« Tous ces paquets, ces tonnes de chair humaine qu’on nous a jeté à la figure ces temps-ci, bronzés, pâles, debout, assis, couchés, quel ennui ! Le corps, son plaisir est devenu, lui aussi, un bien de consommation. Qu’ont-ils fait de la folie de la nuit, des mots chuchotés dans le noir, du « secret », cet énorme secret de l’amour physique. »Françoise Sagan,
Des bleus à l’âme (Julliard, 1972)
Mes bleus à l’âme Je partage les
bleus à l’âme de Sagan. Que sont devenus
la folie de la nuit et
les mots chuchotés dans le noir ? Le fabuleux
secret de l’amour physique ?
J’incarne personnellement un état de fait : le sexe n’a plus rien de sulfureux, la vieille idée du « péché de chair » est morte et enterrée. Les femmes qui, comme moi, aiment
beaucoup les hommes ne sont plus des garces ni des sorcières. Ouf ! Pour résumer ma vie intime : je prenais la pilule bien avant d’être majeure, je n’ai jamais été effleurée par la moindre culpabilité à l’idée de coucher avec un homme (ni avec 2, ou 3…) ; je suis totalement indifférente à la vieille notion de
fidélité sexuelle ; je n’ai aucune velléité de fonder un foyer et personne ne me traite de « vieille fille » avec mépris ou pitié ; j’aime un homme que j’ai rencontré aux
Chandelles ; j’ai plein d’amants qui ont généralement 20 ou 30 ans de plus que moi, plusieurs ont été mes profs ou mes patrons et le monde continue pourtant de tourner ; depuis presque un an j’anime (avec deux autres personnes) un "réseau libertin" qui fait mon plaisir et ma fierté ; j’écris sur ce blog des choses très intimes et personne ne me traite de pute, de salope ou de trainée. Conclusion : je suis entièrement libre de mes choix, personne ne m’empêche de faire ce que je veux de ma vie !
Je suis hyper heureuse de vivre dans cette époque « post-révolution sexuelle », hyper heureuse de pouvoir établir comme je l’entends mon rapport aux hommes, hyper heureuse de pouvoir chercher mon plaisir dans leurs bras (et leurs lits) aussi librement. J’adore ma vie d’aventures, ma vie pleine d’amants et de surprises. J’aurais détesté les couvents, les foyers pour jeunes filles surprotégées, les cours de couture, de cuisine et de cathé pour être « bonne à marier », j’aurais détesté que le premier sexe d’homme entraperçu dans ma vie soit celui d’un époux le soir des noces ; j’aurais détesté être baisée sans jouir, moi ; j’aurais détesté être une femme frustrée, aigrie, pas assez baisée ; j’aurais détesté devoir « me tenir » pour ne pas nuire à la réputation de mon mari.
Je suis heureuse dans cette époque-là : la mienne. Heureuse de pouvoir me faire baiser où, quand et par qui j’en ai envie. Je m’éclate avec mes amants, je n’en reviens (toujours) pas de ma chance d’avoir rencontré autant d’hommes fantastiques, autant de personnalités hors du commun (il faut croire que je les choisis bien, et je le crois en effet :-) Voilà : je ne sais pas choisir un vin, mais par contre je sais choisir les hommes).
Je l’ai donc clairement échappé belle : à un demi-siècle près, j’aurais été très malheureuse. Je n’aurais jamais supporté de vivre la vie de ma grand-mère…
Voilà ce qui est si beau, à notre époque : chacun est libre de vivre sa vie intime comme il l’entend, les femmes en premier lieu : pour celles qui – comme moi - veulent vivre une vie libertine, il n’y a pas de contraintes sociales qui viendraient en restreindre les possibilités. Oh bien sûr, il faut un peu de personnalité (savoir soi-même ce que l’on attend, ce qui n’est jamais si évident), du caractère (je découvre que je n’en suis pas dépourvue) ; et le reste est affaire de style. On est respecté à hauteur du respect que l’on inspire…
Bref, la révolution sexuelle a atteint ses objectifs : les femmes sont libres et la société globalement désinhibée. Chacun fait librement ses propres choix (vivre en couple ou pas, se marier ou pas, être fidèle ou pas, etc.). Et c’est génial. Je suis très consciente de mon immense chance de vivre à cette époque.
Mais…
Mais quoi, alors ?...
Qu’est-ce qui ne va pas, du coup ?… Pourquoi ai-je les mêmes
bleus à l’âme que Sagan ?
Jouir sans entraves, vivre sans temps morts Disons que de cette belle révolution, nous étions certainement en droit d’attendre plus que des cours de contraception au collège, du porno partout, des sex-toys fluorescents et des clubs échangistes. Ce n’est pas « jouir sans entraves » le problème (ça on peut, rien de plus simple, ou presque), c’est « vivre sans temps morts ». Là, pas sur qu’on ait le compte… Comme le disait (assez ironiquement) le rédac’ chef de l’Express à Pascal Bruckner dans
cet entretien sur la révolution sexuelle : «
Le Graal du sexe allait apporter le bonheur... », ce à quoi Bruckner répond, et tout est dit : «
… il y avait de la naïveté et de la bêtise dans tout cela […] ». C’est vrai : les prophètes de la révolution sexuelle annonçaient le bonheur, l’avènement d’une félicité (et d’une facilité) qui rendraient nos vies exaltantes, enflammées, passionnantes,
enfinextraordinaires... Ce bonheur, cette félicité, où sont-ils à présent ?
Maintenant que le monde est libéré...
so what ? Qui croit encore que plus la société expose le sexe, plus nous vivons des vies intenses (« sans temps morts ») ? Qui peut penser qu'il existe un lien entre les deux ?
Parfois, je me demande où tout cela nous mène, avec un peu de vague à l’âme. Trop de corps offerts, trop de chattes et de bites partout, trop d’expériences sexuelles dénuées de signification, trop peu de spontanéité au profit du marketing de ses propres fesses ou de ses propres caresses (notamment pour tous les hommes et couples qui cherchent désespérément une partenaire « libertine » en indiquant que « Monsieur est élégant, respectueux, galant, courtois, bon lécheur et TBM », cherchez l’erreur ;-)…), trop de tristesse dans une sexualité libertine souvent désenchantée, sinon complètement factice (cf. tous ces hommes qui vont s’éclater en club libertin, mais qui ont dû pour cela payer une pute chinoise pour accéder aux soirées « couple », tu parles d’un couple en effet, et tu parles d’une liberté…).
Trop peu de
merveilleux…
J’ai rencontré il y a quelques semaines un homme franchement génial, la cinquantaine, un peu connu (mais pas trop non plus), disons juste assez pour pouvoir publier, quand il le souhaite, des tribunes deci-delà dans les médias. C’est un grand défenseur public de la liberté sexuelle. Par exemple (et j’en dis très très peu, car mon but n’est certainement pas qu’il soit reconnu !), il avait été de ceux qui avaient pris la défense de DSK en s’insurgeant contre le fait que soit mélangée à une accusation de viol le fait d’avoir participé à des partouzes. La première ne pouvait être l’excuse pour déballer la seconde, marque selon lui du retour d’une détestable bien-pensance sexuelle. Il avait aussi pris la défense du Président Hollande après l’histoire de la Rue du Cirque, etc. Bref, de fait, il était évident pour moi qu’il avait sur le sexe « les idées larges ». Il a lu ce blog, m’a beaucoup félicité pour ma liberté de ton, tout ça… Ni une ni deux, j’organisais en octobre un dîner avec plusieurs amis libertins : je me suis empressée de l’inviter. Et là, il me dit qu’il en a marre, vraiment marre de la séduction et du sexe. Que ça ne l’amuse plus du tout, que c’est comme si « ça ne le motivait plus du tout, depuis quelques temps ». Il ne croit plus à la félicité libertine, comme ça, dans ce contexte, dans ce monde, « plus du tout, même ». Il me dit : « Tu comprends toi tu t’éclates : tu es une nana et quand tu veux baiser, avoue que tu n’as pas à chercher bien longtemps… Tu fais ton marché, tu minaudes, t’as la belle vie… Moi j’en ai marre de me heurter sans cesse à des pimbêches chiantes qui adorent se faire baiser, mais « après le sac à main offert au Bon Marché », ou « la petite robe machin »… Il me dit : « la liberté sexuelle, c’est exaltant quand tu as du répondant, des partenaires à ta mesure, un réseau libertin, bref, de l’animation… Mais quand tu te sens hyper seul dans ta liberté, c’est carrément pas drôle. Voilà, je défends encore et toujours la liberté sexuelle, parce que c’est un idéal, c’est la façon dont je voudrais vivre dans un monde parfait où les gens seraient intéressants, mais c’est devenu pour moi un idéal abstrait. Il y a tellement de sexe partout, dans notre monde, dans tous les magazines, et sur internet partout et compagnie, que c’est comme s’il n’existait plus vraiment nulle part. Voilà, le sexe est un simple divertissement commercial. Pour plein de gens, maintenant, c’est sexe ou ciné, au même niveau. Le vrai sexe, le très très bon, le sexe initiatique et sacré, celui qui porte notre feu, celui qui éblouit, on l’a tué.»
Oui, c’est vrai, on a surement laissé gagner, du moins, en apparence, le sexe glauque et bien moche de tous ceux qui en font une science et/ou un
business. D’ailleurs (pour rappel ;-)), voici quelques mois que j’écris sur ce site, avec l’idée de dénoncer « le pire » : tous ces marécages boueux de fausse liberté, tous ces
business sans scrupules qui s’abritent derrière la belle idée de liberté sexuelle, pour ne servir que de la fange à des hommes et femmes tout simplement en mal d’être désirés, touchés, aimés (nous en sommes tous là, non ?).
Voici un résumé des anecdotes déjà données dans ce blog, au sujet de ce « monde merveilleux » qui usurpe notre titre de « libertins » :
- Énormément d’hommes fréquentent des clubs libertins accompagnés de prostituées Lire ici mon billet, avec mon expérience édifiante d’inscription sur un site « de mise en relation d’accompagnatrices rémunérées pour clubs libertins »
- Beaucoup de femmes n’osent pas exprimer leurs désirs, et en l’occurrence, pas « dire non » dans un lieu libertin, quand tout un chacun vient les caresser, voire les pénétrer, éjaculer sur elles… la pression IMPLICITE d’un lieu, d’un partenaire, d’un groupe, ça existe, et tout ce petit monde se croit « libertin » alors que bien des femmes ne rêvent que d’être ailleurs. Lire ici mon billet, avec des extraits du récit de Clara Basteh sur sa vie libertine
- Beaucoup de femmes feignent la bisexualité pour coller au fantasme de leur chéri, tout en essayant, dans les soirées, de ruser pour échapper à la sacro-sainte « étreinte entre filles » Lire ici
- Les sites libertins n’ont strictement rien de libertin. Ils ressemblent à des revues de gynécologie, avec gros plans de bittes et de chattes en guise de photo de profil – bref, ambiance grande braderie du cul pour gens désespérés – en tout cas, c’est clairement le sentiment dominant. Lire ici mon billet à ce sujet
- Certaines « soirées libertines » qui se prétendent « privées » (hum…) ressemblent à des rituels punitifs collectifs envers les rares femmes présentes lire ici mon récit d’une « soirée de Jade »
J’ajoute cette anecdote, racontée par une journaliste sur ce blog de l’Ecole de Journalisme de Paris :
- « infiltrée » comme serveuse dans un club libertin, elle decrit la demande du patron : aller branler les clients ! Si je n’ai aucun moyen d’en attester, je me contente de noter que ce témoignage entre en résonance avec le récit de ma propre soirée dans ce même lieu (lire ici).
Dans l'interview que je citais plus haut, Pascal Bruckner disait aussi «
Ce qui est mort depuis 68, c'est l'angélisme du désir, l'idée que tout ce qui touche au sexe est merveilleux. ». C’est clair… «
Petit à petit, on s'est aperçu qu'il y avait des perdants, des victimes, des laissés-pour-compte; on était en train de recréer un univers de mensonge que l'on avait pourtant tant dénoncé chez nos parents. Bon. Le constat est posé.
Un des grands observateurs des évolutions de l’érotisme fut Jean-Jacques Pauvert (décédé il y a très peu de temps). Editeur ayant toujours assumé le genre sulfureux (
Histoire d’O, l’intégrale de Sade, …), il avait peu avant son décès fait ce constat :
[à présent] «
la notion d’ « érotisme » a définitivement décroché de celle d’un univers partagé dans une petite minorité, plus ou moins secret. Avec la chute des anciennes morales disparaissent du même mouvement l’obscénité, la pornographie, l’outrage aux mœurs… Tous les aspects, aux visages si différents et si fondamentalement semblables, de cette attitude ancienne d’une révolte qui n’a plus de raisons d’être aujourd’hui. »
(=> C’est vrai, oui, bien sûr, l’érotisme est une révolte. Mais je ne suis pas d’accord pour dire que cette révolte n’a « plus de raison d’être aujourd’hui ». Peu importe que la société soit puritaine comme hier ou archi-libérée comme aujourd’hui, on entre dans une forme de révolte, et on acquiert une véritable liberté quand nos désirs ne sont pas mimétiques, mais essentiels. Quand on est capable de se distancier de son époque, quelle qu’elle soit, et surtout de proposer autre chose. Je ne crois pas du tout que l'histoire de l'erotisme soit finie.
Il ajoute : «
Diluée dans l’air du temps … la sexualité a perdu sa place centrale. Elle suscite moins de conflits, mais elle ne constitue plus le moyen privilégié de connaissance. »
La conclusion de Pauvert est absolument sublime :
«
Que peut donc être devenu l’érotisme, en général, dans ce changement majeur de société ? Je n’en sais pas grand-chose. Peut-être, et certains indices paraissent le suggérer, subsiste-t-il en secret, dans l’ombre personnelle de quelques individualités. Rendu, en somme, à son ombre originelle ( …) »
Mais oui ! L’érotisme existe, dans notre société de canards-vibrants et de télé-réalité, il existe «
en secret, dans l’ombre personnelle de quelques individualités ».
Je crois (sans prétention, mais seuls mes amants peuvent le dire) que j’appartiens à ceux qui tentent de le faire exister, je crois que j’essaie de le faire exister « dans l’ombre de mon individualité », ne serait-ce que dans ma façon d’assumer ma personnalité et mes désirs. Je crois que ce blog, au fond, c’est une des formes de ma révolte, ma façon de dire :
la société est libre, ok, mais regardez comme il est moche, comme il est factice, le "libertinage" qu’on nous propose « prêt à consommer » ! Le libertinage, ce n’est pas du tout cela... le libertinage n’existe que « dans l’ombre personnelle de quelques individualités » qui le font exister en secret, on l’oublie surement quand on s’imagine qu’il suffit de pousser la porte d’un club échangiste pour vivre des instants inoubliables (quelle gageure!) En ce moment à Paris, on recrée des réseaux discrets (on ne fait pas de promo sur Facebook, etc), et j’adore
d’autant plus l’époque dans laquelle je vis qu’émerge cette forme de clandestinité assez fantasmatique… Non plus qu’on veuille échapper à la censure, mais fuir au contraire les néons blafards du
business désacralisateur de l'érotisme, et qu'on refuse de se mélanger au sexe glauque des « baiseurs sans individualité », si je puis dire…
Tout est à recommencer Voilà où nous en sommes du constat. Durant de longs siècles, les différentes censures ont conduit une toute petite minorité à inventer des moyens de faire exister le désir et le sexe : l’érotisme. Cette notion a explosé avec le sex-business outrancier.
Maintenant, tout est à recommencer. Notre contexte est inversé par rapport aux 2000 ans passés : on ne vit plus dans une société de censure généralisée, mais de permissivité absolue. A nous de recréer notre ombre, notre secret. A nous de recréer notre façon d’exalter le désir et le sexe au milieu du porno et des godes fluo made in China. A nous de recréer notre érotisme, à nous de retrouver les moyens de défendre notre vision du désir (nous = les libertins) dans cette société-là. C’est notre défi. L’histoire n’est certainement pas terminée, à nous de la faire !
Ma conviction, c’est que cela ne peut concerner qu’une petite minorité, et forcément attirée par le secret. Tout le monde n’a pas envie de se révolter contre la société pour être plus libre, tout le monde n’a pas forcément envie de vivre des choses plus exaltantes, tout le monde n’a pas forcément envie d’érotisme : l’immense majorité se contente du standard social, quel que soit ce standard. La grande majorité préfère « vivre dans le moule », « se fondre dans la masse », c’est comme ça. Et tous ceux qui veulent « convertir la France à ceci ou cela », en matière de sexe, ont tort. Je déteste le prosélytisme sexuel, par principe (quelle que soit la cause defendue).
Pour moi, la clé est donc, clairement, individuelle. La clé, c’est «
l’ombre personnelle de quelques individualités ». Le seul enjeu du libertinage, je crois, c’est de connecter ces individualités. C’est de faire que dans la grande nasse des fan du porno d’un côté (façon fan club de Jacquie et Michel), des grandes prétresses du gode et des conseils sexo de l’autre, les « quelques individualités » qui surnagent arrivent à se rencontrer.
Bref : je ne crois pas du tout que si la société était plus ceci ou plus cela, si on autorisait plus ceci ou interdisait cela, ça changerait quoi que ce soit à la façon dont les gens sont capables, ou pas, de vivre des vies personnelles exaltantes. Ceux qui vivent dans la nasse resteraient dans la nasse, que l'on écarte ou resserre les mailles du filet ; tandis que les libertins continueraient à chercher à s’en extraire, pour se retrouver dans l’ombre qu’ils affectionnent. La clé ce n’est pas le contexte. Je suis persuadée que, pour peu qu’on s’en donne la peine, on est capable aujourd’hui (nous, les libertins) d’inventer des façons de faire exister l’érotisme tout aussi exaltantes qu’à l’époque de Voltaire.
(pour l’anecdote, je suis en train de faire un site web que je rêve très secret, tout simple, qui sera évidemment gratuit
– je ne fais pas de business -, pour mes contacts libertins, et certains lecteurs et lectrices de ce blog qui m’ont envoyé des mails à couper le souffle. Je pense que ce serait bien d'avoir un moyen d’entrer en contact, donc ça pourra être ça. En tout cas c'est "une cause" en laquelle je crois, ce sera ma contribution à rendre la vie peut-être plus ardente et plus exaltante, plus romanesque)
Voilà les bases de mon libertinage. L’esprit libre et les idées larges, la recherche des quelques « individualités » avec qui faire exister l’érotisme, la discrétion, l’envie résolue de vivre des choses exaltantes, intenses...
Je ne suis pas sure que nous soyons nombreux(ses) à promouvoir cette vision là du libertinage.
Mes « opposants intellectuels », si je puis dire, se comptent justement parmi les « libertins ».
Comme le même adjectif nous désigne (quel tristesse, un même mot alors que nos manières d'appréhender la volupté - et la liberté associée - sont si opposées), j’ai employé en titre de cet article les définitions suivantes : « les libertins Camille Beaufils » pour mon point de vue. A l’opposé : « les libertins Catherine Millet ».
Les "libertins Catherine Millet", et tous ceux qui veulent continuer encore et encore à « désacraliser le sexe »Car si pour moi le « vrai problème » (ce qui fait qu’on vit, ou pas, des moments hyper exaltants, des vies passionnantes) n’est pas collectif, il en est pour penser que, si, nos vies seraient vraiment meilleures si on faisait évoluer encore la façon dont la société traite de sexe. Il en est encore pour prétendre que le sexe est encore « trop sacré » et pour souhaiter, du simple rêve (Catherine Millet) à la véritable croisade (Marcella Iacub, Arthur Vernon) que l’on « désacralise enfin le sexe ».
Bref, tous ces gens veulent faire du sexe un non-sujet. Un truc aussi évident et accessible que se brosser les dents, ou boire un verre d’eau. Un acte d’hygiène « normal » et « banal ». Plus du tout sacré. Et plus du tout initiatique. Et plus du tout secret.(toutes choses qui selon moi font que le sexe est exaltant et merveilleux, justement).
Ils veulent tuer le sexe par banalisation. Le reduire à un pur acte physiologique, à un simple besoin du corps (alors que pour moi, c'est absolument autant un besoin de l'âme que du corps...).
Au secours, ne les laissons pas tuer ce que nous avons de meilleur sur terre, de plus stimulant et de plus exaltant : le désir sexuel, et la part de revolte personnelle qu'il implique...Pour bien comprendre, voilà un petit florilège de leurs propositions :
* Tuer le secret : Catherine Millet « rêve » d’une société où l’on pourrait s’échanger des pornos comme on se parle de la pluie et du beau temps, ou baiser sur les quais des gares en attendant son train,
o
« Dans une page de ce livre, je m’amuse à imaginer une société suffisamment tolérante pour que des voisins de compartiment, dans un train, qui ne se connaissent pas, s’échangent avec naturel des revues porno. Ailleurs, je propose cette fantaisie : baiser dans un hall de gare sans qu’aucun passant ne s’en offusque. […] Comment ne pas se réjouir [de cette représentation fantasmatique de la libre reconnaissance du désir sexuel] ? » (préface à l’édition poche de La vie sexuelle de Catherine M., Points, 2002)
* Faire de la prostitution l’activité la plus banale qui soit, qu’on puisse se prostituer comme on fait du baby-sitting : Marcela Iacub a consacré à « son grand combat » un livre entier (faut le faire, tout un livre pour expliquer en long et en large pourquoi la prostitution devrait être légalisée, et surtout, banalisée…
Par principe, je ne cite pas Marcela Iacub. Mais j’ai lu tout son livre. Promis.
* Enseigner la masturbation en maternelle au petites filles : Arthur Vernon, hyper-prétentieux (bien qu’il soit par ailleurs très sympa, et excellent débatteur) pense que seuls les garçons savent se masturber. Nous, les filles, on ne sait pas faire, faudrait nous apprendre dès la maternelle, ceci devant même relever de l'Education Nationale… Je cite, c’est édifiant, glaçant de suffisance :o
« […] les jeunes filles doivent être initiées le plus tôt possible à la masturbation, évidente chez le garçon du fait du caractère externe de son organe. Cette initiation, à entreprendre dès l’âge de la maternelle, relèvera de la responsabilité de l’Education nationale. Elle est indispensable pour s’assurer que les jeunes filles pubères seront accessibles à l’orgasme, et plus généralement au plaisir sexuel. Cette absence d’enseignement a aujourd’hui des conséquences dramatiques et elle est pour partie responsable du taux élevé de femmes pour lesquelles l’orgasme est inaccessible. »(Arthur Vernon, La vie, l’amour, le sexe, Editions Tabou)
Pour bien situer ce livre, je ne résiste pas à citer cette phrase (quand je parlais des prosélytes du cul...) :
« [L’]ambition [de ce livre] est double : d’une part, améliorer votre qualité de vie actuelle, d’un point de vie individuel ; d’autre part, faire que vous rejoignez la masse de ceux qui sont convaincus par ses thèses au fin de faire évoluer certaines règles contraignantes ou morales désuètes, et que cette évolution vous offre un cadre de vie plus adapté à votre bonheur. »Tous ces gens-là, pour moi, œuvrent pour déposséder le sexe de sa grâce (je ne parle évidemment pas du tout de la façon dont ils vivent leur vie, dont je me contrefous, mais de leurs revendications d’ordre politique).
Non, décidément, l'histoire n' est pas pas finie. Fuyons la nasse, inventons autre chose de plus exaltant que tout ce que semble avoir à nous offrir cette société et ces libertins-là...