Les plus anciens se souviennent précisément de ce qu'ils faisaient lorsqu'ils ont appris par la radio l'assassinat du président
Kennedy en 1963 et, pour les plus jeunes, où ils étaients quand les chaînes de télévision du monde entier ont diffusé en direct les évènements tragiques du 11 septembre 2001. Pour certains
d'entre nous et dans une autre mesure, il faut désormais ajouter à la liste des jalons historiques de notre mémoire collective le choc occasionné par la découverte de Mad Movies, car c'est
incontestablement le point commun qui caractérise tous ceux qui ont partagé l'aventure Mad, qu'ils en soient devenus les rédacteurs adulés ou des lecteurs
passionnés. Les nombreux effets, dont l'addiction, que Mad Movies
est susceptible de provoquer sont surprenants car tous se souviennent des circonstances exactes durant lesquelles ils
ont eu pour la première fois la revue entre les mains. Une sorte de coup de foudre, de fascination d'abord pour les photographies parfois hallucinantes puis, très vite, pour les articles et les
dossiers proposés. Le ton si particulier y est vraisemblablement pour beaucoup dans la proximité que Jean-Pierre Putters (JPP) – son fondateur et rédacteur en chef de 1972 à 2001 – a su instaurer
au fil des ans avec ses lecteurs. Et tout le secret du succès rencontré par Mad
Movies réside effectivement dans cet équilibre parfait de professionnalisme et d'humour. Des
ingrédients plutôt simples mais un dosage millimétré que seul le talent d'un pâtissier était capable de sublimer. Loin des sentiers balisés du syndicat général du livre ou des objectifs boursiers
des magnats de la presse, Jean-Pierre Putters a opté pour l'indépendance. Un choix plutôt gonflé mais une signature qui, au final, lui offre la liberté et une complicité unique avec un lectorat
fidèle et exigeant. Tous les témoignages rassemblés dans Mad... ma vie !
– la biographie autorisée des années Mad – sont unanimes. Christophe Lemaire, Alexandre Poncet... tous
parlent de « l'esprit Mad » contenu en réalité dans « le style JPP » qui les a envoûtés, plus ou moins longtemps, mais toujours avec une intensité
incroyable. Un éditorial souvent décapant mais toujours bon enfant, des NDLR en veux-tu, en
voilà, des commentaires pirates glissés dans les articles des copains au moment de la relecture –
comme dans ce livre, d’ailleurs – ou encore des annotations au contenu toujours savamment pesé. De la moquerie, de la raillerie mais jamais, ô grand jamais, de méchanceté.
Pour ma part, tout a commencé au mois de juillet 1984, lorsqu'en
vacances sur le bord de la Méditerranée, je décidais d'accompagner mon père dans son entreprise hebdomadaire de ravitaillement en cigarettes. Mon objectif était alors d'acheter un magazine pour
occuper les pauses rythmant mes allers et retours sur la plage située à proximité du camping. Peu de temps après avoir scruté le rayonnage du marchand de journaux établi à côté de la supérette du
coin, je suis tombé un peu par hasard sur la couverture du 31ème numéro du bimestriel Mad
Movies. Après de nombreuses hésitations générées par un article sur le
hard américain écrit
par le regretté Pierre Pattin, j’ai finalement pris la décision d'appropriation vers midi. Et là, ma vie a basculé à jamais : je tombais amoureux du cinéma fantastique, pour la vie. Alors
que Mario Bava, John Carpenter, Dick Smith et Rob Bottin m'apparaissaient chaque jour un peu plus familiers, les coulisses des séries B et Z, relayées par les critiques acidulées de Jean-Pierre
Putters et sa bande de collaborateurs fous, me captivaient, passionnément, installant en moi l’envie d’apprendre, de lire, d’écrire et de faire partager. La création de Darkness, annoncée dans
le 43ème numéro de Mad Movies, remonte à cette prise de conscience. Oui, Mad m’a donné tout cela et il a donné tout autant, et parfois plus, à
bien d’autres en bonifiant leur existence. Cette émulation collective, ce marqueur dans nos vies, se traduit aujourd’hui par un profond respect pour un homme qui n'a finalement pas trop mal
réussi la sienne.
Mad… ma vie !
Jean-Pierre Putters, Rouge Profond, novembre 2012, 29
euros.
On peut le commander chez SIN’ART ou filer chez MOVIES 2000, à
Paris.