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«Ce serait un moyen simple de promouvoir la tolérance et d’attirer l’attention sur les questions d’égalité au quotidien.» Marco Müller, président des Verts lucernois, rêve d’installer de nouveaux feux pour piétons aux carrefours de sa ville. L’élu de 35 ans, ouvertement gay, s’apprête à soumettre une demande officielle pour adopter les pictogrammes LGBT-compatibles qui ont déjà fait leur apparition dans plusieurs villes allemandes, ainsi qu’à Vienne, à l’occasion du concours Eurovision, en mai dernier. Lucerne serait ainsi une ville pionnière en Suisse, a-t-il expliqué au magazine local «Zentral+».
Les pictogrammes lumineux représentant des couples gay, lesbiens et hétéros mettraient un coup de projecteur sur la petite métropole touristique de Suisse centrale, dotée d’une scène gay très vivante. «Ce serait un signal fort et efficace pour montrer la diversité dans la ville», se réjouit Aurelia Meier, du collectif LGBT QueerOffice.
Normes
Reste au jeune politicien à convaincre les autorités. Roland Koch, responsable du trafic à la municipalité est mitigé. «Les symboles sont définis par les normes de l’Association suisse des professionnels de la route. Au préalable, ces normes devront donc être ajustées», remarque-t-il. Et le fonctionnaire de s’en remettre à une décision politique afin d’assumer les coûts d’une telle installation.
Il a fallu presque deux mois aux carabiniers de Gênes, grâce à des caméras de vidéosurveillance et à l’analyse de téléphones portables, pour retrouver les auteurs d’une agression homophobe particulièrement brutale. Cinq jeunes ont été arrêtés pour le tabassage d’un homme de 44 ans, dans la nuit du 14 juillet, à bord d’un bus de la ville. Trois garçons âgés de 18 à 20 ans (un était mineur au moment des faits) ont été inculpés de tentative d’homicide, rapporte le «Corriere della Sera». Deux filles qui les accompagnaient sont également mises en cause, tout comme le chauffeur du bus, qui n’avait pas alerté les secours.
Hétéro victime d’un déferlement de violence homophobe
Les cinq jeunes s’étaient acharnés à coups de pieds et de chaîne contre Luca, pris pour un homosexuel. Un des assaillants a expliqué avoir été «frappé» par le maquillage que l’homme portait sur le visage. Le quadragénaire «au look original» rentrait chez sa compagne après une fête. Une semaine après l’agression, il était tombé dans le coma, victime d’une hémorragie cérébrale. Il avait été opéré et sauvé in extremis.La question de la crédibilité du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, basé à Genève, est posée. Ce lundi, un représentant du Royaume d’Arabie saoudite, Faisal bin Hassan Trad, a été nommé à la tête du panel du Conseil, un comité stratégique de cinq diplomates chargés de d’observer les atteintes aux droits de l’homme dans le monde et de désigner des experts.
Décapitations
Cette décision a suscité un tollé de la part d’ONG actives à l’ONU. UN Watch, par exemple, a jugé «scandaleux que les Nations unies choisissent un pays qui a décapité cette année plus de personnes que l’Etat islamique». Dans un communiqué, elle compare la nomination à celle «d’un pyromane comme chef des pompiers». La décision – prise en juin mais tenue secrète jusqu’à cette semaine – serait le résultat d’un marchandage destiné à dissuader Riyadh de briguer la tête du Conseil des droits de l’homme.
Comme le rappelle Amnesty International, les dirigeants saoudiens «ont pris pour cible la communauté des défenseurs des droits humains, petite mais active, et elles ont utilisé les lois antiterroristes pour réprimer ses activités pacifiques qui visent à dénoncer et à combattre les violations des droits humains».
Gays persécutés
Le pays a un bilan désastreux pour les libertés religieuse et d’expression, comme illustré récemment par l’affaire Raif Badawi, un bloggeur et opposant condamné au fouet et à la prison en dépit d’une mobilisation internationale. Riyadh bafoue également les droits des femmes les plus élémentaires et persécute les minorités sexuelles. L’homosexualité est théoriquement passible de la peine de mort. En pratique, les hommes gay sont à la merci de la police religieuse, le Comité pour la propagation de la vertu et la prévention du vice. Un des cas les plus récents est celui d’un jeune homme de 24 ans arrêté en 2014 après avoir utilisé Twitter pour rencontrer d’autres hommes. Il avait écopé de 3 ans de prison et 450 coups de fouet.
Beaucoup ont tendance à voir les féministes comme un groupe monolithique, dont les membres seraient interchangeables. Le féminisme est, plus que jamais, riche de personnalités très diverses.
J'ai donc décidé d'interviewer des femmes féministes ; j'en connais certaines, beaucoup me sont inconnues. Je suis parfois d'accord avec elles, parfois non. Mon féminisme ressemble parfois au leur, parfois non.
Toutes sont féministes et toutes connaissent des parcours féministes très différents. Ces interviews sont simplement là pour montrer la richesse et la variété des féminismes.
Interview de Célina.
Bonjour Célina, peux- tu te présenter ?
J'ai 37 (bientôt 38) ans, je suis entrepreneuse, j'ai monté ma boite, ya un peu plus de 4 ans, ça marche pas trop mal, c'est cool Sachan tque je pens equ ej n'ai jamais été adaptée pour le salariat mais que passer le cap d'assumer l'entreprenariat a été tendu.. Je suis spécialisée dans le conseil en marketing. Je suis une femme cisgenre (donc pas transgenre/transexuelle, pour celleux qui connaissent pas le mot cisgenre), mi blanche mi basanée (mon père est mexicain et on me prend parfois pour une tunisienne ou marocaine, donc j'ai déjà subi différentes formes de racisme), valide, plutôt mince. Ouais c'est bien de préciser car on ne nomme jamais la norme. On parle d'homo, de transsexuels, d'handicapés, de gros, de noirs. Et du coup à force de pas nommer cette "normalité", on ne se rend pas compte que quand on est dedans il y a pleins de trucs désagréables qu'on ne vit pas. Le fait de nommer rappelle qu'on est avantagé sur pas mal de plans.
Depuis quand es-tu féministe ?
Bon déjà ma mère se revendiquait comme telle (bien que dans la famille, les rapports entre hommes et femmes n'aient pas été sur tous les plans des plus égalitaires ou pacifiques). En tout cas, c'est elle qui m'a fait connaître Simone de Beauvoir par exemple, mais j'avoue qu'à l'âge de 18/19 ans, le deuxième sexe me semblait complètement pas en phase avec ce que je vivais. Je suis devenue féministe progressivement, en réagissant aux marques de sexisme que je vivais tous les jours. Quand je faisais du son et que je trainais dans des studios de rap / hip-hop, on me disait souvent "on dirait un mec" (ouais parce j'étais + concentrée sur le son que sur ma coiffure ou mes fringues). Quand je disais à l'extérieur 'je fais du son' on me rétorquait toujours "ha ouais, tu chantes ?" (oui parce que bon bidouiller Pro Tools ou une MPC c'était pas trop un truc de nana). J'ai commencé à écrire des textes de chansons début 2002, et un des premiers textes disait en substance "si j'étais un mec ce serait mieux", je me disais vraiment à l'époque que j'aurais préféré être un mec pour que "tout soit plus simple". J'ai été violée à cette même époque et je me disais "si j'avais été un mec ça me serait pas arrivé". Et c'est durant cette période que j'ai rencontré une féministe, une nana plus âgée que moi, qui m'a ouverte au féminisme avec un grand F. Pendant quelques années je me suis forgé une première pensée féministe, je me souviens avoir échangé quelques mails avec Isabelle Alonso (on est vers 2002) j'étais super admirative et elle avait eu des mots de soutien qui m'ont fait beaucoup de bien. Par la suite, durant mes expériences pro j'ai eu droit à des choses du genre "tu n'es passez maternelle avec ton équipe", ou des "ha ouais tu es pas facile en négo" et je notais que certains hommes avec strictement les mêmes comportements, n'étaient pas jugés de la même manière. Je trouvais ça injuste. J'ai eu beaucoup de partenaires sexuels durant ma vingtaine, j'avais aucune envie de me caser, je me suis souvent fait traiter de salope, de fille légère, de nana qui ne trouverait jamais de mec, qui devait faire attention à son image, ce genre de choses, et parfois de la bouche de gens censés être des "potes", disant cela "avec beaucoup de bienveillance hein, c'est pour toi que je dis ça tu sais Célina". Et là pareil, je me disais "mais putain si j'étais un mec, on me dirait pas toutes ces choses là, pourquoi on me les dit à moi ?". Durant toute ces années, mon féminisme était pas formalisé, mais il était là, de manière très instinctive, viscérale, je réagissais à ce que je considérais comme des "injustices" par la colère, l'insulte, le sarcasme voire le dédain. Mais le moment où j'ai assumé de dire "oui je suis féministe et alors YAKOI ?" est arrivé plus tard, vers 2009/2010 je dirais. C'est ce moment où on sent que ça donne des ailes (comme Redbull mais en mieux) et non que ça enferme ou que ce serait un boulet (comme les autres le voudraient). Puis il y a eu les réseaux sociaux, où j'ai considérablement augmenté ma culture et mes connaissances. Ce qui était instinctif est devenu rationalisé, théorisé, intellectualisé. J'ai découvert une diversité de féministes, dont je ne soupçonnais pas l'existence. Et j'ai vécu ça comme une véritable émulation intellectuelle. C'est dingue ces gens qui voudraient qu'on pense toutes pareil, ce sont les mêmes qui défendent le débat, la pluralité des points de vue en démocratie, ou ce sont d'autres ? ^^ Le féminisme a, selon moi, comme ressort, l'étonnement philosophique et c'est avant toute chose ce qui fait que je suis féministe : cette capacité, devant la "normalité", de se demander "pourquoi ?" quand tout le monde te dira "c'est la vie, c'est comme ça". Cette capacité d'interroger des certitudes, de remettre en question. Et je pense que c'est au fondement même de sociétés cherchant à se pacifier de plus en plus, cette capacité là.
Tu as fondé Girlz in web ? Quel était ton but en créant cette association ? En quoi consiste-t-elle ?
Oui, fin 2009, avec une amie (Lucile Reynard), on a créé un réseau professionnel destiné à améliorer la visibilité et la promotion des femmes dans les métiers numériques. Devant le constat que, bien que nos métiers soient pas mal féminisés, dès qu'il y a un événement où ça va se mettre un peu en avant devant un par terre de gens du métier, il n'y a pour ainsi dire que des mecs. A ce moment là on a surtout envie de transformer ce constat en action concrète. On était pas mal branchées empowerement (et un peu lobbying). Ce qu'on voulait c'était faire en sorte que les nanas chopent des réflexes qui deviendraient des habitudes (réflexes que les mecs avaient plus "naturellement") comme réseauter à fond, se coopter, parler en public, se sentir légitime, experte, ne pas se sous estimer par défaut. Ce genre de petites choses qui, mises bout à bout, faisaient que être une expertE devenait super banal, et qu'on en verrait partout, au même titre qu'on voit des mecs partout. C'est vite devenu un super réseau professionnel d'empowermement, défendant l'ambition féminine et la mixité. On a organisé pas mal de trucs et rassemblé énormément de femmes méchamment motivées Je pense pouvoir dire qu'on a pété nos plafonds de verre (enfin une immense partie) par cet effet collectif. La non mixité, de fait, pendant les réunions du bureau de l'asso ou du conseil d'administration, a permis de partager des expériences qu'on aurait peut être moins facilement partagé dans un environnement mixte ou masculin, et cela donne une force incomparable. We can do it, comme dit la fameuse image. Depuis, pas mal de nanas qui étaient salariées au moment du démarrage sont aujourd'hui entrepreneuses. Et elles pensent que c'est en grande partie grace a cette asso. Ce que je dis ici est ma parole personnelle. Je me suis désengagée par manque de dispo et d'énergie à un moment, et depuis pas mal de temps c'est Marine Aubin et Marie Amélie Frere qui gèrent, ce sont des nanas qui en ont sous le capot, et ça fait plaisir.
Tu as employé le mot "empowerment" ; peux tu expliquer ce qu'il signifie ?
Je ne connais pas l'équivalent français mais ce serait proche de "autonomisation", mais le terme va plus loin que ça. C'est en gros prendre le pouvoir, pas des autres ou du monde, mais de soi. S'affirmer avec un grand A. Et donc d'un point de vue militant cela voudrait dire miser sur des actions ou les personnes concernées s'affirment, par elles mêmes, et s'affranchissent de ce qui les enferme, par elles mêmes. Un truc comme ça je dirais.
Pourquoi penses tu que les femmes ont moins les reflexes de réseautage que les hommes ? A quoi est- ce dû ?
Parce que les femmes sont plus sujettes au syndrome de l'imposture que les hommes. Je l'ai vu durant mes 12 années d'expérience pro. Et je l'ai vécu évidemment. On (je dis "on" exprès car cela m'arrive encore et que je sais que c'est partagé par pas mal de femmes) va avoir plus facilement tendance à dire des choses du genre "nan mais je suis pas légitime sur ce sujet" / "nan mais j'ai pas bcp d'expérience dans tel domaine" etc. Le geste de donner une carte de visite, par exemple, s'accompagne souvent de "si vous avez besoin de tel conseil / service contactez-moi, j'ai ce qu'il vous faut". Cela signifie s'être affranchie de ce syndrome et se positionner comme la bonne personne compétente. Et on a toujours 20000 raisons de ne pas être à la hauteur / assez compétente / assez expérimentée etc. De manière générale, pour les salariées comme les indépendantes, savoir se mettre en avant, avoir un profil pro à jour sur le web, aller dans des événements pro, c'est important. Se créer un réseau et être "dans la place" en gros. Alors à quoi ce gap hommes/femmes est du ? On vient d'une culture ou l'ambition ne s'est pas accordée au féminin pendant des siècles. Où les femmes étaient validées par les hommes, elles n'avaient pas trop de valeur intrinsèque en dehors de leur rapport aux hommes : épouse / pute / mère / fille. Donc jamais en tant qu'individus autonomes. Il fallait l'accord du mari pour ceci ou cela, on avait une valeur sociale quand on était mariée à un homme, quand on était mère, "derrière un grand homme il y a une femme", sous entendu la place de la meuf c'est derrière l'homme, dans les coulisses. Actrice mais pas de sa propre vie, actrice en coulisses quoi. Du coup se mettre en avant c'est sortir des coulisses. Ca veut dire que même si on a l'égalité dans les droits aujourd'hui, dans pas mal de réflexes c'est pas encore ça. On a vachement avancé, mais il reste du chemin.
En quoi la non mixité dans vos réunions était nécessaire ?
Elle l'était de fait, mais pas spécialement décidée. A partir du moment où on montait un réseau pour promouvoir les femmes dans le numérique, bah on était assez naturellement que des femmes autour de la table. Ca n'a jamais été posé comme une obligation, mais je me rappelle de discussions autour de la question de la présidence de l'asso : pouvait-elle être assurée par un homme ou pas ? J'ai toujours pensé que non. Certaines nanas dans l'asso n'étaient pas d'accord avec moi. Je devais aussi accepter que les nanas ne partageaient pas toutes ma vision du féminisme, d'ailleurs beaucoup ne se disaient pas féministes en fait. Ca reste un mot encore assez connoté "casse couilles" / meuf énervée. Je comprends que des nanas puissent ne pas s'y retrouver. Moi je trouvais impensable et dommageable qu'on puisse envisager qu'un homme soit président de GIW. Car on avait créé ce réseau précisément parce que les femmes manquaient de visibilité (par rapport aux hommes) et confier les rênes à un mec revenait à donner de la visibilité à un homme sur le manque de visibilité des femmes, pour moi c'était totalement incompatible.
Pour revenir à la non mixité, elle avait été posée de fait dans certaines situations : toutes celles qui touchaient au cœur de la mission de GIW. Les intervenantes des ateliers pro, par exemple, bah de fait si on voulait valoriser les femmes et leur expertise, cela ne pouvait être que des ateliers menés par des femmes. Les intervenantes dans nos événements étaient au départ que des femmes, puis on est allées vers de la mixité : on assurait des panels systématiquement 50/50. C'était une bonne idée mais pour le coup je trouvais qu'on jouait les bonnes élèves quand dans le même temps les autres événements pro ne faisaient pas le job de la mixité. Il y a eu aussi un sujet compliqué quand on a voulu créer le "guide des expertEs du numérique". Certaines nanas nous ont dit que c'était nul de faire un annuaire avec uniquement des nanas, que ça cultivait l'idée que les nanas avaient des caractéristiques spécifiques. Sauf que c'était oublier le contexte du projet, voire le nier carrément, et faire abstraction de l'objectif. Le contexte : beaucoup d'événements pro ont trop peu voire pas du tout d'intervenants qui sont des femmes. Les organisateurs, quand on les interpelle, répondent souvent 1/ mais on sait pas où les trouver et 2/ mais notre appel à intervenants était ouvert à tous ! Donc on devait :
1/ créer un annuaire qui réponde à "on sait pas où les trouver", réponse -> bah dans ce guide
2/ motiver les nanas a parler sur scène pour répondre aux appels à contributions (et ça c'est souvent le plus dur)
Tu travailles dans le conseil en marketing ; en profites- tu pour distiller des idées féministes ou est- ce impossible pour l'instant ?
Oui carrément ! Quand je sens que c'est possible. Et j'essaie toujours de trouver des arguments business et marketing, car il y a toujours une possibilité d'argumenter par le prisme du business. Avec certains clients plus ouverts, plus au fait du sujet, j'en parle plus librement, et ça passe. C'est comme ça que par micro touches on met des (e) plutôt qu'utiliser le masculin neutre. En général je le fais de manière cool mais j'ai le souvenir de m'être emportée quelques fois en réunion business très ouvertement, sachant que je risquais de perdre la mission, et au fond de moi honnêtement j'y étais prête, sur le moment le fait de ne pas laisser passer certains trucs me semblait plus important que les tunes que je pouvais gagner. Ces situations sont rares, mais elles peuvent arriver surtout dès lors qu'on échange avec des agences de publicité, qui malgré leur côté "cool" sont extrêmement conservatrices sur les questions de genre, et évidemment elles te diront l'inverse
Que penses-tu des multiples pubs très sexistes qu'on voit surgir très souvent ? Faut-il y réagir ?
Excellente question. J'ai tendance à réagir systématiquement. Et je maintiens que c'est la meilleure posture : réagir. Ne rien dire serait, à mon sens, pire. Mais je sais aussi que cela fait partie de la mécanique publicitaire. Les publicitaires et les marques sont attachés à ce qu'on appelle "le reach" (en gros la visibilité d'un message, pour faire simple) et ils ont quelques gimmicks célèbres qui synthétisent leur cynisme culturel "il n'existe pas de mauvaise publicité" ou "peu importe qu'on dise du bien ou du mal de moi, tant qu'on parle de moi". Du coup le bad buzz est devenu (ou a toujours été) une mécanique efficace pour booster le fameux "reach" (la visibilité). C'est une solution de facilité, très médiocre, à mon sens. Mais évidemment à chaque fois, si on les défonce, c'est un peu eux qui gagnent. Quoique pour beaucoup, en réalité elles sont assez soucieuses de leur image et en coulisses ce qu'on voit moins c'est que souvent ça leur fait moyen plaisir. Les marques ont ce double impératif subtile à manier : être le plus visible possible, être aimées du plus grand nombre. Donc trop de provoc inutile ou trop de bad buzz peut nuire à l'image de la marque sur le moyen terme, elles le savent. En tout cas, moi j'ai opté pour une manière de réagir : par le sarcasme et le détournement. Quand ils utilisent des hashtags pour relayer leurs opérations (ce qui, sur internet, est très souvent le cas), par exemple, le truc est de détourner ces hashtags. Officiellement -> pour pourrir un peu leurs reportings. D'autres fois je recommande de "payer des coups à des piliers de comptoirs de PMU - (pardon pour le côté mépris de classe) - car ils sont capables de sortir les mêmes merdes, cela coûterait bien moins chers que les créatifs pour le même résultat". Car il est question de ça : quelqu'un dont c'est le métier d'être créatif, de quelle créativité fait-il preuve quand il sert des stéréotypes déjà très (trop) largement partagés et dignes des brèves de comptoir ? Je pense que la publicité privilégie les stéréotypes aux archétypes, mais ça, c'est une autre histoire
Pourquoi penses-tu que la pub est un milieu très conservateur au niveau des représentations genrées ? A quoi est-ce du selon toi ?
Il ne l'est pas dans les apparences et évidemment comme beaucoup de milieux professionnels, le métier s'est largement féminisé, mais on note comme ailleurs que plus on est haut dans la hiérarchie et moins il y a de femmes. On note même que quand elles sont très haut dans la hiérarchie, il arrive souvent qu'elles soient moins bien payées que leur prédécesseur masculin. Faut faire gaffe, car ce faisant, choisir des femmes pour des hauts postes peut être officieusement une manière de satisfaire des actionnaires sur la gestion des coûts, sous couvert d'un discours public orienté mixité. Bref. Et surtout, il faut comprendre qu'un des métier les plus valorisé est celui de CREA (créatif / directeur de création etc) et là, on est carrément en extrême sous représentation : moins de 10% des directeurs de création dans le monde seraient des femmes. Il existe même une asso de femmes publicitaires aux Etats Unis qui s'appelle "the 3% movement", qui tient son nom du fait que moins de 3% des Directeurs de création sont des femmes (je sais pas si ce pourcentage correspond aux USA uniquement ou au monde entier en revanche).
Alors pourquoi ? Bah ma théorie est que la base du travail d'un publicitaire est de connaitre les modes de pensées ou habitudes d'une population à un moment donné T pour lui adresser un message qui va correspondre à ces modes de pensées ou habitudes (hashtag je vous ai compris). Et comme il faut s'adresser à la masse, on va vite sur le plus petit dénominateur commun... Donc en général c'est plus payant d'être conservateur que d'impulser des évolutions culturelles Il y a évidemment des exceptions qui confirment la règle, mais elles ne sont pas la norme. Banksy avait assez bien théorisé le souci en expliquant que le monde de l'art s'appauvrissait de talents car ceux-ci étaient happés par le monde de la pub. De fait, les deux univers sont proches, on utilise les compétences, savoir faire et langages des univers artistiques et créatifs, et c'est une manière de se rendre attractif pour des personnes qui auraient pu prétendre à une carrière d'artistes (c'est d'ailleurs pourquoi le métier de créa est quasiment le plus valorisé d'ailleurs), mais en réalité les desseins sont opposés la majorité du temps. Mais qui dit super valorisation d'une production de type créative dit concours de bite et qui dit concours de bite dit "attractif pour les hommes". De plus c'est un métier qui nécessite un grand sens de la synthèse : le format star est encore la pub TV de 30 secondes, donc raconter des choses en peu de mots, peu de temps, nécessite souvent d'utiliser des raccourcis. On peut difficilement se faire chier avec trop de nuances ou de subtilités.
As-tu des combats prioritaires dans le féminisme ? Quels sont-ils ?
Alors là... j'en sais rien... J'ai appris avec le temps et notamment en me prenant des tacles sur twitter, à ne pas prioriser. Et j'ai fini par comprendre que mon regard comportait le biais de ma propre expérience. Depuis je fais gaffe à relayer toutes les voix possibles, surtout celles les moins visibles et pas considérer certains sujets comme prioritaires sur d'autres. Après, globalement j'ai des affinités, forcément de par mon parcours, donc tout ce qui est business / monde professionnel, ça va me botter pas mal. Tout ce qui est analyse de discours aussi, vachement. Le langage, l'humour; tout ce qui est a priori "léger" et sans incidence. J'ai tendance à penser que ces détails "anodins" sont, par petits bouts éparpillés, des traces dispersées, édulcorées, d'oppressions réelles et parfois très violentes. Je ne pense pas qu'il faille penser que le langage est en soi l'outil d'oppression, je pense simplement qu'il en est un vecteur, comme l'humour. Et que à ce titre ils doivent absolument, impérativement, être analysés, décortiqués, sérieusement, pas pris "à la légère". Je prends l'exemple de l'humour : par exemple les blagues sur les noirs et leur gros sexe. Sait-on que cette blague en apparence anodine puise ses racines dans l'esclavage des occidentaux ? C'est à dire une époque où les noirs ont été animalisés (de fait on les prenait pour des animaux, des sous hommes etc.). Quand quelqu'un fait cette blague, il est presque impératif à mon sens d'éclairer la personne sur l'origine de cette blague. Non pas pour le censurer (on les connaît les réponses "ohaaa ça va, on peut plus rien dire !") mais juste pour qu'il ne puisse plus dire qu'il ne savait pas. Certaines blagues qui nous paraissaient "anodines" il y a 20 ans ne passeraient plus aujourd'hui : la vraie question est "tant mieux ou pas" ?". Il y a un vrai sujet, je trouve, sur la question de l'émetteur, de l'intention, des effets, de cet humour. L'humour est un marqueur social, marqueur d'une époque. Il n'est pas du tout "juste anodin" et s'il y a bien un sujet qui me botte plus que le reste c'est ça : l'analyse de discours et de l'humour en particulier. Car je n'ai pas encore toutes les réponses....
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