Il est interdit en Europe de mutiler les parties génitales des petites filles. En revanche, il est autorisé de mutiler celles des petits garçons. Quelles sont les conséquences de la circoncision sur leur sexualité et sur leur santé ?
L’égalité entre les sexes, c’est aussi l’égalité de traitement concernant les organes génitaux. Pour le docteur Morten Frisch, responsable d’une étude portant sur les conséquences sexuelles de la circoncision, il n’existe aucune raison valable de défendre ce qui est à ses yeux (ainsi, semble-t-il, qu’aux yeux de la majorité des médecins) une atteinte pure et simple à l’intégrité du corps.
Le 22 octobre 2014, une audition sur la circoncision des garçons a eu lieu au Parlement danois.
Le docteur Morten Frisch a été invité à s’exprimer. Les conséquences de la circoncision non-thérapeutique sont loin d’être anodines. Il les résume en sept minutes.
Pour les personnes qui ne peuvent pas lire les sous-titres de cette vidéo, voici la transcription :
TRANSCRIPTION DE LA VIDÉO
« Merci de m’avoir invité.
J’ai disposé sur chaque chaise mes ‘kits d’introduction’ concernant la circoncision et ils sont librement accessibles sur Facebook et Twitter dès aujourd’hui, afin que chacun puisse accéder aux informations de base liées à la santé et aux questions éthiques relatives au problème de la circoncision.
Le tabou très répandu qui entoure les organes génitaux humains implique que peu de gens savent vraiment ce qu’est la circoncision.
Je vous prie de bien vouloir écouter attentivement.
Durant le développement fœtal, les organes génitaux masculins et féminins se développent à partir de la même structure embryonnaire. Ici, vous voyez les parties génitales externes du fœtus mâle (à gauche) et femelle (à droite) à environ 12 semaines de grossesse. À ce stade du développement, il n’est pas possible de faire la distinction entre les deux sexes. À la naissance, cependant, tout le monde peut voir la différence. Notez bien que toute structure masculine a une structure féminine équivalente.
Le prépuce recouvre le gland du pénis chez la plupart des garçons et des hommes. Le prépuce protège le gland. Par conséquent, le gland des hommes intacts est sensible, lisse et humide, tandis que le gland des hommes circoncis est relativement insensible, rêche et sec. La taille de la cicatrice que tous les hommes circoncis possèdent dépend de la quantité de peau pénienne retirée. Le gland est exposé lors de l’érection et la stimulation sexuelle survient lorsque le prépuce fait un mouvement de va-et-vient sur le gland.
Peu de gens savent que les femmes possèdent également un prépuce, appelé capuchon clitoridien. Le capuchon clitoridien a les mêmes fonctions de protection et de stimulation que le prépuce masculin. Lors de la montée du plaisir féminin, la taille du clitoris augmente et son gland est exposé. La plupart des femmes peuvent facilement imaginer à quel point la stimulation directe du gland clitoridien serait désagréable en l’absence du capuchon clitoridien. C’est la situation dans laquelle se trouvent les femmes ayant subi une circoncision de type « sunna » et c’est la même situation pour les hommes circoncis. Avec le temps, les hommes circoncis développent peu à peu une couche de peau kératinisée, ce qui entraîne une sensibilité réduite du gland.
L’absence de prépuce et la sensibilité amoindrie du gland expliquent les difficultés sexuelles liées à la circoncision et connues de longue date, qui ont été confirmées par des études récentes.
Le prépuce n’est pas un petit bout de peau superflu. Le prépuce est une structure complexe composée de deux couches, riche en nerfs sensoriels. Le prépuce mesure en moyenne entre 50 et 90 cm², c’est-à-dire la majeure partie d’un billet de un dollar. Le prépuce est constitué de peau sur la partie externe et d’une muqueuse tout aussi grande sur la partie interne.
Pendant l’érection, le gland croît en taille et tire la partie muqueuse du prépuce vers l’extérieur. Sur la photo de droite, vous pouvez voir que la hampe du pénis (flèche rouge) est couverte par le prépuce depuis la base du pénis jusqu’au gland. En se rappelant de la diapositive montrant le gland relativement insensible, rêche et sec, il devient clair que les hommes circoncis ont une sensibilité réduite de la base du pénis jusqu’à l’extrémité du gland (flèche violette).
Voici le scénario qui attend tout garçon circoncis.
Le rapport du Conseil National Danois de la Santé, ‘Note sur la circoncision des garçons’, publié en 2013, est truffé d’erreurs, d’inexactitudes, de banalisations et de graves omissions. Du point de vue d’un professionnel de santé, cette ‘note’ est une présentation gênante du sujet qui laisse une large place aux opinions religieuses.
En mars 2014, j’ai écrit un commentaire sévère dans le journal Politiken à propos du Conseil National de la Santé et de son traitement du problème de la circoncision. Le Conseil n’a jamais démontré que j’avais tort dans les critiques que j’ai soulevées. Malheureusement, cette ‘note’ est souvent utilisée par des ministres et des politiciens qui sont trop occupés pour évaluer la question eux-mêmes. Du point de vue d’un professionnel de santé, cette ‘note’ est médiocre sur le plan médical et, de surcroît, complètement inacceptable du point de vue de l’éthique médicale. Cette ‘note’ est la reconnaissance de la part de l’autorité danoise de la santé que l’amputation du prépuce est acceptable du moment que l’on donne au garçon un peu de sucre, alors que son corps et sa sexualité seront modifiés à vie.
Les médecins européens conviennent qu’il n’y a aucun bénéfice pertinent pour la santé qui soit associé à la circoncision des garçons. Aucune association médicale dans le monde ne recommande la circoncision de garçons en bonne santé. En revanche, plusieurs se prononcent contre la circoncision. L’année dernière, j’ai pris l’initiative de rédiger cet article avec 37 autres professeurs et consultants de 17 pays européens et du Canada. Nous rejetons les mythes pauvrement étayés concernant les bénéfices pour la santé qui résulteraient de la circoncision, mythes propagés par les pédiatres américains auprès des parents de petits garçons pour faire du profit.
Sept minutes ne permettent pas un examen minutieux de toutes les complications qui peuvent survenir. Une étude du Rigshospitalet [Hôpital du Royaume danois] datant de 2013 a montré que lorsque la circoncision non thérapeutique est pratiquée au Danemark par des chirurgiens pédiatres expérimentés, 1 garçon sur 20 souffrira d’une complication non négligeable. Dans les pays où les garçons subissent une circoncision de routine, d’énormes sommes d’argent sont dépensées pour les circoncisions elles-mêmes ainsi que pour les opérations qui en découlent, afin de réparer les dommages causés. Dans un hôpital universitaire de Boston, les chirurgiens pédiatres passent 5 à 7 % de leur temps en bloc opératoire à réparer des circoncisions ratées. Entre 10 et 20 % des garçons circoncis à la naissance développent un rétrécissement de l’ouverture de l’urètre (sténose du méat urinaire) qui requiert une intervention. Les garçons intacts ne développent presque jamais cette condition. Tous les garçons subissent une douleur plus ou moins importante pendant et après la procédure. De plus, ils perdent en sensibilité et sont exposés à des risques inutiles. Hémorragies, infections et sténose du méat sont fréquents, et d’autres problèmes désagréables, graves et mettant parfois la vie de l’enfant en danger peuvent survenir ; toutefois, cela est heureusement rare. Des problèmes peuvent aussi bien survenir chez les jeunes garçons que chez les plus âgés – et aussi chez les hommes adultes et leur(s) partenaire(s). De nouvelles études montrent que de nombreuses femmes peuvent également être concernées par ces complications.
D’après le serment d’Hippocrate, les médecins ne doivent pas causer de douleur ou blesser d’autres êtres humains. Il s’agit d’un bon principe qui devrait être étendu à tout le monde, particulièrement lorsque l’on s’occupe des êtres les plus vulnérables : nos enfants. Cependant, lorsqu’il s’agit de la circoncision, que ce soit pour les garçons ou pour les filles, c’est exactement ce que le circonciseur fait. Il cause de la douleur et inflige un dommage physique irréversible au corps de l’enfant. Une blessure ouverte, douloureuse, ayant des conséquences à vie, lesquelles sont parfois graves. Cet été, un nouveau-né s’est retrouvé dans le coma à l’hôpital Hvidovre suite à une circoncision ratée, réalisée par un chirurgien à Copenhague.
Mais la circoncision n’est pas principalement un problème de santé. La circoncision est avant tout une question de droits humains, une question d’égalité des sexes et, enfin, une question judiciaire. J’espère sincèrement que vous, politiciens, prendrez sérieusement vos responsabilités et veillerez à ce que les futurs garçons bénéficient des mêmes droits à l’intégrité physique, psychologique et sexuelle que ceux qui furent accordés aux filles danoises en 2003.
Je vous remercie de votre attention. »