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Paulita Pappel est une performeuse, réalisatrice féministe espagnole et directrice du PornFilmFestival Berlin. Malgré ces diverses activités qui lui prennent déjà beaucoup de temps, elle a décidé de se lancer dans une nouvelle aventure : le site Lustery. Nous lui avons demandé de nous expliquer plus en détail son projet, un site de vidéos « faites maison » par des vrais couples.
Bonjour Paulita, nous allons parler aujourd’hui de ton nouveau site Lustery. Peux-tu nous dire quel est le type de contenu proposé ?
Lustery n’est pas une expérience cinématographique, esthétique ou artistique, c’est simplement du sexe. Ce qu’on appelle le « porno pour femmes » est souvent associé à une esthétique très soignée. Même si j’aime en regarder et que je trouve ça sexy, ce n’est pas le porno qui me donne envie de me toucher. J’ai l’impression d’être loin de ce que peut ressentir un homme quand il a décidé de se masturber devant une scène. Alors je me suis posé la question : quel serait le porno qui me rapproche le plus de cette expérience ? En travaillant avec Ersties, je me suis rendu compte qu’à partir du moment où il y a quelqu’un pour réaliser une vidéo, il y a forcément une performance. Dès lors comment réussir à capturer le sexe de la manière la plus réaliste et intime possible ?
Et bien pour moi Lustery c’est ça. C’est la simplicité même : deux personnes, une caméra et capturer cette intimité et énergie sexuelle qui m’excite. J’aimerais aussi savoir si c’est le cas pour d’autres femmes. J’ai demandé à ce sujet leur retour à beaucoup d’entre elles. Un de mes objectifs est de réussir à faire du porno attractif qui puisse être aussi un support de masturbation pour les femmes.
Je n’aime pas l’expression « porno amateur » qui en plus d’être mal connotée aujourd’hui, signifie que ce n’est pas payé. Chez Lustery nous payons évidemment nos modèles car le porno éthique passe aussi par un salaire digne. Quand je regarde un gang bang, ça m’excite mais je me dis « Mon Dieu dans quelles conditions est-ce que ça a été tourné ? » ou alors je suis sur YouPorn et je regarde quelque chose qui me plaît mais sur le côté il y a toutes ces pubs comme « Des mamans veulent te baiser« , ça me coupe l’envie et me dégoûte un peu. Je veux créer un environnement accueillant pour que les femmes se sentent les bienvenues et qu’elles soient à l’aise pour explorer. Qu’elles aiment ou non c’est autre chose, mais qu’au moins elles ne se sentent pas agressées.
Si je comprends bien, tout le monde pourrait être dans Lustery ?
Oui, c’est ouvert à tous les couples sans distinction, il suffit de postuler sur le site ou de m’envoyer un mail. Le seul prérequis est qu’il y ait un historique sexuel entre les deux partenaires. Nous voulons des personnes qui connaissent le corps de l’autre et qui se filment elles-mêmes. Je veux voir la sexualité privée des gens dans la vraie vie. Je veux voir à travers leurs yeux. Je veux me détacher du mainstream où on scénarise même les positions. C’est ce qu’on est en train de faire chez Lustery et j’ai l’impression que ça fonctionne.
Je discute toujours avec les couples au préalable, pour leur donner des précisions techniques à propos de la manière de filmer ou sur la lumière. Je leur dis toujours : « Ne me montre pas ce que tu penses que le public à envie de voir, montre moi ce que toi tu aimes regarder. Qu’est-ce que tu aimes chez ton partenaire ? Son visage ? Alors montre moi ça. Je veux voir comment tu aimes baiser avec ton partenaire. » Nous avons aussi une partie blog et j’aimerais qu’elle devienne un véritable espace de dialogue. Vous pouvez me poser toutes vos questions. Allez-y !
Tu sembles investie et très enthousiaste à propos de ce nouveau projet.
Oui, je suis un peu amoureuse de tous ces couples qui nous ont envoyé leur vidéos, je suis surexcitée chaque fois que j’en reçois une nouvelle. Le seul problème c’est que parfois ils rompent. Heureusement certains couples continuent de se filmer pour nous. Dans ce cas, pour varier le contenu qu’on propose sur Lustery je discute avec eux de leurs envies du moment. Si par exemple ils sont en train d’essayer un gode-ceinture je leur propose de filmer ça.
Lillie et Stephen
Un des couples m’a dit qu’ils commençaient à se mettre à l’anal, j’étais partante pour qu’ils se filment dans ce cadre, mais je leur ai bien précisé que je ne voulais pas que ce soit filmé comme du mainstream : « Hop je t’attrape et bam je te prends par le cul ! ». Qu’on soit d’accord, le mainstream n’est pas grave en soi, je trouve ça bien qu’il y ait du porno fictionnel, mais c’est tout aussi intéressant de montrer la réalité finalement. Je ne veux pas voir uniquement le résultat final mais plutôt le chemin qui y mène. Au final, leur scène rend très bien, on peut voir comment ils testent un plug anal, puis un plus gros, on l’entend demander à son partenaire d’y aller doucement… C’est réaliste !
Il me paraît important de pouvoir montrer du sexe réel, pour donner une référence au public de comment se passe telle ou telle pratique en dehors du contexte du porno, qui est fait par des professionnels. C’est encore plus vrai avec le sexe anal d’ailleurs. Les gens critiquent (à raison) le fait que dans le porn on ne voit que des choses extrêmes qui requièrent une certaine expérience, ainsi qu’une préparation, comme les lavements par exemple, que tu ne vois pas à l’écran. Il ne faut pas oublier que ce sont des professionnels justement, un peu comme les cracheurs de feu : on les voit faire et ça semble facile, mais ça ne veut pas dire qu’on peut faire la même chose à la maison. D’ailleurs, il y a aussi des professionnels sur Lustery car cela m’intéresse beaucoup de voir leur sexualité réelle et privée. J’ai même contacté Amarna Miller et Kimberly Kane pour notre catégorie « Pornstar », car je pense qu’il est intéressant de voir la différence entre le sexe quand ils performent et celui de leur vie intime.
Lina et Mickey dans leur vidéo faite maison
Est-ce que tu arrives à produire quelque chose de différent de tout ce que tu as l’habitude de regarder ?
Dans mon travail pour le PornFilmFestival je regarde beaucoup de porno, de beaucoup de styles différents et il me semble que l’avenir du milieu est justement dans cette diversité. C’est le seul moyen que nous ayons pour atteindre une révolution sexuelle. Le porno n’a pas l’obligation d’être éducatif. Il faut que l’éducation sexuelle vienne d’ailleurs : des institutions, du gouvernement, des écoles, des parents… Cependant, il en a le potentiel, tout en restant hot et sexy et c’est ce que j’essaie d’explorer. Un des buts du porno féministe, alternatif, éthique et indépendant est de déstigmatiser le format et de l’élever au même rang que les autres genres artistiques.
Paulita Pappel
À partir du moment où on considère le porno comme un format artistique à part entière et non comme quelque chose de bizarre ou de différent, il faut chercher une nouvelle nomenclature et de nouvelles définitions. Le porno c’est un media audiovisuel comme le cinéma, on devrait pouvoir le catégoriser de la même façon : fiction, documentaire… Ce sont des termes qu’on peut très bien appliquer au porno : par exemple le mainstream, c’est de la fiction où tout est scénarisé, même le sexe, mais Lustery, c’est du porno-documentaire puisque c’est la capture de quelque chose de réel. Il faut que les gens puissent regarder différents types de porno et décider de ce qui leur plaît ou non. Je pense que beaucoup de gens n’achètent pas de contenu car ils veulent un porno différent et qu’ils ne le trouvent pas. C’est à nous de leur proposer pour que chacun puisse choisir. Plus il y aura de variété mieux ce sera.
Lenore et Jack, un couple de Berlin
Tu as également choisi de t’affranchir d’une partie des tags et de la catégorisation classique du porno mainstream…
J’aimerais qu’on en finisse avec tous ces tags racistes et misogynes, il faudrait que l’industrie arrête de les promouvoir. C’est pourquoi avec Lustery j’ai essayé de ne jamais mentionner des tags comme « interracial » qui me choquent vraiment. Il faut se rendre compte que tous les tags porn qui sont en rapport avec le corps catégorisent uniquement le corps de la femme : petits seins, gros seins… Et quand on dit « shaved » c’est toujours « shaved pussy ». Le corps masculin n’est jamais catégorisé comme ça. Donc j’ai fait en sorte que sur Lustery quand on clique sur « shaved pubic hair », ça concerne aussi bien les femmes que les hommes. Cela évite de faire du corps de la femme le seul objet de désir. J’ai aussi modifié certains termes comme « titfuck » en « tits meet dick », pour que ce soit moins dénigrant. Je cherche également d’autres tags qui pourraient être intéressants comme « laughing » : j’adore quand les performers rient pendant une scène, c’est trop mignon.
Il faut prendre conscience de comment on parle du porno. La façon dont on utilise le langage est importante, il faut le faire de manière consciente pour faire enfin bouger ce status quo sexiste et raciste qui pèse dans le milieu.
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Le Front National prétend défendre les droits des femmes, les féministes dénoncent cette imposture.
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