copyright Laurent Prum, Immemory
« L’enfer, c’est les autres, dis-tu. On subit tous. »
Je n’ai jamais lu Sartre. Encore quelque chose que tu ne sais pas…
Je n’aime pas ce verbe, subir.
Pour tout ce qu’il me renvoie de moi.
Cette enfance qui n’en était pas une, sauf les jours où je fuyais chez mes grands-parents. Cette adolescence qui n’aura duré qu’une fulgurance. Pourtant, là encore, énoncer ces phrases sans explication frôle le mensonge. Tout n’est pas si simple. Blanc ou noir. La violence n’était pas toujours présente. Physiquement. Elle surgissait tel l’éclair. BAM ! Nos rires jaillissaient aussi, certaines fois en cachette, c’est vrai. Nos fous rires, son rire à elle résonnent encore en cascade dans ma tête. Le rire, ça peut être la [sur]vie.
Je pourrais te raconter les coups de poings qui veulent anéantir, les mots qui cherchent à tuer et qui y réussissent plus sûrement qu’une kalachnikov. Cette relation qui finit par s’établir : tu me bats/j’en redemande. Ne frappe pas les autres. De toute façon, je les protège de mon corps. Tape-moi. Seulement moi. Mais je saurai dorénavant pressentir tes failles et les élargir avec une délectation perverse : « T’as pas bu, toi ? Tu sens la vinasse à plein nez. ». Oui, ce centième de seconde qui fait que tout peut basculer de l’autre côté, je le reconnais chez l’autre. Je l’ai souvent désiré à une époque. Au point d’être en manque, peut-être. La provoque était ma vicieuse sœur jumelle. C’était ma normalité à moi. La seule que je connaissais. La même qui fera toujours répondre un enfant battu ou violé, ou les deux, à la question d’un juge : « Non, je veux y retourner. C’est chez moi. »
Longtemps je me suis jugée avec les moyens que les autres m’ont fournis. Et quoi que je dise sur moi aujourd’hui, le jugement d’autrui est toujours dedans, quelque part, heureusement amoindri. Je n’ai pas lu le philosophe mais je peux t’affirmer maintenant que si tu restes totalement dépendant aux regards des autres, tu es en enfer. J’ai choisi de briser les miroirs. J’en ai aussi traversés. C’est une autre histoire.
« Prends-soin de toi.
- Je sais pas faire. Les autres sont plus importants.»
Ce n’est pas pour autant que j’oublierai de vivre.
Même au plus sombre de l’histoire, tu trouveras toujours un point de lumière.
Je ne suis pas toutes les femmes.
Je ne suis pas non plus celle qui t’a cruellement blessé. J’aimerais être celle qui t’apaise. Quelle prétention ! J’aimerais être celle qui t’embraise aussi. Avec lenteur. Ou pas.
Ta bouche qui baise la mienne jusqu’à ce que mon ventre te supplie de le prendre, j’aime.
Tes mains qui explorent mon corps en inventant des caresses insensées, j’adore.
Et si on s’apprivoisait encore ? Dis…