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James Franco était samedi dernier au festival du film Tribeca de New York pour présenter sa dernière co-production : King Cobra réalisé par Justin Kelly. Le biopic retrace l’histoire du producteur porno gay Bryan Kocis, assassiné à Dallas en 2007 par deux escorts boys jaloux de son succès. Un bon moyen pour James Franco de sortir une nouvelle fois du circuit cinématographique mainstream après avoir interprété un prof de sport fou amoureux de sa très jeune élève dans Palo Alto ou un rappeur white trash dans Spring Breakers.
Le film se focalise sur la fin de la vie de Bryan Kocis, joué par Christian Slater, à la tête des studios Cobra Video, retrouvé décapité dans sa villa de Dallas. Une affaire sordide, puisque c’est trois mois plus tard que les deux escorts boys, Harlow Cuadra et Joseph Kerekes (James Franco & Christopher Allen) seront arrêtés à leur domicile de Virginie Beach pour le meurtre du réalisateur. Les deux jeunes hommes, qui se faisaient appeler les Vipers Boys possédaient à l’époque un studio rival qui peinait à décoller face au succès fulgurant des studios Cobra.
Harlow Cuadra, Joseph Kerekes, Bryan Kocis et Brent Corrigan
Pas de date de sortie prévue pour le moment dans notre beau pays. On espère que ce film un peu trash trouvera un réseau de distribution en France, dans un paysage cinématographique morose pour le sexe à l’écran puisque les scènes explicites en feront probablement un film déconseillé aux moins de 16 ans (ou plus). On se souvient par exemple de Love de Gaspar Noé, finalement interdit aux moins de 18 ans, qui fut victime de la croisade anti-sexe de l’infernal avocat André Bonnet. Même sentence La Vie d’Adèle ou Antichrist, frappés de reclassification. Une interdiction qui ne vise pas que les « jeunes » mais empêche tout simplement l’exploitation de ces films en salles.
King Cobra – réalisé par Justin Kelly et co-produit par James Franco.
Les tubes en raffolent : les vidéos d’orgies étudiantes. Souvenir ou fantasme, Le Porn la poésie ne pouvait pas passer à côté.
J’avais poussière et des 20 ans
J’en ai connu, je crois,
J’avais 20 ans à rattraper alors
Red cup ou pas, verre à moutarde ou
Mug à l’eau-sky rinçé viteuf,
Viendez chez moi t’auras l’Oscar
D’la section hard parmi mes meufs !
Micro en main ma Kro
Tes seins tapi
Rouge interview.
Quand t’as 20 ans qu’t’es à la fac
Et qu’ton logis s’la joue sans meuble,
Y a que l’orgie !
Qu’tu sois une teub ou deux boobards
Y a que les Pubs et les pétards, et en fin d’mois
(Enfin vers l’trois…)
Y a plus qu’l’appart pour qu’elle s’termine
Ton interview,
En nuit debout.
J’avais 20 ans j’en réverbère
Encore. Ou bien j’en rêve en main ma Kro
De ces ceints seins la nuit, comme un voyage
Jusqu’au bout.
Tout le monde le dit et c’est vrai, le porn n’a jamais été aussi facile à se procurer. Mais à l’inverse les conditions pour le visionner confortablement ne se sont pas améliorées pour une partie de la population. Si vous êtes célibataire, sans enfants et autonome, c’est la fête. Pour les adultes avec enfants plus ou moins grands, partenaire non compréhensif (j’ai de la chance de ce coté là), ou vivant dans la promiscuité, le constat peut être bien triste. Enfermé dans les toilettes avec son téléphone, sans son petit coussin confortable à mordre, l’expérience est tout de suite moins agréable.
Les Japonais, encore eux, ont les mêmes problèmes, accentués par le fait que la surface moyenne des logements est bien plus réduite que chez nous. Par contre leur esprit pratique a trouvé une solution très pragmatique : les cabines de visionnage. Si le porn ne peut venir à toi, va au porn. Cela existe depuis longtemps chez nous aussi, me direz vous. En effet, mais en termes de confort et d’attractivité, l’offre hexagonale n’incite pas vraiment à tenter l’aventure.
Bingo !
Au nom du journalisme total et aussi parce que j’en avais très envie, j’ai profité de l’un de mes voyages là-bas pour expérimenter ce mode de consommation. Je rassure tout de suite les futurs voyageurs, il n’est pas nécessaire de parler japonais pour essayer, deux-trois mots suffisent amplement. Au cours de vos balades, repérez les devantures multicolores avec les petits rideaux à hauteur de visage ou les portes coulissantes et le signe DVD accompagné de panneaux mentionnant prix et durée.
Allez, je prends une grande inspiration et je me lance comme si je venais ici tout les jours. Copiant les autochtones, j’attrape un des petits paniers près de l’entrée et je commence à déambuler dans les rayonnages. On ne va pas se leurrer, nous sommes entre pro du porn, n’est ce pas ? J’ai écumé Internet, les listes infinies des tubes, les pages de catalogues des sites JAV comme R18 et d’autres plus obscurs, mais avoir tant de porn à disposition et si peu de temps devant moi me laisse dans l’angoisse de rater quelque chose. Même si l’on regrettera que tout soit censuré, le choix est pléthorique. Majoritairement du JAV, sans oublier un peu d’occidental, l’incontournable hentaï et autres bizarreries. Tout le monde trouvera son bonheur et même plus. Les goûts et la législation du pays garantissent évidemment les surprises…
Sympa, mais on mange quoi après ?
Chaque DVD est entreposé dans un boîtier plastique, lui même glissé dans une enveloppe cartonnée qui présente le film comme une jaquette classique. La procédure en vigueur consiste à prendre le boîtier et laisser l’enveloppe en place sur l’étagère. Cela permet d’anonymiser le contenu de votre panier. Mes déviances à base d’écolières, de cordes et de mollusques resteront donc secrètes. Mon panier bien garni, je passe maintenant à la caisse. Et en fait de caisse, c’est face à un distributeur automatique que je me retrouve, ce qui n’est pas particulièrement étonnant au Japon. En y réfléchissant, c’est tout de même moins intimidant que d’annoncer à un(e) caissier(ère) que j’ai l’intention de me palucher pendant 60 min et de demander quels modèles de Tenga sont en stocks. Ayant un peu plus d’une heure devant moi, je pars sur le forfait 60 minutes / 500 yens (environ 4 euros) qui est en promo. Les durées s’étendent jusqu’à plusieurs heures (avertissement de sécurité : faites des pauses et pensez à vous hydrater avec boisson et lotions). Les options consistant en un choix étendu d’onaholes, lotions et autres joyeusetés pour passer un bon moment.
En possession de mon petit ticket, je suis les autres vers un comptoir où, discrétion oblige, je retrouve les rideaux à hauteur de visage pour mettre à l’aise les clients. Le préposé me montre alors les différents types de pièces mises à ma disposition : fauteuil lounge, banquette allongée ou sol matelassé. Voici venu le seul moment où il m’est nécessaire de sortir un mot en japonais. Et comme je suis un mec sympa, je vais vous donner un coup de main : choix n° 1 = ichiban, choix n° 2 = niban et choix n°3 = sanban. Perso, je pars sur le fauteuil lounge, pas envie de ressortir de là avec des courbatures.
Le préposé scanne ensuite mes DVD et me fournit un casque Bluetooth pré-appairé à la télé de ma cabine. J’étais d’ailleurs circonspect à l’idée de passer derrière un nombre indéfini de salarymen aux oreilles moites mais la vision d’un autre employé occupé à nettoyer les casques rendus par mes prédécesseurs m’a plutôt rassuré. On peut éventuellement reprocher aux Japonais un manque de chaleur humaine mais niveau hygiène et service, rien à dire. Et alors que j’allais reprendre mon panier, mon prévenant interlocuteur y glisse une sorte de tube en carton recouvert d’images suggestives. Pas besoin de lire le japonais pour reconnaître un de ces onaholes tout cheap que l’on peut trouver à moins de 100 Yens dans les boutiques spécialisées. Un cadeau ne se refusant pas et n’ayant jamais essayé ce genre d’engin, je suis curieux de voir la comparaison avec le Fleshlight Stamina Training Unit que j’ai à la maison.
Direction la cabine n°31, troisième étage. Dans l’escalier, je croise un autre employé avec son nécessaire de nettoyage, confirmation du sérieux de la maison. Arrivé à l’étage, je trouve divers distributeurs de boissons et nourriture, toujours utile en cas de fatigue après un exercice intense… Cabine 31 donc. La poignée ne tourne pas, rien à faire. Pas de digicode ou autre à l’horizon, non plus. Un doute m’étreint, le numéro étant sur le mur et non sur la porte, j’essaye celle d’à coté. Gagné, je viens potentiellement de déranger un pauvre salaryman pendant son seul moment de tranquillité de la journée. La rumeur sur ces salopards d’occidentaux sans-gêne se vérifie à cause de moi. Je découvre ma nouvelle zone de confort avec attention. Boîte de mouchoirs, check. Poubelle propre, check. Variateur de lumière tamisée, check. Grand écran, lecteur DVD et fauteuil lounge simili cuir, triple check.
Paré au décollage, j’enquille les DVDs. La magie des images fait son effet et le vol se déroule sans accroc. L’isolation phonique des cabines est excellente, même sans casque je fais vite abstraction du fait qu’autour de moi se trouvent sûrement plein d’autres gars en train de se palucher. Approchant de l’atterrissage, j’attrape alors le tube en carton dans mon panier et le décapsule, du mauvais coté évidemment. Je le retourne, le redécapsule et observe avec attention l’intérieur de l’engin. Il est déconcertant de simplicité, rempli d’un bloc de mousse rose douce et moelleuse mais légèrement râpeuse, fendu en croix au milieu. J’y hasarde un doigt, mon avant-garde, pour tâter le terrain. Je découvre alors que l’intérieur est recouvert de lubrifiant. La voie semble sûre, je donne le feu vert.
Malgré le coté cheap qui donne l’impression d’avoir recyclé un rouleau de papier toilette, la sensation est très agréable, le lubrifiant incorporé évite les brûlures dues à la friction et la mousse. Avec son toucher très légèrement râpeux, l’engin fait vraiment de l’effet. Une fellation faite par une femme chat ressemblerait à ça, j’imagine. L’ayant gardé pour la fin, le résultat ne se fait pas attendre et c’est avec un pincement à mon cœur écolo que je l’envoie à la poubelle. Clairement plus pratique que le Fleshlight et sa corvée de démontage/nettoyage, le tube carton onahole reste tout de même un bon cran en dessous en terme de sensation mais reste une bonne surprise.
Le temps est passé bien vite, même si j’ai quelques fois cédé à la facilité de l’avance rapide. Le timer qui s’est lancé lors de mon arrivée dans la cabine arrivant à sa fin, je ramasse mes affaires et vérifie que je laisse l’endroit dans l’état où je l’ai trouvé. Descente des escaliers, dépôt du panier au préposé qui en inspecte le contenu. Je sort de l’établissement sous les remerciements sonores habituels des vendeurs japonais. De nouveau dans la foule, je fais le résumé de l’expérience et malgré une légère appréhension initiale, je ne regrette pas d’avoir tenté l’aventure. Je la recommande d’ailleurs à tous les futurs voyageurs en quête de nouvelles sensations.
NB : En faisant quelques recherches sur le thème, je suis tombé sur une vidéo promotionnelle qu’un bloggeur à pris la peine de sous-titrer, enjoy.
Au milieu des années 70, les salles de cinéma qui diffusaient encore des bobines classées X ont été prises en chasse par le président Valéry Giscard d’Estaing et son premier ministre Jaques Chirac. Par la volonté des deux compères, le genre a été frappé par de lourdes mesures fiscales [toujours appliquées, ndlr] et une interdiction de se promouvoir à l’aide d’affiches trop explicites. Pour continuer à séduire le public, producteurs et distributeurs d’images pour adulte ont commencé à créer des publicités tout en titres explosifs et polices d’écritures tapageuses. Aujourd’hui, le projet Pornographisme, affiches à caractère typographique vous propose de redécouvrir ces fragments gorgés de trouvailles visuelles inoubliables.
Pornographisme, affiches à caractère typographique est un projet de Mickaël Draï et Christophe Chelmis. Le premier est un ancien journaliste “biberonné à la série B”, le second exerce le métier de “directeur artistique malgré ses origines mosellanes”. Avec l’aide d’une petite équipe de passionnés de cinéma et de graphisme, le duo a sélectionné un ensemble “d’affiches des années 70-80 ne présentant aucune forme organique”, que des titres et des typos qui frappent. En prime, l’ouvrage dans lequel ils ont été réunis contient toute une gamme d’écrits nécessaires à la bonne compréhension de ces créations si particulières : “Techniques du détournement en milieu hostile”, “Le champ lexical et la misogynie”, “Masculin/féminin, de la titraille aux tags”…
Tout ceci est très séduisant – le problème, c’est que Pornographisme, affiches à caractère typographique n’existe pas encore. Pour voir le jour, l’ouvrage de Mickaël Draï et Christophe Chelmis a besoin de vous. Sur KissKissBankBank, les deux coéquipiers réclament 20 000€ pour mener leur projet à bien. Les contreparties sont nombreuses et alléchantes : à compter de 25€, vous aurez droit à votre propre édition du livre. A partir de 45€, une affiche d’époque sera jointe à l’ouvrage. Pour 300€ et plus, il sera accompagné d’une seconde de film X, soit 24 images sur pellicule. Allez, c’est pour la bonne cause.
Discussion banale lors d’un apéro lorsque quelqu’un s’exclame « Lui, j’laime pas. C’est un enculé. »
Définition
D’après la définition du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (lien), « enculé » désigne à la fois la pratique sexuelle (personne recevant la sodomie – et plus particulièrement la personne homosexuelle) et l’injure désignant une personne méprisable, mauvaise.
Venant de « cul » précédé du prefixe « en » (qui signifie « mettre dans »), l’injure enculé vient de la pratique sexuelle « mettre dans le cul ». Cette utilisation d’enculé comme injure m’exaspère. Car elle sous-entend que les personnes recevant la sodomie sont des personnes méprisables. Ou plus largement que les personnes se faisant pénétré.e.s sont méprisables. Nous avons, en France, tout un tas d’expression renvoyant au fait que lae pénétré.e est humilié.e et que lae pénétrant.e domine la situation (ou a profité de la situation) [1] :
Va te faire foutre, je t’encule, je te prends, je te nique, il me l’a mise bien profond, il m’a sodomisé à sec, je l’ai senti passer [la sodomie], va te faire mettre…
Pour ceux qui douterait encore du lien entre « je te pénètre » et « je te domine », un bel exemple est la scène de Marco dans Taxi 1 :
« Ho oh ! Les condés ! Marco y vous nique, y vous prend, y vous retourne et y vous fume »
Vous admirerez la superbe gestuelle. Aucune ambiguïté n’est possible : Marco insulte les policiers en les menaçant de les péntrer parce qu’il les domine. Au sens psychologique (je suis plus fort que vous) comme au sens charnel.
Un peu d’Histoire
On retrouve également cette idée de domination par la pénétration dans l’Histoire, avec par exemple la pédérastie de la Grèce Antique (relation entre un homme et un adolescent) où c’est au plus âgé de pénétrer. Arrivé à l’âge adulte, l’adolescent cesse d’être pénétré. Car un citoyen (ie un homme majeur, athénien et libre (donc non esclave)), de par son statut de dominant, ne doit pas être sodomisé, car cette pratique est réservée aux dominé.e.s.
Chez les romains, les hommes citoyens ont le droit d’avoir des relations sexuelles en dehors de leur mariage, à condition qu’il « conserve[nt] l’initiative et qu’il[s] ai[en]t le rôle actif »[2][3]. Ce qui signifie D’ailleurs, Jules César ayant eu des relations sexuelles avec le roi Nicomède fut moqué. Non parce que le roi Nicomède était un homme, mais parce que Jules César reçut la sodomie, comportement de soumission.[4]
En bref, dans l’Antiquité, la sodomie, c’est ok. Mais uniquement si celle-ci suit des règles strictes, car la sodomie est un comportement de soumission. Sénèque y allant de sa petite phrase « La soumission sexuelle chez un homme libre est un crime, chez un esclave une obligation, chez l’affranchi un service »[5].
Sodomie = humiliation
Vous l’aurez compris, sodomie/pénétration (reçue), passivité et soumission et humiliation sont intimement liées dans l’Histoire et notre langue française[5]. La personne recevant la pénétration pouvant être désignée de « PD » ou encore « femmelette », c’est à dire un « sous-homme ». Derrière ces mots et expressions sexistes et homophobes se cache un sexisme et une homophobie intériorisée. Les personnes utilisant ce vocabulaire n’ont pas pour intention de blesser les femmes et les personnes homos, mais valident et reproduisent (malgré eux) des schémas de pensées sexistes et homophobes.
Vous l’aurez compris, qu’on le veuille ou non, le fait de pénétrer sexuellement (dans le langage) est une façon de montrer sa domination. Alors qu’être pénétré.e, c’est être méprisable, mauvais.e … quelqu’un.e de pas vraiment recommandable en définitive.
De plus, ces « insultes » s’inscrivent dans un ensemble d’oppression systémique que subissent déjà les personnes homosexuelles et les femmes. Utiliser un terme définissant un groupe (subissant déjà des oppressions) pour insulter quelqu’un.e participe à l’oppression systémique. Il en est de même pour tout un tas d’autres « insultes », qui servent à désigner des personnes et à insulter en même temps. De plus, ces insultes s’inscrivent généralement dans un processus d’oppressions systémiques comme « pd » et « pute ».
Quelques contre-arguments
Quand je dis va te faire enculer, je veux dire va te faire pénétrer sans consentement, en gros va te faire violer.
Va te faire violer et va te faire enculer n’ont pas du tout le même emploi langagier. D’ailleurs, « enculé » se réfère plus à une pénétration anale qu’à une autre pénétration. La question du consentement est une non question, puisque se faire pénétrer est déjà humiliant. Que lae pénétré.e soit consentant.e ou non. D’où toutes les expression autour de la pénétration (et non du viol, qui sont une autre catégorie d’injure, utilisé différemment).
Quand j’utilise ce mot, je ne pense pas à stigmatiser les personnes homos, les femmes et toutes celles et ceux pratiquant la sodomie.
Non, je me doute bien. C’est ce qu’on appelle de l’intériorisation : utiliser un discours déjà produit par les dominants que l’on soit dominant ou dominé.e. [7]. Mais imagine que ton prénom soit utilisé comme une insulte. Est-ce que ce serait plaisant ? Non, ce serait même blessant.
J’ai pas l’intention d’être sexiste et/ou homophobe, mes propos ne peuvent donc pas être sexistes et/ou homophobes.
Ces termes sont historiquement et étymologiquement sexistes et homophobes. Les utiliser, c’est participer à la banalisation de comportements et de schémas de pensées sexistes et homophobes. Quand à l’intention, lorsqu’on produit du discours dans un milieu public (comme un tweet par exemple), l’intention de l’auteur n’est pas pris en compte.
Un exemple très concret. Mon intention est de faire rire, cela m’autorise t il à faire une blague raciste ?
Notes
[1]
Mais lae pénétrant.e est particulièrement valorisé.e si cellui-ci possède un pénis (pour pénétrer) et est reconnu.e comme homme par la société (de préférence homme cis)
[2]
PEPLVM – Images de l’antiquité et BD, 7.1. Kama Sutra romain. En ligne : http://www.peplums.info/pep39c.htm
[3]
Ces histoires de domination par la pénétration recouvrent aussi des notions de classe et de genre. Un esclave qui se fait sodomiser, c’est normal. Par contre, un esclave ne sodomise pas son maître.
[4]
billino1000, Jules César fut moqué pour son passé homosexuel, In Se Coucher moins bête [en ligne], 21/11/2015 [consulté le 17 avril 2016]. Disponible en ligne : http://secouchermoinsbete.fr/65946-jules-cesar-fut-moque-pour-son-passe-homosexuel
Le Parisien, Jules César, empereur du sexe, in La Parisien [en ligne], 25 novembre 2014 [consulté le 17 avril 2016]. Disponible en ligne : http://www.leparisien.fr/espace-premiumCESAR: la femme des tous les maris. (Suétone)/culture-loisirs/jules-cesar-empereur-du-sexe-25-11-2014-4319711.php
Michel LARIVIERE, CESAR: la femme des tous les maris. (Suétone), Homosexuels et bisexuels célèbres [en ligne], 1er septembre 2010 [consulté le 17 avril 2016], http://gayscelebres.hautetfort.com/archive/2010/08/18/caius-julius-cesar1.html
[5]
Daniele Van Mal Maeder, La fiction des déclamations, Leiden/Boston: Brill, coll. « Mnemosyne Supplementa » 290, 2007. ix, p. 109.
[6]
Les triptyque pénétré.e/passif.ve/soumis.e et pénétrant.e/actif.ve/dominant.e sont également présents dans bon nombre de films pornos. Et dans la culture en général. Par exemple, la stimulation de la prostate est mal vue puisque ce serait perdre sa virilté « j’suis pas un PD », pouvant être compris comme « je ne suis pas un sous-homme, donc je ne me fais pas pénétrer ». (oui, ça reste sexiste et homophobe, les deux étant assez liés)
[7]
Pour en savoir un peu plus sur la production des discours des dominants et leurs réutilisations par les dominé.e.s, lire cet excellent texte de Nicole-Claude Mathieu, Quand céder n’est pas consentir, 1985, disponible en ligne : http://www.fichier-pdf.fr/2013/03/11/ceder-n-est-pas-consentir/.
Bibliographie complémentaire
CNRTL, Enculé, [en ligne], [consulté le 17 avril 2016], disponible en ligne : http://www.cnrtl.fr/lexicographie/encul%C3%A9
Gkrikorian, Vous avez dit enculé, [en ligne]. Le club de Mediapart, 1 mai 2014 [consulté le 17 avril 2016]. Disponible en ligne : http://lmsi.net/Vous-avez-dit-encule
Contributeurs de Wikipédia, Sodomie, [consulté le 17 avril 2016], disponible en ligne : https://fr.wikipedia.org/wiki/Sodomie#Histoire_politique_de_la_sodomie
Crédits des images :
Chips sur canapé : illustration de Toki
Yoda injurieux : internet
Au XVIIIe siècle, les auteurs libertins décrivent des lieux de débauche, sous la forme de pavillons situés en banlieue, à l’abri de tous les regards, voués aux parties fines et aux adultères. On les appelle «petites maisons» et… ce seraient les ancêtres des résidences secondaires.
Entourée d’un parfum de scandale, la «petite maison» apparaît dans la littérature libertine comme le lieu de toutes les perditions. «Le mythe est bien connu : le XVIIIe siècle aurait vu naître des lieux édifiés pour le plaisir d’une classe sociale fortunée et bien souvent oisive […]. Cette légende de la «petite maison», qui mêle aventures romanesques et anecdotes véritables, repose toutefois sur une réalité tangible : ces édifices apparus au début du XVIIIe siècle se dénombrèrent bientôt par dizaines aux alentours de la capitale». Dans son ouvrage Petites Maisons, illustré de documents rares ou inédits, l’historienne Claire Ollagnier enquête : ont-elles réellement existé pour satisfaire les passions ou les vices d’une élite aux moeurs dissolues ?
Une «réputation pas entièrement usurpée»
Dépouillant les documents d’époque, Claire Ollagnier énumère tout d’abord les descriptions de ces très mystérieuses villas, qui apparaissent dès 1741, dans des ouvrages licencieux, contribuant à créer la légende de ces lieux de stupre. «Nombreux sont les écrits qui contribuent à établir cette réputation […] pas entièrement usurpée. Ainsi, dans Les Confessions du comte de ***, Charles Pinot Duclos note-t-il : “Le premier usage de ces maisons particulières appelées communément petites maisons s’introduisit à Paris par des amants qui étaient obligés de garder des mesures, et d’observer le mystère pour se voir, et par ceux qui voulaient avoir un asile pour faire des parties de débauche qu’ils auraient craint de faire dans des maisons publiques et dangereuses, et qu’ils auraient rougi de faire chez eux”».
Les liaisons mystérieuses
Dans Le Sopha, Crébillon fils confirme cette idée que la «petite maison» sert d’asile aux amants et d’abri aux femmes infidèles. A la question «qu’est-ce que c’est qu’une petite maison ?», l’un des protagonistes répond : «une maison écartée, où sans suite, et sans témoins, on va…». Michel Delon, qui signe une préface à l’ouvrage, explique : «On connaît les grisons ou domestiques sans livrées, les voitures sans armoiries et les maisonnettes, cachées derrière des bosquets, qui assurent la discrétion à des amours clandestines»… Leur caractéristique c’est qu’elles sont construites à l’écart des villes, dans des endroits «où l’on reçoit et où l’on est reçu incognito», ainsi que le formule laconiquement Claire Ollagnier. Les attelages qui y conduisent n’affichent pas la qualité de la personne qui s’y dissimule, cachée derrière l’équivalent de lunettes noires et de vitres sans tain.
Des maisons pour amants consentants
En 1748, Denis Diderot publie sous anonymat un roman, Les Bijoux indiscrets, dans lequel il est aussi question des «petites maisons». C’est l’histoire d’un anneau magique qui possède le pouvoir de faire parler les vagins («bijoux»). Le héros du livre raconte : «On avait alors la fureur des petites maisons. J’en louais une dans le faubourg […] et j’y plaçais successivement quelques-unes de ces filles qu’on voit, qu’on ne voit plus ; à qui l’on parle, à qui l’on ne dit mot, et que l’on renvoie quand on est lassé. J’y rassemblais des amis et des actrices de l’Opéra : on y faisait de petits soupers…». «La petite maison s’accorde mieux au libertinage qu’à l’amour honnête !», souligne l’historienne qui cite encore bien d’autres textes parlant d’échangisme et de rendez-vous galants, basés sur le seul principe du plaisir pris et donné. Pas de sentiments. Pas d’amour. «L’arrangement qu’entraîne un rendez-vous dans une petite maison» se résume en deux mots : jouissance réciproque.
Ce que la police en dit
Les rapports de police et les chroniques scandaleuses regorgent également d’anecdotes touchant ces garçonnières. «Jean-François Barbier relate ainsi, en mars 1758, la vie de débauche que mène le magistrat Évrard Titon du Tillet à Montmartre : “il vit dans une petite maison sur le rempart dans une débauche publique avec des filles qui sont tous les jours à sa table, ce qui ne convient pas à un magistrat.” Le duc de Lauzun mentionne quant à lui la petite maison du duc de Gramont dans laquelle celui-ci “passait sa vie […] avec des musiciens et des filles publiques les moins recherchées”. Le baron de Besenval témoigne de celle de M. de Luxembourg, rue Cadet, où “tout ce que la bonne chère peut avoir de plus recherché se joi[nt] à la licence la plus forte”. À propos de celle du duc de Chartres à Neuilly, Mlle Bertin assure que l’“on [y] condui[t] de jeunes filles isolées […] qu’on [a] pu séduire” et que “là se commettent de grandes débauches”».
«Débauche outrée», «impiété horrible»
L’usage licencieux de la «petite maison» atteint son paroxysme avec le marquis de Sade. A peine quelques semaines après son mariage (avec Renée de Montreuil) en mai 1763, Sade en loue une à Paris où il fait venir des prostituées. Scandale. Le 29 octobre 1763, il est arrêté dans sa garçonnière rue Mouffetard pour la «débauche outrée qu’on y allait faire froidement, tout seul, impiété horrible dont les filles ont cru être obligées de faire leur déposition» (1). C’est le comte de Sade (son propre père) qui écrit cela dans une lettre à l’abbé de Sade, datée 16 novembre 1763… Donatien-Alphonse est enfermé au donjon de Vincennes sur ordre du roi à la suite d’une plainte déposée par une prostituée occasionnelle, Jeanne Testard, qui n’a pas apprécié les petits jeux blasphématoires du marquis. Le voilà sous les barreaux puis assigné à résidence jusqu’en septembre 1764. Ce qui ne l’empêche guère de récidiver. Très vite, il défraye la chronique en violentant une jeune femme dans sa «petite maison» de Gentilly.
L’affaire de la mendiante et du sadique
Faut-il y accorder du crédit ou pas ? L’affaire est ainsi racontée dans la correspondance de Mme du Deffand, où elle relate à son fidèle ami Horace Walpole les sévices subis par une mendiante : «Un certain comte de Sade […] rencontra, le mardi de Pâques, une femme grande et bien faite, âgée de trente ans, qui lui demanda l’aumône ; il lui fit beaucoup de questions, lui marqua de l’intérêt, lui proposa de la tirer de sa misère, et de la faire concierge d’une petite maison qu’il a auprès de Paris. Cette femme l’accepta ; il lui dit de venir le lendemain matin l’y retrouver ; elle y fut ; il la conduisit d’abord dans toutes les chambres de la maison, dans tous les coins et recoins, et puis il la mena dans le grenier, arrivés là, il s’enferma avec elle, lui ordonna de se mettre toute nue.»
Il «lui déchiqueta tout le corps»
Ici, le récit de la célèbre salonnière adopte volontiers le registre du roman bourgeois (méfiance) : «elle résista à cette proposition, se jeta à ses pieds, lui dit qu’elle était une honnête femme ; il lui montra un pistolet qu’il tira de sa poche, et lui dit d’obéir, ce qu’elle fit sur-le-champ ; alors, il lui lia les mains, et la fustigea cruellement. Quand elle fut tout en sang, il tira un pot d’onguent de sa poche, en pansa ses plaies, et la laissa […]. [Le lendemain matin] il examina ses plaies, et vit que l’onguent avait fait l’effet qu’il en attendait ; alors, il prit un canif, et lui déchiqueta tout le corps : il prit ensuite le même onguent, en couvrit toutes les blessures, et s’en alla […]. Le village où est sa petite maison, c’est Arcueil».
Bougies de messe utilisées comme plug anal
On sent bien, à la lecture de cette lettre, la Révolution à venir et ses obsessions vertueuses. «Les crimes contre les mœurs –union charnelle illégitime, débauche, prostitution, libertinage, adultère, concubinage ou proxénétisme– font, au XVIIIe siècle, l’objet de répression», explique Claire Ollagnier qui ajoute à quel point les «petites maisons» pâtissent de ce parfum de soufre entourant les mœurs jugées dépravées des aristocrates, surtout quand ces aristocrates se conduisent en impies, sacrilèges et hérétiques. Le grand tort de Donatien-Alphonse fut certainement plus de s’être servi de bougies de messe comme plug anal que d’avoir fait saigner des roturières… Mais voilà. Le mal est fait. «Relayant parfois d’improbables rumeurs, satisfaisant ainsi […] le goût du scandale et de l’indécence», d’innombrables écrivains créent le mythe de la petite maison comme enfer de la luxure.
De la clandestinité à l’ostentation
«La volonté de ternir l’image des grandes personnalités du siècle apparaît derrière de nombreux témoignages» concernant les «petites maisons», résume l’historienne, qui ajoute à quel point ces demeures auraient mérité mieux. Le discours sulfureux dont elles font l’objet apparaît en effet au moment même où les usages de ces maisons changent. Quand elles apparaissent (vers 1700), les «petites maisons» sont certainement dédiées aux amours secrètes. Mais quand pour la première fois elles sont nommées dans des livres ou des correspondances (vers 1740), ces maisons ne sont plus destinées à rester secrètes. Au contraire, elles sont conçues pour être vues de tous, admirées, dans une débauche non plus de discrétion mais de faste exhibitionniste. Adieu plaisirs illicites. Ainsi que Michel Delon le remarque : «Les fortunes dilapidées pour les installer transformèrent la clandestinité en ostentation».
Des maisons pour faire croire qu’on est un libertin ?
Intuition confirmée par Les Confessions du comte de *** de Duclos : «On les eut d’abord pour dérober ses affaires au public ; mais bientôt plusieurs ne les prirent que pour faire croire celles qu’ils n’avaient pas. On ne les passait même qu’à des gens d’un rang supérieur : cela fit encore que plusieurs en prirent par air. Elles sont enfin devenues si communes et si publiques qu’il y a des extrémités de faubourg qui y sont absolument consacrées. On sait tous ceux qui les ont occupées ; les maîtres en sont connus, et ils y mettront bientôt leur marbre. Il est vrai que depuis qu’elles ont cessé d’être secrètes, elles ont cessé d’être indécentes, mais aussi elles ont cessé d’être nécessaires. Une petite maison n’est aujourd’hui pour bien des gens qu’un faux air, et un lieu, où pour paraître chercher le plaisir, ils vont s’ennuyer secrètement un peu plus qu’ils ne feraient en restant tout uniment chez eux».
De la «petite maison» au pavillon de banlieue : du rêve pour tous
Du moment que les «petites maisons» deviennent des lieux pour «paraître» et simuler, elles font l’objet de dépenses somptuaires et deviennent l’«écrin luxueux qui définit la qualité du maître qui l’occupe, selon le principe de convenance et de bienséance». C’est alors, véritablement, qu’elles deviennent intéressantes car les propriétaires de ces pavillons de banlieue veulent en mettre plein les yeux. Claire Ollagnier insiste : lorsque la «petite maison «commence à répondre à un véritable programme architectural, dans lequel les attendus libertins ne sont plus les seuls enjeux», elle devient le lieu d’un projet novateur, étonnant, basé sur l’idée de la merveille. On se perd dans les petites maisons comme dans un labyrinthe où les pièces d’eau reflètent le ciel et où les chambres ouvrent sur des jardins dont on ne sait plus s’ils sont vrais ou faux. Les petites maisons deviennent des espaces brouillant les frontières entre intérieur et extérieur, entre rêve et réalité. Or – ainsi que l’historienne le prouve dans cet ouvrage magistral–, nous sommes (presque) tous les dépositaires de ce projet. Nos maisons secondaires dérivent de ces «folies» architecturales. «Et le comble de l’élitisme aristocratique se démocratise en modeste pavillon pour tous», conclut Michel Delon.
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À LIRE : Petites Maisons, de Claire Ollagnier, éditions Mardaga, avril 2016, 39 euros.
NOTE (1) Extrait d’une lettre du comte de Sade à l’abbé de Sade, 16 novembre 1763 ; cité dans Sarane Alexandrian, Les libérateurs de l’amour, Paris, Seuil, coll. Points, 1977, p. 79.
ILLUSTRATION : Natalie Shau, graphiste lituanienne, dont la galerie Le Cabinet des curieux présente les travaux sur la France.
Cet article est le premier d'une série consacrée à la loi sur la prostitution qui a été votée le 06 avril 2016. Le sujet est complexe et long à traiter, j'ai donc décidé d'y consacrer une série d'articles plutôt qu'un seul.
Le premier est donc consacré à certains termes utilisés lorsqu'on parle de la prostitution.
L'expression "traite des noirs" désigne le fait, pendant plusieurs siècles, de faire le commerce d'hommes, de femmes et d'enfants noirs africains. Ce commerce est mené par des réseaux organisés et passe par la capture, la torture, les violences (sexuelles ou non) et la coercition de ces personnes qui sont vendues, puis déportées vers des pays où elles seront esclaves. Cette traite est légale et est facilitée, encouragée par les états qui la pratiquent et en tirent profit.
On commence à la fin du XIXème siècle à parler de "traite des blanches", expression qui a été étudiée et pour laquelle on a pu démontrer qu'elle avait été inventée par des membres de la Société des Nations pour des raisons morales : la prostitution était un mal à enrayer, et il fallait contrôler, surveiller et limiter les femmes migrantes pour leur propre bien. Est-ce qu'il y a eu des femmes blanches travaillant dans des bordels étrangers ? Oui. Est ce qu'il y a eu des femmes contraintes à le faire ? Oui. Est ce le fait de réseaux internationaux qui procédaient à des enlèvements en masse ? Non. Alain Corbin a ainsi montré que cela a permis de contrôler les migrations des femmes. En faisant planer le spectre d'une hypothétique traite, on les convainquait que le domicile familial restait l'endroit le plus sûr pour elles, contrairement au travail salarié et à la migration.
L'expression "traite des blanches" soulève d'ailleurs différents problèmes :
- elle met au même plan la traite des noirs et la prostitution contrainte de femmes blanches. Même si cette dernière est évidemment condamnable, elle n'est en rien comparable ni dans les causes ni dans les effets à la traite des noirs.
- elle relativise la traite des noirs. Si l'on pense que les noirs ne sont plus les seuls à avoir connu l'esclavage, alors on peut relativiser ce qu'ils ont vécu et se dire qu'il n'y a plus à revenir sur le passé esclavagiste de certains pays puisqu'ils vivent à leur tour cette atrocité là.
- elle alimente des rumeurs antisémites.
Beaucoup de rumeurs font des juifs d'Europe de l'Est les principaux trafiquants dans la traite des blanches ; rumeurs qui dureront plusieurs dizaines d'années comme en témoigne la rumeur d'Orléans en 1969. Cette rumeur fait courir le bruit que lorsqu'une jeune femme se rendait dans la cabine d'essayage d'un magasin de vêtements tenu par un commerçant juif, elle était enlevée par une trappe existant dans la cabine, droguée puis envoyée dans un bordel à l'étranger.
On constatera d'ailleurs que la rumeur n'est toujours pas éteinte et que certains blogs antisémites continuent à faire passer l'idée qu'il y aurait une exploitation sexuelle par des réseaux juifs de femmes blanches chrétiennes des pays de l'est à destination d'Israël.
Les rumeurs actuelles, depuis le début des années 90, concernent d'ailleurs toujours les pays de l'Est avec des trafiquants de chair humaine essentiellement venus de ces pays. Il y a évidemment des trafiquants venus de l'est ; il n'est pas question de le nier mais de plutôt pointer les fantasmes qu'on a autour des hommes des pays de l'est, forcément cruels, violents et sanguinaires. La série de films Hostel (qui ne concerne pas directement la prostitution mais met quand même en scène un réseau international, utilisant des filles comme appât) est un bon exemple de reconstruction fantasmée de la réalité.
- Elle alimente des rumeurs racistes avec l'idée que les étrangers - particulièrement les racisés - rêvent de "nous" enlever par tous les moyens "nos femmes". Cette construction mentale a déjà sévi pendant les périodes esclavagistes et coloniales où les hommes esclaves et les colons étaient vus comme des violeurs en puissance de femmes blanches. On en a ici un autre exemple.
Dans ce contexte, on comprend que le mot "traite" prend un sens très particulier qu'il serait sans doute préférable de réserver à la traite des noirs ; le mot "trafic" ou "exploitation des êtres humains" lui est sans doute préférable.
Le mot "traite" est néanmoins celui qui a été choisi dans la convention de Palerme en 2000 et en particulier dans le "Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée".
En voici la définition : "L’expression “traite des personnes” désigne le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou à d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation. L’exploitation comprend, au minimum, l’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage, la servitude ou le prélèvement d’organes;"
Constatons déjà plusieurs choses
- sont systématiquement associés dans ce protocole "les femmes et les enfants". Cela pose évidemment un problème clair d'associer femmes et enfants : une femme n'est pas un enfant, elle est considérée comme légalement apte par exemple à donner un consentement - par exemple sexuel - que ne peut donner un enfant. Si les femmes sont davantage victimes d'exploitation (en particulier parce qu'elles sont davantage victime de violences sexuelles tout en étant autant victimes de violences physiques, économiques etc) que les hommes, elles ne peuvent pour autant être considérées comme le sont les enfants victimes d'exploitation.
Cela pousse, comme on le verra dans l'article suivant, à ne jamais voir les femmes comme des sujets de migrations. Elles sont invisibilisées et seules les migrations des hommes sont étudiées. Les femmes qui migrent sont forcément vues comme passives (on considère uniquement la migration féminine sous l'angle du regroupement familial) ou des victimes de trafic. Les hommes sont pourtant également victimes de violences, de passeurs et de trafiquants mais on ne remet pas en cause pour autant leur désir initial de migration.
- la Convention met au même plan l'exploitation à des fins sexuelles et non sexuelles ce qui rejoint la volonté de certaines féministes de considérer toutes les formes d'exploitation vécues par les femmes, comme le travail forcé et pas seulement l'exploitation sexuelle. Le travail forcé des femme, qui peut comporter également des violences sexuelles, reste relativement peu étudié en France.
- la définition de la Convention est délibérément imprécise sur le point de la "situation de vulnérabilité". D'un côté c'est une bonne chose afin de pouvoir prendre en compte les situations très complexes pouvant être rencontrées, de l'autre cela permet beaucoup d'interprétations. Est ce que des personnes venant de pays pauvres d'Afrique et migrant vers l'Europe ne sont pas, par définition, en situation de vulnérabilité économique ? Ne risque-t-on pas, avec une définition très extensive, de nier les volontés de migration pour ne voir que des victimes d'exploitation ?
Selon l'OIT, en 2012, il y avait en Europe 880 000 travailleurs forcés : 70% sont victimes d'exploitation par le travail forcé, 30% sont victimes d'exploitation sexuelle. 58% de ces personnes sont des femmes. Les activités principalement concernées par le travail forcé sont : l'agriculture, le travail domestique, la production manufacturée et la construction.
Voici la définition donné par l'OIT du travail forcé "Le travail forcé est le terme utilisé par la communauté internationale pour décrire des situations dans lesquelles les personnes impliquées – femmes et hommes, filles et garçons – doivent travailler contre leur gré, contraints par leur recruteur ou leur employeur, par exemple en utilisant la violence ou la menace de violence, ou par des moyens plus subtils comme le surendettement, la confiscation des papiers d’identité ou des menaces de dénonciation aux services d’immigration. "
- Le point très problématique de la Convention de Parme est l'arrticle qui suit celui ci dessus et qui dit : "Le consentement d’une victime de la traite des personnes à l’exploitation envisagée, telle qu’énoncée à l’alinéa a du présent article, est indifférent lorsque l’un quelconque des moyens énoncés à l’alinéa a a été utilisé". On peut - évidemment - se questionner sur la valeur du consentement d'une personnage vulnérable mais systématiser l'absence de valeur du consentement de ces personnes conduit à créer une perception monolithique des migrations. On le verra dans les prochains articles ; beaucoup de migrant-es se sont retrouvées dans des réseaux qui les ont exploité-es parce qu'il n'y avait pas d'autre moyen pour venir en Europe. Ils avaient une volonté claire de migrer mais l'impossibilité à venir simplement les a forcé-es à faire appel à un réseau. Dire qu'ils n'ont consenti à rien, nous permet d'oublier le fort désir de ces gens de migrer et surtout notre capacité à leur fermer la porte européenne au nez à triple tour.
Les mouvements abolitionnistes usent de mots précis pour définir la prostitution. La prostitution est souvent assimilée à de l'"esclavage" et l'on parle de "système prostitutionnel". Bref la comparaison avec le système esclavagiste et la traite des noirs est évidente. Quelles que soient les coercitions dont sont victimes les femmes victimes d'exploitation sexuelle, il me semble dommage de continuer à employer un vocabulaire inadapté et correspondant à des situations historiques précises.
Même si l'on peut déplorer l'inaction et l'inertie de la majeure partie des états en matière de travail forcé, il n'est pas possible de le comparer à un système esclavagiste et à la traite des noirs qui nécessitait, comme on l'a vu, que les états y participant légalisent ce système.
Il me semble important de parler de "travail forcé", de "travail sexuel forcé" (ou d"exploitation sexuelle" si on ne veut pas considérer la vente de sexe comme un travail) plutôt que d'"esclavage" qui recouvre là encore des situations historiques précises.
nb ; on me fait remarquer qu'il n'est peut-être pas exact de dire que les femmes sont autant victimes de violences que les hommes. C'est quelque chose de difficile à estimer.
On sait qu'en termes de violences physiques et d'homicides, les hommes sont plus victimes que les femmes.
On sait qu'en termes de violences sexuelles, les femmes sont plus victimes que les hommes.
En matière de migrations, il y a encore d'autres type de violences :
- violences policières; militaires etc (contrôles abusifs, arrestations arbitraires etc)
- menaces verbales, chantage etc
- propos racistes/sexistes
- violences liées à l'argent (escroquerie etc)
(et il y a encore sans doute beaucoup d'autres types de violences)
Il est très difficile de savoir si ces violences touchent plus les hommes que les femmes.
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