Le docteur Pamela Stephenson-Connolly signe son livre « Sex Life » – flickr/Dunedin Public Libraries
Les bloggueuses sexe écriraient des choses beaucoup plus intéressantes et censées que les blogueurs sexe, qui d’ailleurs n’existeraient pas ou peu. Enfin c’est souvent ce qu’on me dit pour m’expliquer que je suis forcément une femme, même si Camille est un prénom mixte. J’aime pourtant beaucoup certains blogs de sexe tenus par des hommes, que je trouve passionnants.
Récemment un homme marié d’une quarantaine d’années m’a raconté une expérience qui correspond assez bien à ce que je constate, et qui prouverait que les garçons écrivent autant et aussi bien que les femmes… Mais que, pour ce qui est du sexe, il est mieux vu socialement que ce soit une femme qu’un homme qui écrive : ce serait nécessairement plus fin, plus intelligent. Je lui ai posé quelques questions.
Peux-tu me rappeler comment tu as été amené à ouvrir un profil fille et un profil garçon sur un site (et le type de site)?
C’était sur le premier site de rencontres auquel je m’inscrivais. C’était un site échangiste. J’ai naturellement ouvert un profil « homme ». Mais, pour pouvoir communiquer un tant soit peu, il faut payer. En revanche les profils « femme », 30 à 50 fois moins nombreux, étaient supposés bénéficier d’avantages gratuits. Pour mieux comprendre comment le site fonctionnait avant de me décider à payer, j’ai créé un profil femme discret. Il faut quand même remplir le profil un minimum, âge, vague description, on se trouve déjà à imaginer un personnage. Je me suis peu servi du profil finalement.
Plus tard j’ai découvert les blogs du site, et certains étaient passionnants. On pouvait y lire des expériences et pratiques sexuelles très variées et en discuter, surtout dans la section anglophone. Alors j’ai ouvert un blog sur mon profil homme. Contenu varié, généralement en rapport avec le sexe. Tel ou tel article ou livre m’ayant plu, tel sextoy, etc. Et aussi des textes très crus.
Si j’ai bien compris, ton profil garçon a été relativement ignoré et tes textes « filles » ont été encensés? Quelles ont été les réactions aux deux profils?
J’ai eu assez peu de réactions sur le blog homme, et encore moins sur les textes crus. J’ai su bien plus tard que ce que j’écrivais n’était pas passé inaperçu. C’était imperceptible sur le moment, je supposais plutôt avoir ennuyé, consterné ou choqué. En fait les textes crus excitent des femmes comme des hommes, mais les femmes l’avoueront beaucoup moins facilement, et encore moins en public. Écrire un blog dans le désert, même quand on n’a aucune prétention autre que sexuelle et ludique, c’est frustrant… d’autant que c’était le seul moyen de discuter avec des humains de manière moins présupposée « drague » que des conversations privées.
Pour voir, j’ai donc écrit un blog sur mon profil femme, à contenu sensiblement équivalent quoiqu’avec une plus grande proportion de textes chauds, le tout supposé venir d’une femme à la sexualité très libérée. Un personnage crédible mais sortant de l’ordinaire. Immédiatement j’ai vu affluer les commentaires publics et messages privés de remerciements, félicitations (sincères, mais pas forcément méritées), propositions, surtout provenant d’hommes. Il était beaucoup plus facile de discuter de sujets comme l’exclusivité, le ménage à trois, le polyamour, etc.
Comment l’expliques-tu ?
Les explications, j’en ai quelques unes. Il y aurait des thèses de sociologie à écrire sur les comportements sur ce type de site, qui restent fortement calqués sur les habitudes hors ligne.
D’abord, la sexualité des femmes fait plus fantasmer que celle des hommes. Une femme qui affiche ouvertement sa sexualité débridée éveille immédiatement l’intérêt… Ce qui est rare est précieux ? La sexualité féminine est intrinsèquement ou actuellement plus variée ? Ensuite, les commentaires sur les blogs restent influencés par le but premier de la présence sur un tel site : un homme qui veut rencontrer des femmes, par exemple, ira plus naturellement commenter sur un blog de femme.
Aussi, sans doute une bonne dose de conventions ou de comportements classiques dans le cas particulier des relations hétéro : la femme n’est pas censée se manifester de façon active. Une amie m’a confié qu’elle pesait soigneusement ses commentaires car les lecteurs pouvaient considérer cela comme une avance envers l’auteur, et elle comme d’autres avaient même eu des réactions de jalousie de leur compagnon. D’autre part, un homme sera réticent à répondre à un homme.