Parce qu’une plus grande inclusivité passe par un peu de pédagogie, Hétéroclite apporte régulièrement un éclairage sur une forme de discrimination. Ce bimestre, l’âgisme, c’est quoi ?
Où sont les personnes LGBT+ âgées ? C’est une question importante. Elles ne sont pas au cinéma, où elles sont sous-représentées au point d’être quasi inexistantes : sur 11 films qui ont remporté la Queer Palm, avec 27 personnages LGBT+ centraux, seuls deux ont plus de 60 ans. Et ce sont, dans les deux cas, des personnages historiques. Dans les fictions, les personnes LGBT+ de plus de 60 ans sont donc littéralement absentes. Ce n’est qu’un exemple basé sur un petit échantillon : mais c’est la norme, au cinéma comme ailleurs.
60 ans, c’est l’âge à partir duquel l’OMS définit une personne dite “âgée”. Et, avec la perception d’une personne comme âgée, intervient une oppression très fréquente mais peu nommée, l’âgisme. Le terme, créé en 1969 par le gérontologue Robert Butler, désigne l’ensemble des préjugés et discriminations ciblant une personne sur la base de son âge – dont l’âgisme qui vise les personnes âgées, ou gérontophobie.
Faire de la place aux personnes LGBT+ âgées
L’âgisme gérontophobe est au fondement, entre autres, d’une large industrie cosmétique, chirurgicale et marketing de “rajeunissement”, de licenciements abusifs et de discriminations à l’emploi, d’une ségrégation spatiale des personnes âgées en établissements spécialisés, de refus d’accès aux soins ou de négligences médicales graves. L’avancée en âge est décrite comme une perte progressive de compétences physiques et intellectuelles, de capacités d’évolution et d’adaptation, de beauté (en particulier pour les femmes) et comme un problème social et individuel, qu’il s’agirait de traiter. Les personnes âgées sont essentialisées en étant diabolisées, infantilisées ou idéalisées.
L’âgisme repose souvent sur un même principe : la vie des personnes âgées aurait moins de valeur que celle des personnes plus jeunes, parce qu’elle est perçue comme finissante et comme n’étant plus productrice de valeur économique, voire comme étant un coût. Il agit comme condamnation sociale des personnes âgées, avec pour conséquences de dévaluer leur existence même mais aussi de négliger leur taux de suicide, le plus élevé de la population (30 à 45% du total des suicides).
La vieillesse, dans ce système de représentations et de valeurs, devient ainsi une tare, une pathologie à cacher. C’est un phénomène biologique inévitable, mais l’injonction à ne pas vieillir et la sur-valorisation de la jeunesse sont permanentes, transformant le vieillissement en angoisse collective. Nos espaces LGBT+ en sont aussi le reflet, dans l’absence souvent criante des plus de 60 ans. Les personnes LGBT+ âgées sont bien là, faisons-leur de la place.
Pour aller plus loin
“L’âgisme. Une forme de discrimination qui porte préjudice aux personnes âgées et prépare le terrain de la négligence” de Lucio Bizzini dans la revue Gérontologie et société disponible sur www.cairn.info.
L’Observatoire de l’âgisme
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