Cela fait 4 ans que Le Tag investit chaque nouvelle édition du Hellfest, que ce soit en rangers ou en ciré jaune, sous la pluie ou dans la chaleur de Clisson, nous représentons la culture porn, preuve s’il en est des liens intimes entre cul et musique métalloïde extrême. Après une édition 2014 en demie-teinte du fait d’un joli projet jeté à la corbeille car malheureusement incompris, nous sommes revenu en 2015, pour les 10 ans du fest, motivés par une belle affiche et quelques groupes à haut potentiel sexy.
Cette Xème édition ne déroge pas à la règle, le Hellfest sort encore une fois l’artillerie lourde, en matière de décor, d’animations, de structures… Véritable mastodonte des festivals européens, le Hellfest continue à forger sa culture autour d’un noyau dur de fans qui s’arrachent les places les yeux fermés et d’une nébuleuse composée d’amateurs de musique extrême et de badauds acquis à l’ambiance festive et si spécifique au HF. Ça picole, ça se roule par terre, ça s’empoigne dans le pit, et au final on se retrouve bras dessus, bras dessous avec de parfaits inconnus à l’haleine lourde mais au cœur débordant de brolove. Même le plus indécrottable misanthrope ne peut rester insensible à cette kermesse sympathique.
Je vais la jouer live-report car j’ai enchaîné les scènes comme un actrice française dotée d’un visa touristique aux States, autant vous dire que je n’ai pas chômé en 3 jours. Pour cette troisième incursion en terres clissonnaises, je me suis fait un petit plaisir non-coupable en me retapant Truckfighters, les zébulons suédois et leur stoner séminal. J’avais déjà perdu une pompe et quelques années de vie lors de leur show au Glazart en 2013, rebelote cette année, et ce fut de loin mon meilleur concert lors de cet exercice 2015. J’ai donc commencé par le dessert, sans le savoir. Comment résister à l’hypnotisant hymne qu’est « Desert Cruiser » ? Seul groupe a pouvoir regarder Kyuss droit dans les yeux et sans rougir, Truckfighters, malgré leur nom de groupe franchement pourri, m’en ont mis plein la gargoulette. J’erre ensuite pour retrouver mes repères et atterris devant le show de Billy Idol, qui ose encore le torse nu malgré les heures de route, plutôt gaulé le vieux beau. Le Hellfest assume aussi son côté Jurassic Park, en permettant de voir d’énormes groupes à la gloire intacte mais dont les meilleurs moments sont derrière eux. Et ce vendredi fut l’occasion de barrer nombre de noms colossaux de ma bucketlist. Des vieilles cylindrées plus ou moins rutilantes qui m’ont régalé. Les Teutons thrashos de Sodom, tout en efficacité, Alice Cooper, le charmeur de serpents et Motörhead avec un Lemmy qui n’avait pas encore mis un genou à terre qui nous balance un « Orgasmatron » bien orgasmique. Pour terminer le sabbat, Judas Priest, incarnation du cuir et moustache, dont le véhément « Painkiller » final aura fini de me mettre en orbite pour la suite du festival.
Samedi brutal. Prostitute Disfigurement et Cock & Ball Torture en apéro précoce, gore grind de bonne facture aux paroles aussi sympathiques que leur nom l’indique. Peace and love, trachées ouvertes recouvertes de sperme et de matière fécale, de jolies cartes postales musicales à envoyer à sa belle famille… Suivront Craft et Mütiilation pour combler mon penchant pour l’undaground, prestations relativement dénuées d’intérêt, public clairsemé mais ambiance reposante malgré les appels à « baiser l’univers » ou à « détruire sa vie pour Satan« . On y croise le camarade Famine, qui, comme moi, a plus sa place ici que devant Backyard Babies qui jouent au même moment sur la grosse scène. Bien ragaillardi, je me rends naïvement à la warzone, première incursion de mon histoire festivalière sur cette scène excentrée réservée au punk et au hardcore, dépucelage provoquée par la présence de Body Count, dont l’emploi du temps ne leur permettait pas de jouer sur l’une des main stages…
Je ne suis pas le seul à avoir eu envie d’aller me frotter à Ice-T et son rock gangsta. C’est bien simple, je n’ai jamais vu autant de monde au même endroit, au même moment. On ne parle plus de foule mais d’une orgie de corps suants. A peine arrivé à proximité de la scène, il devient évident qu’il sera impossible de sortir de ce bourbier. Je crains le mouvement de panique, nous sommes trop nombreux, des cris commencent à poindre, et pas de ceux que l’on entend beugler habituellement. La chaleur est atroce, on suffoque, un goulet d’étranglement s’est formé entre le site du HF et cette petite scène. Ça aurait pu se transformer en cauchemar, heureusement le metalleux est docile et discipliné malgré tout, j’arrive même à m’extraire de ce maelström en ayant pu assister au premier morceau du groupe. Je profite d’un reflux pour me glisser dans le courant et m’échapper… 30 minutes pour faire 50 mètres… Chaud mais je cours au bar étancher une soif extrême et me pose tranquillement devant Killing Joke, je ne comprends plus rien à ce que je vois, il me faudra quelques minutes pour retrouver mes esprits après cette expérience véritablement infernale.
Heureusement le programme qui suit va être pépère, ZZ Top, Faith No More, Scorpions, un énorme feu d’artifices et Marilyn Manson, que je n’avais jamais vu auparavant. L’antichrist a perdu de sa superbe, le sublime malaise qu’il générait à la fin des 90’s a disparu, Omega est reparti dans sa soucoupe, reste l’homme, celui qui aura approché Stoya bien plus près que n’importe lequel d’entre nous, celui qui a gentiment révolutionné mon adolescence avant que d’autres figures, sortis des tréfonds de la Norvège, moins grand guignolesques mais nettement moins glamour ne le remplacent. Le voir enculer puis poignarder une pauvre tortue gonflable, réclamer que l’on jette des strings pour fêter l’anniv d’un de ses zicos, ou mettre trois plombes à se changer entre chaque chanson, je me le serai bien éviter mais putain quoi, pas le moment de discriminer, j’aime haïr ce fils de pute et même en déambulateur, j’irai checker Brian car il le vaut bien.
L’instant bon fappeur aura lieu le dimanche avec la prestation onctueuse des Finlandais de Grave Pleasures (ex-Beastmilk), les photographes fripons se ruent sur l’avant-scène pour shooter la jolie guitariste diaphane. Weedeater reprend là où s’étaient arrêté les Truckfighters, gros stoner touffu qui sent le Jack et l’orange bud, là encore les mecs sautent partout, pour compenser verticalement la lourdeur de leur son j’imagine. Je squatte donc la valley, pour voir les transfuges du bayou d’Eyehategod puis Life of Agony et leur chanteur devenue chanteuse, énorme kiff que d’entendre les morceaux du désespéré « River runs red » repris en chœur par une foule enthousiaste, ça tranche avec le contenu suicidaire de l’album, la lame de rasoir est remplacé par le sourire transi des fans de la première heure huggés sans relâche par Mina Caputo dont le changement de sexe est passé crème. Le Hellfest s’achevera pour votre serviteur par le pachydermique set de Triptykon, l’efficacité suisse au service du metal froid et monolithique. Le coup de massue qu’il me fallait pour me renvoyer chez moi, béat. Pas de Limp Bizkit ou de Korn, j’ai eu mon shoot de nostalgie de qualité dosée avec Manson la veille. Le Hellfest a encore prouvé sa valeur, avec autant de petites morts que de groupes calibrés pour satisfaire tout un chacun. See you in Hell, bitches.
Les jolis photos façon Mad Max par Philippe « Pippo » Jawor