"L'homme, dépressif, aurait agi car il ne supportait pas que sa femme veuille le quitter."
J'aurais pu trouver des dizaines de cas de ce type puisqu'en effet le profil type de celui qui tue sa femme, voire ses enfants est la non-acceptation de la séparation.
Les crimes contre les femmes - ce ne sont pas les seuls mais c'est le sujet ici - sont toujours traités de manière individuelle et jamais systémique c'est à dire comme faisant partie d'un système social organisé, d'une construction sociale et culturelle. On nous parle de la dépression de l'homme, de son état alcoolisé, de son chômage, du fait qu'elle l'a quitté ; on retrouve sans cesse les mêmes éléments et pourtant l'on persiste à en faire des cas individuels. (sauf evidemment dans le cas de violences exercées par des racisés là évidemment c'est tout autre chose). Les violeurs, les violents, les assassins sont tous vus comme autant de cas individuels, de fous, de dépressifs alors que quelques traits globaux sautent pourtant aux yeux ; ne serait-ce que le premier ce sont tous pour leur immense majorité des hommes.
(.......................) ==> ceci est le moment où l'on doit beaucoup plaindre les hommes hétérosexuels que je suis en train de traiter, en bloc, d'assassins. (on pensera un autre jour à leurs victimes).
Dans le rapport "Etude nationale sur les violences au sein du couple" de 2008, on peut lire "Par contre, en cours ou passée, la séparation apparaît toujours comme une cause principale du passage à l’acte pour les agresseurs masculins : 54 cas. Cette période apparaît donc comme particulièrement à risque."
Dans l'enquête menée Mercader, Houel et Sobota, "Le crime dit « passionnel » : des hommes malades de l’appropriation des femmes", on obtient les résultats suivants "Plus de la moitié des hommes (55 %) tuent une femme qui les quitte ou menace de le faire, et une proportion presque équivalente (53 %) une femme qui les trompe, ou qu’ils soupçonnent de le faire ; quand on réunit ces deux mobiles, qui peuvent coexister, on obtient une proportion de 75 %. "
Si l'on arrive à établir qu'il y a des grandes caractéristiques au sein de l'homicide conjugal, alors pourquoi ne se préoccupe-t-on pas de connaître les raisons collectives, globales, structurelles de cette violence ?
Si la séparation en tant que telle était le même problème pour tout le monde, car on sera bien sûr tous d'accord pour admettre qu'une séparation n'a rien d'agréable, alors l'on tuerait autant, femmes comme hommes, hétéros comme homos. Or on constate très bien que ceux qui supportent le moins bien la séparation sont les hommes hétérosexuels.
Dans son livre Refuser d’être un homme : Pour en finir avec la virilité, John Stoltenberg écrit ""D'une certaine façon, tout homme apprend au cours de sa vie à ajuster son entière sensibilité érotique et émotionnelle - et, partant, sa volonté - à un projet appropriation, par opposition aux femmes, qui, elles, doivent être appropriées."" Il veut dire par là que la construction de la virilité implique que les hommes n'apprennent pas à supporter le refus, la frustration ou quoi que ce soit allant contre leurs désirs les plus élémentaires. Nous avons déjà vu à de nombreuses reprises que notre société fonctionne sur l'idée que les hommes ont des besoins sexuels à assouvir à tout prix sinon le prix sera terrible à payer pour nous les femmes. C'est la justification patriarcale de la prostitution ; il faut des prostituées sinon on violera les "honnêtes femmes". Il faut marier les prêtres sinon ils violeront des enfants. Une femme ne doit pas envoyer des signes à un homme (signes qu'on ne nous explique évidemment jamais mais que je résumerais à "exister") sinon il viole. C'est plus fort que lui c'est ainsi. Et,strictement de la même façon, il ne faut pas quitter un homme. Sinon c'est"un risque" comme nous dit le rapport.
S'il a du "tempérament" (fameux euphémisme pour dire que c'est un brute), un homme ne supportera pas ni qu'on se refuse à lui, ni qu'on le quitte. Christophe Dejours définit la virilité comme se mesurant à l’aune de la violence qu’on est capable de commettre contre autrui, les dominés et singulièrement les femmes, au nom de l’exercice, de la démonstration ou du rétablissement de la domination.
Alors je vous vois bien venir vous n'êtes pas tout comme cela. NO KIDDING.
(.....) ==> moment où les femmes applaudissent les hommes qui ne les ont ni tuées ni violées.
Comme toujours, on parle d'un système. Il existe des patrons sympas, des hétéros qui ne défoncent pas la gueule des homos et des hommes qui ne tuent pas. On sait. Et ?
A quel moment pourra-t-on s'interroger sur ce qui, dans la construction du masculin pose problème pour enfin faire diminuer la violence conjugale ?
Sociologiquement on sait donc que les hommes hétérosexuels ont plus tendance à frapper leur compagne et à les tuer. On sait également que le plus grand risque est lors de la séparation. Que faire avec cela ? Comment poser - sans avoir les hauts cris des mâles touchés dans leur ego - qu'il y a sans doute quelque chose dans la construction du masculin, dans le genre qui pousse à cela ?
Je le répète ; une séparation est douloureuse pour n'importe qui alors pourquoi seul le groupe homme la supporte-t-il aussi mal pour aller au point de tuer "SA FEMME". (oui il y a ici un embryon d'explication).
L'explication est bien évidemment, dans un système patriarcal, l'appropriation de la classe femmes parla classe hommes ce qui Guillaumin appela "sexage". La classe homme s'approprie le travail (gratuit) des femmes, s'approprie leur sexualité, les éduque à s'occuper (gratuitement toujours) des plus faibles, enfants et vieillards. Evidemment lorsque certaines ont le mauvais goût de ne plus vouloir marcher droit, elles sont traitées de putes, frappées, violées ou tuées. Il ne s'agit evidemment pas de mettre tous ces actes sur le même plan mais de comprendre qu'ils découlent tous du même processus ; remettre en place celles qui sortiraient de leur condition de femme, montrer au groupe "femme" ce qui pourrait leur arriver si elles se comportaient "mal".
L'homicide conjugal doit être vu comme une violence sexo-spécifique : les hommes tuent, non pas parce qu’ils perdent le contrôle, mais parce qu’ils cherchent à exercer un contrôle sur leur femme.
On nous fera toujours croire à nous les femmes, que ces cas là sont rares. On nous expliquera qu'il s'agit de dépressifs, de sauvages, d'immigrés, de banlieusards, de musulmans, de débiles mentaux, de fous, de schizophrènes. MAIS PAS TOUS LES HOMMES. On ne nous dira jamais que ceux qui nous frappent, nous violent, nous tuent, sont tous des hommes. Et celle qui s'amuserait à le dire sera traitée de folle, de misandre, d'hystérique, de personne qui fait des amalgames, de mal baisée,de "personne haineuse qui gagnerait les hommes à sa cause si elle était moins agressive" (mon préféré) . (je devance les commentaires cela vous évitera d'user votre clavier).
On nous fera aussi croire que tout de même on l'a un peu cherché. En voulant quitter par exemple. On nous répète depuis quelques années à l'envi que celles qui initient le divorce sont les femmes comme s'il fallait sérieusement s'en étonner ou s'en inquiéter, quoique je comprends l'inquiétude du mâle occidental à ne plus avoir de bonniche à disposition, il est vrai (mais comme elle a le merveilleux cadeau de la garde des enfants qu'il en soit rassuré, elle restera indirectement à son service).
On ne cessera de le répéter : si on veut comprendre et faire diminuer - ce dont je doute fortement - le nombre de viols et de violences sexo-spécifiques - il faut comprendre les raisons structurelles qui poussent les hommes à violer, frapper et tuer. Il faut comprendre ce qui, dans la construction du genre masculin, crée cela. Indice cela ne s'appelle ni chromosome Y ni testostérone, ni gros biscottos.
A partir du moment où les hommes rangeront leur ego dans leur poche et accepteront globalement de travailler sur la virilité, alors nous pourrons sérieusement espérer que les violences envers les femmes diminueront.
A lire : Les femmes tendent à rester avec 1 conjoint violent par peur d'être socialement stigmatisées
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