Des loutres – Flickr/Micka972
(Pour illustrer l’article, je voulais mettre cette photo – attention explicite – mais Eric Mettout a mis son véto. Oui j’aime taquiner Eric Mettout.)
Slate « explique » dans un récent article que les femmes en couple se masturberaient moins car ce serait moins pratique : le seul moment où on a du temps serait la douche, ce qui ne serait pas pratique pour utiliser un vibro et comme les femmes ont besoin de temps pour atteindre l’orgasme, elles ne peuvent pas faire comme les hommes.
« C’est vraiment n’importe quoi » ai-je affirmé, à mon tour, sur twitter .
@SH_lelabo je ne partage pas cette analyse. Au contraire, sans éjaculation, l’orgasme féminin peut être réalisé n’importe où
— Camille @Sexpress (@Camille_69) June 24, 2013
Du coup, suite à une discussion avec Xavier Molénat (@SH_lelabo), voici mes réponses plus développées à quelques unes de ses questions.
Quid des aspects logistiques ?
Contrairement à ce qu’affirme l’article, si ni les hommes ni les femmes n’ont forcément beaucoup de moments d’intimité. Il me semble plus facile pour une femme de se masturber n’importe où:
- la plupart des femmes n’éjaculent pas (si elle éjacule, ce qui peut exister, c’est plus compliqué), il y a dons moins de logistique
- les femmes peuvent être en jupe et donc se masturber discrètement, y compris au bureau avec moins de risque d’être chopées la bite à l’air
- les femmes sont loin de toutes se masturber avec des sextoys et pour celles qui utilisent des objets, au contraire de ce que raconte Slate, elles peuvent les avoir sur elles très discrètement toute la journée. J’ai beaucoup aimé le témoignage de l’actrice X Judy Minx qui racontait une réunion où elle avait des boules de geisha télécommandées et où une partenaire les actionnait régulièrement tandis qu’elle essayait de rester stoïque
La morale condamnerait-elle plus les femmes ?
Discussion avec Xavier Molénat toujours, « peut-être que les femmes sont plus condamnées socialement que les hommes face à la masturbation? » suggère-t-il.
En essayant de regarder tant les éléments historiques que concrets, je ne le crois pas.
Sur un plan historique, les hommes deviendraient « sourds », commettraient le pêché d’Onan en « perdant leur semence » alors que Sœur Emmanuelle culpabilisait tellement peu qu’elle témoigna dans son livre posthume du fait qu’elle se masturbait.
Le regard porté sur la sexualité masculine, « vraie sexualité » est globalement plus pesant que celui porté sur la sexualité féminine, perçue comme « passive », voire inexistante.
Ainsi, dans un couple hétérosexuel, un petit sondage sans valeur scientifique permet d’intuiter le phénomène suivant : les femmes qui rentreraient chez elles et trouveraient leur mari en train de se masturber dans leur lit seraient globalement refroidies (pour ne pas dire qu’elles trouveraient cela sale) tandis que les hommes découvrant une situation symétrique seraient excités. Qui est alors plus condamné, les hommes ou les femmes ?
Alors oui, bien sûr, les éléments culturels jouent. Le fait qu’une femme en couple puisse prendre du plaisir rassure généralement son ou sa partenaire mais dans certaines sociétés, cela inquiète : si une femme jouit, elle ira voir ailleurs.
Il me semble que, globalement, en occident, aujourd’hui, la jouissance féminine rassure plus un partenaire qu’elle ne l’inquiète.
Est-ce que la disposition des organes jouent?
La question est de savoir pourquoi donc les femmes se masturbe(rai)nt moins que les hommes.
Je pense que c’est globalement vrai (les études concordent même si, fort heureusement, on ne peut rien prouver) et, à mon sens, il n’y a rien là de « logistique » ou de « moral ». Il s’agit de configuration génitale.
Il y a des petites filles, dont a fait partie Sœur Emmanuelle qui réalisent très vite qu’elles prennent du plaisir sur une balançoire par exemple (d’où le fait que « se branler » signifie « se balancer » au Québec). Mais beaucoup ne savent pas forcément qu’elles pourraient prendre du plaisir. Une majeure partie des femmes n’a jamais regardé son sexe (enfin ça a longtemps été vrai, il est possible que les choses aient évolué récemment avec la plus grande accessibilité de la pornographie).
Inversement, quel petit garçon ne s’est pas rendu compte, éventuellement à son corps défendant qu’il avait parfois des érections? Combien d’adolescents n’ont jamais eu, qu’ils aient compris ou non ce qui s’était produit, une « pollution nocturne » ?
Mon propos est donc que les garçons apprennent « naturellement » qu’ils ont une érection et qu’ils peuvent y prendre du plaisir physiquement et cela qu’ils le veuillent ou non, qu’ils essaient de le contrôler, de le faire régulièrement ou qu’ils le condamnent et qu’ils en souffrent. Ils le savent.
Inversement, si une partie des filles apprennent également « naturellement » qu’elles ont du plaisir lorsqu’elles se caressent cette zone et donc, en toute probabilité peuvent être amenées à se masturber régulièrement (sous réserve d’envie, de non condamnation morale, etc. au même titre que les hommes), pour une autre partie des femmes (et là j’ai des témoignages assez nombreux pour en attester), le plaisir féminin est une légende. Elles n’ont jamais eu l’idée de regarder leur sexe et le jour où, pression sociale ou conjugale, elles ont (éventuellement) essayé de se masturber, l’expérience a été si peu concluante qu’elles ne l’ont pas renouvelée.
Et vous, quel est votre avis sur la question?