« 50 Nuances de Grey » est sur toutes les lèvres, peut-être même que cette saga alimente certains de vos fantasmes. Mais qu’est-ce vraiment une relation BDSM ? Nous avons interviewé un couple sadomasochiste pour en savoir plus. Après l’interview de la soumise, portrait de celui qu’elle appelle son Maître. Que se cache-t-il derrière l’appellation Maître SM, y a-t-il des règles à suivre et tout le monde peut-il le devenir ?
Quelles sont les qualités requises pour être un Maître SM ?
Il faut d’abord de l’expérience, car il faut savoir garder son calme, ne pas se laisser déborder par ses excitations. C’est important de rester serein. Il faut également faire preuve de psychologie et avoir le sens de l’analyse. Enfin, il ne faut surtout pas penser uniquement à soi-même, car l’objectif est de « développer » la personne soumise. L’intérêt de la soumise doit donc passer avant celui du Maître.
Que signifie “développer la personne soumise” ?
Je crois qu’on restreint trop souvent les rapports BDSM (BDSM signifie : Bondage/Discipline (BD), Domination/Soumission (DS), SadoMasochisme (SM)) à des rapports purement sexuels. Le rapport D/S va au-delà du sexe. Il y a pour moi un but d’élévation. En tout cas, on ne commence pas à être maître en baissant son pantalon et on ne termine pas en le remontant. Il y a pour moi presque un rôle de Pygmalion (Pygmalion est dans la mythologie grecque, un artiste qui tombe amoureux si fort de la statue qu’il a sculpté, que la déesse Aphrodite lui donne vie, NDLR). Un Maître par essence est là pour élever l’autre, l’éduquer. Ce n’est peut-être pas l’envie de tout le monde mais je fonctionne comme cela avec ma soumise.
Des accessoires indispensables pour un Maître SM ?
Il est forcément difficile d’attacher quelqu’un sans cordes. Si on veut absolument titiller des parties du corps de manière gentiment douloureuse, on est également obligé d’avoir par exemple une cravache à languettes de cuir fine, une badine… et de savoir s’en servir. Pour faire découvrir la sensation de cire de bougie, il vaut mieux avoir une bougie. Donc oui certains accessoires sont essentiels au Maître, à la pratique du SM.
Comment avez-vous découvert que vous aimiez la domination ?
Un jour, j’ai acheté un livre de Sade. Comme j’ai un côté un peu sombre « dark » ou rebelle, je me suis retrouvé dans cette écriture à contre-courant et je pense que cela a posé les premières pierres de mon orientation.
Cependant, mon orientation en tant que Maître n’est pas venue d’un coup telle une révélation ! J’ai toujours un peu mené la danse sexuellement, j’ai toujours été dominant et c’est dans un schéma de développement sexuel “classique” que c’est venu petit à petit. C’est ma quête de désirs et de jouissance de plus en plus poussés, mes lectures et expériences qui m’ont mené vers mon rôle de Maître. Je pense qu’on ne devient pas Maître SM du jour au lendemain.
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Comment un dominateur sait-il ce qui plaira à la personne soumise ?
C’est une question de temps, de degré de connaissance de la personne, d’expérience. Avec Céline, nous sommes dans une configuration D/s depuis 11 ans, donc je la connais très bien. Comme dans tout couple, apprendre à connaître l’autre est essentiel. Si une personne a pour seul but sa satisfaction personnelle, cela mène forcément à des destructions. Ceux qui utilisent le bdsm pour leur propre plaisir à eux, sans considération de l’autre sont destructeurs.
Quand on connaît l’autre, on sait où se situent les limites infranchissables et celles qui sont possibles à dépasser. C’est ensuite au dominant de construire le scénario idéal qui amènera la soumise à dépasser la limite acceptable.
Toutes les soumises ou futur soumises n’ont pas les mêmes limites ou les mêmes degrés d’acceptation. Une limite « simple » pour une femme sera peut être très compliquée à dépasser pour une autre. Une fois qu’une limite tombe et qu’elle est totalement acceptée, on sait que d’autres vont tomber.
En parlant de limites, on mentionne souvent la notion de “contrat” dans les relations SM. Estimez-vous qu’il soit nécessaire de signer un contrat pour déterminer ces limites ?
Dans notre relation, nous n’en avons pas. Cela fait partie d’un folklore BDSM un peu obsolète à mon sens. C’est prétendre qu’il y a des règles « universelles » dictées dans le bdsm. Pour moi, le bdsm est libertaire, et contrat et libertaire ne vont pas ensemble. De plus, j’ai la sensation que ce terme est de plus en plus utilisé à mauvais escient. Mieux qu’un contrat, il faut surtout discuter et respecter l’autre. Personnellement, je n’en ai pas besoin, car je connais bien Céline. Nous n’avons pas de limites entre nous. Notre contrat est moral, cependant je conviens qu’un contrat écrit puisse être utile à certaines personnes. Il ne faut pas cependant que ce contrat se retourne contre la personne qui le signerait et qui y apporterait un peu trop d’importance. C’est une arme à double tranchant.
L’amour est-il compatible avec une relation BDSM ?
Oui tout à fait (silence)… Je dois admettre que je suis plus pudique sur l’exposition de mes sentiments que sur ma sexualité. Le problème avec la langue française, c’est que nous n’avons qu’un seul verbe aimer. On dit qu’on aime les pâtes, le football, ses enfants, son copain…Alors qu’on “aime” tout cela de manière différente, mais la langue ne le distingue pas.
Les sentiments entre maître et soumise sont forts, mais ne sont pas comparables avec d’autres sentiments. Dans une telle relation, on découvre de nouveaux sentiments. C’est un amour difficile à décrire.
Je crois que c’est aussi une manière de s’aimer soi-même à travers le regard de l’autre. Que l’on soit Maître ou soumise.
Certaines personnes sont purement sadiques ou purement masochistes. Ces deux profils peuvent ne pas s’aimer du tout, car ils sont uniquement l’instrument de plaisir de l’autre mais dans ce cas ce n’est qu’une expression sexuelle. Le sentiment d’amour en revanche, corrélé au sentiment d’appartenance est à mon sens forcément présent dans une relation DS construite, longue et stable.
On dit qu’une soumise s’offre à son Maître. Diriez-vous que l’inverse est aussi vrai ?
Je dirais que la soumise se donne et que le Maître donne. Il y a un côté sacrificiel chez la soumise par rapport au Maître et l’on pourrait croire que c’est « facile » pour le Maître d’être dans cette position. Mais, ce n’est pas si simple d’être un Maître, car il faut justement rester maître de la situation, avoir conscience de l’abandon offert et savoir délimiter ce que l’on peut en faire. Garder sa crédibilité sans perdre sa sensibilité. Il m’est arrivé d’être moins bien certains jours et d’en faire part à Céline, et elle était là pour moi. Si je suis à 90% du temps sa béquille, elle sait aussi être la mienne.
«50 Nuances de Grey », qu’en pensez-vous ?
Cette histoire est bourrée de clichés et peu intéressante. Si on s’arrête sur Christian Grey : on nous raconte qu’il est devenu sadique à cause de ses traumatismes d’enfance. Ça sous-entend par exemple qu’un sadique est forcément un traumatisé. Personnellement, j’ai eu une enfance heureuse, bien que je sois Maître aujourd’hui. Je pense qu’il faut en tout cas faire attention à l’amalgame. Il faut que les femmes fassent bien la différence entre une fiction et la réalité.
Une fois qu’on a découvert cette part de soi, peut-on vivre une sexualité plus classique ?
J’ai bien sûr des rapports dits “classiques”. Tous mes rapports sexuels ne sont pas DS. Mais, c’est vrai qu’une fois la boîte de Pandore ouverte (et dans mon cas, il y a longtemps…) il est difficile d’imaginer sa sexualité sans DS. Je ne pourrais plus me satisfaire uniquement d’une sexualité “vanille”, être Maître fait aujourd’hui partie intégrante de moi-même.
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