Attracion – flickr/Edward Jung
La qualité du sperme baisse en France. La presse s’en est fait l ‘écho depuis plusieurs années déjà. En plus d’inquiéter sur la fertilité des humains, il y a de quoi se demander de quelles cochonneries de notre environnement cela peut-il bien venir. Mais une fois qu’on a dit ça : qu’est-ce qu’on fait pour y remédier ?
En cause : les Perturbateurs Endocrinients (PE). En Belgique et aux Pays-Bas, des chercheurs alertent les pouvoirs publics sur les méfaits du Bisphénol A (interdit mais seulement dans les biberons). En France, une association, Génération Cobayes, s’est mise en branle pour faire bouger les choses, sensibiliser et donner des conseils.
L’environnement par le cul
Cette association est née d’une prise de conscience : « En 2008, un étudiant au collège d’ostéopathie de Cergy décède des suites d’un cancer, à l’âge de 22 ans. Ses camarades tentent de comprendre comment ce qui était censé n’arriver qu’après cinquante ans a pu emporter leur ami. De fil en aiguille, ils rencontrent chercheurs, scientifiques, lanceurs d’alertes qui, les uns après les autres leur confirment que cela n’est pas si extraordinaire et qu’ils viennent de vivre les conséquences de la crise sanitaire, l’épidémie de maladies chroniques qui frappe les pays occidentaux. »
Alors Génération Cobayes met du sexe dans ses actions de sensibilisation. « Il nous fallait trouver une entrée qui nous permette d’aborder les questions de santé environnementale de manière ludique et drôle, une entrée qui soit mobilisatrice et non moralisatrice pour notre public cible, les 18-35 ans. » me dit Timothee Elkihel, membre de l’association. « On a fait le choix de cette entrée par le cul. (Note de Camille : ahem). L’idée est d’informer dans la joie et d’agir par le plaisir. Notre philosophie : Se faire plaisir sans se faire de mal, comme par exemple avec nos 7 commandements de l’éco-orgasme. »
Pression des industriels
Pour s’attaquer aux Perturbateurs Endocriniens, Génération Cobayes a fait circuler un questionnaire en ligne, qui a été rempli par plus de 35000 jeunes. Via ce questionnaire, et la newsletter qui lui fait suite, ce sont quelques conseils simples qui sont martelés :
- Utiliser des sextoys sans phtalates
- Suivre les logos (AB, cosmébio, nature et progrès…) pour les produits alimentaires et non alimentaires
- Utiliser l’application mobile gratuite Notéo qui permet de scanner les étiquettes des produits et d’identifier les principaux risques pour la santé et l’environnement
- Utiliser le guide de Greenpeace sur la présence des OGM dans les produits
- Privilégier les préservatifs au latex naturel et les lubrifiants sans parabènes
Les consommateurs doivent donc faire le boulot eux-mêmes, car les pouvoirs publics sont à la traîne. Les normes européennes ou françaises concernant les produits cosmétiques ou les sex-toys ne sont pas suffisantes pour nous protéger des perturbateurs endocriniens?
« Non malheureusement. Aujourd’hui il n’existe pas au niveau européen ou français de règlementation sur les perturbateurs endocriniens. Un projet de règlementation au niveau européen est bien en cours mais la sortie de la règlementation a été retardée sous la pression des industriels. Cette règlementation vise à interdire la présence des perturbateurs endocriniens avérés dans les produits alimentaires ou non alimentaires. Elle devrait voir le jour d’ici la fin de l’année. Mais aujourd’hui, en attendant, on peut retrouver des perturbateurs endocriniens dans les cosmétiques.
La dernière étude conduite par Notéo et le Réseau Environnement Santé indique que l’on retrouve la présence de perturbateurs endocriniens dans près de 40 % des produits cosmétiques. Une stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens a été élaborée et soumise à consultation mais elle est toujours en attente de publication. Concernant les sex-toys, ils échappent à la directive sur les jouets au niveau européen, laissant ainsi la possibilité aux industriels de produire des sex-toys avec des phtalates qui sont des perturbateurs endocriniens avérés. »
Bouger les politiques
Comme du côté des chercheurs belges, c’est donc la société civile qui tente de secouer les pouvoirs publics : « Pendant longtemps une partie des politiques ne considéraient pas les questions de santé environnementale comme étant un enjeu majeur de société. Aujourd’hui les causes de la crise sanitaire se précisent, on a conscience que l’on ne peut pas vivre en bonne santé sur une planète malade. Cependant l’intégration des questions de santé environnementale dans les politiques publiques n’est pas encore à la hauteur des enjeux comme l’a montré le nouveau plan cancer où la santé environnementale est la grande absente. »
Pour continuer à faire passer le message de façon ludique, Génération Cobayes organise aussi des conférences ‘Let’s talk about sex’. « Le format ne dépasse pas les 1h20, les gens sont très attentifs, rient, s’inquiètent aussi parfois et nous posent beaucoup de questions à la fin de la conférence et de nombreuses personnes ont envie par la suite de rejoindre le mouvement pour nous aider à sensibiliser les jeunes sur tous ces sujets. »
En conclusion : on s’assure que les sex-toys qu’on achète sont sans phtalates, on ne se lubrifie pas avec n’importe quoi, et on espère très fort que l’Europe, si prompte à règlementer, se bouge les fesses pour protéger les nôtres. Et qu’est-ce qu’on fait maintenant?
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