Protocole 118 est le premier roman de Claire de Luhern.
Il est inspiré d’un fait divers.
Résumé
Adrien Cipras est interné depuis trente-cinq ans dans un asile psychiatrique, suite au meurtre sanglant d’une étudiante. Il est amnésique et violent. Vingt-quatre après s’être souvenu de la nuit du crime, il est retrouvé mort.
Extrait choisi
[...]
18h30
Quai de la Rapée, Institut médico-légal, Paris XIIème.
- Le cadavre est celui d’un homme de type caucasien, 49 ans, 1 mètre 91, et 97 kilos. Les yeux sont marrons, sans voile cornéen, dit le légiste, avec la présence de pétéchies.
Le docteur Maxence Lavet considéra le corps gigantesque où des tracés de veines bleutées apparaissaient çà et là. Il ne parvenait pas à réaliser qu’il se trouvait devant cet homme-là. Il avait beaucoup changé. L’hôpital, tout comme la rue, la violence, changeait les hommes. Il les faisait vieillir prématurément. Il gommait ce qui les rapprochait de nous. Mais ces trois cicatrices sous le menton. Ses yeux immenses et noirs… Il songea à Alice. Au tour que cet homme avait fait dans sa tête. Sa magnifique chevelure rousse poissée de sang. Son visage exsangue, encore plus blanc qu’à l’ordinaire. Il cligna rapidement des yeux. Le chef du département médico-légal de la ville de Paris ne pouvait se permettre d’être parasité par de vieux fantômes sans importance. Il inspecta rapidement la crête des tibias, le relief des hanches, la stabilité des genoux. Il souleva les chevilles et étudia les talons.
- Etrange, murmura-t-il. L’examen superficiel montre un corps en parfait état, mais si on en croit l’état des vaisseaux de ses yeux, cet homme a subi des violences. Benjamin, vous me ferez une radio du crâne face plus profil avec les premières cervicales.
Julien Brunet, l’officier en charge des photos de l’autopsie, s’approcha, tandis que l’interne s’exécutait.
- Des violences ?
Lavet élaborait déjà le plan ingénieux des voies qu’il allait tracer dans le corps. Il imaginait la taille des reins, le contenu de l’estomac, la couleur des poumons. Les caillots de sang coagulé dans les ventricules.
- Oui, vous voyez ici, les petites taches de sang dans le blanc de l’œil ? C’est le signe d’une hypertension artérielle cérébrale… et vous voyez là…
Il souleva la tête de Cipras de deux doigts sous le menton. Les trois cicatrices parurent s’agiter comme le soufflet d’un accordéon.
- La zone autour des narines…
Brunet se pencha.
- Elle est couperosique. Ça plus les yeux, les signes caractéristiques de quelqu’un qu’on étouffe sous un oreiller.
- Vous pensez qu’on l’a tué ?
Maxence étala les pinces sur une tablette stérile. Il compta mentalement ses compresses et détailla les portions de fil chirurgical dont il allait avoir besoin. Le diamètre adéquat. La courbure des aiguilles. Quand il eut terminé, il entailla avec précision la peau, de la clavicule au processus xiphoïde.
- Ce que je pense importe peu, reprit-il à l’attention du policier, à côté de lui.
Brunet prit deux photos tandis qu’il creusait l’incision jusqu’au pubis.
Mon avis
Lauréate du Prix Première Impression, Claire de Luthern a vu son œuvre publiée lorsqu’elle a remporté le concours.
Protocole 118 entraîne le lecteur dans les rues sombres de Paris mais aussi dans les recoins sombres de l’âme humaine. Les personnages sont des écorchés vifs qui ont, pour la plupart, un regard désabusé sur le genre humain.
Protocole 118 est un roman à lire par beau temps, sinon vous risqueriez de choper le blues. Ceci est, bien sûr, un compliment.
Protocole 118, Claire de Luhern, éditions La Tengo 384 pages 15 euros
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