Il aurait tout pour nous plaire, le string. Cette façon d’exposer deux fesses masculines luisantes comme des petits pains sortis du four et aussitôt enrubannés. C’est si osé, si sexy… bref si gay! Enfin, c’est ce que l’on dit. Car en réalité, cet accessoire est boudé sur les plages gay de Sitges, mal vu dans les vestiaires de gym de Los Angeles et moqué dans les soirées underwear de Berlin. «Assumer le port d’un string requiert des nerfs – et des fesses – en acier», prévient Glenn O’Brien, gourou de la mode masculine pour le magazine «GQ». «Les femmes en portent pour éviter les marques de sous-vêtements, un problème que les hommes rencontrent rarement. Au mieux l’utilisation de string est indiquée si vous portez une combinaison collante pastel en spandex pour le patinage artistique.»
Les Chippendales, fesses luisantes et lycra au cul, au tournant de la dernière décennie du XXe siècle.
Il y a du vrai. Le string masculin s’est imposé au XXe siècle chez les danseurs de ballet, un art où rouler du cul en toute liberté est une nécessité impérieuse. De là, il a conquis les clubs de culturisme, où il a éveillé quelques fantasmes. Dans l’Amérique des années 1960, les jeunes modèles des revues de «physique» l’enfilent pour inspirer des érections secrètes chez les pères de famille et les curés de campagne. L’adoration du string atteint son zénith dans les années 1980, quand les Chippendales arrachent les velcros de leur smoking pour révéler leur string à paillettes.
Humiliation et rigolade
Du supplice de la cour d’école aux délices de la chambre à coucher: le ouatche (wedging).
Mais à la fin du siècle passé, le tissu délicat du string est entaché de manière irrémédiable: il appartient déjà au monde de la lingerie féminine! Or s’il y a une pièce de vêtement que le gay moyen ne peut pas raisonnablement emprunter à sa meilleure copine, c’est bien son slip. Dès lors, «string
pour homme», devient un terme aussi improbable que «collants pour messieurs» ou «manucure unisexe». Le voilà rangé dans les «gift shops» qui fleurissent dans les années 1990. Gadgétisé, le string fait fureur aux enterrements de vie de garçon et dans divers bizutages. La ficelle au cul y évoque l’humiliation et la rigolade du «wedgie» (parfois francisé en «ouatche»): le remontage de slip dans la raie des fesses, supplice favori des préaux d’écoles primaires.
Les fans du string n’ont que faire des gloussements et des jugements portés sur ce sous-vêtement minimal.
«Ringard, pathétique, freak…» Les fans du string n’ont que faire des gloussements et des jugements portés sur ce sous-vêtement minimal. Ils s’aiment en string et le font savoir. Sur le chat DataLounge, un avocat de Wall Street (ou prétendu tel) s’enthousiasme: «C’est si subversif de savoir que j’en porte un sous mon costard Brooks Brothers!» Le célèbre youtubeur Davey Wavey a approfondi le sujet par une vidéo en forme de test comparatif, «Jockstrap vs string pour homme». Le premier, selon le blondinet et son acolyte, procure une sensation «athlétique» et suggère le parfum des «vestiaires»; quant au second, il évoque un «délicieux» sentiment de «nudité» et des envies «coquines».
Croupes offertes
Un string se rencontre parfois en vadrouille sur les aires d’autoroute…
Confirmation sur les Tumblr stringophiles. «Men in thongs», par exemple, propose une intéressante collection de selfies aux poses stéréotypées. Beaucoup de fans se prélassent sur le ventre, avec le dos cambré pour laisser apparaître une croupe offerte, partagée par l’indispensable ficelle. Vous le pensiez homo-érotique? Non: le string est
auto-érotique. Et à ce titre, il ouvre des horizons commerciaux prometteurs.
Introuvable en magasin, le string fait en effet les beaux jours des détaillants en ligne. Chez Freshpair, il représente 16% des modèles présentés, chez Men’s Underwear Store 12%. Idem chez le britannique DeadGoodUndies, très actif sur le marché gay. Le string représente carrément 27% de l’assortiment, contre 6% de jockstraps.
Dernier cri (d’horreur) du string: le modèle asymétrique, ici présenté par l’acteur anglais Bobby Norris, pour le plus grand bonheur de la presse tabloïd.
Les modèles se succèdent, du sportif en élastane à l’exhibitionniste en nylon transparent, en passant par les dentelles. Parmi les hits du moment: le string asymétrique, qui couvre le sexe, épouse une hanche et replonge entre les fesses. Oserez-vous? semblent demander chacun de ces modèles au client potentiel, dans la confidence de sa connexion internet. Sans doute sont-ils nombreux – homos comme hétéros – à relever le défi.
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