Une fois de plus nous sommes sous le choc. Dans la nuit du 16 au 17 août, nous avons reçu plusieurs messages et appels de collègues du Bois de Boulogne signalant l’agression et la mort de Vanessa.
7 à 8 hommes s’en sont pris à elle. Cela fait suite à d’autres agressions antérieures. Il s’agirait probablement d’une bande d’hommes qui agresse régulièrement les travailleuses du sexe et leurs clients pour les voler. Ce phénomène de bandes visant les travailleuses du sexe tend actuellement à se développer dans toute la région Ile de France. Celles qui tentent de s’organiser pour se défendre et les chasser sont ensuite prises à partie séparément.
Aujourd’hui nous pleurons cette perte et nous sentons comme d’habitude abandonnées. Les assassinats de femmes trans travailleuses du sexe n’ont rien de rare. C’est un phénomène récurrent et régulièrement nous tentons d’alerter l’opinion publique et les autorités sur ces violences. Malheureusement comme toujours, nous nous retrouvons seules.
Pourquoi la vie des femmes trans migrantes travailleuses du sexe importe-t-elle si peu ? Pourquoi nos morts sont-elles traitées uniquement comme des faits divers ? Pourquoi les journalistes sont-ils si ignorants ou si irrespectueux qu’ils titrent sur la mort d’ « un prostitué travesti » et continuent de nous mégenrer jusque dans la mort ? La vie d’une pute ne compte-t-elle pas ?
Nous avons en nous cette étrange impression que nos morts ne suscitent aucune émotion. Pour nous, il n’y a jamais de deuil national. Il n’y a jamais de commémoration officielle. La classe politique reste muette. Une fois les articles de presse sensationnalistes passés, c’est le retour au silence, et on doit retourner travailler la peur au ventre, en attendant d’être peut-être la prochaine.
Nos morts sont normalisées. Une pute qui meurt c’est un peu comme un personnage de jeu vidéo qu’on tue, ce n’est pas grave. C’est un peu comme une blague sexiste, on en rit, puis on passe à autre chose.
Une femme trans tuée, ça ne reste qu’un « travelo », cette insulte qu’on entend tous les jours de la part des passants, et cette remarque à laquelle on fait face toute sa vie, y compris dans des mouvements politiques qui se disent progressistes et féministes:
« Tu n’es pas une vraie femme ». Et nous comprenons parfaitement ce que cela signifie, à savoir que nous ne faisons pas partie de cette humanité normale qui a droit au respect de sa vie. Nous sommes traitées comme une sous espèce, qu’on peut écraser comme un insecte, au point que la police, ceux qui sont payés pour protéger les citoyens normaux, nous harcèle quotidiennement, nous colle des amendes et détruit nos tentes au cutter, nous appelle « monsieur » pour nous humilier, et nous place en détention dans des cellules pour hommes, où nous sommes agressées par nos codétenus.
Une migrante tuée, c’est une personne dont on pense qu’elle n’a de toute façon pas d’attaches en France. C’est une indésirable en moins. Il n’y aura personne pour protester lorsque son dossier sera classé sans suite, car sa famille, si elle ne l’a pas rejetée, est trop loin pour s’en occuper.
Sa famille pourtant c’est nous. Nous restons dans la vie avec elle dans nos mémoires. Nous continuons à vivre en espérant qu’à force de résister, les choses s’amélioreront peut-être un peu pour celles plus jeunes qui nous remplaceront après nous.
Tout le monde connait le contexte politique, législatif, administratif et social dans lequel nous vivons. Chacun comprendra et jugera de ce qui facilite ou non ces violences. Nous n’avons pas besoin d’insister dans la dénonciation que nous portons déjà tout le temps.
Il nous reste la tristesse, l’amertume, et la colère.
Nous réfléchissons à des actions à venir dans les jours qui viennent et appelons à la mobilisation contre les violences.
STRASS & Acceptess-T