Nevada Barr est née en 1952. Ecologiste militante, elle est l’auteur d’une série policière à succès mettant en scène Anna Pigeon, garde forestier dans les Rocheuses, qui lui a valu d’être élue parmi les meilleurs auteurs de thrillers du XXe siècle par l’association des libraires américains.
EXTRAITS choisis
Prologue
[...]
Un cauchemar, c’est ce qu’elle avait pensé. D’aussi loin qu’elle s’en souvienne, les cauchemars avaient déchiré ses rêves. Un poids pesait sur son dos, la plaquait contre le matelas, écrasant son visage contre l’oreiller pour l’empêcher de respirer. Un relent de whisky et de cigarette s’immisça dans son rêve, et Polly sut que c’était la réalité. Dans les rêves, elle n’avait jamais d’odorat.
C’était Bernie. Il lui avait jeté des regards brûlants et obscènes jusqu’à ce qu’Hilda soit totalement ivre et oblige Polly à se coucher avant eux. S’il restait encore plusieurs semaines avant son anniversaire, Polly savait tout de même déjà ce que voulaient dire les œillades déplaisantes et visqueuses des hommes.
Ardente comme un fer, la main s’appuya au milieu de son dos, lui brûlant la peau au travers du tissu fin de son pyjama. Comme un insecte punaisé à une planche, elle se débattit, bras et jambes s’agitant dans les draps emmêlés.
Avant autant de facilité qu’il aurait décortiqué un épi de maïs, Bernie lui arracha le bas de son pyjama.
Hilda avait dit à Polly ce qui se passerait si Bernie s’avisait d’entrer dans sa chambre la nuit. Elle lui couperait les couilles et les lui donnerait à manger.
Dans une torsion qui lui blessa le cou, Polly libéra son visage de l’oreiller et hurla.
La main gauche quitta son dos, l’empoigna par les cheveux et tira la tête en arrière. De son autre patte énorme et puante, il lui allongea une claque sur le nez et la bouche.
« La ferme. Ta mère est tellement bourrée qu’elle n’entendra rien. Tu te tais, et on va passer un bon moment. Un sacré moment. On va s’amuser. Bernie sait faire piailler les petites filles. Piou piou. Tu vas te taire, hein ? »
Polly parvient à acquiescer imperceptiblement malgré l’étau de chair qui lui enserrait la tête.
« Piou, piou », répéta-t-il. Bernie était un redoutable connard.
Il écarta sa main, et Polly, avec le peu d’air qui lui restait dans les poumons, se remit à crier. Elle s’agita et lança une ruade. Il lui arracha une mèche de cheveux, mais la douleur lui donna des forces, et elle lui planta ses ongles dans toutes les parties exposées de peau qu’elle pouvait trouver.
[...]
Bernie était nu, et son truc se dressait comme une vieille branche morte jaillissant d’un marais. Polly hurla de plus belle.
« Putain de merde ! » siffla Bernie avant de lui empoigner le visage pour lui couvrir la bouche. Elle criait et un doigt épais se faufila dans sa bouche. Polly y plongea les dents et mordit, mordit, mordit jusqu’à ce que Bernie hurle à son tour. Il la secoua, et elle se sentit soulevée du lit, mais elle tint bon. Il la projeta au sol avec une telle violence qu’elle desserra enfin la mâchoire : un morceau de chair se détacha, et du sang lui coula dan la gorge.
Elle était devenue cannibale, à présent.
Résumé
2007.
Polly est devenue professeur d’anglais respectée de La Nouvelle Orléans. Divorcée, elle vit seule avec ses deux filles, lorsqu’elle rencontre Marshall Marchand, un brillant architecte, qui œuvre à la reconstruction de la ville, détruite par l’ouragan Katrina.
Polly ne tarde pas à tomber sous son charme avant de découvrir que Marshall est hanté par le drame du Butcher boy, ce jeune garçon qui, en 1971, a massacré sa famille à la hache. Quel rapport entretient-il avec ce fait divers atroce ?
Mon avis
Nevada Barr a écrit une intrigue magistralement orchestrée. La construction de ce roman est diabolique. Jusqu’à la dernière page, le lecteur est tenu en haleine.
Traumatismes infantiles et résilience y sont abordés avec délicatesse et pertinence. Un très bon thriller psychologique.
13 1/2, Nevada Barr, éditions Le Cherche Midi
Traduction de Laura Derajinski
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