Le même cauchemar, en pire. Jeudi après-midi 30 juillet, un extrémiste juif armé d’un poignard a surgi au milieu de la Gay Pride de Jérusalem, blessant six personnes. L’une d’elles était toujours hospitalisée dans un état critique, ce vendredi. Dès la publication des premières images de l’attaque, il est apparu clairement que l’assaillant était déjà connu. Yishai Schlissel avait commis le même acte quasiment au même endroit, dix ans plus tôt. Ce jour de juin 2005, il avait blessé trois personnes à l’arme blanche.
Comment une telle récidive a-t-elle été possible? Schlissel, âgé d’environ 50 ans, était sorti de prison où il purgeait une peine de 10 ans, il y a moins d’un mois. D’après le quotidien «Ha’aretz», les services de renseignements de la police avaient répertorié l’individu comme susceptible de s’en prendre à nouveau à la communauté LGBT. Le jour de la Gay Pride, toutefois, aucune surveillance particulière n’avait été ordonnée. Schlissel n’avait pas été, comme les hooligans lors de matches sensibles par exemple, obligé de pointer au poste de police.
Mis à l’épreuve par Dieu
Pourtant, Schlissel avait, dès son retour chez lui dans la colonie de Modi’in Illit, distribué des pamphlets où il annonçait son intention de s’attaquer à «la parade de l’abomination dans la ville des rois»: «Dieu nous met à l’épreuve, avait-il écrit, pour voir si nous sommes fidèles à Lui […] A chaque Juif de se mettre en danger, de risquer d’être tabassé et emprisonné, et de se rassembler pour couper court à ce sacrilège.» La police de Judée-Samarie (le nom israélien des territoires occupés de Cisjordanie) ont négligé d’avertir leurs collègues de Jérusalem de ces activités, rejetant sur eux la responsabilité de surveiller Schlissel. Une enquête interne a été ordonnée.
Le drame a déclenché une avalanche de condamnations, de la gauche jusqu’à l’extrême droite israélienne. Le groupe Lehava, qui avait rassemblé 30 militants religieux sur le parcours de la Pride, a prudemment fustigé ceux qui «attaquent les Juifs au poignard», non sans en profiter pour appeler une nouvelle fois à l’interdiction des prides dans la capitale.
«Nous avons tous aiguisé le couteau de cet extrémiste»
Au sein de la communauté ultra-orthodoxe, de rares voix ont fait entendre leur «honte». Pour le professeur Samuel Lebens, l’acte de Yishai Schlissel rappelle l’assassinat du Premier ministre Yitzhak Rabin par Yigal Amir, en 1995. «D’une certaine manière nous avons tous aiguisé le couteau de cet extrémiste dément, écrit-il dans «Ha’aretz». Nous avons créé, dans le discours interne à notre communauté, non seulement un climat dans lequel les Juifs gay sont isolés, ostracisés and haïs, mais un climat dans lequel certains s’autorisent à penser que la violence meurtrière contre des participants à une pride est une chose sainte. Nous devons changer le climat et la culture qui anime et colore les discussions sur ce sujet.»