Si je me suis intéressée au sujet du polyamour ou amours pluriels (que j’ai toujours trouvé fascinant), je n’ai jamais pensé pouvoir me considérer comme « polyamoureuse ». Beaucoup trop fusionnelle et exclusive (émotionnellement) dans mes relations, j’avais de la difficulté à m’imaginer entretenir plusieurs relations sentimentales parallèles et être impliquée émotionnellement avec plusieurs personnes – et encore plus à l’idée d’accepter ça de l’autre. Je peux considérer une relation physique, mais des sentiments pour quelqu’un d’autre me mettaient forcément en danger. De plus, le concept de polyamour reste flou et propre à chacun, certains polyamoureux refusant de mélanger « relation ouverte » et « polyamour ». Il faut pourtant me rendre à l’évidence : ma vision des choses a évolué, et avec le recul je réalise que ça fait longtemps que c’est le cas.
Lorsque nous avons évoqué la possibilité d’ouvrir notre couple avec mon copain, nous avons surtout discuté de cas « éventuels » : on rencontre une personne, ça fitte, on a envie de plus, on baise, fin de l’histoire. Le flirt avec d’autres personnes était déjà intégré depuis le début, il ne s’agissait donc que d’ouvrir la porte à la sexualité.
Nous avons alors commencé à réactiver nos profils sur les sites/apps de rencontre (OkCupid et Tinder), nous ouvrant de manière « officielle » à des rencontres à l’extérieur, mais assumant ainsi un fait : loin de l’idée de base de « on rencontre quelqu’un et on y va au feeling« , nous avions passé un cap différent en recherchant de manière plus ou moins active des partenaires extérieurs à notre relation. L’expression « active » a ici un sens légèrement biaisé car de ce que je sais, mon copain ne contactait pas les profils et se contentait de « liker » et répondre aux éventuels messages. Quant à moi, je n’ai ouvert mon profil qu’aux filles – et c’est une des principales raisons pour lesquelles nous avons finalement mis en place cette situation, car je ne souhaitais pas rencontrer d’homme et le choix de filles bi était limité dans notre entourage. Cela me permettait donc de sortir de notre cercle et m’ouvrait des possibilités féminines (on reviendra un jour sur le fait que je suis totalement mal à l’aise de draguer/séduire une fille).
Indirectement, et en se l’avouant à moitié, cette nouvelle situation ouvrait la porte à l’existence de « plus » qu’un one night. De mon côté, sans le formuler, je savais que je serais incapable d’avoir une histoire purement sexuelle avec une fille, que ça me prendrait du temps, et l’envie de la connaître avant qu’il se passe quoi que ce soit. Encore une fois, je fonctionne très différemment des hommes : même s’il m’est arrivé de nombreuses fois de coucher avec des amies juste pour une fois, ça ne m’intéresse plus, je voulais pouvoir approfondir une relation sensuelle et charnelle, découvrir le corps de l’autre, nos plaisirs mutuels.
Et puis, la licorne est arrivée dans nos vies. Au début, ça a été difficile pour mon copain d’accepter et comprendre cette relation qui n’était ni un plan cul, ni une relation « sérieuse ». De mon côté, j’ai très rapidement développé une vraie affection pour cette fille, une tendresse différente de l’amitié, mais pourtant loin de la passion que je peux avoir pour un homme. Au delà du désir qu’elle réveille chez moi, c’est une des rares personnes de mon entourage avec qui je me sens bien même dans le silence, que j’ai envie de voir plusieurs fois par semaine sans me lasser, à qui je parle quasiment chaque jour.
Doucement, cette relation particulière s’est mise en place – et évolue encore – entre la licorne, mon copain et moi. Elle avec nous deux, elle avec mon copain, moi avec elle. Et en ce qui me concerne, je ne peux nier que des sentiments sont nés au milieu de tout ça (et que c’est bien la première fois que je ressens ça de cette façon pour une fille…).
Nous sommes au coeur d’un triangle amoureux, inégalitaire certes car ma relation avec mon copain reste prioritaire et principale, mais réel. Il est essentiel pour nous que chacun soit respecté dans ses envies et ses limites, que ce soit la cellule de notre couple ou les sentiments de la licorne (rôle loin d’être évident pour elle) ; le « contexte » est clair depuis le départ, et surtout nous communiquons énormément pour éviter tout malentendu.
J’avais, par le passé, vécu des histoires parallèles, relation ouverte à distance et plans cul que je n’aurais pas décrit comme tel car autre chose que le seul désir sexuel nous animait. Si cela n’incluait pas plusieurs personnes à la fois et que chacune des relations n’était pas nécessairement « sérieuse », j’entretenais malgré tout deux ou trois « relations » simultanées sans vraiment réaliser que c’était déjà là une forme de poly-relationnel. Dans un cas comme dans l’autre, il s’agissait toujours de relations où les différents protagonistes connaissent l’existence des autres relations, où on n’est pas dans une forme d’échangisme ou de libertinage, mais bien dans la multiplication de relations sentimentales/sexuelles concomitantes.
Pour la petite anecdote, au delà du triangle que nous formons avec la licorne, elle continue à dater de son côté, et a récemment rencontré quelqu’un. Rien n’est dit de ce qu’il adviendra de cette nouvelle pièce du puzzle, et nous nous attendons à ce qu’elle mette notre relation en pause pour se consacrer à cette histoire, nous avons cependant tous envie de continuer à se fréquenter, sexuellement ou non. Pendant qu’en cachette, nous fantasmons toutes les deux sur la possibilité d’une rencontre en quatuor, et les excitants baisers que pourraient s’échanger les barbes de nos amoureux…
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À lire :
Françoise Simpère chez Rue89
Aimer plusieurs personnes à la fois, et rendre tout le monde heureux
Photo : Film Happy Few