Plainte contre X – Karin Bernfeld
Je me suis pris un coup de poing et je n’aime pas quand on me frappe. Enfin c’est ainsi que j’ai reçu « Plainte contre X » le livre de Karin Bernfeld qui traite du X, de la prostitution, de la culture du viol et du mal que cela fait à des générations de femmes. En fait, je n’ai pas su… Est-ce romancé? C’est un cri de souffrance, plein de paradoxes. Comme souvent quand on entend crier, on a plutôt le réflexe de se boucher les oreilles.
Karin et moi, dirai-je, nous connaissons très peu mais j’apprécie ses écrits depuis longtemps. J’avais particulièrement aimé « Alice aux pays des femelles« , témoignage mordant de l’expérience de l’auteure comme animatrice minitel rose, plein d’humour, où j’avais commencé à comprendre beaucoup de choses sur la sexualité et l’univers virtuel. J’ai moins goûté cette « Plainte contre X« , peut-être parce que je n’aime pas voir les gens souffrir, et que la narratrice détaille son autodestruction dans le X. Peut être aussi parce que je n’ai pas aimé lire que le STRASS (syndicat des travailleurs du sexe) ressemblait au SRAS (la maladie pulmonaire grave et contagieuse).
Pourtant à l’heure de la génération Youporn, et simultanément des premières lois visant l’abolition de la prostitution, qui, à mon sens, fragilise la situation des prostitués, il est important d’accepter des témoignages comme celui là. Contradictoires et paradoxaux.
Karin Bernfeld m’explique : « Je me doute bien, oui, que ce livre est assez violent… Simplement : faut-il se boucher les oreilles face aux cris de souffrance ? »
Quel est l’effet recherché avec une telle pièce de théâtre, long monologue de la narratrice?
L’effet que je souhaite produire est, je pense, une sorte de prise de conscience, d’interrogation, car il y a des choses dont on se doute,
mais que l’on préfère ignorer, ne pas entendre comme tu le dis aussi. On bouche les oreilles ou on ferme les yeux. J’ai longtemps participé à cet aveuglement, et je pense qu’à un moment donné nous sommes chacun responsables de certaines choses.
C’est très extrême, est-ce romancé?
C’est extrême mais surtout extrêmement réaliste. Donc non ce n’est pas « romancé », en aucun cas cet adjectif n’est approprié. Tout n’est pas mon histoire intime, mais tout peut l’être, c’est une réalité où rien n’est inventé. Nous vivons dans une culture du viol, dans un monde où la violence contre les femmes est une institution et un commerce, nous sommes éduqués chacune et chacun pour trouver ça « normal ». Non, grandir dans la pornographie ce n’est pas joyeux du tout, quand bien même on pourra avoir des milliers d’orgasme et dire « oh oui je suis libre je jouis ».
Il y a un autre côté du miroir comme dans mon « Alice au pays des femelles ». Je n’apporte sans doute pas de réponse, mais j’essaie au moins de poser des questions essentielles sur la sexualité d’aujourd’hui et l’éducation à la sexualité. Sur l’exploitation des corps, le libéralisme du sexe et les oppressions que l’on subit.