En décembre, la nouvelle a résonné comme un coup de tonnerre en Europe : l’Espagne, qui était l’un des pays européens le plus en avance en matière d’accès des femmes à l’interruption volontaire de grossesse, annonçait un retour en arrière sans précédent en projettant de supprimer la loi de 2010 qui autorisait l’avortement jusqu’à 14 semaines, et portait ce délai à 22 semaines en cas de malformation du fœtus. Une régression de 30 ans en matière de droits des femmes, rien de moins.
En ramenant l’accès à l’IVG à la situation de 1985, celui-ci ne serait donc plus autorisé que dans deux cas bien précis :
- En cas de viol, et à la conditions express que la victime ait déposé une plainte en bonne et dûe forme (quand on connaît les difficultés qu’ont les femmes violées à faire cette démarche, cela laisse pantois)
- En cas de danger durable et permanent pour la santé physique ou psychologique de la femme enceinte, et à condition que cela soit validé par deux médecins indépendants.
Exit l’avortement thérapeutique en cas de malformation grave du fœtus. C’est vrai à la fin, pourquoi donc éviter des souffrances à venir pour un enfant, la détresse de parents qui sauront leur enfant condamné, à plus ou moins brève échéance, à une vie de misère et de souffrance !
Exit également le droit d’avorter pour les mineures, au nom de la défense de leurs droits. C’est surréaliste car cela implique d’admettre comme un bienfait pour une enfant d’avoir à prendre en charge un enfant… Cherchez l’erreur !
Qui aurait pu imaginer un tel retour en arrière, un tel retour de valeurs d’un autre temps dans un pays qui fut tenu d’une main de fer durant quarante ans par une dictature impitoyable ? Et pourtant, nous y sommes…
Ce qui se passe actuellement en Espagne donne des ailes aux groupes anti-IVG de toute l’Europe. Ils réinvestissent justement les rues de Paris par milliers, alors que l’Assemblée Nationale s’apprête à débattre d’un amendement visant à supprimer de la loi Veil, la notion de « détresse psychologique ». Ainsi, toute femme enceinte qui ne souhaiterait pas mener à terme sa grossesse pourrait avoir droit à une IVG sans avoir à larmoyer, à s’humilier devant un médecin qui jugerait du bien-fondé de sa demande.
Dans les faits, cette notion est déjà quasiment abolie -sauf à tomber sur un médecin zélé-, il n’est donc question que de mettre un terme à l’hypocrisie. Mais il n’en faut pas plus pour que les moralistes, les traditionnalistes de tout poil, les illuminés du goupillon, se croient investis de la mission suprême de protection de la vie… Et de défiler dans les rues en priant (d’ailleurs à ce sujet, je pensais que les prières de rue posaient problème à la République), soutenus par le pape. A ce propos, je m’étonne que l’on ne s’insurge pas de l’imission d’un chef d’état (le pape est chef de l’état du Vatican) dans les affaires d’un état souverain. Mais suis-je bête, la casquette de chef de file mondial de l’église catholique est bien pratique pour contourner cela…
Bref, le but de cet article est de vous faire prendre conscience que rien n’est jamais acquis de façon définitive, il suffit de peu de choses parfois, pour se voir revenir en arrière. Cela s’adresse principalement à toutes les jeunes filles qui pensent que le combat féministe n’a plus lieu d’être, car elles n’ont pas connu l’avant -qui leur semble d’un autre âge. La loi Veil a quarante ans… L’Espagne fait un retour en arrière de trente ! Les centres d’interruption volontaire de grossesse n’ont jamais été aussi peu nombreux qu’aujourd’hui dans l’Hexagone, entraînant des délais très longs qui poussent de plus en plus de femmes qui se retrouvent « hors délai » à aller à l’étranger. C’est comme cela que, sans abroger une loi, on restreint l’exercice d’un droit, faute de moyens suffisants mis en œuvre.
Ne baissons ni les bras, ni la vigilance. Notre corps nous appartient, nul ne peut décider pour nous ce qui est bon ou mauvais, surtout lorsque la morale s’en mêle !
Pour toutes informations utiles, vous pouvez contacter le Planning Familial http://www.planning-familial.org et le site gouvernemental http://www.ivg.net
DERNIERE MINUTE
Alors que je venais de terminer la rédaction de cet article, une annonce a fait l’effet d’une bombe : des députés de l’opposition ont déposé un amendement sans précédent : la suppression du remboursement de l’IVG pour tous les cas de « non détresse » de la mère sous prétexte qu’il s’agirait alors de « confort ». Imaginer qu’un avortement puisse être un acte confortable, vous avouerez qu’il faut être passablement tordu, les seuls a avoir pensé ouvertement cela étaient au Front National et l’avaient intégré à leur programme de campagne en 2012.
Malgré cela, le lendemain 22 janvier, la majorité de l’assemblée nationale a voté sans surprise, l’abandon de la notion de détresse qui était incluse dans la loi Veil.