Tout avait commencé par une soirée magique avec S. : un concert à la Philarmonie, puis un verre à se dévorer des yeux dans la douceur de la nuit, au
Café des Concerts situé juste à côté, sur cette place si atypique de Paris (place de la Fontaine-aux-Lions) d’où l’on voit la Grande Halle de la Villette de face, mais surtout la Philarmonie éclairée de bleu azur à droite, faisant face au Conservatoire National de Musique, dont l’immense logo diffuse lui un rouge pénétrant. Curieux face à face entre ces deux bâtiments si différents, chacun signé d’un architecte star (Jean Nouvel versus Christian de Portzamparc) : la Philarmonie a la suavité de ses courbes aériennes, son bleu scintille en dégageant une idée de pureté, de beauté hors du temps. Le Conservatoire est plus sec, plus austère avec ses bâtiments massifs, bien plus sombre car moins éclairé aux abords (n’accueillant pas de public la nuit), et ses néons rouge-braise lui donnent des petits airs de sex-shop racolant les passants des quartiers chauds, un petit côté « Sexodrome à Pigalle » et «
vient donc pousser l’épais rideau de l’entrée mon coco, n’ai pas peur de t’enfoncer dans l’obscurité, viens te perdre dans l’antre de la luxure »... La pureté à droite, le péché à gauche ?
à droite :
à gauche :
Les pierres ont - en tout cas - l’âme qu’on veut bien leur prêter : quelles que soient leurs couleurs et leur façon de racoler, ces deux Temples de la musique sont pour moi chargés de souvenirs ardents. Assise en terrasse sur cette curieuse place de Paris, donc, entre ces deux majestueux bâtiments si intimement liés à mes souvenirs d’amour, me revenaient en mémoire les vers de Vollmann, égrenant ses souvenirs d’un Paris sexualisé à l’infini, ‘
immense et poétique lupanar et commune libre des passions effrénées, ville par excellence de l’incarnation du désir’ : «
Paris m’ouvrait ses cuisses, elle était prête à tout, elle me tendait ses bras et ses jambes ! » (Etoile de Paris, William T. Vollmann, Acte Sud). Et oui, les pierres ont l’âme qu’on leur prête… ces pierres-là, Place de la Fontaine-aux-Lions, dans l’est parisien, incarnent pour moi doublement l’ardeur clandestine et la fabuleuse musique du désir : Paris m’y ouvre ses cuisses…
J’ai notamment déjà passé bien des soirées d’un érotisme hallucinant, dans la toute jeune Philarmonie (inaugurée en janvier 2015). C’est du reste assez récent que j’associe « grande » musique et érotisme, moi qui avais si longtemps haï l’élitisme empesé et poisseux des concerts classiques (que j’associais à l’imagerie des vieux couples ultra-privilégiés et résolument hors des réalités, Madame permanentée pendant des heures pour « se montrer aux bras de son prestigieux mari », arborant pour l’occasion tous ses diamants les plus scintillants pour étaler les preuves qu’elle est une femme comblée, Monsieur grand patron qui trouve génial de pouvoir croiser dans ce genre de soirées si « culturelles » les membres de son Conseil de Surveillance, ça crée des liens en dehors des deux réunions annuelles où il leur demande de voter sa rémunération... J’ai par exemple en tête un ex-grand patron français qui se vantait à longueur de temps de réserver toujours « parfois deux ans à l’avance » ses places à l’Opéra et dans les meilleures salles de concert du monde car «
il n’est pas de loisir plus intelligent que la Grande Musique, c’est d’ailleurs un moyen de reconnaître les meilleurs », le même grand-patron qui n’a pas du tout compris où était le scandale, quand son groupe se relevait tout juste de lourdes pertes, de ‘se’ faire voter par son Conseil d’administration une rémunération exceptionnelle de l’ordre de plusieurs millions d’euros… voilà le souvenir auquel immanquablement j’associe la musique classique, cet homme-là ! Et autour de ce « public-type » de gens si socialement écrasants et si surs de leur bon droit et de leur bon goût, tout un tas de musicologues et des mathématiciens du solfège au vocabulaire impénétrable, qui se bouchent le nez lorsqu’un pauvre manant (comme moi) ose avouer « n’avoir que sa sensibilité pour écouter et apprécier la musique »… Ces gardiens de la "Grande Musique" vous expliquent que « la musique c’est d’abord une Histoire, un Patrimoine à connaître avant de pouvoir écouter », ou encore, comme me l’a dit récemment une musicienne à qui j’avouais ne comprendre qu’une phrase sur deux (et encore) de la note d’intention d’un concert contemporain : «
tout le monde ne peut pas comprendre, tout le monde ne peut pas apprécier, il faut beaucoup de culture pour cela, c’est comme ça, la grande musique n’est pas un art accessible, c’est un fait » ( !!). J’avais donc en tête tout cela : le manque flagrant de générosité d’un tout petit cercle clos d’ultra-privilégiés, cultivant jalousement son entre-soi (même le golf me semblait alors un loisir plus démocratique que les concerts classiques) – jusqu’à ce que j’assiste un jour, presque par hasard, à un concert qui allait définitivement changer mon rapport à la musique en m’ouvrant à sa sensualité hallucinante : un concert du chef d’orchestre Jean-Claude Casadesus.
Je n’imaginais pas qu’un concert puisse être aussi subjuguant, ou plus exactement, je n’imaginais pas qu’un chef d’orchestre puisse dégager tant d’érotisme dans sa façon de mener son orchestre. Ce concert de lui me reste comme un des moments les plus fascinants, lascifs et clairement érotiques de toute ma vie culturelle. Du reste, j’ai plus tard lu l’autobiographie de cet incroyable chef d’orchestre, et j’ai été frappée par sa façon « naturelle », c’est-à-dire très assumée d’user et d’abuser du vocabulaire du plaisir charnel pour décrire son rapport à la musique.
Par exemple : «
Je venais d’éprouver un contact charnel avec […] le concert. Dès lors, j’ai été saisi d’un besoin de plus en plus frénétique de « toucher » le son. De me laisser baigner par lui et me vautrer dans sa volupté » ; «
Amoureux du son plus que jamais, j’éprouvais une joie physique à l’écoute de ses déferlements provoqués par l’orchestre » ; «
Je reconstituais les sons […] avec une incroyable sensation d’excitation et de plaisir » ; «
Je m’abandonnai dès lors, pendant de longues heures clandestines, perdant toute notion du temps, à de voluptueuses orgies sonores dont rétrospectivement, aujourd’hui encore, j’éprouve les sensations et qui se traduisent par d’immenses frissons qui me parcourent tout entier » et à propos de sa découverte « instinctive » de la musique, sans passer par le solfège : «
je n’étais qu’un animal sexué, allant vers son plaisir » ; sans parler évidemment de ses développements sur la musique «
arme imparable pour séduire les filles », à laquelle il a dû «
la complicité de jolies adolescentes en mal d’émotions musicales, qui me plongeait dans des abîmes de béatitude », et de ses allusions à Bach et Beethoven «
à qui je dois bien des conquêtes amoureuses »… Bref, on a compris l’analogie constante entre musique et orgasme, que ce soit directement ou indirectement : via le son et via ses conquêtes dues à la musique… J’aime l’approche de l’Art de ce chef d’orchestre : il écrit que l’Art est un trinôme «
sexe – rigueur – liberté », autrement dit «
instinct – mental – cœur ». Oui oui, c’est bien le sexe qu’il cite en tout premier (et il ose écrire le mot) !
Jean-Claude Casadesus est donc pour moi cet immense chef d’orchestre découvert un soir par total hasard (je me rappelle être allée à ce concert vraiment à reculons…) et qui m’a alors fait découvrir une forme d’érotisme hallucinante, subjuguante, viscérale. Ce soir de 2013 où je l’ai vu en concert, je n’ai pu détacher mes yeux de lui une seule seconde, littéralement fascinée. Subjuguée par l’érotisme qui se dégageait de ce chef d’orchestre hors du commun, par la volupté du son qu’il semblait sculpter au prix d’une tension physique presque tragique, par la beauté et le plaisir de ce moment hors du temps entièrement rythmé par sa baguette de chef, et par les mouvements et frissons de son corps qui semblait porter, justement, toute cette tension sublime au prix de laquelle il nous offrait ces morceaux (du reste, je reconnais que la programmation était elle-même particulièrement érotique). Cette soirée à l’observer diriger m’avait émue, bouleversée et vaguement excité mes idées : en un seul concert, il m’avait « transmis » son association entre musique et orgasme. «
Sexe, rigueur, liberté » : comme je partage sa définition de l’Art, clairement… Depuis lui, assister à un concert classique est non seulement un plaisir en soi, mais aussi et surtout un des plus somptueux préludes à d’autres plaisirs, tout aussi charnels. J’ajoute au passage, petite digression, que Jean-Claude Casadesus a vivement dénoncé cet élitisme pompeux et compassé des concerts classiques, et que s’il a emmené son orchestre jouer dans les salles les plus prestigieuses du monde, il l’a aussi fait jouer loin des élites, là où elle n’avait pas le droit de cité : pour les ouvriers dans le hall d’usines sinistrées du Nord-Pas-de-Calais, dans la cour d’hôpitaux psychiatriques, pour des démunis réunis dans des églises, dans des prisons, etc.
« Oui, l’art est élitiste, mais c’est l’élite du cœur » dit-il aussi dans son autobiographie
(références de toutes les citations de lui : Le plus court chemin d’un cœur à un autre, Jean-Claude Casadesus, aujourd’hui disponible au Livre de Poche
). Il a bien tort malheureusement : beaucoup d’immenses artistes sont de sales cons arrogants et détestables (hélas, j’en ai croisé), l’élite médiatique oui, l’élite télévisuelle, etc, mais certainement pas l’élite du cœur (comme j’ai un nom en particulier en tête en écrivant ces lignes…). Il a bien tort de faire de son cas – l’élite du cœur – une généralité. Enfin en tout cas, peu importe ce désaccord, ce chef d’orchestre est fabuleux, et il a bouleversé mon rapport à la musique, qu’il a définitivement projetée dans l'univers de l’érotisme.
Nota : j’adore par exemple cette vidéo… quand on voit son sourire (à 1min25), le pied qu’il a l’air de prendre, comment dire… son plaisir est hyper communicatif, j’adore cette vidéo !Fin de ma digression concernant mon association entre orgasme et grande musique, qui explique en tout cas que les soirées que S. et moi commençons par un concert se terminent toujours par des corps-à-corps particulièrement enflammés. En sortant d’un concert à la Philarmonie, donc, cette soirée-là, S. et moi en terrasse au
Café des Concerts, légèrement échauffés par les deux heures d’écoute durant lesquelles ma main était posée sur sa cuisse, allant et venant à l’occasion vers son sexe par-dessus son pantalon, parfois mon épaule posée sur la sienne, lui murmurant à l’oreille combien je le désire, nous échangions sur la suite de la soirée.
Voilà l’histoire : il y a quelques semaines, nous avions rencontré aux
Chandelles une fille qui nous avait abordés, avenante, en nous expliquant qu’elle « adôôôôrait » le
Quai 17, un club libertin de l’est parisien, juste à côté de la Philarmonie. Elle nous avait sorti un discours bien rodé : «
il y a tellement de célébritééééés dans le club, tous ceux qui sont tellement connus qu’ils ne veulent pas risquer de se faire voir aux Chandellesvont au Quai 17, c’est plus discret ! On retrouve le « vrai goût » du libertinage sans esbroufe là-bas, dans la discrétion et le « vrai plaisir », sans considérations sociales ! Ici [aux Chandelles où nous étions] c’est tellement connu et tellement médiatisé que c’est devenu le royaume de la frime de pauvres mecs bling-bling qui viennent juste pour exhiber leur mannequin anorexique qui ne sait pas sourire, et qui sont intimement persuadés que tout leur est du, c’est devenu complètement naze. Je regrette d’être venue ce soir, le Quai 17, c’est une toute autre ambiance ! D’ailleurs si le Quai 17 existe depuis 20 ans, c’est bien qu’il a un vrai public ! Et puis avec la Philarmonie qui a ouvert, plein de gens intéressants et cultivés vont d’abord à un concert, et après, ils viennent en couple au Quai 17, comme c’est un club pas snob ni m’as-tu-vu et hyper discret, c’est devenu le lieu de rendez-vous en sortant des concerts ! Le Quai 17, c’est en passe de remplacer les Chandelles, mais sans la frime et la patronne qui nous dévisage comme des moins-que-rien à l’entrée, et nous refoule une fois sur deux sans la moindre explication ! Au contraire, au Quai 17 il y a le sens de l’accueil et du respect, le vrai sens du libertinage !». Euhhhhhhh…. Le
Quai 17, dans le 19
earrondissement de Paris, qui traine la réputation tenace d’être un des clubs des plus glauques de Paris ??? Est-ce que cette fille hyper enthousiaste était sincère, ou est-ce qu’elle était là plus ou moins directement pour faire la pub du club auprès des clients d’un autre, je n’en sais rien (je n’ai pas fait attention à elle durant la suite de la soirée). Un des employés des
Chandelles, une fois, m’avait parlé de cette pratique, il m’avait expliqué que le gérant d’un club concurrent (dont j’ai déjà parlé sur mon blog) venait aux
Chandellesavec 4 ou 5 super filles, look mannequins et exhibitionnistes à souhait, qu’elles chauffaient tous les clients - juste assez pour les rendre fous - puis s’éloignaient sans avoir rien fait en disant «
par contre ce soir je ne reste pas, vers minuit je vais retrouver des amis au club XXXXXX, d’ailleurs je ne viens que rarement ici, c’est naze, mais je suis tous les week-end au club XXXXXX qui est bien mieux que celui-ci, retrouve moi quand tu veux au club XXXXXX ». Bien sur, dès que le manège a commencé à être connu par les barmans des
Chandelles, le gérant du club concurrent qui venait faire son marché de clients et ses fameuses « copines », ont été
persona non grata. C’est le petit monde doré et amical du libertinage parisien !!… Mais j’en reviens à la nénétte qui nous faisait la promo de ce club qui a toujours joui de la pire réputation possible (en gros, et peut être à tort, ce que j’avais déjà entendu c’est que ce serait : le «
club libertin des pires quartiers, ou la racaille vient baiser dans une ambiance peu amène pour les femmes »). Une excellente amie qui s’y était rendue m’avait dit «
surtout n’y met JAMAIS les pieds, c’est la jungle absolue »). S’il est d’ailleurs situé à quelques minutes de la Philarmonie, n’oublions pas que la Philarmonie a justement été installée dans un des quartiers les moins réputés de Paris, ceci pour incarner «
l’ouverture de la musique aux banlieues les moins favorisées, notamment toute la Seine Saint Denis ».
La pub de cette fille avait fait écho en moi à une interview du patron du
Quai 17 que j’avais lue dans une dépêche AFP peu avant, dépêche reprise par plusieurs médias (
exemple). Ce papier AFP avait pour objet de s’interroger sur l’impact du procès du Carlton de Lille, impliquant DSK et de sombres histoires de proxénétisme, sur le libertinage. Voici la citation de la dépêche : «
"Il y a plein de gens comme lui [comme DSK], qui sont connus et viennent ici et dans d'autres clubs", déclare Bernard Crouzas, propriétaire de l'établissement Quai 17 dans le nord-est de Paris. "J'ai des gens qu'on voit à la télévision, des gens de la police, des magistrats", ajoute-t-il, baissant la voix pour évoquer également une élue. »
Bon bon bon, il n’en fallait pas plus pour aiguiser ma curiosité… Toujours curieuse d’explorer les modalités du plaisir, et avide de raconter mes aventures sur ce blog (dont je m’occupe bien trop peu, ces derniers temps !), j’avais convenu avec S. que nous irions après le concert à la Philarmonie, «
juste pour observer, se faire une idée ». Et là, pendant qu’on prenait un verre au Café des Concerts, donc, je lui déversais des tonnes et des tonnes d’avertissements : «
surtout, ne t’attend pas au club le plus chic de Paris, il est probable qu’on y passe un moment effarent, comme la soirée de Jade, tu te rappelles ? A mon avis ça sera le même style, donc c’est à prendre au second degré, ok ? C’est juste pour voir si la fille qui nous en a parlé l’autre soir aux Chandelles était sincère, juste pour voir comment c’est, se faire notre propre idée ! ». Et voilà comment, à peine sortis de la magie de la Philarmonie, après un verre sur cette place qui m’évoque si fortement de merveilleux souvenirs licencieux, nous nous mettions en marche pour « le Quai 17 »…
Quelques mots sur le site internet de ce club : cela nous semblait loin du grand chic, très très loin du grand chic… D’où mes nombreuses précautions auprès de S., sur le fait qu’on ne risquait pas de passer une soirée du meilleur goût… Les têtes de pages sont illustrées de photos bien explicites pour attirer le chaland, exemples :
(si on n’a pas compris le message subliminal :
il y aura dans ce club des FEMMES NUES allongées sur le dos, n’attendant que de se faire baiser…)
Je n’en dis pas plus sur les photos de soirées (diffusées sur le site internet du club), elles parlent d’elles-mêmes en termes d’élégance et d’érotisme, avec visages de clientes floutés mais seins à l’air :
Les équipements qui ont l’air… comment dire… youpi, ça donne super envie !
Et alors, le clou du clou des photos, le délicieux buffet, hummm, vient donc manger du jambon et des pâtes dans une assiette en plastique au club libertin, ça sera sexy avant d’aller baiser… hummm, vraiment, comment dire…
Et comment ne pas parler de la page « Partenaires », où l’on retrouve notamment les sites...
«
Je Montre Ma femme.com », slogan « Pour la voir avec d’autres, échanger, la partager » ou encore «
commentbientrompersonmariousafemme.fr », slogan « Le site pour répondre à toutes les questions que vous vous posez sur l’adultère », ou encore le site «
Clubbywear, la mode des clubs », superbe site de tenues pour aller en club sur lequel on trouve notamment… cette merveilleuse jupe rose avec grande ouverture arrière à frou-frou spécialement conçue pour bien montrer son cul (à 38€99, tout de même… ça fait cher le trou, non ?), ou encore cette splendide robe « Scandalous - Robe ouverte – LOLITTA » à 45€99 ( !!! faut oser appeler ça une « robe » !! 45€99, c’est pas aussi un peu exagéré d’ailleurs ?… en tout cas là aussi, ça permet de bien montrer son cul, cool), ou bien encore cette très seyante petite robe rose lacée devant et très très courte à 34€90 du tout meilleur goût ; et bien sur la splendide « robe géométrique ajourée », magnifique petit filet qui se porte donc visiblement avec un string et les seins à l’air, no comment…
Bon, tout cela ne collait pas trop avec les discours «
nous avons de nombreuses célébrités qui cherchent l’élégance et la discrétion loin du bling bling des Chandelles », ou encore «
nous sommes devenus le club des mélomanes sortant de la Philarmonie »…
Mais pour se faire une vraie idée, un seul moyen… et nous voilà donc, en sortant du
Café des Concerts, nous dirigeant à pieds vers le Conservatoire, que l’on contourne pour prendre la première rue à droite, longer la rue des Ardennes jusqu’à déboucher rapidement que le Quai de l’Oise, et nous nous retrouvons face à l’entrée du
Quai 17…
La rue est déserte, il n’y a pas un passant, pas un bruit. Tandis que nous approchons, un taxi rompt soudain le silence, et comme par hasard, il s’arrête pile devant l’entrée du club… Nous voyons deux hommes seuls en sortir puis sonner immédiatement à la porte du Club, et tandis que le patron du club les fait entrer (on le voit là, en chemise blanche - je profite que je mets cette photo car elle est ultra floue et que strictement personne n'y est reconnaissable !), un couple en profite pour sortir, couple qui semble légèrement atypique (une demoiselle très grande, blonde à très forte poitrine avec un grand manteau très star, perchée sur des chaussures en plastique transparent – avec plateforme énormes – et gros nœuds rouges, ce qui lui donne environ deux têtes de plus que l’homme, plutôt petit et mince, la 50
e qui se trouve derrière elle en lui tenant la main).
Le club fait un angle, les murs du club sont des vitres épaisses recouvertes d’une vitrophanie totalement opaque, sur laquelle s’affiche le logo « Quai 17 ».
Allez, c’est à nous… On prend notre respiration, et nous sonnons…
La porte s’ouvre aussitôt, nous voyons le patron dans l’embrasure qui nous invite à entrer d’un grand geste pressé. Le patron est le fameux « Bernard » interviewé par l’AFP, que l’on voit notamment en photo sur le site du club, ici à droite. Personnage tout droit sorti de l’imagerie romanesque des patrons d’endroits de nuit un peu louches : visage rond et bonhomme, lunettes de soleil et chemise ouverte, et nuée de jeunes naïades court-vêtues dans son sillage…
Et puisque le patron, ce fameux Bernard qui nous ouvre la porte, utilisait l’affaire du procès du Carlton de Lille et DSK et co. pour faire la promo de son club auprès de l’AFP, comment me priver de souligner une ressemblance amusante avec l’invraisemblable patron des clubs belges en cause dans le procès, « Dodo la Saumure »…
Une fois le regard approbateur de « Nanard aux faux airs de Dodo la Saumure » brièvement posé sur S. et moi (regard qui nous dévisage de haut en bas), il referme bien vite la porte derrière nous – visiblement, Bernard n’aime pas que la porte de son club reste ouverte trop longtemps sur la rue, ça a même l’air de le stresser totalement, cette ouverture de porte, il est tout sauf souriant et accueillant... Là, nous nous retrouvons dans un petit sas peint entièrement en rouge, avec une jeune femme derrière un comptoir, d’où l’on voit tout le vestiaire. Nous sommes invités à payer d’emblée. Pour un couple le samedi soir, le tarif est de 60€ (et pour un « homme seul », 105€), plus 5 ou 10€ pour le vestiaire (ça je le dis de mémoire, à vérifier). C’est bien sûr raisonnable, mais pour le quartier prétendument populaire, ce n’est pas non plus donné : le club n’est pas « cheap » en ce qui concerne ses tarifs d’accès (70€ c’est le tarif du Mask, situé lui à deux pas de la Bourse, quartier mieux situé et fréquenté). Nos deux places idéalement situées dans la Grande Salle des Concerts, à la Philarmonie, ce même soir, nous avaient coûté bien moins cher.
Une fois nos vestes et mon sac posés au vestiaire et l’entrée réglée, nous sommes sèchement invités par le patron à « quitter le sas pour avancer dans le club » (même pas le temps de lui dire que c’est notre première visite, de toute façon, son ton ne se prêtait pas à sympathiser, la gestion des entrées semblait largement industrialisée : « entrez dans le sas – payez – vestiaire, vite s’il vous plait – avancez dans le club – suivant, vite s’il vous plait »). De toute façon, le flux gère les passages : pas moyen de s’appesantir dans le sas d’entrée, car à peine le temps de tendre nos affaires à la jeune femme du vestiaire que trois nouveaux couples sont déjà entrés après nous : nous libérons l’espace sans tarder en pénétrant à l’intérieur du club…
En entrant, trois impressions simultanées nous sautent aux yeux et aux oreilles :
Le décor : ambiance absolument typique des clubs libertins des années 90 : débauche de velours rouge dans une obscurité pénombreuse, grande statut en pied de type Aphrodite face à l’entrée et tableaux érotico-artistiques kitchs à souhait, et des loupiottes rouges un peu partout pour l’ambiance « Sexodrôme de Pigalle » (ou Conservatoire de Musique ;-))… On ne peut pas faire plus typique du décor d’un club de baise…
La fréquentation: le lieu est grand, et blindé, blindé, blindé de monde. Il y a énormément de gens, une foule compacte que l’on voit face à nous, c’est impressionnant. Je n’avais absolument jamais eu une telle sensation en pénétrant dans un club libertin : un monde fou ! Vraiment un monde fou. De toute évidence, le patron n’a pas besoin de faire de pub pour son club, les clients sont bien présents (oublions mes soupçons concernant la facticité du comportement de la nénétte qui nous avait fait l’article aux Chandelles ! Aucun patron au monde n’irait chercher des clients ailleurs quand son club est déjà archi-blindé comme celui-ci !). Donc l’impression : comment dire, il y a des gens partout, partout, on tourne la tête à droite, à gauche, de face, on ne voit pas d’espace vide, des gens sont debout, assis, accoudés, adossés, partout partout des gens…
La musique : clairement une immense, immense cata. C’est vraiment, vraiment trop fort, et surtout, c’est immonde. Des morceaux tout sauf sensuels, qui agressent nos braves petites oreilles qui sortaient à peine de l’enchantement de la Philarmonie… J’ai le souvenir de « Et c’est parti pour le show » de Nadia, ou de « Femme like You » de K-maro… Au secours… Contraste vraiment dur, après la magie de la Philarmonie, c’est rude, j’ai envie de quitter d’emblée le lieu rien qu’à cause de cette musique de boom de collégien ultra forte…
Ces premières impressions passées, nous partons donc à l’exploration, découvrir ce lieu (on ne peut pas vraiment dire qu’on déambule : on se fraye un passage parmi la foule, plus exactement). En s’avançant, on longe à notre gauche l’immense bar, duquel on ne peut quasiment pas approcher tant il y a de personnes agglutinées à ses abords : on se passera de verre ! A notre droite, des petits coins style banquettes en carré des boîtes de nuit, sauf que là, tout est en velours rouge. Face à nous, le coin piste de dance. Là, c’est tout ce qu’il y a de plus « Macumba » : loupiottes rouges et bleues qui tournoient sur la piste, barres de pôle dance et estrades en miroirs, des fois que les dames auraient oublié leurs culottes, et évidemment, toujours la musique assourdissante…
Et là, à nouveau une remarque sur les personnes présentes : une diversité HALLUCINANTE. Tous les degrés d’élégance, tous les types de tenues. Des femmes superbement élégantes aux tenues extrêmement chic (une ou deux que j’aurais cru tout droit sorties du 16
earrondissement), des filles dans des petites robes tee-shirt vraiment vraiment ras la … avec en prime dans le dos le cul à l’air (exactement le genre de tenues qu’elles avaient du commander sur la boutique de tenues « partenaires » (bref, le summum de la vulgarité), des filles pas spécialement apprêtées (jean tee-shirt), des filles dans des petites robes sympa mais plutôt type H&M que Chanel : DE TOUT ! Et tous les âges aussi. De très jeunes couples (j’ai même du mal à donner 18 ans à certaines…) jusqu’à des couples largement au dessus de 60 ans, avec toutes les tranches d’âges intermédiaires représentées. Et tous les physiques, mais alors vraiment vraiment tous les physiques. Côté hommes, des jeunes beaux gosses type films hollywoodiens ou couverture de magazines gays, des vieux beaux sur le retour façon autobronzant et sourire ultra-bright, des bedonnants, des très très bedonnants, des parfaitement quelconques, des plutôt mignons, des types qui pourraient être mes voisins ou mes collègues de bureau, des blancs, des blacks, des beurs… Côté femmes, des petites minettes dont la maigreur était désagréable à observer, des naturelles et des très artificielles (boucles blondes ultra-permanentées et faux-ongles de 6 centimètres, bonnet 85-E à vue d’œil et bronzage cabine, le tout donnant des archétypes de poupées Barbie semblant tous droit sorties de la télé-réalité trash), des mignonnes, des très belles femmes élégantes de 40, 50, 60 ans, des très rondes superbes et des très rondes atrocement habillées dans des robes filets immondes qui ne les mettaient absolument pas en valeur, et même deux ou trois carrément très obèses, dont une dansait sans le moindre complexe sur la piste : absolument DE TOUT.
Je n’avais strictement jamais, jamais vu tant de diversité dans un tel lieu. En observant ce rassemblement si hétéroclite, je ne peux m’empêcher de fixer celles et ceux qui ont l’air les plus chic et élégants : comment ont-ils l’air de prendre la compagnie de gens si vulgaires autour d’eux, dans le même espace ? Semblent-ils s’amuser de cette diversité, ou au contraire, ont-ils l’air de regretter d’être présents, désemparés par certains clients ? Est-ce qu’ils ont l’air de s’éclater sur la piste Macumba en dansant sur « Femme like You » ? Et bien je n’arrive même pas moi-même à répondre à ma propre question : les gens ont tous plutôt l’air neutre, en fait, le regard vide, je ne comprends pas bien s’ils s’amusent ou pas… Certains sont en transe sur la piste, oui, d’autres sont aux abords, un gobelet à la main, sans expression.
Il faut dire aussi qu’il y a tellement de monde… Ca me fait penser à une boom de collégiens dont l’invitation aurait circulé un peu partout : Kevin (13 ans) a invité tous les gens de sa classe, mais son père (45 ans) en a profité pour inviter deux ou trois collègues de bureau qui sont tous eux-mêmes venus avec deux ou trois copains, son grand-père aussi s’est invité à la dernière minute avec quelques copains de la belotte qui eux-mêmes ont invités, etc., et puis l’invitation a aussi circulé dans le collège d’à côté et des « grands » du lycées sont venus se taper l’incruste, etc etc, et au final, ce qui ne devait être que la petite boom classique avec les 20 collégiens de la classe de 5
eB devient un vaste rassemblement qui tourne à n’importe quoi, où tout le monde fait un peu la tronche car « il n’avait pas compris que ça serait
ça, la soirée ». Enfin bref… irrespirable cette partie danse vu la densité de personnes au mètre carré, nous continuons notre visite…
A côté de la piste de danse se trouve un grand espace buffet. Qui visiblement avait été littéralement… pris d’assaut. Tous les plats étaient vides, hormis un plat de tarte (de toute évidence, faite maison) dont il restait deux ou trois parts que personne n’avait du parvenir à décoller du plat aisément (mais visiblement, plusieurs avaient du essayer, et renoncer, au vu des fruits se décollant de la pâte, enfin bon, tout le monde voit ce que je veux dire, les deux pauvres parts de tarte récentes étaient massacrées), et un plat de flan à la vanille (le genre de truc dont on achète la préparation en supermarché, il suffit de verser le lait, faire chauffer dix minutes, laisser reposer trois heures au frigo, et le résultat est juste… totalement immonde. Ma grand-mère me faisait souvent ça dans mon enfance, arrivait un moment où nous ne savions plus quoi faire pour lui faire comprendre que ces trucs vendus en poudre à reconstituer avec du lait, c’est PAS BON DU TOUT), voilà, tout le reste était absolument vide, jusqu’au dernier gramme (une serveuse était d'ailleurs en train de débarrasser les plats vides, et de tout nettoyer). Une machine à café et des bouteilles d’eau en libre accès, aussi. Face à ce coin buffet visiblement apprécié se situent des petites tables pour deux avec des banquettes en velours, qui étaient toutes occupées.
Pendant qu’on se situe dans ce « coin buffet » délaissé par les autres clients faute de victuailles (enfin un peu d’espace dans ce club bondé !!), un couple tout à fait élégant nous dévisage et s’approche de nous. Et là, ça ne s’invente pas, la femme nous aborde tout de go de la sorte : «
Vous n’étiez pas au concert de … tout à l’heure à la Philarmonie ? ». Ca alors, mais si !!! Je ne les aurais jamais reconnus, mais eux, visiblement, nous ont bien identifiés ! On discute quelques instants, mais le dialogue est vraiment rendu mal aisé par la musique immonde et assourdissante. En tout cas, on n'en revient pas : des frères d'armes dans ce lieu ! Ils nous expliquent qu’ils ont un abonnement dans plusieurs salles de concert de Paris, et que quand ils viennent à la Philarmonie, à l’occasion ils font après un tour dans ce club. Mais ça alors !!! Je suis bouche bée, je n’en reviens pas !!! Ce club kitsch à souhait, bondé et si hétéroclite, ils y viennent quand même (et y reviennent, donc, visiblement) !!! On rigole ensemble, dit qu’il faut qu’on prenne un verre ensemble, et proposons de nous retrouver un peu plus tard.
Nous abandonnons donc quelques instants nos complices mélomanes, le temps de finir notre tour. En poursuivant le parcours, on découvre une porte gardée par un vigile. Il surveille l’accès à « l’espace couple », autrement dit, « hommes seuls interdits dans cette partie ». Il s’agit de deux pièces de taille moyenne. Dans la première, en contournant un mur qui permet de bloquer les regards extérieurs, on découvre une immense banquette en velours rouge, séparée en son milieu par des barreaux. Et là, l’hallucinante diversité observée à la piste de danse se confirme : à gauche de la banquette, deux femmes très, très peu privilégiées physiquement sont en train de se faire prendre, chacune par le compagnon de l’autre. Les deux femmes se roulent de copieux patins tandis que chacune se fait prendre en levrette. Parfois, leurs bouches se descellent, le temps pour l’une ou l’autre de gueuler son plaisir. La scène surprend nos yeux : entre le porno dont toutes les actrices sont solliconnées, les pubs et les magazines où les mannequins sont photoshopés, etc., nous perdons l’habitude de voir des corps âgés, peu privilégiés. Je suis sure qu’un ou une autre que moi aurait pu écrire : « cette scène est très peu esthétique », disons plutôt que c’est une scène de porno « vraiment réelle », avec des « vrais gens réels » que l’on n’a jamais l’habitude de voir représentés nulle part, à force d’observer des films avec de « faux gens » retouchés au bistouri, au laser, siliconés de partout et encore photoshopés après. En tout cas, les quatre partenaires ont l’air de prendre un plaisir fou, dans leur attelage « double levrette de face » assez spécial… A droite de la banquette, six personnes sont par contre en train de baiser sans fougue, dont deux couples particulièrement jeunes, mignons comme tout, mais comment expliquer qu’il y ait si peu de passion dans leurs enlacements réciproques ? Tout d’un coup, tout cela me semble relever de la mécanique la plus élémentaire, des images de vis et de pistons me traversent l’esprit, je cherche l’érotisme dans cette scène d’orgie dont tous les partenaires semblent si concentrés, à la façon d’une récitation de français ultra-chiante, alors qu’ils sont en train de mélanger leurs peaux, leurs sueurs et leurs plaisirs, ça devrait être sublime, débridé et exaltant, leurs mines devraient être réjouies, non ? Impossible de savoir, en tout cas, qui était le partenaire de qui : pas de regards particulièrement complices qui auraient pu trahir les couples. Nous restons plusieurs minutes, S. et moi, dans cette zone « couple » où nous sommes tranquilles, à observer ce spectacle, nos yeux allant de droite à gauche des barreaux séparant en deux cette grande banquette, d’un érotisme à l’autre, de la double levrette avec jointure par les lèvres des filles face à face, à l’orgie à six de jeunes à la mine grave et concentrée… Toujours dans l’espace couple, une autre pièce se compose d’une grande banquette en « décor zèbre », avec par-dessus des coussins « décor vache » (cf. cette photo provenant de leur site), avec là aussi des barreaux, et au fond de la pièce, un grand fauteuil conçu spécialement pour que Madame s’assoit, le dossier est très penché en arrière ce qui lui surélève les jambes et les fesses, et Monsieur n’a plus qu’à s’approcher, lui debout, pour la prendre dans cette position, en prenant les jambes de Madame sous le bras.
Nous sortons de l’espace couple, pour poursuivre le tour de ce club, décidément très grand. A côté se situe une petite salle que le club appelle pompeusement « cinéma coquin », disons que c’est une petite salle avec deux rangées de trois sièges chacune, et une alcôve. Cette photo reproduit très fidèlement cette petite pièce :
Parlons-un peu de ce qui est projeté, en matière de film, puisqu’il s’agit donc d’un « cinéma »… Dès que mes yeux se posent sur le grand écran, à la 1
e seconde j’en viens à cette conclusion : ce n’est pas un film récent. L’actrice est en effet typique des actrices porno des années 70 / 80 : blonde à boucles permanentées, cheveux courts, tous petits seins, chatte ultra poilue, pas anorexique (de vraies cuisses, notamment). Autour d’elle, à l’image, 6 ou 8 hommes l’entourent, et se partagent les faveurs de sa chatte, en missionnaire. C’est donc un gang-bang. Ce qui colle parfaitement, mais alors parfaitement à l’ambiance de cette petite salle de ciné coquin : tandis que nous entrons avec S., la salle est vide. Comme je veux observer quelques minutes le film, on s’assoit dans la petite alcôve rose, que l’on voit à droite de la photo. Quasi instantanément, la salle se remplit de… je ne sais pas, peut être 15 ou 20 hommes seuls ( !! et oui, vu le monde dans ce club, une femme peut aisément attirer 20 hommes !), qui viennent s’agglutiner à l’alcôve où je me trouve, et même se dresser carrément face à moi, formant ainsi un « mur d’hommes », qui me coupe totalement la vue du film ! La scène est clairement oppressante : je suis assise à côté de S., et en moins d’une minute, voilà qu’une 15
e d’hommes seuls nous font face, comme pour nous « enfermer » dans l’alcôve ! Je me sens tellement étouffée par cette configuration que lorsqu’un premier fait le mouvement d’approcher sa main vers ma poitrine, je le repousse sans aucun ménagement. Là, je vois les 14 autres profondément dubitatifs, en train de se demander si je l’ai repoussé
luiparce que
lui ne me plaisait pas, ou bien si je fuis par principe tout contact extérieur à mon couple. S. douche rapidement leurs espoirs, il leur demande de l’air et de l’espace pour voir l’écran, d’un ton terriblement sec et autoritaire. Certains d’entre eux quittent la salle, d’autres vont s’asseoir sur les sièges, l’air d’attendre si par hasard, ils ne pourront pas quand même grappiller quelques caresses tout à l’heure. Quelques mots sur le film, donc, maintenant que la vue était dégagée :-) En fait, on ne voyait pas spécialement grand-chose (d’explicite dans les scènes de sexe, je veux dire). Les sexes des hommes qui entouraient l’actrice à la chatte très poilue, certes. Celui qui la prenait (la place tournait, évidemment) était en missionnaire sur elle, on voyait les fesses masculines s’agiter plus qu’autre chose. De temps en temps, lorsque le partenaire masculin changeait, on pouvait voir que le précédant avait éjaculé dans la chatte de l’actrice, ou sur les poils de son sexe. Pour les quelques instants où nous sommes restés, nous n’avons donc rien vu de plus olé olé que des missionnaires. Pas d’anal, même pas pipe pendant que l’actrice était prise… Ca me faisait penser aux films érotiques qui passaient le dimanche soir sur M6, au temps de mon adolescence, c’était un peu coquin mais quand même ultra soft, on voyait surtout des fesses qui bougeaient en cadence… Et là, je ne critique aucunement le choix : je crois que j’aurais détesté observer un film ultra-moderne, avec une actrice donnant l’impression d’avoir 15 ans, aux seins gonflés à l’hélium avec deux étalons aux bites de 35 centimètres qui l’auraient prise en double anal… Avouons aussi que ce choix un peu ancien et soft est probablement moins excitant pour les hommes que ne le serait un porno façon « Pornhub » (le porno moderne se veut efficace, sans perte de temps, objectif décharge directe) : ça évite certainement que le « ciné coquin » ne devienne une salle de branlette collective…
Bon, poursuivons le tour… (ici, mon petit plan maison, basé uniquement sur mes souvenirs !)
A côté de cette petite pièce de projection de films érotico-softs, deux alcôves – point très positif : toutes les alcôves « mixtes » peuvent être verrouillées de l’intérieur. Ce qui est quand même plus qu’appréciable dans un club aussi fréquenté, pour éviter les gigantesques attroupements dès qu’il commence à « se passer quelque chose »… Point négatif : aucune ne permet pour autant (si j’ai bien observé, mais je n’en suis pas non plus sure à 100%) une intimité totale : si les portes se verrouillent, elles ont un hublot assez large, permettant aux malheureux laissés à l’écart de la fête d’au-moins se rincer l’œil… Durant notre tour (il doit être quelque chose comme 23h30), rien de chaud dans ces deux alcôves, en tout cas...
Nous poursuivons : à côté, un authentique et très grand glory hole noir : une porte permet à 2 à 4 femmes de s’enfermer dans l’espace, une sorte de grosse boîte rectangulaire dotée de multiples trous à toutes les hauteurs. Les hommes à l’extérieur peuvent quant à eux se situer autour de la « boîte », et glisser évidement leurs extrémités (doigts, sexes) dans les trous, charge aux dames de comprendre ce qu’ils attendent… Bon, c’est la pure mythologie de la femme « grosse gourmande » qui a envie de « lécher des bites » voire « boire du foutre » à la chaîne toute la nuit, et ce sans même entrapercevoir le visage des propriétaires desdites extrémités… Mythologie qui me laisse éminemment, mais alors éminemment sceptique : si une seule femme quelque part sur terre est excitée à l’idée de cette pratique, j’en serai plus que surprise… Du reste, durant tout le temps de ma présence au Quai 17, je n’ai vu aucune présence féminine à l’intérieur de ce grand glory hole (tu m’étonnes !).
En face, deux salles de bain avec douches, une pour les hommes, une pour les femmes, et dans cette seconde il y avait une file d’attente pour entrer dans le lieu, donc j’avoue avoir juste passé la tête dans la pièce, et en être sortie aussitôt : je n’ai donc pas d’avis sur la propreté et le confort de ces installations…
(la file d'attente tristoune m'a immédiatement fait venir en mémoire "Au Suivant" de Jacques Brel, dans une version féminine de cette humiliation du bordel à la chaîne...)Enfin, d’autres petites pièces d’alcôves, sur le même modèle que les premières : porte avec hublot qu’il est possible de verrouiller, dedans une banquette, des coussins, des mouchoirs et capotes, une corbeille. Une seule salle est « en action ». La porte est grande ouverte. Mais on ne voit rien sinon un attroupement : visiblement, une femme est en train de se faire baiser, mais il y a tant d’hommes agglutinés autour de la scène que nous n’en voyons strictement rien. On entend, un peu, avec le désagréable constat que dans ces alcôves, la musique du club est tout aussi assourdissante. Nous comprenons que les hommes changent de configuration, qu’un système de file d’attente s’organise. Les prétendants se préparent, enlèvent pantalon et slip et se caressent frénétiquement dans la file. Rien là qui puisse être appelé harmonieux ou splendide, c’est le moins que l’on puisse dire. La scène me déplait, me met mal à l’aise, il y a quelque chose de languide, de vaseux dans cet attroupement, avec ses peaux moites et ses bruits d’astication frénétiques, ces pauvres râles étouffés par quelques commentaires méprisants, tous ces organes ostentatoires mais tristes, déprimés, toutes ces gueules blafardes de mec qui sont prêts à ça, simplement pour ça. Tristesse et solitude d’un l’érotisme âcre, rèche, dans ce genre de lieux.
Au bout de ce périple de « découverte des lieux », on revient à notre point de départ (l’entrée du club), car le « chemin » fait en fait un carré autour du grand bar. On remarque alors le fumoir, que nous n’avions pas vu à l’arrivée. S. veut fumer une clope, comme d’hab il n’en a pas sur lui, on ressort quelques instants dans le sas rouge, car la jeune fille qui tenait le vestiaire en propose. Elle n’a que des Marlboro, 15€ le paquet, c’est le double du commerce, mais c'est comme ça dans toutes les boîtes de nuit. Vendu. Retour dans le club, et là, un client du club nous explique que le fumoir ici a un charmant petit nom (vraiment charmant, mais alors vraiment vraiment charmant) : "la chambre à gaz". Du meilleur goût..!!!! Et en même temps, quand nous poussons la porte vitrée du fumoir quelques instants plus tard, nous comprenons instantanément la raison de la référence ! La pièce est immense, le sentiment de profondeur est du reste accentué par le fait que plusieurs murs sont entièrement recouverts de miroirs. Il y a un monde fou, peut-être 50 personnes assises là dans cette très grande pièce en train de fumer, et un espèce d’épais brouillard de fumée, qu’on a l’impression de pouvoir toucher, flotte en suspension dans la pièce (le système de ventilation doit quand même être à vérifier, j’imagine !). L’image que j’observe alors est d’une infinie tristesse. 50 personnes au moins assises là, comme des idiotes, en train de tirer sur leurs clopes dans un silence parfait, avec en bruit de fond la musique immonde (enfin en tout cas, tout sauf sensuelle) et les gens qui toussent régulièrement, avec au centre de la pièce cet espace d’épais nuage de fumée dans lequel je n’osais clairement pas m’enfoncer… Et pour tout dire, je le jure, S. n’a même pas fumé ! (alors qu'il venait d'acheter des clopes pour ça !). Ça lui a coupé l’envie, je le comprends. Il est entré 30 secondes dans ce décor de désolation, en est ressorti aussitôt, pas envie de s'enfoncer dans le nuage compact de fumée, qui piquait les yeux !
Voilà, fin du tour de piste, on a à présent fait le tour du propriétaire, comme deux parfaits débutants dans un nouveau lieu, en se tenant tendrement la main, maintenant qu’on connait la configuration se pose la question de :
on fait quoi, on va où, avec qui ? D’autant que, après cette visite, ni lui ni moi ne sommes franchement excités. Ce décor de velours rouge typique de tout le kitch de l’érotisme, cette ambiance de quai de Gare bondé, ces mecs malotrus dans la petite salle de ciné coquin, aucune scène sexuelle vraiment captivante… bof… Du reste, nos complices mélomanes qui nous avaient reconnus de la Philarmonie et abordés tout à l’heure me semblent perdus pour de bon : comment les retrouver parmi tant de monde ?
Finalement, nous nous entendons pour retraverser le club pour retourner dans l’Espace Couple : c’était encore le coin le plus « tranquille » et érotique. On repasse devant le bar, la piste de danse, j'observe à nouveau et les gens me semblent crever de solitude, de tristesse et d’ennui… Finalement, dans ce lieu censé être de luxure et de libre-pensée, j’observe plus d’errance que de liberté… Je pense même que ceux qui viennent là en espérant un peu de compagnie, de chaleur et de tendresse doivent en ressentir une amère recrudescence de solitude, plus noire encore qu’à leur arrivée…
Retour à l’ « espace couple », au bout de toutes ces impasses érotiques, ces façons marécageuses d’assouvir son très légitime besoin d’être touché, de se sentir exister et aimé, y aura-t-il une lumière ? Une issue d’une beauté anéantissante ? Qui sait… Je n’écris évidemment pas cela au hasard : dès lors que nous pénétrons à nouveau dans ces pièces gardées par un vigile, qui sont, comme tout à l’heure, si peu fréquentées, je suis comme instantanément « ramenée à mon désir » par le plus beau bruit du monde. De la seconde pièce de « l’espace couple » (celle avec la banquette en zèbre et les coussins en vache), traversant furieusement l’espace, arrive à mes oreilles le beau râle, le hurlement insensé d’une femme qui jouit, de plus en plus fort, de plus en plus longuement. Une musique qui m’a toujours rendue dingue. J’attends, j’écoute, je retiens mon souffle, elle hurle littéralement, son cri est flamboyant et d’une puissance insensée, je reste là, passionnée par ce son prodigieux… Nous entrons dans la seconde pièce, pour l’apercevoir dans le fond, d’une séduction certaine, raffinée, revenir à elle après ce grand orgasme, dans les bras d’un homme qui semble bien être son compagnon (beaucoup de complicité entre eux, de regards tendres). J’ai envie de me jeter sur elle, lui parler, tout lui exprimer, combien son cri a représenté à mes oreilles toute la poésie du monde, plus encore : la quintessence de toute la poésie du monde, une beauté digne de suivre une soirée à la Philarmonie, clairement… A côté des couples qui tout à l’heure tournaient amèrement sur eux-mêmes, comme noyés en plein dépit, quel contraste, quelle magie ! Je regrette de n’avoir pu, du reste, l’observer dans sa jouissance, voir son râle fou la défigurer, dans le sens d’une indescriptible splendeur de plaisir… En attendant, comme elle est dans le fond, je m’assois sur la banquette de l’entrée, avide de pouvoir toucher le sexe de S., que rapidement je prends dans la bouche… Lui ne met pas longtemps à m’allonger sur le dos, à remonter ma jupe et à me prendre d’autorité… Et là, il se passe ce truc magique : nos complices dans la pièce ne sont pas du tout en train de se rhabiller, tout le contraire, ils remettent ça, et les gémissements ardents de la splendide femme commencent à reprendre… Si j’espérais de cette soirée un trouble extraordinaire, il est bien là : nos râles de plaisir se superposent, se confondent, ou par moment semblent se répondre… Comme si son plaisir – qu’elle extériorise d’une si belle manière - influait directement sur le mien, et vice-versa… Le désir sensuel que j’éprouve confusément à l’entendre crier me transporte dans un autre monde, je ferme les yeux, je l’entends et je savoure S. en train de me prendre, c’est magique et splendide… Comme quoi, même dans un endroit aussi triste, poisseux et désespéré que ce club, empli de mille solitudes qui viennent se mélanger sans joie, la Beauté, l’érotisme absolu peuvent jaillir… Comme il fut d’ailleurs cent fois écrit par les poètes que la solitude peut engendrer l’amour, que la nuit peut engendrer la lumière, que c’est même leur noblesse - et toute leur saveur sacré - de surgir de l’inattendu, qu’il ne faut jamais désespérer d’attirer à soi le caché des choses, et de s’enivrer de toute ivresse inattendue… D’autant que nous sommes absolument seuls dans cette pièce, pas un observateur ne vient troubler notre brûlant mélange sonore… Là nous vivons tous les quatre, il me semble, un très beau moment, haletant, dévergondé, plein de vertige et de plaisir… Je jouis évidemment la première, mais elle ne tarde pas à me rejoindre, elle pour la seconde fois (ou plus ?).
Après cela, je suis prise d’une furieuse envie de ne pas la laisser passer, de pouvoir lui donner au moins un prénom, une réalité… C’est son compagnon qui propose joyeusement que nous prenions un verre ensemble « après ce grand moment »… Problème, dès que l’on sort de l’espace « couple » (qui était miraculeusement peu fréquenté alors que le reste du club est bondé, je ne me l’explique pas), c’est comme si on remettait les pieds dans un monde moche, bruyant, tout sauf accueillant… Au bar les gens semblent immobiles et fixer le vide, des statues en minijupe ou en chemisettes sirotent des verres, il faut hurler aux serveurs ce que l’on veut pour parvenir à faire entendre sa commande, tout cela redevient si différent du moment de magie partagé… On renonce d’un commun accord au verre partagé, l’élégante complice de mon moment de plaisir prend juste un papier sur le bar, parvient à trouver un stylo, me griffonne son numéro, un prénom (L.), et me le tend en me disant « prends bien soin de toi, appelle moi cette semaine, sinon, dans 7
jours, même heure même endroit, on remet ça ? ».
A nouveau une horde d’hommes seuls tentent de m’entrainer dans le « cinéma coquin », je décline, après un tel moment je préfère quitter le lieu…
En sortant sur le trottoir, en attendant le taxi, je me sens curieusement bien. Je pense à la nuit qui me tend les bras, la nuit merveilleuse, belle comme une cérémonie, je pense aux rendez-vous secrets des amants sur les quais, sous un pont ou dans une chambre, à leur baisers enflammés et à leur ardeur à se retrouver, se prendre et s’aimer, je pense aussi à cette merveilleuse L. dont les cris de plaisirs résonnent tant dans mes pensées, ma merveilleuse complice, nous reverrons-nous ?
Nota : la plupart de mes amis, à qui j'ai dit que je traversais actuellement une épreuve personnelle douloureuse - pour expliquer que je ne réponde plus quelques temps à leurs contacts - seront surement surpris de voir un nouvel article ici. Il a été écrit il y a si longtemps ! Je ne fais que le publier, ce soir. Parce que j'ai juste envie, l'espace de quelques minutes, de penser à autre chose. C.