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Qu'est-ce qui est petit, qui donne du plaisir mais qui fait peur à la plupart des mecs hétéros ? C'est la prostate, et il est temps de s'y intéresser.
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Plus enivrante que le vin : la salive de l’être désiré ? Il y a des hommes qui font plus qu'embrasser. Ils boivent avec la langue. A ce sujet, connaissez-vous la cosplayeuse Belle Delphine ?
En juillet 2019, après avoir vendu de l’eau de son bain, Belle Delphine -célèbre idole britannique adepte de cosplay– envoie un cadeau spécial à Ethan Klein (membre du duo comique H3H3 sur YouTube) : un pot contenant de la salive, accompagné d’une vidéo la montrant en train de remplir le pot en question. «Elle y bave, explique Ethan Klein. Elle bave énormément.» Sous ses allures d’offrande érotique, le pot contient ce que Belle Delphine pense d’Ethan Klein. Erotique ?
Casanova invente le «baiser de l’huitre»
Au XVIIIe siècle, alors que les nobles se mettent à manger des huitres accompagnées de champagne, Casanova met au point une recette : «Pour trois personnes. Prendre cent huîtres. En faire deux parts égales. Utiliser la première moitié en hors d’oeuvre, garder le reste pour le dessert. Après six huîtres chacun, ingurgitées en amuse-gueule, prendre les autres bouche à bouche». Avec cette recette, Casanova invente le «baiser de l’huitre». Ce baiser consiste à passer l’huitre de langue à langue. Dans Histoire de ma vie, Casanova s’enorgueillit de rendre les femmes folles de ce jeu amoureux. En 1754, c’est ainsi qu’il consacre plusieurs soirées à sa passion pour une religieuse échappée du couvent (la dénommée M.M.) : «Quelle sauce que celle d’une huître que je hume dans la bouche de l’objet que j’adore ! C’est sa salive. (1)», dit-il, avouant que – pour lui – c’est cela qui donne à l’huitre sa saveur. «L’huître se transforme alors en une sorte d’hostie délicieusement blasphématoire», commente Serge Safran dans L’Amour gourmand.
La salive comme aphrodisiaque ?
Boire la salive comme une liqueur précieuse : sacrilège ? Les libertins en ont bien conscience lorsqu’ils consacrent à la religion de l’amour cette sécrétion organique. Parmi les plus connus, L’abbé du Prat est celui qui publie – en 1683 – une ode à la salive dans un ouvrage galant (Vénus dans le cloître) : «Ta bouche est comme une ruche qui distille le nectar et l’ambroisie. […] Non, ma petite chère, l’industrieuse abeille ne saurait tirer du suc des fleurs ni de ces perles liquides qui forment la rosée, des douceurs qui approchent de celle de tes baisers ravissants. (2)» La métaphore est galante, mais trop peut-être : elle escamote la part de dégoût qui touche aux liquides intimes. Baudelaire, dans Les Fleurs du mal, chante la salive en termes plus contrastés : «Le démon accoutume ma lèvre à des philtres infâmes» (dans le poème La destruction), dit-il, jouant sur la double idée du philtre d’amour et du breuvage empoisonné.
«De cette bouche où mon coeur se noya» (la mulâtresse)
Pour Baudelaire, qui consacre de nombreux poèmes à la salive de ses idoles, ce liquide biologique a le pouvoir d’ensorceler. Dans Le Poison, chantant d’abord le vin, l’opium puis le venin qui coule des yeux verts de sa bien-aimée, il conclut : «Tout cela ne vaut pas le terrible prodige / De ta salive qui mord». Dans ce poème ambivalent, la salive de la maîtresse a le pouvoir même de l’eau du Léthé : la légende veut que les âmes des morts, ayant goûté à l’eau du Léthé, oublient totalement leur passé. La locution «Boire de l’eau du Léthé» peut se traduire : perdre la mémoire. Ce que Baudelaire formule ainsi (dans le poème Léthé) : «Pour engloutir mes sanglots apaisés / Rien ne me vaut l’abîme de ta couche ; / L’oubli puissant habite sur ta bouche, / Et le Léthé coule dans tes baisers.» Comparant la salive aimée aux eaux d’un fleuve des enfers, il insiste sur l’aspect sinistre de cette transfusion d’humeur. On n’avale pas la salive sans danger.
La symbolique des résidus humains
Dans un chapitre du livre Corps et affects (publié aux éditions Odile Jacob, en 2004), l’anthropologue Anibal Frias consacre une analyse passionnante à «la symbolique des déchets» : lorsque la salive sort de la bouche, dit-il, elle est «jetée hors» (ab-jectus) du corps humain, ce qui en fait quelque chose d’abject. En Occident, l’idée d’impureté s’attache –suivant deux axes (vertical et horizontal)– à tout ce qui va vers le bas, d’une part, et à tout ce qui se franchit la limite intérieur-extérieur, d’autre part. «Ce schème peut être appliqué aux déchets du corps. Passant du dedans au dehors, ils changent de sens, parfois de nom : les aliments deviennent du vomi ou des excréments, la salive du crachat ou de la bave. Ils signent un rejet violent. Les excrétions évacuées ou les sécrétions appartiennent à la catégorie générique des excreta.»
Faut-il être maso pour avaler des fluides ?
Il n’est d’ailleurs pas étonnant, ajoute-t-il, que lorsqu’on rejette quelqu’un, on dit «qu’il “nous fait vomir” ou “chier”». De même dire «de quelque chose que l’on n’en a “rien à foutre” ou “à péter”, traduit un rejet-aversion exprimé par une certaine orientation des flux corporels : du dedans vers le dehors.» A l’inverse, «des énoncés tels que : “boire les paroles de quelqu’un” ou le “dévorer des yeux” supposent qu’un grand intérêt est accordé à la personne ou à ses propos.» Lorsqu’elles quittent le corps, les substances organiques deviennent donc impures, ce qui explique pourquoi l’image d’une personne avalant de la salive (qui n’est pas la sienne) suscite en nous une forme de dégoût, mêlé d’admiration : faut-il être amoureux pour avaler des fluides de glandes salivaires ! A moins qu’il ne s’agisse d’une répugnante perversion ?
Une liquidité «comblante autant que périlleuse»
En novembre 2009, un Californien nommé Charles Hersel est arrêté par la police en flagrant délit de payer des ados pour que ceux-ci lui crachent au visage. La presse américaine le surnomme «déviant du mois». Il n’est finalement pas condamné. Mais la nouvelle de son acquittement, en 2012, suscite une nouvelle vague médiatique de haine, certains commentateurs n’hésitant pas à dire : «C’est bien qu’il n’ait pas été condamné, je vais pouvoir le contacter et lui montrer combien de glaviots j’ai en réserve.» Les résidus et les humeurs organiques suscitent une forme de révulsion très comparable celle que provoque la vue d’une chose putréfiée, ce qui explique en partie pourquoi les réactions de nausée sont si violentes. Mais ces réactions tiennent aussi du fait que la salive ici (dans le cas de Charles Hersel) suppose une trajectoire influencée par la pesanteur : du haut vers le bas.
La chute
«Jeter des ordures suppose un mouvement vers le bas, la poubelle ou la terre, ou vers le dehors», explique Anibal Frias qui insiste sur la valeur négative du mot «bas» : ce mot transmet «une image de chute qui a même origine que déchet […]. Cette chute peut avoir une valeur sociale, économique, religieuse ou morale. La déchéance est ainsi marquée par les insultes : Déchet ! Épave ! Débris ! Le mot “déchet” vient du vieux français “dechiet” qui exprime la déchéance. L’expression “tomber plus bas que terre” dit bien cette dégradation sociale et morale. Il implique l’idée de chute physique et d’un mouvement vers le “bas” : bas versus haut, et bas, vil et dégradé. La notion de chute peut être prise au sens religieux qui signifie alors une perte du sacré.» Ainsi donc, la salive qui tombe sur le visage et dans la bouche d’un autre, par contamination, peut le faire «tomber», l’avilir, le souiller… pour son plus grand bonheur, certainement, et pour notre plus grande horreur.
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LE SERPENT QUI DANSE (BAUDELAIRE)
Comme un flot grossi par la fonte
Des glaciers grondants,
Quand l’eau de ta bouche remonte
Au bord de tes dents,
Je crois boire un vin de Bohême,
Amer et vainqueur,
Un ciel liquide qui parsème
D’étoiles mon coeur !
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A LIRE : Corps et Affects, sous la direction de Françoise Héritier et Margarita Xanthakou, éd. Odile Jacob, 2004.
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NOTES
(1) Histoire de ma vie, Casanova, Robert Laffont, collection « Bouquins », 1993. Vol. 4, chap. IV, p. 759.
(2) Vénus dans le cloître ou la Religieuse en chemise, Abbé Du Prat, (1672), Aphrodite classique, 1979.
EN SAVOIR PLUS : «Crachat sexuel : un torrent d’amour»
Plus enivrante que le vin : la salive de l’être désiré ? Il y a des hommes qui font plus qu'embrasser. Ils boivent avec la langue. A ce sujet, connaissez-vous la cosplayeuse Belle Delphine ?
En juillet 2019, après avoir vendu de l’eau de son bain, Belle Delphine -célèbre idole britannique adepte de cosplay– envoie un cadeau spécial à Ethan Klein (membre du duo comique H3H3 sur YouTube) : un pot contenant de la salive, accompagné d’une vidéo la montrant en train de remplir le pot en question. «Elle y bave, explique Ethan Klein. Elle bave énormément.» Sous ses allures d’offrande érotique, le pot contient ce que Belle Delphine pense d’Ethan Klein. Erotique ?
Casanova invente le «baiser de l’huitre»
Au XVIIIe siècle, alors que les nobles se mettent à manger des huitres accompagnées de champagne, Casanova met au point une recette : «Pour trois personnes. Prendre cent huîtres. En faire deux parts égales. Utiliser la première moitié en hors d’oeuvre, garder le reste pour le dessert. Après six huîtres chacun, ingurgitées en amuse-gueule, prendre les autres bouche à bouche». Avec cette recette, Casanova invente le «baiser de l’huitre». Ce baiser consiste à passer l’huitre de langue à langue. Dans Histoire de ma vie, Casanova s’enorgueillit de rendre les femmes folles de ce jeu amoureux. En 1754, c’est ainsi qu’il consacre plusieurs soirées à sa passion pour une religieuse échappée du couvent (la dénommée M.M.) : «Quelle sauce que celle d’une huître que je hume dans la bouche de l’objet que j’adore ! C’est sa salive. (1)», dit-il, avouant que – pour lui – c’est cela qui donne à l’huitre sa saveur. «L’huître se transforme alors en une sorte d’hostie délicieusement blasphématoire», commente Serge Safran dans L’Amour gourmand.
La salive comme aphrodisiaque ?
Boire la salive comme une liqueur précieuse : sacrilège ? Les libertins en ont bien conscience lorsqu’ils consacrent à la religion de l’amour cette sécrétion organique. Parmi les plus connus, L’abbé du Prat est celui qui publie – en 1683 – une ode à la salive dans un ouvrage galant (Vénus dans le cloître) : «Ta bouche est comme une ruche qui distille le nectar et l’ambroisie. […] Non, ma petite chère, l’industrieuse abeille ne saurait tirer du suc des fleurs ni de ces perles liquides qui forment la rosée, des douceurs qui approchent de celle de tes baisers ravissants. (2)» La métaphore est galante, mais trop peut-être : elle escamote la part de dégoût qui touche aux liquides intimes. Baudelaire, dans Les Fleurs du mal, chante la salive en termes plus contrastés : «Le démon accoutume ma lèvre à des philtres infâmes» (dans le poème La destruction), dit-il, jouant sur la double idée du philtre d’amour et du breuvage empoisonné.
«De cette bouche où mon coeur se noya» (la mulâtresse)
Pour Baudelaire, qui consacre de nombreux poèmes à la salive de ses idoles, ce liquide biologique a le pouvoir d’ensorceler. Dans Le Poison, chantant d’abord le vin, l’opium puis le venin qui coule des yeux verts de sa bien-aimée, il conclut : «Tout cela ne vaut pas le terrible prodige / De ta salive qui mord». Dans ce poème ambivalent, la salive de la maîtresse a le pouvoir même de l’eau du Léthé : la légende veut que les âmes des morts, ayant goûté à l’eau du Léthé, oublient totalement leur passé. La locution «Boire de l’eau du Léthé» peut se traduire : perdre la mémoire. Ce que Baudelaire formule ainsi (dans le poème Léthé) : «Pour engloutir mes sanglots apaisés / Rien ne me vaut l’abîme de ta couche ; / L’oubli puissant habite sur ta bouche, / Et le Léthé coule dans tes baisers.» Comparant la salive aimée aux eaux d’un fleuve des enfers, il insiste sur l’aspect sinistre de cette transfusion d’humeur. On n’avale pas la salive sans danger.
La symbolique des résidus humains
Dans un chapitre du livre Corps et affects (publié aux éditions Odile Jacob, en 2004), l’anthropologue Anibal Frias consacre une analyse passionnante à «la symbolique des déchets» : lorsque la salive sort de la bouche, dit-il, elle est «jetée hors» (ab-jectus) du corps humain, ce qui en fait quelque chose d’abject. En Occident, l’idée d’impureté s’attache –suivant deux axes (vertical et horizontal)– à tout ce qui va vers le bas, d’une part, et à tout ce qui se franchit la limite intérieur-extérieur, d’autre part. «Ce schème peut être appliqué aux déchets du corps. Passant du dedans au dehors, ils changent de sens, parfois de nom : les aliments deviennent du vomi ou des excréments, la salive du crachat ou de la bave. Ils signent un rejet violent. Les excrétions évacuées ou les sécrétions appartiennent à la catégorie générique des excreta.»
Faut-il être maso pour avaler des fluides ?
Il n’est d’ailleurs pas étonnant, ajoute-t-il, que lorsqu’on rejette quelqu’un, on dit «qu’il “nous fait vomir” ou “chier”». De même dire «de quelque chose que l’on n’en a “rien à foutre” ou “à péter”, traduit un rejet-aversion exprimé par une certaine orientation des flux corporels : du dedans vers le dehors.» A l’inverse, «des énoncés tels que : “boire les paroles de quelqu’un” ou le “dévorer des yeux” supposent qu’un grand intérêt est accordé à la personne ou à ses propos.» Lorsqu’elles quittent le corps, les substances organiques deviennent donc impures, ce qui explique pourquoi l’image d’une personne avalant de la salive (qui n’est pas la sienne) suscite en nous une forme de dégoût, mêlé d’admiration : faut-il être amoureux pour avaler des fluides de glandes salivaires ! A moins qu’il ne s’agisse d’une répugnante perversion ?
Une liquidité «comblante autant que périlleuse»
En novembre 2009, un Californien nommé Charles Hersel est arrêté par la police en flagrant délit de payer des ados pour que ceux-ci lui crachent au visage. La presse américaine le surnomme «déviant du mois». Il n’est finalement pas condamné. Mais la nouvelle de son acquittement, en 2012, suscite une nouvelle vague médiatique de haine, certains commentateurs n’hésitant pas à dire : «C’est bien qu’il n’ait pas été condamné, je vais pouvoir le contacter et lui montrer combien de glaviots j’ai en réserve.» Les résidus et les humeurs organiques suscitent une forme de révulsion très comparable celle que provoque la vue d’une chose putréfiée, ce qui explique en partie pourquoi les réactions de nausée sont si violentes. Mais ces réactions tiennent aussi du fait que la salive ici (dans le cas de Charles Hersel) suppose une trajectoire influencée par la pesanteur : du haut vers le bas.
La chute
«Jeter des ordures suppose un mouvement vers le bas, la poubelle ou la terre, ou vers le dehors», explique Anibal Frias qui insiste sur la valeur négative du mot «bas» : ce mot transmet «une image de chute qui a même origine que déchet […]. Cette chute peut avoir une valeur sociale, économique, religieuse ou morale. La déchéance est ainsi marquée par les insultes : Déchet ! Épave ! Débris ! Le mot “déchet” vient du vieux français “dechiet” qui exprime la déchéance. L’expression “tomber plus bas que terre” dit bien cette dégradation sociale et morale. Il implique l’idée de chute physique et d’un mouvement vers le “bas” : bas versus haut, et bas, vil et dégradé. La notion de chute peut être prise au sens religieux qui signifie alors une perte du sacré.» Ainsi donc, la salive qui tombe sur le visage et dans la bouche d’un autre, par contamination, peut le faire «tomber», l’avilir, le souiller… pour son plus grand bonheur, certainement, et pour notre plus grande horreur.
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LE SERPENT QUI DANSE (BAUDELAIRE)
Comme un flot grossi par la fonte
Des glaciers grondants,
Quand l’eau de ta bouche remonte
Au bord de tes dents,
Je crois boire un vin de Bohême,
Amer et vainqueur,
Un ciel liquide qui parsème
D’étoiles mon coeur !
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A LIRE : Corps et Affects, sous la direction de Françoise Héritier et Margarita Xanthakou, éd. Odile Jacob, 2004.
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NOTES
(1) Histoire de ma vie, Casanova, Robert Laffont, collection « Bouquins », 1993. Vol. 4, chap. IV, p. 759.
(2) Vénus dans le cloître ou la Religieuse en chemise, Abbé Du Prat, (1672), Aphrodite classique, 1979.
EN SAVOIR PLUS : «Crachat sexuel : un torrent d’amour»