« MadameXCaro voudrait savoir si vous accepteriez de libérer leyla pour le reste de la soirée afin qu’elle nous accompagne chez MaîtreEx. »
Ces paroles inattendues firent soudainement s’accélérer les battements de mon cœur. Mon regard se fixa aussitôt sur celui de mon Maître, essayant de deviner sa réaction à cette demande formulée par leon, le protégé de MadameXCaro.
Les yeux de mon Maître se posèrent à leur tour sur moi. Je savais qu’il cherchait à jauger mon état d’esprit avant de prendre sa décision. Nous venions de passer une fort agréable soirée, qui tirait maintenant à sa fin avec le départ annoncé des deux invités de mon Maître à ce souper protocolaire intime. Et je me préparais déjà mentalement au reste de la nuit, que je m’imaginais, avec délices, passer aux côtés de mon Maître et de mes deux compagnes soumises.
Mais voilà que maintenant une autre perspective s’offrait peut-être à moi. Et je ne pouvais (ni ne désirais) cacher l’excitation que me procurait l’idée d’être mise à la pleine disposition de MadameXCaro, le temps d’une sortie de quelques heures.
Je ne sais si c’est mon regard brillant d’anticipation ou le léger hochement de la tête par lequel je lui signifiai mon consentement qui fit pencher la balance, mais Maître n’hésita pas longtemps avant d’acquiescer à la demande de Madame.
Avant mon départ, il prit soin de me faire part de ses consignes et, surtout, de marquer ma peau de ses initiales, qui brillaient à présent bien en vue sur ma poitrine. Un petit geste en apparence anodin, mais qui revêtait une très grande signification pour moi – et pour lui aussi, je crois.
Mes instructions pour la soirée étaient fort simples : Maître me confiait aux soins de MadameXCaro qui devenait ainsi le prolongement de sa volonté et à qui je devrai, pour la durée de mon « prêt », la même obéissance qu’à lui. De surcroît, je devais, jusqu’à mon retour, me considérer comme étant en état de protocole élevé, ou, autrement dit, obéir à Madame « au doigt et à l’œil ».
Chemin faisant, MadameXCaro en profita pour me faire part de ses propres exigences pour la soirée : c’est à elle seule que je pouvais adresser la parole, et à personne d’autre. Si qui que ce soit devait m’approcher pour quelque raison que ce soit, je devais les référer à elle. Je devais rester toujours à ses côtés. Un cadre simple et rassurant pour ma première sortie en deux ans en ce haut lieu de la scène BDSM montréalaise.
Notre arrivée chez MaîtreEx fut à peine remarquée, tant cet immense espace était bondé de gens des plus divers. Des fétichistes, des joueurs, des travestis, des accros du bondage, des dizaines et des dizaines de représentants du monde kinky se mouvaient d’un bout à l’autre de l’énorme hangar, se mêlant les uns aux autres dans une danse parfois gracieuse, parfois plus hésitante. Parmi eux, quelques visages connus, auxquels je dus me contenter d’offrir un simple hochement de la tête en guise de salutation.
Photo par Spigana (http://www.spigana.com/people/117)
Il ne fallut pas longtemps à MadameXCaro pour se tailler une petite place dans la cohue. Ayant intimé à leon de se dévêtir et de prendre place contre un grand support en tôle tenant place de croix improvisée, elle prit le temps de m’installer dans une grande cage en métal qu’elle verrouilla de l’extérieur. Je pouvais ainsi observer à loisir leurs jeux tout en étant à l’abri de toute attention indésirable. Et Madame pouvait facilement garder un œil sur moi et voler à ma rescousse si nécessaire. Ce qu’elle fit à quelques reprises pour éloigner des hommes un peu trop entreprenants à son goût.
J’éprouve toujours un vif intérêt et un grand plaisir lorsque j’ai le privilège d’observer l’interaction entre une personne dominante et une personne soumise. Je trouve fascinante la transformation qui s’opère dans les deux personnes et j’aime beaucoup essayer de décoder les expressions qui habitent les visages des protagonistes à ces moments. Chez les personnes dominantes, en particulier, l’état d’intense concentration, ponctué parfois d’un sourire à la fois sadique et rempli de plaisir pur, me paraît les investir d’une aura d’une beauté quasi éthérée.
C’est donc avec grand bonheur que je m’installai dans ma cage dorée pour observer attentivement la magnifique scène se déroulant à quelques pas en avant de moi. La beauté naturelle de MadameXCaro se trouvait décuplée par l’intense plaisir évident dans tous ses gestes et ses expressions tandis qu’elle s’appliquait à chauffer et à faire rougir les fesses, le dos, les épaules, le corps entier de son soumis. Et les soupirs et gémissements de ce dernier venaient faire une contrepointe des plus harmonieuses au sifflement des trois langues de vipère s’abattant en chœur sur sa peau et au bruit sec de la canne rebondissant sur son corps docile.
J’aurais pu sans difficulté passer le reste de la soirée installée confortablement dans cette cage, mon visage pressé contre les barreaux pour mieux observer et absorber l’échange d’énergie se déroulant sous mes yeux. Mais quand MadameXCaro vint m’y chercher et me dit de me coller ventre contre le dos chaud et frémissant de leon, toujours attaché à la grande tôle métallique, je fus transpercée d’un frisson de plaisir anticipé.
Une anticipation qui fut plus que largement confirmée par les soins experts que me prodiguât MadameXCaro au cours des prochaines minutes… heures… je n’ai pas la moindre idée combien de temps durèrent ces doux tourments, ni le moindre intérêt pour le savoir.
Ce que je sais, sans l’ombre d’un doute, c’est que j’en ai savouré chaque seconde, chaque coup, chaque caresse, qu’elle fut douce ou tendre ou qu’elle cherchât à écorcher encore davantage ma peau à la sensibilité exacerbée. Le contraste entre la morsure des coups s’abattant en une pluie incessante sur mon dos, mes fesses, mes cuisses, mes épaules, et la chaude douceur du corps de leon auquel je m’accrochais comme à une bouée de sauvetage vint ajouter une dimension supplémentaire à cette expérience charnelle, sensuelle et, oui, je vais oser le dire, spirituelle.
Le fait que je ne puisse parler à mon compagnon de supplice n’avait tout d’un coup plus aucune importance, puisque nous communions à présent à travers nos peaux, à travers nos spasmes qui se transmettaient d’un corps chauffé à l’autre, à travers mes mains qui s’agrippaient comme des serres acérées aux siennes lorsqu’un coup particulièrement vicieux venait mordre ma chair.
La présence si proche de leon devant moi. La présence si forte de MadameXCaro derrière moi. Entre ces deux êtres dont l’attention était entièrement tournée vers moi, je me sentais en paix et je me permis de me laisser aller, de goûter pleinement à ce qui m’était offert si généreusement. Douleur, plaisir, crainte, abandon, tout se mêlait et conspirait à m’amener plus loin, plus haut, plus profondément à la fois à l’intérieur de moi et au-delà. J’ai crié, je me suis débattue, j’ai souri, j’ai grogné et, à la fin, j’ai remercié, à genoux et le cœur rempli de sincère gratitude, cette magnifique Dame dont le fougueux et chaud baiser vint clore avec ardeur et élégance notre valse endiablée.
Mes remerciements à leon furent silencieux mais non moins sentis et sincères.
Après une telle expérience, il y a souvent un moment de flottement. Une période durant laquelle on tente de réintégrer la « réalité » tout en essayant de retenir les échos de ce que l’on vient de vivre. Ce retour peut parfois nous réserver des surprises, car revenir à soi, redescendre des hauteurs parfois olympiennes que l’on peut atteindre lorsqu’on s’abandonne totalement à une autre, comporte souvent des passages à vide et peut susciter des réalisations inattendues.
C’est ainsi qu’un peu plus tard ce soir-là, alors que j’attendais patiemment que MadameXCaro et leon finissent de se préparer pour quitter, je me sentis soudainement envahie d’un désir féroce et impérieux de retrouver mon Maître; désir accompagné d’une peur aussi réelle qu’irrationnelle qu’il ne veuille plus de moi.
Cette angoisse, qui m’avait frappée comme un coup de poing au ventre et menaçait de me faire perdre équilibre, n’avait aucun sens et pourtant, pourtant, je n’arrivais pas à m’en débarrasser. Je savais qu’il n’y avait aucune raison au monde pour que mon Maître ne me désire plus; je savais qu’il m’avait offerte librement à MadameXCaro pour cette soirée, et que je n’avais absolument rien à me reprocher. Plus important encore, je savais que les liens qui nous unissent sont forts, très forts. Mais malgré toutes ces certitudes, tout ce que je voulais alors que j’attendais, trépignant d’impatience à présent, c’était de le retrouver et obtenir la confirmation dans ses yeux que j’étais toujours à lui.
Le chemin de retour me parût interminable. Et lorsque MadameXCaro me fit remarquer que Maître serait sans doute endormi à cette heure-ci, ce fut comme si la terre se dérobait soudainement sous mes pieds. Il était passé quatre heures du matin. Bien-sûr qu’il serait endormi. Il me faudrait attendre des heures et des heures avant de pouvoir me jeter à ses pieds et me rappeler à lui. Une éternité dans mon état de fébrilité. Je ne prononçai plus un seul mot du reste du trajet, me concentrant à essayer de raisonner l’irraisonnable.
Après avoir fait mes adieux et réitéré mes remerciements à MadameXCaro et à leon pour la magnifique soirée qu’il m’avaient permis de vivre en leur compagnie, je m’empressai de me glisser dans la demeure de Maître. Mon cœur battait tellement fort que j’étais sûre qu’il réveillerait le quartier au grand complet.
Arrivée à l’intérieur, j’enlevai mes talons et m’approchai sur la pointe des pieds du lit où Maître était endormi, aux côtés de la jolie D. Tout ce que je désirais c’est de pouvoir l’observer un instant et peut-être déposer un baiser sur son front, avant de me trouver une petite place où tenter de trouver le sommeil.
Source: http://vi.sualize.us/hug_love_couple_hug_photography_picture_Eiw.html
Quel ne fut donc mon délice lorsque, à mon approche, il ouvrit les yeux et, d’un simple mais oh, si merveilleux, sourire, il m’invita à m’avancer plus près. Je franchis alors, avec allégresse et empressement, les quelques derniers pas qui me séparaient de mon bien-aimé et allais me blottir contre lui.
« Bonsoir, mademoiselle! », me répondit-il d’une voix feutrée.
« Je suis revenue, Maître! », ajouté-je, avant de fermer les yeux et, avec un soupir heureux, me laisser envelopper dans la chaleur protectrice de ses bras, qui se refermèrent alors autour de moi.
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