Le respect est au coeur des pratiques BDSM et de l’échange de pouvoir érotique. Il en constitue l’un des principaux ingrédients. Sans lui, il devient bien difficile de faire quoi que ce soit. Pourtant, cette notion est l’une des plus complexes à bien définir et à mettre en oeuvre.
Le respect est l’une des pierres angulaires des jeux BDSM. Il y a soumission érotique quand le transfert de pouvoirs s’accompagne d’une dose de confiance, d’obéissance et de respect. À la base. Je ne reviens pas ici sur chacun de ces éléments, sinon pour examiner plus en détail la question du respect.
Qu’est-ce que le respect
Dans Ortolang (CNRTL), le respect est défini comme étant le « sentiment qui incite à traiter quelqu’un avec égards, considération, en raison de son âge, sa position sociale, sa valeur ou son mérite ». Par extension, c’est un « sentiment de vénération, attitude de révérence envers le sacré ». Et encore ceci : « Fait de se conformer à des règles, des prescriptions morales, sociales, religieuses. »
Ces éléments de définition se retrouvent illustrés de plusieurs manières dans la mouvance BDSM. L’usage du « vous » par exemple, par la personne soumise envers la personne dominante, figure d’autorité, de savoirs, d’expérience, etc. Celle-ci, à l’opposé, utilisera le « tu » en parlant à la personne soumise. Ce n’est pas une règle générale chez les pratiquants BDSM, mais c’est la situation que l’on croise le plus souvent.
Une autre expression de la notion de respect dans les pratiques BDSM? Le sentiment de vénération de la personne soumise envers la personne dominante. Ou encore, la conformité de la personne soumise aux demandes de la personne dominante. Ce qui se traduit par son obéissance.
Le respect est un contrat
Wikipedia nous propose une vue plus englobante du mot respect :
« Le respect (du latin respicere signifiant « regarder en arrière ») évoque l’aptitude à considérer ce qui a été énoncé et admis dans le passé, et d’en tirer les conséquences dans le présent. Il peut ainsi être question du respect d’une promesse, du respect d’un contrat ou du respect des règles d’un jeu. Dans ces exemples, le respect évoque l’aptitude à se remémorer le moment dans lequel un être humain s’est engagé, respectivement, à tenir sa promesse, à satisfaire aux conditions du contrat, ou à se conformer aux règles du jeu.
« Le respect, appliqué à un être humain, prend un sens plus proche de l’estime, et s’appuie sur l’aptitude à se remémorer les actes auparavant accomplis par ce même être humain, lorsque ceux-ci sont dignes d’être reconnus. Le respect ne doit pas être confondu avec la tolérance, car celle-ci n’a pas les mêmes motifs, et contrairement au respect, elle n’est pas incompatible avec le mépris. »
On dit souvent dans la vie courante que le respect se mérite. Ce n’est pas différent dans les pratiques BDSM.
Le respect, ça ne se demande pas. Ce n’est pas parce qu’une personne s’auto-proclame Maître ou Maîtresse, que le respect coule de source. Exiger le respect de l’autre quand nous en sommes nous-même dépourvu, c’est une route qui peut mener à cul-de-sac assez rapidement… Même résultat, quand la personne dominante ne tient pas ses engagements ou modifie les termes de l’entente de départ entre les partenaires au gré de ses humeurs.
Jan Saudek, The Deep Devotion of Lenka, 1992.
Entre l’acceptation et la non-acceptation de l’autre
Pour revenir à la définition offerte par Wikipédia, il est bien vrai que le respect, ce n’est pas la tolérance. Le respect, véritable, est une acceptation de l’autre, de sa singularité. La tolérance se rapproche davantage de la non-acceptation de l’autre, d’un refus, au mieux, d’un pis-aller. Tolérer, ce n’est pas accepter. C’est l’expression d’une indifférence, jamais très loin de l’hypocrisie et du mépris.
Combien de gens croisons-nous qui, sous le prétexte que ce sont des personnes dominantes, ne souffrent d’aucune discussion, d’aucune remise en question, quand ce n’est pas d’aucune question tout court? Combien de gens croisons-nous qui, sous le prétexte que ce sont des personnes soumises appartenant à X, refusent catégoriquement de marquer toute forme de courtoisie, civilité, déférence, politesse, envers d’autres personnes dominantes parce qu’elles voient ces marqueurs sociaux comme une forme de subordination à celles-ci?
Perso, moi qui vouvoie les soumises depuis toujours, n’est-ce pas cocasse, pour ne pas dire absurde, de croiser une femme soumise qui refuse systématiquement de me vouvoyer, sous le prétexte que je ne suis pas son Maître? Je la vouvoierais et elle me tutoierait?…
Dans les forums dédiées aux pratiques BDSM, on constate rapidement le manque de respect des uns envers les autres. Que ce soit un manque de respect envers les personnes ou les pratiques. Ce qui est toujours source d’étonnement, car ce sont bien souvent des gens qui demandent le plus le respect de leurs différences qui ne sont pas en mesure de respecter celles des autres.
Tout de même, tout ça c’est, j’ose dire, la notion du respect vue « de l’extérieur ». Nous sommes ici dans les signes. Pour ne pas dire dans ce que j’appelle le « folklore BDSM ».
Les pratiques BDSM, du respect?
Pour l’écrasante majorité des gens, dans l’imagerie populaire, les pratiques BDSM sont des marques d’irrespect. De l’autre, de la personne, de la dignité humaine. Comment une personne qui se respecte peut-elle accepter d’être dominée, frappée, restreinte, souillée? Comment une personne qui prétend respecter autrui peut-elle dominer une autre personne? La frapper? L’humilier?
Vue de l’intérieur, si les pratiques BDSM sont consenties (le maître-mot ici est le consentement), on peut lui cracher dessus, la piétiner, la frapper, l’humilier, etc. Or, tout ça peut sembler paradoxal, ce n’est pas très compatible avec le mépris… sous risque de rupture de l’équilibre psychique chez la personne qui le subit.
Autrement dit, dans un grand nombre de pratiques BDSM, il faut pouvoir être irrespectueux avec l’autre… dans le respect, le respect de l’entente préalable convenue entre les partenaires, le respect des limites établies, le respect des capacités, le respect du droit de veto pouvant être formulé, le cas échéant.
Avant et après la séance? Le respect est de mise entre les partenaires. Enfin, on leur souhaite. Vous me suivez?
Que voilà un beau fil de fer qui requiert de ne pas perdre l’équilibre… :- )
L’expression du respect dans un contexte BDSM
Une certaine idée lue ici et là voudrait que le respect de la personne soumise envers la personne dominante soit de l’ordre de l’obligation, alors que l’inverse ne le serait pas nécessairement.
On peut arguer que posée ainsi, l’équation peut se valoir dans le cas de partenaires engagés dans une interaction unique ou épisodique. Après tout, de nombreuses personnes vont se soumettre à une autre sans avoir plus de respect qu’il ne le faut. L’essentiel résiderait ici dans la « prestation de service ».
Dans le contexte d’une relation plus suivie, le manque de respect peut devenir problématique. Pour ne pas dire toxique. A fortiori dans le cas où les partenaires ont une relation amoureuse ou vivent ensemble.
Parce que le respect de l’autre, c’est aussi entendre sa parole, reconnaître ses besoins, tenir compte de ses inconforts. Pas seulement ce qui nous arrange.
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L’article Le respect (dans le contexte des pratiques BDSM) est publié dans le site cercle O - L'échange de pouvoir érotique.