L’avenir radieux est à nous – flickr/Jason Whittaker
Nous sommes donc au jour premier d’une nouvelle civilisation. C’est ce que les opposants au mariage homosexuel nous annoncent. Au début j’ai pensé à la sortie d’une nouvelle version du jeu vidéo Civilizations, mais non, il s’agit bien de tenter de nous effrayer : le monde tel que nous le connaissons est en mouvement! Rentrez chez vous, montez les barricades, la civilisation change!
Pour les siècles et des siècles
Et si c’était là une réflexion pertinente du mouvement anti-mariage pour tous? Vivrions-nous un changement de civilisation? Information prise sur Wikipedia : « Le premier à avoir employé le mot civilisation dans une acception qui relève de la signification qu’il a encore aujourd’hui est Victor Riqueti de Mirabeau, le père de Mirabeau le révolutionnaire. En 1758, dans L’Ami des Hommes, il écrit : « La religion est sans contredit le premier et le plus utile frein de l’humanité : c’est le premier ressort de la civilisation. » »
C’est un fait : le mariage français s’est émancipé de la religion. Il avait été créé en 1792, calqué sur le mariage catholique, créé lui au concile de Latran en 1215. En 2013, ce que la France compte de religions, en tant qu’organisations hiérarchisées imposant des dogmes à leurs participants (je ne parle pas ici de foi, car c’est un autre sujet), se sont exprimées clairement : le mariage, c’est un homme et une femme – je ne trollerai pas ici en demandant ce que deviennent dans ce schéma les intersexes et les trans.
Bref, le mariage français est devenu laïc. C’est une nouveauté, plus d’un siècle après la loi de 1905 qui séparait l’Eglise et l’Etat. On croit pouvoir affirmer que la loi et la religion sont deux choses différentes depuis cent ans et quelques, et pourtant on s’écharpe encore quand le législateur ose écarter la loi républicaine de la « tradition séculaire et catholique ».
Processus continu
Même constat pour la circulaire réclamant la suppression du terme Mademoiselle des formulaires administratifs : en 2012, on croyait débattre d’un lubie nouvelle, alors que cette circulaire ne fait que rappeler celle de 1967, qui déclarait déjà que mademoiselle n’avait rien à faire dans l’état civil. Le symbole qui se cache derrière Mademoiselle est pourtant choquant aujourd’hui : il entérinait la minorité de la femme et le fait qu’elle soit de la responsabilité de son père – mademoiselle – ou de son mari – madame. Voilà une notion pourtant bien calquée sur la hiérarchisation des genres par l’Eglise catholique : aux hommes le pouvoir et la main sur le dogme, aux femmes la reproduction – ou la contemplation.
Peut-être que ces dispositions nouvelles marquent effectivement un changement de civilisation. Mais il n’a rien de nouveau ou de soudain. Ce n’est qu’un processus amorcé depuis des siècles, concrétisé par la Révolution Française, poursuivi en 1905, et continuel depuis. La loi est toujours en retard d’une révolution, elle ne fait que suivre la société et entériner des situations qui de fait existent déjà. Attendez-vous d’ailleurs prochainement à une loi sur les cigarettes électroniques, maintenant que ces dernières ont déjà fait un tabac en plein vide juridique.
Maori Chanté
Cette laïcité qu’on prend donc pour acquise reste parfois difficile à accepter pour certains. Il aura fallu 172 heures de débat à l’assemblée pour y arriver cette fois-ci. Entre-temps, l’Angleterre, l’Uruguay et la Nouvelle-Zélande ont eu le loisir de le faire passer, parfois en quelques heures. Et les Néo-Zélandais ont même eu le temps d’entonner un chant maori - ces gens-là arrivent même à improviser des harmonies vocales en pleine assemblée, c’est dire s’ils ont de l’écoute.
Bienvenue donc à toutes et à tous dans la nouvelle civilisation du 17 mai 2013! Et comme dirait Jean-Paul 2, « n’ayez pas peur »! Le monde est en mouvement, et c’est tant mieux, c’est qu’il est encore vivant.