34713 éléments (3171 non lus) dans 75 canaux
Difficile pour le public de se séparer de ses stars, que ce soit Sasha Grey ou François Sagat, dans la tête des fappeurs, ces figures emblématiques du porn sont immortelles. 4 ans après sa retraite officieuse (et 2 ans après celle officielle), Sasha affole toujours les entre-jambes, tout comme François Sagat retiré du circuit depuis juillet 2011. Peut-être parce que son aura dépasse largement le cadre gay ou parce qu’il incarne à vie la culture porn gay, François continue pourtant d’exister avec vigueur (pornographiquement parlant) dans l’imaginaire collectif.
Profitant d’un passage chez Mickey, il a officialisé sa retraite 22 mois plus tard pour qu’on arrête – on imagine – de le saouler avec ça. Quelques mots lâchés, un peu blasé, le regard tourné vers le passé. Une non-info puisqu’il l’avait déjà annoncée sur son twitter en janvier dernier (faut croire que ses fans refusent de le voir partir).
For those who ask:I’m not shooting anymore porn movies since my last project Incubus as a director(that was shot in summer 2011) .That’s it.
— François Sagat (@SagatFrancois) 27 janvier 2013
Mais pas de regret pour autant explique-t-il sur son blog, juste de nouveaux défis, mais hors porno. Ce qu’il fait d’ailleurs avec brio depuis longtemps, modèle au physique impeccable, François continue à embellir nos timelines.
Je voudrais réagir à cet article qui témoigne de l’augmentation des actes homophobes et plus particulièrement à « Le lieu privilégié de leur expression est Internet, qui totalise 35 % des appels reçus. »
Je vais plutôt me concentrer sur l’expression haineuse en général (racisme, sexisme, homophobie, transphobie, antisémitisme etc) et Internet. En effet, comme je vous l’ai déjà dit, je travaille dans une société chargée de modérer des sites Internet. Je peux donc, sur dix ans, observer l’évolution de cette parole haineuse. (je reprends le terme haineuse au sens américain du propos « hate speech »).
Constatons déjà que les lieux pour s’exprimer sur Internet ont beaucoup augmenté et ont beaucoup changé techniquement. De la même manière, on peut s’exprimer d’où l’on veut (je pense ici au smartphone et autres Internet mobile). On n’est plus obligé de s’installer devant son ordinateur. Sur certains media dont nous nous occupons, le nombre de commentaires a été multiplié par 200% environ en dix ans.
Et en effet je constate une forte libération de la parole haineuse. Tentons d’expliquer pourquoi.
1. Dix ans de droite :
Je crois que je n’ai pas ici à aller plus avant. Celles et ceux qui sont d’accord avec moi connaissent déjà les arguments ; les autres ne seront pas d’accord donc inutile de développer.
Cela s’est ressenti très très fortement pour moi. Puisqu’il y avait une libéralisation de la parole haineuse qui devenait « le politiquement incorrect » (expression qui sert JUSTE à cracher de la haine). je peux prendre l’exemple récent de Jean-Sébastien Vialatte qui twitta hier que « Les casseurs sont sûrement des descendants d’esclaves, ils ont des excuses #Taubira va leur donner une compensation ! » (et qui l’efface ce qui n’est pas anodin non plus). Quand un député, une personne publique (les exemples sont légions, le PDG de Guerlain, la quasi totalité du gouvernement Sarkozy, Valls, etc etc) s’autorise des paroles haineuses, alors j’assiste immédiatement sur les media au même phénomène. Il y a ici un valeur d’exemple de la personnalité publique qui en exprimant tels qu’ils le font donnent un blanc-seing . Si eux le font pourquoi pas nous.
Ce twit est d’ailleurs un parfait exemple de ce qui provoque un effet de meute.
- je dis sans le dire que les casseurs sont noirs
- je dis que la gauche excuse le crime
- je dis que Taubira a une solidarité de race.
- je dis que la justice libère les délinquants.
En moins de 140 mots, il suscite une flambée de haine. Et il l’efface ensuite, parce qu’il est désormais inutile de voir d’où est parti le premier foyer. Ce genre de phrases se répercute immédiatement dans les commentaires de journaux, et est reprise, appuyée, approuvée. (et forcément amplifiée).
C’est la technique éprouvée de Morano, Lucca et autres.
2. Une évolution technique dans la façon de communiquer :
J’en ai déjà parlé mais je crois que c’est le point important. Nous devions auparavant cliquer pour aboutir sur un forum et discuter du sujet du jour, dans un forum dédié. Aujourd’hui nous pouvons commenter en direct sous un article, ou sur twitter et facebook. Les quelques dizaines de secondes qui permettaient de calmer parfois mes racistes, mes haineux ne sont plus là ; ils sont à plein régime et postent la première merde qui leur passe dans la tête.
Je vais prendre ici un autre exemple ; celui d’un homme rom, qui, en voulant voler du cuivre , s’est électrocuté. Sous un tel sujet rien n’est validable, puisqu’il n’y a que des réactions de joie et racistes. Je tends à penser que s’il y avait quelques clics à faire pour aller poster sa réaction, alors il n’y aurait sans doute pas de réaction. Je ne suis pas en train de dire que la pensée haineuse ne serait pas là ; tout le moins elle serait tue parce qu’on n’est plus dans l’instantanéité. (et il est important selon moi que la parole haineuse soit tue car si elle s’exprime, elle permet aux autres de s’exprimer et d’aller dans ce sens. Pire, elle fédère).
Poster sous un article, donc être au même plan que le journaliste ou le chroniqueur qui l’a écrit et qui y a passé du temps donne l’impression trompeuse qu’opinion vaut article. (et au fond n’est ce pas vrai ? Puisque quelqu’un qui commente fait de la page vue donc rapporte de l’argent ?).
3. La mobilité :
Pouvoir poster de n’importe où en vitesse, avec un mot lapidaire forcément alimente également aussi à mon sens cette haine. On avale en pleine crise de boulimie, les 50 applications nous donnant les nouvelles du monde les faits-divers du coin, et, évidemment, on réagit en un quart de seconde, de manière violente, agressive. On retrouve beaucoup cela sur les faits-divers. (et j’avoue complètement le faire, en twitant des faits-divers de violence conjugale).
Bien évidemment, je ne prétends pas qu’il faut revenir en arrière, que « c’était mieux avant » ou que la parole raciste ou homophobe ne s’exprimait pas il y a dix ans. Je prétends expliquer pourquoi elle s’exprime autant et en quasi toute liberté ou pire en quasi « innocence ». Comprenons que beaucoup des internautes qui vont poster une horreur homophobe par exemple, vont venir se plaindre d’être « censuré » alors « qu’ils n’ont rien dit ». La liberté se caractérise par le fait qu’elle doit avoir des limites, sinon elle devient la liberté du plus fort versus l’oppression des minorités. Je rappelle à toutes fins utiles que l’homophobie, le racisme, l’antisémitisme ne sont pas des opinions mais des délits.
4. La presse.
Une partie de la presse, en crise, a décidé d’aller au plus économique et au plus rentable : le fait-divers qui s’écrit en 5 mn, sans beaucoup de recherches.
Voici un exemple-type : COUPABLE DE VIOL ET LIBÉRÉ APRÈS CINQ MOIS DE PRISON
A part pour les concerné-e-s, cette nouvelle n’a aucun intérêt pour nous. Nous ne connaissons pas l’affaire, nous n’avons pas connaissance du dossier ; c’est donc juste bon à nous faire dire « à mort le pédo, juges tous complices » (vous vous doutez que c’est ce que je lis dans ce genre de cas et par paquet de 200 réactions). Que diable voulez-vous dire face à une news aussi atroce ? mais qu’est-ce-qu’elle nous apporte ? Permet-elle un éclairage sur quelque chose ? ou, au contraire va-t-elle juste conforter certains d’entre nous dans l’idée que les juges passent leur temps à libérer des violeurs ?
C’est d’ailleurs toute la méthode du blog Français de Souche depuis des années qui a bien compris comment fédérer des gens ; poster pendant des années uniquement des faits-divers fait croître le sentiment d’insécurité. On manipule ensuite un peu l’opinion et hop bouc émissaire tout trouvé.
Publier des faits-divers ne sert à rien (enfin financièrement, si) et est dangereux. Je vois clairement que plus il y a de faits-divers, plus il y a une libération de la parole raciste. Le test est simple à faire. Ecrivez un article sur un vol de cuivre par une personne nommée. Ecrivez un autre article générique expliquant pourquoi le cuivre se vole etc. Vous aurez beaucoup moins de réactions haineuses dans le second article.
Je rajouterai évidemment que la haine appelle la haine. Si l’un poste un commentaire raciste, les suivants se sentiront libérés pour le faire également et ca sera « la bande des gentils qui ne volent pas de cuivre contre l’affreux rom qui en vole et qui a bien été puni ». Le Bien/ Le Mal.
5. L’extrême-droite :
L’extrême-droite a eu une qualité en dix ans ; savoir se servir d’Internet. Là où la gauche continuait de tracter dans la rue, l’ED envoyait ses émissaires sur tous les forums, les grand media pour convaincre. On les voyait arriver avec la même méthode que celle qu’ils avaient dans la rue.
1. j’envoie les éléments les pires qui hurlent des insanités ; ca attendrit la viande
2. j’envoie ensuite les penseurs, les intellectuels ceux qui savent te manipuler ; qui n’emploieront jamais un terme outrancier, oh non mais dont la pensée pue la merde. Et cela fonctionne tellement bien.
Rajoutons à cela qu’un grand nombre de journaux à coups de « Marcel, 25 ans, vote FN et est gentil » à bien contribuer à dédiaboliser (terme encore à la con).
6. L’anonymat :
Evidemment. Lorsque tu t’appelles « Charles qui martèle » (mon internaute est rigolo) c’est beaucoup plus facile de tenir des propos racistes que sous ta vraie identité.
Je ne suis donc pas étonnée pour toutes les raisons évoquées, que l’homophobie soit en hausse sur Internet. Il serait dommage – et j’espère que je n’ai pas donné cette impression – de penser qu’Internet en est le responsable. Cela serait comme accuser une machine de mal faire un job alors qu’on s’en sert mal. Je pense qu’il faut repenser notre façon de sen servir. Je pense que la presse doit d’une manière ou d’une autre repenser son modèle économique (ce qui est facile à dire j’en ai bien conscience). Je ne pense pas non plus qu’il faille aller contre l’anonymat qui est aussi merveilleux pour tout un tas de bonnes raisons.
Je me permets en revanche d’être assez pessimiste si les choses ne changent pas radicalement et rapidement ; or, puisque la haine fait vendre je vois mal pourquoi quoi que ce soit évoluerait.
Le Tag passe – pour une très courte période – du fuck à la fac.
Plus concrètement, on participe à une table ronde sur le thème « La Pornographie 2.0″, accompagné pour l’occasion d’Eric Lespagnon, le créateur de Fuck with a touit ; de Ghislain Faribeault, vice-président média chez Marc Dorcel ; et de Tatiana Yelengwe, dont le mémoire au CELSA a porté sur « le porno et ses enjeux face au web ».
La problématique de la table ronde n°2 traitera d’un sujet audacieux : la pornographie 2.0. La discussion s’opérera principalement autour de questions économiques et sociologiques liant pornographie et numérique. Les principales question abordées tourneront autour de la visibilité offerte à la pornographie par le numérique (autopromotion, autodiffusion) et par conséquent de la réduction de la barrière amateur/professionnel, des droits d’auteurs, de l’offre et de la demande dans le milieu et des réactions des acteurs historiques face à ces évolutions. Seront aussi abordées des approches participatives de la pornographie à l’heure du numérique : simple opération de communication ou véritable business model ? Est-ce le signe d’une libération de la pensée collective à l’image de Canal+ et Arte, n’hésitant pas à lancer des séries autour de l’industrie pornographique ?
C’est sûrement moins affolant que James Deen qui débarque au City College de Pasadena avec Stoya en embuscade, mais c’est déjà bien. Pour achever de vous convaincre du bien fondé de cet événement, ajoutons seulement que La Sorbonne paie son coup après cette table ronde, ouvrant la porte à un parterre de filles ivres jouant au beer-pong ; enfin c’est ce qu’on a compris en tapant « college girls » dans Google.
« Mais laisse de côté les cris que tu maitrises mal… »
Nous vous attendons ce mercredi 15 mai à 17h30 (ou 16h pour ceux qui seraient intéressés par la première table ronde portant sur « La critique et les nouvelles technologies ») à :
La Sorbonne Nouvelle – Salle D02
13 rue de Santeuil (dans le 5e)
Métro Censier – Daubenton (ligne 7, ou bus 47, 91, 67 et 89)