Lou Charmelle est une actrice porno de vingt-huit ans, a tourné une centaine de films et poursuit aujourd’hui sa carrière en France et aux Etats-Unis. “Quand j’ai commencé le X il y a quatre ans j’étais sur un chemin spirituel et je ne me sentais pas assez claire avec moi même pour être avec quelqu’un. Je ne voulais pas souffrir ni faire souffrir; une relation n’était pas compatible avec ce mode de vie. Pourquoi faire du X ? J’avais déjà l’étiquette de salope qui me collait. Je me suis dit que pour une fois ça serait une raison de me considérer comme ça. De fille facile et salope je suis devenue une héroïne, j’étais enfin dans une case pour les gens! Avec le porno je me suis sentie vivre une nouvelle fois, je me suis découverte, j’ai pris confiance, je suis devenue indépendante. Mais il y a un revers : tu te nourris de ce que les gens te donnent, tu as besoin de te valoriser ; au début c’est facile, tout le monde t’aime. C’est drôle, après ça s’inverse : tu as tellement peur de les décevoir que tu es encore plus confrontée à ton image.”
Vincent est suisse-italien, il a lui aussi vingt-huit ans et a un label de musique techno en Suisse. Il n’est pas fan de l’actrice « Lou Charmelle » ni d’aucune autre actrice X, il ne regarde pas vraiment de films porno. La rencontre a lieu il y a quelques mois, lors d’une soirée organisée par un ami commun à Lausanne ; Lou et Vincent sympathisent, vont ensemble à un after, échangent leurs coordonnées. Vincent apprend par un ami que la jolie Lou qui s’était présentée en toute simplicité sous son vrai prénom est en fait actrice porno. Il est très surpris mais la seule chose qui le préoccupe alors est que des personnes puissent la reconnaître et l’importuner. Le lendemain il entreprend de se renseigner sur elle, surfe un peu sur le web, la recontacte sur son compte Facebook professionnel pour lui faire savoir qu’il est au courant de son métier. Les choses auraient pu s’arrêter ici mais l’attraction entre Lou et Vincent tombe comme une évidence. “Depuis, on n’a jamais arrêté de se parler. On a flirté longtemps et on s’est retrouvé ensemble, finalement sans même en avoir parlé.” (Vincent)
En ce moment, Vincent vit en Suisse pendant que Lou est en tournage pour plusieurs semaines à Los Angeles. C’est dans ces conditions que j’ai réalisé cette interview. Je leur ai donc posé les questions séparément et leur ai donné la possibilité de témoigner anonymement puisque ce qui m’importe avant tout est de recueillir des propos avant tout sincères. Fiers de leur amour naissant Lou et Vincent n’ont pas souhaité se cacher. Ce sont d’ailleurs eux qui sont venus à moi en tant que couple pour raconter leur histoire. “Peut-on faire du porno et être en couple?” Je vous propose ici un premier témoignage.
Vincent, lors de la « première fois », as-tu pensé au statut d’actrice de Lou ? Est-ce que ça t’a influencé dans ton attitude ? Etais-tu impressionné ?
Au tout début j’étais « Waouh! ». Est-ce qu’elle fait semblant ? Est-ce qu’elle a réellement du plaisir ? Mais on est connecté sexuellement et c’est super important. On a une fusion sexuelle ensemble qui est assez hallucinante. Non je ne me compare jamais aux acteurs ou pense à la performance. J’ai fait l’erreur de regarder au début ce qu’elle avait fait, j’ai des images désagréables dans la tête mais je n’y pense pas durant l’acte.
Et pour toi Lou quelle est la différence entre avoir tes rapports dans le boulot et dans ta vie privée ?
Je crois que c’est surtout dans la manière de vivre les choses. On a des automatismes. Par exemple dans ma vie privée je me demande pourquoi je me retrouve à tendre la pointe des pieds ! Quand les sentiments s’en mêlent, tout est différent. Pour moi tout est dans le regard, deux positions suffisent, c’est ça qui est magique. Dans les scènes je sens que je simule plus qu’avant. Je ne subis pas mes scènes, je fais l’effort de ne pas les subir, je ne veux pas ça. Mais il y a une distanciation. Je fais tout pour avoir du plaisir et le montrer au mieux, faire ce pour quoi je suis payée mais il y a des barrières mentales.
Vincent, comment ça se passe vis à vis de tes proches ? dans la rue quand vous vous promenez ensemble ?
Mes parents sont assez ouverts d’esprit, ils n’ont rien dit de négatif et je n’ai pas vraiment de fans de porno dans mon entourage. Mes bons amis me font juste des vannes.Dans la rue on ne la reconnaît pas vraiment. Elle est très naturelle, elle se maquille légèrement.
Qu’est-ce qui te plait chez elle en tant qu’actrice ? En tant que femme ?
En tant qu’actrice ? J’ai pas trop envie de savoir. En tant que femme ? Elle a tout simplement tout ce que je cherche chez une femme. C’est quelqu’un avec qui j’aime tout échanger. Elle me convient parfaitement des pieds jusqu’à la tête !
Considères-tu son métier comme un défaut ?
Oui et non. Je l’ai rencontrée comme ça, on ne peut pas arrêter ça du jour au lendemain. Pour moi elle en vaut la peine, ce n’est pas son métier qui va faire que je vais abandonner.
Quel est le plus dur à gérer de ton côté Lou ?
Que ça le fasse souffrir. On a parlé des images qu’il a vues de moi sur Internet. Comme il dit, je ne fais pas dans la dentelle ! Pour l’anecdote, un jour je lui demande de me raconter ce qu’il a vu afin qu’on puisse en discuter. Voyant qu’il a du mal à en parler j’essaie de le rassurer :
“Tu sais le SM c’est pas mal !
- Quoi ?! Tu fais du SM?!” (rires)
Et là je me rends compte qu’il avait en fait “juste” vu un petit bukake*.
Que ressentez-vous quand vient le temps de se séparer pour un nouveau tournage ?
Vincent : Ce qui est pénible quand on s’appelle c’est que je ne peux pas lui demander ce qu’elle fait. Je me dis juste au fond de moi : « Sois fort, elle en vaut la peine, ça va bientôt s’arrêter. » De temps en temps j’ai ces fameuses images qui apparaissent, et j’ai envie de péter un câble et après je me reprends. Avant elle ne partait pas de longs moments, or c’est la durée de la séparation qui joue sur la relation. Quand tu n’as pas la personne à tes côtés c’est encore plus difficile. Mais on se parle beaucoup, tous les jours, on se téléphone. Et quand on se retrouve, au moment où je la prends dans mes bras, on est tellement content de se revoir que c’est génial.
Lou : J’essaie de bien le vivre mais je ressens sa tristesse, ça me fait culpabiliser. J’essaie de surjouer le fait que ce n’est pas grave, que c’est quelque chose de léger pour qu’il le ressente aussi comme ça. Mais quand je suis dans ses bras et que je me dis qu’une heure plus tard je suis dans les bras de quelqu’un d’autre, je me dis que ce n’est pas juste. Quand on est amoureux, tout ce qu’on souhaite c’est rendre l’autre heureux.
Parlez-vous de ce qui se passe lors des tournages, des autres acteurs, du business ?
Vincent : Non. Sinon, l’accompagner aux AVN** ça ne me dérangerait pas car beaucoup de mes amis rêveraient d’y aller et j’aimerais y assister pour leur raconter mais ça reste une soirée comme une autre dans un milieu comme un autre. Pour le reste je ne veux pas savoir.
Lou : On n’en parle pas du tout. Parfois j’ai envie de lui parler de mes projets, ça fait partie de ma vie. Quand je suis dans un magazine où j’ai des jolies photos de charme, de moi toute seule, j’ai envie de les lui montrer, j’ai envie qu’il soit fier, même si c’est délicat. J’ai compris qu’il faisait semblant de s’y intéresser. Du coup ça génère de la culpabilité. Et je suis pas non plus schizophrène.
Beaucoup de compagnons d’actrices souhaitent eux aussi devenir hardeurs, qu’en pensez-vous?
Vincent : Oui on a eu une discussion récemment. Ça serait une solution provisoire jusqu’à ce qu’elle sorte de ce milieu. On a déjà une scène pour son propre film qu’elle réalise et qu’on a faite au début quand on flirtait. Il n’y avait que nous deux, ça n’avait rien à voir avec des vrais tournages. On ne se connaît pas depuis longtemps, c’est vrai, mais c’est une rencontre extraordinaire. On est en train de rechercher des solutions pour que notre situation soit moins difficile. Je veux bien accepter qu’elle tourne avec des femmes mais tous les deux on peut donner à la caméra quelque chose d’assez fort et de vrai. Je me dis que c’est une expérience et c’est vraiment avec elle que je souhaite la faire. Je ne vois pas l’intérêt de le faire avec d’autres actrices. Je sais que j’assumerais ce genre de choses. Mon entourage n’irait pas regarder et je travaille déjà dans un milieu artistique underground.
Lou : Qu’il tourne avec moi oui, mais qu’il soit mon partenaire exclusif, non, ça n’a pas de sens en terme de carrière, c’est ridicule. Et je ne me sens pas prête d’arrêter maintenant. Quand on quitte le X on ne quitte pas seulement un métier, on quitte un mode de vie, et il me plaît. J’ai travaillé sept ans avant en tant q’aide soignante dans le milieu hospitalier avec des horaires de merde et un salaire de merde, je sais ce que c’est que travailler. Ca me permet de jouir encore plus de mon mode de vie aujourd’hui. Faire du porno est une liberté parce que ça m’offre du temps pour des choses qui me semblent essentielles. Je veux arrêter pour lui, pour ne pas le rendre malheureux, mais je sais ce que je vais perdre.
Et s’il envisageait de faire le même métier que toi, qu’il tourne avec d’autres ne te rendrait pas toi aussi jalouse ?
Tant que je sais que le cœur m’appartient, j’ai plus de liberté avec le corps. Si demain il veut devenir acteur et tourner avec d’autres je serai ok, je pense que ça aiderait aussi. On serait quitte. D’ici là j’essaie de le rassurer. Ce qu’on vit tous les deux est unique et particulier, ce que je lui donne à lui je le donne à personne d’autre. Je pense que la jalousie est uniquement un conditionnement sociétal, une pression, un héritage. Il y a une part d’instinct, de possession du territoire, mais la manière dont elle est vécue aujourd’hui, la façon dont les gens veulent posséder l’autre c’est plus un héritage. On est conditionné, dénaturé, de parfaits petits esclaves. La notion de culpabilité et de plaisirs coupables c’est pour nous castrer, pour que la société nous contrôle mieux.
Vous êtes-vous définis des limites ?
Vincent : Pour l’instant aucune. Elle fait pas dans la dentelle, elle fait du hard donc voilà. Je suis complètement conscient du genre “d’atrocités” qui se passe (rires). Ce qu’elle fait au boulot est autre chose que ce qu’elle fait en privé. Je lui ai dit. Je tiendrai jamais un an, c’est pas quelque chose que je vais pouvoir contrôler, un jour ça va finir par me dégouter, et alors ça sera foutu je ne pourrai rien faire, et je ne veux pas en arriver là. Le but est qu’on fasse quelque chose ensemble en rapport avec la musique. Quelque chose où on pourra s’épanouir ensemble.
Lou : Ma relation.est encore récente et n’a pas changé mes pratiques sexuelles mais je me rends compte que je suis moins dans la séduction avec le partenaire. J’ai toujours été à la recherche du plaisir sensuel, les regards, les baisers. J’aimais beaucoup séduire mes collègues avant la scène, les toucher, les frôler avoir des préliminaires, montrer la chimie nécessaire à la scène. Je me retrouve aujourd’hui à limite ne pas regarder le partenaire dans les yeux. Je deviens plus mécanique, j’ai quelque chose en fond de moi qui me dit que je ne veux donner qu’à la personne que j’aime. Et là merde ! Je me dis que je suis censée être ouverte d’esprit d’autant plus que je ne me considère pas profondément monogame. Et finalement…
A votre avis, quelle est la clé d’un couple réussi ?
Vincent : La base c’est l’honnêteté, la franchise, d’alimenter la relation, de ne pas tomber dans quelque chose de monotone. Beaucoup disent que d’être avec quelqu’un comme soi, ce n’est pas bien, moi je pense que c’est le contraire, on se ressemble, on vit pour la musique, c’est une passion, on s’entend sur tout le reste. On se comprend juste en se regardant.
Lou : La relation idéale est celle où chacun se connaît et s’aime suffisamment lui-même pour pouvoir ensuite donner à l’autre, l’aimer, le soutenir. Transcender sa façon de vivre son amour, la possession, aller au-delà du conditionnement « Ça c’est bien, pas bien ».
Votre relation est encore neuve et pour vous deux c’est une expérience nouvelle. Difficile de prendre du recul. Mais quel est votre pensée face à la question : “Faire du porno et être en couple, est-ce possible ?”
Vincent : Cette situation est un bon exercice pour soi-même, pourquoi s’attacher à des principes et se dire : “Elle est actrice porno, il est hors de question que je m’attache à cette femme ?” Pour moi ce n’est pas possible. Je l’assume totalement. J’ai une confiance en cette fille qui fait que je mets les principes de côté, je pense que c’est vraiment une question de confiance avec la personne et du coup ça devient ensuite sain. Ce qu’elle fait on pourrait dire que c’est malsain mais je trouve que non parce qu’elle me dit tout, alors que beaucoup de couples se cachent.
Lou : C’est un travail spirituel, il faut travailler sur ses sentiments, se remettre en question. C’est plus un travail sur l’attachement à l’ego, le narcissisme que l’amour dans ce cas. J’aimerais attendre une année, voir comment on vit notre relation, spirituellement. Mais dans un an, oui, j’aurais arrêté; je vais trouver une alternative professionnelle. Nous allons bosser ensemble. Nous sommes complémentaires !
Merci à tous les deux pour votre témoignage. J’espère vous retrouver ensemble dans un an et peut-être, Lou, pourras-tu alors aussi témoigner sur ta reconversion hors porno ? Car c’est encore ici un sujet délicat. D’ici là je vous souhaite tout le bonheur possible. L’amour est là, il est dans vos mots, dans vos envies, dans vos projets. Il faut désormais du courage, de la confiance, de la persévérance. Tenez bon !
Katsuni
* Bukkake : Pratique sexuelle qui consiste à ce qu’une femme reçoive sur son corps et son visage plusieurs éjaculations d’un groupe d’hommes.
** AVN : Salon de l’industrie pour adultes organisé chaque année à Las Vegas par le magazine de référence AVN “Adult Video News”
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