi haut à la main, Fanny s’est retrouvée dans la vie active à un moment où l’embauche des jeunes n’était pas la priorité des entreprises. Serveuse dans un bar le jour, elle se connectait sur « recrute.com » et « jeveuxunjob.fr », le soir en rentrant.
« A force de traîner dans des bars, beaucoup de clients m’encourageaient à poursuivre dans une autre voie… alors je me suis lancée ! Au final, beaucoup de cours me permettent des passerelles avec d’autres secteurs d’activités, comme dans le milieu du spectacle ou de l’aide à la personne. »
Fanny a donc décidé de devenir prostituée, un métier en pleine évolution depuis quelques années dans les mentalités comme dans la législation française.
La bataille de l’état contre l’hypocrisie des moeurs
Comme le rappelais Sophie Dufranc, ministre du travail :
« L’Etat a toujours bénéficié financièrement de la prostitution. Les prostitué.es, soumis au régime de l’auto-entrepenariat, payaient comme leurs concitoyens leurs taxes et leurs impôts. L ‘Etat, en parallèle de masquer la prostitution pour préserver les « moeurs », devenait lui-même le plus gros proxénète, c’était assez hypocrite ! D’autant que l’on sait depuis longtemps que la politique n’obéit pas aux lois des « moeurs » mais des enjeux financiers… »
Connue pour son habituel franc-parler, la ministre enchaîne :
« Nous nous battions sur les sempiternelles problématiques ; comment éviter le racolage, l’immigration qui s’embourbait dans des réseaux de proxénétisme, les jeunes filles sans le sous qui couchaient dans des situations misérables… Ce qui gênait c’était la pauvreté. La pauvreté d’une prostitution qui souffrait d’un manque de valorisation légale et sociale. »
La ministre, prend un temps, inspire et affiche le sourire victorieux qui va de pair avec sa forte popularité :
« Aujourd’hui tout est réglé, pour se prostituer, il faut un diplôme reconnu par l’Etat ! ».
Certes, cette réforme avait fait couler beaucoup d’encre de la part de ses détracteurs : « Comment vont faire les filles qui sont vraiment dans le besoin et que ne peuvent pas faire autrement ? », « Bravo ! L’Etat va donc encourager la prostitution ?»
Madame Dufranc avait fait mouche avec cette réponse et avait ainsi obtenu les faveurs du peuple au référendum :
« Est-il logique, que, dans notre société, celle pour laquelle je me suis tant battue pour l ‘égalité des droits des hommes et des femmes au travail, il existe encore un travail simple et rémunérateur qui favorise les filles plus que les hommes ?Comment s’en sortaient alors les jeunes hommes qui étaient dans le besoin ? Comment s’en sortaient aussi les femmes moins gâtées par la nature ? Vieille ? Laide ? Les handicapés ?
L ‘Etat n’encourage pas la prostitution mais la reconnait comme un travail, un travail qui mérite les même droits que les autres, et en particulier, l’accès à la formation.
Enfin, le besoin du client est d’avoir un service le plus qualitatif possible, et le besoin du prostitué est d’être en sécurité. Nous ne pourrons pas éliminer le travail au noir définitivement, mais nous pensons que cette solution favorise la concordance des besoins et sera à terme, privilégiée par l’ensemble de la population. Cette réforme va bien sûr de pair avec une lourde sanction du travail non-diplômé pour le client comme pour le travailleur. »
Pour lancer une telle réforme, la ministre du travail avait examiné les besoins du prostitué, afin de réformer au mieux la formation. Il a ainsi été établi qu’elle durerait deux ans, la troisième année étant une année facultative de spécialisation « Show artistique, service aux handicapés, service aux séniors, premières fois, enseignement, actrice X etc. ». Toutes ces formations étaient accessibles gratuitement sans diplôme, aux hommes et femmes de tout âge (à condition qu’il dépasse les 18 !), dont le seul pré-requis était un examen médical d’entrée. Aujourd’hui, il existe 8 écoles spécialisées de prostitution dans toute la France.
Un formation complète et réfléchie, en adéquation avec le terrain
Jeanne Libérée, directrice de la plus prestigieuse formation, celle de Paris, nous parle du contenu de son cursus :
« Nous avons des cours assez variés, car la prostitution touche à des domaines assez divers. Evidemment il y a les « basiques » sur la sexualité : « l ‘art du sexe oral », « l’art du toucher », « l’art de la pénétration »… mais il y a aussi des modules de droit, de création d’entreprise, de comptabilité, d’art corporel… Plutôt que des cours théoriques, nous favorisons la pratique avec des exercices de « mise en situation ». Nous donnons de solides bases pour que les élèves soient préparés à toutes les difficultés du terrain ! D’ailleurs, l’examen final d’obtention du diplôme se clôt avec l’entretien d’un psychologue. Ce même psychologue qui suivra le jeune actif tout au long de sa carrière ! »
Modérant ses propos, Jeanne ajoute :
« Evidemment, tous ne toucheront pas la même rémunération à la sortie, il y a beaucoup de facteurs qui entrent en jeu (physique, mental, originalité, notoriété etc.). Notre but est simplement d’accompagner l’élève pour assurer sa sécurité physique et morale. »
Et le marché de la prostitution ne cesse d’évoluer ! Aujourd’hui la demande des femmes de + 35 ans CSP+ qui souhaitent s’offrir une nuit avec « un expert du sexe » a augmenté de près de 50% en un an !
A l’inverse, la demande masculine s’effondre de plus en plus. Elle a chutée de près de 18% en deux ans. Jérôme Kalcul, responsable du sondage IMSUS, nous explique le phénomène :
« Aujourd’hui « la prostituée » n’est plus un objet illicite et caché, elle a perdu cet aspect fantasmagorique qu’elle revêtait. La société la voit aujourd’hui comme un service médical, presque hygiénique. La demande est conservée par certains hommes, surtout les personnes âgées, isolées ou handicapées qui ont un réel besoin de sexe et d’écoute. Cependant nous perdons toute la clientèle de l’homme frustré : il ne retrouve plus le plaisir de domination de se payer une « amatrice » ou une jeune fille fragile. A l’inverse, se développe une vraie appétence de la part de la gent féminine pour redécouvrir son propre corps. La femme va commander un homme qui va la faire « squirter » ou un homme qui va lui faire découvrir les « plaisirs sensuels de la sodomie »… avec la hausse de son pouvoir d’achat, la femme est devenue un vrai acteur du marché à ne pas négliger ! »
Et dire qu’avant, quand la demande était encore à forte majorité masculine, nous vivions dans un monde où certaines jeunes femmes (et certains hommes, aussi) en pleine construction psychologique étaient soumises à une clientèle parfois agressive, parfois instable, sans connaissance de leurs droits fondamentaux, sans que personne ne s’inquiète de leur sécurité psychologique. Sans qu’elles sachent que leur valeur propre vient de ce qu’elles sont, et non du nombre de billets qu’elles reçoivent. Sans leur dire que le client n’était pas roi. Mais qu’elles étaient reines.
Et dire qu’avant, la sexualité n’était pas considérée comme un besoin fondamental. Que la société culpabilisait ceux qui avaient des pulsions sexuelles. Que nous oublions que c’était le moteur essentiel à nos vies.
Et dire qu’avant, être une « pute » n’était pas un choix, mais une insulte.
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PHOTOS : OLIVIER OPDC