Nous revoilà à cette période de l’année. Les accros à la stat et au porno transpirent devant leurs écrans. C’est l’heure du bilan de l’année 2019 par Pornhub (PH), le célèbre tube, devenu membre à part entière de la culture porn et pop. Tous les détails se trouvent dans leur article du blog Insights avec de beaux graphiques, un vrai plaisir.
En préambule, rappelons que le département statistique de Pornhub, produisant de multiples analyses de data au cours de l’année, fait partie de leur stratégie de communication. Le tube prouve son sérieux (bien nécessaire quand on est dans le porno) en fournissant du contenu que la presse peut utiliser facilement et se montre ainsi quasi incontournable. Pornhub s’installe alors tranquillement dans les esprits comme la source principale en matière de X, faisant oublier son confrère Youporn, pourtant bien plus populaire en France auparavant.
Pornhub incontournable
En 2013, le fer de lance de Mindgeek (MG) cumulait selon ses propres données 14,7 milliards de visites. Cette année, le compte dépasse les 42 milliards. Bim bam boum, ça explose et ça fait vroum en quelques années. Selon le site de référence en analytics, SimilarWeb, Pornhub atteint la 10e place des sites les plus populaires au monde. Il reste toujours derrière Xvideos et XNXX, détenus par un Français, principal concurrent de la multinationale MG.
Bienvenue dans le GAFAP
En ce qui concerne l’Internet de France, PH se classe 11e, derrière les GAFA, Orange et Le Bon Coin, mais surtout, il fait la nique à la concu regroupée dans un tiercé lubrique avec Xvideos à la 14e place, Xhamster à la 15e et XNXX à la 16e (le titre de Dinos n’ayant pas eu d’impact visible sur la fréquentation du site). On peut donc dire que dans l’Hexagone, les GAFAP règnent en maîtres.
Data, mon amour
Plongeons dans la datafap. Il y a donc eu, en 2019, 6,83 millions de vidéos téléchargées sur PH. Malheureusement, le pourcentage de contenu légitime, c’est-à-dire mis en ligne par la personne qui en possède la propriété et les droits n’est pas précisé. Cela reste non dit, la part obscure, Dark X, le pure tabou. Pourtant, cette part devrait être en nette progression, car les Pornhub Models sont légion (plus de 130 000) et toujours plus de studios participent au programme partenaire (un peu plus de 3700 chaînes officielles).
Tout cela représente 6597 petabytes de data transférées. C’est un peu comme quand on essaie de se représenter le nombre d’étoiles dans le ciel, ça donne le tournis. Par contre, le bilan carbone ne doit pas être ouf. Heureusement qu’ils participent au nettoyage des plages avec LeoLulu. Quand on compare avec Youtube (car ils suivent le même chemin avec quelques années de décalage), PH est à la traîne. Avec ses 2,8 heures uploadées en une minute, le tube fait pâle figure face aux 500 heures de Youtube. Mais bon, la filiale d’Alphabet possède bien moins de vidéos de Charlotte Sartre et de Gabbie Carter. On ne peut pas tout avoir.
Recherche du boner
Qu’avons-nous recherché ? Quels sont nos envies et nos vices ? Pornhub a la réponse. Certes, cela ne représente pas l’ensemble du trafic porno, mais avec cette grandeur statistique, on se rapproche d’une certaine vérité de comportement d’une personne moyenne sur l’Internet occidental. Les États-Unis constituent une écrasante majorité des visites, si l’on en croit le graphique. Les résultats des analyses illustrent donc davantage les préférences d’un Américain que celles d’une Vietnamienne. Alors quelles sont les requêtes mises en avant par la plateforme dans son récap ?
Elles ont bien changé par rapport à 2018. Quand le monde tapait « romantic », « outdoor », « threesome » l’année dernière, il préfère « POV », « ASMR », « mature », « femdom » et « bisexual » en 2019 : émergence des niches et appel d’air vers une certaine libération des fantasmes sur la sexualité masculine, pouce en l’air. Les légats de la culture pop s’immiscent comme toujours; Apex Legends, les aliens de la zone 51, le cosplay et Belle Delphine occupent les désirs inavouables de la communauté du fap.
Mais surtout, le terme « amateur » prend la première place. L’amour pour le fait maison ne se limite pas à la restauration, il prédomine dans notre domaine favori. Pornhub explique cette suprématie du homemade par le nombre impressionnant de couples et de modèles qui ont rejoint le programme Pornhub Models : les comptes vérifiés produisant des scènes et les diffusant sur le tube. Cette année, il y en a eu 98 000 nouveaux, soit 130 000 en tout. C’est une déferlante de sexe à l’image tremblante et aux gros plans trop proches mal éclairés. Pour le dire autrement, il s’agit d’une nouvelle scène indépendante utilisant PH comme un moyen de diffusion de masse. L’analyse de sa diversité mériterait de s’y attarder longuement.
Belle Delphine, reine du prank, la Rémi Gaillard du cosplay
Ces tags précédemment évoqués sont définis comme les plus marquants, mais ce ne sont pas les plus recherchés. La réalité du terrain fait plutôt ressortir « japanese », « hentai », « lesbian » et « MILF ». Les « teens » n’ont plus vraiment la cote, elles sont remplacées par les « step moms ». La prédominance du porno japonais se retrouve partout, dans les différents groupes d’âge, chez les hommes, chez les femmes. Cette popularité est grandissante, le tag n’était que 5e en 2018. Quant à savoir pourquoi… Nous répondrons peut-être dans un autre article.
Il y a une forte présence des ethnicités et nationalités. Chaque pays cherche du porno de chez lui, la France tape « française », l’Italie « italiano », l’Allemagne « german », le Mexique « mexicana », etc. Mais il y a les tags plus problématiques sur la fétichisation des personnes racisées et sur leur couleur de peau. Si l’utilisation de « japanese » peut s’expliquer, en partie, par le cinéma unique et différent produit par les Nippons – si l’utilisation de « korean » peut démontrer, en partie également, un goût du tabou pour les citoyens de la péninsule où le porno est interdit, il est compliqué de justifier le terme « asian » autrement que par une stigmatisation sexuelle de ces personnes.
Le fap des Français·e·s
À ce propos, penchons-nous sur notre cher pays. 5e mondial en termes de trafic, l’Hexagone veut en priorité du local, du hentai, des MILFs et des lesbiennes, du massage et des « gros culs ». Étonnamment, le terme « beurette », pourtant si populaire l’année dernière a soudainement disparu, même si « arab » est recherché 112 % de plus en France qu’en moyenne mondiale. Aurions-nous eu une prise de conscience du caractère raciste de ces requêtes ? La question reste en l’air, en attendant une enquête plus approfondie.
On note, dans le top trending, le « doigt dans le cul » qui perce fort derrière les tentatives de trouver du porno fait par des gameuses de Twitch. Clara Morgane perd deux places, se faisant devancer par Nikita Bellucci qui a occupé la scène médiatique ces derniers mois, notamment avec le lancement de son OnlyFans. Mais surtout, la place n°1 de pornstar revient à LeoLulu.
Le couple sans visage a percé depuis l’opération marketing sur la pollution des plages et leur Pornhub Award en 2018. Ils se placent 16e dans la liste des pornstars les plus recherchées. Ce sont les seuls amateurs du classement (si on ne compte pas Kim Kardashian). Enfin de la reconnaissance pour ces modèles venus de nulle part et qui ont révolutionné la production pornographique et nos moments de détente. C’est le César du public. LeoLulu connaissent aussi une belle popularité en Allemagne, en Espagne, en Suède et en Russie.
Popularité porn
En matière de popularité, Lana Rhoades dépasse tout le monde. Elle ne tourne pourtant plus que pour son Snapchat. De là à dire que les gens tapent son nom pour tenter de trouver du contenu piraté, il n’y a qu’un pas. Si Riley Reid travaille toujours un peu avec les studios, son profil est le même. Mia Khalifa éternelle seconde, malgré ses déclarations négatives sur sa courte carrière achevée en 2014. Abella Danger, contract girl chez Mindgeek, qui est passée à la réalisation dernièrement, continue sa progression, nous en sommes ravis. La présence de Kim K est toujours aussi perturbante. Le seul performeur Jordi « El Niño » Polla est en 6e place dans le top 20. Son humour et son physique de twink à grosse bite sont plébiscités par la foule.
Alex Adams avec ses vidéos sur le tabou familial se positionne en 2e place parmi les performeurs et à la 31e tout confondu. Sa chaîne amateur tourne à plein régime et dépasse les 2 milliards de vues, ce qui est exceptionnel pour cette catégorie. Owen Gray devrait exploser en 2020, il est 3e performeur pour l’instant. Avec le rebranding de ses sextapes en Deep Lush, on devrait le retrouver l’année prochaine encore mieux placé.
L’absence d’Aubrey Kate, de Domino Presley, Chanel Santini ou de Natalie Mars est criante. Il faut qu’en 2020, une performeuse transgenre pointe sa tête dans le top 20.
Natalie Mars apprenant sa 18e place en 2020
Fap de femme
La légende raconte que des femmes se masturbent sur Pornhub. Elles représenteraient 32 % de visiteur·euse·s. Cependant, on ne sait pas trop comment le tube reconnaît le genre des personnes. Google a ses petits secrets, alors faisons-lui confiance (faute de mieux). En termes de popularité, les fappeuses veulent voir Lana Rhoades, Jordi, Mia Khalifa, Riley Reid et Abella Danger. Rien d’étonnant. Mais quand on compare les recherches à celles des hommes, de nouveaux noms apparaissent. Les femmes rechercheraient davantage Zilv Gudel, un daddy très sexy, Owen Gray et toujours James Deen, ce que nous regrettons.
En matière de tags, les femmes taperaient davantage que les hommes dans le « pussy licking », le « solo male », le « fingering » et le « lesbian ». La catégorie « Popular with Women » est évidemment très sollicitée. Le « scissoring » fait fantasmer, tout comme les hommes musclés, bisexuels et la double pénétration.
Le tag mec musclé s’impose (screen de Hot Guys Fuck)
Pour l’âge, la moyenne est de 36 ans tous genres confondus. Le fappeur moyen a vieilli par rapport à 2018. Les 24-34 ans représentent la plus grosse tranche d’âge. Ces gens veulent voir de l’amateur, du japonais et du hentai. Plus on tend vers la retraite, plus on aime regarder du « mature ». Comme quoi, il y a une volonté de mater ce qui rapproche le plus de sa condition. Pas de prépondérance de la teen. Étonnant.
P0rn0 G33k
Côté technologie, le mobile continue sa percée avec 76,6 % du trafic. Comment le format vertical dans les vidéos n’explose-t-il pas ? On attend les analystes de PH à ce sujet pour 2020. L’Allemagne et la Russie restent très attachées à leur ordinateur pour fapper. Ces données montrent bien les pratiques sur le Web. Il y a 75 % d’utilisateurs de Windows. Pour le téléphone, cela se partage entre Apple pour 52,8 % qui reprend la tête cette année, et Android pour 46,6 %. Pour les navigateurs, Chrome écrase tout le monde. Google représente 94,06 % du trafic SEO. Ecosia tire son épingle du jeu avec une augmentation de 192 % de renvoi de trafic vers le tube. Les fappos plantent des arbres, belle conscience écologique.
La culture pop imprègne directement les recherches. Pornhub adore le mettre en avant. Un film qui sort et un graphique est produit, comme pour Joker. La popularité des artistes féminines du monde de l’entertainment se jauge aussi aux requêtes envoyées sur la plateforme. Les jeux vidéo inspirent beaucoup les créatrices de cosplay ou les illustrateurs de hentai, les titres renommés comme Overwatch, Fortnite, Pokemon ou Minecraft sont présents dans les classements. Zelda, Lara Croft, D.Va et Super Mario peuplent les fantasmes des gamers et gameuses. On se demande juste qui tape Pikachu… à part les fans de Wood Rocket.
Pika pika ?
Que réserve 2020 ?
En conclusion, nous retenons que Pornhub prouve que son influence s’accroît encore, même si le tube reste derrière Xvideos et XNXX au niveau mondial. Le porno japonais a une cote d’enfer, tout comme Lana Rhoades et LeoLulu qui distribuent leurs contenus en dehors du circuit classique. Jordi Polla est la coqueluche de l’année. Les niches et la bisexualité masculine sont en vogue. Le mobile continue sa progression. On a appris aussi que la sborrata faccia accompagnera bientôt les tartines d’avocat dans les menus de brunch. Et que la Pologne vit toujours en 2008 avec Sasha Grey en pornstar favorite.
Avec toutes ces données, il est difficile de prévoir ce dont 2020 sera fait. LeoLulu auront peut-être des comparses dans le haut du classement. Quid de Danika et Steve Mori, Eva Elfie, Solazola et pourquoi pas Mini Diva ? Les amateurs et modèles vérifiés augmenteront encore, jusqu’à le public se lasse et ne plébiscite que les plus populaires et mainstream (ce qui est déjà le cas). La porno bi continuera à grossir. La chaîne de Wolf Hudson fait déjà des émules. Est-ce que la VR aura toujours sa place ? Le cunnilingus fera-t-il une percée ? Les scènes avec des personnes transgenres gagneront-elles en popularité et sortiront-elles de la fétichisation ? On espère qu’une performeuse transgenre deviendra aussi populaire que Lela Star. Le porno queer en général trouvera-t-il un débouché économique sur Pornhub ? Des vœux pieux pour 2020.