Don d’orgasme – flickr/Roberto Poveda
Ca fait maintenant plusieurs années qu’Arthur Vernon poursuit sans relâche une idée : désacraliser le sexe pour que, débarrassés de ce poids moral, nous nous adonnions en toute liberté au sexe récréatif. Je ne sais pas si ce jour arrivera avant la fin du millénaire, mais Arthur Vernon a l’air décidé à y consacrer une grande part de son énergie.
Il a commencé en 2010 avec un livre, « Comment je me suis tapé Paris ou l’origine de la misère« , où il exposait, sous couvert d’une romance sexuelle avec l’héritière Hilton, les prémices de ses théories. Il continue cette année : après son spectacle humide « Les rêveries d’une jeune fille amoureuse » (en décembre dernier à la Folie Théâtre, et de retour à partir du 16 mai), il déroule, dans un essai théorique intitulé « La Vie, l’Amour, le Sexe », sa construction argumentée : pour une société plus heureuse, il faudrait en finir avec l’exclusivité sexuelle au sein du couple, et donc le mariage tel qu’il est conçu aujourd’hui en France.
Tu poses que chaque individu suit deux principes fondamentaux, assurer sa propre survie, puis transmettre ses gènes. Mais le mariage « pour toute la vie » n’est-il pas aussi une façon pour les humains de s’assurer le soutien d’un allié pour assurer sa survie?
Je suis parfaitement d’accord que le mariage « pour la vie » soit une façon de s’assurer du soutien permanent d’un allié sur le long terme. Mais je ne suis pas d’accord sur le fait que ce soit nécessaire « pour assurer sa survie » – c’est biologiquement faux. La seule règle biologique sur le sujet est la suivante : à l’origine de l’humanité, il était nécessaire, pour que le très jeune enfant survive, qu’il soit accompagné par un adulte (sa mère) et que comme celle-ci ne pouvait assurer seule la survie de leur duo (protection, recherches de ressources), la présence d’un autre adulte (le père) était nécessaire sur les premiers mois/premières années de sa vie : d’où les mécanismes hormonaux prévoyant l’attachement entre le père et la mère (ocytocine). En dehors de cette contrainte originelle (qui n’est donc plus d’actualité aujourd’hui dans les mondes modernes), il n’existe pas de contraintes biologiques de vivre à plusieurs. C’est donc la société qui fixe ensuite les règles.
Je te pousse un peu : le mariage et son exclusivité sexuelle, ça permet à tout le monde d’avoir une part du « gâteau sexuel ». C’est une des théories de Michel Houellebecq : la libération sexuelle aurait accru la misère sexuelle de ceux qui ne parviennent pas à tirer leur épingle du jeu de la séduction.
Je ne pense pas que le mariage permette de mieux répartir la quantité de sexe entre individus, bien au contraire. Si le sexe est désacralisé, si on admet donc la multiplicité des partenaires sexuels, si le sexe devient un acte banal mais sublime, alors le critère de beauté ne sera pas un critère dominant du choix du partenaire sexuel : il y aura plein d’autres critères (la fantaisie, le style, l’originalité, la différenciation, ou même, la valeur érotique de l’instant, le contexte, etc. soit tout ce qui permettra de varier les plaisirs). Dès lors, beaucoup plus de monde aura accès au « gâteau sexuel » – et c’est aussi toute la raison de la lutte contre l’exclusivité sexuelle (donc le mariage) qui est la première barrière aujourd’hui à cet épanouissement de masse. Pour résumer, le mariage, tel qu’il est aujourd’hui défini (avec son obligation de fidélité), confisque le sexe.
Hommes et femmes auraient donc tout à gagner à l’ouverture du couple que tu prônes… Mais pourquoi attribuer l’effet Coolidge (le désir se réveille face à de nouveaux partenaires, poussant à les multiplier) aux seuls hommes? Pour favoriser la diversité du patrimoine génétique transmis, les femmes ne seraient-elles pas aussi biologiquement être attirées par la multiplicité des partenaires?
L’effet Coolidge n’est pas une invention personnelle, c’est l’appellation scientifique d’une qualification biologique qui signifie qu’un mâle ignorant s’il sera ou non le géniteur d’un enfant va multiplier les réceptacles pour multiplier ses chances de transmettre ses gênes, alors que la femelle est sûre à 100% que l’enfant sera d’elle. L’effet Coolidge est donc par définition propre aux mâles (je ne peux pas changer un concept scientifique !). Ce qui ne signifie absolument pas que les femmes n’ont pas intérêt à changer de partenaire également ! La biologie ne doit pas faire oublier le circuit de la récompense (la partie du système nerveux central qui relie certains groupes de neurones à l’origine de fortes sensations de plaisir et de satisfaction), dont on sait aujourd’hui qu’il est un moteur extrêmement puissant du désir sexuel. C’est en application de ce comportement (par opposition à la biologie) que les femmes peuvent avoir tout autant (voire plus) envie que les hommes de changer de partenaire sexuel, et tant mieux !
Arthur Vernon sera en dédicace au Salon du Livre de la Porte de Versailles, ce dimanche 24 mars à 14h00.