Le BDSM (Bondage et SM) n’est pas nouveau. Mais le site américain insex.com est allé un cran plus loin que la production de vidéo pornographiques, en proposant à ses membres inscrits d’interagir en direct avec les modèles embauchés pour le site. Insex.com n’est plus aujourd’hui qu’une archive. Le site a été remplacé par Realtime bondage, soit le bondage en temps réel. Par le biais d’un vote électronique, les membres choisissent les instruments de supplice, les positions ou les scénarios. Ensuite, le spectacle live peut commencer. Le dominateur fait l’interface entre les internautes et le sujet dominé. Ce concept, montré comme de la science-fiction dans le célèbre Videodrome de David Cronenberg, est finalement devenu réalité.
Plutôt que de fustiger ce site et le considérer comme le tout-venant d’Internet, les réalisatrices Anna Lorentzon et Barbara Bell ont décidé d’aller voir l’envers du décors et d’en faire un documentaire intitulé Graphic sexual horror. Leur curiosité va nous amener à voir comment se fabrique l’énorme masse de pornographie disponible sur le net, et notamment les sites payants qui attire une clientèle fidèle.
A première vue, ce que propose le site est à la fois horrible et fascinant. D’un simple clic, on peut décider du destin de la « victime ». L’ambiance créée est assez trash et proche du snuff movie. Nous sommes loin d’une pornographie propre. Les images, qu’elles soient mises en scène ou non, dérangent. Comme dans tout contenu BDSM, les accessoires catalyseurs d’érotisme sont fort nombreux : cordes, poulies, pinces à tétons, colliers, chaînes, un attirail qui laisse des marques sur la chair. Le film se concentre sur la mise en scène de ces images parfois horribles. De manière surprenante, on y découvre que les moyens de production ressemblent à ceux d’un film « normal » et qu’il y a une multitude de trucs et de ruses pour faire croire à « l’horreur » endurée par les jeunes femmes.
Il y a les décors, sortes de donjons souterrains aux murs couleur rouille. Il pourrait y faire froid mais lorsque l’on assiste au tournage, il y a deux énormes chauffages d’appoint. Le réalisateur fait de la direction d’acteur afin de faire croire aux membres d’Insex.com que la fille est dans une position réellement difficile à supporter. En vrai, toute une équipe est à ses petits soins et on lui demande régulièrement si tout va bien. Les corps sont parfois maintenus dans des positions extrêmement bizarres mais les filles sont toujours consentantes.
Le documentaire fait la lumière sur la personnalité de PD alias Brent, le fondateur du site, Spielberg du torture porn. Il explique la façon originale dont il a découvert le bondage dans sa jeunesse et comment il a finalement réussi à accepter ses goûts (grâce à un voyage au Japon, royaume du shibari). On y voit de nombreux extraits de ses films expérimentaux qui l’ont finalement mené à fonder son site Internet, ainsi que d’étonnantes toiles qu’il a peintes.
Les femmes employées par Insex sont également interviewées. Elles racontent comment elles ont connu le site web, comment s’est passée la rencontre avec les auteurs et quelles sont leurs réelles motivations pour faire cela. Pas de langue de bois, c’est surtout l’argent facile qui séduit les jeunes femmes, parfois en précarité financière. Plus dérangeant, moins moral, certaines jeunes femmes acceptent le boulot car elles n’ont pas d’argent mais aussi parce que leur contexte social et psychologique n’est pas vraiment rose. Vu le panel des personnalités, cela semble être tout de même une exception. La plupart des filles ne prennent pas vraiment plaisir à faire cela, mais s’appliquent à la tâche pour toucher leur cachet.
Autant Insex a l’air trash et crado, autant les modèles sont protégées de tout. Le documentaire montre par exemple les vidéos faites avant le shooting proprement dit. Elles sont interrogés et disent ce qu’elles sont venues faire ici. On leur demande si tout est bien clair, si elles acceptent de faire ceci ou cela, quels sont leurs goûts ou leurs limites. Une preuve vidéo en somme, que toute l’entreprise est honnête et que tout le monde est consentant et bien conscient des risques encourus. Evidemment, c’est surtout le boss qui cherche là un moyen de se protéger de toute attaque juridique.
Il y a aussi l’élaboration d’un « safe word », qui ne peut-être parfois qu’un bruit puisque les femmes sont souvent bâillonnées. Parfois, les mises en scène vont vraiment très loin comme cette fille prisonnière d’une cage et immergée jusqu’au cou dans l’eau. Le dominateur la plonge alors à plusieurs reprises et exécute une simulation de noyade. Insex est donc un savant mélange entre art et pornographie extrême. PD avoue même puiser son inspiration chez les serial killers !
Même si tout est arrangé et bricolé, il arrive que PD dépasse un peu les bornes. Il atteint les limites de la fille, en lui donnant une vraie gifle par exemple, alors que ce n’était pas prévu. Elle pleure, elle a le choix d’arrêter, mais comme c’est supportable, elle n’utilise pas le safe word. A ce moment-là, on voit une réelle détresse qui rend la chose un peu dégoûtante.
Le documentaire devient vraiment surréaliste quand nous rencontrons les petites mains du concepteur. Le surnommé KGB est une sorte de ferronier SM qui fabrique les entraves et les cages. Une femme s’occupe du design des vêtements, notamment les combinaisons en latex ou en cuir. Bref, PD a son agence tous risques bien à lui.
Au final, on découvre des filles qui veulent gagner leur vie, qui sont à l’aise avec leur corps. En face, il y a un chef d’entreprise. Il veut gagner de l’argent mais fait son travail avec passion, et tient compte de l’aspect artistique et esthétique. Espérons seulement que les membres d’Insex.com aient le recul nécessaires et savent que tout est mis en scène, que l’on ne peut décemment pas laisser concrétiser ces horribles fantasmes impunément.
Graphic Sexual Horror est édité par Synapse Films en dvd, aux USA uniquement, et sans sous-titres.