34739 éléments (3198 non lus) dans 75 canaux
12 rue Turbigot – 75001 Paris
Ouvert 24h/24 / 7 jours sur 7
01 84 16 87 47
Site web : http://www.parkingsdeparis.com/parking/reservation-place-voiture-parking-Forum-des-Halles-Rambuteau.html
36 rue Rambuteau – 75004 Paris
Ouvert 24h/24 / 7 jours sur 7
Parking public couvert et sécurisé
Situé sous le Centre Georges-Pompidou
01 48 04 50 24
Site web : https://www.onepark.fr/parkings/7-parking-centre-pompidou-hotel-de-ville
“Chaque humain est unique”. Cela semble évident, jusqu’à ce qu’on regarde les noires photos de Guy Lemaire… Dans un recueil intitulé “Le Jardin du mâle”, inspiré par la philosophie radicale de Stirner, il expose des Vulves qui ont valeur de Vérité.
En 2015, Guy Lemaire –photographe belge célèbre pour ses clichés de SM hardcore fortement contrastés (1)– inaugure une série de «natures mortes» fascinantes. Il prend des vulves en très gros plan. Les clichés noir et blanc, nimbés de ténèbres, font sortir de l’abîme des clitoris aux allures d’algues et des nymphes spectrales. «J’ai commencé ma “collection” il y a deux ans. Je dois posséder actuellement 60 “spécimens”», dit-il, en s’excusant d’utiliser un terme qui pourrait choquer. Mais le mot «specimen» est loin d’être gratuit : tout comme Nabokov qui a fini sa vie en chassant des papillons dans les Alpes (2), Guy Lemaire photographie les sexes féminins avec l’oeil aigu d’un entomologiste. Animé par cette passion, il «capture», obsédé par l’idée de découvrir celle que personne d’autre n’a encore identifié, afin que son nom reste comme le découvreur d’une espèce nouvelle. «Les modèles ne sont pas sélectionnés... Aucun critère autre que le don de soi pour une prise de vue très intime n’est intervenu. Ce “travail” est constitué uniquement de sexes féminins. Le rythme irrégulier des prises de vues est en moyenne d’une “capture” tous les 15 jours. Pour compléter le projet, j’ai réalisé des photographies de fleurs». Quelles fleurs ?
«Il n’y a pas de noms pour le nommer»
Choreothanasie omphalolabe, Proctotrope odomane, Cercodelphe algophilique, Neopathie iconoplexique… Ces noms de fleurs sont inventés. Mais les fleurs, elles, existent, nappées d’ombre, auréolées par le mystère de ce vaste trou noir hors duquel surgissent leurs pistils et leurs étamines. L’oeil suit les contours de ces plantes-matrices ténébreuses, s’étonnant sans cesse de l’étonnante analogie des formes. Fleurs et femmes, même fatalité ? Pour Guy Lemaire, habité par la mort, ces clichés ont la valeur d’une mise en garde : memento mori. Souviens-toi que bientôt, «dans le vestiaire souterrain de toutes fleurs» (ainsi que dit Jean-Paul dans Le Jubilé), tu nourriras leur beauté. Guy Lemaire travaille d’ailleurs, en parallèle, sur une autre série qui opposera le sexe féminin aux détails d’un crâne humain, sondé comme une énigme. Sur ses photos, les visions qui émergent ne se laissent pas facilement identifier. «En travaillant par paires : “un sexe, une fleur” dans l’ouvrage présent –“un sexe, un crâne” dans une édition future– j’espère montrer que plus on s’approche de la réalité, plus cette réalité devient difficile à percevoir», dit-il. Guy Lemaire cite d’ailleurs volontiers le philosophe allemand Stirner (1806-1856), inspirateur de Nietzsche et auteur d’un livre intitulé L’Unique et sa propriété, qui fait de chaque humain un être unique : «On a dit de Dieu : “Il n’y a pas de noms pour le nommer”. De même de Moi : aucune idée ne m’exprime.»
L’homme n’est issu de rien : rien de rien
Pour Stirner, aucun mot ne peut épuiser l’humain. Pour Lemaire, aucune photo non plus. Impossible de trouver deux vulves semblables. «Contrairement aux photographies de Bernd et Hilla Becher, dans lesquelles on peut imaginer qu’il serait possible de faire des “photographies moyennes”, ce qui m’a fasciné dans le recherche sur le sexe de la femme, c’est au contraire que la diversité engendre l’Unique presque dans le sens que donne Stirner à ce mot !» Guy Lemaire s’amuse, mais son humour s’appuie sur une forme radicale, voire désespérée, de l’anarchie individualiste : la philosophie de Stirner est bâtie sur l’abîme. Il est d’ailleurs devenu célèbre pour avoir énoncé que l’homme, prenant acte de sa puissance, n’avait pas d’autre perspective d’avenir qu’un néant : «Dans l’Unique [l’homme] retourne en son néant créateur duquel il est né. » Son livre s’achève d’ailleurs sur les mots suivants : «Si je mets ma cause en moi, l’Unique, elle repose alors sur son créateur périssable qui s’absorbe lui-même et je puis dire : Je n’ai mis ma Cause en Rien.» L’homme issu de rien, use sa vie, produit sa jouissance (ou son malheur) puis disparaît. Telles sont les photos de Guy Lemaire, qui fait jaillir des pétales et des vulves d’un néant vers lequel tout doit retourner. L’effet de répétition n’engendre, feuille après feuille, que la surprise de voir se déployer une infinie variété de formes comme si la nuit accouchait sans cesse de créatures absolument uniques. Aucune ne se ressemble. Chaque sexe, chaque fleur possède sa propre identité. Sa propre vie miraculeuse.
.
A VOIR : Le jardin du mâle, photographies de Guy Lemaire, éditions Collection Mémoires dirigées par Eric Coisel. Edition de photographies originales de 30 exemplaires sur Vélin BFK Rives 250 g, numérotés et signés. Achevé d’imprimer le 12 octobre 2016 sur les presses de SAIG par François Huin à l’Haÿ-les- Roses.
Le volume est disponible via : guy.lemaire@art-today.eu
NOTES
(1) Guy Lemaire est célèbre pour son album «Lust and pain» aux éditions Reuss (maintenant épuisé).
(2) : «Je conçois très bien une autre vie, dans laquelle je ne serais pas romancier, locataire heureux d’une tour de Babel en ivoire, mais quelqu’un de tout aussi heureux, d’une autre manière : un obscur entomologiste qui passe l’été à chasser les papillons dans des contrées fabuleuses et qui passe l’hiver à classifier ses découvertes dans un laboratoire.» Vladimir Nabokov.