Après Balancé dans les cordes paru en 2013 (prix SNCF du Polar 2013), Du vide plein les yeux est le troisième roman de Jérémie Guez.
Extrait
[...]
A ma sortie de prison je ne savais pas quoi faire, alors j’ai continué à exploiter mon réseau. Les riches ont l’habitude de régler leurs problèmes de manières très policée. Bien sûr, en cas de coup dur, ils peuvent faire appel à de vrais voyous. Ça les regarde. Mais en général, ils ont peur que les types qu’ils emploient les fassent chanter une fois le travail fini, qu’ils ne comprennent pas le sens du mot discrétion ou qu’ils aient la main trop lourde. Si Morel avait payé des mecs de cité pour le petit con qui harcelait sa fille à la fac, ils l’auraient peut être battu à mort et ça aurait été le début des emmerdes. Moi, je m’étais contenté de lui mettre quelques claques dans le hall de l’immeuble haussmannien où habitaient ses parents. Ça avait réglé le problème.
J’offre à ces gens-là une solution de facilité, je comprends leurs besoins, je parle leur langue et leur garanties que les choses n’iront pas trop loin. Je fixe aussi des limites : j’ai déjà refusé plusieurs contrats de meurtres. Moi, je fais dans un boulot simple. Je suis des femmes et parfois des maîtresses pour des hommes soupçonneux. Je surveille des gosses pour des parents inquiets. A la rigueur, je menace certaines personnes à l’occasion, mais basta. Je ne suis pas un voyou et je n’en serai jamais un. Tout est question d’échelle. Pour la rue, je suis une grosse baltringue mais pour ces gens-là je suis le putain de grand méchant loup. Je règne sur une niche commerciale et jusqu’ici je suis sans concurrent, personne n’ayant eu la mauvaise idée de se positionner sur le même créneau que moi pour venir gratter quelques milliers d’euros par an.
- Pourquoi ce rendez-vous ?
Je me doute qu’il n’est pas seulement venu pour prendre de mes nouvelles.
- Je te l’ai dit, j’ai du travail pour toi…
- Tu penses vraiment que je vais l’accepter ? Je ne sais pas si tu te souviens mais tu m’as envoyé en prison.
- Justement, je m’en veux un peu. J’étais jeune, mon père m’a mis la pression pour que je porte plainte…
Je l’arrête avant qu’il me fasse chialer. Je voudrais l’envoyer chier, lui dire d’aller se faire enculer même. J’aimerais pouvoir le démolir une deuxième fois, juste pour rire, parce que j’en ai envie et que je peux le faire. Mais je m’abstiens. J’ai pas de couilles et un besoin urgent d’oseille.
- Je prends 200 euros par jour, sans les frais.
Mon avis
Qui aura raté les romans de Jérémie Guez depuis leur apparition dans les rayons polar en 2011 ? Ce jeune romancier est talentueux, certes, je suis une des premières à l’avoir reconnu. L’auteur a gagné de nombreux prix littéraires qui étaient mérités. Ses deux précédents romans sont en cours d’adaptation pour le cinéma. Il reste que Du vide plein les yeux, après Paris la nuit et Balancé dans les cordes qui traitaient déjà des mêmes thèmes, est redondant : Paris, la drogue, la nuit, le mec paumé qui en veut.
A noter que cette fois, le terrain de l’intrigue se situe dans les beaux quartiers parisiens et les grands appartements du gotha. Ça change, un peu.
Sinon, la plume de Jérémie Guez est toujours aussi percutante et c’est tant mieux.
Du vide plein les yeux, Jérémie Guez, éditions La Tengo 224 pages 15 €
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