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Après le déferlement des gonzo* sur le marché de la vidéo porno et la multiplication des scènes vantant les performances les plus hards (rough sex), l’industrie pour adultes change de cycle pour se diversifier et susciter la curiosité d’un tout nouveau public . A l’heure où nous parlons de sensibilisation voire de féminisation des films X et de films “pour couples”, les parodies porno connaissent un succès grandissant et représentent une réelle tendance , les remises de prix organisées par la profession allant jusqu’à comporter les catégories : “Meilleure parodie porno de l’année – comédie “ et “Meilleure parodie- drame”* et certaines sociétés de production misant essentiellement sur ce genre.
Leur existence n’est pourtant pas récente. En 1970 apparaissaient le 1er western parodié “L’éperon brûlant”, en 1974 “L’arrière-train sifflera trois fois”, et comment ne pas citer “Blanches-fesses et les sept mains” en 1981. Plus tard les années 90 voyaient fleurir sur les jaquettes des cassettes vidéo des titres aussi évocateurs que vendeurs : “Les tontons tringleurs” , “Hotdorix”,“Les Visiteuses” (réalisés par le maître du porno français “bon-vivant”, le regretté Alain Payet, appelé aussi John Love) . Pourtant, la vague des parodies n’a jamais aussi bien fonctionné.
Comment expliquer un changement aussi radical ? Comment le rire est devenu plus vendeur que la performance sexuelle ? Et comment, plus généralement, reprendre un succès du cinéma, de la télé, ou le nom d’une personnalité est devenu un argument de vente décisif auprès du public ? Petit tour d’horizon des parodies porno en France et aux Etats-Unis et de leur étonnant sex-appeal.
Attirer le grand public en surfant sur un succès existant. En France, si les budgets des productions X sont souvent plus restreints que ceux de la Porn Valley *, on ne se prive pas pour autant de clins d’oeil osés à quelques grands succès de la télé ou du cinéma, qu’ils soient des drames , des films d’horreur ou des comédies romantiques. Un titre jouant plus ou moins habilement sur les mots , une jaquette de DVD reprenant les mêmes codes de l’affiche officielle du film, des acteurs au physique plus…ou moins ressemblants. Même si le contenu du film n’est pas forcément à la hauteur de ce qu’on pourrait espérer ou ne tente pas même de rester fidèle à l’oeuvre originale, la formule fonctionne. Le porno dispose d’un atout, on arrête bien souvent de le prendre au sérieux dès qu’il comporte du dialogue. Autant jouer de cet humour qui lui est propre. De “L’art-niqueur” aux “Célébrités du X, la ferme”, la société JTC et le réalisateur Fabien Lafait en ont fait leur spécialité. Parallèlement on trouvera “Pascal le grand frère pineur” (Max Antoine , Coppula Prod) , petite comédie porno devenue aussi culte que l’émission qu’elle parodie. Ayant acquis leurs lettres de noblesse et faisant presque partie du quotidien des téléspectateurs, les séries télé sont également de parfaites sources d’inspiration : Le Cosby Show (si si) , Entourage, Grey’s Anatomy, Friends, Scrubs, l’Agence Tous risques, Starsky et Hutch, The Office . Même les Pierrafeu et Scoobydou n’auront pas été épargnés (ne me demandez pas si c’est réussi, j’ai moi même des appréhensions à regarder le résultat.) En somme, susciter la curiosité du grand public (majeur, j’entends bien) est le premier atout des parodies porno.
Attirer les fans en reprenant des films cultes, en particulier des films reprenant la culture geek/comics : Batman, Superman, Hulk, Catwoman mais aussi Star Wars, Star Trek, Wonderwoman , X- Files, Star Wars, Twilight , Le Seigneur des Anneaux etc. Brazzers leader actuel du X sur internet produit également la série Sex Fighter, reprenant tous les codes du jeu vidéo Street Fighter. La prestigieuse société de production Vivid, quant à elle réputée pendant des années pour ses fameuses Vivid girls (dont les deux pornostars mondialement connues, Jenna Jameson et Tera Patrick) et ses films scénarisés à budgets élevés, a totalement changé de politique en ne distribuant désormais que des sex-tapes de célébrités et en ne produisant que des parodies porno. Leur réalisateur phare, Axel Braun, et actuellement LE réalisateur le plus en vogue pour cette catégorie, le dit lui-même : en reprenant les succès de l’univers comics, il souhaite toucher les fans et ainsi attirer à lui un nouveau public. Que l’on considère cette démarche comme un hommage (il se revendique lui-même fan de comics) ou comme une atteinte à la dignité d’une oeuvre ou une personnalité, ça marche. Axel Braun ne compte plus le nombre des parodies qu’il a réalisées à ce jour. Conscient que le filon s’épuisera probablement dans quelques années et faisant place à un nouveau cycle, il continue pour l’instant de tourner à une fréquence de un à deux films par mois. Fréquence non négligeable dans une industrie marquée par la crise.
Attirer les femmes et les couples en dédramatisant le porno et en le rendant plus politiquement correct. “Femme qui rit , femme à moitié dans son lit ?” Pas sûr. Néanmoins la dérision et le rire ont deux grands avantages : ils permettent de créer une distance rassurante entre le spectateur et le film porno en « dédramatisant » la mise en scène des pratiques sexuelles; mais ils les rapprochent également par une sorte de complicité entre adultes. On ne rit plus seulement du porno ou du mauvais (ou pas) jeu des acteurs. On rit avec eux. Une femme s’agenouille pour effectuer une fellation à son partenaire , supplie de se faire sodomiser? Certains/es y verront un acte de soumission, une nouvelle démonstration de machisme où la femme, dévalorisée, est réduite à un objet sexuel (ceci est un autre débat que j’aborderai une autre fois) . Mais imaginons que la femme en question représente ici une femme de pouvoir, et pas n’importe laquelle, la très antipathique ex-gouverneure Sarah Palin, en position indécent face au mauvais sosie de Barack Obama. L’acte sexuel prend ici un tout autre sens. Dépassant et mettant même parfois de côté la fonction masturbatoire, le film porno prend des allures satiriques. “Who’s nailin’ Paylin” n’est pas par hasard à ce jour le plus grand succès de Hustler . Autre stratégie, reprendre des personnalités emblématiques dont on sait que les fans réagiront en nombre : Lady Gaga, Elvis, Bruce Lee (la parodie de Michael Jackson risque d’être plus difficile à réaliser et ce n’est peut-être pas plus mal! ). Selon Olivier Ghis, journaliste et rédacteur en chef du “Journal du Hard” (Canal Plus) et réalisateur “Ca glisse au pays des merveilles”, documentaire analysant le succès des parodies : “Le rire et la parodie sont un moyen de faire rentrer le X dans un salon”. Un homme rougira en effet beaucoup moins de ramener “Bienvenue les Ch’tites coquines” à sa compagne , que “Soumission anale”. Assez facile de comprendre pourquoi. L’humour dédramatise et il décomplexe. En riant de tout on casse les tabous. Ce qui paraissait sale et indécent devient drôle et divertissant. La parodie porno désamorce les clichés et sort le film porno de sa case sordide de produit de consommation uniquement pensé pour un homme célibataire / pervers. Enfin, il est prétexte à être ramené dans son foyer et à être partagé sans honte. Et si, cerise sur le gateau, le film tient ses promesses, le pari est gagné. Un nouveau public vient d’être conquis.
Devenir un argument marketing imparable en alliant humour, glamour et superproduction et fidéliser le consommateur. Si la vague des parodies a aussi naissance à des arnaques avec des films au titre racoleur mais au contenu cheap et absolument sans rapport avec l’oeuvre originale (ex. le film gay The Cockfather), elle voit également naître de véritables petits bijoux où l’humour parvient à jongler adroitement avec des scènes de sexe intenses, un casting soigné, et un scénario suffisamment bien ficelé pour que l’on puisse se délecter des séquences de dialogues habituellement dénigrées dans les films X. Citons la société de production Digital Playground , fraîchement récompensée à la cérémonie des Xbiz awards à Los Angeles pour son “Top Gun”. La société avait déjà fait parler d’elle dans la presse mainstream avec “Pirates “ dont le 1er volet a vu sa Première projetée au hollywoodien Grauman’s Chinese Theater*, rien que ça….et dont le deuxième volet représente à ce jour le film le plus cher de l’histoire du X avec un budget de huit millions de dollars (Bon on se doute quand même que ce chiffre a été gonflé par les producteurs pour des raisons marketing), sachant également que Digital Playground commercialise une version soft diffusée en télé et/ ou en DVD dans des magasins grand public. (chaîne Blockbuster).
A quand des parodies porno produites par des sociétés de production mainstream? Si le porno se plaît à rire de son grand-frère il n’est pas encore dit qu’il marchera avec lui main dans la main. Malgré quelques oeuvres classées X réalisées par des grands noms du cinéma ( par ex le film d’auteur Destricted composé de sept courts-métrages ),et quelques rares exceptions à franchir la frontière (l’ex-hardeuse Sasha Grey premier rôle dans « The Girlfriend Experience » de Steven Soderbergh), le clivage film dit « traditionnel » et film porno reste fort. Néanmoins il semblerait qu’une complicité puisse se développer. Le réalisateur Franck Gastambide auteur de la série « Kaïra Shopping » et réalisateur du long-métrage « Les Kaïras » (sortie prévue en 2012) parle lui-même d’être de connivence avec une société de films X pour la sortie parallèle d’une parodie. Et si la parodie porno était en voie de devenir elle-même un produit dérivé du Septième Art?
Je vous laisse rêver sur cette question, et pour vous inspirer, vous propose ici une liste non exhaustive de titres de parodies porno. Saurez-vous retrouvez le titre original ?
Desperate Sexwifes
L’enfileur des anneaux
Banane Mécanique
Pour une poignée de Braquemarts
Pulp Friction
Sluts and the city
Niqueurs Nés
Pubic Ennemy
Le Gland bleu
Le seigneur des Anus
Total rectal
Et vous ? Quel succès du cinéma, de la télé, ou encore quelle personnalité aimeriez-vous voir parodiés ?
Katsuni
*Une parodie aux Etats-Unis désigne toute adaptation d’un film existant et n’implique pas forcément le détournement par l’humour.
*La Porn Valley est le surnom donné à la San Fernando Valley au Nord de Los Angeles et où se tourne l’essentiel des productions porno américaines.
*Scènes hards sans scénario, filmée caméra à la main , valorisant la performance sexuelle et l’interaction entre les acteurs/ices. Souvent accusées de représenter une “dérive “ du porno ou assimilé a du X amateur. Représente toujours aujourd’hui l’essentiel du marché de la vidéo porno.
*Grauman’s Chinese Theater : salle de cinéma emblématique où ont lieu toutes les grandes avant-premières des productions hollywoodiennes.
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