Adrian a la foi. Depuis l’âge de 15 ans – il en a aujourd’hui 39 –, il est en quête de Dieu et de sa propre identité. S’il propose actuellement des rencontres LGBT au sein de @LeLAB, ce projet pionnier de l’église protestante de Genève qui se donne pour objectif de créer une église correspondant davantage au besoin des jeunes d’aujourd’hui, c’est parce qu’il sait à quel point spiritualité et homosexualité ne riment souvent que par leur vocable.
Adrian a essayé les églises, en Suisse et aux États-Unis, entre 15 et 23 ans – il a beaucoup voyagé pour ses études. Il y a vu au mieux une tolérance d’apparence, au pire une condamnation diffuse de ce qu’il était. «L’homosexualité est vue comme une déviance.» On l’a même présenté à une lesbienne repentie qui prêchait la guérison des homos. «Moi, j’ai cru ce qu’on m’a dit, qu’il fallait que je guérisse.» Des fidèles ont prié pour lui, lui-même a imploré Dieu pour qu’il le change. «Je pensais être un hétéro raté.» Après les États-Unis, après des études en cinéma et communication qui venaient s’ajouter à une formation en chant et théâtre à Londres, Adrian rentre en Suisse, où il avait passé sa jeune enfance, puis son adolescence après une escale de quelques années au Portugal. À 24 ans, il fait son coming-out, vécu alors comme une provocation envers Dieu et envers l’église: «Si vous dites que c’est mal, eh bien, je choisis le mal.»
Devenir gay
S’ensuivent des années passées dans le milieu gay. De la même façon qu’il s’était fondu dans le moule chrétien, le voilà qui se conforme au prototype gay, entre soirées et salle de fitness. Il met de côté sa foi, même si, dans le fond, elle ne l’a jamais quitté. Petit à petit, une prise de conscience: «Putain! ce qu’on m’a dit c’est pas Dieu, c’est l’église. Dieu m’a créé comme je suis, je peux en être fier!» Déconstruire, un mot qui revient souvent dans sa bouche. Déconstruire les idées que l’on prend pour des vérités, dans la foi comme dans le monde, toutes ces idées qui ne sont vraies que parce qu’on ne les a jamais questionnées. Se trouver et s’accepter: «Impossible d’être heureux si l’on n’est pas fier de ce que l’on est.»
S’il a fallu avouer son homosexualité à sa famille et à son entourage, il lui a fallu également admettre sa foi face au milieu LGBT, bien souvent athée et très critique envers la religion. Adrian comprend cette hostilité, une «méfiance justifiée» eu égard aux discriminations dont l’église s’est rendue coupable. N’en demeure pas moins que «tout individu est en quête de sens» et qu’Adrian s’attriste à l’idée que certains s’excluent à priori de cette recherche au motif de leur orientation sexuelle.
Cette aversion est due selon lui à une confusion: la spiritualité ce n’est pas l’église et être croyant «ce n’est pas s’agenouiller le dimanche matin en récitant le Notre Père». Il ajoute, cependant: «Je ne condamne personne, si ça correspond à certains, très bien, je ne juge pas.» Toujours son discours est inclusif, visant à ne blesser, à n’exclure personne. Reste que sa vision est plus large, qu’il rêve d’une église qui accueille tout un chacun au-delà des genres, des orientations sexuelles ou même des confessions: LGBTTQQI2SA*, un sigle qui inclut tout le monde, même les hétéros!
juste un être humain
Adrian rejette les étiquettes. «Je ne suis pas homo, je ne suis pas chrétien, je suis juste un être humain.» À force de recherche, de travail sur lui-même, il se sent libre, «enfin». Et cette liberté, il souhaite inviter d’autres à la vivre et à la revendiquer, d’où l’antenne au sein de @LeLAB. Et cette liberté, il en a fait le mot d’ordre de sa vie. À présent, il est consultant en communication au sein de sa propre structure, agent musical et il écrit un roman… Et la suite? La suite, il verra, il a confiance. «Je n’ai plus besoin de savoir où je vais… je sais qu’il y a un fil rouge.»
» Plus d’infos sur @LeLAB et calendrier des prochaines rencontres sur: lelab.church
* lesbian, gay, bisexual, transgender, transsexual, questioning, queer, intersex, two-spirited, allies
Adrian écrit un roman, une fiction pour laquelle il s’inspire de son parcours. Il n’écrit jamais chez lui, mais dans un café. Un de ses endroits favoris? La Ferblanterie, rue de l’Ecole-de-Médecine à Genève, parce que, comme lui, «l’endroit est indéfinissable», dans son style comme sa clientèle.
Adrian accorde de l’importance à sa vie sociale. Il ne rate d’ailleurs jamais une soirée 360°. Il aime se retrouver dans le milieu LGBT et surtout il apprécie ces endroits où l’on est libre d’être soi-même, d’autant plus que chacun y est le bienvenu.
Ce grand sensible est sportif aussi, il prépare le marathon de New York. L’un de ses parcours habituels, longer l’Arve jusqu’au Bout-du-Monde, puis remonter à Vessy, Veyrier et redescendre par Carouge. «Courir c’est un moment de méditation, une communication simple avec soi-même et avec Dieu, c’est à dire se mettre en connexion avec sa nature émotive et spirituelle.»