Les enquêtes de personnalité dépeignent une relation ambiguë, placée sous le sceau du secret, entre les deux jeunes hommes, l'un fonctionnaire de police au moment des faits et l'autre gardien d'immeuble.
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Cet article Rotting in the sun, portrait de délicieuses pourritures provient de Manifesto XXI.
Le réalisateur chilien Sebastian Silva s’associe à l’influenceur gay Jordan Firstman dans une comédie grinçante disponible depuis le 15 septembre sur la plate-forme MUBI.Dans Rotting in the sun, Sebastian Silva et Jordan Firstman jouent respectivement leurs propres rôles et se rencontre sur une plage de cruising gay au Mexique alors que Silva tente de trouver une porte de sortie à sa dépression et son addiction à la kétamine. Jordan Firstman est charmant dans ce film qui, une fois l’ode à l’hédonisme sexuel (et aux nombreux pénis au soleil que l’on voit) s’achève, prend une tournure très inattendue. Le film se transforme alors en une critique acerbe des millennials shootés aux réseaux sociaux confronté à leur inaptitude au monde.
On aura rarement vu un film où les deux protagonistes se mettent en scène avec tant de cruauté et de méchanceté envers eux mêmes, comme pour mieux souligner le jeu d’apparences et de masques que créent Instagram et Tik Tok. Par la radicalité de ce choix, Rotting in the sun fonctionne comme The White Lotus où le privilège pue tellement qu’il enferme ses personnages dans le déni et le mépris afin de dissimuler toujours mieux la vacuité existentielle de leurs existences.
On notera donc le rôle central et brillamment interprété de Véro, femme de ménage de Silva, subissant tous les affres et les excès de ces homosexuels globalisés ne pouvant communiquer avec une autre culture que via le Google Traduction de leur iPhone 15. Tout est distancé, ironisé, memable. Instagram fonctionnant comme la ketamine qui dissocie le corps de l’esprit, ce film surprenant met en lumière les conséquences humaines de cette loupe déformante qui filtre les maux des personnages si bien qu’ils ne verront jamais que pourrit au soleil la charogne de leur égoïsme.
Cet article Rotting in the sun, portrait de délicieuses pourritures provient de Manifesto XXI.
Iels ont fait leur coming in* lesbien après 30 ans et témoignent de parcours ô combien émancipateur.
L’article «Une joie et un sentiment de liberté immenses» est apparu en premier sur 360°.
Cet article Ayoub Moumen: de la mode à la performance, une quête de liberté sur le fil provient de Manifesto XXI.
L’artiste tunisien·ne Ayoub Moumen présentera sa performance Between the lines le 20 septembre à la Flèche D’Or, dans le cadre du festival Jerk Off. On s’est glissé·e dans l’atelier de lae performeur·se et designer pour en avoir un avant-goût.Chez Ayoub Moumen, tout se réfléchit à même la peau. Que ce soit en se mettant à nu dans ses performances ou par sa création de vêtements qu’iel considère comme un deuxième épiderme. Rendez-vous a été pris dans son atelier pour dérouler le fil du parcours et de la pensée de cet artiste en quête d’une vraie liberté. « À chaque création je m’approche un peu plus de ce que je veux dire » résume-t-iel au terme de notre discussion. Alors de quoi est-il question ? D’une réflexion transversale de plus de 10 ans sur la colonisation de la Tunisie, l’identité, le capitalisme, la condition d’artiste et la guérison. Autant de thèmes qui sont présents, entremêlés dans Between the lines.
Un corps émancipé de la modeComment un·e designer en arrive à s’exprimer en se mettant à nu ? Formé·e à Tunis, aux Beaux Arts puis à l’Esmod, Ayoub Moumen s’est assez vite senti à l’étroit dans le monde de la mode. Iel récuse son système consumériste et son inaccessibilité, ainsi que l’écrasant « see now, buy now ». En 2018, iel crée son propre label, dans la mouvance anti-fashion, R.E.W (Refuge Engaged Wear) Paris. Sa création vestimentaire dit le chaos et la violence du monde, comme lors de son défilé (quasi prémonitoire) Contamination en 2019. Au Musée de l’Immigration, Ayoub Moumen orchestrait alors la présentation d’une série de silhouettes racontant l’histoire de deux hommes qui se sont noyés en tentant de traverser la mer, et qui ont ensuite contaminé le monde. Ses vêtements véhiculent des messages explicites, mais ça ne suffit pas. La critique est accentuée par un besoin d’expression viscéral : « À chaque fois que je créais des pièces, je voulais aller dedans. » se remémore-t-iel. « Mon corps me poussait, me disait : c’est toi le sujet. C’est quoi ton identité ? » Sur un portant, une longue robe de maille rouge légèrement pailletée attend, ainsi que de longs pans de tissu blanc colorés de rouge qui serviront pour Between the lines. Sur le bureau, parmi d’autres objets, des bobines de fils roses et un casque avec deux grandes cornes noires. L’artiste qui a été bercé dans son enfance par les longs rituels stambali (faits de musique, de danse et parfois de transe), a le mot « witch » tatoué à la base du cou.
Ayoub Moumen poursuit : « Je n’aime pas cette image de créateur caché, soit disant “humble”. Je n’aime pas cette idée de l’autorité dans la mode. » Ni ailleurs. Une de ses références du moment s’appelle Betraying authority: fragments on queer art & poetry, du poète étasunien Noah LeBien. Un processus de recherche pour remettre son corps au centre commence : « J’avais une image : comment présenter une collection seule ? Un vêtement peut porter un message, mais comment se confronter à cette matière ? Donc j’ai commencé par m’habiller, me déshabiller jusqu’à l’épuisement, à me faire les 30 silhouettes de la collection. » Peu à peu, Ayoub Moumen explore un nouveau territoire, proche du « drag radical » théorisé par la chercheuse Renate Lorenz dans son ouvrage Art queer, une autre lecture importante pour lae créateurice. Pour autant, ce passage de la mode à l’art se fait sans aucune idéalisation tant il est évident pour Ayoub que les mécanismes du fonctionnement prédateur de la mode sont les mêmes que ceux du monde de l’art contemporain. Une problématique émerge alors très vite, nette, totale : Comment vivre de son art sans qu’on fétichise nos histoires et nos corps ?
Ayoub Moumen, Tomorow is too late © Romain GuédéLe tournant s’amorce aussi grâce à la poursuite d’une thérapie – « pour guérir de la cellule familiale, du patriarcat » – et d’un travail sur la mémoire du corps. Iel s’initie au Body-Mind Centering avec Tamara Milla Vigo. « La performance, c’est se rendre vulnérable, et Noah LeBien dit que la vulnérabilité invite à la créativité » cite Ayoub. La brèche est ouverte, les traumatismes peuvent devenir matière à création. « La première fois que j’ai senti que j’étais différent·e c’était dans les yeux et les commentaires de mon père » confie-t-iel. Une différence visible tôt, marquée par le regard du patriarche qui lui refuse la pratique de la danse classique et lui donne des coups. Son coming-out, iel l’a fait « comme une rébellion » contre sa famille paternelle. Ayoub milite très vite au sein de l’association Shams (une des premières associations LGBT du Maghreb), qu’iel cofonde avec l’avocat Mounir Baatour, lui aussi exilé en France. La honte d’avoir grandi dans le tabou de l’homosexualité se colmate avec le poids de l’héritage colonial, encore amplifié par le carcan de la dictature Ben Ali. « J’ai passé 23 ans dans un trou noir » résume Ayoub. Cette chape de plomb fait de l’ailleurs, de la France, un idéal pour vivre. « Mes parents ne disaient pas les mots, mais l’ailleurs était présenté comme le seul moyen de me “sauver” » explique-t-iel. Pourtant, cette société qui permet de vivre sa sexualité et son identité de genre plus librement ne soigne pas un certain « complexe d’infériorité » qui l’accompagne.
Lay against act 4, au Spazju Kreattiv à MalteBetween the lines arrive au terme d’une décennie de mutation, du passage du soulagement d’être en France à un regard critique sur l’état de nos libertés publiques ici. Une évolution qui se résume par une image : « Une des premières choses, que j’ai vue à mon arrivée en France, c’était deux flics avec un drapeau LGBT, ça semblait extraordinaire » explique l’artiste qui depuis préfère la Pride radicale à la Marche des Fiertés de l’inter-LGBT. En Tunisie, l’homosexualité est criminalisée par le paragraphe 230 du code pénal, un texte datant du protectorat français. Un héritage particulièrement grinçant à l’heure où les pays occidentaux ont vite fait de faire la leçon aux à ceux qui ne respectent pas les droits des personnes queers. Une filiation apparaît alors aux yeux d’Ayoub Moumen : le pinkwashing est un enfant terrible du colonialisme. C’est le point de départ pour la conception de Between the lines : « Comment parler du pinkwashing à partir de ta mémoire ? Sans aller dans un truc violent, parce que l’histoire en elle-même est violente. Comment, à partir de ça, de ces quelques lignes et beaucoup de corps, amener à observer la colonisation jusqu’à aujourd’hui ? » Ayoub insiste néanmoins, la performance traite du washing et de toutes les problématiques de récupération-instrumentalisation. Iel nous invite à rester « vigilant·es » sur les formes de contrôle qui mutent, mais persistent.
Au fil de la conversation, on devine que si sa critique est radicale, elle n’en reste pas moins mue par l’espoir de voir nos sociétés s’améliorer. Que « liberté, égalité, fraternité » ne soient pas des mots vains, et que de, l’autre côté de la mer une place soit faite aux queers. De retour d’un festival à Malte où étaient présent·es d’autres artistes LGBTQ+ du Maghreb, iel dit en souriant : « Peut-être qu’un jour on verra nos premières Pride, qu’on sera là, vieilles, botoxées, frontline dans la rue principale à Tunis. Je rêve souvent de cette possibilité. »
En savoir plus sur la programmation du festival Jerk Off
Image à la Une: Ayoub Moumen, auto-portrait
Edition et relecture : Anne-Charlotte Michaut et Léane Alestra
Cet article Ayoub Moumen: de la mode à la performance, une quête de liberté sur le fil provient de Manifesto XXI.
Dans une rentrée littéraire toujours foisonnante, Payot La Chaux-de-Fonds a sélectionné pour vous deux ouvrages queer à dévorer en profitant des derniers rayons de soleil.
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Fini le farniente, c’est la rentrée! On espère que vous êtes prêt·e·x à écouter en
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L'entreprise est accusée d'avoir discriminé deux salariés, en apprenant qu'ils étaient en couple, modifiant notamment leur planning pour qu'ils ne puissent plus travailler ensemble ni bénéficier de « jour de repos en commun ».
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Cet article La commission – Des amis qui vous veulent du bien, par Fania Noël provient de Manifesto XXI.
Avez-vous déjà vécu une situation sexiste sans réussir à mettre le doigt sur ce qui clochait exactement ? La remarque anodine d’un camarade militant qui reste en travers de la gorge, une réaction véhémente d’un ami pourtant progressiste ou bien la « blague » cringe d’un collègue ? Le diable est dans les détails, le sexisme le plus difficile à dénoncer est peut-être celui qu’on appelle « bienveillant », celui des hommes « bien », bien diplômés, bien gentils, bien entourés et bien « féministes ». Dans ce cycle de 8 chroniques, la chercheuse et militante afroféministe Fania Noël vous propose de décortiquer des situations quotidiennes avec une courte fiction éclairée ensuite par une notion de critical feminist theory. [5/8]Rapport de la commission spéciale Jean-Sol Partre* destinée à l’assemblée générale, pour validation par le bureau politique
Co-président-es : Pauline L. et Naïm C.
Rapporteur : Abou F. et Freda W.
Membres : Sadio N., Raphaël L., Iptisem R., Alice DLC., Farzad N.
Le 2 janvier 2021, 25 femmes regroupées au sein du collectif « Les mal apprises » ont déposé une plainte au bureau politique du syndicat sous forme de lettre ouverte contre Jean-Sol Partre, 57 ans, membre du bureau politique, coordinateur de la commission de travail, et responsable de la formation idéologique.
La plainte du collectif « Les mal apprises » concerne des faits survenus entre 1999 et 2019. À ce moment-là, les plaignantes avaient entre 19 et 25 ans. Parmi elles, 4 sont toujours membres du syndicat. Dans sa lettre ouverte, le collectif accuse Jean-Sol Partre d’avoir « usé de sa position de membre historique au sein du syndicat, afin de les manipuler, séduire et obtenir des relation sexuelles […] en “instrumentalisant” et “déformant” le contenu théorique et idéologique de la formation comme outil de persuasion pour des rapports sexuels ». Les plaignantes ont souligné que ces rapports avaient souvent lieu avant ou après les sessions de formation dans son bureau ou dans certains cas à l’hôtel.
Les plaignantes demandent l’exclusion de Jean-Sol Partre, une lettre ouverte d’excuses, la mise en place de formations féministes à destination des membres du syndicat et la création d’une commission permanente féministe.
Le 3 mars a été votée en assemblée générale la création de cette commission spéciale et la suspension temporaire de Jean-Sol Partre. Les auditions de la commission se sont tenues du 23 avril au 13 mai 2021.
La commission a auditionné 12 membres du collectif « Les mal apprises » elles ont pu décrire leur entrée dans le syndicat, leur rencontre avec Jean-Sol Partre, l’évolution de la nature de leur relation, jusqu’à leur départ de l’organisation quand la relation prenait fin.
Lors de son audition, Jean-Sol Partre a reconnu avoir entretenu des relations avec toutes les plaignantes mais se défend d’avoir abusé de leur confiance ou d’avoir outrepassé son autorité.
Simone Veauboir, membre du bureau politique, coordinatrice du groupe de travail finances publiques et épouse de Jean-Sol Partre depuis 1995 a été auditionnée. Elle a mis l’accent sur le fait que les relations de son mari étaient consenties et connues, précisant que trois des plaignantes avaient passé des vacances estivales dans leur maison de Jonzac.
Le 29 avril 2021, le collectif « Les mal apprises » a publié dans la presse, puis présenté à la comission, une tribune de soutien signée par 75 organisations féministes, et accompagnée de 400 signatures de membres du syndicat, personnalités, universitaires et artistes. Le 2 mai 2021, Jean-Sol Partre a présenté une lettre ouverte appuyée par 300 signatures de membres du syndicat, personnalités, universitaires et artistes témoignant de leur soutien.
La commission reconnaît que la lettre présentée par Jean-Sol Partre comprend 28 signataires femmes.
A l’unanimité, les membres de la commission spéciale reconnaissent :
Néanmoins, les membres de la commission ne sont pas arrivés à un consensus sur :
Les décisions de la commission sont les suivantes :
La commission a travaillé dans une démarche d’écoute et dans le respect de la parole des plaignantes, en axant l’engagement du syndicat sur l’égalité de genre. Ce travail prend place dans un contexte politique défavorable et périlleux, où les demandes d’exemplarité de nos membres sont instrumentalisées par nos opposants dans la sphère médiatique. Nous avons dû réguler les relations entre les militants, qui n’échappent pas toujours aux dynamiques de pouvoir, tout en veillant à ne pas entraver les libertés individuelles. Nos propositions prennent en compte les responsabilités du syndicat envers ses membres, le projet que nous portons dans l’arène politique et les contraintes du calendrier électoral où la contribution de Jean-Sol Partre reste indispensable pour le syndicat.
Décisions soumises le 23 mai 2021 pour validation par le bureau politique.
____
Ce qu’en dit Amia Srinivasan :
Est-ce si exagéré de penser que la fonction, aussi inconsciente soit-elle, de la pratique répandue parmi les professeurs de faire des avances sexuelles à leur étudiantes est de bien faire comprendre aux femmes la place qui leur revient au sein de l’université ? Que les femmes sont autorisées à entrer dans l’université pour y tenir non pas le rôle d’étudiantes ou de professeures en devenir, mais celui de conquêtes sexuelles, de petites amies serviles, d’assistante affective, d’épouse, de secrétaire ?
Amia Srinivasan, Le droit au sexe. p.239
Bien qu’un syndicat (ou un parti) ne soit pas un établissement d’enseignement supérieur, la dynamique mentor-mentorée reste la même: force est de constater que l’institution montre la même incapacité à affronter sérieusement la question du consentement et des relations de pouvoir tout à fait asymétriques. Dans le cas qui nous intéresse, on peut voir comment un individu ayant une position de pouvoir due non seulement à son genre, mais aussi à son statut (intellectuel et organisationnel) a mis en place un modus operandi de prédation ciblant des jeunes militantes.
Si la commission reconnaît l’existence d’un modus operandi, le prétendu consentement des femmes est mis en avant pour minimiser l’acte, alors que l’enjeu va encore bien au-delà de cette seule question. Quand l’asymétrie est aussi marquée, comme nous le souligne la philosophe Amia Srinivasan, le comportement de Jean-Sol Partre est discriminatoire. Discriminatoire, car parmi les militant-es qu’il a la responsabilité de former, il traite les jeunes différemment, les assignant à n’être que des corps disposés à sa consommation. Auraient-elles consenti, si, plutôt que de jouer sur son aura de mentor, dépositaire d’un savoir et d’une expérience qu’elles admirent et cherchent à atteindre, il leur avait explicitement dit qu’elles n’étaient ni les premières ni les dernières qu’il convoitait ?
« Même lorsqu’il est clair que ce dont l’étudiante a envie, c’est d’être comme son professeur, il n’est pas difficile pour un professeur de convaincre l’étudiante qu’elle éprouve en réalité du désir pour lui, ou que le fait de coucher avec lui représenterait un moyen de devenir comme lui. » écrit Amia Srinivasan p.233
Le recours par les hommes de gauche et d’extrême-gauche à des théories idéologiques pour justifier une libération sexuelle des jeunes femmes afin de profiter d’elles est courant. Cette instrumentalisation passe par les sélections et le filtrage de ce qui est considéré comme le bon féminisme, et nourrit l’ego de Pygmalion. Il est n’est pas rare que ces hommes soient soutenus dans cette entreprise prédatrice auprès de jeunes femmes par des femmes de leur âge, comme dans le cas de Simone de Beauvoir, qui profitait de ses élèves pour avoir des relations sexuelles avec elles mais aussi pour les convaincre d’en avoir avec Jean-Paul Sartre (voir Mémoires d’une jeune fille dérangée de Bianca Lamblin).
Il est extrêmement inquiétant que politiquement le devenir des femmes ne soit pas pris en compte, alors que l’accomplissement professionnel des hommes qui leur portent préjudice au sein des organisations est salué. Les trajectoires, potentiels et apports des femmes sont relégués à la sphère individuelle, tandis que ceux des hommes relèvent du bien commun. Dans le même ordre d’idées, les qualités et compétences que les femmes apporteraient à une organisation (si cette dernière favorisait leur implication et les protégeait) ne sont que vaguement considérées. Ce comportement discriminant entretient le patriarcat en s’assurant que les institutions et organisations restent des lieux où les hommes peuvent s’épanouir sereinement et devenir des membres historiques, des intellectuels indispensables alors que les femmes disparaissent et abandonnent leur place dans l’indifférence générale.
Amia Srinivasan, Le droit au sexe, Presses Universitaires de France. 2022
Relire :
Note de bas de page [1/8]
Le dîner [2/8]
L’enterrement [3/8]
Le procès [4/8]
Prochaine chronique le 18 septembre
Édition et relecture : Apolline Bazin
Illustration : Léane Alestra
* Anagramme emprunté à L’écume des jours de Boris Vian
Cet article La commission – Des amis qui vous veulent du bien, par Fania Noël provient de Manifesto XXI.
Cet article La commission – Des amis qui vous veulent du bien, par Fania Noël provient de Manifesto XXI.
Avez-vous déjà vécu une situation sexiste sans réussir à mettre le doigt sur ce qui clochait exactement ? La remarque anodine d’un camarade militant qui reste en travers de la gorge, une réaction véhémente d’un ami pourtant progressiste ou bien la « blague » cringe d’un collègue ? Le diable est dans les détails, le sexisme le plus difficile à dénoncer est peut-être celui qu’on appelle « bienveillant », celui des hommes « bien », bien diplômés, bien gentils, bien entourés et bien « féministes ». Dans ce cycle de 8 chroniques, la chercheuse et militante afroféministe Fania Noël vous propose de décortiquer des situations quotidiennes avec une courte fiction éclairée ensuite par une notion de critical feminist theory. [5/8]Rapport de la commission spéciale Jean-Sol Partre* destinée à l’assemblée générale, pour validation par le bureau politique
Co-président-es : Pauline L. et Naïm C.
Rapporteur : Abou F. et Freda W.
Membres : Sadio N., Raphaël L., Iptisem R., Alice DLC., Farzad N.
Le 2 janvier 2021, 25 femmes regroupées au sein du collectif « Les mal apprises » ont déposé une plainte au bureau politique du syndicat sous forme de lettre ouverte contre Jean-Sol Partre, 57 ans, membre du bureau politique, coordinateur de la commission de travail, et responsable de la formation idéologique.
La plainte du collectif « Les mal apprises » concerne des faits survenus entre 1999 et 2019. À ce moment-là, les plaignantes avaient entre 19 et 25 ans. Parmi elles, 4 sont toujours membres du syndicat. Dans sa lettre ouverte, le collectif accuse Jean-Sol Partre d’avoir « usé de sa position de membre historique au sein du syndicat, afin de les manipuler, séduire et obtenir des relation sexuelles […] en “instrumentalisant” et “déformant” le contenu théorique et idéologique de la formation comme outil de persuasion pour des rapports sexuels ». Les plaignantes ont souligné que ces rapports avaient souvent lieu avant ou après les sessions de formation dans son bureau ou dans certains cas à l’hôtel.
Les plaignantes demandent l’exclusion de Jean-Sol Partre, une lettre ouverte d’excuses, la mise en place de formations féministes à destination des membres du syndicat et la création d’une commission permanente féministe.
Le 3 mars a été votée en assemblée générale la création de cette commission spéciale et la suspension temporaire de Jean-Sol Partre. Les auditions de la commission se sont tenues du 23 avril au 13 mai 2021.
La commission a auditionné 12 membres du collectif « Les mal apprises » elles ont pu décrire leur entrée dans le syndicat, leur rencontre avec Jean-Sol Partre, l’évolution de la nature de leur relation, jusqu’à leur départ de l’organisation quand la relation prenait fin.
Lors de son audition, Jean-Sol Partre a reconnu avoir entretenu des relations avec toutes les plaignantes mais se défend d’avoir abusé de leur confiance ou d’avoir outrepassé son autorité.
Simone Veauboir, membre du bureau politique, coordinatrice du groupe de travail finances publiques et épouse de Jean-Sol Partre depuis 1995 a été auditionnée. Elle a mis l’accent sur le fait que les relations de son mari étaient consenties et connues, précisant que trois des plaignantes avaient passé des vacances estivales dans leur maison de Jonzac.
Le 29 avril 2021, le collectif « Les mal apprises » a publié dans la presse, puis présenté à la comission, une tribune de soutien signée par 75 organisations féministes, et accompagnée de 400 signatures de membres du syndicat, personnalités, universitaires et artistes. Le 2 mai 2021, Jean-Sol Partre a présenté une lettre ouverte appuyée par 300 signatures de membres du syndicat, personnalités, universitaires et artistes témoignant de leur soutien.
La commission reconnaît que la lettre présentée par Jean-Sol Partre comprend 28 signataires femmes.
A l’unanimité, les membres de la commission spéciale reconnaissent :
Néanmoins, les membres de la commission ne sont pas arrivés à un consensus sur :
Les décisions de la commission sont les suivantes :
La commission a travaillé dans une démarche d’écoute et dans le respect de la parole des plaignantes, en axant l’engagement du syndicat sur l’égalité de genre. Ce travail prend place dans un contexte politique défavorable et périlleux, où les demandes d’exemplarité de nos membres sont instrumentalisées par nos opposants dans la sphère médiatique. Nous avons dû réguler les relations entre les militants, qui n’échappent pas toujours aux dynamiques de pouvoir, tout en veillant à ne pas entraver les libertés individuelles. Nos propositions prennent en compte les responsabilités du syndicat envers ses membres, le projet que nous portons dans l’arène politique et les contraintes du calendrier électoral où la contribution de Jean-Sol Partre reste indispensable pour le syndicat.
Décisions soumises le 23 mai 2021 pour validation par le bureau politique.
____
Ce qu’en dit Amia Srinivasan :
Est-ce si exagéré de penser que la fonction, aussi inconsciente soit-elle, de la pratique répandue parmi les professeurs de faire des avances sexuelles à leur étudiantes est de bien faire comprendre aux femmes la place qui leur revient au sein de l’université ? Que les femmes sont autorisées à entrer dans l’université pour y tenir non pas le rôle d’étudiantes ou de professeures en devenir, mais celui de conquêtes sexuelles, de petites amies serviles, d’assistante affective, d’épouse, de secrétaire ?
Amia Srinivasan, Le droit au sexe. p.239
Bien qu’un syndicat (ou un parti) ne soit pas un établissement d’enseignement supérieur, la dynamique mentor-mentorée reste la même: force est de constater que l’institution montre la même incapacité à affronter sérieusement la question du consentement et des relations de pouvoir tout à fait asymétriques. Dans le cas qui nous intéresse, on peut voir comment un individu ayant une position de pouvoir due non seulement à son genre, mais aussi à son statut (intellectuel et organisationnel) a mis en place un modus operandi de prédation ciblant des jeunes militantes.
Si la commission reconnaît l’existence d’un modus operandi, le prétendu consentement des femmes est mis en avant pour minimiser l’acte, alors que l’enjeu va encore bien au-delà de cette seule question. Quand l’asymétrie est aussi marquée, comme nous le souligne la philosophe Amia Srinivasan, le comportement de Jean-Sol Partre est discriminatoire. Discriminatoire, car parmi les militant-es qu’il a la responsabilité de former, il traite les jeunes différemment, les assignant à n’être que des corps disposés à sa consommation. Auraient-elles consenti, si, plutôt que de jouer sur son aura de mentor, dépositaire d’un savoir et d’une expérience qu’elles admirent et cherchent à atteindre, il leur avait explicitement dit qu’elles n’étaient ni les premières ni les dernières qu’il convoitait ?
« Même lorsqu’il est clair que ce dont l’étudiante a envie, c’est d’être comme son professeur, il n’est pas difficile pour un professeur de convaincre l’étudiante qu’elle éprouve en réalité du désir pour lui, ou que le fait de coucher avec lui représenterait un moyen de devenir comme lui. » écrit Amia Srinivasan p.233
Le recours par les hommes de gauche et d’extrême-gauche à des théories idéologiques pour justifier une libération sexuelle des jeunes femmes afin de profiter d’elles est courant. Cette instrumentalisation passe par les sélections et le filtrage de ce qui est considéré comme le bon féminisme, et nourrit l’ego de Pygmalion. Il est n’est pas rare que ces hommes soient soutenus dans cette entreprise prédatrice auprès de jeunes femmes par des femmes de leur âge, comme dans le cas de Simone de Beauvoir, qui profitait de ses élèves pour avoir des relations sexuelles avec elles mais aussi pour les convaincre d’en avoir avec Jean-Paul Sartre (voir Mémoires d’une jeune fille dérangée de Bianca Lamblin).
Il est extrêmement inquiétant que politiquement le devenir des femmes ne soit pas pris en compte, alors que l’accomplissement professionnel des hommes qui leur portent préjudice au sein des organisations est salué. Les trajectoires, potentiels et apports des femmes sont relégués à la sphère individuelle, tandis que ceux des hommes relèvent du bien commun. Dans le même ordre d’idées, les qualités et compétences que les femmes apporteraient à une organisation (si cette dernière favorisait leur implication et les protégeait) ne sont que vaguement considérées. Ce comportement discriminant entretient le patriarcat en s’assurant que les institutions et organisations restent des lieux où les hommes peuvent s’épanouir sereinement et devenir des membres historiques, des intellectuels indispensables alors que les femmes disparaissent et abandonnent leur place dans l’indifférence générale.
Amia Srinivasan, Le droit au sexe, Presses Universitaires de France. 2022
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Note de bas de page [1/8]
Le dîner [2/8]
L’enterrement [3/8]
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* Anagramme emprunté à L’écume des jours de Boris Vian
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Ancien espoir du ballon rond français et l’un des rares footballeurs professionnels à avoir fait son coming out publiquement, Ouissem Belgacem était invité à Lausanne par Network. Rencontre avec un homme prêt à déplacer des montagnes pour un sport qu'il aime par-dessus tout.
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Victime d'une campagne de cyberharcèlement depuis sa prestation aux Victoires de la musique 2020, l'artiste annonce avoir déposé une autre plainte, après de nouvelles menaces de mort qu'elle continue de recevoir.
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L'approche est ambiguë mais le théologien Michel Anquetil,qui participe au débat, indique vouloir « combler le fossé qui sépare une pratique pastorale souvent bienveillante d’une doctrine toujours rigide ».
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Cet article Rose, choral et généreux : Le festival Jerk Off drag la rentrée provient de Manifesto XXI.
A partir de jeudi 14 septembre, le festival d’arts vivants Jerk Off est de retour pour agiter nos agendas avec 10 jours de créations queers et de rencontres. Voici les dates qui ont retenu notre attention dans sa programmation foisonnante.Après avoir fêté ses 15 ans l’année dernière, Jerk Off propose cette année à nouveau une programmation pleine de vitalité, répartie sur dix lieux. Le coup d’envoi sera donné avec une soirée au MAC VAL pour une visite guidée de l’exposition Histoires Vraies de Franck Lamy. Garance Bonotto y dévoilera son très jouissif Pot aux Roses, une performance ébouriffante qui dissèque les multiples couches de signification de la couleur rose dans la pop culture.
Dans la programmation, quelques thématiques se répondent, comme des fils rouges qui se croisent et forment un joli camaïeu de regards. Deux spectacles – Homo Idiome, de Fanny Adler et Vincent Madame, et Portraits détaillés de Lucien Fradin – utilisent des archives homosexuelles des années 80 comme matériau de création contemporaine. La transformation et le détournement drag des symboles innerve plusieurs propositions, dont l’exposition du collectif Les Idoles et Tom Grand Mourcel qui sera présentée au Point Éphémère. Le Centre Culturel Suisse fera la part belle aux métamorphoses avec le spectacle Eurêka, c’est presque le titre, où se déploient les multiples avatars de la danseuse Marie-Caroline Hominal. Surtout, on a très hâte d’y rencontrer Soya the cow, la « vache drag queen sex-positive, féministe et vegan libérée du genre et de l’espèce »: l’alter-ego de l’artiste Daniel Hellmann se produira dans deux spectacles Try walking in my hooves et Dear human animals les 22 et 24 septembre.
Petite nouveauté, le festival propose une équipe bien-être « formée à recueillir la parole de toute personne ne se sentant pas en sécurité, à l’aise ou respectée » pour certains événements. Le festival fait aussi une place aux récits audio avec une séance d’enregistrement en public du podcast JINS, dédié « au genre et aux sexualités des Arabes/musulman·es » le 15 septembre au Point Ephémère. Le samedi 16, le collectif queer les Contes à Paillettes animera une lecture d’histoires inclusives pour les petit·es (mais les plus grand·es sont bienvenu·es, et c’est gratuit). Et pour ce week-end des journées du matrimoine/patrimoine, quoi de mieux que s’intéresser plutôt à la création contemporaine avec une belle soirée de danse programmé au Regard du Cygne ? Dans Echine, la danseuse Jehane Hamm fusionne les mouvements humains et animaux dans une même pièce de chair en mouvement. Le duo Simon Peretti et Marius Barthaux prendront sa suite avec leur performance parasite et bottes-de-plume.
Le mardi 20 septembre la Flèche D’Or accueille une riche soirée (à prix libre) avec la performance Between the lines de l’artiste tunisien·ne exilé·e Ayoub Moumen qui sera suivie de la discussion « être queer dans l’espace public ». Enfin, à ne pas manquer surtout, il y a deux représentations du spectacle des performeuses Romy Alizée et Marianne Chargois, Gaze·s les 21 et 22 septembre, manifeste radical pour un « sex worker gaze ». Et si vous ne pouvez pas vous libérer sur ces dates, le festival à peine terminé, Jerk Off revient avec deux programmations au début du mois d’octobre à l’Etoile du Nord et à La Briqueterie CDCN.
Découvrir l’ensemble de la programmation
Image à la Une: Daniel Hellmann © Violette Canitano
Cet article Rose, choral et généreux : Le festival Jerk Off drag la rentrée provient de Manifesto XXI.
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A partir de jeudi 14 septembre, le festival d’arts vivants Jerk Off est de retour pour agiter nos agendas avec 10 jours de créations queers et de rencontres. Voici les dates qui ont retenu notre attention dans sa programmation foisonnante.Après avoir fêté ses 15 ans l’année dernière, Jerk Off propose cette année à nouveau une programmation pleine de vitalité, répartie sur dix lieux. Le coup d’envoi sera donné avec une soirée au MAC VAL pour une visite guidée de l’exposition Histoires Vraies de Franck Lamy. Garance Bonotto y dévoilera son très jouissif Pot aux Roses, une performance ébouriffante qui dissèque les multiples couches de signification de la couleur rose dans la pop culture.
Dans la programmation, quelques thématiques se répondent, comme des fils rouges qui se croisent et forment un joli camaïeu de regards. Deux spectacles – Homo Idiome, de Fanny Adler et Vincent Madame, et Portraits détaillés de Lucien Fradin – utilisent des archives homosexuelles des années 80 comme matériau de création contemporaine. La transformation et le détournement drag des symboles innerve plusieurs propositions, dont l’exposition du collectif Les Idoles et Tom Grand Mourcel qui sera présentée au Point Éphémère. Le Centre Culturel Suisse fera la part belle aux métamorphoses avec le spectacle Eurêka, c’est presque le titre, où se déploient les multiples avatars de la danseuse Marie-Caroline Hominal. Surtout, on a très hâte d’y rencontrer Soya the cow, la « vache drag queen sex-positive, féministe et vegan libérée du genre et de l’espèce »: l’alter-ego de l’artiste Daniel Hellmann se produira dans deux spectacles Try walking in my hooves et Dear human animals les 22 et 24 septembre.
Petite nouveauté, le festival propose une équipe bien-être « formée à recueillir la parole de toute personne ne se sentant pas en sécurité, à l’aise ou respectée » pour certains événements. Le festival fait aussi une place aux récits audio avec une séance d’enregistrement en public du podcast JINS, dédié « au genre et aux sexualités des Arabes/musulman·es » le 15 septembre au Point Ephémère. Le samedi 16, le collectif queer les Contes à Paillettes animera une lecture d’histoires inclusives pour les petit·es (mais les plus grand·es sont bienvenu·es, et c’est gratuit). Et pour ce week-end des journées du matrimoine/patrimoine, quoi de mieux que s’intéresser plutôt à la création contemporaine avec une belle soirée de danse programmé au Regard du Cygne ? Dans Echine, la danseuse Jehane Hamm fusionne les mouvements humains et animaux dans une même pièce de chair en mouvement. Le duo Simon Peretti et Marius Barthaux prendront sa suite avec leur performance parasite et bottes-de-plume.
Le mardi 20 septembre la Flèche D’Or accueille une riche soirée (à prix libre) avec la performance Between the lines de l’artiste tunisien·ne exilé·e Ayoub Moumen qui sera suivie de la discussion « être queer dans l’espace public ». Enfin, à ne pas manquer surtout, il y a deux représentations du spectacle des performeuses Romy Alizée et Marianne Chargois, Gaze·s les 21 et 22 septembre, manifeste radical pour un « sex worker gaze ». Et si vous ne pouvez pas vous libérer sur ces dates, le festival à peine terminé, Jerk Off revient avec deux programmations au début du mois d’octobre à l’Etoile du Nord et à La Briqueterie CDCN.
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Image à la Une: Daniel Hellmann © Violette Canitano
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Les feuilles au vent de la saison de la Vierge X Rétrograde sèment leurs grains de rigueur et de folie avec une précision mathématique dans les sillons de nos petites cicatrices. Une forêt pour guérir et sourire.
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La plus haute juridiction de Hong Kong a estimé que le gouvernement allait à l’encontre de la reconnaissance des droits des couples de même sexe, refusant toutefois qu’ils se marient.
L’article La justice hong-kongaise favorable à la reconnaissance des droits des couples de même sexe, mais pas du mariage est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
La Cour européenne des droits de l’homme a condamné la Bulgarie pour avoir refusé de reconnaître l’union l'union de deux de leurs ressortissantes, Darina Koilova et Lilly Babulkova, mariées en 2016 au Royaume-Uni, où elles vivaient depuis sept ans, avant de s'installer à Sofia.
L’article La CEDH condamne la Bulgarie pour avoir refusé de reconnaître l’union à l’étranger d’un couple de lesbiennes est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
En Suisse, toutes les familles arc-en-ciel ne sont pas logées à la même enseigne lorsqu’il s’agit d’accueil scolaire. Dans cette nébuleuse territoriale hétérogène, Vaud se démarque par son volontarisme en matière d’accompagnement.
L’article Rentrée scolaire pour les familles queer: Vaud premier de la classe est apparu en premier sur 360°.
Véritable phénomène culturel apparu aux USA il y a bientôt 15 ans (bonjour le coup de vieux!), RuPaul’s Drag Race essaime ses franchises nationales sur les petits écrans des quatre coins du globe. Après l’Espagne, la Suède, la Thaïlande, le Mexique ou encore la Belgique, le plus époustouflant des concours drag revient en France pour une deuxième saison qui met en lumière la première compétitrice suisse: Moon!
L’article «Drag race? Une opportunité phénoménale et urgente» est apparu en premier sur 360°.
Dans le cadre du festival Le Bureau des questions importantes, à Nyon, des ateliers originaux proposent aux jeunes de créer des visuels animés à leur image.
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Un an à la tête de 360° et toujours la même sensation inconfortable de marcher
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il risquait jusqu’à dix matchs, selon le règlement, mais la Commission de discipline de la LFP a pris compte de ses « excuses publiques et immédiates », lui infligeant qu'une sanction formelle avec un stage de sensibilisation.
L’article Ligue 1 : Pas de sanction ferme mais un match de suspension avec sursis pour Kévin N’Doram après ses propos homophobes est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
Cet article Station Électronique est le rendez-vous incontournable de cette rentrée provient de Manifesto XXI.
Avec sa sélection d’artistes pluridisciplinaires exigeant·es, la septième édition de Station Électronique présente une des programmations les plus excitantes et défricheuse de l’été.Durant deux soirées, les 8 et 9 septembre, l’équipe de la Station nous invite à plonger dans le bouillon des mutations actuelles de la dance music. Comme chaque année, Station Electronique fait la part belle à des esthétiques nouvelles et à leur traduction visuelle, et cette édition prévoit plusieurs lives AV inédits.
Le vendredi, la Station accueille le producteur irlandais Iglooghost qui présentera une nouvelle pièce audiovisuelle entre 2-step, grime, ambient et pop. L’artiste qui conçoit conjointement sa musique et son expression visuelle développe un univers mystique. Natif de la ville de Dorset, il s’est inspiré des mythes locaux pour concevoir son dernier album, sorti en 2021, Lei Line Eon. Cette soirée réunira aussi la productrice filipino-australienne Corin, une occasion unique de découvrir en live son album Lux Aeterna sorti cet été chez UIQ, le label fondé par le compositeur Lee Gamble. Zero Crossing Point, qui était à l’affiche de Positive Education l’année dernière, se produira également en live.
La soirée de samedi sera marquée par Evita Manji qui joue pour la première fois à Paris. Lae musicien·ne et chanteur·euse basé·e à Athènes, publiait l’année dernière l’album SPANDREL? sur le label PAN, un disque pop à fleur de peau, nourri par une conscience écologique inquiète et un riche travail sonore (relire notre interview ici). Ce sera aussi le premier live en France du duo berlinois ENXIN / ONYX. Enfin on a hâte de viber sur le DJ Set de Marwa Belha Youssef. Artiste pluridisciplinaire tunisienne, elle est résidente de Movement Radio (Athènes).
Billets et programmation complète
Image à la Une : Station Électronique 2022 © Raphaël
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Gauthier P. a subi au début de l'été une attaque homophobe et raciste en plein centre de Nancy. Aidé dans son combat judiciaire par SOS Racisme et Stop Homophobie, avec le soutien de l'édile de Nancy, Mathieu Klein, il témoigne.
L’article Un jeune homme agressé en plein centre de Nancy par une dizaine de supporters homophobes et racistes de l’ASNL est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
Le gouvernement canadien « met en garde » les voyageurs LGBT+ souhaitant se rendre aux États-Unis, les invitant notamment à « vérifier les lois et coutumes sociales locales » qui pourraient les affecter.
L’article « Tourisme LGBT » aux États-Unis : le Canada appelle à la prudence est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
Succédant à Sophie Élizéon, en place depuis 2021, Olivier Klein a été nommé ce mercredi à la tête de la Délégation interministérielle à la Lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT+.
L’article L’ex-ministre du Logement Olivier Klein nommé à la tête de la DILCRAH est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
Dans un entretien à l’Obs le ministre délégué chargé des Transports s'est prononcé pour une évolution législative « à l’avenir » de la GPA, que le président de la République n'a pas souhaité légaliser sous ses mandats.
L’article Clément Beaune favorable à la légalisation de la GPA, mais « pas dans cette législature » est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
Alors que les épidémies d’IST progressent continuellement, l’accès aux dépistages est aujourd’hui mis à mal pour des raisons administratives. En effet, une prise de position récente de Swissmedic remet en question l’accès facilité aux dépistages des IST majeures.
L’article L’accès aux dépistages, un enjeu de santé publique mis à mal est apparu en premier sur 360°.
BFMTV a pu s'infiltrer dans un séminaire organisé par l'association protestante Torrents de vie, mouvement dit évangélique, pour prétendument « aider les personnes chrétiennes à tendance homosexuelle, qui se sentent mal à l’aise dans leur identité ». La ministre Bérangère Couillard a saisi le procureur de la République.
L’article Malgré leur interdiction, les thérapies de conversion toujours pratiquées en France est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
Cet article Drift, « une façon de dériver comme artiste dans le monde » provient de Manifesto XXI.
Les diplômé·es des Beaux-Arts de Marseille présentent leurs travaux lors d’une exposition intitulée Drift, dérapage contrôlé, du 31 août au 22 octobre à la Friche Belle de Mai. Une plongée dans les préoccupations d’une génération qui cherche à dévier des chemins tout tracés. Interview avec la commissaire d’exposition, Karin Schlageter.Comme souvent à Marseille, l’art de la débrouille ouvre la voie vers de nouveaux possibles. C’est naturellement guidée par l’énergie d’une promotion avide d’alternatives que la commissaire d’exposition Karin Schlageter en est venue à la thématique du drift. Pour la deuxième année consécutive, les diplômé·es des Beaux-Arts de Marseille présentent leurs travaux lors d’une exposition hors-les-murs, à la Friche Belle de Mai du 31 août jusqu’au 22 octobre, intitulée Drift. De considérations environnementales aux violences sociétales, en passant par l’alimentation, les communs ou le postcolonialisme, les œuvres présentées par ces 36 jeunes artistes et designeur·ses témoignent d’un ancrage fort de cette génération dans des préoccupations contemporaines. L’imaginaire du « dérapage contrôlé » que propose la commissaire offre un écrin de circonstance à leur volonté farouche de questionner les normes pour mieux les contourner.
© Hosana SchornsteinManifesto XXI – Ce n’est pas habituel de curater une exposition avec une liste d’artistes déjà donnée, et aussi longue ! Comment avez-vous appréhendé ce challenge ?
Karin Schlageter : C’est un défi à plein d’égards ! Parce que c’est rare, en tant que curatrice, que je ne choisisse pas les artistes avec lesquel·les je travaille. C’est habituellement ce qui caractérise le travail curatorial. Cela va à contre-courant de mes habitudes de travail et de ce que je valorise d’ordinaire, à savoir la prospection, le fait de faire connaître des artistes. Je n’aime pas dire « découvrir » car iels existent sans moi, mais je cherche à les promouvoir, à les mettre en lumière. Après, ce projet m’a permis de découvrir beaucoup de travaux et c’était super excitant de rencontrer toute cette promotion. Ce sont de jeunes artistes et designeur·ses très sensibles, qui sont en questionnement. Iels cherchent leur place dans le monde, donc sont très à l’écoute des battements de cœur de notre société : l’écologie, le postcolonialisme, le féminisme, tout est là.
Selon vous, qu’est-ce qui marque cette génération ?
Il y a des pratiques axées autour des questions culinaires, de ce que l’alimentation dit de notre rapport au monde, comment elle le façonne, dans une perspective souvent écologique mais aussi postcoloniale. C’est par exemple le cas de la designeuse Azalina Mouhidini : elle vient de Mayotte et s’interroge sur la préservation des savoir-faire de son île, qui ont tendance à disparaître sous l’influence extérieure des pratiques qui découlent de la colonisation. Elle est très inquiète pour les potier·es qui fabriquaient auparavant des cruches, remplacées par les bouteilles en plastique. Elle cherche à préserver ces savoir-faire en leur trouvant de nouveaux débouchés. On peut aussi citer le travail de Lily Barotte, designeuse qui a présenté pour son diplôme un foodtruck. Elle se questionne sur les circuits courts, à travers un prisme écologique mais aussi communautaire, autour de ce que la cuisine met en commun. Lily a beaucoup travaillé avec d’autres diplômé·es : ce foodtruck a déjà voyagé l’été dernier à travers la France pour être installé dans des festivals et pas mal des diplômé·es y ont travaillé, comme Victor Giroux qui était très investi dans ce projet. À l’endroit des pratiques culinaires, on peut aussi parler du travail de Lolita Perez ou encore de Laurence Merle. Laurence présente une sculpture imposante, qui est un système d’alambic pour fabriquer de l’absinthe ; et Lolita, qui travaille sur les communs, a installé dans le jardin de l’école un pressoir à olives pour produire de l’huile à partir des oliviers du parc national des calanques. C’est un pressoir communautaire destiné à être utilisé par les habitant·es de Luminy et dont le mode d’emploi est accessible via un QR code présenté dans l’exposition.
La pesanteur et la grâce, 2023, supports en grès de Saint Amand émaillé et en cuivre de plomberie, absinthes séchées, pain de sucre marocain, verre de Baccarat teinté d’autunite, carafe de Biot, boutures d’absinthe, inclusion de Pavot de Californie dans la résine, alambics en verre et grès et marmite en cuivre, 90 x 90 x 210 cm © Laurence MerleTrouve-t-on une certaine cohérence esthétique entre tous les travaux présentés ?
Non, c’est assez hétérogène. Il y a des « familles » conceptuelles ou formelles : des artistes très minimalistes qui rejoignent certain·es designeur·ses de la promotion et, a contrario, d’autres choses plus touffues, baroques. Dans l’accrochage, j’ai essayé de mettre en dialogue les personnalités qui ont des sensibilités communes, entre lesquelles il y a des familiarités ou des échos. Ainsi, un ensemble d’artistes qui sont présenté·es dans la même zone de la salle d’exposition abordent des questions de structuration d’espace, par le regard ou le geste : Théo Anthouard, Etta Marthe Wunsch, Clare Poolman, Milan Giraud, mais aussi la designeuse Mahira Doume. Dans son travail par exemple, l’héritage minimaliste trouve certains développements dans le temps présent, en alliant la géométrie moderniste à des matériaux de récupération. D’une toute autre manière, le jeu vidéo présenté par Ryan Jamali permet une déambulation au sein de la foire internationale de Tripoli au Liban – la ville où il a grandi – aujourd’hui abandonnée et partiellement interdite d’accès, de façon à transmettre tout à la fois la mémoire des lieux et leur histoire politique.
Le drift n’est pas seulement une histoire de dérapage en voiture ou de navigation poétique, mais aussi l’idée de se trouver à la marge de la norme, à côté du chemin tout tracé, de trouver une voie de sortie à des routes sans issue.
Karin Schlageter
Y a-t-il une « patte » Beaux-Arts de Marseille ?
Je ne crois pas ! Mais dans la section design, par rapport à d’autres écoles plus orientées sur le design d’objets et où l’on forme à travailler dans des agences de design ou d’objets, ce sont ici des designeur·ses très poreux·ses aux questionnements contemporains, sur l’écologie ou la postcolonialité. Iels s’inscrivent davantage dans une vision du monde. Leur pratique pose question et en ce sens elle est très proche de celle des artistes. Iels sont plus dans une recherche de solutions, de réponse à ces questions qu’on se pose, mais malgré tout il y a dans leur démarche quelque chose de très méta et conceptuel. C’est accentué par le fait qu’iels travaillent ensemble : la promo design est composée d’une douzaine de personnes seulement, et l’école permet cette porosité entre les sections art et design. Ce sont des personnalités qui se rencontrent, se lient d’amitié. Ce qu’on retrouve aussi dans les formes : Valentin Vert a une pratique extrêmement sculpturale, Oliver Salway aussi a une démarche très artistique, avec des montages photographiques…
zm_lostfair, depuis 2020, installation-jeu vidéo, dimensions variables © Ryan JamaliPourquoi avoir réuni cette promotion sous le thème du drift ?
C’était mon enjeu d’arriver à avoir une forme de vision à distance qui puisse parler de toutes ces pratiques dans leur individualité et en même temps montrer la force de ce collectif. L’idée du drift m’est venue parce que ce mot veut dire plein de choses, il a beaucoup de résonances poétiques. Ce n’est pas seulement une histoire de dérapage en voiture : il y a l’idée de la dérive, à la fois en termes de navigation (qui emmène vers un imaginaire vraiment poétique), mais aussi l’idée de se trouver à la marge de la norme, à côté du chemin tout tracé, de trouver une voie de sortie à des routes sans issue. Plusieurs travaux se situent dans le champ de l’intime, comme Nathalia Golda Cimia, Christian Garre et Manon Monchaux. L’intime est politique, ce peut être le lieu privilégié de la construction d’une utopie personnelle, à la marge des normes sociales. Un moyen d’y échapper peut être de se constituer une mythologie personnelle, comme c’est le cas dans les travaux de Zoé Sinatti. Il y a chez cette génération une grande angoisse à propos de l’avenir, notamment de l’éco-anxiété. Comment sortir de cette impasse ?
C’est aussi une école de la débrouille, parce qu’elle se situe dans une ville qui brille par ses alternatives. Il y a donc beaucoup de créativité à l’endroit de comment bricoler sa vie pour la rendre plus supportable.
Karin Schlageter
C’est aussi un motif qui fait écho au parcours même d’artistes en formation qui doivent bien souvent contourner le système, imaginer des déviations…
Exactement, le drift est aussi une façon de dériver comme artiste dans le monde. C’est même beaucoup de ça dont il s’agit. On forme de plus en plus d’artistes, le milieu de l’art est très compétitif, violent et précaire, et on sort difficilement de cette précarité. Il y a déjà une façon chez elleux d’appréhender leur place en se cherchant aussi dans les marges, dans la déviation. Je ne sais pas si c’est Marseille qui fait ça – je n’ai pas un état des lieux de tous les diplômes donc je ne voudrais pas asséner des vérités contestables ! – mais il me semble que c’est particulièrement frappant ici quand même. L’école de Marseille est aussi une école de la débrouille, du bricolage, parce qu’elle se situe dans une ville qui brille par ses alternatives, qui en produit de nombreuses. Il y a donc beaucoup de créativité à l’endroit de comment bricoler sa vie pour la rendre plus supportable. Il y a une forme d’ingéniosité opportuniste chez Justine Porcheron, qui propose d’employer des algues échouées massivement sur certaines plages pour fabriquer des parasols. Le travail d’Oliver Salway à ce propos est assez marquant également : il est anglo-saxon et a été très inspiré par l’opportunisme des Marseillais·es par rapport à la construction. En Provence, il y a une tradition de fabrication de tuiles un peu évasées, comme un tube coupé en deux, qui étaient traditionnellement moulées sur une cuisse. En arpentant Marseille, il a été très marqué par ce réemploi des tuiles dans la maçonnerie, qui viennent remplacer des matériaux plus nobles : on va remplir des trous dans les murs avec du mortier combiné à des tuiles brisées par exemple.
Fahafahana, 2023, vidéo numérique, 10’ © Adriano Dafy RazafindrazakaLes violences sont au cœur du propos curatorial : comment cela occupe-t-il une place dans le travail des jeunes artistes aujourd’hui ? Par quels moyens s’en emparent-iels ?
Les travaux parlent beaucoup de violences, par exemple l’installation de Sarah Fageot : elle s’intéresse à la question du conflit, en retranscrivant des situations conflictuelles à travers des enregistrements sonores, dans les transports en commun mais aussi au sein de sa propre famille, dans lesquels on entend des propos très durs. Dans l’exposition, elle présente une vidéo d’un moment de dispute assez violent dans sa famille, enregistré à leur insu, où des femmes et des hommes s’écharpent sur la répartition des rôles, sur des problèmes au sein de la famille. On pourrait aussi citer la vidéo de Adriano Dafy Razafindrazaka, qui réalise un portrait de sa tante. Elle y parle de son parcours de femme racisée, des violences qu’elle a pu subir dans sa vie sentimentale, mais aussi au sein de la société. Il y a également le travail d’artistes comme Hosana Schornstein ou Amaria Boujon, qui répondent à la violence par la violence. Aujourd’hui, on entend beaucoup parler de l’éthique du care comme une solution féministe, mais chez ces deux artistes, au contraire, il y a une réappropriation de la violence dans une perspective féministe.
Justement, on se demandait dans quelle mesure le drift, avec son imaginaire tuning et cette parade un peu virile, pouvait s’envisager dans une perspective féministe ?
Il y a beaucoup de travaux qui déjouent justement les écueils binaires de la masculinité/féminité. On peut citer le travail de Joséphine Gélis qui décompose et déconstruit ce binarisme viril masculin versus délicat féminin. C’est aussi le cas de Kylian Zeggane, qui s’interroge sur les représentations de la masculinité. Il détourne des éléments d’univers présupposément masculins comme le monde du travail. Son installation est composée de moquette en dalles qu’on trouve dans les architectures de bureau standardisées, associées à une sculpture faite de coquilles d’huîtres qui crache de la fumée. Depuis la fin des années 1990, on modifie génétiquement les huîtres afin de les rendre stériles et qu’elles puissent être consommées toute l’année, et par cette intervention sur leur génome, d’une certaine façon, les huîtres triploïdes échappent à la binarité masculin/féminin. Certaines propositions déjouent ainsi les catégories trop simplistes et binaires. Encore une fois, ça drifte ! Ce thème vient bien dire cela : on ne fonce pas tête baissée dans des catégories toutes faites ou des raisonnements trop simplistes. Au contraire on s’échappe, on trouve des voies de sortie.
Propos recueillis par Sarah Diep et Soizic Pineau
Relecture et édition : Anne-Charlotte Michaut
Image à la une : BabyWolf13006, 2023, installation-vidéo composée de vidéo numérique, moquette de faux gazon et chaises, dimensions variables ; vidéo : 19’23’’ © Joséphine Gélis
Drift, dérapage contrôlé – Exposition des diplômé·es du DNSEP 2023 en art & design des Beaux-Arts de Marseille INSEAMM. Commissaire d’exposition : Karin Schlageter. Avec : Théo Anthouard, Lily Barotte, Amaria Boujon, Miguel Canchari, Nathalia Golda Cimia, Mahira Doume, Sarah Fageot, Alexandre Fontanié, Louison Gallego, Garance Gambin, Christian Garre, Joséphine Gélis, Milan Giraud, Victor Giroux, Ryan Jamali, Célia Leray, Carla Lloret-Palmero, Miao Luo, Déborah Maurice, Laurence Merle, Manon Monchaux, Azalina Mouhidini, Lolita Perez, Clare Poolman, Justine Porcheron, Adriano Dafy Razafindrazaka, Jeanne Yuna Rocher, Lola Sahar, Oliver Salway, Melisa Yagmur Saydi (melagro), Hosana Schornstein, Zoé Sinatti, Fabian Toueix, Valentin Vert, Etta Marthe Wunsch, Kylian Zeggane.
Vernissage le jeudi 31 août à 17h avec les performances de Garance Gambin, Adriano Dafy Razafindrazaka, Hosana Schornstein
Friche La Belle de Mai, La Tour, 5e étage, 41 rue Jobin Marseille 3eme
Ouverture de 14h à 19h pendant le weekend d’Art-o-rama
Toutes les informations pratiques ici
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Bientôt en tournée en Suisse et à l’étranger pour présenter son solo, Élie Autin performera en septembre lors du festival La Bâtie, à Genève. Artiste pluridisciplinaire, ses œuvres sont exposées au Centre d’Art Contemporain Circuit à Lausanne.
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Il aurait eu des « rapports sexuels illégaux » avec un homme de 41 ans, délit passible de la peine de mort en vertu de la loi anti-homosexualité adoptée en mai dernier par le pays. Son avocate a dénoncé l'inconstitutionnalité de la loi dans son ensemble, déjà contestée devant les tribunaux.
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Dr. Hazbi œuvre dans l’enseignement universitaire, l’économie, l’art et la politique. Son téléphone est bourré de réflexions qu'iel s'empresse de retranscrire, couche par couche.
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Dans une lettre ouverte, ils réclament la démission de Michel LEGUERET, tout récemment élu à la tête de l'association, s'insurgeant de sa « proximité politique avec l'extrême droite et plus particulièrement avec Eric ZEMMOUR ».
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Des hommes se réclamant des « soldats de Dieu », un groupuscule extrémiste chrétien, ont attaqué un bar qui accueillait un drag show à Beyrouth. Plusieurs personnes auraient été blessées. Des associations dénoncent une escalade anti-LGBT+.
L’article Un bar qui organisait un drag show attaqué par des « soldats de Dieu » à Beyrouth, au Liban est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
La Cour suprême du Brésil a voté à une large majorité pour un durcissement de sa législation contre l'homophobie, notamment étendue aux injures commises envers une personne qui seront désormais passibles d'une peine de deux à cinq ans de réclusion.
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Le joueur du FC Metz avait reproché à ses coéquipiers de jouer « comme des tapettes ». Il a présenté ses excuses mais a été convoqué par la Commission de discipline de la LFP.
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Le gouvernement allemand a adopté un projet de loi visant à « faciliter le changement de genre et de prénom à l’état civil pour les personnes transgenres, intersexes et non binaires » par simple déclaration. La précédente législation, datant des années 1980, était beaucoup plus contraignante.
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L'Irak veut durcir sa législation contre les personnes LGBT+ et envisage jusqu'à « la peine de mort » pour les relations homosexuelles, et au moins 7 ans pour toute « promotion de l'homosexualité ».
L’article Le parlement irakien envisage « la peine de mort ou la réclusion à perpétuité » pour les relations homosexuelles est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
Laura Ann Carlton, 66 ans, mère de 9 enfants et propriétaire d'un magasin de mode, a été abattue de plusieurs balles par un homme de 27 ans qui n'appréciait pas le drapeau arc-en-ciel qu’elle avait affiché devant sa boutique pour le mois des fiertés.
L’article En Californie, une commerçante et mère de famille abattue pour un « rainbow flag » devant sa vitrine est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
Dans Anatomie d’une chute, visible dès mercredi dans les salles romandes, Justine Triet brosse le remarquable portrait d’une femme bisexuelle complexe que tout accuse de la mort de son mari. Le film a remporté une incontestable Palme d’or.
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Bonjour, j’ai très envie de me masturber mais je n’aime pas toucher mon sexe. Comment puis-je faire?
L’article Le plaisir, avec ou sans les mains est apparu en premier sur 360°.
Bonjour, j’ai très envie de me masturber mais je n’aime pas toucher mon sexe. Comment puis-je faire?
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Une association de femmes lesbiennes noires obtient une mesure phare de santé publique, l'accès gratuit et universel au dépistage du chlordécone, à Paris. Un pesticide mortel pour l'Homme.
L’article Santé : Des lesbiennes noires obtiennent le dépistage gratuit et universel d’un pesticide mortel à Paris est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
Il avait soulevé un tollé à la sortie de son livre, notamment fustigé par le ministre italien de la Défense, qui a lancé une procédure disciplinaire.
L’article Les homosexuels ne sont « pas normaux » : le général italien Roberto Vannacci limogé après la publication d’un livre homophobe et raciste est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
Le maire (PS) Paul Le Bihan dénonce un « comportement imbécile », des « inscriptions scandaleuses, peu importe les motivations », et annonce qu'une plainte a été déposée.
L’article Bretagne : un trottoir multicolore de Lannion recouvert de peinture, du triskell et de tags homophobes est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
Le milieu messin de 27 ans avait lancé en direct au micro de Prime Vidéo des propos malaisants, « sous le coup de la frustration et de l’énervement », a-t-il regretté, en présentant ensuite ses excuses.
L’article « On joue comme des tapettes » : Kévin N’Doram s’excuse après son dérapage homophobe lors du Metz-OM est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
Alors que le film a dépassé le milliard de dollars au box-office mondial, considéré comme une campagne pro-LGBT, il a été censuré dans plusieurs pays, dont l'Algérie et le Liban.
L’article Le film « Barbie » boycotté dans plusieurs pays pour « promotion de l’homosexualité » est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
A Berlin, le monument en mémoire des homosexuels persécutés par les nazis a été l'objet d'une tentative d'incendie et recouvert d'affiches appelant à la peine capitale pour « un homme faisant l'amour avec un autre homme ».
L’article Profanation du Mémorial berlinois aux victimes homosexuels du nazisme est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
Dans cette chronique, je continue à discuter avec Julien. Un homme cisgenre, hétéro, avec qui je partage certaines de mes pensées. Il est fictif, sans être irréel. Julien, ça pourrait être toi, moi et/ou nous.
L’article Narratif alternatif est apparu en premier sur 360°.
Le réalisateur espagnol glisse Ethan Hawke et Pedro Pascal dans la peau de deux anciens cowboys amants, qui se retrouvent au bout de 25 ans.
L’article Strange Way of Life, western queer signé Almodovar est apparu en premier sur 360°.
Ils avaient repris la gérance en 2021 du seul restaurant de ce village de quelque 500 habitants dans l'Isère. Mais excédés par des mois d'injures homophobes, jets d'ordures et critiques, ils ont décidé de fermer l'établissement, après avoir déposé plainte pour homophobie.
L’article A Merlas, un couple d’aubergistes victime de harcèlement homophobe est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
La police de Sussex annonce l'ouverture d'une enquête après des signalements de chants homophobes scandés par des supporters du Luton Town FC (LTFC), lors du match de Premier League contre Brighton, ce samedi 12 août.
L’article Football : enquête ouverte après des chants homophobes à l’encontre de l’international écossais Billy Gilmour est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
Emmanuel Coissy a participé à 360° dès sa création, d’abord responsable mode, puis corédacteur en chef. À l’occasion des 25 ans du magazine, Il évoque Chez Brigitte, où est né le titre, et d’autres souvenirs de son passage dans les rangs du magazine queer.
L’article «Je fais la fête dans un squat et j’en sors avec un métier» est apparu en premier sur 360°.
Après une série de perquisitions dans les boutiques Swatch, le gouvernement malaisien interdit également le port de montres aux couleurs de l’arc-en-ciel, pour séduire les conservateurs, évoquant une « atteinte à la morale » et la lutte contre la « promotion de l'homosexualité ».
L’article Jusqu’à 3 ans de prison pour le port ou la vente de montres aux « couleurs LGBT » en Malaisie est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
Doté de 10 millions d'euros par an, le Comité du Tourisme des Îles de Guadeloupe ne fait rien pour véhiculer l'image positive d'une Guadeloupe accueillante envers les touristes LGBT+, alimentant ainsi une défiance envers la destination. Une situation inacceptable pour les associations locales de défense des droits humains.
L’article Guadeloupe : des associations dénoncent l’absence de soutien politique à un tourisme LGBT-friendly est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
Les autorités d’Addis Abeba ont annoncé « prendre des mesures correctives » contre les établissements « soupçonnés d’être impliqués dans des activités homosexuelles », encourageant la population à la délation.
L’article L’Éthiopie ouvre la « chasse » aux homosexuels et promet de « sévir » est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
Nominée en 2019 au Prix Elysée pour son projet On Mass Hysteria, Laia Abril est de retour à Lausanne avec une ode à la fois rageuse et touchante aux femmes. Par son approche précise, presque chirurgicale, elle décrit ce qu'il faut endurer pour traverser un traumatisme collectif et la violence commune qui en découle, mettant ainsi en lumière l'étendue de traumatismes générationnels dans certaines communautés.
L’article Laia Abril expose l’hystérie collective est apparu en premier sur 360°.
Quatre jeunes de 17 ans ont été placés en garde à vue, après l'agression d'un quadragénaire piégé via un site de rencontres homosexuelles. Tous ont reconnu les faits de violences avec préméditation en raison de l'orientation sexuelle de la victime.
L’article Quatre mineurs interpellés après un guet-apens homophobe à Narbonne est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
Le régulateur officiel des médias irakiens a interdit l’usage des mots « homosexuel » ou encore « homosexualité », désormais qualifiés de « déviance sexuelle ». La proposition n'a pas été entérinée en loi mais déjà toute infraction pourrait être sanctionnée.
L’article En Irak, le mot « homosexualité » bientôt remplacé par « déviance sexuelle » est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
La Banque mondiale ne financera plus de projets en Ouganda, suite à la promulgation en mai dernier d'une « loi anti-LGBT+ » qui va « fondamentalement à l'encontre de ses valeurs ». Le texte prévoit jusqu’à la perpétuité pour les relations homosexuelles, et même la mort pour les « récidivistes » et personnes séropositives.
L’article La Banque mondiale suspend son soutien à l’Ouganda après la « loi anti-homosexualité 2023 » est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
Affranchies du male gaze, les femmes queer libèrent leur corps de la police du poil. Une liberté qui attire l'œil et suscite le désir.
L’article Toisons désirables est apparu en premier sur 360°.
Une personne transgenre et son ami ont été injuriés et tabassés, dans la nuit de vendredi 4 à samedi 5 août à Besançon, une semaine après la double agression homophobe survenue le week-end des 29 et 30 juillet dernier au Parc Micaud. L'une des victime a eu le nez cassé.
L’article Nouvelle agression homophobe et transphobe en plein centre-ville de Besançon est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
Après des propos jugés antisémites d'un essayiste lors des universités d'été de l'organisation catholique intégriste, le ministre de l'Intérieur a annoncé saisir le procureur de la République et instruire sa dissolution.
L’article STOP homophobie se félicite de la dissolution du groupuscule intégriste Civitas est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
Dans son dernier livre, le religieux qualifie l'homoparentalité de « crime contre l'humanité » et la communauté LGBT de « nouvelle culture d'élimination de la famille ». Une incitation sauvage et extrême qu'il est impossible d'ignorer, a réagi l'association Aguda.
L’article En Israël, l’association Aguda porte plainte contre le rabbin Zvi Tau pour « incitation à la violence » est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
Plus de 1500 personnes ont participé ce 29 juillet à la deuxième édition des Fiertés Rurales – l’unique Pride des Campagnes – organisées par STOP homophobie à Chenevelles, dans la Vienne, à l’initiative du maire, Cyril Cibert.
L’article Retour en images sur les Fiertés Rurales 2023 est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
Les 16 ans d'Afrique arc-en-ciel Paris IDF ont apporté bonheur et réconfort auprès d'un public afro-LGBT+ qui connait souvent des difficultés d'insertion au détour d'un parcours migratoire difficile où la santé sexuelle et le bien-être ne doivent pas être occultés.
L’article Les 16 ans d’Afrique arc-en-ciel Paris Ile-de-France est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
Stéréotypes, structures inadaptées, réactions maladroites... Les personnes trans*, intersexes et non-binaires se heurtent à de nombreuses difficultés dans la pratique du sport. C'est ce dont témoignent Marie, Helio et Cyrille. Les deux premier·ère·x·s ont fondé ce printemps STIN, une nouvelle association lausannoise, dont le troisième est un membre actif.
L’article Des préjugés à surmonter en équipe est apparu en premier sur 360°.
Deux hommes homosexuels ont été violemment agressés les 29 et 30 juillet dernier, au Parc Micaud, où s'était déjà déroulé en 2018 une série de guet-apens homophobes sur le même mode opératoire. Deux suspects mineurs ont été interpellés.
L’article Deux jeunes de 17 ans interpellés après de nouvelles agressions homophobes dans un parc de Besançon est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
Cet article Récits d’amour et de famille, célibat et fête queer : nos recos lectures de l’été provient de Manifesto XXI.
En vue des longues semaines d’août qui s’étalent devant nous, la rédaction de Manifesto XXI vous confie ses coups de cœur lectures. Une sélection d’ouvrages sortis cette année à glisser dans la valise, pour penser l’amour, les corps queers, la fête et les dramas.En plus de tous·tes les auteurices mis·es en avant ces derniers mois dans nos pages (à retrouver en fin d’article), on vous offre pour l’été une sélection de petites pépites lectures qui sauront accompagner vos vacances avec de beaux essais sur la révolution romantique queer ou les transfuges de classe, des ouvrages collectifs pour repenser le champ de l’art, des récits poignants sur les années sida ou de magnifiques romans qui parlent de relations familiales, de célibat et d’amour (de soi).
Récits et fictionsUn chat à trois pattes, Camille Islert (Grasset)
La mère d’Eva va bientôt mourir. Au détour d’un pet et d’un fou rire sur son lit d’hôpital, la jeune femme (libraire, la trentaine) s’aperçoit qu’elle ne connait pas vraiment celle qui l’a mise au monde. Commence alors un monologue intérieur pour mieux comprendre cette femme qui l’a si sèchement élevée. À l’enquête familiale d’Eva se mêle un dialogue de sourd avec un frangin obtus, le souvenir de sa grande histoire d’amour avec Natalia, la déchéance de leur rupture et les mecs-pansements qui ont suivi. Dans une époque obsédée par le succès, ça fait plutôt du bien d’entendre les galères familières de cette anti-héroïne super angoissée. Le récit décrit finement les petites rancœurs, les non-dits, les ratés et ces moments suspendus, banals et vertigineux qui précèdent un deuil. Un premier roman réussi, touchant.
A.B.
95, Philippe Joanny (Grasset)
Après Comment tout a commencé, qui narrait la jeunesse de l’auteur, et la découverte de sa sexualité avec le sida comme horizon, Philippe Joanny situe son nouveau roman à la veille de l’arrivée des trithérapies, alors que l’épidémie fait de véritables ravages. Nous sommes propulsé·es en 1995 donc, année qui donne son titre à cet ouvrage autobiographique saisissant. Un titre qui fait écho au célèbre Quatrevingt-Treize, le dernier roman de Victor Hugo dont l’action se déroule deux siècles auparavant, en pleine Terreur, période la plus sombre de la Révolution française. En réalité, le récit de 95 se concentre sur une semaine, celle qui suit la mort d’Alex et précède ses funérailles. L’alternance entre récit du narrateur et extraits de témoignages récoltés quelques années plus tard auprès des survivants de la bande de copains d’Alex – dont fait partie Philippe Joanny – confère vivacité et intensité à la narration. Les voix de Gaby, Adam ou Willy se croisent, pour donner une version polyphonique de cette semaine éprouvante, passée à traîner dans l’appartement de Lucien, le copain d’Alex, mais également à faire la fête, prendre de la drogue et baiser. Car dans cette atmosphère lugubre, que faire pour conjurer le sort à part brûler la vie par les deux bouts ? Philippe Joanny réussit à nous plonger dans leur univers, et nous enjoint à ne pas oublier la réalité de cette année, parmi les plus sombres de l’épidémie. 95 est un puissant et émouvant hommage à Alex, mais également à tous·tes les mort·es du sida.
A.-C.M.
Vieille fille, Marie Kock (La Découverte)
Chérir sa solitude, très bien oui, mais comment ? Peu de choses ont été écrites sur le célibat d’un point de vue féministe, et Vieille fille (humblement sous-titré « Une proposition ») vient éclairer le chemin des dissidentes de l’hétérosexualité. La journaliste Marie Kock vieillit célibataire et elle en est a priori plutôt heureuse. À partir de cette figure de la vieille fille, elle développe une critique originale de l’organisation de nos relations affectives et du capitalisme. Une ode pragmatique à la liberté et à l’amour de soi.
A.B.
Tout ce que dit Manon est vrai, Manon Fargetton (Héloïse d’Ormesson)
« Un roman à mettre entre les mains de toutes les jeunes filles… » Un marketing très racoleur pour ce roman qui ressort en poche cet été. Tout ce que dit Manon est vrai raconte l’emprise exercée par un éditeur de bandes-dessinées sur une jeune artiste de 16 ans qui rêve de publication. Ce n’est pas sa voix à elle mais celles de tous·tes les autres protagonistes du récit que l’on entendra. La littérature de fiction sur ce sujet est abondante mais, cette fois, la narration ne se focalise pas sur comment le chaperon rouge est censé éviter le loup, mais sur tous·tes celleux autour, qui ne voient pas, ne veulent pas voir ou sont contraint·es à hurler dans le désert. Ce roman n’est pas pour les jeunes filles, mais pour tous·tes les autres, justement.
S.C.
La vie têtue, Juliette Rousseau (Cambourakis)
Avec ce premier livre, Juliette Rousseau fait une fracassante entrée en littérature. Dans La vie têtue, l’activiste et fondatrice des Éditions du commun raconte son histoire familiale, en alternant prose et poésie. Elle évoque un héritage de violences patriarcales, le décès de sa sœur et sa propre lutte pour faire famille autrement. C’est un format court d’une beauté incisive et bouleversante. Un chef-d’œuvre, tout simplement. Sortie en format poche à la rentrée.
A.B.
L’amour de nous-mêmes, Erika Nomeni (Hors d’atteinte)
Aloé, une femme noire, grosse et queer qui vit à Marseille, raconte sa vie amoureuse par mail à une mystérieuse Sujja. Dans la lignée des écrits sur l’amour, elle expose comment le classisme et le racisme façonnent ses relations sur le « marché de l’amour », ses contradictions, ses failles, ses addictions, comment elle tente d’arrêter de sortir avec des meufs blanches et surtout sa quête d’une meilleure estime d’elle-même. Une parole rare, entière et souvent bouleversante. Pour son premier roman, Erika Nomeni met les points sur les i et affirme le choix radical de l’amour comme manière d’être au monde.
A.B.
L’odeur des pierres mouillées, Léa Rivière (Éditions du commun)
Le premier recueil de poésie de Léa Rivière est une recherche littéraire ambitieuse mêlant plusieurs mondes narratifs marquants et sensibles. Elle crée des failles temporelles, corporelles et poétiques afin de faire advenir de nouveaux langages trans, queers, politiques, et dessiner ainsi des imaginaires émancipateurs. Un ouvrage qui souligne, une fois de plus, le travail exigeant et engagé des Éditions du commun. On notera tout particulièrement leur détermination à publier des récits « écologiques » incarnés, chose encore trop rare mais indispensable pour transformer nos aspirations à l’heure du réchauffement climatique.
B.D.
Manifeste pour une démocratie déviante, Costanza Spina (éditions trouble)
Comment faire la liste des lectures de l’été sans évoquer le hit du moment de la queerosphère à la page ? Fondateurice de Manifesto XXI, notre Coco Spina a sorti début juin son premier essai aux toutes nouvelles éditions trouble, créées par les sœurs Clémentine et Apolline Labrosse, déjà à l’origine de l’incontournable magazine Censored. Sous-titré « Amours queers face au fascisme », le propos revient sur les terrifiants rouages de l’extrême droite : victimisation, confusionnisme, paranoïa collective, wokisme, universalisme réactionnaire… Dans une seconde partie lumineuse, le manifeste développe le programme exaltant d’une véritable révolution romantique queer. Justice et soin, municipalités radicales, médias indépendants, utopie, vide et silence, ou encore spiritualité : entre l’écho de récits intimes des paysages siciliens de son enfance et son parcours de plus de dix ans d’engagement féministe comme journaliste, c’est un avenir désirable qui se dessine sous sa plume. Alors qu’on peine chaque jour un peu plus à trouver l’espoir, l’ouvrage donne la force nécessaire pour continuer de se battre, en nous éclairant sur ce pour quoi on le fait. La bombe parfaite pour pimenter les vacances en famille.
S.D.
Beaufs et barbares. Le pari du nous, Houria Bouteldja (La Fabrique)
Dans Beaufs et barbares, Houria Bouteldja tente de construire coûte que coûte l’union politique des prolétariats blanc et racisé alors que l’impérialisme capitaliste utilise le racisme et l’islamophobie pour, toujours plus, empêcher cette possible alliance qui lui serait fatale. Dans son dernier livre, la penseuse analyse la participation des organisations politiques de gauche dans le pacte impérialo-capitaliste de « l’État racial intégral » et suggère des stratégies rompant avec l’impérialisme afin de créer les conditions de l’union des « beaufs et des barbares ». Émouvante par sa plume incarnée, brillante par son exigence et son habileté tactique, Bouteldja pense la politique à partir de ce que les gens sont, et non de ce qu’iels devraient être. « C’est la fin du monde » annonce-t-elle en ouverture. À l’heure du réchauffement climatique (pour ne citer qu’un des phénomènes destructeurs), nous sommes à l’évidence au début de la fin. Faire le « pari du nous » alors que tout semble foutu : une priorité pour rester digne face à la laideur du monde. Une lecture essentielle.
B.D.
À propos d’amour, bell hooks (Divergences)
Dans tous les sacs à main, aux terrasses de café, sur chaque table de chevet… Dès sa sortie en librairie, on a vu l’ouvrage des éditions Divergences colorier tout le pays de son rose fuschia. C’est qu’il était temps : il aura fallu plus de vingt ans pour que sorte en version française le magnifique À propos d’amour de bell hooks. L’autrice afroféministe américaine y livre un essai politique infusé de spiritualité, qui envisage l’amour comme un acte et non comme un sentiment. De l’enfance jusqu’à la mort, en passant par l’amour de soi, la romance, la communauté, mais aussi la cupidité, le mensonge ou la guérison, chaque chapitre se laisse savourer comme une méditation qui remet en lumière nos comportements individuels et collectifs, dans un style sensible empreint d’expériences personnelles. On n’osera pas rajouter ici trop de mots, tant les siens suffisent. Juste une piqûre de rappel si le temps a manqué pour le dévorer plus tôt, ou pour y replonger – parce qu’il est de ces livres qu’on garde toute une vie pour le lire et le relire, et vieillir à ses côtés.
S.D.
Et tes parents ils font quoi ?, Adrien Naselli (JC Lattès/ Le livre de poche)
Dans cette enquête, le journaliste Adrien Naselli (père chauffeur de bus, mère secrétaire) fait dialoguer les transfuges de classe et leurs parents. Ses interviewé·es sont Rokhaya Diallo, Ali Rebeihi, David Belliard, Laura Thomassaint, Anne Pauly… Au fil des témoignages, auxquels se mêle sa propre histoire, Adrien Naselli articule les points communs et les singularités de chaque parcours sans jamais perdre le cap. Méthodiquement, il montre l’envers du mythe de la méritocratie, son coût symbolique et intime. L’enquête évoque les moments difficiles que traversent les transfuges et leurs parents, mais elle donne aussi une grande place à la tendresse qui unit les familles interrogées.
A.B.
Raving, McKenzie Wark (Duke University Press, non traduit)
McKenzie Wark, autrice et théoricienne trans australienne, raconte et théorise la fête queer à la sortie du premier confinement covid de 2020 à Brooklyn. C’est en teuffeuse expérimentée qu’elle décrit les corps qui dansent à l’époque où l’épidémie les force à se distancer et où celles et ceux des plus marginalisé·es continuent d’être contrôlés et abattus (l’été 2020 est marqué par l’assassinat de George Floyd). Son récit est aussi une célébration des vies trans et une réclamation du dancefloor comme lieu politique pour les corps, particulièrement trans et/ou racisés. Entre humour, sexe et théorisation des espaces et des drogues de la teuf, en particulier la kétamine, McKenzie Wark continue son exploration auto-théorique initiée dans son précédent ouvrage, Reverse Cowgirl.
B.D.
Adult Drama: And Other Essays, Natalie Beach (Hanover Square Press, non traduit)
Les fans de dramas d’internet sont probablement familier·ères du shitstorm Caroline Calloway (si non, profitez des vacances pour rattraper cette saga en cours depuis 2018, vous n’allez pas être déçu·e). Natalie Beach, son ancienne meilleure amie et autrice de l’essai I was Caroline Calloway pour The Cut, sort cet été son propre recueil d’essais très justement intitulé Adult Drama. En plus du récit qui l’a fait connaître, on y trouve une fine analyse de l’impact d’Abercrombie sur la culture des années 2000 et un témoignage émouvant de son bénévolat dans un planning familial. À lire si vous avez apprécié Jeux de miroirs de Jia Tolentino dans la sélection de l’an dernier.
S.C.
Tout ce qu’on sait on tait, Wages For Wages Against (L’Amazone & Privilege)
Avec un titre tiré des paroles de la rappeuse Meryl, le deuxième volume du collectif WFWA (qui mène depuis plusieurs années une campagne pour une meilleure rémunération des artistes et une économie alternative des arts) réunit sept contributions savoureuses autour des conditions sociales et économiques des travailleur·ses de la culture. L’éditrice, Tiphanie Blanc, signe un texte inaugural « sur les enjeux du partage des savoirs militants » où on la suit dans ses questionnements sur la survie économique des collectifs de lutte. Noémi Michel nous embarque plus loin dans un passionnant échange de mails fictifs avec la Société Anonyme du Soin Radical Noir, autour de la charge raciale subie par les chercheur·ses racisé·es sollicité·es par les médias lors des mobilisations Black Lives Matter, ou encore le tokenisme pratiqué par certains groupes féministes. On gardera précieusement sous le coude le génial « brouillon d’auto-défense face aux ******washing dans le champ de l’art » du duo L’Eau à la Butch, qui offre avec humour des outils de survie aux artistes torturé·es par leurs paradoxes. Rythmé par les interventions visuelles de la collective Gufo, le recueil comprend également un entretien sur la mobilisation des femmes de chambre grévistes, un récit d’Olga Rozenblum sur sa précarité de prof en école d’art, ou encore un extrait du roman de Johana Blanc autour de la « disparition » des femmes artistes. Le tout dans une pimpante édition bilingue français-anglais, avec les ligatures bien-aimées de Bye Bye Binary.
S.D.
Pédés, collectif (Points)
Huit textes, huit perspectives pour penser l’homosexualité masculine avec Didier Eribon (« Au commencement il y a l’injure ») et Monique Wittig comme références tutélaires. De la célèbre affirmation « Les lesbiennes ne sont pas des femmes », ce livre décline l’idée que dans le régime patriarcal, les pédés ne sont pas des hommes. Ils sont « un genre à soi » comme le défend Camille Desombre (aka Matthieu Foucher). Dans cette chorale coordonnée par l’auteur Florent Manelli, il y a aussi Jacques Boualem, Adrien Naselli, Julien Ribeiro, Ruben Tayupo, Nanténé Traoré et Anthony Vincent. L’essai s’ouvre d’ailleurs sur un très beau texte de ce dernier qui parle de l’imbrication entre race et sexualité. Viennent ensuite un plaidoyer pour l’ouverture des frontières à toustes les migrant·es, une évocation de la classe, le VIH/sida qui, toujours, place dans une lignée… Pédés est un essai à la fois choral et personnel, radical et accessible. C’est en tout cas une base de réflexion pour relancer le militantisme homosexuel et créer de nouvelles solidarités.
A.B.
Super Sumo ! (SULO)
La deuxième édition de Super Sumo propose une sélection de BD super chouettes, avec des planches réalisées par Élisa Marraudino, Adrien Yeung, Camille Blandin (aussi connue sous le nom de strrripclub) et Bakonet Jackonet. Étoffé de sudokus, mots fléchés et devinettes, ce numéro en jolie impression riso accompagne parfaitement les longs voyages en train ou les après-midis doux au bord de la rivière.
D.G.
Textes à lire à voix haute, Collectif Brasa (Brook)
Trois curateurices, quinze auteurices, quatre traducteurices : on ne pourrait faire résonner davantage la polyphonie qu’avec ce travail à plusieurs impulsé par le collectif de traduction Brasa. Cet ensemble d’écrits contemporains d’artistes et personnes queers et racisé·es brésilien·nes dresse un panorama vivant des mouvements sociaux, artistiques et autogérés de leur pays. C’est un pari pris autour de la langue : d’abord celle qui se lit, puisqu’on y jongle de l’essai aux formes les plus expérimentales de poésie, de performances ou de chansons, dans une explosion des catégories littéraires. La langue qui se traduit, ensuite, avec tout ce que cet exercice implique de détours, de travestissements, de choix ou de non-choix – Brasa a volontairement laissé de nombreux mots en portugais brésilien dans le texte, préférant les étoffer d’un lexique généreux qui replace le/la néophyte en position d’humilité et d’apprentissage. C’est une langue qui résonne, enfin, et à voix haute, surtout, car profondément politique et actuelle. Les auteurices y abordent les notions de soin et de privilège, interrogent le champ de l’art avec des lames de rasoir, dans un prisme décolonial et transféministe sans concession. Coups de cœur pour la puissante réflexion de la poétesse tatiana nascimento « du devoir de dénoncer la douleur au droit au songe », les manifestes kuir sauvages de Pêdra Costa, et la mélancolie des poésies douces-amères de Rebeca Carapiá. Beaucoup de belles pensées et de justes colères pour nourrir nos engagements intersectionnels.
S.D.
Cette année dans nos pages, on vous a déjà conseillé des premiers romans enthousiasmants (Comment sortir du monde de Marouane Bakhti, Mon corps de ferme d’Aurélie Olivier), des récits personnels autour de l’expérience de la queerness (La fin des monstres. Récit d’une trajectoire trans de Tal Madesta, Les carnets de l’underground de Gabriel Cholette), mais aussi un recueil de poèmes expérimentaux (Hot wings and tenders de marl brun). On vous a partagé des extraits du savoureux premier essai de Léane Alestra, Les hommes hétéro le sont-ils vraiment ?, ainsi que de Rien à perdre, dans lequel le journaliste Hanneli Victoire s’essaie à l’autofiction. Laurène Daycard, également journaliste, a quant à elle mêlé enquête rigoureuse et récit de soi dans le nécessaire Nos absentes. À l’origine des féminicides. Côté essais, l’année a eu son lot de sorties réjouissantes, parmi lesquelles Pour une écologie pirate. Et nous serons libres de Fatima Ouassak, Selfie. Comment le capitalisme contrôle nos corps de Jennifer Padjemi ou encore Vers la normativité queer de Pierre Nierdergang. Last but not least, on vous conseille vivement la lecture, tristement d’actualité, de Deux secondes d’air qui brûle, le premier roman de Diaty Diallo, qui a également publié un texte puissant dans nos pages au lendemain du meurtre de Nahel.
Pour plus de recommandations encore, n’hésitez pas à aller aussi piocher dans notre sélection de l’été dernier !
Sélection et rédaction : Apolline Bazin, Salvade Castera, Benjamin Delaveau, Sarah Diep, Dana Galindo, Anne-Charlotte Michaut.
Chroniques et interviews réalisées dans l’année par Léane Alestra, Apolline Bazin, Lou Inès Bes, Benjamin Delaveau, Sarah Netter, Costanza Spina.
Relecture et édition : Anne-Charlotte Michaut et Sarah Diep.
Cet article Récits d’amour et de famille, célibat et fête queer : nos recos lectures de l’été provient de Manifesto XXI.
Cet article Contre la lesbophobie d’État : prises de parole des collectifs queers racisés et antiracistes provient de Manifesto XXI.
Une co-organisation féministe antiraciste composée de plusieurs collectifs de lesbien·nes queers noir·es et racisé·es s’est constituée dans le cadre des mobilisations contre la réforme des retraites, au moment du Pink Bloc à la suite d’une discrimination subie par le cortège DiivinesLGBTQIA+ tenant une banderole anti-chlordécone.À l’occasion de la marche lesbienne du 23 avril 2023, les collectifs de cette co-orga ont décidé de partager le micro en fin de marche, afin que chacun porte ses revendications en tant que lesbien·nes racisé·es, noir·es et/ou migrant·es. L’ensemble de ces prises de parole forme un éclairage multiple sur l’articulation des oppressions de genres, de races, de sexualités, qu’il nous semble important de diffuser, et dont nous souhaitons laisser des traces pour que nos luttes continuent et aboutissent. Cette publication intervient quelques semaines après l’assassinat de Nahel par un policier à Nanterre le 27 juin. Le racisme, que nous dénonçons ici sous ses différentes formes dans nos prises de parole, s’exprime à travers tous les appareils de l’État, des médias jusqu’aux forces armées, instruments de ce même système. En ce sens, il restera impuni tant que le système et donc sa justice raciste, sexiste, classiste, validiste, afro-lesbophobe, ne changera pas. Nous profitons donc de cette publication pour demander justice pour tous·tes nos mort·es par les armes, par l’exclusion, par la précarisation.
Décolonisons le féminisme
Diivines.LGBTQIA+
Nta Rajel?
Oraaj
Pride des Banlieues
Queer Racisé·e·s Autonomes
Raízes Arrechas
Image à la une : © coorganisation féministe antiraciste
Cet article Contre la lesbophobie d’État : prises de parole des collectifs queers racisés et antiracistes provient de Manifesto XXI.
Un jeune homme de 28 ans, O'Shae Sibley, danseur et chorégraphe, a été poignardé le 29 juillet dernier pour avoir esquisser des pas de vogue devant une station-service de Brooklyn où il s'était arrêté avec ses amis pour faire un plein d'essence.
L’article Un suspect de 17 ans identifié dans le meurtre homophobe de l’artiste O’Shae Sibley en pleine rue à Brooklyn est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
Chaque mois, Payot Libraire met en avant des livres queer. Au programme de cet été, deux titres à emporter avec soi à la plage.
L’article Les ouvrages queer de l’été est apparu en premier sur 360°.
Le succès de la seconde édition des « Fiertés Rurales », la Pride des Campagnes, organisées ce samedi 29 juillet à Chenevelles, dans la Vienne (86), ne s'est pas démenti avec la participation de quelque 1500 personnes, malgré la pluie.
L’article 1500 personnes pour la 2e édition des « Fiertés Rurales » est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
Trois édiles partagent leurs attentes, espoirs et les perspectives esquissées par les Fiertés Rurales, organisées avec le soutien de Stop Homophobie.
L’article La 2nde Pride des Campagnes au prisme des élu.es est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
Pour la deuxième fois en moins d’une semaine, le secrétaire général du Hezbollah libanais a exhorté les autorités à sévir contre les « relations homosexuelles », alors que communauté est déjà dans leur collimateur. Quelques jours plus tôt, il avait appelé à en « tuer » ses membres.
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Le Musée d’Art et d’Histoire (MAH) de Genève présente l’exposition Loving, qui parcourt un siècle d’intimité gaie en photographies. Nous avons rencontré Hugh Nini et Neal Treadwell, les collectionneurs qui ont rassemblé ce fonds unique. À découvrir jusqu’au 24 septembre.
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C’est un fait: il existe peu de ressources en santé sexuelle qui s’adressent spécifiquement aux
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A travers 3 témoignages, Fierté rurale dont la seconde édition organisée par Stop Homophobie va avoir lieu samedi, à Chenevelles dans la Vienne (451 habitants), fédère de nombreuses attentes autour des communautés LGBT+ et de l'acceptation des différences à la campagne, dans le centre de la France.
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Interrogée sur la participation des femmes transgenres à l’élection, la directrice de l'organisation a estimé, au vu du nombre de demandes, qu'il n'était pas « pour l'instant » justifié de modifier le règlement, suscitant en protestation des centaines de candidatures spontanées d'hommes trans.
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Au prisme de sa culture québécoise, de ses activités militantes et artistiques, Princesse GenderFuck vous partage ses histoires entre son pays d’accueil, la Suisse, et son pays d’origine, le Canada.
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Cet article Frères, un film au cœur de la lutte des familles de victimes de la police provient de Manifesto XXI.
Le meurtre de Nahel s’est récemment ajouté à la longue liste des mort·es de violences policières. Le réalisateur Ugo Simon a suivi trois frères dans leur combat pour la vérité et la justice, une lutte portée par de trop nombreuses familles en France. Nous diffusons aujourd’hui son film pour donner un autre éclairage sur l’actualité, une nécessité tant la parole des proches de victimes est peu audible dans le débat public. Le documentaire de 45 minutes est disponible sur Manifesto XXI jusqu’au 11 septembre.Mahamadou Camara, Diané Bah et Farid El Yamni ont tous les trois perdu un frère lors d’une intervention policière au cours des quinze dernières années. Ce sont eux qui portent le combat pour que justice soit faite à la mémoire de leur frère disparu et à leur famille endeuillée. Pour son film de fin d’études à la Femis, le réalisateur Ugo Simon est allé à leur rencontre. Le mouvement Black Lives Matter et l’indignation mondiale suscitée par la mort de George Floyd en 2020 ont convaincu le cinéaste de l’urgence de parler des victimes de la police en France.
À la base de sa démarche cinématographique, il y a une réflexion sur l’usage des images de violences policières dans les médias. Quelle alternative proposer aux images chocs pour susciter l’empathie ? Comment restituer de manière complète la violence systémique de ces meurtres ? Les réponses se trouvent dans les mots des frères, dans les images des lieux filmés et dans le non accès aux images de vidéosurveillance, quand il en existe. On y comprend le poids de l’absence, la torture de l’attente, et le désespoir causé par l’injustice. Construit en forme de triptyque, le documentaire raconte les détails de chaque meurtre, une narration qui laisse la place à chacun de se livrer, de dire ce que l’assassinat d’un frère leur a fait dans leur chair, tout en faisant ressortir les points communs de ces récits. Aucun n’était préparé pour mener cette lutte et pourtant chacun, mort-vivant à jamais en deuil, la mène.
Nous avons posé trois questions à Ugo Simon sur la réalisation.
Manifesto XXI – Comment les frères t’ont-ils accordé leur confiance ? Dans leurs témoignages, on entend que leur rapport à la parole est assez complexe, notamment parce que leurs points de vue ne sont pas ou peu entendus par les médias mainstream et l’institution judiciaire.
Ugo Simon : Lorsque nous nous sommes rencontrés, je me suis présenté en tant que cinéaste. Je leur ai dit que je n’étais pas dans une démarche journalistique et que je souhaitais faire un film dont, à l’époque, je ne savais pas encore précisément à quoi il ressemblerait, mais que nous chercherions ensemble. Deux choses étaient cependant évidentes pour moi dès le départ : le film serait en totale solidarité avec eux, et il ne chercherait pas à mettre les faits à l’épreuve. La plupart de leurs prises de parole publiques consiste à répéter la façon dont les meurtres se sont déroulés et à raconter où en sont les procédures judiciaires, je voulais que le film explore autre chose. Ce qui m’intéressait, c’était eux, comment est-ce qu’ils vivent intimement cette situation.
J’ai imaginé ce film comme étant complémentaire à la somme d’informations dont nous disposons désormais grâce au travail des militant·es, chercheur·ses et journalistes. Aujourd’hui, tout le monde sait – ou refuse de savoir – la régularité des crimes policiers, le harcèlement quotidien, le racisme. Je souhaitais que le film, grâce à la grande qualité de paroles de Mahamadou, Diané et Farid, apporte une dimension supplémentaire, et je crois qu’ils ont été sensibles à cette idée.
À bien des égards, eux et moi sommes différents mais je crois qu’avec ce film, nous avons réussi à créer un espace de discussion et d’écoute précieux. J’ai tout de suite pris conscience que je portais une grande responsabilité, qu’il fallait que je prenne soin de cette parole et que je fasse en sorte qu’elle puisse être entendue le plus justement possible. Tout le travail de montage a été fait dans ce sens, en articulant les silences et les mots, les visages et les paysages.
Chacun confie des choses plutôt intimes sur son rapport au deuil. Est-ce que c’était une thématique que tu souhaitais mettre en lumière ?
Ce que je souhaitais surtout, c’était comprendre la façon dont ils se sont transformés à la suite du meurtre de leur frère. Et, plus que le rapport au deuil, c’est plus spécifiquement la difficulté à faire le deuil qui m’a semblé constitutive des personnes qu’ils sont devenus. Comme après chaque meurtre policier, l’acharnement judiciaire, les procédures interminables, les mensonges d’experts, la criminalisation des défunts agissent comme une deuxième agression. Tout ça est très bien raconté par Rachida Brahim dans La race tue deux fois.
Mon travail a consisté à faire advenir, par la discussion, une parole intime et singulière. Dans le film, cette parole vient peupler l’absence ; celle de leur frère, de la justice, des images de vidéosurveillance. Elle échappe, je crois, à un cadrage thématique tant elle me semble riche et profondément vivante.
Les espaces où les meurtres ont été commis sont des endroits banals. Comment as-tu travaillé cet aspect à la caméra ?
Avec la cheffe opératrice Pauline Penichout, nous avons beaucoup réfléchi à la façon de filmer les lieux des meurtres. Deux idées nous ont servi de boussole. D’abord, effectivement, cela nous semblait important de montrer ces espaces dans toute leur banalité, sans que rien de spectaculaire ne s’y joue, avec des passants, des transports en commun… Rien ne laisse penser que ces plans représentent des scènes de crime à première vue et pourtant, c’est bien le cas. Je crois que la violence est alors, paradoxalement, d’autant plus perceptible qu’on ne la voit pas.
La seconde idée visait à rendre encore plus puissante la parole qui s’écoule sur ces images. Le vide relatif et l’extrême quotidienneté de ce qui est montré contraste avec la densité des mots des frères afin que ceux-ci nous atteignent en profondeur.
Frères est disponible gratuitement sur Manifesto XXI jusqu’au 11 septembre.
Cet article Frères, un film au cœur de la lutte des familles de victimes de la police provient de Manifesto XXI.
Kubra Khademi fait la une de notre magazine estival. Portrait de l’artiste afghane qui propose un art érotique, coloré et engagé, véritable ode à la sexualité féminine.
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Les autorités ont annulé ce samedi un festival qui devait durer trois jours, après un baiser entre le chanteur et le bassiste du groupe The 1975, qui voulaient dénoncer les lois anti-LGBT+ du pays.
L’article Annulation d’un festival musical en Malaisie, après un baiser sur scène entre le chanteur et le bassiste du groupe « The 1975 » est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
Alors que la Cour suprême décidait en mai dernier de reconnaître les mariages conclus à l’étranger par des couples homosexuels, la chambre haute du parlement namibien vote un texte les interdisant et sanctionnant leur promotion.
L’article Namibie : Le Conseil national vote une loi contre le mariage entre personnes de même sexe est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
Le texte prévoir une peine d’emprisonnement de 8 jours à 2 ans et/ou d’une amende de 208 à 2.400 euros pour les praticiens et promoteurs, avec un risque d'interdiction professionnelle, si le délit est commis dans un contexte professionnel.
L’article Belgique : la Chambre des représentants adopte un projet de loi interdisant les « thérapies de conversion » est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
Cet article Gabriel Cholette, chroniqueur des riches heures de l’underground provient de Manifesto XXI.
Les Carnets de l’underground, le premier roman du québécois Gabriel Cholette, vient de paraître en France aux éditions Le Gospel. Ce petit livre est une succession de tableaux nocturnes turbulents qui montrent un talent certain pour la description de l’époque.De Montréal à Berlin en passant (très rapidement) par New-York et Paris, Les Carnets sont le témoignage d’un certain lifestyle queer « branché » du début du XXIème siècle. Sorties en club, parties de sexe, mélanges de substances, retours chaotiques : Gabriel Cholette n’omet rien, il évoque aussi bien le désir et l’extase que notre narcissisme, les ratés et nos vanités numériques. Écrits à 24 ans et publiés en 2021 au Québec, Les Carnets sont en somme un coming of age, le récit d’une éducation par la fête d’un club kid, doctorant en littérature médiévale le jour. Sous leur apparente frivolité, Les Carnets invitent les fêtard·es qui les liront à se regarder en face avec autant d’honnêteté que l’auteur. Quelques années après leur sortie au Canada, Gabriel Cholette a pris du recul sur cette période agitée où il se transformait souvent en « gobelin ». « Écrire c’est une façon d’étendre sa conscience, d’investir un espace intellectuel, intérieur. Si vous avez envie d’écrire, je vous invite à faire cette expérience pour voir jusqu’où votre parole peut vous emmener. » dit-il. En juin, il était de passage en France pour une tournée de présentation et nous avons discuté ensemble à la librairie parisienne Le Monte-en-l’air. Voici une partie de notre échange.
Manifesto XXI – Les Carnets ont une forme très immédiate, il n’y a pas de place pour des regrets concernant des choses négatives qui te sont arrivées en sortant, ou des choses que tu as faites. Était-ce une volonté ?
Gabriel Cholette : Dans ce livre, il y a un désir d’écrire quelque chose de plaisant. J’étais encore beaucoup dans la séduction, avec mes lecteurs et lectrices. Avec le recul, je vois bien qu’il y avait comme un obstacle dans ma conscience. Je me suis empêché de tomber dans une sorte de critique de ce que je pouvais faire quand je consommais [de la drogue]. Je ressentais le besoin d’ouvrir un espace autour de moi pour parler de ces expériences, qui sont finalement assez communes. C’est un rite de passage presque obligé dans la vie, les jeunes se retrouvent entre elleux et développent un langage en dehors de la famille. Je pense que c’est très important de se retrouver entre personnes qui pensent de la même façon et de se développer. En ça, je suis assez fier du côté presque journalistique de ce projet qui n’est pas du tout dans la critique. C’est une manière de dire « acceptons la vie comme elle est, parlons de ces expériences qui ont été fondatrices pour moi, parlons en d’une manière qui n’est pas prescriptive ».
Pour moi, c’est un enjeu queer d’être honnête avec ses parents parce qu’on se cache. C’est extrêmement difficile, mais il faut se montrer, avoir des conversations difficiles avec nos parents, quitte à les transformer.
Gabriel Cholette
Le regard occupe une place importante dans ton écriture, il y a ceux que les clubber·euses échangent irl, ceux qui se passent par réseaux interposés, et le principal, je crois, celui de ta mère. Le livre commence avec cette phrase « Envoyez pas ça à ma mère » et pourtant, sans divulgacher la fin, on y revient. Est-ce que c’était un choix conscient ? Est-ce que tu ressentais un besoin de boucler la boucle et d’assumer un certain regard sur toi, en tant que personne queer qui prend de la drogue ?
Commençons par la communauté gay et queer, où beaucoup de choses passent par le regard. Au début des années 2000, on parlait de « gaydar », de cette capacité à savoir reconnaître si une personne est gay ou pas, par exemple dans la rue. C’est la scène la plus commune je crois. Mais surtout quand deux personnes gays se croisent, elles vont se chercher, se reconnaître, se demander si la personne leur plaît et donc ensuite on va se demander si on est séduisant·e soi-même. C’est amplifié par Instagram, et ce projet est né sur Insta, ce n’est pas un hasard. Il y avait des images, c’est vraiment la fondation sur laquelle je me suis érigé, l’image de se créer un profil. Si vous avez un profil numérique vous savez la charge mentale que c’est, on est constamment en train de se regarder, de regarder les autres, de se juger.
Par rapport à ma mère, ce qui est foudroyant, c’est que mon inconscient parlait beaucoup dans ce livre. J’ai arrêté de le parcourir, parce que je trouve que ça en dit vraiment beaucoup sur moi. Cette phrase « n’envoyez pas ça à ma mère », c’était une blague, mais en fait c’est vraiment l’espace que je me suis créé pour être à l’extérieur de son regard. Ma mère a une grande importance dans ma vie, je suis vraiment un fils à sa maman comme le sont plusieurs gays. Elle m’a eu à 21 ans donc on est plutôt proches. Maintenant elle a 51 ans, elle est jeune, mais à un moment j’avais besoin de m’écarter d’elle. Je lui mentais beaucoup, je faisais croire que j’avais une vie la plus parfaite possible et je ne lui parlais pas des expériences que je partageais à mes ami·es. Avec elleux je parle de sexe, de dates, de relations sociales et quand j’arrivais dans mon cercle familial, tous ces sujets m’étaient retirés. J’avais vraiment l’impression de me taire quand je rentrais dans ma famille. Comme Didier Eribon quand il dit dans Retour à Reims qu’il se sent complètement « étranger » à ses parents. En m’écartant de ma mère, et en publiant le livre, j’ai eu le mouvement inverse. Je suis revenu, encore plus honnête avec moi-même, avec qui j’étais. Pour moi, c’est un enjeu queer d’être honnête avec ses parents parce qu’on se cache. C’est extrêmement difficile, mais il faut se montrer, avoir des conversations difficiles avec nos parents, quitte à les transformer. Récemment, Geoffroy de Lagasnerie a dit qu’il fallait détruire la famille, et moi je suis complètement de l’opinion inverse. Il faut essayer de transformer nos familles à notre façon. Bien sûr, je sais que ce n’est pas possible pour tout le monde, certains contextes familiaux rendent ça impossible.
Quand on est bombardé·es d’images publicitaires, qui représentent un idéal, on est dans un rapport pernicieux à nous-mêmes. On devient inadéquat·es, incapables de se représenter nous-mêmes.
Gabriel Cholette
Quel effet ce regard permanent produit sur nous ?
Je pense qu’il y a une critique de l’image à faire dans les milieux radicaux. L’image est un langage en soi et, comme tout langage, on peut en faire un bon ou un mauvais usage. Quand on est bombardé·es d’images publicitaires, qui représentent un idéal, on est dans un rapport pernicieux à nous-mêmes. On devient inadéquat·es, incapables de se représenter nous-mêmes. On ne se trouve jamais assez belle·beau. Instagram pourrait avoir la force de diffuser des images qui vont à contre-courant, mais non, ça nous pousse à nous conformer. Je critique mais je suis absolument pris dans cette dynamique, mon compte Instagram est très léché. Mes ami·es me disent parfois qu’on dirait une page de magazine. À côté, j’ai un faux compte où je mets des images plus « normales ». Cette fascination pour l’image fait en sorte qu’on se dissocie, entre une version montrable de nous-mêmes et une autre pas montrable, et c’est nocif.
J’ai souvent utilisé l’écriture pour changer des choses dans mon environnement.
Gabriel Cholette
Et quel impact ça a, en particulier quand on se construit en tant que jeune personne queer, selon toi ? Et sur notre capacité à créer des liens ?
C’est une question à laquelle on devrait réfléchir plus souvent. Quand j’étais plus jeune j’étais un petit geek, pas cool, looser, et puis un jour, une fille sur MSN m’a dit que j’étais beau et que ça allait changer ma vie. Elle m’a invité à rejoindre son gang, et ça été mon premier groupe d’ami·es. Ça m’a fait comprendre que je pourrais m’élever socialement grâce à la beauté et j’ai énormément misé là-dessus. Beaucoup de personnes gays travaillent leur apparence parce que ça leur a permis de sortir de l’isolement. La beauté, ça rassemble mais ça crée aussi d’autres hiérarchies. Au Québec, je suis un peu déçu de nos communautés, parce que tout le monde accorde beaucoup d’importance aux vêtements. Faut que tout le monde soit belle·beau et stylé·e, mais si on veut être dans la communauté queer, il faut justement qu’on abolisse toutes les hiérarchies, à commencer par la beauté qui est une discrimination extrêmement exigeante. Si on ne se trouve pas beau ou belle, si on nous envoie des signes qui nous renvoient une image pas séduisante de nous-mêmes, ça peut complètement nous fermer et nous enlever notre lumière.
Qu’est-ce que l’écriture des Carnets a changé en toi ?
Ma faculté à réfléchir par rapport à moi-même. J’essaie d’être le plus honnête possible avec moi-même. Je pense que pendant la vingtaine et le début de la trentaine, c’est important de se pencher sur soi, et pas besoin de l’écriture pour ça d’ailleurs. Ça a changé mon regard, ma conscience, vers quelque chose de plus engagé mais aussi de plus à l’écoute de mes sentiments, de mes sensations. L’écriture au présent permet de faire des changements. Quand on écrit au « je », ça permet de faire des objets qui sont comme des ponts entre ce qui se passe dans nos têtes et l’extérieur. J’ai souvent utilisé l’écriture pour changer des choses dans mon environnement. J’ai un peu de la misère à m’exprimer quand je suis seul avec quelqu’un·e. L’écriture a toujours été ce temps pour penser, réfléchir à ce que je veux dire, écrire des nouvelles qui transforment. Ces textes sont beaucoup plus positifs que si je parlais juste avec la personne.
Aussi, l’écriture des Carnets est marquée par l’oralité, par le besoin d’être très près de comment je m’exprime avec mes amis. J’avais remarqué que soudain, quand j’écris sur un doc word, mes phrases sont construites, polies, avec des adverbes que je n’utilise pas. Je me suis demandé pourquoi je ne valorisais pas la langue que j’utilise. Quand on est dans la francophonie, on a un obstacle vis-à-vis de la langue, on est gavé·e de littérature française qui n’est pas notre langue. On a des expressions qui nous sont propres donc pour le·la québécois·e, le rapport à la langue est assez trouble. On considère que notre langue est méchante, que c’est quelque chose de malpoli. Les Carnets m’ont permis d’être ici et de parler devant vous. Dans l’écriture il y a aussi l’enjeu de valoriser sa propre langue. La langue est constamment en train d’évoluer, du Moyen-Âge jusqu’à aujourd’hui, et je pense que c’est le travail des auteurices de dire où on en est, de dire qu’on peut parler de cette façon avec de l’anglais et du slang.
Ce que je retiens du Moyen-Âge aussi, c’est un certain rapport à la naïveté. C’est la fameuse image de Saint-Augustin qui porte son cœur enflammé d’une main et qui écrit de l’autre. C’est une vérité sur l’écriture, il faut écrire à partir de ses passions.
Gabriel Cholette
Est-ce qu’il y a des auteurices dont le rapport à la langue t’a inspiré ?
Oui, La déesse des mouches à feu de Geneviève Pettersen est un texte fondateur pour moi. Il a vraiment changé ma vie. C’est la langue du Saguenay, au Québec. C’est l’histoire d’une ado qui prend de la drogue, et Les Carnets sont comme un hommage à La Déesse. J’aime beaucoup Koltès aussi, j’y retourne toujours.
Les Carnets sont dans l’immédiat et l’éphémère de la fête, mais tu as fait ton doctorat sur la littérature du Moyen-Âge. Est-ce que ce grand écart temporel a été source de réflexion ?
C’est sûr que j’ai un regard un peu différent, des spécialistes de littérature médiévale, il n’y en a pas tant, avouons-le. Quand j’ai décidé de devenir médiéviste, je voulais absolument m’écarter du contemporain. J’avais remarqué cette manie des auteurices de se rapprocher de celleux qu’iels admirent. Je voulais éviter ça complètement en allant lire Chrétien de Troyes et Marie de France. Bon, je me suis fait prendre à mon propre jeu parce que je vois Marie de France partout dans mes textes. Les fabliaux sont un matériau d’inspiration des Carnets. La narration du moyen-âge est captivante et Les Carnets sont très moyenâgeux dans leur forme !
Pour mon doctorat, j’ai étudié 1800 textes très courts qui ont été écrits entre 1160 et 1330. Dans le fond, la brièveté produit un rapport au temps différent, il y a des effets de rythme assez forts. L’humour scatologique des fabliaux fait aussi partie des Carnets. Surtout, ce que j’aime dans le fait d’avoir travaillé sur le Moyen-Âge, c’est de constater à quel point le temps est circulaire. On passe par les mêmes étapes, on redécouvre sans cesse les mêmes choses, le langage change mais on arrive aux mêmes vérités. Ça permet de comprendre la société comme une sorte de grand chaos où tout le monde s’oppose pour avoir le dernier mot, pour marquer l’histoire… On retrouve les mêmes dynamiques sociales, et ça permet de relativiser. Les luttes sociales des femmes et des homosexuel·les se sont faites siècle après siècle. On pourrait même s’inspirer de stratégies du Moyen-Age. Par exemple, les problèmes qu’on a actuellement avec le commerce existaient déjà au XIIème siècle : des personnes étaient en possession de toutes les richesses et les écrivains sont venus lutter contre ceux qu’on appelait les avares, les usuriers, qui sont exactement les milliardaires d’aujourd’hui. Ce que je retiens du Moyen-Âge aussi c’est un certain rapport à la naïveté. C’est la fameuse image de Saint-Augustin qui porte son cœur enflammé d’une main, et qui écrit de l’autre. C’est une vérité sur l’écriture, il faut écrire à partir de ses passions. À 24 ans, ma passion c’était la fête.
Les Carnets de l’underground, Le Gospel Edition, 160 p.
Relecture : Anne-Charlotte Michaut
Cet article Gabriel Cholette, chroniqueur des riches heures de l’underground provient de Manifesto XXI.
Dénonçant une « dérive » transgenre dans le sport féminin, le député RN Julien Odoul a déposé une proposition de loi visant à interdire aux personnes transgenres de concourir dans des compétitions sportives dans la catégorie correspondant à leur genre.
L’article Discrimination : Le RN voudrait interdire certaines compétitions sportives aux personnes transgenres est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
Cet article Christa Theret : de LOL à Conann, itinéraire d’un·e acteur·ice émancipé·e provient de Manifesto XXI.
Cette année, Conann de Bertrand Mandico était présenté à la Quinzaine des Cinéastes, sélection parallèle du Festival de Cannes. L’acteur·ice Christa Theret (LOL, Renoir, La Brindille), y interprète une des six versions du personnage de guerrier sanguinaire perpétuellement tué·e par son propre futur. Rencontre.Répéré·e lors d’un casting sauvage dans la cour de récrée, Christa Theret a 11 ans lorsqu’iel fait ses premiers pas au cinéma, avec le film Le Couperet de Costa-Gravas. Quelques années plus tard, l’acteur·ice décroche le rôle principal du film LOL de Lisa Azuelos, qui le·a fera connaître du grand public et lui vaudra une première nomination au César du meilleur espoir féminin. Depuis, l’artiste a enchaîné les projets (de Renoir à La Fille du patron, en passant par Tout en haut du monde) et continue de diversifier les styles de personnages, puisqu’iel présente cette année ses deux premiers rôles queers au cinéma.
C’est ainsi qu’on le·a retrouve dans Conann, nouveau film du réalisateur Bertrand Mandico, prévu en salles le 23 novembre 2023. Celui-ci revisite la figure mythologique de Conan le Barbare, le gladiateur avide de vengeance, pour créer un univers sanglant uniquement composé de femmes, de queers et d’animaux, dans lequel six Conann se succèdent, incarnant chacun·e une tranche de vie du personnage. Si le film nous a posé quelques interrogations en matière de représentation, on était ravi·es qu’il nous fasse découvrir Christa Theret en version guerrier androgyne badass, dans le rôle de Conann nº2. L’occasion pour Manifesto XXI de discuter avec l’acteur·ice, qui espère dorénavant se tourner vers le théâtre, et interpréter au cinéma des rôles plus engagés, en particulier ceux « qui démontent le genre ».
Manifesto XXI – Aujourd’hui, ça fait déjà 15 ans que LOL est sorti. Tu en gardes quoi comme souvenir ? Quelle est la place de ce film dans ta carrière ?
Christa Theret : C’était une aventure incroyable, on était très jeunes, et je pense que Lisa Azuelos a réussi à créer un vrai groupe d’amis. C’est vrai qu’il y a cette sincérité qu’on peut sentir à l’écran. Je pense que ce film a été très important pour notre génération, après voilà. C’est vrai que pour moi ça fait longtemps, et j’ai fait pas mal de choses après. Ça a été important, mais aujourd’hui, c’est loin.
Depuis, j’ai beaucoup aimé jouer La Brindille d’Emmanuelle Millet (2011). C’était un film assez social, sur une jeune femme, Sarah, qui fait un déni de grossesse. Elle vit à Marseille, elle est assez seule, et son parcours, c’est qu’elle va accoucher sous X. C’est tout son chemin qui m’a beaucoup touché·e. De manière générale au cinéma, j’aime quand un personnage se confronte aux enjeux de son monde, et qu’on ne le sacralise pas trop.
Qu’est-ce que tu trouves beau, et moins beau, dans le métier d’acteur·ice ?
C’est vraiment comme un voyage, on habille des personnages, donc c’est assez fort, parce qu’on doit aussi éclairer des parties de nous-même. Je dirais qu’en termes psychologique et physique, on voyage. Après, je pense qu’il y a aussi beaucoup de films qui sont assez genrés. C’est pour ça que je suis aussi très heureux·se de faire partie de Conann, qui pour moi démonte le genre. Et ça fait du bien.
Ce serait super de pouvoir, un jour, ne pas avoir à se justifier par rapport à son genre.
Christa Theret
Comment tu t’es retrouvé·e sur le film de Bertrand Mandico ?
On m’a appelé·e l’été dernier pour faire un casting, c’était assez pressé. J’ai rencontré Bertrand, on a fait une improvisation et ça s’est bien passé. Je pense qu’il a vraiment su écouter. J’avais envie d’aller vers des personnages plus androgynes, et il m’y a poussé·e. On a vraiment pu composer ça ensemble.
Tu as découvert le film lors de sa première à Cannes, qu’en as-tu pensé ?
J’ai été déboussolé·e en sortant. Je pense que ça dit énormément de choses, chaque Conann apporte quelque chose à l’histoire. L’univers de Bertrand est totalement poétique, puissant, politique.
Est-ce que c’est le premier film queer dans lequel tu joues ?
J’en ai un autre qui va sortir en juillet, Luise, un film de Matthias Luthardt, un réalisateur allemand. C’est sur la rencontre entre deux femmes pendant la 1ère guerre mondiale, et l’arrivée d’un soldat, dans une forme de huis clos. Mais oui, ce sont mes premiers.
Je pense que c’est trop rare, aujourd’hui encore. Ça été une liberté folle pour moi, de pouvoir jouer ce personnage de Conann, de pas être vu·e sous un prisme féminin, de pouvoir avoir cette gestuelle. Il y avait quelque chose de très libre. Ce serait super de pouvoir, un jour, ne pas avoir à se justifier par rapport à son genre. Et que des femmes puissent avoir des rôles de personnages masculins, par exemple.
Tu te verrais rejouer des personnages féminins, dans le futur ?
Aujourd’hui je suis en phase avec mon corps, donc je pourrais le faire. Mais c’est vrai que j’ai aussi souffert de cette représentation. Donc j’espère avoir plus de personnages comme celui de Conann.
Je pense que les lesbiennes ont pas mal été invisibilisées, donc c’est important de le dire quand on l’est.
Christa Theret
T’identifies-tu comme faisant partie du monde queer ?
Oui, bien sûr.
Quel état des lieux dresses-tu de la représentation queer au cinéma ?
Je pense qu’il n’y a pas assez de réelles personnes queers pour interpréter des personnages queers. Même si le principe de l’acteur·ice, c’est bien sûr de se changer, je trouve ça dommage. Par exemple, ça fait du bien de voir jouer un·e acteur·ice qui sait ce que c’est que de désirer une femme, ou de désirer une personne queer.
Je pense que les lesbiennes ont pas mal été invisibilisées, donc c’est important de le dire quand on l’est. Il n’y a pas assez de films qui existent et qui traitent de ce sujet, et nous sommes beaucoup d’artistes à être invisibilisé·es.
Face à cette institution qui réagit violemment, je pense qu’il faut qu’on se soutienne.
Christa Theret
Cette année, à Cannes, on ressent particulièrement ce décalage entre une culture du cinéma où on ferme les yeux sur tout, et ces nouveaux mouvements qui dénoncent de vastes abus, et revendiquent une manière autre de faire des films. On a récemment eu le geste d’Adèle Haenel, qui a décidé de quitter le cinéma pour des raisons politiques, ou la tribune d’acteur·ices dénonçant un « système dysfonctionnel »… Qu’est-ce que toi tu penses de tout ça, tu crois que ça peut changer ?
Je pense que ça peut changer, bien sûr. Adèle [Haenel] a ouvert des portes très importantes. Je pense qu’elle a commencé à faire bouger les choses, et que du coup, comme dans tout grand mouvement, il y a une opposition qui se fait sentir, et que ça fait mal. Face à cette institution qui réagit violemment, je pense qu’il faut qu’on se soutienne, pour que les choses avancent. Il faut continuer. Personnellement, je suis plus attentif·ve à comment je choisis mes projets désormais. J’ai déjà refusé des propositions pour des raisons politiques.
Le cinéma a donc, selon toi, le pouvoir de faire changer les choses ?
Bien sûr, on l’avait déjà vu avec l’actrice Delphine Seyrig, dans son documentaire Sois belle et tais toi. Ce qui avait été dit, c’était un premier pas, peut-être. La réalisatrice Chantal Akerman aussi… Je pense que tout ça, ce sont des liens qu’il faut joindre, et que nous sommes en train de les construire.
J’aimerais tendre vers le théâtre, et avoir au cinéma des rôles plus engagés
Christa Theret
Il y a des projets sur lesquels tu aimerais travailler, à l’avenir ?
J’aimerais bien jouer dans une pièce de Sarah Kane. C’est une femme qui écrit du théâtre. Elle était anglaise, lesbienne, elle s’est suicidée à 30 ans. Elle a écrit beaucoup de pièces incroyables, sur le genre notamment.
J’aimerais tendre vers le théâtre, et avoir au cinéma des rôles plus engagés.
Pour finir, qu’est-ce que tu aimes faire à côté de ton métier d’acteur·ice ?
J’écris aussi de la poésie, qui va avec des dessins, de manière un peu expérimentale. Et en ce moment, j’écris un court-métrage.
On a hâte de découvrir ça, tu veux nous raconter l’histoire ?
Ça parle de l’errance d’une jeune femme, qui va fuir le temps d’une nuit la mort de sa mère qui est très récente, et qui va prendre un train pour aller dans un endroit où sa mère allait. Et elle va faire des rencontres, la nuit, qui vont l’amener à quelque chose.
Conann de Bertrand Mandico, avec Sandra Parfait, Elina Löwensohn, Christa Theret, Julia Riedler, Agata Buzek, Nathalie Richard, Claire Buburcq, Françoise Brion… En salles le 23 novembre 2023.
Image à la Une : still de Connan
Relecture et édition : Apolline Bazin et Benjamin Delaveau
Cet article Christa Theret : de LOL à Conann, itinéraire d’un·e acteur·ice émancipé·e provient de Manifesto XXI.
Un an après la première édition qui a rassemblé plusieurs centaines de personnes, la marche des Fiertés Rurales revient ce samedi 29 juillet 2023 avec encore plus de surprises, des animations, un espace festif et son village associatif.
L’article Chenevelles : deuxième édition des Fiertés Rurales, « l’unique Pride des Campagnes de France » est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
Ça y est c’est l’été, on peut le dire cette fois non? On a ressorti les Teva et notre glacière préférée, on est prêtes à vivre notre best life au bord d’un lac, d’une mer, en montagne ou sur notre balcon. Pour ce numéro estival, on vous a préparé quelques hits chauds et kinky et une sélection de bouquins pour vos vacances. On se voit à la rentrée et on vous souhaite à tous·tes·x un été rempli d’amour, d’amitié, de musique, de lecture, de repos et de kiffance.
L’article Les pépites de l’été, entre lecture et musique est apparu en premier sur 360°.
Des milliers de personnes ont investi la marche afin d’exprimer leurs inquiétudes face aux pressions et mesures anti-LGBTQ+ du gouvernement conservateur de Viktor Orbán.
L’article Hongrie : des milliers de participants à la Pride de Budapest pour protester contre les mesures anti-LGBTQ+ du gouvernement est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
L’instance a annoncé interdire la participation aux compétitions internationales des athlètes transgenres féminines ayant effectué leur transition après leur puberté. Des réglés qui pourront toutefois évoluer, en fonction de l'évolution des connaissances scientifiques.
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Le Parlement russe a adopté, vendredi 14 juillet, une nouvelle législation contre les personnes transgenres, interdisant désormais toutes les transitions, avec bannissement de leurs droits d’adopter des enfants et l'annulation des mariages conclus dans le passé.
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Cet article Le retour de Catherine Corsini: Rencontre avec Esther Gohourou et Suzy Bemba provient de Manifesto XXI.
Au printemps, Le retour de Catherine Corsini a fait couler beaucoup d’encre. Le scandale des méthodes de travail abusives de la réalisatrice a terni la présentation de ce film pourtant intéressant qui sort aujourd’hui en salles. A Cannes, nous avons rencontré les deux actrices principales.Le nouveau film de Catherine Corsini, nous raconte le retour en Corse d’une mère (Khédidja) et ses deux filles adolescentes (Jessica et Farah) qui avaient toutes trois brusquement quitté l’île 15 ans plus tôt. Présenté mi-mai au Festival de Cannes 2023, le film y faisait une première amère, sur fond d’accusations portant sur la réalisatrice et la production. En cause, une scène de sexe avec mineure non déclarée en amont ni à la Commission des enfants du spectacle, ni à l’actrice en question, des conditions de travail non-respectées, des accusations d’humiliations répétées et d’agressions passées sous silence. Alors que les méthodes de travail violentes et illégales semblent encore être perçues comme nécessaires à la fabrication d’un film, il est d’autant plus paradoxal et frustrant que Le retour mette en scène d’intéressantes questions en termes de rapports de pouvoir, autour notamment de problématiques de race, de classe et de sexualités queers.
Nous avons décidé de donner la parole aux deux actrices principales du film, Esther Gohourou et Suzy Bemba, pensant qu’il serait injuste qu’elles aient la double-peine d’être invisibilisées à cause d’actes dont elles ont elles-mêmes pâti. Rencontre avec ces deux jeunes artistes talentueuses, qui nous ont partagé leurs parcours et leurs réflexions sur la représentation de minorités au cinéma.
Manifesto XXI – Est-ce que vous pourriez nous parler un peu de vous, et nous dire comment vous en êtes venues à faire du cinéma ?
Suzy Bemba : Je m’appelle Suzy, j’ai 22 ans. J’ai commencé par un film qui s’appelle Kandisha, d’Alexandre Bustillo et Julien Maury, en 2020. À la base, le cinéma, c’est pas ce que je voulais faire particulièrement, j’étais en fac de médecine. Et puis j’ai eu envie de jouer, alors j’ai essayé. Depuis, je joue presque exclusivement, et j’ai repris mes études à distance.
Esther Gohourou : Moi c’est Esther, j’ai 16 ans, je suis en première. Le premier film que j’ai fait, c’était Mignonnes, de Maïmouna Doucouré.
J’ai été bouleversée par l’histoire des personnages principaux, parce que c’est trois femmes noires, parce que mon personnage est lesbienne.
Suzy Bemba
Comment vous êtes-vous retrouvées sur le film, et qu’est-ce qui vous a plu dans le scénario ?
SB : J’ai été bouleversée par l’histoire des personnages principaux, parce que c’est trois femmes noires, parce que mon personnage est lesbienne. C’était très important pour moi de me dire que je représenterai ça.
Tu avais déjà cette réflexion sur la représentation avant d’être actrice ?
SB : Absolument. Justement, mon métier est exclusivement calqué là-dessus. Je fais du cinéma pour ça je pense, je veux apporter de nouveaux récits, de nouveaux visages. Et les bons, surtout.
Et toi Esther ?
EG : Moi je ne cherche pas de casting car je suis encore au lycée. Pour Le retour, on m’a envoyé un message, j’ai fait plusieurs essais et j’ai grave kiffé. J’ai eu un coup de cœur sur le scénario, qui parle de trois femmes noires de manière normale et naturelle.
On a l’impression que, même s’il le normalise, le film montre quand même qu’il y a des problématiques particulières dans les familles qui ne sont pas blanches.
SB : Ce qui est très important, c’est que sur la famille par exemple, on vit tous les mêmes problématiques. C’est intéressant de voir ce côté très humain, qui dépasse toute particularité. Mais tout ça sans occulter le fait que c’est trois femmes sont noires, et donc qu’il y a donc des problèmes spécifiques. On ne fait pas un dessin limpide et donc faux de leur réalité. Je crois qu’on essaye de faire quelque chose de plus exhaustif, plus proche de la vérité. Pas quelque chose d’idéaliste. Ça ne m’aurait pas intéressée autrement, ça aurait été faux.
C’est cool d’avoir des représentations lesbiennes simples. Et pas des gens qui se déchirent, qui s’arrachent tout le temps.
Suzy Bemba
Est-ce que ça change sur un plateau de tournage, d’être trois ?
SB : Peut-être dans le rapport qu’on a aux autres, parce qu’on peut sentir qu’on a plus de force. C’est comme sentir qu’on est plusieurs femmes sur un plateau, par exemple. Mais encore faut-il que ces femmes pensent pareil, et soient ensemble. Et là, j’ai l’impression qu’on était ensemble.
EG : Oui, sur le plateau, on était vraiment ensemble.
Suzy, tu joues le personnage de Jessica. Dans l’histoire, la mère de Jessica, Khédidja, s’occupe des enfants d’un couple parisien, bourgeois. Ce couple a une fille adolescente, Gaïa, avec qui ton personnage entame une relation amoureuse. Qu’est-ce que cela voulait dire pour toi, de jouer cette relation lesbienne ?
SB : J’étais contente d’avoir eu la chance de représenter un couple lesbien au cinéma, et de cette façon, parce que je pense que c’est fait avec douceur et avec pudeur, sans être bourrin, voyeur. Lomane [de Dietrich, actrice de Gaïa ndlr] a été une rencontre formidable et fascinante. J’ai eu énormément de plaisir à jouer avec elle.
En quoi tu dirais que c’est bien représenté ?
SB : Il n’y a rien d’imprimé, c’est sincère. Les histoires que j’ai vécues moi, personnellement, elles ont toujours été simples. Du coup, je me dis que c’est cool d’avoir des représentations lesbiennes simples. Et pas des gens qui se déchirent, qui s’arrachent tout le temps. C’est la représentation, aussi, de la jeunesse qui va vite, qui peut brûler les étapes, mais qui vit, qui a une rage de l’intérieur. Ce sont deux personnages qui se portent, révèlent des choses opposées chez l’une et l’autre.
Tu parles des histoires que tu as vécues, tu t’identifies comme faisant partie de la communauté queer ?
SB : Oui absolument.
C’est très intéressant de voir que le prisme de la domination se fait quelque soit le genre, l’orientation sexuelle […] Quand bien même on aime la personne.
Suzy Bemba
Dans la relation entre Gaïa et Jessica, on voit tout de suite qu’il y a des rapports de domination, liés à leurs différentes classes sociales. Qu’est-ce que cette problématique révèle selon toi dans le film ?
SB : Je trouve ça super important qu’on voit la relation entre deux classes sociales très différentes. Souvent on voit un vieux monsieur blanc bourgeois et une femme de chambre noire. Les rapports de domination sont beaucoup représentés dans ce sens-là. Et c’est très intéressant, ici, de voir que le prisme de la domination se fait quel que soit le genre, l’orientation sexuelle. Du moment où quelqu’un a plus de pouvoir sur quelqu’un d’autre, la domination peut se faire, s’établir quand bien même on aime la personne et qu’on se dit qu’on lui veut le plus de bien possible. Je pense que Gaïa est très amoureuse de Jessica, mais elles n’ont pas du tout les mêmes codes. Gaïa se croit très alerte et au point sur certains sujets, mais elle reste perdue sur son rapport à l’autre, et surtout sur le pouvoir qu’elle peut avoir sur les autres.
Tu fais référence au moment où Gaïa propose à Jessica de payer entièrement leur logement commun ?
SB : Absolument. Dans cette scène, elle lui dit : « Je veux te prendre en charge ». C’est quand même important cette phrase. Quand on prend en charge quelqu’un, c’est qu’on le sauve, comme à l’hôpital par exemple. Et je crois pas que c’est ce que recherche Jessica. Avec cette phrase, il y a un sentiment d’appartenance qu’elle ressent de la part de Gaïa, et je ne pense pas qu’elle ait envie d’appartenir à quelqu’un, au contraire. Je pense qu’elle, son but, c’est d’appartenir à personne, à part à elle-même.
J’aime jouer parce que jouer c’est être libre.
Esther Gohourou
Justement, est-ce que vous pourriez décrire vos personnages en quelques mots ?
EG : Farah est quelqu’un de très spontané, elle s’en fout de tout. Tout ce qu’elle veut faire, elle le fait. Elle ne va pas s’empêcher, ou réfléchir pendant longtemps. Elle veut faire les choses maintenant.
SB : Je pense que Jessica est une jeune fille qui est en âge de se poser certaines questions, mais surtout d’y répondre. Des questions sur son identité, sur ses désirs, sur sa classe sociale. À quel groupe elle appartient, est-ce qu’elle a ce besoin ou ce désir d’appartenance ? Parce que c’est important la communauté, que ce soit la famille, les amis, les gens avec qui on travaille, on se crée tous des communautés diverses. Je pense qu’elle est à la recherche de ses communautés.
Esther, ton personnage à lui aussi une relation amoureuse dans le film, avec un garçon corse, Orso. Ce qui est étonnant, c’est qu’il est frontalement discriminant envers toi au début du film, avant de nous être ensuite présenté comme gentil, à mesure que l’histoire avance. Que signifie cette relation selon toi ?
EG : C’est très particulier. Orso, il est très terre à terre, « Corse » selon lui. Même si on se rencontre en s’embrouillant au début, lui-même change et fait une vraie rencontre avec le personnage de Farah. Au début, il se dit c’est qu’une vieille fille avec qui il s’est embrouillé à la plage. Et plus le temps passe, plus il fait que de la voir. Il commence à l’apprécier, et Farah commence à ne regarder que lui. Donc au début iels ne s’aiment pas, ensuite iels se titillent, c’est plus une embrouille chien et chat, et à la fin iels s’aiment plutôt bien. Au final, je trouve leur rencontre belle.
C’est toutes les deux votre deuxième expérience en tant qu’actrices. Qu’est-ce que vous aimez dans le cinéma ?
SB : J’aime le fait qu’on puisse tout réinventer, tout détruire et tout reconstruire, à notre gré. Tout en étant respectueux et bienveillant, bien sûr.
EG : Je ne connais pas grand chose, c’est mon 2ème film, mais j’aime jouer parce que jouer c’est être libre. Certaines personnes peuvent trouver que quand tu as un rôle, tu es obligée de faire plein de trucs, qu’il y a des contraintes. Mais en vrai, tu es très libre. Certain·es sont même plus libres dans leur rôle que dans leur vie réelle. Tu te laisses plus emporter quand tu joues.
Le Retour de Catherine Corsini, avec Esther Gohourou, Lomane de Dietrich, Suzy Bemba, Aissatou Diallo Sagna… Sortie le 12 juillet 2023
Image à la Une : © Chaz Productions
Cet article Le retour de Catherine Corsini: Rencontre avec Esther Gohourou et Suzy Bemba provient de Manifesto XXI.
Cet article Mariana Matija : déployer notre amour pour le vivant provient de Manifesto XXI.
C’est par les émotions, le soin et une approche spirituelle, que nous serons à même de rétablir notre relation sensible avec la planète et le vivant. C’est l’idée qui traverse tout le travail créatif et engagé de l’autrice, designer et illustratrice colombienne Mariana Matija. Rencontre avec une militante engagée par le cœur, dont les propos résonnent avec les luttes écoféministes et intersectionnelles.Le travail de Mariana Matija est traversé par un amour profond de la vie sous toutes ses formes. En Colombie, où la nature est lieu de corruption et de violents conflits (entre industriels, État, groupes paramilitaires et acteurs du narcotrafic) et où sont assassiné·es un grand nombre d’activistes écologistes chaque année, elle se décrit plutôt comme une « guide sensible ». Elle s’exprime et se fait connaître d’abord grâce au blog Animal de Isla. Initiatrice de la communauté en ligne Ser Tierra, elle développe aujourd’hui ses réflexions à travers une newsletter, des publications pour différents médias, et deux livres : 10 pasos para alinear la cabeza, el corazón y salvar el planeta, et le second, Niñapajaroglaciar, publié cette année, qui invite, au fil d’un récit intime de sa relation avec la nature, à cultiver des relations de soin, d’amour et de réciprocité avec le vivant. Mariana Matija partage ses explorations et nous montre qu’il existe plusieurs voies pour changer notre perception de la crise environnementale et protéger le vivant, notamment à partir de l’intime. Selon elle, c’est seulement en prenant en compte le corps, la complexité de nos ressentis, et en reconnaissant en nous la beauté, l’intelligence et la sensibilité du vivant que nous pourrons affronter les défis écologiques et sociaux actuels. Rencontre.
© Mariana MatijaIl ne faut surtout pas qu’on croie que nos actions sont guidées par l’amour ! Mais cela n’a pas de sens : on ne peut se rapprocher de la Terre qu’en expérimentant pleinement ce qu’est être animal, c’est-à-dire être lié·e à d’autres formes de vie.
Mariana Matija
Manifesto XXI – Comment en es-tu venue à centrer ton travail autour de notre relation sensible à la Terre ?
Mariana Matija : J’ai d’abord été préoccupée par tout ce qui est alarmant dans la crise écologique. Sur mon blog, je partageais des informations sur comment réduire son empreinte écologique. Au fur et à mesure que je comprenais l’impact qu’a mon existence sur d’autres vies et que je prenais conscience de ce que nous étions en train de faire collectivement, en tant que civilisation, de notre relation à la Terre, j’ai commencé à ressentir beaucoup de douleur, de peur, de tristesse, d’impuissance. La question est devenue : comment prendre en charge cette expérience émotionnelle qui apparaît en chemin ? J’avais peur que cela apparaisse comme une défaillance de ma part. Mais cela me paraissait de plus en plus difficile d’inviter à l’action tout en ressentant cette tristesse. J’ai commencé à intégrer dans mes réflexions la santé émotionnelle et mentale, et cela m’a amenée à me questionner sur ma relation spirituelle avec ce sujet. Le point de départ de ce travail, c’est que je ressens un amour profond pour la Terre et pour les autres êtres vivants, et que je me sens partie prenante de quelque chose qui est plus grand que moi, ce qui est la description-même d’une recherche spirituelle.
Comment connecter avec le vivant alors que nous sommes submergés par une grande quantité d’informations et données rationnelles mais angoissantes ?
Certaines données scientifiques nous en éloignent car elles sont incompréhensibles et entretiennent notre sentiment d’impuissance. Bien sûr elles sont importantes, mais je pense qu’il est vain de vouloir continuer à donner des instructions de loin, sur ce qu’il faut faire ou ne pas faire. Il me semble que ma recherche « personnelle » est un reflet direct de ce qui nous arrive collectivement. On considère que la seule manière valide de s’intéresser à la crise climatique serait d’un point de vue rationnel et distant, comme s’il fallait faire attention que la proximité avec le sujet ne trouble pas la clarté de notre discours. Il ne faut surtout pas qu’on croie que nos actions sont guidées par l’amour ! Mais cela n’a pas de sens : on ne peut se rapprocher de la Terre qu’en expérimentant pleinement ce qu’est être animal, c’est-à-dire être lié·e à d’autres formes de vie.
© Mariana MatijaQuelle est la place du corps, et en particulier du corps féminin [qu’on entend ici comme assigné femme à la naissance] dans cette recherche ? Y vois-tu des liens avec le traitement qu’on réserve à certaines espèces animales ?
Cela n’a pas de sens de parler de santé mentale ou émotionnelle sans reconnaître que cela fait partie du corps. Il y a aucun doute que cette crise de notre relation avec la Terre nous traverse tous·tes à partir du corps, mais le contexte fait que nous vivons des expériences différentes et donc que cette question se concrétise de différentes manières selon le genre. Dans le système patriarcal, les corps dits féminins ont toujours été considérés inférieurs, notamment parce qu’ils portent et donnent la vie, et seraient donc plus proches de la nature et des animaux. Ils sont jugés moins fiables, cela autorise à les contrôler et à les utiliser car ils sont « à disposition ». En même temps, ce sont les femmes qui, en immense majorité, sacrifient leur corps dans des activités de soin, des leurs et de leur environnement. Cela se cristallise dans ce que l’on appelle des « zones de sacrifices »*, soi-disant sacrifiées pour le bien d’autres territoires. L’exploitation des ressources et du vivant affecte en premier lieu les personnes historiquement exploitées et appauvries, et les femmes. Ce qui est féminin, infantile, sensible est dévalorisé. On oppose un point de vue masculin, d’hommes qui ont étudié la nature à distance à partir d’éléments factuels, et celui de femmes qui souvent la connaissent de plus près à travers l’usage des plantes, du fait de prendre de soin des animaux pour nourrir la famille, et de leur relation corporelle avec les territoires dont elles font partie.
* [Terme popularisé au Chili à travers l’organisation « Femmes de zones de sacrifice en résistance » dans un territoire contaminé par l’extraction de minerais. Les femmes de cette région ont redéfini le rôle domestique lié au soin qui leur était traditionnellement attribué en activisme politique. Mobilisées contre un modèle patriarcal et extractiviste, elles ont contribué à créer une territorialité du soin : soin des leurs et de leur environnement.]
Tu as développé une communauté d’échange et d’apprentissage collectif sur notre relation à la nature, dans laquelle sont valorisés le temps long, le soin et la réciprocité. Qui en sont les membres ?
Une grande majorité de la communauté Ser Tierra sont des femmes. Les membres qui se reconnaissent comme hommes renoncent à des attitudes que l’on retrouve souvent chez les publics masculins, ils sont timides et prennent peu la parole, probablement car dans d’autres espaces on leur a nié la possibilité d’exprimer leur sensibilité pour la nature. Les hommes sont aussi victimes de ce système qui réprime ce qui est féminin. C’est triste et terriblement préoccupant car une grande partie des hauts postes économiques et politiques sont occupés par des hommes qui n’ont probablement pas eu l’opportunité d’explorer le lien sensible qu’ils peuvent avoir avec la vie. Leurs décisions sont traversées par une déconnexion imposée par un système qui leur dit que se connecter à la vie et en prendre soin n’est pas pour eux.
© Mariana MatijaTu vis actuellement en Colombie, tu as aussi vécu au Chili et en Espagne. Le lieu géographique et la société depuis laquelle tu parles ont-ils une influence sur ta manière de concevoir la nature et d’écrire ?
La Colombie est un pays qui reste majoritairement rural. Je suis certaine que cette expérience de vie proche d’autres animaux est à l’origine d’un vécu tout à fait différent de celui que peuvent avoir des gens nés dans des pays industrialisés et plus urbanisés, sans contact avec la terre et la végétation. Nous faisons forcément partie du territoire dans lequel nous nous trouvons et notre corps répond aux caractéristiques de cet espace sans que l’on puisse forcément l’expliquer avec des mots. Reconnaître cela est au centre du processus de réinvention de notre relation avec la planète.
Il y a un autre aspect qui m’interroge beaucoup et qui implique un deuil lié à l’histoire colombienne. Le monte [zone montagneuse couverte de végétation sauvage, ndlr] n’a jamais été un lieu où nous, plus particulièrement les femmes, pouvons être en sécurité. Aller se promener dans la montagne revient à assumer que l’on prend un risque [lié au conflit armé colombien, opposant l’État, des groupes paramilitaires, de guérilleros et des réseaux de trafiquants de drogue pendant plus de cinquante ans, ndlr], risque qui n’existe pas dans les parcs nationaux des États-Unis par exemple. Cela a bien sûr marqué la relation qu’ont les Colombien·nes avec la nature de leur pays, et je me demande si cela a un lien avec le fait que l’on perçoit dans certaines régions une volonté de tout déforester, par peur, car c’est là où se cachent les participant·es du conflit armé.
On assiste à une sorte de gentrification de la nature.
Mariana Matija
Quand on sait que la Colombie abrite une faune et une flore extrêmement riches et des populations qui vivent très proches de la nature, il est inquiétant de voir la déforestation en cours…
Oui, ce sont des réalités paradoxales de ce pays. Avec l’accord de paix [signé en 2016 entre le gouvernement et les FARC, visant au désarmement du groupe de guérilla et à la fin du conflit armé, processus encore en cours aujourd’hui, ndlr], il y a eu de plus en plus d’activités humaines dans certaines zones de la forêt qui étaient auparavant inaccessibles et, d’une certaine manière, protégées grâce au conflit armé. On a maintenant accès à la beauté de ces lieux mais ceux-ci deviennent aussi disponibles pour être exploités et commencent à être déforestés pour y mettre du bétail par exemple. Comme si la transition vers la fin du conflit armé ouvrait la porte à un autre type de conflit, celui de l’exploitation capitaliste.
Ces événements ont-ils un lien avec le processus de colonisation qui a marqué l’histoire de la Colombie selon toi ?
Il existe en effet une exploitation historique. Avec la colonisation, le « Nord global » a accumulé de la richesse en exploitant le « Sud global », et des manifestations récentes confirment que le processus se répète : des sociétés minières canadiennes exploitent les montagnes de Colombie. Le Green New Deal [désigne les programmes investissements des pays du Nord en faveur des énergies décarbonées, ndlr] m’inquiète aussi beaucoup, car le stockage d’énergies « propres » n’est possible que grâce à l’extraction de pétrole ou de lithium dans les pays du Sud. La promesse d’avoir accès à des énergies « propres » pour pouvoir continuer à streamer sans limites met entre parenthèses la nécessité de décroissance à laquelle nous devons faire face et considère comme allant de soi l’accès à une énergie illimitée, qui pour être produite devra probablement détruire les territoires latinoaméricains. D’autres phénomènes ont lieu en ce moment en Colombie : des personnes d’autres pays ayant accumulé du capital grâce à la colonisation viennent acheter très cher des terrains et investir pour proposer des activités touristiques, d’observation d’oiseaux… à des étranger·es. La terre devient complètement inaccessible pour les paysan·nes locaux·les. On assiste à une sorte de gentrification de la nature.
Sous couvert de vouloir proposer des activités pour découvrir la nature…
Oui, c’est extrêmement frustrant de voir à quel point la dynamique se répète. Ce n’est pas fondamentalement mal de proposer des activités d’observations d’oiseaux, mais c’est une question complexe qui révèle des injustices. C’est pour cela qu’il faut analyser ces phénomènes avec un œil critique et éviter de reproduire le modèle d’exploitation qui existe depuis longtemps et caractérise cette société. Comment pouvons-nous, dans une démarche de reconnexion à la nature à laquelle nous appartenons, faire les choses d’une autre manière ?
Pour en découvrir plus : marianamatija.com
Relecture et édition : Sarah Diep et Benjamin Delaveau
Photo à la une : © Victoria Holguín
Cet article Mariana Matija : déployer notre amour pour le vivant provient de Manifesto XXI.
Eté romance, été intense sous les signes du Cancer et du Lion, qui partagent l’art du glam, du flamme et du drame! D’autant que Vénus rétrogradera chez le félin à crinière de mi-juillet à septembre. Chaud (Show) Time!
L’article Votre horoscope de l’été est apparu en premier sur 360°.
Cet article Intérieur Queer célèbre une 6ème édition flamboyante (et on y sera !) provient de Manifesto XXI.
Du 13 au 16 juillet, le festival Intérieur Queer investira les lieux LGBTQIA+ emblématiques de la vie lyonnaise, pour quatre jours de fête et d’échange autour des cultures queers. Manifesto XXI sera au rendez-vous de cette 6ème édition, avec un événement spécial autour de notre podcast Lesbien·nes au coin du feu.Intérieur Queer est né d’une alliance entre l’association PLUSBELLELANUIT, qui œuvre à la création d’évènements festifs queers inclusifs et bienveillant à Lyon, et Arty Farty, association européenne tournée vers la jeunesse, les cultures émergentes, le renouvellement démocratique et l’inclusion. Chaque année, le festival se propose d’être un « manifeste festif », lieu de rencontres artistiques intergénérationnel qui questionne les représentations des genres et des sexualités. Pour cette 6ème édition, Intérieur Queer commencera tout d’abord par une discussion sur la visibilité des FLINTA (femmes, lesbiennes, intergenres, non-binaires, transgenres, agenres) dans les scènes culturelles queer. L’événement accueillera ensuite plusieurs rencontres drag : le « Drag Rendez-vous » ouvrira la scène à une dizaine d’artistes de Lyon et au-delà, avec comme maîtresse de cérémonie la participante de Drag Race France saison 1, Soa de Muse. On trouvera également le traditionnel « Bal des pompièr·es·x » du 14 juillet, précédé d’une discussion sur la culture drag.
Le festival mettra ensuite à l’honneur des soirées emblématiques de la vie queer lyonnaise, telles que la Garçon Sauvage en version XXL au Transbordeur, et le ball de voguing All Red Ball au Heat Lyon. Il donnera également carte blanche au collectif Barbi(e)turix, qui viendra s’emparer du club le Sucre pour une soirée dark disco et fast techno avec Belaria, MZA et Rag.
Pour clôturer ce week-end festif, Intérieur Queer proposera un rendez-vous cinéma avec le film La Bête dans la jungle de Patric Chiha, ainsi qu’une soirée rencontre avec Manifesto XXI autour du podcast Lesbien·nes au coin du feu. Athina Gendry (autrice du podcast), Dana Galindo (directrice artistique et graphiste) et Jeanne Chaucheyras (réalisatrice) seront présentes. L’occasion pour l’équipe d’organiser au Livestation l’écoute immersive d’un épisode, avant d’échanger avec le public sur la réalisation du podcast, son identité visuelle et sonore, ainsi que sur la façon dont nous choisissons et construisons les récits qui ont fait la première saison de Lesbien·nes au coin du feu.
Festival Intérieur Queer, du 13 au 16 juillet 2023 à Lyon: billetterie
Image à la Une : Intérieur Queer 2022, Legendary mother Keiona Revlon © Gaëtan Clément
Cet article Intérieur Queer célèbre une 6ème édition flamboyante (et on y sera !) provient de Manifesto XXI.
Pas besoin d'aller à Sitges ou au Cap-d'Agde pour faire le plein de soleil sans la marque du maillot. On peut se dorer nu (et pas que) sur les plages gay de Suisse romande et de France voisine, une tradition qui a la vie dure.
L’article Petite géographie du tomber de maillot est apparu en premier sur 360°.
Cet article Kiyémis : « La colère, c’est de la joie frustrée » provient de Manifesto XXI.
Le meurtre de Nahel par la Police, le racisme d’État, son impunité et le climat délétère qui en découle ont fait descendre une partie des Français·es dans la rue. La colère mobilise, elle transforme, elle réveille et surtout, elle est nécessaire et légitime. Mais qu’y-a-t-il après ?Les personnes minorisées sont souvent privées de visibilisation lorsqu’il s’agit de montrer leur bonheur, leur repos ou toute autre expression de bien-être. Comme si toute manifestation de vulnérabilité ou d’humanité leur était interdite. Comme si, même dans les représentations, la paix leur était niée. En politique aussi, la joie a mauvaise réputation. Elle serait trop légère et desservirait la cause. Pourtant, même si la colère joue un rôle essentiel dans la mobilisation sociale, la joie peut offrir une réponse cruciale à la question de ce qui peut éclore après la rage. Ça n’a d’ailleurs pas échappé aux régimes oppressifs qui connaissent bien la force transformative de la joie. Une population unie et collectivement exaltée est plus dure à contrôler… Kiyémis, poétesse et autrice de l’excellent Je suis votre pire cauchemar (Albin Michel) l’a également bien compris. Dans son émission « Rends la joie » diffusée sur Mediapart une semaine sur deux, elle explore l’importance de cette émotion en tant que source d’unité, de soin, de résilience et de résistance. Dans un dialogue avec des invité·es de tous horizons, – l’autrice Laura Nsafou, la chanteuse Mélissa Laveaux ou encore l’artiste et parolier Martin Dust –, elle met en avant le potentiel politique de la joie et nous permet d’envisager des alternatives complémentaires. En remettant en question les normes qui dévalorisent les expressions émotionnelles et en proposant une vision plus complète de l’engagement, alliant sérieux et légèreté, colère et joie, Kiyémis pave le chemin d’une utopie salvatrice.
Si la colère est une « joie frustrée », tentons de faire entrer le bonheur dans toutes nos revendications.
Manifesto XXI – Tu as une émission « Rends la joie » avec Mediapart. Quand tu dis « Rends la joie », tu t’adresses aux personnes qui nous l’ont prise ou à celles à qui on l’a prise ? Ou un peu aux deux ?
Kiyémis : Je pense que je m’adresse à ceux qui nous l’ont prise. C’était une manière de politiser ce qu’est la joie, mais aussi de rappeler aux gens que la joie capitaliste n’est pas une vraie joie. Le capitalisme veut nous faire croire que c’est seulement avec lui que l’on peut être heureux·se et atteindre une liberté financière. Moi aussi, je suis victime de ce discours-là. L’oppression, la marginalisation, c’est la privatisation de la vraie joie, du bien-être et du bonheur qui sont réservés à une toute petite élite.
On est dans des milieux où on parle beaucoup de burn-out militant, mais le monde ne nous permet pas de guérir, de par sa violence.
Kiyémis
Pourquoi tu t’es emparée du sujet de la joie ?
Il y a deux raisons. La première est un peu personnelle. Je sortais d’une rupture difficile, et je cherchais à faire revenir la joie. Tout en acceptant qu’évidemment, on ne peut pas être ultra heureuse quand on sort d’une relation. Et puis politiquement, depuis quelque temps, j’en ai fini avec le cycle de la colère. On a besoin de colère, c’est un bon moyen de se réveiller. Mais je ne pense pas que ce soit viable d’être en colère non-stop. Même si c’est une émotion qui est totalement légitime, elle est dévorante, elle consume, et nous laisse parfois exsangues. Je voulais donc réfléchir à la manière dont on peut maintenir politiquement cette volonté de changer le monde, grâce à une énergie complémentaire à la colère. Je ne dis pas qu’il ne faut plus être en colère et qu’il ne faut être que joyeux, mais je trouve que c’est un moteur qui a une durée courte. Comment trouver une émotion qui consume moins ?
C’est donc une forme de soin, finalement ?
Voilà. C’est aussi une réflexion sur la question de la guérison personnelle et politique. On est dans des milieux où on parle beaucoup de burn-out militant, mais le monde ne nous permet pas de guérir, de par sa violence. Il n’empêche que pour moi, c’était tout de même important de penser cette question de guérison. Qu’est-ce qui se passe après ? Comment crée-t-on un autre monde, une utopie ? Et si on crée un autre monde, il va bien falloir guérir. La joie, c’est un peu une réponse aux questions : qu’est-ce qui se passe après la colère ? Qu’est-ce qui se passe quand on réfléchit aux soins collectifs ?
Comment as-tu réussi à mobiliser cette joie ?
Elle s’est imposée à moi. Déjà, parce que ma mère me parlait beaucoup de joie, et puis aussi parce que je pense que je suis quelqu’un d’assez joyeux. Je voulais utiliser ces outils et ces savoirs. Et je pense qu’un des savoirs des milieux minorisés, des personnes noires, queers, marginalisées et violentées, c’est justement la célébration et le fait de continuer à garder une pulsion de vie.
Je pense que la joie a une utilité politique. C’est également un savoir et c’est aussi ce qui nous rend humain·es.
Kiyémis
Il y a un dénigrement de la joie, surtout en politique. Les manifestations de joie qu’on qualifie de féminines comme l’amour, les films « à l’eau de rose » ou encore la danse, sont également dévalorisées dans certains espaces. Pourquoi, selon toi ?
Je pense que dans ces espaces-là, tout ce qui est de l’ordre de l’émotionnel est dénigré. On lie le politique à la rationalité, à la froideur et à des notions qui nécessitent de sortir du corps et de rester dans l’intellect. Tout ce qui n’est pas rationnel, notamment la joie, est mal vu. Et, bien sûr, c’est associé aux femmes et à la sauvagerie. Il y a un livre, Dancing in the streets: A History of Collective Joy, de Barbara Ehrenreich, qui parle beaucoup de cela et de la façon dont les colons et les missionnaires ont essayé de contrôler des espaces de joie collective qui échappaient à la domination. C’étaient des endroits de retrouvailles, de liberté, et de subversion, donc il fallait les limiter, les écraser, les associer à la sauvagerie et au manque d’éducation. Tout ça a participé à une délégitimation de la joie.
La joie serait donc un outil politique légitime ?
Je pense que la joie a une utilité politique. C’est également un savoir et c’est aussi ce qui nous rend humain·es. Les moments de joie collective, la ferveur qui naît dans un concert de Beyoncé, ou bien quand on chante toustes ensemble, quand on manifeste, quand on est dans des soirées noires sans regard blanc, les gestes, les danses… tout ça est très effrayant pour le pouvoir en place. Prenons l’exemple caractéristique des carnavals. Les carnavals, ça a d’abord été une manière pour les esclaves de montrer qu’iels étaient toujours en vie. C’est un acte de résistance aussi. Ce n’est pas pour rien qu’on a voulu interdire les teufs et les espaces alternatifs dans les années 90.
Cependant, les gens ont tendance à penser qu’il n’y aurait qu’une seule manière de réussir et iels excluent toutes les autres. Je ne suis pas en train de dire que la joie, c’est le seul chemin. On a besoin de tout un arsenal d’outils. Tout le monde ne peut pas faire de la joie son arme. Je ne demande pas à François Ruffin de faire de la poésie ou de danser en manif. Ce que j’attends du personnel politique, c’est qu’il me propose concrètement des mesures qui vont améliorer la vie des gens. En revanche, c’est mon rôle, en tant que poétesse et en tant qu’artiste, de montrer qu’on veut un autre monde. Je suis inspirée par les personnes noires, par les personnes queers, mais aussi par les éco-féministes, qui essayent de construire le monde d’après.
Pour moi, la colère, c’est de la joie frustrée. On est en colère parce qu’on ne nous laisse pas kiffer. On est en colère parce qu’on est dans un monde qui nous oppresse et qui limite notre épanouissement.
Kiyémis
L’esprit festif comme outil de protestation et de résistance a une longue histoire. Ça a été un moyen de retrouver de l’humanité, mais aussi, un moyen plus sûr et plus subtil de protester plutôt que de contester ouvertement l’autorité. Tu penses que c’est toujours le cas ?
Tout à fait. Dans les manifs, par exemple, la joie peut être contestataire. Je l’explique dans ma tribune pour Libération : ce qui a marché dans les dernières manifs, c’est la joie, la danse, les sourires, la musique… Ce sont ces images de joie collective qui ont participé au fait que les gens qui n’avaient pas pour habitude de manifester venaient en nombre. La colère comme outil, c’est utile, mais la joie comme outil, c’est attirant et ça connecte.
Est-ce que le titre de cette émission est également un pied de nez au stéréotype de l’angry black woman (stéréotype qui caractérise les femmes noires comme étant plus hostiles, autoritaires et agressives, ndlr.) ?
Non, parce que je n’ai vraiment pas envie de me détacher du fait qu’on est en colère. Je sais qu’il existe ce cliché de la femme noire toujours en colère, mais on a raison de l’être. Oui, je suis vénère. Vous aussi, vous seriez en colère à notre place. Ce stéréotype ne fonctionne que parce qu’on délégitimise la colère des femmes noires. Pour moi, la colère, c’est de la joie frustrée. On est en colère parce qu’on ne nous laisse pas kiffer. On est en colère parce qu’on est dans un monde qui nous oppresse et qui limite notre épanouissement.
Comment pratiques-tu la joie dans ta vie personnelle ? Qu’est-ce qui te rend heureuse ?
La connexion avec les autres, la musique, la nourriture, rire avec ma grand-mère, voir le chemin qu’ont parcouru mes ami·es, danser, regarder le ciel, voir des adolescent.es écrire des poèmes sur les murs de leur collège et voir des gens que j’admire briller, car j’ai l’impression que s’iels brillent, je vais bénéficier de leurs poussières d’étoiles et briller à mon tour. Créer, ça me met beaucoup en joie aussi, même si c’est dur !
Est-ce que tu as un modèle de joie? Ou alors quelqu’un que tu rêverais d’inviter dans ton émission ?
Je rêve d’inviter beaucoup de gens. J’aimerais inviter Sophie Binet, la secrétaire générale de la CGT. Parmi les défunt·es, j’aurais aimé recevoir Maya Angelou, ou encore bell hooks car elle parlait de politique, mais aussi de sentiments comme la colère, l’amour et la communion. Elle m’a beaucoup influencée, j’aurais aimé entendre ce qu’elle avait à dire sur la joie. J’aurais également aimé inviter Thomas Sankara, (ancien président du Burkina Faso anti-impérialiste et révolutionnaire, ndlr. ), il avait l’air lumineux.
Edition et relecture : Apolline Bazin
Image à la Une : © Sébastien Calvet
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À l’heure où l’inflation et la solitude frappent de plein fouet les populations précarisées, comment avoir accès à des lieux calmes ? Comment lâcher prise et se reposer lorsque les LGBTphobies nous suivent à la trace, sans laisser d’ombre ni de répit ?À l’heure où les agressions LGBTQphobes ne cessent d’augmenter en France et partout dans le monde, où l’inflation et la solitude frappent de plein fouet les populations précarisées, comment avoir accès à des lieux calmes, notamment lorsque les villes deviennent irrespirables en été ?
Chaque fois que je rêve de me reposer et de m’évader de mon quartier bétonné d’Aubervilliers, où l’air est particulièrement pollué, je songe à la beauté et à la douceur des Calanques marseillaises, et à mes souvenirs de longues marches à Sugiton. Puis me revient le bruit assourdissant de l’affaire Tonglet-Castellano. Cette affaire, c’est celle du célèbre procès d’Aix-en-Provence, jugeant les violeurs de deux touristes lesbiennes belges agressées lors d’une nuit à la belle étoile près de cette calanque.
En juillet 2021, un couple d’hommes gays dansaient sous la lune Corse, enivrés par la joie d’une nuit de vacances. L’instant d’après, ils recevaient une pluie d’insultes et de coups de la part d’une vingtaine d’hommes du village. Une affaire qui en rappelle bien d’autres, dont celle d’un couple d’hommes gays perpignanais violemment agressés en 2020, au cours de leurs vacances sur la Costa del Sol.
Alors est-il possible pour les LGBTQIA + de se reposer et de s’évader pleinement ?
Par s’évader je n’entends pas se vautrer dans le confort d’un hôtel all inclusive, mais bien se retirer momentanément d’un lieu où l’on se sent enfermé·e, retenu·e, qui à la longue nous fatigue et nous enlise. Ce désir d’évasion m’évoque, dans une bien moindre mesure, l’imagerie de la piraterie qu’utilise Fatima Ouassak et qui traduit une profonde aspiration des populations minorisés pour la liberté. Pour ma part, j’ai la chance d’avoir mes grands-parents qui habitent une maison landaise, chaleureuse et accueillante. Cette oasis familiale où m’abriter, nombre de mes voisin·es et adelphes LGBTQIA + n’y ont pas accès. Comme le rappelle très justement le journaliste Léo*, spécialiste des enjeux queers : « La moitié des ménages ne partent pas en vacances, dont les deux tiers pour des raisons économiques. Au niveau des queers qui sont pour beaucoup précaires, les vacances c’est un moment de travail (et qu’est-ce que cela fait de travailler pendant la canicule?), au niveau de l’accès aux propriétés privées, il y a évidemment des enjeux de classe sociale et concernant les territoires type « Outre-mer », les prix d’avion sont inabordables, pour les queers dont les familles vivent là bas, pareil c’est un isolement à cause des prix. »
À l’heure où les agressions LGBTQphobes ne cessent d’augmenter en France et partout dans le monde, où l’inflation et la solitude frappent de plein fouet les populations précarisées, comment avoir accès à des lieux calmes, notamment lorsque les villes deviennent irrespirables en été ? Comment lâcher prise et se reposer lorsque les LGBTphobies nous suivent à la trace, sans laisser d’ombre ni de répit ? Pour en avoir le cœur net, je suis partie à la rencontre de personnes queers qui m’ont racontées leurs difficultés à voyager, mais aussi l’échappatoire que représentent les vacances, pour sortir du marasme d’un quotidien parfois pesant, et pour se découvrir, loin du regard de ses proches.
…en flânant j’ai été saisie par le nombre de drapeaux LGBT affichés fièrement à l’entrée des bars et des cafés. C’était à la fois frappant et reposant de voir cette profusion des soutiens revendiqués dans l’espace public.
Alix
Voyager à sa propre découverte
Alix a choisi l’Angleterre pour son séjour linguistique, avec une soif intense de rencontrer la communauté queer londonnienne. Ces trois mois à Londres ont permis à cette jeune étudiante de 19 ans, suisse et lesbienne, d’appréhender son identité en laissant libre cours aux rencontres et souvenirs, grâce à la profusion d’événements LGBTQIA qu’offre la capitale britannique. Jusqu’ici, Alix se sentait particulièrement isolée des autres personnes LGBTQIA +. Ce voyage qu’elle décrit comme électrifiant et libérateur lui a permis de mieux appréhender sa timidité, de tâtonner, pour mieux se trouver. La jeune femme a également visité Oxford, elle me confie son émotion lorsqu’elle découvre la ville : « en flânant j’ai été saisie par le nombre de drapeaux LGBT affichés fièrement à l’entrée des bars et des cafés. C’était à la fois frappant et reposant de voir cette profusion des soutiens revendiqués dans l’espace public. »
Pour Lucas, 36 ans, l’expérience du voyage pour les personnes LGBTQIA + demande quelques réflexes et précautions. Il a donc mis en place plusieurs auto-consignes pour chacune de ses visites. Premièrement, il ne mentionne jamais qu’iel est queer, prévient chaque jour un·e ami·e de son itinéraire, évite les vêtements ou les symboles qui pourraient être perçus comme queer, et enfin, il reste dans les grosses villes où iel se sent plus susceptible de trouver de l’aide. Il nous confie : « Lors de ces voyages, je me sens fatalement plus vulnérable. S’il m’arrive le moindre truc, je me retrouve dans un pays dont je ne connais ni les langues ni les coutumes ».
…dans notre groupe, une personne trans a vraiment dû faire des pieds et des mains pour avoir accès à son traitement, ces questions sont très compliquées pour les locaux.
Sandra
Comme Alix, Maurane (24 ans), voyage pour mieux comprendre son identité, mais sur un autre plan que sa queerness : celui de ses origines congolaises. Après avoir grandi en France, Maurane ressent le besoin de séjourner en Afrique centrale pour réfléchir à son héritage. Elle part donc vivre six mois en Ouganda, pays où l’homosexualité est condamnée à mort, puis au Sénégal où être LGBT est aussi criminalisé. Maurane me confie sa tristesse d’être prise entre le désir d’aimer ces pays, et la certitude qu’elle ne pourra jamais y être vraiment libre : « chaque fois que j’y passe du temps je me sens très bien, j’aime la culture, la langue, les plats, les danses… mais l’ombre de l’homophobie plane à chaque fois. Et en France, je suis juste épuisée par le discours ambiant qui blâme ces pays sans prendre en compte l’histoire du continent ». Un constat qui a renforcé son engagement anticolonialiste : « je n’oublie pas qu’à la fin du XIXe siècle le roi de l’Ouganda était bisexuel et que les colons britanniques ont imposé le christianisme, ainsi que l’homophobie. C’est depuis cette époque que l’homosexualité y est réprimée violemment, cette inscription historique me dégoûte tellement ».
Enfin, j’ai échangé avec Sandra, qui a choisi Prague pour son échange étudiant, afin d’assister au célèbre festival queer Mezipatra, qui s’étend sur deux villes durant plus d’un mois. Au cours de ce voyage, elle assiste chaque semaine à un cours de yoga queer, et se lie rapidement d’amitiés avec les autres expat’ LGBTQIA + présent·es aux leçons. Sandra garde un souvenir très doux de cette expérience et repart avec une manière différente d’apprécier la scène queer : « contrairement à Paris où t’as 3000 événements queers par semaine, là c’est un mois et demi de festival et tu prends le temps de t’intéresser à chaque proposition ». Si durant cet échange elle n’a jamais perçu son lesbianisme comme une contrainte, le fait d’être une femme racisée dans un pays en écrasante majorité blanche, a parfois été pesant. L’expérience de voyage des personnes trans peut encore être plus compliquée : « dans notre groupe, une personne trans a vraiment dû faire des pieds et des mains pour avoir accès à son traitement, ces questions sont très compliquées pour les locaux ». Aussi, elle et saon ex-partenaire ont dû redoubler de vigilance quand iel est venu lui rendre visite : « avec mon ex on avait un passing de cis hétéro car iel est une personne trans masculine, mais on faisait quand même super attention ». Voyager en couple queer serait-il davantage contraignant ?
Voyager en couple queer implique donc une certaine charge mentale : faire attention à ne pas paraître trop proches, tergiverser sur le fait de s’outer à chaque nouvelle interaction sociale, vérifier subtilement auprès des locaux si certains lieux sont à éviter…
Séjours en couples LGBT et patatras
L’été 2022, je suis partie pour la première fois à l’étranger avec ma copine. Durant ce super séjour sur l’île grecque de Corfou, il nous est arrivé quelques déconvenues : alors que nous avions demandé explicitement des lits doubles, deux fois sur trois nous avons été “surclassées” en lits séparés. Et bien que l’île soit un lieu chaleureux, il nous est arrivé plus d’une fois de sentir des regards insistants en notre direction, couplés d’échanges potentiellement à notre propos, sans qu’on puisse en être sûres à cause de la barrière de la langue. Pour le journaliste Léo : « La différence principale quand on est un·e touriste ou un·e local·e, c’est qu’on ne connaît pas les formes d’organisations locales des communautés queers, ni le savoir expérimentiel de la géographie urbaine et des temporalités pour assurer notre sécurité et on n’a pas nos potes avec nous. » Voyager en couple queer implique donc une certaine charge mentale : faire attention à ne pas paraître trop proches, tergiverser sur le fait de s’outer à chaque nouvelle interaction sociale, vérifier subtilement auprès des locaux si certains lieux sont à éviter… Autant d’interrogations qui, pour les parents queers, s’additionnent à l’organisation des vacances en famille. D’autre part, les séjours en couple queer impliquent parfois des compromis. Joanna, journaliste trentenaire, s’était jurée de ne plus visiter des pays qui pénalisent l’homosexualité, et où les droits des femmes lui semblent pire que là où elle vit. Pour elle : « séjourner dans des pays où les locaux de sa communauté sont opprimé·es, ce n’est pas possible. Il y a suffisamment de pays où les LGBT peuvent vivre relativement en paix, ça suffit à me satisfaire sans avoir à me retrouver dans des situations si non dangereuses, au moins inconfortables ou révoltantes ». Cependant, sa compagne est marocaine, et retourne régulièrement voir sa famille, aussi Joanna a dû assouplir sa vision en ajoutant un « sauf exceptions* à la règle ». Des auto-consignes qui, au regard du nombre d’agressions LGBTphobes au travail, en famille et en vacances sur le territoire français, nous montre la difficulté de tracer objectivement la ligne de ce qui est “safe” ou non.
Pour Laura, voyager est aussi l’occasion de créer des souvenirs communs et de rencontrer d’autres personnes queers. En couple lesbien depuis quelques années, le tourisme est aussi un moyen de sortir du quotidien et d’aller à la rencontre d’autres LGBTQIA +. Elle me confie : « on tente toujours de voir avant s’il y a un bar, une librairie, un lieu, un groupe Facebook local queer féministe (ou lesbien bien sûr mais c’est rare). Il y a peu, nous sommes parties à Copenhague et on est tombé sur le groupe ‘queer expat’, j’y ai mis un message pour demander s’il y avait un évènement organisé durant le weekend. Une personne m’a répondu et on a eu de la chance : l’événement était organisé par une asso locale géniale qui faisait un évènement en mixité choisie sans homme cis. Ce fut l’occasion parfaite d’échanger avec des queers et lesbiennes de la ville. L’ambiance était super, et on s’est aperçues qu’on fait face aux mêmes défis au Danemark et en France concernant le manque d’espaces dédiés ».
Néanmoins, face à ces multiples contraintes du voyages en solo ou en couple queer, faut-il privilégier les vacances communautaires ? Mais surtout, et si au lieu de réclamer l’égalité touristique, nous inventions d’autres moyens de se reposer, qui soient aussi respectueuses de l’environnement et économes d’un point de vue d’impact sur la nature ?
Maintenant que j’ai connu la joie des vacances communautaires, c’est mort je ne peux plus m’imaginer voyager autrement. C’est comme l’hétérosexualité obligatoire, une fois qu’on en sort il y a plus de retours en arrière !
Alix
Voyager en bande organisée
Le premier juin 2023, Alix a participé à la première édition d’un séjour saphique de trois jours, organisé dans un camping entre Paris et Lyon. Elle garde un souvenir magique des rencontres qu’elle y a faites, ainsi que du sentiment de sécurité et de plénitude quasi irréel qu’elle a expérimenté, entourée de femmes queers et de personnes non binaires. Une bouffée d’air lui donnant envie de renouveler l’expérience tout en renforçant son engagement : « bénéficier de ces espaces ça donne un truc pour lequel se battre, ça donne de l’espoir et envie de s’investir pour créer davantage de lieux qui nous sont dédiés. Maintenant que j’ai connu la joie des vacances communautaires, c’est mort je ne peux plus m’imaginer voyager autrement. C’est comme l’hétérosexualité obligatoire, une fois qu’on en sort il y a plus de retours en arrière ! ».
Comme Alix, de nombreuses personnes queers s’intéressent aux séjours organisés à destination d’un public LGBT. Ces dernières années, les croisières et les séjours campings très populaires aux États-Unis, arrivent en Europe. Mais le plus souvent, ces offres sont chères, à destination d’hommes gays avec un certain niveau et style de vie, et marquées par une forte empreinte écologique. Pour le journaliste Léo : « Il y a une forte relation entre homonationalisme et tourisme, avec en particulier un pays comme Israël qui se promeut comme le paradis des gays et du coup génère beaucoup d’argent sur le tourisme de gays blancs occidentaux, pour au final parquer des gays dans des villas derrière des murs et perpétuer son colonialisme. » Si ces alternatives festives constituent de véritables parenthèses enchantées pour certain·es, elles conviennent surtout à un public jeune, occidental, extraverti et doté d’un certain pouvoir d’achat.
Dans les milieux écologistes alternatifs, certaines personnes ne partent pas en vacances mais se déplacent beaucoup. Elles ont adopté une mobilité conviviale, activiste et festive qui n’est pas du tourisme mais est une manière de découvrir et partager des luttes et des prises de conscience, avec souvent une hospitalité gratuite
Rodolphe Christin
Par ailleurs, le tourisme en lui-même reste une industrie de consommation de masse qui agit comme un cache misère, servant à canaliser nos frustrations. Comme le souligne le sociologue Rodolphe Christin dans un article pour CQFD : « Le tourisme est une industrie de compensation : je souffre, je travaille toute l’année, donc je m’octroie ces quelques semaines de répit. » Le problème étant que ce repos se fait par un tourisme de masse et marchand, nécessairement au détriment de l’environnement et d’autrui. Néanmoins au sein d’une interview pour Reporterre, le sociologue souligne : « Dans les milieux écologistes alternatifs, certaines personnes ne partent pas en vacances mais se déplacent beaucoup. Elles ont adopté une mobilité conviviale, activiste et festive qui n’est pas du tourisme mais est une manière de découvrir et partager des luttes et des prises de conscience, avec souvent une hospitalité gratuite ». La nécessité de sortir du tourisme est un constat que partage le journaliste Costanza Spina, auteur du livre Manifeste pour une démocratie déviante. A ses yeux, la solution pour un vrai repos ne peut se limiter aux séjours privés et au tourisme, et doit davantage passer par la création d’espaces de repos communautaires. Pour l’auteur : « Qu’ils soient au Québec, en Algérie, en Grèce, dans les campagnes espagnoles ou en Bretagne, dans la Creuse, dans le Luberon… au Frioul, sur la Plaine. Nous avons besoin de lieux pour transmettre, pour lire, pour archiver et nous asseoir au coin du feu, une fois la fête terminée, pour savourer ensemble le vide et le silence. Des lieux où désirer des nouveaux ciels, où transmuer nos aspirations en projets de vivre ensemble. Nos économies circulaires pourraient permettre la pérennité de ces lieux ».
Ce besoin d’espaces de respiration communautaires a notamment inspiré le collectif WET#2 qui organise pour l’été 2023 un week-end de 4 jours en Corrèze à destinations des femmes trans et des personnes trans féminines. Le collectif propose aux participantes de se retrouver au soleil autour d’ateliers articulés autour du soin, de jeux et d’échanges. Le séjour est à prix libre, et est financé grâce à une campagne de dons à laquelle je vous invite à contribuer ici. Mais la question du repos pour les LGBTQIA + ne concerne pas seulement les adultes, Mélina Raveleau et Thibaut Wojtkowski, l’ont bien compris. Après des années à travailler au sein de structures spécialisées dans l’accueil des jeunes, ils ont créé Toustes en colo qui proposent des séjours inclusifs et joyeux pour chaque jeune. Des initiatives salutaires, justes et enthousiasmantes qui, je l’espère, en inspireront d’autres.
*Les prénoms des personnes interviewés ont été modifiés.
Relecteurices : Apolline Bazin, Costanza Spina et Clément Riandey
Image à la une : Magda Vrabetz
Cet article Vacances : Les queers peuvent-ils s’évader ? provient de Manifesto XXI.
Trois jeunes ont été arrêtés après l'agression dimanche 2 juillet d'un couple homosexuel qui se promenaient sur les bords de la Durance.
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Les bureaux de l'association ont fait l’objet d’une tentative d’incendie volontaire, dans la nuit du samedi 1er au dimanche 2 juillet. Le centre va déposer plainte.
L’article A Angers, le centre LGBTI+ Quazar victime d’une tentative d’incendie volontaire est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
Cet article Diaty Diallo : « Des enfants, des jeunes, ça se protège inconditionnellement » provient de Manifesto XXI.
Mardi 27 juin, un policier a tué le jeune Nahel M., 17 ans, lors d’un contrôle routier à Nanterre. Diaty Diallo, autrice du roman Deux secondes d’air qui brûle, a été contactée par plusieurs médias (y compris Manifesto XXI) pour s’exprimer au sujet de ce meurtre et des événements qui ont suivi. Dans ce texte, elle dit ce que ces sollicitations médiatiques font aux écrivain·es racisé·es, ce que ces demandes disent du regard posé sur leurs œuvres et sur celleux qui se révoltent face aux violences d’Etat.Je ne voulais pas écrire cette tribune.
Je ne voulais pas l’écrire seule. L’analyse d’une époque se fait avec du recul, en dormant dessus et en additionnant les voix singulières.
Je n’avais pas envie d’y aller de ma petite analyse, de ma poésie affectée.
Je n’avais pas envie de jouer les expertes de l’époque.
Tomber dans ce piège que Faïza Guène décrit si bien dans le film Nos Plumes de Keira Maameri sorti en 2016 : on nous demande à nous les soi-disant lettré·es de parler pour nos petits frères les sauvages, de traduire la cacophonie qu’on les accuse de jouer, le chaos, pourtant antérieur à leur naissance, dont ils seraient les responsables.
Et on nous demande à nous les basané·es de servir d’interprètes à chaque mouvement de révolte que d’aucun·es nommeront fracture.
Je ne jouerai pas au jeu de la vulgarisation par les indigènes pour celles et ceux qui les dominent en feignant de faire front commun.
Nous les auteur·ices du bitume, de la marge, devrions être en mesure d’aider – Qui au juste ? Qui a encore peine à saisir les enjeux qui fracassent la France depuis des siècles d’impérialisme et de colonialisme ? – à lire, à comprendre ce qui s’écrit pourtant sous les yeux de toustes – il n’y a qu’à ouvrir les paupières pour observer un monde se dé-faire.
Je n’ai pas envie d’écrire à la place de nos petits frères, je n’en ai pas la légitimité, mais surtout je n’ai pas le moindre désir de faire corps avec cet intellectualisme qui semble aller de pair avec cette profession sans salaire qu’est celle d’écrivain·e. Je ne jouerai pas au jeu de la vulgarisation par les indigènes pour celles et ceux qui les dominent en feignant de faire front commun.
Dès lors que sa peau s’assombrit, l’écrivain·e devient biographe, autobiographe, incapable de distance avec le réel, incapable de fiction. Et on ne l’appelle pour analyser son époque que quand cela touche directement aux expériences dont on estime qu’elles les ont nécessairement déjà traversées. Nous ne serions capables que de documenter notre monde.
Un exemple concret : aucun média, à l’exception de Mediapart, ne m’a contactée afin de recueillir mon point de vue d’autrice sur le mouvement social et écologiste pourtant soumis à de nombreuses violences d’État. On ne m’a pas contactée pour Mayotte, ce qu’il se passe dans les CRA, la tentative d’homicide des forces de l’ordre envers Safyatou, Salif et Ilan, ni après la mort de Alhoussein.
Depuis le meurtre de Nahel, parce que les vidéos ont rendu inévitable son déni (continuons de tout filmer), et d’autant plus depuis les nuits de révoltes, je décompte une dizaine de sollicitations médiatiques.
Et je n’ai écrit qu’un seul livre de toute mon existence.
Et ça ne fait même pas une semaine que cet enfant nous a quitté·es.
Je ne voulais pas écrire de tribune, je ne suis l’experte de rien et j’ai besoin de dormir beaucoup pour penser correctement. Et en ce moment on ne dort pas.
Mais depuis que les révoltes ont éclaté, depuis que nous avons vu le nom de Nahel s’ajouter à longue liste des tué·es par la police, je vois la couverture de mon livre réapparaître.
Certain·es lecteur·ices semblent y trouver du sens et de l’apaisement, c’est notamment pour cela que je l’ai écrit. Pour faire briller nos corps minorisés, nous montrer comme je nous trouve belles·beaux. J’ai écrit ce livre pour dire à celleux qui vivent dans la violence que je les crois. Je vous crois. Je nous crois.
Et merci à vous tous·tes de continuer de faire exister ces mots. Maintenant on se sait.
D’autres personnes en revanche, qui semblent n’en avoir pas lu la moitié, se l’approprient afin de se donner une contenance politique. Ça rend bien sur le papier et ne coûte pas cher que de disséminer çà et là des références littéraires, à la radicalité modérée, écrites par des noir·es à la mode. Ça fait de gauche, ça fait « dans son temps ». Je ne suis pas ok avec ça.
Et si vous vous reconnaissez dans ces lignes, sachez que ce livre n’est pas à vous, il est pour nous.
J’ai écrit ce livre À PARTIR d’une réalité intenable. De ces violences reproduites sur les minorités pour qu’elles ne deviennent jamais rien d’autre que ça.
Qu’on reste à notre place.
J’ai écrit ce livre pour essayer à mon tour et à mon échelle, de rendre ce sujet inévitable. J’ai écrit pour dire qu’on n’est pas dupes, cette violence policière est avant tout une violence d’État : colonialiste, impérialiste, capitaliste et raciste. Elle est séculaire et spatiale. Incarnée tout autant par les politiques de sécurité intérieure, d’affaires étrangères que par celles qui s’opèrent en matière d’urbanisme et de culture. On les voit les bancs publics disparaître, les caméras apparaître, les places s’aplanir… On les voit les théâtres en forme de coquilles vides, le cinéma qui protège les agresseurs et les structures socioculturelles aux portes closes.
Au moins les masques, en tombant, nous permettent de savoir qui est qui.
À propos de mon livre, j’entends, je lis cette phrase : « c’est la réalité qui rejoint la fiction ». Je ne sais même pas par où commencer.
Peut-être par dire que c’est amnésique et d’une dangerosité extrême que d’affirmer ça.
J’ai écrit ce livre À PARTIR d’une réalité intenable. De ces violences reproduites sur les minorités pour qu’elles ne deviennent jamais rien d’autre que ça. Qu’on reste à notre place. Ces violences, combien de temps encore faudra-t-il qu’on se les souffre, les dénonce, les écrive, les filme, les réfléchisse ?
Combien de comités devront encore se former autour de familles à qui on a arraché l’un·e des leurs ?
Derrière les exécutions que commet régulièrement la police française se cache une somme abyssale de violences physiques, morales, verbales, économiques, qui prennent la forme de harcèlements quotidiens. Une somme de violences qui casse les corps, l’estime de soi, le rapport que des jeunes peuvent entretenir à leur avenir. Mais qui casse aussi les choses les plus banales : le droit de se socialiser dans l’espace public, de se poser, de se reposer, de jouer entre ami·es. Et bien sûr, c’est la capacité à faire corps politique, à s’organiser, à entrer en résistance qui est également visée à travers ces contrôles. Nous ne sommes pas dupes.
Imaginez-vous : la plupart de vos souvenirs d’adolescent·es comportent une présence policière continue, de la ronde de voitures et des contrôles d’identité plusieurs fois par jour aux visages gazés et aux slips baissés. Non vous ne pouvez pas vous imaginer. Pourtant : c’est réel.
Ah, et concernant l’émeute, puisqu’il faut bien en parler. Il serait temps de considérer ces jeunes comme vos jeunes. Non pas avec condescendance et paternalisme, on connaît et on s’en passera merci. Mais parce que des enfants, des jeunes, ça se protège, inconditionnellement.
Sortons le soir, distribuons bouteilles d’eau, masques, sérum physiologique et noms d’avocats. Filmons la police. Ce soir, demain, pour les années à venir. Protégeons-les.
La cagnotte pour soutenir la maman de Nahel
Relecture et édition : Apolline Bazin, Anne-Charlotte Michaut
Image à la une : Marche blanche à la mémoire de Nahel, le 29 juin © Jennifer Padjemi
Cet article Diaty Diallo : « Des enfants, des jeunes, ça se protège inconditionnellement » provient de Manifesto XXI.
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Juillet pointe le bout de son nez et on est tous·tes·x sur les rotules. Ne
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Cet article Le procès – Des amis qui vous veulent du bien, par Fania Noël provient de Manifesto XXI.
Avez-vous déjà vécu une situation sexiste sans réussir à mettre le doigt sur ce qui clochait exactement ? La remarque anodine d’un camarade militant qui reste en travers de la gorge, une réaction véhémente d’un ami pourtant progressiste ou bien la « blague » cringe d’un collègue ? Le diable est dans les détails, le sexisme le plus difficile à dénoncer est peut-être celui qu’on appelle « bienveillant », celui des hommes « bien », bien diplômés, bien gentils, bien entourés et bien « féministes ». Dans ce cycle de 8 chroniques, la chercheuse et militante afroféministe Fania Noël vous propose de décortiquer des situations quotidiennes avec une courte fiction éclairée ensuite par une notion de critical feminist theory. [4/8]Une fois tout ce cirque fini, elle va le quitter. Il le faut. D’ailleurs, elle l’aurait bien fait à cet instant, mais elle doit payer le prix de l’attente pour ne rien donner de plus à l’homme carnivore. Assise au second rang de la salle d’audience, Sonia dresse l’inventaire de ses possessions, elle se remémore des souvenirs agréables avec Adam, avec un vague sentiment de tristesse, une légère nostalgie. « C’est dommage » pense-t-elle. Adam se retourne de temps à autre pour lui lancer un sourire énamouré, il doit s’imaginer qu’un tourment intérieur la ronge, qu’elle revit ses traumatismes. Adam n’est pas au courant qu’elle a déjà quitté cette relation, elle l’a mentalement quittée à l’annonce de la plainte déposée par Jérôme C. pour « violence n’ayant entraîné aucune incapacité de travail ».
Si l’issue du procès est incertaine, sa décision de rompre avec Adam ne souffre d’aucun doute. Elle l’avait déjà envisagée il y a six mois, après ce qu’Adam appelait « l’altercation », à savoir la gifle qu’il avait administrée à Jérôme C. à la sortie d’une petite soirée privée pour célébrer les 30 ans de carrière du metteur en scène et dramaturge. Évidemment, Jérôme C. ainsi que l’assistance avaient été saisis d’effroi par cet acte de violence inattendu en public. Qui plus est, Adam n’était pas un inconnu. Critique pour LE magazine culturel, il faisait partie de ceux qui avaient couvert #MeToo dans la grande famille de la culture. Quelques secondes après le choc, avant même que la sécurité n’ait le temps d’arriver, Adam avait lancé « Ça, c’est pour Sonia, sale porc », et le visage de Jérôme C. avait laissé paraître une inflexion, un souvenir mélangé d’incrédulité.
Sonia qui n’était pas sortie de l’appartement depuis une dizaine de jours, bataillant contre un énième dossier de subventions pour sa dernière pièce, avait appris la nouvelle en allumant son téléphone à 5h30, pendant qu’Adam ronflait paisiblement dans la chambre mitoyenne au salon. Elle s’était surprise à murmurer « évidemment ».
Son « Tu peux me faire confiance, je respecte ton choix » était arrivé beaucoup trop vite et trop calmement. Il n’avait pas directement feint d’être serein, non, d’abord il avait eu l’air choqué puis agité. Pourtant, cela aurait pu être une conversation des plus banales, sans mélodrame. Il lui avait proposé d’aller voir cette pièce, elle lui avait répondu qu’elle ne soutenait rien de ce metteur en scène, il lui avait demandé pourquoi, et d’un ton neutre, elle lui avait dit qu’il l’avait agressée sexuellement alors qu’elle était encore étudiante. Elle avait dit le tout d’un ton égal. Ce n’était pas un secret, elle pensait même qu’il avait fait le lien vu qu’elle était l’intervenante attitrée sur les questions de violences sexuelles dans son collectif d’artistes féministe, ou par son blog public, ou encore les références dans ses propres pièces.
Elle avait répondu à toutes ses interrogations.
Non, elle n’avait pas porté plainte, non, elle ne voulait pas le faire, oui, c’était un événement marquant, non, elle n’était pas « morte à l’intérieur », « brisée », « traumatisée à vie », oui, ça avait été terrible pendant un moment, non, elle n’avait pas honte, non, elle n’avait pas pardonné, oui, elle pouvait en parler, oui, elle était allée voir une thérapeute, oui, c’est la raison pour laquelle elle a commencé à militer au sein d’une organisation féministe, oui, elle l’a confronté, non, elle n’a pas spécialement de problèmes avec sa sexualité, oui, elle sait comment exprimer son consentement.
Malgré ces deux heures de conversation, Adam a pris huit jours pour décider que la « réparation », la « justice » pour le viol qu’elle avait subi douze ans auparavant était d’aller publiquement agresser un homme en citant son nom.
Oui, elle allait le quitter, mais elle n’allait pas exposer plus d’éléments à sa voracité. Sa décision était devenue ferme il y a quatre mois quand, fatiguée de devoir esquiver plus ou moins poliment les remarques concernant « la chance » qu’elle avait d’avoir un compagnon qui l’avait défendue, elle avait postulé pour une résidence d’un an à l’étranger. Elle avait compris que tenter d’expliquer qu’elle n’avait jamais demandé ça était inutile, il semblait que seules ses camarades féministes partageaient sa révolte. En revanche, personne ne mesurait le dégoût naissant qu’elle éprouvait pour Adam. Il était devenu le défenseur de LA cause, faisant des threads sur Twitter à longueur de journée, discutant lors des dîners de ce qu’IL avait ressenti en apprenant son viol.
Assise dans cette salle d’audience quasi déserte, où l’avocat d’Adam cite son blog pour appuyer sa ligne de défense, Sonia continue de mener son inventaire. Rien dans ce cirque ne retient son attention, que ce soit les détails de son viol, la contestation de sa véracité par Jérôme C., son impact psychologique et émotionnel sur Adam ; ou les têtes d’affiche Adam, Jérôme C., Maître Stanislas DLC, Maître Jules M et Monsieur le Juge réunis pour ce procès très suivi par le petit monde des belles lettres. Au-delà du geste, le procès était un objet de conversation et d’analyses, terrain d’affrontement de clan dont les inimitiés remontaient aussi loin que la carrière de Jérôme C.
Elle allait le quitter comme lui avait géré cette situation, sans égard pour l’autre. Elle lui dira qu’un an ce n’est pas long et que leur relation est assez solide pour la longue distance, puis elle le quittera prétextant la difficulté de maintenir cette relation, rien qui puisse alimenter sa soif de trauma porn et d’héroïsme. Aucun élément de langage dont il se servira pour servir ses analyses de la « masculinité toxique », il avait déjà assez englouti, dévoré, et elle avait compris que tout finirait comme matériel. Une fin d’histoire banale.
Ce qu’en dit bell hooks :
No male successfully measures up to patriarchal standards without engaging in an ongoing practice of self-betrayal.
bell hooks, The Will to Change : Men, Masculinity, and Love.
Considérer le viol comme monstrueux et abominable est une position facile pour les hommes, ce qui explique que nombre de violeurs ne se conçoivent pas comme tels. Cependant, se confronter au patriarcat, comme bell hooks invite les hommes à le faire, c’est refuser l’externalisation de ses émotions en utilisant les femmes comme « venting machines », ou en essayant de masquer son virilisme derrière des actes de chevalerie non demandés, non consentis, pour s’en servir ensuite comme capital sympathie et badge d’honneur féministe.
La victime « morte à l’intérieur » et « l’homme sauveur » sont deux archétypes du système patriarcal marchant main dans la main. Présenter les victimes de violences sexuelles comme pour toujours « brisées », « irréparables », « mortes à l’intérieur » contribue à définir le viol comme exceptionnellement monstrueux et désamorce sa compréhension comme nécessité du patriarcat. De fait, le viol est associé à des agresseurs eux-mêmes exceptionnellement monstrueux, il y a donc une décorrélation entre le viol et la réalité de sa banalité. Le deuxième archétype est celui de l’homme sauveur, qui devant la monstruosité de crime subi par sa compagne, fille, sœur ou amie va mobiliser l’outil par excellence de la virilité : la violence physique… mais pour la bonne cause, lui permettant ainsi de se positionner contre les hommes monstrueux, les violeurs.
Cet archétype se décline sous deux formes : celle ouvertement patriarcale, comme dans le cas du crime d’honneur, et celle saupoudrée de progressisme, que l’on peut voir dans la littérature, les films et séries, sous les traits du chevalier blanc (à noter qu’en même temps, lorsque les femmes se vengent et font usage de la violence contre les agresseurs, elles sont souvent jugées et condamnées). La seconde déclinaison est tout autant liée que la première à l’honneur des hommes, car Sonia ne cherche pas de nouvelle modalité de réparation ou de justice, mais Adam pense qu’il « doit faire quelque chose », et ce quelque chose ne passe pas par le respect et l’acceptation d’une situation inconfortable, de sentiments douloureux, d’empathie, mais par l’externalisation par la violence physique. Ce faisant, il trahit non seulement la confiance de Sonia, mais il méprise aussi les années qu’elle a mises à faire d’un épisode potentiellement traumatique un événement biographique qui a radicalisé sa conscience politique. Le viol de Sonia devient pour Adam tout à la fois un élément d’introspection et de réflexion sur sa masculinité et un boost pour son image d’allié à la masculinité « déconstruite ».
bell hooks, La volonté de changer. Les hommes, la masculinité et l’amour, ed. Divergences
Relire :
Note de bas de page [1/8]
Le dîner [2/8]
L’enterrement [3/8]
Prochaine chronique le 4 septembre
Édition et relecture : Apolline Bazin et Léane Alestra
Illustration : Léane Alestra
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Le dimanche 9 juillet, la DJ Belaria jouera au festival Peacock Society. Rencontre avec une jeune artiste en pleine expansion.Belaria est une productrice et DJ parisienne de 23 ans. Elle a baigné depuis toute jeune dans les disques de ses parents : Depeche Mode, The Cure ou Orchestral Manoeuvres in the Dark – des sonorités post-punk, new wave et cold wave qu’on retrouve aujourd’hui dans son travail. Encore étudiante lorsque sa carrière a décollé il y a deux ans, elle a terminé son master en stratégie digitale et innovation l’an dernier et se consacre aujourd’hui à mille pour cent à la musique. Belaria est résidente au Badaboum et signée sur le label paritaire et transgénérationnel Friendsome. Manifesto XXI est allé·e à la rencontre de cette artiste qui représente une nouvelle génération de femmes artistes engagées et talentueuses.
Manifesto XXI – Dans la presse musicale électronique, on te présente comme LA nouvelle étoile montante. Qu’est-ce que ça t’inspire ?
Belaria : J’ai débuté la musique il y a cinq ans et je vis vraiment de mon art seulement depuis quelques mois. J’ai un petit peu de mal avec ce genre de phrases, ça me met une grosse pression. J’ai un énorme problème de légitimité, notamment vis-à-vis de cette mise en lumière dont je bénéficie depuis deux ans. J’en suis très reconnaissante et je travaille beaucoup pour ça, mais ça m’est tombé dessus du jour au lendemain. Lorsque je sais que des artistes bossent dans l’ombre depuis plus de dix ans, je ressens un syndrome de l’imposteurice, même si je suis aussi très flattée. En plus, on catégorise souvent les artistes. Par exemple, moi je suis « l’étoile montante de l’italo et de l’EBM ». Je trouve ça dommage, car lorsque je joue quelque part, on s’attend à ce genre de musique, alors qu’il y a énormément de genres que j’aime écouter et jouer, comme de la techno un peu hardgroove ou des sonorités trance. Ce que j’aime, c’est faire des ponts entre des styles différents pendant mes sets et avoir cette liberté de m’exprimer plus largement.
Quel a été ton parcours personnel depuis que tu as commencé la musique il y a cinq ans ? Qu’est-ce qui t’a menée à la carrière que tu as aujourd’hui ?
J’ai découvert la musique électronique en 2015. J’avais 15 ans et j’ai pris des places un peu au hasard pour un festival qui n’existe plus maintenant : le Big Festival. Je ne connaissais pas du tout ce monde-là à l’époque, et ça a été la claque de ma vie. J’ai passé cinq jours scotchée devant les barrières, sans vouloir lâcher la scène. Je ne connaissais aucun·e artiste qui jouait à ce moment-là, c’est surtout l’atmosphère qui m’a marquée. Plus tard, j’ai revu la programmation et je me suis dit « ah oui, en effet, il y avait Jeff Mills et Nina Kraviz » (rires). Cet événement, c’est aussi l’origine de mon nom d’artiste : le festival avait lieu à Biarritz, et Belaria signifie « oreille » en basque. À la suite de ça, j’ai commencé à vraiment m’intéresser à la musique électronique. Je suis autodidacte, je n’ai jamais fait le conservatoire ou pris des cours de musique. En revanche, j’ai toujours été sensible au rythme puisque dès l’âge de 10 ans, j’ai fait beaucoup de danse : du moderne, du classique, même des claquettes ! Mais ce qui a vraiment lancé ma carrière, c’est le concours Producer Day que j’ai gagné en 2021.
Pourquoi est-ce que ce concours a été un moment charnière de ta carrière ?
C’est un concours organisé depuis 2016 par la communauté des « Chineurices de House », le groupe Facebook aux 45 000 membres hosté par les DJ Gboi et JeanMi. Un jour, mon manager Ruben Pariente m’appelle : « Il y a le concours Producer Day dans deux jours, tu ne veux pas participer ? » Ce à quoi je réponds que je n’ai aucune idée de ce que c’est ! J’avais fini mon tout premier morceau deux jours avant, alors j’ai décidé de me lancer. Et j’ai gagné grâce à cette première production, « Morning Disco Tonic Bongo ». C’est un track house disco un peu rapide, à 135 BPM. Un peu banger, très solaire, parfait pour l’été. Il est devenu viral à ma grande surprise. À cette époque-là, je vivais en Angleterre où je faisais des études en stratégie digitale et innovation, je ne me suis pas rendu compte tout de suite de l’ampleur que ça prenait. Puis à l’été 2021, je suis revenue à Paris et ça a été à la fois hyper fou et hyper intense, car je n’avais jamais pensé à vivre de la musique.
Cette « mise en lumière » soudaine a-t-elle eu un impact sur ta santé mentale ?
Comme je te le disais, les choses se sont vraiment enchaînées très rapidement et ça a été beaucoup d’un coup. Ce n’est pas du tout évident pour moi d’être seule devant plein de gens, ce n’est vraiment pas en adéquation avec ma personnalité. Je ne me décrirais pas comme quelqu’un·e de timide, mais je suis souvent dans la remise en question et l’auto-critique. Être face à une foule que tu dois faire kiffer te met dans une situation de vulnérabilité [on pense notamment à l’expérience de la DJ Paloma Colombe pendant son set au Cabaret Sauvage, ndlr]. J’ai très peur de la critique et du regard des autres. Je n’avais que 21 ans à l’époque, aujourd’hui j’en ai à peine 23. Et puis c’est un milieu très masculin. Lorsque j’ai gagné le Producer Day, un homme m’a dit que j’avais gagné le concours uniquement car j’étais une meuf, que mon track était « facile » et que je n’aurais jamais eu autant de visibilité si j’avais été un garçon.
Tu as notamment fait partie du Vénus Club, un collectif féministe qui prône la fête libre, inclusive et safe. Pourquoi ce genre d’initiative est-elle importante dans la musique électronique selon toi ?
J’ai aidé à la création et au lancement du projet lors du confinement. Malheureusement, je n’ai pas continué avec elles sur le long terme car, n’étant pas en France à ce moment-là, je ne me sentais pas légitime de m’attribuer le travail fourni à part égale avec les autres membres du collectif. En revanche, le temps que j’ai passé avec elles m’a permis de dialoguer et d’échanger avec d’autres professionnelles du milieu. Vénus Club est un collectif fait par et pour toutes les femmes, qui met en avant des profils très éclectiques et qui nous donne de la visibilité dans le paysage musical dans lequel nous restons sous-représentées. Elles organisent des ateliers de mix, de professionnalisation, de production. Et c’est aussi un espace dans lequel nous pouvons nous regrouper en toute sérénité. Il est essentiel d’avoir de telles structures dans ce milieu-là.
Tu fais également partie du label Friendsome Records. Pourquoi ce label et quel est son credo ?
C’est un label qui a été créé en 2018 par mon manager Ruben Pariente et sa petite sœur Bluma Pariente, ma meilleure amie. C’est une affaire de famille ! Ruben est celui qui m’a donné mes premiers cours de mix. Le label est paritaire et intergénérationnel. Je suis la plus jeune, et l’artiste le/la plus âgé·e a 43 ans. L’idée était de créer entre nous une émulation intergénérationnelle où chacun·e apporte quelque chose à l’autre. Friendsome a également des engagements sociaux. À chaque fête que nous organisons, nous reversons 25% à des associations qui nous parlent, notamment Surfrider qui protège les fonds marins.
Trouves-tu qu’il est important de lier musique et engagements ?
Oui. Pouvoir reverser des fonds à des associations qui soutiennent des causes qui me tiennent à cœur, et le faire grâce à ma passion, fait sens pour moi. Je reverse également toujours une partie des bénéfices de ma résidence au Badaboum à des associations.
Tu joues au Peacock Festival qui aura lieu les 8 et 9 juillet prochains, qu’est-ce que ça signifie pour toi de jouer dans un festival de cette envergure ?
Je suis hyper honorée ! C’est un festival auquel je me rends depuis que j’ai commencé à écouter de la musique électronique. Je me rappelle regarder les programmations en me disant « génial, il y a tel·le et tel·le artistes qui jouent ». Et cette année, je suis sur le line-up ! Je trouve ça beau et je suis très flattée. En plus d’avoir une programmation éclectique, Peacock met à l’honneur des jeunes collectifs et beaucoup de B2B. Il est important à mon sens de valoriser des groupes et non pas seulement des DJ d’une façon individuelle. En plus de ça, le cadre de ce festival est toujours génial.
Rendez-vous au Peacock Society le samedi 8 et le dimanche 9 juillet prochain au Parc de Choisy Chemin des Bœufs, 94000 Créteil, Paris Val-de-Marne.
Pour prendre vos billets, c’est juste ici !
Relecture et édition : Sarah Diep et Anne-Charlotte Michaut
Cet article Belaria : « Reverser des fonds pour des causes qui me tiennent à coeur fait sens » provient de Manifesto XXI.
Une professeure de l'institution, soutenue par STOP homophobie, porte plainte contre le proviseur pour délit d’entrave aux missions de service public avec propos aggravés, notamment homophobes et harcèlement.
L’article Homophobie au lycée Jean-Paul II de Compiègne : une enseignante porte plainte est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
Daniel Borrillo, maître de conférences en droit privé et sciences criminelles à l'Université Paris Nanterre et chercheur associé au sein du think tank Generation Libre, nous livre son point de vue sur le durcissement de la législation en matière de pornographie.
L’article « Durcissement de la législation en matière de pornographie : une menace pour les libertés fondamentales ? » est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.
Après avoir publié Héritier du silence (prix du Public de la RTS) en 2018, Mathias Howald propose avec Cousu pour toi un ouvrage intime qui met en lumière une histoire locale de l’épidémie du VIH/Sida. Rencontre avec l’auteur romand publié chez Gallimard (collection Scribes) qui signe un texte bouleversant.
L’article Une histoire intime du VIH/Sida est apparu en premier sur 360°.
Cet article Conversation avec Jennifer Padjemi : aimer son corps au temps du capital beauté provient de Manifesto XXI.
Dans son nouvel essai Selfie. Comment le capitalisme contrôle nos corps, Jennifer Padjemi [que nous avions interviewée auparavant lors de la sortie de Féminisme & Pop culture, ndlr] décortique les mécanismes des industries de la beauté, les conséquences du capitalisme sur nos corps, mais aussi sur nos émotions et nos psychés. Des thématiques qu’on abordait dans nos pages l’an dernier, à travers l’enquête de Coco Spina sur les impacts de ce capital beauté au sein des communautés queers. Les deux journalistes ont prolongé les réflexions, en croisant leurs expériences respectives de personnes queer et noire : leur échange ici rapporté révèle les dynamiques communes subies par les corps déviants.C’est ma rencontre avec l’artiste lausannoiX Hazbi, lors du festival La Fête du Slip en 2022, qui m’a fait réaliser l’existence de la « mochophobie » : l’expérience de la discrimination physique lorsqu’on n’appartient pas aux critères de beauté dominants. Y compris au cœur des communautés queers et/ou racisées. S’en est suivie une recherche passionnante autour de la notion de capital beauté, cette valeur que nous donnons aux humain·es à l’aune des canons normatifs. Loin d’être un sentiment, le « moche » est une matérialité : il mesure de façon tangible à quel point nous sommes distant·es de la norme. Il en va de soi que si la distance de la norme est matérielle, le moche n’est pas du tout objectif : dire capital beauté signifie montrer à quel point l’Occident blanc cis hét a transformé ses corps dominants en norme esthétique universelle et colonisatrice. C’est cette unité de mesure que j’appelle le « capital beauté » ou normatif. On peut le définir comme une hiérarchie de normes physiques permettant d’accéder à certains privilèges, parmi lesquels le plus basique : faire partie des « humain·es qui comptent ». Mes douloureuses expériences de rejet physique au sein même des cercles queers, notamment à cause de la grossophobie et du validisme, m’ont poussé à me rapprocher de personnes qui, à des niveaux différents, avaient subi des violences similaires.
Si nous ne comprenons pas à quel point le capitalisme contrôle nos émotions et nos corps, nous ne saurons jamais le démanteler à une échelle globale.
Lors de ce voyage, j’ai fait la rencontre de l’autrice, journaliste et podcasteuse Jennifer Padjemi, qui s’est penchée sur ce que le capital beauté fait aux personnes noires. Son deuxième essai, Selfie. Comment le capitalisme contrôle nos corps, paru chez Stock le 15 mars 2023, décortique les industries de la beauté et leurs injonctions tentaculaires, qui vont parfois jusqu’à diviser les communautés minorisées. Elle y analyse les liens entre justice sociale et accès aux soins, et le pillage des cultures minorisées. Elle évoque les mécanismes que l’industrie de la beauté met en place qui pénalisent toujours les plus fragiles (c’est par exemple le cas de l’afro-taxe, payée par les femmes noires qui souhaitent accéder à certains soins…). Elle jette un regard critique sur le mouvement body positive ou encore sur l’influence d’Instagram sur notre construction personnelle.
Après m’avoir interviewé durant l’écriture de son livre pour recueillir mon expérience [dans le chapitre « L’arnaque du Body Positive. La norme n’aime pas les monstres queers », ndlr], j’ai voulu interroger Jennifer en retour pour mettre en commun nos savoirs dans ce domaine vaste, complexe et encore peu exploré. En particulier de nos points de vue, respectivement de femme noire et de personne queer. Si nos vécus ne sont pas matériellement les mêmes, nous nous retrouvons à plusieurs endroits, notamment dans l’expérience de vouloir que son apparence soit le plus « parfaite » possible tous les jours. Se sentir « moche » (lire « non-normatif·ve ») n’est pas « un sentiment matinal, mais quelque chose que l’on traîne depuis l’enfance, depuis toujours » souligne l’autrice, en faisant référence à la violence raciale qu’elle a subie, de façon explicite ou implicite, tout au long de sa trajectoire. De la même façon, je repense à l’enfant queer que j’ai été et me rends compte que les premières expériences du moche remontent à mes 7 ans, quand à l’école maternelle tout le monde s’acharnait sur moi pour savoir si j’étais un garçon ou une fille, sans hésiter à toucher mon corps, le tripoter, le secouer. Le but : savoir ce que je cachais sous mes vêtements de sport de « loser ». Pourquoi je ne me changeais jamais devant les autres. Pourquoi je n’aimais pas les garçons. Pourquoi je n’aimais personne.
Comprendre les liens entre consumérisme, affectivité et norme est, selon moi, le vrai enjeu de la lutte contre le système capitaliste oppressif : si nous ne comprenons pas à quel point le capitalisme contrôle nos émotions et nos corps, nous ne saurons jamais le démanteler à une échelle globale. Pourquoi le capitalisme a-t-il ce besoin de contrôle ? Bien évidemment, pour nous pousser à la consommation, et dans le même temps, pour conserver un statu quo social perçu comme désirable y compris par celles et ceux qu’il opprime. Depuis Miroir miroir, son podcast sur les représentations, la beauté et le corps, Jennifer Padjemi s’implique dans ces thématiques à la première personne. « Il y a une envie d’être le plus honnête possible. L’universalité du sujet fait que je suis obligée de m’inclure. C’était important qu’il y ait un contrat de confiance, parce qu’on est tous·tes dedans ensemble » me dit-elle en revenant sur son processus de recherche.
Pour ma part, discuter avec d’autres chercheur·ses, journalistes, auteur·ices, c’est aussi un moment de partage sororal des plus thérapeutiques. Je trouve extrêmement précieux de pouvoir continuer mes conversations autour de sujets aussi intimes. De nos échanges avec Jennifer, a alors émergé cette dramatique question : qu’est-ce que la normopathie capitaliste fait aux corps « déviants » ?
Quand nous déclarons la guerre à notre corpsOn déclare la guerre à son corps en refusant qu’il change, qu’il suive le cheminement naturel des choses. On le regarde se transformer et on se dit “non ce n’est pas normal, ce n’est pas ok ce qu’il se passe”.
Jennifer Padjemi
« Très jeune j’ai compris que notre apparence conditionne l’accès que nous avons à l’amour, aux relations, au travail… » me confie Jennifer. Elle confirme ainsi une intuition : ce phénomène de méritocratie affective et sociale, propre au marché du cœur, qui consiste à bénéficier de plus ou moins d’amour, de soin et de visibilité, en fonction de notre apparence. « Aujourd’hui j’apprends à faire la paix avec cette anatomie qui me permet de vivre, de me déplacer, de faire les activités que j’apprécie le plus » écrit-elle dans l’introduction de son livre. Mais le chemin est souvent long avant la pacification. Je me suis demandé où est-ce que tout a commencé et comment. À quel moment de ma trajectoire de vie j’ai compris que j’étais « étrange », que ma non-binarité et la forme de mon corps posaient problème. Quand est-ce que la norme, incarnée par certaines personnes et par l’expérience du harcèlement, m’a convaincu que j’étais « moins bien » que le reste de l’humanité. Pour Jennifer, comme pour nombre d’entre nous, cela a commencé au même endroit : à l’adolescence, certain·es réalisent que leur corps commence à leur échapper et à dévier dangereusement de ces normes qui leur permettront de survivre dans la société. « On déclare la guerre à son corps en refusant qu’il change, qu’il suive le cheminement naturel des choses. On le regarde se transformer et on se dit “non ce n’est pas normal, ce n’est pas ok ce qu’il se passe” » explique Jennifer.
On commence alors à se perdre soi-même et à s’autoflageller, dicté·es par l’injonction permanente à la maîtrise et au contrôle de soi. Comme si ce corps qui évolue courait le risque de dégouliner de partout, en dépassant les lignes tracées par la norme.Et puisque la grossophobie demeure le tabou le mieux gardé et l’un des plus cruels, y compris au sein des communautés minorisées, c’est souvent par l’alimentation que tout commence. « Cette envie de reprendre le contrôle sur le corps passe, entre autres, par des régimes. Des régimes restrictifs qui ne servent même pas à maigrir mais à éviter de grossir. On va faire un régime parce qu’on a peur de ce qui va arriver et on se met à contrôler absolument tout pour l’éviter. »
Le besoin viscéral de contrôle déteint sur tout : les cheveux, les habits… tout ce qui peut nous rattacher à une communauté « perdante » sur le marché de la norme est questionné à l’aune du racisme, de la grossophobie, de l’homo/transphobie que nous endurons. Jennifer revient sur la question des cheveux crépus, qui font l’objet de tous types de brutalisation par les industries cosmétiques. Pour ma part, je ne peux pas oublier la violence que je m’infligeais à vouloir à tout prix m’habiller de façon « féminine » (talons, jupes, maquillage…) pour être accepté à l’école, accentuant un sentiment dysphorique très violent.
Jennifer Padjemi par Wendy Huynh © Fishing et appropriation culturelleLe manque de confiance en soi et le rejet peuvent pousser les personnes minorisées à rejeter leur communauté d’origine, et c’est dans cet interstice que le fishing et l’appropriation culturelle prennent place. Ces deux phénomènes désignent des techniques de prédation des codes culturels par des individus en situation de domination n’appartenant pas aux cultures concernées. Le fishing consiste à piocher certains éléments propres aux communautés queers et/ou racisées de la part de personnes parfaitement hétéros, cis et blanches. Cela passe aussi par le langage : lorsqu’un·e hétéro dit « je suis gay pour toi (ou pour une célébrité par exemple) », iel fait du fishing. Dans l’épisode de Miroir miroir « Beauté colonisée, corps domestiqués », Rokhaya Diallo définit le black fishing comme le fait de vouloir être « noir·e à la carte ». Elle cite l’exemple de l’influenceuse Emma Hallberg, qui affiche une ambiguïté raciale lui permettant de rassurer les marques, puisqu’elle n’est pas noire, et de prendre la place de personnes qui le sont, perçues néanmoins comme menaçantes car trop éloignées de la norme blanche.
Ce n’est plus le fait de croire en quelque chose qui nous dépasse, mais une panoplie de produits et d’injonctions pour nous amener à croire. On nous dit comment manger, nous exprimer, nous habiller… pour que, comme dans une secte, nous dépensions finalement beaucoup d’argent !
Jennifer Padjemi
L’appropriation culturelle suit la même logique : c’est une façon de faire profit sur le dos de populations dont l’héritage a été bafoué, dont on dénigre la culture et dont on méprise l’existence. Des festivals comme Coachella ou Burning Man, ainsi que des marques comme Urban Outfitters, ont été les champions de l’appropriation culturelle au début des années 2010, comme souligné dans ce même épisode de Miroir miroir. Ces multinationales ont délibérément volé les codes des cultures navajo et primo-natives étasuniennes (par le détournement de bijoux, d’objets spirituels comme les attrape-rêves ou encore l’usage de plumages ornementaux) en les servant aux blanc·hes sous forme de soupe pseudo-hippie/hipster/new age. Si, pour les populations minorisées, certains motifs, coiffures, vêtements sont des stigmates que l’on porte sur soi, pour les autres ce sont des tentatives de se démarquer, généralement bien perçues par la mode.
Pour légitimer les pires aberrations capitalistes, l’industrie de la wellness et de la beauté ont utilisé les spiritualités non-blanches comme faux-semblant de terreau idéologique. Ainsi la floraison du yoga et des pratiques de méditation de toutes sortes prennent appui sur une interprétation mercantile du bouddhisme. Une philosophie vidée de son sens qui se résume parfois à « si tu veux appartenir à cette spiritualité, il faut acheter ce tapis de yoga, ce legging dernier cri, cet encens venu de Varanasi… ». Dans son chapitre « Soin partout, justice nulle part. Spiritualités blanchisées », Jennifer Padjemi montre comment le détournement des spiritualités non-blanches est l’une des techniques les plus vicieuses des industries du bien-être pour pousser à la consommation. La spiritualité s’achète donc, elle ne se ressent pas, dans un Occident blanc et hétérosclérosé incapable de renouer avec toute forme de bonheur authentique. « Ce n’est plus le fait de croire en quelque chose qui nous dépasse, mais une panoplie de produits et d’injonctions pour nous amener à croire. On nous dit comment manger, nous exprimer, nous habiller… pour que, comme dans une secte, nous dépensions finalement beaucoup d’argent ! »
Par le fishing et l’appropriation culturelle, le capitalisme dénigre et soumet certains corps et cultures. Il invisibilise tout ce qui pourrait s’opposer à son fonctionnement.
D’après l’autrice, c’est l’idée de la nouveauté permanente qui caractérise ces démarches de détournement et de prédation culturels : comme si ces pratiques, rituels, symboles surgissaient de nulle part et n’avaient pas d’histoire. Qu’une personne blanche venait juste de les inventer. Un processus typique de toute invisibilisation : d’abord, on amoindrit l’importance d’une culture et d’une pensée (voire on contribue à sa disparition), ensuite on la détourne à sa sauce. « Le capitalisme essaie de réinventer la poudre avec des choses qui existent depuis des millénaires. Je n’entends jamais les gens qui s’intéressent à l’astrologie parler, par exemple, des cultures astrologiques africaines. Le berceau de beaucoup de ces spiritualités se trouve en Afrique ou dans le Sud global, analyse Jennifer Padjemi. Est-ce que les personnes qui méditent connaissent les textes indiens ? Est-ce qu’elles savent pourquoi en Europe nous avons si peu de profs de Yoga indien·nes [à ce sujet elle me renvoie au compte Instagram Pulan Devii, ndlr] ? Est-ce que celles et ceux qui parlent de sorcières connaissent autre chose que les sorcières de Salem et savent qu’il existe un gros berceau de la magie en Afrique très liée aux plantes et à la guérison ? L’Afrique est en permanence absente de ces récits. »
Les cultures minoritaires sont d’abord pompées, ensuite jetées à la poubelle, dans un processus de colonisation hétéroblanc d’une violence inouïe. Par le fishing et l’appropriation culturelle, le capitalisme dénigre et soumet certains corps et cultures. Il invisibilise tout ce qui pourrait s’opposer à son fonctionnement. Ensuite, à l’aide des industries de la beauté, il revend ces mêmes cultures aux dominant·es dans leur version domestiquée. « Ne pas revenir aux origines des choses permet de les marketiser et de les vendre plus facilement » souligne l’autrice. C’est pourquoi la journaliste affirme, par le titre sobre et efficace de son cinquième chapitre : « Nos cultures ne sont pas une tendance ».
Quand le capital beauté met en concurrence les minorisé·esÀ quel point aimons-nous nos adelphes perçu·es comme « moches » ? Avons-nous déjà désiré une personne non-blanche, grosse, non-valide ? Vers quel profil de « queers » orientons-nous nos désirs ? Les « belle·aux gosses » ou les « monstres » ?
L’un des aspects les plus pernicieux des rouages du capital beauté est la mise en concurrence des personnes minorisées au sein même de leurs espaces. D’une part, cela produit encore plus d’isolement et de violence, en rendant plus compliquées les luttes intersectionnelles. D’autre part, cela pose une question cruciale : a-t-on envie de demeurer dans une communauté lorsque cela affecte négativement toute notre existence et nous empêche, y compris au sein de celle-ci, d’avoir une vie épanouie ?
Les industries de la beauté et de la séduction (personnifiées par des marques comme Balenciaga, Tinder, OkCupid, mais aussi par toute une série de soirées, événements, lieux qui ne s’adressent qu’à une catégorie précise de personnes valides, blanches, « belles », avec un budget pour se procurer des substances récréatives en tous genres…) ne font que diviser pour mieux régner. Comme je l’avais relevé lors de mon enquête en 2022, au sein des communauté queers, les minces, blanc·hes, valides continuent de dicter la loi sur le marché de la désidérabilité et bénéficient d’un passing social plus élevé. La solidarité envers les moins normatif·ves n’est pas toujours au rendez-vous. Il est alors crucial de savoir se situer au sein de sa communauté et de reconnaître la matérialité de ses privilèges. De reconnaître aussi la difficulté pour nous-mêmes à désirer, aimer, trouver belles des personnes qui ne sont pas dans la norme. À quel point aimons-nous nos adelphes perçu·es comme « moches » ? Avons-nous déjà désiré une personne non-blanche, grosse, non-valide ? Vers quel profil de « queers » orientons-nous nos désirs ? Les « belle·aux gosses » ou les « monstres » ?
Jennifer partage son expérience de femme noire au sein de sa communauté, avec toute la complexité que cela a représenté pour elle. « Je n’ai jamais vécu de colorisme direct et de toute façon, ce ne serait pas comparable à l’invisibilisation et/ou rejet/fétichisation des femmes à la peau noire foncée. Mais j’ai vécu ce qu’est être une femme noire qui doit y penser constamment. Faire attention à comment se présenter, à comment s’habiller pour chercher un travail, comment se coiffer pour un premier date. Avoir la crainte des réflexions sur son corps, à travers des stéréotypes qui fétichisent les femmes noires… confie-t-elle. J’ai donc été confrontée toute ma vie à ce questionnement : est-ce que j’ai envie d’être dans un moule normatif ou de me rebeller, quitte à ce que je ne plaise pas et que ça corrobore des stéréotypes rattachés au groupe auquel j’appartiens ? » On en vient ainsi au questionnement qui traverse tout son essai et qui touche à une dimension existentielle : est-il plus souhaitable pour notre épanouissement humain de rester un corps queer et/ou minorisé en essayant de briser un plafond de verre, ou bien de rentrer dans les rangs car le vécu de la discrimination est trop traumatisant pour l’endurer toute la vie ? Dans ce cas, est-ce que l’on trahit sa communauté en voulant s’extraire de sa culture et ses codes ?
Le pouvoir salvateur de la communautéEn s’isolant, on isole sa réflexion. L’aspect amical et de sororité entre femmes noires est extrêmement important. C’est ainsi qu’on entame un processus de libération.
Jennifer Padjemi
Personne d’entre nous n’échappe aux lois du capital beauté, qui impacte notre psyché et notre tissu communautaire. À leurs débuts, les réseaux sociaux, en particulier Instagram, ont semblé devenir des plateformes d’insurrection contre les normes visuelles. Dans les années 2015, puis avec #MeToo en 2017, le mot « empowerment », traduit en français par empouvoirement, était omniprésent et allait de pair avec la mouvance body positive. Si elle en est critique à plusieurs égards, Jennifer m’invite à ne pas sous-estimer l’importance de la communauté virtuelle. Grâce à ce mouvement, des comptes Instagram anti-grossophobie, anti-racistes, queers et trans-pédé-gouin·es ont vu le jour (entre une censure et l’autre, comme celle qu’a subie la travailleuse du sexe et photographe Romy Alizée en 2018 ou la DJ militante anti-grossophobie Leslie Barbara Butch en 2020…).
Les corps « déviants » deviennent la façade publicitaire d’un certain Occident bien-pensant qui se pare d’un visage de gauche tout en ayant un cœur de droite et un cerveau baigné dans un jus néolibéral.
Les marques et les médias mainstream s’en sont mêlés, et on a assisté à l’avènement de la « macronisation » de la queerness sous toutes ses formes. Des podcasts sur l’amour pillant joyeusement les cultures queers tout en faisant semblant de les mettre à l’honneur, jusqu’aux maisons de mode surfant sur la vague de l’androgynie « triée sur le volet », en passant par le blackwashing de l’industrie cinématographique, Netflix et sa série phare Bridgerton en première ligne. Les corps « déviants » deviennent la façade publicitaire d’un certain Occident bien-pensant qui se pare d’un visage de gauche tout en ayant un cœur de droite et un cerveau baigné dans un jus néolibéral. « Je ne vais pas vous dire que voir Aya Nakamura en couverture de Vogue est un truc anodin. Non, ce n’est pas le cas. Les représentations, ce n’est pas une fin en soi, c’est un moyen, explique Jennifer. Cela a son importance, malgré le fait que ce soient des multinationales qui mettent en avant une certaine diversité. Simplement, il faut déconstruire ce qu’il y a autour et se dire que c’est géré par des gens pour qui ça ne compte pas, puisque tout ce qui leur importe, c’est le profit. Certainement pas la petite fille qui, pour la première fois, voit une personne avec la même carnation qu’elle en couverture d’un gros média. »
Alors, quels outils avons-nous à disposition pour nous en sortir, en tant que personnes queers et/ou opprimées par la norme blanche, cis, hétéro, valide dominante ? « Le conseil le plus personnel que je pourrais donner est de s’entourer de personnes qui nous ressemblent, qui ont les mêmes états d’âme, les mêmes questionnements à des moments de leur vie » me livre Jennifer. Sans forcément s’interdire de fréquenter des groupes en mixité, elle parle de l’importance d’avoir un « socle » solide : « Ça m’a beaucoup aidée d’avoir une sœur, une grande cousine très proche… d’évoluer dans des milieux blancs et bourgeois tout en gardant mes liens avec des ami·es noir·es ou racisé·es qui font l’expérience du racisme comme moi. » En poursuivant des études supérieures ou en intégrant le monde du travail, on évolue peu à peu dans une société de plus en plus policée. Garder les liens avec sa communauté se révèle alors être un appui fondamental : face aux fétichisations, aux entretiens d’embauche ponctués par des remarques capillaires, aux « papas pervers » qui approchent les adolescentes noires « qui font plus âgées que leur âge », le partage d’expérience est une dimension essentielle de la sororité. « En s’isolant, on isole sa réflexion. L’aspect amical et de sororité entre femmes noires est extrêmement important. C’est ainsi qu’on entame un processus de libération. »
C’est peut-être pour cela que des gouvernements ultra-libéraux comme la macronie déclarent des guerres arbitraires aux communautés, en les qualifiant d’anti-républicaines (en particulier celles musulmanes et afro-descendantes) : leur organisation et l’empouvoirement qu’elles génèrent mettent en péril l’économie du capital normatif et poussent leurs membres à l’émancipation corporelle et psychologique de la norme établie.
La fin de l’amour ?Le principe sous-tendant la société capitaliste et le principe de l’amour [sont] incompatibles.
Erich Fromm
Dans son essai À propos d’amour, l’autrice afroféministe bell hooks cite le psychanalyste Erich Fromm, en s’interrogeant sur les liens entre capitalisme, amour et spiritualité. Pour Fromm, l’expérience véritable de l’amour se situe en effet dans notre rapport au sacré. La spiritualité, peu importe comme nous décidons de la vivre, est un accès privilégié à notre zone émotionnelle : c’est pour cette raison, comme nous l’avons vu, que le capitalisme s’empare de celle des cultures dangereuses pour sa survie. Dans la structure capitaliste autophage, la spiritualité est à la fois bafouée par la rationalité viriliste, et remplacée par sa version consumériste. L’amour, en toute logique, qu’il soit dirigé vers soi ou vers les autres, est mis au ban. Il nous faut comprendre que nous ne trouverons jamais l’amour au sein d’une structure mentale et sociale capitaliste. « Le principe sous-tendant la société capitaliste et le principe de l’amour [sont] incompatibles » estime Fromm. « Nous sommes sans cesse bombardé·es par des messages qui nous disent que tous nos besoins peuvent être satisfaits par des gains matériels » écrit bell hooks. Les personnes fragilisées par la norme sont les premières à connaître l’isolement dans ce jeu cruel que la sociologue Eva Illouz définit comme « la fin de l’amour ». « L’isolement et le sentiment d’être seul·es sont parmi les premières causes de dépression et de désespoir. Ils sont le produit d’une culture où les choses comptent plus que les gens » conclut bell hooks. À défaut de pouvoir en quelques mois démonter le capitalisme amoureux, ou de pouvoir en finir avec le capital beauté et faire de la pédagogie à nos communautés empêtrées dans leurs paradoxes, nous pouvons tenter de commencer par sortir individuellement du capitalisme mental. Nos communautés devraient nous permettre cet espace d’autogestion et émancipation de l’économie néolibérale du sentiment. Une communauté qui fonctionne est peut-être alors un espace qui nous délivre, autant que possible et authentiquement, du contrôle capitaliste de nos corps et de nos cœurs.
Relecture et édition : Sarah My Diep et Léane Alestra
Photo à la une : © Wendy Huynh
Cet article Conversation avec Jennifer Padjemi : aimer son corps au temps du capital beauté provient de Manifesto XXI.
Il s'agit d'une avancée importante, « la première décision de justice française qui reconnaît l’existence des personnes non binaires », quelle que soit la position que prendra la CJUE.
L’article « Mme, M. » sur les formulaires SNCF : le Conseil d’État se tourne vers la Cour de justice de l’Union européenne est apparu en premier sur Association STOP Homophobie.