Il est au monde libertin ce que Patrick Mondiano est à la mode. Trois décennies que Ressan écume les soirées libertines de France et de Navarre, pour nous en offrir les plus beaux trésors. Il s’est confié à nous sur sa passion de la photographie libertine.
Un artiste passionné par l’humain et ses jeux secrets
Après un premier ouvrage « Paris Libertin » sorti en 2015, Ressan sortait le livre photo « Ressan Volume 2 ». Tout aussi sexy mais plus poétique, plus subjectif, plus deviné.
« Le premier opus est plus inspiré par les soirées libertines, qui sont par nature plus intenses, il montre quelque chose de plus hot pour le profane. La difficulté de montrer certaines situations qui mettent en scène plusieurs personnes, ramène chacun à sa sexualité. Je sens combien certaines situations peuvent parfois déranger, car beaucoup peuvent se projeter, comme si cela bousculait leur propre sexualité. «
Ressan
Nous sommes dans une société dans laquelle il y a une forme d’injonction au plaisir ou à l’orgasme. Je montre des images que chacun peut interpréter comme bon lui semble. Il y voit sa propre projection de sa sexualité, de ses fantasmes. Mais, je n’ai jamais de critique venant des femmes sur le regard que je pose sur elles avec mon objectif » justifie le photographe.
Crédits : Ressan©
Au fil des pages, on se délecte des scènes libertines, volées entre deux ruelles parisiennes, des canapés douillets ou une plage de sable fin. Ressan nous explique :
Je travaille comme un reporter, en immersion dans l’intimité des couples. Je rentre dans ce qu’il y a de plus sensible chez le couple, son intimité, parfois sa part d’ombre, ses jeux secrets. Rentrer dans cet espace privé est une porte ouverte sur la complexité du couple.
Ressan
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J’aime ce rapport à l’autre, une altérité sans parole, c’est limite le silence qui prévaut et cela me convient. J’ai parfois l’impression de voir un film qui se déroule devant moi, je pense particulièrement à ces soirées Eyes Wide Shut où l’esprit de ces soirées est très scénique. »
Crédits : Ressan©
Une histoire derrière chaque photo
Dans son premier livre, les textes de Martin Benoist, un auteur atypique qui affectionne particulièrement les métaphores bibliques, accompagnent chaque cliché. La préface de Ressan Volume.2, a été rédigée par Philippe Brenot, psychiatre, anthropologue et sexologue, auteur de nombreux ouvrages sur l’amour, le désir et le couple.
« Ce qui différencie un photographe d’un autre dans le milieu libertin, c’est son attitude. Chez moi il n’y a aucun voyeurisme, je ne suis pas excité à l’idée de voir des corps forniquer. Je reste focus sur mes modèles, car j’ai toujours peur de rater le cliché qui fera la différence. Et je crois que c’est cette conscience professionnelle qui fait que je suis le seul à faire ce que je fais aujourd’hui dans ce milieu. »
Durant notre entretien et malgré l’idée que l’on pourrait s’en faire, Ressan nous assure ne jamais prendre part aux jeux des libertins pendant qu’il shoote.
Ressan est un passionné. Quand il photographie « cul », il photographie « âme ». Ses sujets, il ne les identifie pas comme des corps sexués. Il tente tout pour capturer à chaque photo l’essence du rapport, l’histoire des personnes. Pourquoi sont-elles là, comment, quels sont leur parcours, leurs désirs ?
Quand je photographie un juge qui se fait dominer par sa femme avocate, j’ai plus envie d’étudier le phénomène sociologique que le rapport sexuel. Ce qui va m’interpeller c’est la façon dont cet homme va prendre du plaisir en se faisant maîtriser, et quel parallèle on peut en faire par rapport à son quotidien ».
Ressan
Crédits : Ressan©
Les multiples facettes du libertinage, à l’image des stéréotypes de la société ?
Le milieu libertin se veut non-excluant. La classe sociale, l’argent, les opinions n’y ont pas leur place. Cependant, Ressan concède que la majorité des libertins font partie de la classe moyenne supérieure. Ils ont souvent plus de 40 ans, mais il rencontre des profils venus de tout horizon. Leur point commun : ils sont tous la pour la même raison.
Nous remarquons en décortiquant son travail que les femmes bisexuelles ou lesbiennes sont très largement représentées. En revanche, les gays sont aux abonnés absents, tout comme les personnes non blanches. Malgré les masques et différents accessoires de lingeries, nous ne voyons qu’un ou deux corps noirs, et aucun métissage quel qu’il soit. Le libertinage serait-il tout aussi victime des clivages de notre société ?
L’homosexualité masculine est encore mal assumée et certaines de mes rencontres en soirées ne préfèrent pas être prises en photo. C’est également une question de réseau, j’ai eu l’habitude d’évoluer chez les libertins hétéro. Concernant la couleur de peau, j’ai remarqué que c’était une problématique culturelle. Les personnes noires n’ont jamais été très présentes dans les soirées libertines »
Ressan
Crédits : Ressan©
Le libertinage, révolution sexuelle des femmes ?
La problématique d’assumer son homosexualité nous amène à creuser la question d’assumer ou non ses pratiques libertines. Ressan nous confie que nombreux sont les participants aux soirées, dont le conjoint ou la conjointe n’est pas au courant. Certains viennent en couple évidemment, mais d’autres personnes viennent seules ou avec des amants/maîtresses.
En revanche, il y a une amélioration par rapport aux années 90. À l’époque, c’étaient les hommes qui emmenaient leurs femmes dans des clubs échangistes. Aujourd’hui, on estime que la part est partagée entre les hommes et les femmes. Cependant, les mœurs n’évoluent pas à la vitesse de la lumière.
Bien que le monde libertin soit un environnement extrêmement respectueux, où personne ne vous obligera a faire quoi que ce soit, et où le désir fait loi, le reste du monde considère encore cette sexualité comme déviante.
Crédits : Ressan©
Et l’amour dans tout ça ?
Bien que Ressan qualifie les libertins de grands joueurs, parfois les règles du jeu leur échappe et des couples se séparent suite à leur intégration dans le milieu.
Les libertins peuvent être des gens très jaloux, mais cette jalousie va parfois prendre part au jeu, comme elle peut briser un ménage».
Ressan
Emmener son ou sa conjointe dans une soirée libertine, c’est un peu comme jouer avec le feu. On peut se surprendre à mal vivre le fait de voir l’autre prendre du plaisir avec quelqu’un, et qu’en face celle-ci adore et ne puisse plus s’en passer. On peut se retrouver exclu ou en décalage pendant l’acte et lui faire payer à la ville, on peut tomber amoureux d’une autre personne… Il ne faut pas oublier que le libertinage, c’est une histoire d’humains qui couchent avec d’autres humains et que les humains ont un cul, mais aussi un cœur.
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