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La réalité virtuelle dans le porno devient de plus en plus courante. Si elle est encore un marché de niche, elle avance petit à petit et se fraie un chemin dans le coeur des fappeurs et des fappeuses. Du côté de la sexcam, les plateformes s’activent aussi pour proposer des essais (encore limités) de webcam VR. On a pu essayer ceux de Cam4 l’année dernière, on vous a parlé de la startup Terpon spécialisée dans l’équipement en streaming, il faut maintenant compter sur un nouvel acteur et pas des moindres.
L’équipe de VirtualRealPorn, pionnière dans la production de porno en réalité virtuelle, lance le jeudi 16 mars à 8h30 (heure française) son premier show webcam en VR avec Amarna Miller. Peu d’infos ont encore filtré sur Virtual Real Cams et cette expérience immersive mais connaissant le grand sérieux des Espagnols quand il s’agit de réalité virtuelle, on ne peut que vous inviter à vous inscrire pour voir ça de plus près.
Le show est prévu uniquement pour les personnes équipées du Oculus DK2/Rift ou du HTC Vive et promet une 3D stéréoscopique à 180° avec une fréquence de balayage de 60 images par seconde, soit la même qualité technique que les vidéos qu’ils proposent déjà sur leur site Internet.
Malheureusement, comme nous sommes seulement équipés d’un Samsung Gear VR, nous ne pourrons pas être de la partie demain matin. Par contre, si vous avez la chance d’y participer, n’hésitez pas à venir nous raconter votre expérience.
À quoi ressemblerait le porno gay contemporain sans Peter De Rome, réalisateur et photographe américain d’origine française mort à 90 ans (le plaisir conserve) ? Avec son biopic documentaire Peter De Rome: Grandfather of Gay Porn, Ethan Reid dépeint le rôle avant-gardiste du « grand-père du porno gay ». Il nous immerge dans les sixties et seventies érotiques, des films homemade que De Rome tournait sous le manteau alors même que les relations homosexuelles étaient illégales, jusqu’à ses premières productions financées.
Les images d’archives englobent les témoignages de Peter De Rome, vieillard attachant aux lunettes d’intello britannique, et de réalisateurs et acteurs comme Kristen Bjorn, Wakefield Poole et Jake Genesis. Influencé par le cinéma hollywoodien, De Rome s’est distingué par ses films qualitatifs où la narration et l’esthétique étaient reines. En intégrant Peter De Rome: Grandfather of Gay Porn à son catalogue, NakedSword Film, le « Netflix du porn gay », vous permet désormais de faire ce charmant voyage dans le temps.
Pour rendre hommage à De Rome, la plateforme a également fait l’acquisition de deux de ses longs-métrages : Adam & Yves (1974) et The Destroying Angel (1976), des bijoux vintage de la culture porno gay. Tim Valenti, le président de Falcon Studios et NakedSword, en est très fier : « Je pense que c’est important, maintenant plus que jamais, de se rappeler que nous n’avons pas toujours eu les libertés dont nous jouissons aujourd’hui. Peter De Rome était un précurseur et nous lui devons tous beaucoup. »
Artiste spécialisée dans la «confusion», Aurélie Dubois hybride les corps mâles et femelles ou s’amuse à mixer des anatomies repoussantes et bizarres.
En 2015, Aurélie Dubois fait un micro-trottoir dans Paris, montrant les images de ses oeuvres aux passants pour filmer leurs réactions : «C’est trash», «C’est dégueulasse», «C’est répugnant», sont les phrases les plus souvent prononcées de même que les questions : «Là femme, là homme et là c’est à l’envers alors ?». «En fait elle fait un mélange entre les deux. C’est pour montrer qu’on est… différent ?», demandent des étudiantes. Ces réactions illustrent une peur, toujours la même : celle d’un monde sans limites claires entre soi et les autres. Aurélie Dubois s’est fait une spécialité de jouer sur la corde sensible de cette peur, avec une joie maligne. Du 16 au 26 mars, ses oeuvres dérangeantes sont exposées lors d’une rétrospective, au 24Beaubourg, une galerie située près du centre Pompidou. L’exposition s’intitule «Voir peut-il rendre fou?» par allusion au fait, peut-être, qu’Aurélie Dubois voudrait nous entraîner dans cet univers de confusion mentale qui consiste à abolir la frontière entre son corps et celui des autres…
Le petit laboratoire du clonage artistique
Paul Ardenne, Commissaire de l’exposition, commente : «Dans toute image produite par Aurélie Dubois, un corps humain. Mais lequel ?» Le sien, souvent nu, et ceux de tous les «êtres qui gravitent autour du sien». Aurélie met volontiers en scène son anatomie admirable, amalgamée avec celle d’hommes, de singe, d’enfants, de poupées ou même d’arbres au fil de croisements génétiques aberrants, voire «abominables», pour reprendre un terme souvent utilisé dans les textes sacrés lorsqu’il est question des transgressions les plus funestes. Les pires de toutes –travestissement, bestialité, inceste, etc– ce sont celles justement qui touchent aux frontières séparant les sexes, les âges, les espèces ou les règnes. Aurélie Dubois s’amuse volontiers avec ce genre d’interdits, n’hésitant jamais à accentuer encore l’aspect rebutant-fascinant de ses oeuvres en déformant les visages et les corps jusqu’à la laideur.
Faut-il être dupe d’un discours «engagé» ?
Son goût pour le protéiforme s’arrange volontiers d’un discours qu’elle veut militant : il s’agit, dit-elle, d’un «appel à la résistance et à la vigilance, face aux diktats de notre société contemporaine». La formule est si ridiculement enflée qu’il est difficile d’y croire. Ca sonne creux. L’artiste auto-proclamée «de garde» pense probablement bien faire en caressant les bonnes causes dans le sens du poil… bonnes causes qu’elle dessert joyeusement. Il n’y a qu’à voir la tête des passants. Qui voudrait d’un monde peuplé de femmes à barbe et de gamines au visage prématurément ridé de septuagénaire ? Là où l’oeuvre d’Aurélie Dubois est intéressante vient justement de ce qu’elle provoque : un irréductible sentiment d’horreur. En opposition totale avec ce qu’elle prétend défendre (l’idéal d’un monde où les gens seraient heureux de vivre avec un corps hétéroclite),Aurélie Dubois représente un monde fortement anxiogène, avec un goût morbide pour les clonages contre-nature. «Vivre, c’est muter», dit-elle. Ce qu’on pourrait traduire «vivre c’est se perdre», irréversiblement. Son oeuvre exsude la peur de la dissolution.
Ce processus en cours qui nous travaille au corps
Ses dernières oeuvres sont d’immenses dessins d’un mètre cinquante tracés à la mine graphite sur du «papier moisi» (dit-elle) ou sur des «feuilles utilisées dans le bâtiment pour faire disparaitre les fissures». Aurélie y a tracé des figures qui s’entrelacent les unes aux autres, en fondus-enchainés proche du film gore : une femme tient un crâne aux orbites noires entre les mains, une autre se masturbe, une autre se fait écarter la mâchoire, une dernière dort allongée. Une tresse de cheveux lui sort du sexe comme un serpent et relie toutes les autres figures. C’est la même tresse de cheveux serpentine qui, sur un autre dessin géant, enroule les dents mal plantées dans une bouche, étrangle une petite fille ou sert de cordon ombilical à un bébé… Les cheveux dans ces dessins torturés illustrent l’idée centrale : tout est lié. Mort et vie inextricablement. Masculin et féminin. Animal et humain. Impossible de trancher nettement les limites.
«Mascarade pileuse» : inversion sexuelle et chevelure
Ce sentiment d’être reliée à tout –à ce qui l’entoure, aux êtres qu’elle aime et à sa propre disparition–, il n’est pas innocent qu’Aurélie Dubois le représente comme une tresse de cheveu. Dans un article intitulé «Pilosités héroïques et femmes travesties», l’historien François Delpech raconte l’anecdote suivante : en 713 après J.-C. le magnat visigoth Théodomir, enfermé dans une forteresse espagnole, fit croire aux assaillants musulmans qu’il possédait d’innombrables troupes. «Il fit monter sur les remparts les femmes de la ville après les avoir munies de bâtons susceptibles de passer de loin, pour des lances, et avoir arrangé leurs chevelures de telle sorte que les assiégeants puissent les prendre pour des hommes». La légende existe, sous différentes formes, dans beaucoup d’autres mythes indo-européens, toujours accompagnée de précisions sur les coiffures des femmes. «Les cheveux sont au centre même de l’anecdote», insiste François Delpech qui fait de la «mascarade pileuse» le ressort principal des stratégies de travestissement.
Cheveux et psychisme : même pouvoir d’excorporation
Le système pileux occupe une place privilégiée dans les cultures humaines. Florent Pouvreau dans Du poil et de la bête, le formule ainsi : «La qualité d’interface du poil, comme zone de contact entre l’intérieur et l’extérieur du corps, dépasse [souvent] le seul rapport d’échange et implique un rapport d’identité». Raison peut-être pour laquelle Aurélie Dubois fait des cheveux le nouveau support de son travail : les cheveux, par «illusion d’optique» peuvent facilement faire passer un homme pour une femme (et réciproquement). Mais les cheveux, surtout, renvoient à l’idée d’une toile : ils tissent autour du corps comme les rêts d’une pensée qui ne cesse de se projeter hors du corps. Les cheveux poussent sans cesse. La pensée s’extériorise de même : traversant la fragile paroi de notre tête, elle entre dans la tête des autres, elle essaie de penser à la place de l’autre… Impossible, sur le plan psychique, de faire franchement la différence entre notre corps et celui des personnes que nous regardons. Si nous voyons quelqu’un se faire mal, nous faisons la grimace. Notre capacité d’empathie est telle qu’il nous arrive parfois de «sentir» physiquement des choses à distance. Il y a là un danger, certainement. Chaque jour, nous essayons de protéger qui nous sommes (qui nous croyons être). La peur de perdre pied nous guette. C’est dans ce monde privé de repères, d’angoisse diffuse et de souffrance partagée qu’Aurélie nous invite à la suivre.
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EXPOSITION : «Voir peut-il rendre fou ?», du 16 au 26 mars 2017 au 24Beaubourg : 24, rue Beaubourg 75003 Paris // Vernissage le jeudi 16 mars 2017. «Voir peut-il rendre fou» sur facebook.
A LIRE : «Pilosités héroïques et femmes travesties : archéologie d’un stratagème», de François Delpech, dans Bulletin Hispanique, tome 100, n°1, 1998. pp. 131-164.
Pour en savoir plus sur Aurélie Dubois : «Vieillard-midinette : la foire aux atrocités» ; «Alice au pays du sexe»