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L’industrie pornographique japonaise est florissante : chaque année, elle produit deux fois plus de films que son équivalente américaine. Profiter des ces images n’a pas toujours été chose facile pour le public occidental. Avant l’ouverture de plate-formes de vente anglophones sérieuses comme R18.com, il fallait passer des heures sur des forums de puristes pour se procurer le dernier Hitomi Tanaka. Les anciens n’oublieront jamais les téléchargements en huit parties.
Les amateurs d’eroge ont longtemps souffert de ce genre de galère, eux aussi. Ces jeux vidéo pour adulte sont difficiles à importer ; contrairement aux films, ils doivent être traduits avant d’être vendus au public occidental. Le site JAST USA est sur la brèche depuis 1998, son concurrent japonais MangaGamer depuis 2008. Malgré leur travail d’adaptation et de distribution remarquable, ces sociétés s’adressent surtout aux fans. N’espérez pas vous retrouver dans leur catalogue si vous ne savez pas ce qu’est un nukige.
La page d’accueil (un rien chargée) de MangaGamer
Heureusement pour les philistins du fap japonisant, Nutaku est là. Contrairement à JAST USA et MangaGamer, ce site fondé en 2014 propose des jeux gratuits sur navigateur : pas besoin de payer, télécharger et installer avant de jouer, il suffit de créer un compte. Bien sûr, cette générosité est celle d’un modèle freemium façon Chaturbate et Clash of Clans. Ceux qui souhaitent progresser à toute vitesse dans le jeu de rôle ou le simulateur de drague qu’ils ont choisi devront s’acheter des pièces d’or, la monnaie virtuelle du site. Les plus convaincus pourront se tourner vers la soixantaine de jeux payants de Nutaku. Les prix vont de 2 euros pour une petite scène sans véritable interaction à 45 euros pour un eroge de premier ordre.
Grâce à son pari sur l’accessibilité, Nutaku a rencontré beaucoup de succès dès son ouverture. En février 2015, il comptait déjà 1,5 million de membres. Ce démarrage en trombe lui a permis de revendiquer la place de plus grande plate-forme de jeux vidéo pour adultes du web dès son premier anniversaire. En 2016, en moyenne 23 millions d’internautes lui ont rendu visite chaque mois. Une santé éclatante qui a attiré l’attention du milieu : Nutaku a signé 13 partenariats avec des développeurs et des distributeurs d’eroge en mai dernier, dont JAST USA et MangaGamer.
La page d’accueil de Nutaku
On aimerait croire que Nutaku est parti de zéro, qu’il est une affaire de fans de hentai sans expérience de l’industrie. Malheureusement, il n’en est rien : la société-mère du site n’est autre que Mindgeek, le propriétaire de Pornhub, YouPorn, Brazzers et Reality Kings – entre autres. Un géant du X qui n’hésite pas à sortir les grosses liasses pour garantir la réussite de son incursion dans l’eroge. En juillet 2016, Nutaku a annoncé qu’il lançait un fonds d’investissement de deux millions de dollars pour aider les développeurs de jeux vidéo pornographiques. Douze studios ont profité de l’initiative. Quatre mois plus tard, il a remis ça à hauteur de dix millions de dollars.
Une popularité exceptionnelle, des partenariats de qualité, un mentor qui y croit assez pour investir rubis sur l’ongle… Tout semble aller pour le mieux du côté de Nutaku. Malheureusement, du côté des fans d’eroge hardcore, on n’est pas tout à fait convaincu. Comme toujours, le problème concerne la censure : la plate-forme est accusée d’avoir modifié plusieurs de ses jeux pour navigateur. Des personnages d’aspect juvénile ont été supprimés ou (mal) re-dessinés pour paraître plus matures, des tentacules ont été remplacées par des sextoys… Au moins, les jeux à télécharger ont été épargnés.
Kimochi Red Light
L’autre reproche des puristes concerne le fait que Nutaku ne signale pas les jeux censurés à son public. Ils l’accusent aussi d’avoir invoqué les droits d’auteur pour faire supprimer une galerie Imgur qui relevait les modifications apportées au jeu Nicole & Rosalia. Au mois de mai dernier, la pression est devenue telle que les responsables du site ont publié un billet de blog consacré à la censure, The State of the Art. D’un doigt timide, ils y désignent les deux entités qui “empêchent les canaux de distribution de fonctionner comme ils le devraient” : l’Entertainment Software Ratings Board (ESRB), l’équivalent américain de la PEGI, et “le pacte anti-produits pour adulte qui lie les banques et les compagnies de carte de crédit qui gèrent les transactions du site”… C’est-à-dire les processeurs de paiement, que nous suspectons d’être responsables d’une bonne partie de la censure du X en ligne.
Malgré ces reproches, difficile de dire que Nutaku est de mauvaise foi. Qu’ils aient été censurés pour éviter la colère des processeurs de paiement ou pas, les jeux distribués sur la plate-forme ont été débarrassés des mosaïques qui cachent les sexes dans les version originales. Dans le domaine du X en provenance du Japon, c’est du luxe. Nutaku tient aussi au développement de son secteur : au début du mois de février, il a annoncé le lancement de la première plate-forme de crowdfunding pour jeux vidéo pornographiques, Kimochi Red Light. Plusieurs projets y ont déjà été financés. On jurerait que les eroge sont sur le chemin du mainstream.
Nobuyoshi Araki est un artiste contemporain japonais, connu pour son travail photographique prolifique – il a produit des millions de clichés – et tout particulièrement pour ses séries érotiques. Sa dernière exposition parisienne intitulé « Polanography » à la galerie &co119 s’est tenue en parallèle de sa grande rétrospective au Musée Guimet l’année dernière. Je vous propose d’entrer dans son univers, là où « la photographie est la vie » et « le quotidien est un art ».
Imparfait – Futur, 1979-2011/2012
Dans la droite lignée de Helmut Newton, Nobuyoshi Araki cultive un amour profond pour le corps des femmes. Entre tiraillement et bondage, les corps sont mis à bout dans une tradition japonaise des plus fascinantes. L’ode au kinbaku n’est que le prélude à un travail foncièrement provocant et subversif. Pas étonnant, donc, de le voir signer ses oeuvres de la graphie Arākī アラーキー – « anarchie ». Proche aussi d’un certain Larry Clark dans la brutalité de son oeuvre, il dépeint un univers sexuel caché bien que foncièrement adulé.
Avant de devenir un grand de la photographie érotique, l’artiste a suivi des cours de cinéma à la faculté de Chiba. Fraichement diplômé, il commence à travailler en 1963 comme caméraman pour l’agence de publicité Genzu. Là, comme il l’expliquera dans Tracks des années plus tard, il a « vu le côté le plus abject de ce métier ». C’est pour s’échapper de son quotidien révulsant qu’il s’est lancé dans une photographie plus personnelle, plus intime et qui l’amènera à constituer de vrais journaux intimes à la manière de Nan Goldin ou Sophie Calle.
Tokyo Love: Spring, 1994, Nan Goldin
Araki a écrit les premières pages de son journal photographique en 1971, lors de son voyage de noces sur une petite île japonaise avec sa femme Yoko. Il y a photographié tout ce qui l’entourait et l’envoûtait, notamment certains ébats sexuels avec son épouse. C’est la raison pour laquelle cette magnifique série baptisée Le voyage sentimental a fait scandale lorsqu’elle a été publiée à compte d’auteur dans l’archipel. Elle est une ode au paradoxe : « Moi, j’ai horreur de la perfection, je mélange le beau et le vulgaire, le sexe et la mort, le désir et la répulsion » commente l’artiste dans les pages de Télérama.
Voyage sentimental (Sentimental Journey), 1971
« La photographie impose une relation avec le sujet » précise-t-il. C’est un corps-à-corps qui, selon lui, explique ses nombreuses parties de jambes en l’air post-shooting avec ses modèles qu’il va chercher dans les ruelles chaudes de l’arrondissement tokyoïte de Shinjuku, son terrain de prédilection.
A partir de 1985, l’artiste commence à exposer à l’étranger. C’est pourtant à partir de cette même période que le glas nippon commence à retentir. Malheureusement, dans son pays natal, ses images ne plaisent toujours pas. Comme beaucoup d’autres artistes, son travail a été la cible de différentes mesures judiciaires entre 1988 et 1993 – la représentation des organes génitaux et des poils pubiens étant considérée comme « obscène » selon la loi japonaise. Elle l’est toujours à l’heure actuelle.
Marvellous Tales Of Black Ink No. 4, Nobuyoshi Araki, 2008
Ces assauts légaux ainsi que le décès de sa femme en 1991 n’ont pas arrêté le photographe. Meurtri par la perte de l’être qui lui était le plus cher, Araki évolue dans son approche photographique. Comme un appel au contrôle, à la droiture forcée en ses temps tourmentés, l’artiste se centre progressivement sur les corps torturés par la pratique ancestrale du kinbaku : « Le bondage n’est pas la même chose que le kinbaku, explique-t-il au président du Musée du Luxembourg, Jérôme Neutres. Au Japon, la technique du kinbaku a sa source dans le hojôjutsu, l’art martial du ligotage, une technique ancestrale. L’esprit du kinbaku est donc différent de celui du bondage, car quand on parle de bondage, cela sonne comme une mode. » Entre sexe et mort, l’artiste danse sur la corde sensible.
Kinbaku (Bondage), 1979
Ces corps fascinants font face aux visages impassibles de ces femmes aériennes. Leur regard froid et franc contraste avec les noeuds qui ligotent leur corps. Elles ne sont ni soumises ni passives, simplement frontales, d’une brutalité sans nom. Etonnant quand on sait que ses images de nus et de bondage, publiées dans des revues sadomasochistes, ont fait le bonheur du Pigalle des années 1980. Araki a esthétisé et érotisé une culture dite de niche, celle du bondage et du SM.
Komari de « L’Amant d’août », 2002 / 2008
Bien que ses clichés en noir et blanc apparaissent souvent lorsqu’il est question d’Araki, l’artiste a expérimenté d’autres techniques. Des éclats de couleurs viennent se coucher sur certaines de ses épreuves photographiques, comme si un instant de vie venait se frotter sur le corps de ces femmes, ses muses à jamais.
Amour de KaoRi, 2007
Lady Gaga photographed by Nobuyoshi Araki
Nobuyoshi Araki, Shooting Back, 2007
Au moment où sort 50 nuances plus sombres, un éditeur courageux consacre à l’oeuvre du noir Farrel un ouvrage de vrai SM, celui qui cogne fort et dans nos zones les plus sensibles… L’occasion de se demander pourquoi certains aiment faire mal.
Il serait temps d’en finir avec un préjugé et voilà qu’un livre rempli de tortures au réalisme insoutenable en fournit l’occasion rêvée. Ce livre d’art est un recueil des dessins rares ou inédits de Farrel, spécialiste de supplices, maintenant âgé de 83 ans, dont l’oeuvre inouïe est toujours restée dans l’ombre : trop brutale. Farrel met en scène des sévices hardcore, qu’il situe généralement dans le cadre banal de pavillons de banlieue. «Le clou fixe un sein sur une planche de bois, il se plante dans un bas-ventre ou traverse les lèvres. La femme n’est plus qu’un misérable insecte punaisé avec lequel des tortionnaires vont se délecter encore longtemps.» Lorsque ce n’est pas assez, le mari fracasse le pubis de son épouse à coups de poing, sous l’oeil luisant d’invités : c’est l’heure de l’apéro. Des couples de voisin se joignent parfois à «l’initiation» d’une fiancée, suspendue par les seins au milieu du salon. Parfois, la femme est livrée à des bandes de Roms crasseux. Nous sommes aux antipodes des élégantes pin-ups corsetées de John Willie, Jim, Eneg, Bill Ward ou Stanton. Ici, les victimes hurlent de souffrance sous l’oeil de bourreaux qui ne regardent même pas ce qu’ils font, car dans l’univers de Farrel les bourreaux, tels des vampires, se nourrissent de larmes : ils fixent les yeux ruisselants de leur proie, avec une avidité dans laquelle nous sommes invités à nous reconnaître.
«Hypocrite lecteur, - mon semblable, - mon frère !»
Tout comme Baudelaire qui, en introduction aux Fleurs du mal, tend au lecteur le miroir de ses propres vices, Farrel se joue de notre fascination pour les faits divers. Il montre ce que nous devons subir chaque jour au JT : le spectacle du monde est celui d’une violence que les journalistes à la fois exacerbent et conjurent à l’aide d’images savamment distanciées (ne montrant les cadavres qu’un peu, de loin) et de mots juste assez évocateurs (mais pas trop) : «10 centimètres», pour donner un exemple d’actualité. Voilà qui devrait satisfaire le légitime «droit de savoir» que les médias accordent à leur public. Farrel, lui, va plus loin. Il montre tout, avec un souci du détail qui frôle l’obsession. Chaque dessin, réalisé au crayon et à la mine de plomb, lui prend entre une et deux semaines, à raison de 7 à 8 heures par jour, «à gommer et reprendre un visage, à vivre le dessin. À bander. À se masturber. C’est pour lui la preuve que le dessin est bon.» Farrel dessine avec son sperme. Cela peut paraître ignoble. Comment est-il possible de tirer plaisir de l’atrocité ? C’est justement sur ce point qu’il faudrait en finir avec un préjugé : qu’ils infligent ou subissent la douleur, les adeptes de SM ne sont pas «amateurs» de violence, au contraire. Ils haïssent la violence. Raison pour laquelle ils ont besoin de l’érotiser.
Erotiser la violence pour mieux l’exorciser
Les fantasmes sadomasochistes –surtout les plus barbares– forment un rempart à la détresse que certaines personnes éprouvent quand elles allument la télévision ou sortent dans la rue. Partout, elles se heurtent à l’expression d’une violence insupportable : les regards qui salissent, les préjugés qui tuent, les colères qui cherchent à se défouler, les frustrations rampantes. Partout : mesquineries, vilenies. Dans son prochain livre (Erotic domination, aux éditions Reuss) le photographe China Hamilton, explique avec des mots lumineux «ce fait que nous, humains, […] sommes souvent amenés à descendre dans nos ténèbres intérieures parce qu’elles sont paradoxalement un refuge où l’on se sent en sécurité face aux horreurs et aux cruautés qui règnent dans le vrai monde.» Farrel – «pour qui le mot tortures ne se met jamais entre guillemets» – illustre parfaitement cette analyse, lui qui «courbé pendant des heures sur le papier cartonné de fin grammage 21 x 27 cm» détaille la flétrissure des corps mis au supplice jusqu’à ne plus savoir s’il est du côté des sadiques ou des martyrs. Même s’il bande, c’est éprouvant. «Je suis dans le noir, confirme-t-il, je suis dans le sombre.» Avec cet aveu déroutant : «J’ai fini des dessins en pleurant.» Son éditeur, Christophe Bier, qui l’a fréquenté pendant 4 ans avant de publier le livre, résume : «Farrel ne triche pas, s’abandonne dans son art, dans un vertige puissant.»
Le silence des agneaux
Farrel ne triche pas avec la noirceur. Il la montre telle qu’elle s’exprime dans la langue des racistes, des prédateurs et des misogynes. Ses dessins se nourrissent de la haine ordinaire dont il reproduit tels quels les clichés. Les images, forcément brutales, sont donc peuplées d’immigrés lippus et violeurs, de belles-mères odieuses, de noirs aux membres monstrueux, de médecins sadiques, de patrons implacables, tous plus caricaturaux les uns que les autres et pour cause : les préjugés les plus courants sont toujours les plus efficaces. L’oppression se matérialise parfois sous la forme de textes orduriers (connasse, salope, putain) qui entourent la victime, la cernent, l’écrasent, jusqu’à faire disparaître la silhouette des tortionnaires. Les hommes se transforment en mots et ces mots font mal, bien plus mal que les aiguilles, les pinces ou les crochets. Les victimes, mises au silence, se laissent anéantir par la machine sociale, la même machine qui a expulsé Farrel de son rêve de bonheur. «La famille, le voisinage, le “vivre ensemble” selon l’hypocrite formule d’aujourd’hui, tout ce consensus social est broyé par le désenchantement de l’artiste. Né en 1934 sur la paillasse d’une chambre de bonne à Thionville, sans assistance médicale. “Les emmerdements ont commencé dès la naissance.” Son père adoptif, un ouvrier mécanicien, abandonne peu après le domicile conjugal. Quand Farrel livre des bribes de son existence, elle confine au calvaire.»
Gare à la psychologie de comptoir
Méfions-nous cependant de l’idée reçue qui associe la pratique du SM à un traumatisme d’enfance (sic). La vie s’est acharnée sur Farrel, oui. Mais. La vie s’est acharnée parce que Farrel a fait le choix d’être «un pur» : refusant de dessiner sur commande, il a préféré produire des images qui le faisaient bander au détriment d’illustrations «vendeuses». On ne gagne pas facilement sa vie avec des portraits de bourgeoises aux seins distendus par des carcans à clous. Farrel est obligé de faire tous les métiers, y compris garçon de salle à l’hôpital Bichat (chargé d’amener les cadavres à la morgue). «Un temps peintre-décorateur, il exerça son art en peignant du faux bois et du faux marbre, en réalisant des lettrages publicitaires sur façade. Il a surtout mené une vie chaotique sans rapport avec le dessin – vendeur dans un magasin de confection, plongeur à l’Orée du Bois, manutentionnaire dans une fabrique de boutons, représentant de commerce, physionomiste dans des boîtes à partouze – qu’il répugne à commenter. “Je ne veux pas parler de ma vie. Ça n’a aucun intérêt. Deux mots pourraient la résumer : Pauvre Con.”» Farrel gagne sa vie bêtement, donc, pour payer sa liberté. Pour Christophe Bier, il y a là quelque chose d’admirable : Farrel est allé «jusqu’au bout», dit-il. Dépassant les bornes du supportable, sans faire de calculs ni de compromis, il s’est voué à la seule exploration de ses fantasmes.
Farrel dénonce «la violence d’une société qui n’en finit jamais de broyer»
«Ce parti pris sadien et radical explique le silence qui recouvre l’oeuvre de Farrel. Les esthètes feignent de l’ignorer. Pourtant, depuis 1977 et [son premier ouvrage intitulé] Obéis ! sinon…, dix autres albums sont publiés, répétant, inlassables, cette veine terrifiante. Les admirateurs existent, nombreux, mais personne n’ose parler de cette oeuvre si cohérente. En 1984, sous le gouvernement socialiste et la férule du ministre de l’Intérieur Pierre Joxe, quatre rééditions sont même frappées de triple interdiction aux mineurs de dix-huit ans, d’exposition-affichage et de publicité. Le dernier album, Pourquoi pleurent-elles ?, connaît quelques difficultés à paraître en 2012. Son fidèle éditeur toulousain ne parvient plus à trouver un imprimeur acceptant de pareilles horreurs. L’un d’eux croit remplir son devoir (de bon Français) en le dénonçant à la gendarmerie ! L’affaire est classée, bien heureusement, mais un dessin est resté dans le dossier d’un juge.» Pour Christophe Bier qui a publié ce magnifique livre alors que ce n’est pas son métier (il est critique de cinéma, écrivain et réalisateur), afin de rendre hommage à celui qu’il considère comme un héros, Farrel est le dernier monstre vivant de l’art. Aujourd’hui plus que jamais, dit-il, son oeuvre qui «pulvérise les conventions» dérange. «La police morale sévit, encore plus redoutable. Pour certains puritains, l’atteinte à la dignité humaine, l’incitation à la haine et autres délits doivent s’étendre à l’imagination. À les écouter, il semble plus important de lutter contre la pornographie des images, véritables dangers, que de dénoncer les mécanismes sociaux et politiques qui asservissent toujours plus les êtres.»
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A LIRE : «Farrel», Christophe Bier Editeur, 2017. Cartonné relié, 29,7 x 21 cm, 192 pages, couleurs, tirage limité à 600 ex. 200 reproductions de dessins, des esquisses, des inédits. Prix: 70 euros. Disponible sur: http://www.farrelartbook.com/
TROIS QUESTIONS A CHRISTOPHE BIER
Pourquoi Farrel pleure-t-il parfois en dessinant des images érotiques ?
Il pleure parce qu’il est ambivalent. Parce que les bourreaux gagnent et que les victimes perdent. D’ailleurs, je ne suis pas sûr que les bourreaux l’emportent sur toute la ligne dans ces dessins qui les caricaturent. Farrel s’identifie aux hommes mais il leur règle aussi ses comptes.
L’œuvre de Farrel est-elle violente ?
Oui et non. Oui, elle reflète la violence qui nous entoure. Mais non, comme le dit très justement Farrel : «Ce sont juste des dessins».
Pourquoi avoir publié ce livre ?
Comme disait Jacques Noël (Un Regard moderne) : «J’aime les livres qui me mettent à genoux.» Jacques Noël est malheureusement mort deux mois avant la publication de ce livre qu’il attendait tant. Ce livre, c’est un hommage aux personnes qui ne cherchent pas à plaire, mais à se faire plaisir, guidées par la seule exigence d’une quête personnelle. Farrel va jusqu’au bout. C’est là que ça se joue pour moi. Comme si je voulais attraper une part de sa puissance, de cette folie créatrice qui consiste à affronter notre part d’ombre.