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La première fois que j’ai fait l’amour a été horrible. Une expérience très douloureuse qui avait commencé par des chuchotements et finit par des cris. D’ailleurs ça n’a été qu’un essai parmi une série de fois, espacées dans le temps, durant lesquelles on essayait, à deux, d’éliminer cette barrière qui se posait entre la jouissance et nous, des fois stoppées à chaque fois par ma peur et ma douleur.
C’est dur de connaître sa libido à un âge relativement tardif et de se heurter à une réalité qui n’a rien à voir avec ce qu’on voit dans les films et lit...
C’est l’autre France. Pas la douce, oh non. Plutôt l’hexagone côté hémisphère sombre, aux antipodes du ghetto gâté de David Guetta, dont les turbines à gros tubes sont depuis longtemps à bout de souffle. Gesaffelstein, c’est une ombre qui claque. Stratège de derrière les platines, talent de derrière les fagots, le DJ et producteur originaire de Lyon, parisien d’adoption, balance une techno rêche et riche qui fleure le goudron frais.
Son premier album, Aleph, lui a déroulé le papier glacé des «Inrocks», de «Tsugi», mais aussi de Elle ou Glamour. C’est que Gesaffelstein, clope au bec et vague à l’âme, déploie un chic de la frappe, un punch cousu main, une incise du beat taillée dans les meilleures étoffes: sobres, ajustées, près du corps sans jamais sentir la transpiration. Il y a deux ans, sous les entrepôts gigantesques de I Love Techno, là où la Belgique mélange ses frites, son goût pour la musique électronique et son jusqu’au-boutisme en matière de rave, Gesaffelstein érigeait un live set apocalyptique, dont la maestria technique a laissé des courbatures profondes et des mâchoires extatiques pour des heures, des jours, des semaines.
Hargne charbonneuse
Il faut dire que Mike Levy de son vrai nom, tout de mèche mignonne et d’immobilité travaillée lorsqu’il est à l’œuvre depuis le deck, avait déjà sorti en 2010 l’EP des grands soirs, Variations, qui lui vaut de se faire connaître du cénacle des connaisseurs de musique cogneuse. Un peu plus tôt, sorti d’une adolescence de bidouille et d’obsession pour les machines à sons et autres fantômes de studio, il s’est fait le complice de The Hacker (oui, celui de Miss Kittin &…), producteur dont l’ascèse punk et la hargne charbonneuse lui ont donné le déclic.
Maqué désormais avec Brodinski, avec qui il entretient sous le nom de Bromance un label en forme de compagnonnage, Gesaffelstein a si ce n’est ouvert une voie, en tout cas mis en lumière une nouvelle manière de penser le son du clubbing made in France. Sa techno digne et racée, sans chichi tout en n’empruntant jamais rien ou presque au minimalisme allemand, est déjà considérée par certains comme l’évolution de la French Touch. De la poésie robotique des Daft Punk en passant par le rock-DJing de Justice jusqu’à la violence épurée de Gesaffelstein, la trajectoire électronique française des vingt dernières années marque clairement un mouvement vers l’abstraction, vers la radicalité, vers l’amertume.
Energie du sinistre
Oui, les 14 pistes de l’album Aleph distillent une bande-son de crise. Une crise – économique, sociale, conjoncturelle – qui non seulement ne passe pas, mais désormais, peut-être, ne passera plus. Ce n’est en rien une pulse jouisseuse et écervelée, aveugle de demain, comme celle dont se réclament désormais la plupart des starlettes US de la pop et du RnB, moulins à hymnes hebdomadaires de samedis soirs abreuvés. Non, la techno de Gesaffelstein se nourrit d’un cynisme de la pleine conscience, une sorte d’esthétique de la chute, une mélancolie nihiliste du dernier quart d’heure. C’est une force du creux, une énergie du sinistre, à destination d’une génération capable de voir l’étrange beauté qui réside dans sa propre absence de rêve.
Combien de temps un trend peut-il résister à la corruption dont il est justement le symbole et le catalyseur? Déjà, dans l’iconographie des derniers clips de Gesaffelstein, on sent une fuite de l’évidence, une manière de forcer le trait qui paradoxalement affaiblit le propos: réminiscences porno-chico-baroques à peine trop voulues dans le superbe et interminable traveling arrière de Pursuit, discours gangsta-trash aux limites du grandiloquent dans Hate or Glory, qui voit un petit caïd se couler lui-même dans une baignoire d’or liquide comme une métaphore post-bling-bling.
Maniérisme pensé et maîtrisé? Peut-être. Mais Gesaffelstein résistera- t-il aux sirènes du marché américain? Déjà, il s’est fait entendre sur Yeezus, le dernier disque de Kanye West, vampire de génie et dévoreur de talent. Il y a beaucoup d’innocence dans la noirceur de Gesaffelstein. Espérons qu’il saura la préserver, un peu, de la brûlure des projecteurs.
Gesaffelstein, Aleph
« Une étude américaine vient confirmer, à l’aide d’un scanner, toute une série de stéréotypes véhiculés par la société. Mais avec une démonstration scientifique à l’appui. » Notez bien que Metronews.fr, qui comme tant d’autres relaie l’étude, prend soin de nous prévenir que cette fois, « c’est scientifique ».
Dans l’article « Some racial peculiarities of the Negro brain » [PDF], publié en 1906 dans la célèbre revue scientifique Journal of Anatomy and Physiology, l’ethnologue Robert Bennett Bean annonçait la découverte de différences anatomiques entre le cerveau...