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Il reste très peu de témoins vivants de la grippe espagnole qui déferla sur le monde en 1918 et 1919. Annette Côté-Savoie l'a connue et en garde un vif souvenir. On guérissait vite, ou on trépassait aussi vite", écrit-elle dans ses mémoires (1). Annette avait neuf ans en 1919, quand cette grippe meurtrière a frappé son village natal de Sainte-Claire, aux abords de la Beauce. Sa famille n'a pas été épargnée.
- Chroniques de Marie SavoieBien qu’ils ne fassent pas partie des achats de « première nécessité« , les préservatifs restent un dispositif médical. Et comme beaucoup de produits depuis le début du confinement, une pénurie de préservatifs serait à prévoir. Avant même la question des livraison, au ralenti depuis quelques semaines, se pose la question des fournisseurs. La semaine dernière Karex, la plus grande entreprise de production de préservatifs, a tiré la sonnette d’alarme.
« Certainement une pénurie de préservatifs«Karex est l’un des plus gros producteurs de préservatifs au monde. Ces derniers produisent environ 5 milliards de préservatifs par an, soit 20% de la production mondiale de préservatifs. Karex n’avait plus produit un seul préservatif dans ses trois usines malaisiennes depuis le 18 mars en raison d’un blocage imposé par le gouvernement pour stopper la propagation du virus. La Malaisie étant le premier pays producteurs de caoutchouc au monde, c’est toute l’industrie qui se retrouve impactée.
Karex a finalement pu reprendre la production mais avec seulement 50% de ses effectifs. Une interruption de plus d’une semaine et demie qui, selon les dires de Goh Miah Kiat, directeur de Karex, à l’AFP, fera que : « Le monde connaîtra certainement une pénurie de préservatifs : 200 millions de préservatifs n’ont pas pu être fabriqués. » Karex produit également des préservatifs pour les programmes d’aide et de prévention...Lire la suite sur Union
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En 1955, lorsqu’elle fait partie, avec sa compagne Del Martin, des fondatrices de Daughters of Bilitis, la première grande association lesbienne américaine, Phyllis Lyon est une pionnière. Plus d’un demi-siècle plus tard, lorsqu’elle épouse enfin Del Martin, les deux femmes sont à nouveau des pionnières d’un droit tout juste institué en Californie. Phyllis Lyon est morte le 9 avril à 95 ans, et tout son parcours — indissociable de celui de Del Martin — en fait une héroïne des droits LGBT. « Nous avons perdu une géante aujourd’hui » a ainsi déclaré Scott Wiener, sénateur ouvertement gay de San Francisco à l’annonce de sa disparition. Et c’est vrai que Phyllis Lyon et Del Martin, qui s’étaient rencontrées en 1950 dans un journal pour lequel elles travaillaient toutes deux, ont été de tous les combats au cours de cette période, activistes lesbiennes et féministes jamais lassées. Seule la mort de Del Martin, en 2008, à l’âge de 87 ans, quelques mois après leur mariage, aura réussi à les séparer.
The LadderNée en 1924, Phyllis Lyon a débuté sa carrière comme journaliste à Seattle. C’est là qu’elle fait la connaissance de Del Martin. Les deux femmes partent s’installer dans le quartier du Castro, à San Francisco, le jour de la Saint Valentin 1953 : elles y passeront leur vie et en feront le lieu de l’essentiel de leur activité militante. C’est dans cette ville en effet qu’elle participent, avec trois autres couples de femmes, à la création des Daughters of Bilitis, la première association lesbienne américaine, d’abord de sociabilité avant d’évoluer vers la défense des droits LGBT. Lyon et Martin utilisent leurs compétences dans la presse pour doter l’association d’un bulletin, The Ladder, première publication lesbienne à avoir une diffusion nationale aux États-Unis, dans laquelle on trouve à la fois des réflexions politiques, de la poésie, des annonces…
En 1972, le couple publie un ouvrage qui sera considéré comme l’un des plus importants livres lesbiens de la période, Lesbian/Woman. « Il n’y avait vraiment aucun livre [sur les lesbiennes], se souviendra, vingt ans plus tard, Phyllis Lyon, et puis il n’y avait rien de bon sur ce sujet dans les bibliothèques à l’époque. »
Leur activisme tous azimuts les conduit aussi dans les années 1960 à tenter de convaincre les très homophobes organisations religieuses californiennes d’accepter les gays et les lesbiennes dans leurs églises. Elles rejoignent également le combat féministe en devenant dès 1966 le premier couple lesbien à adhérer à la toute nouvelle National Organization for Women. Pour Phyllis et Del, droits des femmes et droits des lesbiennes vont de pair.
Lobbying politique en faveur des LGBTToujours en avance d’un combat, elles font également de lobbying politique en participant au Alice B. Toklas LGBT Democratic Club, première association LGBT du parti démocrate à San Francisco dont le titre de gloire principal sera d’avoir incité les élus à interdire les discriminations homophobes en matière d’emploi. Conseillère municipale de San Francisco à l’époque avant de devenir maire de la ville et sénatrice, Dianne Feinstein a été au premier rang de cette bataille, bénéficiant des conseils de Phyllis Lyon. A l’annonce du décès de celle-ci dont elle était devenue l’amie, elle a écrit dans son hommage : « Si cette ordonnance est passée — la première dans une ville de cette taille aux Etats-Unis — c’est en grande partie grâce au travail acharné de Phyllis. »
La sénatrice poursuit en évoquant un autre souvenir qui renvoie à une autre des causes qui mobilisa des décennies durant Phyllis Lyon : le droit au mariage pour les gays et les lesbiennes. « Je me souviens des années 1970, écrit Dianne Feinstein, quand Phyllis et Del ont organisé une cérémonie de mariage officieuse et illégale dans ma maison de San Francisco. Ce fut une telle célébration d’amour, et ce ne furent pas leurs dernières noces. »
En effet, les deux femmes se marieront ensemble à deux autres reprises : en 2004, elles sont les premières à recevoir une licence de mariage délivrée par le maire de San Francisco, Gavin Newsom, lorsque la ville reconnaît ce droit. Et elles sont à nouveau parmi les premières à se marier en 2008, lorsque la Californie légalise le mariage LGBT. « Ce fut l’honneur de ma vie de vous marier, vous et Del, a indiqué Gavin Newsom dans sa réaction à l’annonce du décès de Phyllis. Votre courage à changé le cours de l’histoire. »
De nombreuses autres voix issues de la communauté LGBT mais aussi des personnalités politiques de premier plan comme la présidente de la Chambre des représentants américains, Nancy Pelosi, ont salué la mémoire de Phyllis Lyon, et la force de cet engagement. Jusqu’à la fin, Phyllis Lyon resta attentive aux questions LGBT. En 2017, dans un de ses derniers entretiens, elle déclarait encore : « S’il y a des choses que vous voulez changer, vous devez bouger et travailler pour cela. Vous ne pouvez pas simplement rester assis et dire : « J’aimerais que ceci ou cela soit différent. » Vous devez vous battre pour cela. »
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«Les hommes politiques ont un rapport pathologique aux femmes.» Dans “Histoire érotique de l’Elysée”, l’historien Jean Garrigues essaye de résoudre l’énigme : les obsédés sexuels vont-ils à l’Elysée ? Ou l’Elysée transforme-t-il en obsédé sexuel ?
Spécialiste des affaires politiques, Jean Garrigues consacre à l’Elysée un livre foisonnant d’anecdotes et d’indiscrétions, entraînant son lecteur dans les antichambres d’un pouvoir qui semble n’être jamais que le paravent des inconduites et des excès. «L’exercice du pouvoir, à toutes les époques et sous tous les régimes, s’est toujours accompagné d’une frénésie de conquêtes amoureuses, à laquelle répondait la fascination pour celui qui tenait entre ses mains la destinée des autres.» Citant le psychanalyste Jean-Claude Liaudet («s’approcher du politique, c’est approcher l’Olympe»), Jean Garrigues évoque la dimension aphrodisiaque du régime de commandement. Dès qu’ils accèdent aux sommets de l’Etat, les puissants ne se tiennent plus. «Si l’on en croit une anecdote racontée par Georges-Marc Benamou, nommé conseiller à la culture par Nicolas Sarkozy, il se serait fait apostropher ainsi par ce dernier dans les couloirs de l’Élysée : “Tu verras, tu vas avoir toutes les femmes que tu veux. Tu vas baiser comme un fou !” Boutade révélatrice, que confirme le témoignage de Séverine Tessier, une attachée parlementaire qui avait créé le collectif «Les Insistantes» en 1997 afin de dénoncer le sexisme ambiant : “Pour de multiples raisons –stress, pouvoir, ego–, les hommes politiques ont un rapport pathologique aux femmes et à autrui en général…”» Jean Garrigues confirme : rares sont les chefs à avoir résisté. Dans ses Mémoires (Le Pouvoir et la Vie), Valéry Giscard d’Estaing l’exprime en termes galants : «Pendant mon septennat, j’ai été amoureux de dix-sept millions de Françaises.» Jean Garrigues traduit : «il les lui fallait toutes».
Une maison de… plaisance ?
L’histoire de l’Elysée, dont il dresse la fresque flamboyante, commence en 1715, sur une moquerie : un aristocrate arriviste (le Comte d’Evreux) sollicite un poste honorifique. Le Régent, ironique, lui répond : «Je vous l’accorderai lorsque vous aurez un palais». Qu’à cela ne tienne. Le Comte d’Evreux s’achète un terrain aux limites de Paris, situé à proximité de ce que l’on commence à appeler Champs-Elysées (1) et y fait bâtir une luxueuse maison de «plaisance» : les parties fines s’y multiplient. «Bien que les chefs d’État […] aient mis un point d’honneur à transformer ce qui était à l’origine un hôtel particulier voué au libertinage en un palais solennel de la République, on y respire encore un parfum»… de vice et de trahison. Pour Jean Garrigues, l’Elysée reste imprégné par l’odeur amère de ses origines. Il s’avère que le Comte avait une femme. Il ne l’avait épousée que pour sa fortune. La toute jeune Marie-Anne, alors âgée de 12 ans à peine (il en avait 38) était la fille d’Antoine Crozat, surnommé par Saint-Simon «le plus riche homme de Paris». Elle était gracieuse mais le Comte la méprisait (une roturière). Il se montrait si odieux qu’elle finit par déposer une demande en séparation de biens. Le 14 décembre 1720, le Comte d’Evreux inaugura le Palais qu’il avait fait construire avec la fortune de sa femme et ce soir-là, «en plein milieu du bal, il prit le bras de son épouse et la raccompagna jusqu’à son carrosse en la priant de ne plus jamais reparaître en ces lieux. C’est en compagnie de sa maîtresse, la duchesse de Lesdiguières, qu’il termina la nuit dans sa nouvelle demeure.»
«Nous n’irons plus aux bois, les lauriers sont coupés…»
La demeure était faite pour abriter des amours volages. «C’est donc dans ce cadre fastueux que le comte d’Évreux, qui n’avait eu pour seul mérite que d’épouser la fille d’Antoine Crozat avant de la répudier, coula des jours heureux avec sa maîtresse, goûtant sans vergogne aux voluptés», jusqu’à ce que le destin le rattrape : le père de Marie-Anne «lui infligea pour se venger une cascade de procès qui le ruinèrent littéralement» et le comte y mourut, seul, en 1753. L’hôtel fut alors vendu à Jeanne-Antoinette Poisson, plus connue sous le nom de Pompadour (duchesse). Après avoir été la maîtresse du roi, elle était devenue sa confidente et aussi celle qui choisissait pour lui «les jeunes créatures appelées à satisfaire ses appétits». Cette femme était puissante mais détestée des Parisiens au point que des émeutes la chassèrent de l’hôtel. La vindicte de l’opinion était telle qu’elle recevait des lettres d’injures et des menaces de mort. «Contrairement à ce que l’on aurait pu penser, le séjour à l’Élysée de la “coquine du roi” n’est donc en rien marqué par l’érotisme, si ce n’est dans les paroles d’une comptine devenue célèbre qu’elle y aurait composée : “Nous n’irons plus aux bois, les lauriers sont coupés…” C’était une allusion poétique aux maisons de passe qui entouraient l’hôtel d’Évreux, traditionnellement signalées par des feuilles de lauriers, et dont un décret royal venait d’interdire la fréquentation.» L’histoire est-elle vraie ? Toujours est-il que la Pompadour cessa d’y loger.
Un «insupportable fumet de machisme»
Après sa mort, l’hôtel passa de mains en mains, ses pièces d’apparat converties en boudoir ou en écrins pour les plaisirs. C’est à l’Elysée que les prostituées appelées «Merveilleuses » se pressaient sous le Directoire. C’est là qu’«Adolphe Thiers, Léon Gambetta, Georges Clemenceau, Félix Faure et les autres, sacrifièrent pour la plupart au culte des jolies femmes, maîtresses et courtisanes, comme à un usage social de rigueur», avant de céder la place aux séducteurs boulimiques de l’après-guerre, experts en double-vie clandestines dont Mitterrand fut la tête de proue. Dans cet ouvrage de 200 pages, agrémenté d’un index impressionnant (Bardot, Barrès, Blum, Bokassa, Bonaparte, Boutin…), Jean Garrigues trace d’une plume palpitante, irrésistible, les différentes formes de l’érotisme politique et de ses dérives moins plaisantes : plaintes pour viol étouffées, scandales sordides, comportements abusifs impunis… «Comment raconter une telle histoire, sans tomber dans l’accumulation d’anecdotes plus ou moins grivoises, et souvent plus ou moins vraies ? En ayant sans cesse à l’esprit que les comportements amoureux des hommes de pouvoir sont d’abord et avant tout le reflet des normes et des coutumes qui régissent les rapports sociaux de leur époque, que ce soit entre les sexes, entre les âges ou entre les catégories sociales. Il s’en dégage au long cours un insupportable fumet de machisme archaïque, lié au sexisme et à la phallocratie. De ce fait, et au-delà du tempérament et des spécificités des uns et des autres, il y a dans une histoire de ce type une valeur d’homologation socioculturelle qui est passionnante à analyser. Cette histoire d’érotisme et de pouvoir, c’est au fond l’histoire des relations amoureuses de Louis XV jusqu’à Emmanuel Macron, et c’est peut-être ce qui en fait le prix.»
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A LIRE : Une Histoire érotique de l’Elysée, de Jean Garrigues, éd. Payot, oct. 2019.
NOTE (1) Alors appelée Grand Cour, l’avenue des Champs-Elysées est à l’origine une vaste route bordée de platanes, que Louis XIV avait fait aménager par André Le Nôtre (le paysagiste du château de Versailles) et qui était devenue un lieu de promenade pour la noblesse.
«Les hommes politiques ont un rapport pathologique aux femmes.» Dans “Histoire érotique de l’Elysée”, l’historien Jean Garrigues essaye de résoudre l’énigme : les obsédés sexuels vont-ils à l’Elysée ? Ou l’Elysée transforme-t-il en obsédé sexuel ?
Spécialiste des affaires politiques, Jean Garrigues consacre à l’Elysée un livre foisonnant d’anecdotes et d’indiscrétions, entraînant son lecteur dans les antichambres d’un pouvoir qui semble n’être jamais que le paravent des inconduites et des excès. «L’exercice du pouvoir, à toutes les époques et sous tous les régimes, s’est toujours accompagné d’une frénésie de conquêtes amoureuses, à laquelle répondait la fascination pour celui qui tenait entre ses mains la destinée des autres.» Citant le psychanalyste Jean-Claude Liaudet («s’approcher du politique, c’est approcher l’Olympe»), Jean Garrigues évoque la dimension aphrodisiaque du régime de commandement. Dès qu’ils accèdent aux sommets de l’Etat, les puissants ne se tiennent plus. «Si l’on en croit une anecdote racontée par Georges-Marc Benamou, nommé conseiller à la culture par Nicolas Sarkozy, il se serait fait apostropher ainsi par ce dernier dans les couloirs de l’Élysée : “Tu verras, tu vas avoir toutes les femmes que tu veux. Tu vas baiser comme un fou !” Boutade révélatrice, que confirme le témoignage de Séverine Tessier, une attachée parlementaire qui avait créé le collectif «Les Insistantes» en 1997 afin de dénoncer le sexisme ambiant : “Pour de multiples raisons –stress, pouvoir, ego–, les hommes politiques ont un rapport pathologique aux femmes et à autrui en général…”» Jean Garrigues confirme : rares sont les chefs à avoir résisté. Dans ses Mémoires (Le Pouvoir et la Vie), Valéry Giscard d’Estaing l’exprime en termes galants : «Pendant mon septennat, j’ai été amoureux de dix-sept millions de Françaises.» Jean Garrigues traduit : «il les lui fallait toutes».
Une maison de… plaisance ?
L’histoire de l’Elysée, dont il dresse la fresque flamboyante, commence en 1715, sur une moquerie : un aristocrate arriviste (le Comte d’Evreux) sollicite un poste honorifique. Le Régent, ironique, lui répond : «Je vous l’accorderai lorsque vous aurez un palais». Qu’à cela ne tienne. Le Comte d’Evreux s’achète un terrain aux limites de Paris, situé à proximité de ce que l’on commence à appeler Champs-Elysées (1) et y fait bâtir une luxueuse maison de «plaisance» : les parties fines s’y multiplient. «Bien que les chefs d’État […] aient mis un point d’honneur à transformer ce qui était à l’origine un hôtel particulier voué au libertinage en un palais solennel de la République, on y respire encore un parfum»… de vice et de trahison. Pour Jean Garrigues, l’Elysée reste imprégné par l’odeur amère de ses origines. Il s’avère que le Comte avait une femme. Il ne l’avait épousée que pour sa fortune. La toute jeune Marie-Anne, alors âgée de 12 ans à peine (il en avait 38) était la fille d’Antoine Crozat, surnommé par Saint-Simon «le plus riche homme de Paris». Elle était gracieuse mais le Comte la méprisait (une roturière). Il se montrait si odieux qu’elle finit par déposer une demande en séparation de biens. Le 14 décembre 1720, le Comte d’Evreux inaugura le Palais qu’il avait fait construire avec la fortune de sa femme et ce soir-là, «en plein milieu du bal, il prit le bras de son épouse et la raccompagna jusqu’à son carrosse en la priant de ne plus jamais reparaître en ces lieux. C’est en compagnie de sa maîtresse, la duchesse de Lesdiguières, qu’il termina la nuit dans sa nouvelle demeure.»
«Nous n’irons plus aux bois, les lauriers sont coupés…»
La demeure était faite pour abriter des amours volages. «C’est donc dans ce cadre fastueux que le comte d’Évreux, qui n’avait eu pour seul mérite que d’épouser la fille d’Antoine Crozat avant de la répudier, coula des jours heureux avec sa maîtresse, goûtant sans vergogne aux voluptés», jusqu’à ce que le destin le rattrape : le père de Marie-Anne «lui infligea pour se venger une cascade de procès qui le ruinèrent littéralement» et le comte y mourut, seul, en 1753. L’hôtel fut alors vendu à Jeanne-Antoinette Poisson, plus connue sous le nom de Pompadour (duchesse). Après avoir été la maîtresse du roi, elle était devenue sa confidente et aussi celle qui choisissait pour lui «les jeunes créatures appelées à satisfaire ses appétits». Cette femme était puissante mais détestée des Parisiens au point que des émeutes la chassèrent de l’hôtel. La vindicte de l’opinion était telle qu’elle recevait des lettres d’injures et des menaces de mort. «Contrairement à ce que l’on aurait pu penser, le séjour à l’Élysée de la “coquine du roi” n’est donc en rien marqué par l’érotisme, si ce n’est dans les paroles d’une comptine devenue célèbre qu’elle y aurait composée : “Nous n’irons plus aux bois, les lauriers sont coupés…” C’était une allusion poétique aux maisons de passe qui entouraient l’hôtel d’Évreux, traditionnellement signalées par des feuilles de lauriers, et dont un décret royal venait d’interdire la fréquentation.» L’histoire est-elle vraie ? Toujours est-il que la Pompadour cessa d’y loger.
Un «insupportable fumet de machisme»
Après sa mort, l’hôtel passa de mains en mains, ses pièces d’apparat converties en boudoir ou en écrins pour les plaisirs. C’est à l’Elysée que les prostituées appelées «Merveilleuses » se pressaient sous le Directoire. C’est là qu’«Adolphe Thiers, Léon Gambetta, Georges Clemenceau, Félix Faure et les autres, sacrifièrent pour la plupart au culte des jolies femmes, maîtresses et courtisanes, comme à un usage social de rigueur», avant de céder la place aux séducteurs boulimiques de l’après-guerre, experts en double-vie clandestines dont Mitterrand fut la tête de proue. Dans cet ouvrage de 200 pages, agrémenté d’un index impressionnant (Bardot, Barrès, Blum, Bokassa, Bonaparte, Boutin…), Jean Garrigues trace d’une plume palpitante, irrésistible, les différentes formes de l’érotisme politique et de ses dérives moins plaisantes : plaintes pour viol étouffées, scandales sordides, comportements abusifs impunis… «Comment raconter une telle histoire, sans tomber dans l’accumulation d’anecdotes plus ou moins grivoises, et souvent plus ou moins vraies ? En ayant sans cesse à l’esprit que les comportements amoureux des hommes de pouvoir sont d’abord et avant tout le reflet des normes et des coutumes qui régissent les rapports sociaux de leur époque, que ce soit entre les sexes, entre les âges ou entre les catégories sociales. Il s’en dégage au long cours un insupportable fumet de machisme archaïque, lié au sexisme et à la phallocratie. De ce fait, et au-delà du tempérament et des spécificités des uns et des autres, il y a dans une histoire de ce type une valeur d’homologation socioculturelle qui est passionnante à analyser. Cette histoire d’érotisme et de pouvoir, c’est au fond l’histoire des relations amoureuses de Louis XV jusqu’à Emmanuel Macron, et c’est peut-être ce qui en fait le prix.»
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A LIRE : Une Histoire érotique de l’Elysée, de Jean Garrigues, éd. Payot, oct. 2019.
NOTE (1) Alors appelée Grand Cour, l’avenue des Champs-Elysées est à l’origine une vaste route bordée de platanes, que Louis XIV avait fait aménager par André Le Nôtre (le paysagiste du château de Versailles) et qui était devenue un lieu de promenade pour la noblesse.