34713 éléments (3171 non lus) dans 75 canaux
« Parle de ta religion », « Qui est le créateur de l'univers ? », « Reconnais la musulmane et le juif dans cette image ». Voici des exemples de questions auxquelles doivent répondre les enfants du primaire dans le cours Éthique et Culture religieuse (ÉCR).
- Laïcité, démocratie, droits, égalité des sexes, intégrisme / Georges Leroux, ÉCRLe vendredi 13 mai prochain, le magazine dédié à la “culture féminine, féministe et LGBT” Les Amours Alternatives organise une soirée clubbing au Petit bain. Le line-up 100% féminin de l’événement comprend la moscovite Kedr Livanskiy, la berlinoise Kristin Velvet et la parisienne Yula Kasp. Les festivités seront lancées aux alentours de 23 heures, pour prendre fin aux petites heures du matin.
Pour passer la porte du Petit Bain, plusieurs options s’offrent à vous. La première c’est la prévente : rentrer à partir de minuit vous coûtera huit euros sur Weezevent. La deuxième, c’est débarquer à l’improviste. Dans ce cas, vous devrez débourser 12 euros à l’entrée. Sinon, vous pouvez nous envoyer un mail à concours@letagparfait.com pour tenter de gagner l’une des deux places qui sont en jeu. Bonne chance.
Bonne fête les Marc !
« J’avais pas fais gaffe que j’avais autant de potes qui s’appellent Marc »
Aujourd’hui c’est la Saint Marc. Et bon nombre d’entre-nous vont se rebaptiser ainsi. Après avoir gagné une bonne poignée de prix créatifs avec l’agence Marcel et la campagne #SansLesMains, qui permettait de visionner gratos n’importe quel film sur le site Marc Dorcel à condition de bien garder ses mimines sur le clavier. Après un gros teasing sur les réseaux sociaux, il revient avec une nouvelle campagne qui va à coup sûr cartonner (en Trending Topic France sur Twitter depuis 4h actuellement).
« Marc ou rien »
La belle Anna Polina et le patron Marc vous offrent pendant 60 jours l’accès illimité à DORCELCLUB.com, mais à une condition… Il faut s’appeler Marc. Du moins sur Facebook. Un principe simple et efficace qui va viraliser aussi bien que l’opération précédente, si ce n’est plus. Il n’y a qu’à voir vos amis qui ont déjà changé de prénom.
« Laisse tomber Maman, c’est une blague entre potes… »
L’ambassadrice Anna vous prend par la main en vous expliquant tout, même comment changer de prénom sur Facebook pour Marc :
Le progrès va bien trop vite pour nous. Après le plug anal télécommandé depuis un smartphone, le vibromasseur vulnérable aux attaques informatiques et le sextoy-caméra, voici venue l’heure du jouet pour adulte aéroporté : comme l’indique son sobriquet limpide, le Dildo Drone est un petit quadricoptère qui embarque un godemichet. Son ordre de vol : vous satisfaire en vous laissant les mains libres.
Dans la vidéo qui présente l’engin, la comédienne Jenni Ruiza s’interroge : “Le problème avec les godes, ce que vous devez utiliser une ou deux mains. Mais qu’est-ce qui se passe si j’ai envie de manger ce burger et boire cette bière en même temps ?” Pleine de ressources dans sa robe de chambre léopard, la jeune femme dégaine alors sa télécommande : “Pressez ce bouton et le Dildo Drone foncera droit vers sa cible !” Dont acte.
Evidemment, le Dildo Drone n’existe pas vraiment. Il n’est qu’une blague signée Michael Krivicka, un marketeux auquel l’humanité doit déjà le fameux dildo-selfie stick. Ce new-yorkais assure qu’il roule pour l’humour, pas pour les sous. Et tant pis si la demande gronde : des boutiques de sextoys, des particuliers qui cherchent un cadeau de Noël marrant, tout le monde veut son Dildo Drone. “L’intérêt est clairement là”, assure Krivicka dans les colonnes de Dazed.
Il y a six mois, sa perche à selfie anatomiquement correcte avait déjà suscité l’enthousiasme des chalands – la rumeur veut qu’elle soit en production à l’heure actuelle. Michael Krivicka nie : “J’aime être le type qui a des idées de produits bizarres. Mais ça s’arrête là.” Au pire, c’est donc une opération de personal branding réussie.
Dans la course à l’objet coquin qui fait buzzer, tout le monde n’est pas aussi désintéressé. On pense au pyjama connecté de Jacquie et Michel ou au chargeur cinétique de PornHub ; le premier promettait de suivre votre activité érectile matinale, le second de recharger vos appareils grâce à l’énergie de vos séances de masturbation. On ne sait pas où en sont ces engins mais ils ont sans doute permis à leurs géniteurs de récupérer beaucoup d’adresses e-mail d’internautes incrédules. Les bases de données en redemandent.
J'emploierai systématiquement dans cet article les termes "réseau" et "exploitation humaine" plutôt que "traite" comme expliqué dans cet article. J'emploierai le mot "traite" lorsque je parlerai par exemple de la Convention de Palerme puisque c'est le terme "traite" qui y est employé.
La question des réseaux prostitutionnels a été centrale dans le vote de la loi d'avril 2016. Les chiffres qui circulent à ce sujet sont fortement contradictoires ; on va de 5% à 90% de femmes exploitées par des réseaux dans la prostitution. Je montrerai combien il est difficile au fond de ranger des histoires individuelles dans des cases aussi simples ; que "exploitées" ou non "exploitées". On peut être exploitée un moment dans la prostitution, ne plus l'être, puis l'être à nouveau. On peut être exploitée dans un travail domestique, et considérer que les revenus bien supérieurs de la prostitution sont plus intéressants même s'ils impliquent de la violence. L'exploitation commence également souvent avec le conjoint donc il a très peu été question dans toutes les discussions autour de la prostitution. On peut être victime de violence sans être victime d'un réseau. On peut constater comme le dit Thérèse Blanchet que les hommes, pourtant eux aussi trompés, abusés, ne sont jamais vus comme victimes de trafic et pourquoi ce sont toujours les corps des femmes qui sont vus comme vulnérables.
Les privilèges à migrer
Avant de parler des réseaux, il importe de comprendre pourquoi ces réseaux existent et quelles sont les difficultés à migrer selon ses moyens financiers, sa couleur de peau et sa nationalité.
Un article de slate montrait que les blanc-hes qui ont migré sont systématiquement appelés des "expatriés" alors que les racisé-es sont appelés des "immigré-es".
Voyager que ce soit pour les loisirs ou le travail nécessite de rassembler un grand nombre de conditions, qu'on appellera privilège :
- Il importe d'avoir de l'argent. L'argent n'est pas seulement indispensable pour voyager (prendre un moyen de transport, trouver un logement, se nourrir) mais il peut être aussi nécessaire pour entrer dans un pays.
Sofia Manseri racontait ainsi dans cet article les conditions nécessaires pour accueillir un membre étranger de sa famille s'il souhaitait vous rendre visite.
Avec ce lien, vous trouverez les conditions nécessaires pour faire la demande d'un visa (et non pas pour l'obtenir) pour venir en France si on est un-e touriste malien-ne. Constatons qu'il faut apparemment travailler pour venir en France (le cas des personnes sans emploi n'est pas évoqué), fournir un relevé du compte bancaire sur les 3 derniers mois. Vous devez pouvoir justifier de vos moyens de subsistance pendant votre séjour : 32,5 euros par jour et par personne si vous êtes accueilli par un proche, 65 euros par jour et par personne si vous êtes dans un hôtel payé à l'avance, 120 euros par jour et par personne dans tous les autres cas. Il serait compliqué pour un-e français-e d'attester de ces sommes . En 2013, le salaire moyen au Mali était de 35 480 FCFA soit 54 euros.
- Il importe d'avoir la "bonne" nationalité. Nous ne sommes pas tous et toutes égaux face au voyage quel qu'en soit le but. Un-e français-e peut migrer relativement tranquillement sans être considéré-e comme un futur migrant illégal et sans papier. Un algérien, un camerounais ou un chinois qui voyage seront généralement considérés comme de potentiels "clandestins" sauf s'ils apportent la preuve de très hauts revenus. Rappelons tout de même que l'argent n'épargne pas les situations de ce genre : Gail Pheterson rappelle la situation d'une professeure haïtienne qui devait participer à un colloque aux Etats-Unis. On lui a refusé l'entrée dans le pays en supposant qu'elle venait pour se prostituer.
- Il importe d'avoir la "bonne couleur" de peau. Dans cet article, Amandine Gay, une féministe française et noire, raconte les discriminations qu'elle a rencontrées lorsqu'elle a souhaité se rendre aux Etats-Unis. La même expérience est relatée par cette autre femme. Ici une femme zimbabwéenne raconte ce qu'elle vit selon l'aéroport où elle atterrit. De nombreux articles ont également relayé les fouilles des cheveux des femmes noires dans les aéroports.
- Il est plus difficile de migrer si l'on est un homme. Comme je l'avais montré dans un précédent article, les femmes qui migrent sont souvent considérées comme de futures victimes de l''exploitation. C'est d'ailleurs tout ce que dit la Convention de Palerme, si l'on est une femme qui souhaite migrer et qui a choisi de payer une très forte somme d'argent à un passeur pour qu'il l'aide à le faire, on sera une victime de "la traite" ce que ne sera pas un homme. Le problème n'est pas ici de considérer que la femme est victime du passeur mais cela permet souvent de nier qu'elle a eu une volonté de migration comme un homme. Nier la volonté de migration des femmes, en faire des victimes fragiles permet de fabriquer des politiques discriminatoires à leur encontre et de les renvoyer sans états d'âme dans leur pays d'origine sans tenir compte de leur volonté d'en partir.
- Cet article montre les difficultés immenses rencontrées par les gens qui ont un titre de séjour en France et qui doivent le faire renouveler. Une phrase est assez éloquente ("Entre temps [de recevoir le récépissé lui permettant de travailler, or il y a du retard dans les traitements], l’employeur de mon amie, une agence d’intérim, a rompu son contrat de travail : elle risque des sanctions pour l’embauche d’un étranger en situation irrégulière."
Si on n'est pas égal face au voyage de loisirs, on l'est encore moins face à la migration pour trouver une vie meilleure qui implique de rester plus longtemps voire définitivement dans le pays de destination.
Je ne reviendrais pas sur le fait qu'il est quasi impossible d'obtenir un titre de séjour, quel qu'il soit pour venir en Europe si l'on vient d'Afrique et d'Asie. Le fait me semble acté et il serait un peu long de revenir sur l'ensemble des politiques migratoires françaises et européennes à ce sujet. Comme le montrent Nasima Moujoud et Dolorès Pourette : "Les récits de migrantes en France montrent que les personnes qui n'ont pas les moyens financiers ou juridiques de quitter leur pays par les voies" officielles" sont tenues d'emprunter des circuits illégaux. (...) La "traite" des femmes apparaît de ce fait comme un "système"» où se conjuguent les conditions de vie défavorisées dans le pays d'origine, la nécessité de les fuir, les disparités entre pays riches et pays pauvres et l'impossibilité de migrer autrement que par des moyens informels. Ces éléments constituent les conditions nécessaires à l'existence des formes contemporaines d'exploitation et de "traite" des femmes. Si les femmes avaient d'autres possibilités pour migrer ou se soustraire à des situations invivables, ces formes dites modernes d'esclavage n'existeraient pas, ou du moins ne revêtiraient pas une telle importance."
Il existe bel et bien des réseaux qui "aident" les migrant-es. Le mot "aider" entre guillemets illustre bien à mon sens la difficulté à évoquer ces réseaux. Comme le montre Guillemaut par exemple, beaucoup de ces passeurs, que nous considérons ( à raison) comme des escrocs abusant de la misère humaine, sont vus (à raison) par celles et ceux qui les paient comme des gens qui vont leur permettre d'accéder à leur rêve de migration. Ces réseaux extorquent des sommes d'argent démesurées aux migrant-es, sont parfois violent-s avec eux et parfois les conduisent à la mort.
Migrer quand on est une femme pauvre souvent racisée
Dans ce contexte-là, avec la politique migratoire européenne et française que l'on connait, quel peut être le parcours de quelqu'un qui souhaite migrer en France pour travailler ?
Pendant dix ans, à Lyon et Toulouse, Françoise Guillemaut a travaillé avec des femmes africaines dont certaines se sont prostituées. Elle suggère qu'il y a eu deux périodes de migrations. La première période se situe dans les années 80 et a surtout concerné des Camerounaises et les Ghanéennes ; il n'était alors pas compliqué d'avoir un visa. Beaucoup ont alors obtenu leur régularisation par le mariage. Rappelons d'ailleurs que le titre de séjour obtenu en tant que conjoint d’un citoyen français est valable un an. Si l'on se sépare de son conjoint, on peut voir son titre de séjour non renouvelé. Il est donc extrêmement compliqué pour une femme victime de violences conjugales avec un titre de séjour "vie privée et familiale" de dénoncer son conjoint ou de le quitter.
La deuxième période commence à la fin des années 1990 ; c'est là que certaines ont du faire appel à des réseaux de passeurs pour venir à cause du durcissement des politiques migratoires européennes. D'autres sont venues par leurs propres moyens ; le parcours est encore plus dangereux pour elles que pour les hommes puisque s'ajoutent des violences sexuelles. Les violences rencontrées sont de trois ordres comme le montre Claire Escoffier : le viol au cours du parcours par d'autres migrants ou par des habitants des pays qu'on traverse (pouvant déboucher sur des IST ou une grossesse non désirée), le viol par des hommes avec qui elles s'associent parfois (des pseudos maris) pour tâcher d'être en très relative sécurité, des viols par les douaniers, la police et les militaires pour négocier leur passage.
Nous l'avons vu dans un article précédent, il existe peu de solutions s'offrant aux femmes migrantes en France : le travail domestique, le travail de soin aux personnes et la prostitution. La majorité des femmes migrantes, en particulier lorsqu'elles sont en situation illégale, témoignent de situations d'exploitation par leurs employeurs, leurs clients (la prostitution), la police etc. Ce n'est pas la prostitution qui crée ces situations (puisqu'elles existent dans les autres activités qu'elles pratiquent) mais le fait d'être clandestine, le fait d'être femme, le fait d'être parfois racisée.
L'exploitation humaine dans la prostitution ?
L'ensemble des associations abolitionnistes travaillant sur le sujet de la prostitution s'accordent en général à dire que la majorité des prostituées exerçant en France sont victimes des réseaux.
Il est très difficile de déterminer ce qu'est un "réseau" ou la fameuse "traite". Comme on l'a vu, la Convention de Palerme en donne une définition si extensive que cela inclut toutes les femmes migrantes qui ont payé un réseau de passeurs, qu'elles aient ou non été victimes de violences physiques et sexuelles.
Certain-es chercheurs choisissent d'opter pour une définition qui inclut le sentiment de tromperie de la migrante. Etait-elle au courant de ce qu'elle allait faire ? Lui a-t-on promis une chose pour lui en proposer une autre, sans quelle ait le choix ? La somme qu'elle devait payer a-t-elle sans cesse augmenté au point avec des délais de remboursement de plus en plus courts ?
Parler de "réseau" sans plus se questionner que cela, évite comme le montre Cabiria, de questionner ce qui permet que le trafic continue d'exister ; les différences de richesse entre pays, la fermeture de frontières aux personnes mais non aux capitaux, le sexisme, le racisme, la transphobie etc. Cabiria montre la différence souvent ténue entre le smuggling (aide à franchir une frontière) et le trafficking (exploitation humaine).
Pour Louise Toupin, parler uniquement des femmes victimes d'exploitation dans la prostitution, nous fait oublier toutes les personnes victimes d'exploitation dans d'autres domaines que le sexe comme par exemple le travail domestique. On confond ainsi la nature d’une activité et ses conditions d’exercice. Voici ce qu'en disent d'ailleurs Marjan Wijers et Lin Lap-Chew traduites par Toupin, lorsque certains comparent prostitution et esclavage.
"L’abolition de l’esclavage n’a pas à voir avec l’abolition d’un certain type de travail, mais avec l’abolition d’un certain type de relations de pouvoir (en l’occurrence la propriété) qui est considéré comme une violation des droits humains. Après l’abolition de l’esclavage, les gens ont continué à travailler dans les champs de coton et le travail domestique a continué d’être exécuté. C’est seulement dans le cas de la discussion sur la prostitution que l’objet dérive vers l’abolition de l’activité comme telle, plutôt que l’abolition d’un certain type de relations de pouvoir dans la prostitution. La comparaison avec les autres formes (modernes) d’esclavage démontre à l’évidence que ce n’est pas l’activité comme telle, mais les conditions dans lesquelles ces activités prennent place qui doivent constituer la cible principale. Les droits humains qui y sont violés sont les droits des femmes comme travailleuses."
Françoise Guillemaut a travaillé avec 477 femmes prostituées dans 4 pays européens. Près de 80 % ont une dette de voyage et 80 % d’entre elles envoient de l’argent à leur famille. Les femmes ont toutes eu la volonté de quitter leur pays selon 4 raisons analysées par Guillemaut :
- échapper aux discriminations de genre
- développer des possibilités économiques pour elles et leurs famille
- pression de la famille
- s'individualiser, augmenter son capital social et culture
Sur les 477 prostituées, 19% ont connu un départ contraint. L'une a été forcée par un inconnu, les autres par les parents, les fiancés, les petits amis ou le mari. Il est important de rappeler que la prostitution contrainte et forcée peut l'être par le mari. La cellule familiale est un haut lieu de violences pour les femmes où elles peuvent être battues et/ou violées. Forcer à la prostitution n'est pas d'une autre nature que les violences conjugales connues. Une étude réalisée par la Cimade au sujet de l'accueil des femmes sans papier venues signaler des violences a permis de réaliser les faits suivants : sur 75 commissariats, 38% des commissariats faisaient subir aux femmes un interrogatoire, 5% des commissariats affirmaient qu’une femme en situation irrégulière n’était pas en mesure de porter plainte. Moins de la moitié des commissariats appliquaient les lois et jurisprudences en vigueur.
L'étude réalisée par Payoke souligne que 7% des prostituées ont été kidnappées. Dans l'immense majorité des cas, les raisons évoquées pour les femmes victimes d'exploitation sont le besoin d'argent et la recherche d'un travail. C'est une fois entrées dans ces réseaux par besoin d'argent que les violences ont commencé. Cette étude est confirmée par un rapport de 2005 commandé par l'UNICEF et le Haut-commissariat aux droits de l'Homme souligne que 1 à 3% des femmes ont été emmenées contre leur volonté. Les raisons principales de l'entrée dans le réseau sont économiques. Les femmes ont bel et bien subi des violences une fois dans le réseau, pendant le voyage et à l'arrivée dans le pays de destination ; mais il est important de constater qu'elles ont eu le souhait de migrer. Cela n'enlève rien aux violences qu'elles ont subi, cela ne veut évidemment pas dire qu'elles les ont cherchées, mais il est important de parler de leur volonté de migrer. Ne pas en tenir compte pourrait laisser croire qu'il suffit de les renvoyer chez elles pour que tout s'arrange.
Nicola Mai a travaillé sur les migrantes prostituées en Angleterre. Il a constaté que 13% d'entre elles ont été sujets de différentes formes d'exploitation dont 6% ont dit qu'elles ont été forcées à se prostituer sans qu'elles n'aient jamais consenti à le faire. La plupart des femmes qui ont été exploitées l'ont été car elles étaient dans des relations conjugales où le conjoint leur a menti et les a contraintes à se prostituer. Presque toutes celles qui ont été prostituées de force continuent à se prostituer en Angleterre et font une différence claire entre la prostitution forcée et celle qui ne l'est pas. Quoi qu'on puisse penser de la prostitution, il est important de faire une distinction entre la prostitution forcée et celle qui ne l'est pas. Cela ne veut pas dire que la prostitution qui ne l'est pas sera exempte de violences, bien évidemment.
Tiantian Zheng a travaillé sur la prostitution des femmes chinoises. Elle n'a pas constaté de cas de prostitution forcée. Elle souligne qu'il y a sans aucun doute des femmes nord-coréennes qui sont forcées à l'être mais cela n'a pas été l'objet de son étude. Elle constate qu'il y a peu de travail pour les femmes venues de régions rurales et que l'ensemble du travail proposé est fait d'exploitations diverses. La prostitution n'est absolument pas un gage de non exploitation mais cela reste le mieux payé. En Chine, il faut payer mensuellement une carte de résident temporaire si on a migré d'une région à l'autre. Pour Zheng, la lutte contre l'exploitation est avant une lutte contre l'immigration intérieure et extérieure. C'est une idée qui revient dans beaucoup de travaux sur la prostitution, la lutte contre l'exploitation est aussi et surtout une lutte contre l'immigration illégale. Arrêter les passeurs permet aussi et surtout de tarir le flux des migrants dont on ne veut pas sur notre sol.
Thomas M. Steinfatt a travaillé sur l'exploitation dans la prostitution au Cambodge ; il obtient un chiffre de 3% de femmes prostituées sous la contrainte en utilisant la définition suivante : est une victime de trafic humain : celle ou celui qui se prostitue alors qu'il a moins de 18 ans et celle, adulte, qui est surveillée et n'a pas la possibilité de quitter le lieu où elle se prostitue. Il témoigne de la difficulté à prendre en compte les prostitués mineures dans la mesure où l'on utilise des euphémismes pour mentionner leur âge. Il utilisait auparavant une autre définition ; est victime de trafic celle qui a une dette de passage, mais il a choisi de modifier sa définition. Son travail montre combien il est compliqué de trouver une définition claire et simple de l'exploitation.
Therese Blanchet a travaillé sur 496 femmes migrantes bengladeshi qui ont migré au Moyen-orient (Emirats Arabes Unis, Koweït, Bahrain) et en Inde. Il est pour elle extrêmement difficile de parler de trafic ; elle le dit elle même dans certains cas, il lui est impossible de déterminer si la femme a subi un trafic ou pas : "More or less informed, cheated, used and abused, more or less benefited financially, made richer and wiser by the experience, the stories are difficult to squeeze in little boxes". (plus ou moins informées, trompées, utilisées et abusées, en ayant plus ou moins tiré un bénéfice financier, en étant devenues plus riches et plus malignes, il est compliqué de ranger leurs histoires dans de petites boîtes". Elle souligne elle aussi, que, souvent, l'exploitation commence au domicile familial ou conjugal.
La difficile comptabilité des personnes victimes de la traite
Beaucoup de pays dans le monde mène une politique migratoire de fermeture des frontières. Ainsi en Chine, Tiantian Zheng souligne que les nord coréenn-es qui seraient venus illégalement pourraient être emprisonnés. Se dire victime d'exploitation par la prostitution peut parfois leur permettre d'échapper à cela et d'être aidées.
Guillemaut fait le même constat lors de son étude ; il lui a fallu de nombreuses années pour entendre autre chose que les discours faits aux représentants des autorités : "À titre d’exemple, notre recherche a permis de recueillir deux sortes de récits pour une même personne : celui qui est conté aux représentants des autorités (préfecture, police, travailleurs sociaux), qui correspond au récit d’une victime-type et grâce auquel les femmes espèrent obtenir quelques droits ou subsides ; celui qu’elles nous confient, plus proche de la réalité de l’expérience migratoire vécue."
* Sine Plambech, une anthropologue danoise, a travaillé sur la situation de migrantes nigérianes. Les femmes qu'on pense victimes d'exploitation sont certes expulsées mais avec de l'argent, ce que ne reçoivent pas les femmes non victimes : "In the end the women learn what to say to get certain reactions. If you say that you went to Europe to earn money for your family, you knew that you would sell sex and you bought the illegal papers yourself, then you probably won’t get help. If you say that you didn’t know you were going to sell sex, you get help" (Les femmes apprennent ce qu'il faut dire. Si tu dis que tu es venu en Europe pour gagner de l'argent, te prostituer et que tu as acheté de faux papiers, tu n'obtiendras aucune aide. Si tu dis que tu ne savais pas que tu allais te prostituer, tu en auras).
Il ne s'agit évidemment pas de dire que toutes les femmes victimes d'exploitations mentent ou que les migrantes sont des menteuses . Il s'agit de comprendre qu'avec les politiques migratoires de nombreux pays, il est parfois nécessaire de mentir si l'on veut y rester. On a ainsi beaucoup condamné Nafissatou Diallo d'avoir menti pour obtenir un titre de séjour américain ; c'est ne rien comprendre à la situation de l'ethnie dont vient Diallo et à la politique migratoire américaine. Mentir pour mener à bien son processus migratoire devient une nécessité devant la forteresse Europe. Certaines femmes peuvent donc se dire victimes de trafic pour espérer ne pas être expulsées. cela ne doit pas conduire à nier l'existence de l'exploitation dans la prostitution mais à simplement constater que cela complexifie les études qui peuvent être faites.
Il est extrêmement compliqué d'avoir des chiffres fiables sur l'exploitation des femmes dans la prostitution et sur le rôle des réseaux. Il y en aurait qu'une seule que cela serait une de trop.
Voir toutes les femmes migrantes prostituées comme des victimes de trafic ne permet pas de voir les situations fort complexes auxquelles elles doivent faire face ; comment définit-on le fait d'être victime ? Lorsqu'on décide de son plein gré de verser une somme faramineuse (et qu'on sait l'être) à un passeur, qu'on sait qu'il n'y aura pas d'autre moyen que la prostitution pour la rembourser, est-on une victime ? Autant que celle enlevée et droguée ? Où mettre des degrés dans l'exploitation et doit-on en mettre ? Comment situer la vulnérabilité d'une femme ? Lorsqu'on vient d'un pays aussi pauvre que le Nigeria par exemple, est-on par définition vulnérable et doit-on être aussitôt considérée comme une victime, mettant ainsi de côté nos volontés propres de migrer ?
Il semble dangereux de dissocier les femmes migrantes clandestines qui ne se prostituent pas - et qui vivent des situations d'exploitation et de violences - de celles qui le font car on semble dire que cela serait la prostitution qui crée l'exploitation. On le sait cela n'est pas le cas et les nombreuses études auxquelles j'ai fait référence montrent combien les femmes dans des métiers comme le travail domestique sont victimes d'abus divers.
Il importe de rappeler qu'on peut être forcé à la prostitution par son conjoint, son mari. Est-ce en ce cas la prostitution qu'il faut questionner ou la domination masculine ?
Et surtout il semble dangereux de parler des réseaux dont sont victimes les femmes prostituées sans oublier que celles qui sont entrées dans ces réseaux l'ont fait car il n'y avait pas d'autres moyens pour gagner de l'argent et venir en Europe.
The post Prostitution : la question de l’exploitation humaine et des réseaux. appeared first on Crêpe Georgette.
SchwuLeOB, l’association LGBT du Haut-Valais a «condamné de la manière la plus forte» les «agissements odieux» de son ancien président. Marco J. a été condamné à 2 ans de prison assorti d’une thérapie en milieu fermé pour grave mise en danger d’autrui et possession de pornographie illégale, a révélé le «SonntagsBlick».
En 2010, ce père de famille divorcé avait été arrêté pour avoir tenté d’organiser des rapports sexuels non protégés entre une personne porteuse du VIH et un partenaire ignorant tout de cette séropositivité. C’est au cours de cette enquête que les policiers auraient découvert les activités pédophiles du suspect. Depuis 2008, Marco J. échangeait des photos partiellement dénudées de ses propres fils, âgés alors de 5 et 8 ans, avec des internautes. A cette époque, il était déjà sous enquête pour possession de matériel pédopornographique et zoophile, retrouvé sur son ordinateur professionnel – des faits pour lesquels il avait écopé d’une amende, après un bref séjour derrière les barreaux.
Recours
Jusqu’à son arrestation et malgré les lourds soupçons pesant sur lui, Marco J. a continué à voir ses enfants. Au terme de son procès (qui s’est déroulé en janvier dernier), le Valaisan de 39 ans a toutefois été acquitté des accusations d’actes sexuels sur mineurs. Le Ministère public a fait appel du verdict.
Marco J. avait pris la tête de SchwuLeOB en 2013. Il a démissionné de ses fonctions. Un membre du comité a laissé entendre qu’à la suite de cette affaire, l’association devrait «prendre un nouveau départ».
« Chris » @Chloé Aftel On n’a pas toujours le temps de tout lire, tout écouter, tout regarder, sur le net ou ailleurs. Voici un rapide tour d’horizons d’infos en tout genre que nous avons trouvées intéressantes. Bon sexorama… Une histoire de chiottes… Depuis que la Caroline du Nord a fait passer une loi imposant aux...
The post Sexorama : ce que vous avez (peut-être) loupé ces dernières semaines appeared first on Le Cabinet de Curiosité Féminine.
«J’ai toujours su. La voix dans ma tête a toujours été celle d’une fille. Mais j’ai aussi toujours senti que personne ne me soutiendrait si je décidais d’être moi-même.» Gina a trente ans, de longs ongles soignés et un visage poupin. Ce qui frappe, lorsqu’on la voit pour la première fois, c’est la douceur de son regard. Enfant, puis adolescente, Gina s’est toujours sentie à part. Elle a dix-neuf ans lorsqu’elle comprend. «Dysphorie du genre. Un sacré choc pour moi qui ignorais tout de la sexualité et des questions de genre. J’étais terrifiée.»
« La voix dans ma tête a toujours été celle d’une fille »
Dans le salon de la maison familiale, des icônes religieuses, des bougies et des croix habillent un pan de mur. Sur un autre, une photo. «C’était il y a deux ans, au mariage de mon frère», explique Gina. Difficile de la reconnaître, habillée en homme. À cette époque, elle tente encore de vivre comme un garçon – un déni qui entraîne une souffrance physique. La bienveillance d’un médecin sera le déclic. Gina entame un traitement hormonal et fait son coming-out auprès de ses parents, des catholiques très conservateurs. Elle redoute l’internement forcé en hôpital psychiatrique, le rejet pur et simple ou les coups. Ce seront des pleurs, des cris et des reproches. «Ils n’acceptent pas qui je suis et continuent à m’appeler par mon nom de baptême, Vijay.»
À leur demande, Gina a quitté sa ville natale, Chennai, pour Bangalore. C’est là qu’il y a une petite année, elle est sortie pour la première fois dans la rue habillée en femme. «En général, j’évite le maquillage et les vêtements féminins car je n’aime pas que l’on m’observe. L’Inde est un pays très puritain, qui a peur de la différence. Mais ce soir-là, j’ai choisi un tee-shirt qui hurlait ‹ je suis une fille ›.» Gina est émue à l’évocation de ce souvenir. Depuis, elle a participé à sa première Pride March et trouvé un job où elle est elle-même. Elle rêve maintenant d’une opération. «Je tiens à avoir un vagin. Je veux que mon corps reflète la personne que je suis à l’intérieur. Qu’il fonctionne, socialement, sexuellement.» Mais son prochain défi est d’être officiellement reconnue comme femme. La procédure est lancée. «Ce petit F sur mes papiers d’identité, j’y tiens plus que tout.»
SHANKAR, 23 ANSShankar emploi le mot gay haut et fort, même en public. C’est assez rare pour être souligné. Globalement, il le dit lui-même, il a «eu beaucoup de chance». Il grandit dans une petite ville de pêcheurs, dans le Sud de l’Inde. Un endroit très conservateur. «Je n’ai jamais été perdu en ce qui concerne mon orientation sexuelle, explique le jeune homme, car les filles ne m’ont jamais attiré. Ce qui m’angoissait, c’était d’imaginer quelle serait ma vie dans une société si fermée. Si j’avais vécu à San Francisco, à Paris ou à Amsterdam, tout aurait été différent. Ici, j’avais peur, rien qu’en avouant que j’aimais les garçons, de courir le risque d’être battu, voire tué.»
« J’ignorais que les gens comme moi existaient »
Il a 16 ans lorsqu’il se confie pour la première fois, après un chagrin d’amour. C’est un exutoire. «Mon père est plutôt ouvert, très cultivé, mais on n’allait pas jusqu’à parler de sexualité. En Inde, on ne parle pas de sexe. J’ignorais même que d’autres personnes comme moi existaient.» Internet est un précieux échappatoire. Shankar découvre des articles, intègre des communautés virtuelles, des forums… «J’ai compris que je n’étais pas seul.»
À la fac, il finit par s’ouvrir à son père. «C’est peut-être un trouble psychiatrique. Je suis sûr qu’on peut te soigner», lui répondra celui-ci. Shankar n’a toujours pas avoué son homosexualité au reste de sa famille. En revanche, en pur produit de la génération Y, il a fait son coming-out sur Facebook, peu après avoir quitté sa région natale. C’était en 2013, la Cour Suprême venait de réviser le jugement de la section 377. «J’étais bouleversé. Je voulais crier au monde entier que j’étais gay. J’ai écrit un post Facebook, pour toucher un maximum de gens en un minimum de temps.» Shankar est un garçon enjoué et souriant, mais lorsqu’il évoque la section 377, son regard s’embrume. «Ça me donne l’impression d’être un citoyen de seconde zone. Si un jour cette loi m’affecte personnellement, je me suis promis de quitter l’Inde. Vivre avec la peur d’être traîné devant un tribunal pour ce que l’on est est terrible.»
VIKRAM, 37 ANSVikram nous reçoit dans son petit appartement. Il vient tout juste d’emménager, c’est le désordre. Sur le séchoir, dans la chambre, des vêtements roses, fleuris, à l’image du chemisier qu’il porte ce jour-là. «C’est exactement le genre de hauts que j’aime, explique-t-il d’une voix posée. Je ne comprends pas pourquoi on dit que le rose et les fleurs sont pour les filles, tandis que les chemises et le bleu sont pour les hommes.»
«Je n’ai jamais ressenti le besoin d’être un garçon ou une fille»
Les règles liées aux genres, Vikram les remet en cause depuis son plus jeune âge. «Je n’ai jamais ressenti le besoin d’être un garçon ou une fille et donc d’adopter les codes qu’on leur impose.» Enfant, il préfère les jeux calmes et les longues discussions au cricket et aux bagarres. Plus le temps passe, moins ses goûts sont tolérés. «Le fait que les garçons et les filles soient tenus de jouer à des jeux différents, de s’habiller différemment et de s’asseoir chacun de leur côté m’apparaissait comme un intolérable apartheid.»
Au lycée, les choses se gâtent. Proches des filles et chouchou des profs, Vikram est brutalisé, insulté, ostracisé. «La radio était ma meilleure amie. Je ne regardais pas la télé car je n’aimais pas les stéréotypes qu’elle propageait. Je lisais. J’écoutais la BBC, RFI, Radio Netherlands…» Il évite la fac, passe deux ans dans un ashram «par curiosité». Là aussi, sa différence dérange et son esprit critique s’aiguise. Profondément féministe, Vikram souhaite «la fin de la morale victorienne» et cite Judith Butler, qui affirme que le sexe et le genre sont des constructions sociales. Dans la mesure où il ne se considère ni homme ni femme, Vikram a du mal à définir sa sexualité. «Je serais plutôt attiré par les caractéristiques féminines, chez un homme comme chez une femme. Mais je me vois comme pansexuel.»
Après des années de petits boulots en call-center, Vikram découvre Nirangal, une association de défense des LGBT. Depuis l’été 2015, il y travaille à plein temps. Après 35 ans de réflexion, Vikram veut lutter. Contre le système des castes, le patriarcat, ou la fameuse section 377 qui rend criminelle toute relation non hétérosexuelle. «Ce qui est compliqué en Inde, c’est qu’il n’y a pas de débat public sur la sexualité. Le sexe est un tabou. La société n’est pas prête au changement, ce n’est pas pour ça que ça ne doit pas arriver.»
Auriez-vous imaginé qu’un jour vous pourriez partager vos scores d’endurance au lit avec des centaines d’«amis» sur Facebook ? Le phénomène de partage des données concerne même le sexe. Il est porté par une frange d’obsédés qui pensent intéressant de tout mesurer avec des capteurs. Et de tout transmettre.
Aujourd’hui, les individus disposent des moyens de saisir, stocker, traiter et échanger beaucoup d’informations les concernant, y compris les plus intimes. Ils s’en servent pour discuter ensemble de ce qu’ils vivent, s’échanger des avis, partager des envies. Ce phénomène d’autosurveillance peut atteindre des proportions inouïes : prenez Ben Lipkowitz. Entre le 11 mai 2005 et le 20 décembre 2011, il documente sa vie, heure par heure, via un programme qui transforme en graphique chacune de ses journées. Ben Lipkowitz sait précisément ce qu’il a mangé, ce qu’il a dépensé, avec qui il a parlé, les objets qu’il a achetés, le temps qu’il a passé à nettoyer sa cuisine… Tout le monde peut le savoir aussi. Un autre proclamé bio-hacker, «Mark Carranza, détaille également son existence depuis ses 21 ans, en 1984, via une base de données qui recueille désormais plusieurs millions d’entrées. La plupart de ses pensées et actions sont ainsi documentées» (source : InternetActu).
Les données privées, c’est sexy
Dans une série d’articles consacrés à cette nouvelle tendance, estampillée «datasexuelle», le rédacteur en chef d’InternetActu, Hubert Guillaud, présente ainsi la chose : «Auriez-vous pensé un jour qu’il serait cool de porter autour de votre poignet un bracelet noir affichant vos performances sportives avec des néons lumineux ? Eh bien Nike le pensait.» C’est Nike qui lance – parmi les premiers – un des outils iconiques de cette «urbanité datasexuelle», caractéristique de l’époque : exit le métrosexuel, l’homme urbain obsédé par son apparence. Sa version numérique est bien plus glamour : le datasexuel, c’est l’homme connecté qui enregistre en permanence tous les détails de sa vie même les plus prosaïques ou intimes, persuadé qu’ils intéressent le monde entier. «En fait, plus nombreuses sont les données, plus il les considère comme sexy». Bien sûr, l’histoire de l’autosurveillance ne date pas d’hier.
Peser ses excréments
Ainsi que le raconte Allen Neuringer, dans un manifeste prémonitoire datant du printemps 1981, «l’histoire des expérimentations faites sur soi-même a favorisé, notamment dans les sciences médicales, des avancées majeures. Pendant 30 ans, vers la fin du XVIe siècle, Sanctorius de Padoue se pèse avant et après chaque repas, pèse chaque aliment qu’il ingère et pèse ses excréments, afin […] d’étudier l’énergie utilisée par un organisme vivant.» Pour le psychologue américain Allen Neuringer, le fait que des individus puissent documenter leur vie dans le détail grâce à des outils connectés et relier ces informations à des banques de donnée accessibles aux organismes de recherche est une formidable promesse de rétroaction sur nos comportements individuels. En corrélant nos apports caloriques avec nos résultats de travail, il y aurait certainement moyen d’améliorer nos rendements, dit-il.
Auto examen (d’inconscience)
L’autosurveillance ne date pas d’aujourd’hui, soit. Mais le phénomène est nouveau, parce qu’il repose sur une philosophie (sic) extrêmement inquiétante : plus vous en savez sur vous-même, mieux vous vous portez. Le «savoir», en l’occurrence n’est pas celui qui s’acquiert à force de doute, d’épreuves ou de méditation, non. C’est un savoir quantifié, fragmenté en enregistrements maniaques de données purement matérielles. Le défenseur le plus convaincu de cette idéologie de l’auto examination s’appelle Chris Dancy, directeur de BMC software. Il est constamment relié à au moins trois capteurs différents. «Parfois, cela peut aller jusqu’à cinq, relate le journaliste Klint Finley (1). Ils mesurent son rythme cardiaque, ses phases de sommeil, sa température cutanée, etc. Sa maison en est également remplie. Il y en a même un dans ses toilettes qui lui permet d’établir des corrélations entre ses habitudes hygiéniques et ses cycles de sommeil». Chris Dancy partage ces données avec sa femme, affirmant que cela permet d’optimiser les relations de couple : elle peut «voir» s’il est fatigué ou pas en consultant ses statistiques de sommeil. Il fallait y penser.
Self-tracking : chasse à l’homme
Cette obsession de la mesure porte un nom : self-tracking. En français, le verbe traquer traduit bien la charge d’angoisse que représente le fait de collecter des données sur soi à l’aide de capteurs. S’adonner au self-tracking, avec la volonté d’être plus performant, c’est courir droit à la névrose. Dans un ouvrage intitulé Le Syndrome du bien-être, deux chercheurs – Carl Cederström et André Spicer – dénoncent l’aspect délétère du processus : «Comme Dancy, l’homme et la femme contemporains sont condamnés à passer sans relâche leur vie au crible. Il ne s’agit en aucun cas d’un examen philosophique au sens socratique du terme […]. Pour les adeptes du selftracking, l’examen de soi n’a rien d’une quête métaphysique ou d’une prise de conscience des limites de la condition humaine. Il doit nous permettre d’être mieux adaptés aux lois économiques du marché.» Lorsqu’il chronomètre ses relations sexuelles, par exemple, le self-tracker n’essaye pas d’être plus heureux mais plus «compétitif».
De l’influence des cycles sur les plans-carrières
Le problème avec le self-tracking, c’est que cette quête éperdue de savoir et d’amélioration fait voler en éclats la distinction privé/public. «Dans sa vie privée comme dans sa vie professionnelle (la différence entre les deux étant, selon lui, purement insignifiante)», le self-tracker mesure ses moindres faits et gestes qu’il transforme ensuite en données quantifiables pour se perfectionner… sans faire la part des choses entre ce qui ne concerne que lui et ce qui touche à sa carrière. Tout devient professionnel, y compris ses humeurs ou celles de son épouse. «Dans un article paru dans The Economist, on peut apprendre qu’un banquier d’affaires utilise ces nouvelles technologies pour lutter contre ses troubles du sommeil et devenir «plus détendu et plus alerte au travail». Un autre adepte de la quantification de soi a étendu la récolte de données à l’ensemble de sa famille, enregistrant, entre autres, les cycles menstruels de sa femme».
Tu as été improductif : c’est ta petite appli qui le dit
Comment expliquer cette manie compulsive de vouloir tout enregistrer sur nous-mêmes ? «Pour la plupart des personnes utilisant des outils de self-tracking, cela va bien plus loin que la simple volonté d’améliorer leur hygiène de vie (par exemple en réduisant leur consommation d’alcool ou en allant plus souvent à la salle de sport). Ils se servent de leurs données biométriques pour contrôler tous les aspects de leur vie, privée comme professionnelle, en vue de devenir toujours plus performants et productifs. […] Interviewé par le Financial Times, un entrepreneur assimile le lifelogging, c’est-à-dire l’enregistrement de la vie en continu, à la gestion d’une start-up : «J’ai toujours un œil sur les chiffres pour savoir comment se porte mon entreprise […].» Surveiller sa vie comme s’il s’agissait d’une véritable entreprise correspond à tous points de vue à la mentalité de «l’agent idéal du néolibéralisme».
.
CET ARTICLE FAIT PARTIE D’UN DOSSIER EN TROIS PARTIES. Première partie : «Six applis pour suivre son activité sexuelle» ; deuxième : «Datasexuels, les obsédés de la performance» et dernière partie : La méditation clitoridienne rend-elle heureux ?
A LIRE : Le Syndrome du bien-être, de Carl Cederström et André Spicer, L’Échappée, coll. «Pour en finir avec», 2016. Traduit de l’anglais par Édouard Jacquemoud.
RENCONTRE-DEBAT AVEC LES AUTEURS : jeudi 28 avril 2016, à 19h30. Quilombo Boutique-Librairie : 23 rue Voltaire, Paris. Métro Rue de Boulets, Nation ou Alexandre Dumas.
NOTE (1) Klint Finley, «The Quantified Man: How an Obsolete Tech Guy Rebuilt Himself for the Future», Wired Magazine, 22 février 201.