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La sexcam est un univers à part de la culture porn. Pour aborder ce sujet, vous pouvez en faire un reportage à sensation pour la télévision et n’en tirer qu’un portrait flippant ou vous pouvez sortir un documentaire en prenant le temps d’en tirer sa subtile richesse. Le réalisateur Sean Dunne en abordant ce sujet dans CamGirlz avait apporté un premier éclairage à travers la vie de modèles indépendantes, c’est au tour maintenant de Carmina et de Fred W. Dewitt avec Les amateurs professionnels d’apporter une nouvelle pierre à l’édifice de la culture cam.
Divisé en quatre volets (La découverte / Le salaire / Les spectateurs / Le pouvoir), ce feuilleton suit Carmina (que vous connaissez pour ses articles sur le Tag Partait ou à travers son blog Le cul entre deux chaises) dans ses interventions sur le métier de modèle webcam et avec les rencontres de Jérémie (camboy), Vex Ashley (modèle, performeuse),Flore Cherry (journaliste à Union), Stephen (consultant, c’est moi coucou), Nikki Night (coach pour Cam4), Florent Rupper (dessinateur), Ludivine (chercheuse doctorante), Ovidie (réalisatrice) et Florence Rivières (autrice).
La sexcam n’est pas un simple service qui se contenterait de diffuser du porno dans un but masturbatoire, c’est avant tout un lieu d’échange où le lien social est aussi important que la nudité. Ces interactions donnent à la webcam ses codes et ses valeurs, une richesse qui permet à cette petite caméra d’être vue comme un support d’émancipation pour les modèles qui se réapproprient leur corps contre des tokens.
Les amateurs professionnels est disponible uniquement sur le site de la Revue Far Ouest (média indépendant sous forme de séries vidéos) pour la modique somme de 3 euros. Résolument positif, on ne peut que vous conseiller de le voir.
Un algorithme peut-il être capable de créer du « look a like porn » ? Oui, à en lire Motherboard Vice, qui nous apprend qu’une intelligence artificielle est parvenue à superposer le visage de l’actrice Gal Gadot (alias Wonder Woman) sur celui d’une pornstar. Inquiétant délire.
Quand le deep learning rencontre le « fake porn »C’est sur le forum Reddit que tout cela se passe. L’extrait d’un POV tout ce qu’il y a de plus basique, sombre histoire de beau frère issue du site pour adultes Step Siblings Caught (Nubiles) et diffusé sur la plateforme SendVid nous dévoile la face d’une Gal Gadot plus vraie que nature…incrustée sur le corps d’une actrice pornographique. Une fantaisie geek comme tant d’autres : Internet regorge de « fake » et autres photoshopages bien dégueux et dégradants (Emma Watson en sait quelque chose). Sauf que cette transmutation a été créée par le biais d’un algorithme disponible en open source, exploitant et confrontant des données (vidéos et photos) afin d’engendrer un résultat saisissant de réalisme. Soit un outil d’apprentissage automatique (machine learning) similaire à des applis facilement trouvables sur la Toile – celles d’Adobe, TensorFlow ou Face2Face. Ce qui nous amène dans un concept beaucoup plus réel que la simple idée de Fuxtaposition ou les selfies SFW en réalité augmentée des filtres de mélange de visages proposés par Snapchat ou Instagram.
Responsable du montage, l’internaute deepfakes s’est également plu à intégrer au sein de scènes hardcore les visages de Scarlett Johansson, Taylor Swift, Aubrey Plaza et Maisie Williams. Sa technique ? Le deep learning, méthode d’apprentissage et d’assimilation des formes et du langage par un programme informatique. A l’image de Siri par exemple, qui reconnaît notre voix. Pour compiler les visages d’actrices, le Redditer s’est servi de de Google Images, YouTube et Shutterstock. On entend le caractère malsain de la chose : violer le consentement et l’intimité d’une actrice, détériorer son image publique, inciter au slut shaming, la triturer comme un gif. Mais cet « Internet is for porn » nous concerne tout autant : et si n’importe quel gus était capable d’insérer notre visage dans une vidéo X ?
« Les risques de revenge porn sont considérables »Capture d’écran SendVids
« L’aisance avec laquelle il est possible de faire cela est effrayante » déclare Alex Champandard. Ce chercheur en intelligence artificielle nous rappelle que « 24 milliards de selfies [ont été] dénombrés sur Google Photos entre 2015 et 2016« . De quoi constituer une database aisément exploitable, propice à d’indénombrables et malveillants face-swap (échange de visages). Interrogée par The Verge, l’experte en sexualité Kate Devlin tire la sonnette d’alarme : « les risques de fake news et de revenge porn sont considérables« . Champandard, lui, parle carrément d’une nouvelle forme de « propagande » permise par l’intelligence artificielle. Derrière la paranoïa, Motherboard tient à relativiser les choses. Les montages de deepfakes ne sont pas parfaits. Il arrive que le visage se déforme et vire de traviole. On est loin d’une Carrie Fisher ou d’un Paul Walker numériques. N’empêche, les faits sont là. Les liaisons entre nouvelles technologies et porno sont parfois excitantes, parfois dangereuses. Reste à savoir jusqu’où s’étendra cette lubie du fake ultraperfectionné…
J’étais l’autre jour en sociabilité, et une amie me vantait la qualité de la chanson issue du nouvel album d’Orelsan, Basique.
Elle disait ne pas vouloir s’intéresser à l’œuvre d’Orelsan au départ, dans la mesure où, étant restée sur la polémique Sale Pute (qui date de 2009 – il a quand même fait 3 albums depuis…), elle en avait l’image d’un connard misogyne. En un sens, elle n’a pas forcément tort, mais d’un autre côté, j’admire perso sa qualité d’écriture qui surpasse tout jugement moral qu’on puisse faire sur sa personne.
Dans le même temps, cette même amie évoquait le cas de Michel Sardou, à qui elle reprochait peu ou prou des propos de la même veine. Je lui ai donc expliqué que Michel Sardou était dans une démarche tout à fait différente : comédien de formation et d’ascendance, il a bâti sa carrière sur le fait d’interpréter des personnages pour dire des choses qui pouvaient le dépasser. J’en avais fait un article à l’époque d’ailleurs.
***
Avec les différents scandales qui émanent dans les milieux des arts et du show-business en cette fin 2017, je me suis posé les deux questions suivantes : L’art dit-il la vérité sur l’artiste ? Comment, par conséquent, séparer l’artiste de son art, si on peut lui accoler le même discours que celui développé dans son œuvre ?
Il est en effet de plus en plus nécessaire que les sociétés humaines séparent les artistes de leur art. Non seulement en arrêtant de mettre des artistes sur un piédestal au jugé de leur art, mais surtout en osant questionner l’artiste sur son rapport au monde en dehors de son activité artistique.
C’est ce qui permettrait qu’on arrête de coller des étiquettes à certains artistes (et ainsi qu’on arrête de passer à côté d’œuvres complexes et riches), mais aussi qu’on arrête de tomber des nues et de trouver des justifications à la con dès lors qu’on observe un artiste abuser de sa position pour commettre des crimes.
Car si les arts sont un mode d’expression de la plus grande des beautés, ils ne confèrent pas forcément aux artistes et aux créateurs une légitimité de parole plus importante que la plupart de leurs contemporains, au même titre que les journalistes ou les politiques. Pourtant, il est compliqué de faire comprendre aux masses humaines que ce n’est pas parce que leurs actions les ont mené vers la notoriété que ces personnes en perdent le statut d’humain pour acquérir celui de dieu vivant.
De surcroît, avec le recul et l’influence que peut avoir une analyse de son œuvre à la moulinette de la notoriété, un artiste en arrive à refabriquer sa vérité par rapport à son rapport à l’œuvre. C’est le cas de beaucoup d’artistes, notamment quand leur œuvre est récupérée à des fins politiques ou sociétales (John Lennon le premier en a pas mal souffert). Cela veut-il dire qu’à partir du moment où le public s’est approprié une œuvre, elle n’appartient plus à son créateur au point qu’il n’ait plus de droit de regard dessus ? Je ne pense pas qu’il faille aller jusqu’à une telle extrémité.
Quoi qu’il en soit, l’artiste a toujours quelque chose à dire sur son œuvre, que ce soit sa vision du monde ou une forme de prise de recul sur un sujet où il n’a pas forcément d’avis au départ. Le tout est de ne jamais prendre pour argent comptant cette vision de l’artiste. Il se peut qu’il ait aussi envie de troller son public et de s’accorder une pudeur somme toute légitime sur son œuvre.
À titre personnel, je pense que le mécanisme qui vient à penser que l’artiste dit textuellement son point de vue dans son œuvre est le même qui fait que les masses populaires le propulsent sur un piédestal ou plus bas que terre. Il me semble, dès lors, que l’art doit être simplement réduit au rang de mode d’expression quotidien comme la parole ou l’écrit. Par conséquent, il est de notre devoir commun d’une part, séparer l’artiste de son œuvre, et d’autre part, de questionner davantage les artistes sur leurs motivations réelles.
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Relire le Bouillon de Kub’Ture #2 : Arthur prend-t-il le public rock pour des ados attardés ?
Relire le Bouillon de Kub’Ture #3 : Un ministère de la Culture est-il toujours nécessaire ?
Relire le Bouillon de Kub’Ture #4 : La question du goût
Relire le Bouillon de Kub’Ture #5 : Radiohead et le mythe de l’âge d’or
Relire le Bouillon de Kub’Ture #6 : Bécherel, petit paradis
Relire le Bouillon de Kub’Ture #7 : Un artiste a-t-il le droit d’évoluer ?
Relire le Bouillon de Kub’Ture #8 : L’émancipation de la Muse
Relire le Bouillon de Kub’Ture #9 : Sociabilité et attentes culturelles
Relire le Bouillon de Kub’Ture #10 : Le masque que nous portons
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J’aime bien les croiser, les gens du matin. Souvent, ils rient. Ça me rappelle moi et ma bande de copines.
On est si souvent rentrées à l’heure où la journée des autres commencent, que ce soit les jours de semaine ou les jours de weekends. On est si souvent rentrées le lendemain matin. Ça ne m’arrive plus si souvent de rentrer après 8h.
Mais souvent je les croise. Celles et ceux qui rentrent. C’est l’heure à laquelle je pars au marché ou au yoga le samedi. Des fois c’est l’heure à laquelle je rentre du running (j’ai tant vieilli changé) ou le dimanche vers 9h30. C’est vraiment très tard pour rentrer d’une soirée.
J’avais l’habitude de répondre à ma mère qui me demandait si j’étais rentrée tard et que j’était rentrée tôt dans le matin. Elle retenait juste rentrée tôt, alors ça allait. Passé 9h, c’est même plus tôt dans le matin. C’est rentrer le lendemain.
Il n’y a jamais de doute. Tu ne peux pas les confondre avec ceux qui commencent leur journée. À cause de leurs rires souvent. À cause de leurs sourires surtout. Ils ou elles sont parfois seul•e•s, parfois en bande. Ce sont les gens du matin.
Les chemises mal boutonnées, les collants filés et les éclats de rire traduisent l’intensité de la soirée. Les visages portent les stigmates de la soirée, les vibrations de la musique, les traces de l’alcool. Ce qui reste de rouge sur les lèvres des filles traduisent les baisers volés ou non, la magie d’un bouche-à-bouche.
Et je les croise au début de ma journée et je les envie de n’être pas encore couchées. Leurs yeux pétillent des rencontres, scintillent de la folie de la nuit qui vient de s’écouler.
Des fois, quand elle sont seules, je me reconnais. Encore maintenant, ça arrive. Elles marchent seules dans la rue. Elles rentrent. Elles sourient. Elles viennent de quitter une chambre, un lit qui n’était pas le leur.
Elles viennent de quitter les bras d’un ou d’une autre. La surprise de l’amant(e) inconnu(e), celui ou celle rencontré•e au cours de la soirée, ou le date Tinder qui a fini en boîte de nuit puis petit-à-petit chez elle ou chez lui.
J’aime l’insouciance des gens du matin, j’aime croiser leur regard qui me raconte la folie de leur nuit. Et surtout, ce que j’aime le plus chez les gens du matin, c’est quand ils rient.
(cc) Ken Hawkins
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Ce matin, je lisais le dernier numéro du magazine Paulette, hyper bien fait, dont le thème est l’ivresse de vivre. Les articles font référence à cette génération, dite Y, ou encore les Millennials.
Ma génération, celle qui est née avec le chômage et Internet, celle qui crée son propre emploi, celle qui essaye de trouver sa place, celle qui vit avec la possibilité d’un attentat à chaque verre en terrasse.
J’aime faire partie de cette génération. J’aime cet entre-deux dans lequel nous sommes, à chercher notre place tout le temps. C’est peut-être mon remède à la routine, mon remède à l’ennui.
Un des articles fait référence à cette génération qui s’enivre, qui se came, qui cherche le temps d’une nuit, le temps d’une soirée à flotter dans un autre monde. Alors ça m’a rappelé une période de mon passé pas si lointain, et j’ai eu envie de le raconter ici.
Je n’en ai quasi jamais parlé. À peine à une ou deux personnes. Pas des très proches. Je ne sais pas si c’est parce que je n’assume pas ou parce que j’ai peur qu’on me juge. Ceux qui savent l’ont fait, me juger. L’espace d’un instant, leur regard sur moi a changé. Ça s’est vu, un léger blanc, une ombre sur le regard et le cerveau qui se demande si c’est bien vrai.
Ça semble ne pas coller avec moi et pourtant si, tellement. C’est tellement moi, ce côté borderline, que je cache, derrière mon métier, derrière ma bouille ronde, derrière ces cheveux d’ange.
Je me souviens très bien la première fois. Jusque là, j’étais un peu naïve. Je pensais pas que ça se trouvait si facilement, cette poudre blanche. Que c’était si répandu autour de nous. J’ignorais son goût, sa texture, son effet, son odeur. J’ignorais ses pouvoirs.
La première fois, c’était juste pour un délire. Du champagne, des fraises, de la coke, une nuit entière de sexe. Parce que j’appris à cette occasion que cela permet une endurance pour les hommes assez incroyable.
Le truc qui m’a frappé pour cette première expérience, c’est cette impression que mon thorax était trop petit pour mes poumons.
J’ai tout ressenti puissance mille, chaque respiration, chaque caresse, chaque once de désir, chaque orgasme.
Et puis il y a eu une longue période où cette poudre blanche a redisparu de ma vie. Puis je ne sais pas comment elle est revenue à la maison. Occasionnellement d’abord, sans que je m’en rende vraiment compte. Au début à mon insu, puis les gestes ne trompent pas. Ceux qui consomment sont plein de tocs, se trahissent.
J’y ai regoûté. J’ai apprécié. Tout est prétexte à un rail. Une dure journée, une grosse soirée à venir. Parce que la coke empêche d’être complètement ivre, parce que la coke te permet de te coucher à 8 h du matin sans problème et sans trop de gueule de bois. Parce que la descente est moins violente qu’avec les autres et même qu’avec l’alcool.
C’est occasionnel, juste pour les vraiment très grosses soirées. Puis ça devient aussi nécessaire pour les grosses soirées, puis juste pour les soirées normales. Et puis pourquoi pas la journée, aussi, histoire de rendre l’existence plus douce. Tu t’en rends compte quand tous tes tickets de CB sont roulés, que des cartes de fidélité jonchent le bar, la table basse, la table de nuit.
Tu t’en rends compte quand tu angoisses à l’idée d’une soirée sans. Comment tu vas gérer la fatigue, comment tu vas gérer l’alcool. C’est ce qui m’a alerté. Le fait d’avoir besoin de savoir s’il y en aura pour la soirée à venir. Ne pas avoir envie de sortir s’il y en a pas.
J’ai décidé ce jour-là que c’était la dernière fois. L’étape suivante aurait été le quotidien, le travail et puis la dépendance. La coke a cette subtilité. La dépendance n’est pas physique, la dépendance se crée du fait de sentiment de puissance qu’elle impose. Elle vous rend résistant. À la fatigue, au stress, à l’alcool, à la dure réalité.
J’ai décidé que je ne voulais plus en voir chez nous. J’ai décidé que je n’en prendrais plus. J’ai testé, j’ai aimé, j’ai vu le danger. Le danger est trop grand, j’ai trop aimé ça pour prendre le risque d’y retourner.
(cc) Elad Rahmin
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Je ne peux cesser de penser à toi tellement tu es belle.
J’adore tes défauts et ta perfection. Ce petit nez trop étroit, presque inutile, me rappelle à quel point le mien peut être gros et bosselé. Tes sourcils épais et si joliment dessinés, ordonnés marquent un visage jeune de plusieurs décennies. Cette jeunesse des années qui passent et l’inexactitude de tes traits, pour moi, tu es trop belle.
Un regard songeur, celui d’une toile vieillie par le temps immobile d’un musée. Des couleurs peu distinctes, effacées peut être, rendent difficile leur lecture. Noirs ? Bruns ? Bleu profond ou bien verts ? On ne sait pas, ils brillent et puis voilà. Ils ne sont même pas identiques un plus petit que l’autre, en voilà un gros défaut ; tu es trop belle.
Tu me vois te regarder et parcourir tous les traits de ton visage. Ta bouche parfaite ne sait faire que des sourires en coin… Des lèvres sans maquillage et d’un rouge gourmandise donnent envie d’un délice sucré. Elles sont salées ?! Qu’à cela ne tienne ! Tu es trop belle.
Tu essayes de nous laisser apparaître ta plus moche grimace, triste, tordue. Ainsi tes dents parfaites se révèlent parfaitement de travers. Des canines qui avancent légèrement, un blanc surprenant et éblouissant, même triste, tu es trop belle.
Ton pire défaut est certainement de n’être jamais triste finalement. Tu éclates de joie juste pour énerver ton entourage, comme nous, comme moi. Un rire fracassant de bonheur avec lequel tu vrilles le cerveau des plus fragiles. Tu enivres, tu éblouies, tu ris, tu énerves, tu es trop belle.
Même ton corps vieilli est insupportable. Des petits seins, une taille de guêpe, des hanches de feu, tout te va. D’ailleurs, dans les yeux d’un autre, ta poitrine serait trop opulente. Et bien que jamais attiré par une guêpe (que je fuirais d’ailleurs), tu es trop belle.
Parlons de ces jambes presque trop longues : infinies, équilibrées, à peine arquées…. crois-tu que c’est beau au point de les dévoiler toute l’année ? Moi oui… On les imagine oppressantes, nous ceinturant la taille pour ne plus que l’on bouge…
Les idées se battent dans ma tête pour se débattre de folles images, et tu es trop belle.
En jean ou en tailleur, en jupe ou robe, courte ou longue, pull en laine ou débardeur, blonde rousse noire ou brune, de petits ou grands yeux verts, bleus, noisette, vairons, de petits seins fermes ou gros qui pendent en poire pomme ou au plat, un long cou, de grandes jambes fines, un petit cou sur des épaules frêles, des cuisses musclées ou grassouillettes, le pied grecque ou le pied bot, le nez grecque ou l’égyptien de Cléopâtre, des taches de rousseur, les cheveux longs ou courts, crépus ou lisses, de jolies hanches ou des hanches joliment arrondies, larges ou étroites, pourvues d’un derrière de déesse au fil des temps, un léger cheveu sur la langue, des lèvres fines ou plus épaisses, qui dessinent une grande bouche ou un sourire discret, avec ta peau trop blanche, mate, ou noire, petite, grande, géante, fine, obèse, avec ton rire de crécelle ou ta voix de sirène, toi, femme, tu es trop belle.
Qui que tu sois, tu es trop belle. Qui que tu sois, tu es fascinante.
Amie, petite amie, maîtresse, épouse, fille, mère, grand mère, sœur, tante, patronne, ouvrière, voisine, passante, tu es trop belle.
Je dois l’avouer, j’aime la femme !
(« Femmes, je vous aime » était déjà pris)
(cc) adriana serra
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Les “limericks” –surnommés «haiku irlandais»– sont des poèmes lubriques en 5 lignes qui parlent généralement d’une femme mais quelle femme ! Ce sont les versions épouvantablement paillardes des berceuses pour enfant, c’est-à-dire qu’ils ne veulent rien dire… En tout cas, rien sans rougir.
Un soir de 1944, dans un bar d’officier en Angleterre, Bernard Citroën (le fils aîné d’André), qui était alors pilote dans la Royal Air Force, eut le malheur de citer une contrepèterie que son interlocuteur –un commandant anglais– ne parvint pas à décrypter. Vexé, furieux, l’Anglais «se lança dans un grand discours, me disant que chaque langue avait son génie, que l’anglais avait le génie du limerick, qu’un ancien élève d’Oxford ou de Cambridge se croirait déshonoré si au cours de son existence il ne pondait pas cinq ou six nouveaux limericks. Très excité par ses propres paroles, il déclara soudain qu’il défiait le meilleur écrivain ou poète de mon pays d’écrire en français un limerick acceptable.» Le lieutenant Citroën relève le défi (1). L’enjeu du pari est un double whisky. Il le gagne avec un (et un seul) limerick, intitulé «La belle Charlotte» :
Native de Vic-en-Badoit,
A la fête comme il se doit
S’en va la gentille Charlotte.
Sous sa robe point de culotte :
Qui te l’a dit ? Mon petit doigt.
Alice à Zanzibar
Dans Alice à Zanzibar, une anthologie de 226 limericks inédits écrits en français et 12 limericks traduits de l’anglais, l’écrivain Jacques Barbaut relève à son tour le défi. Ses limericks passent sans fard de Dolto à Cybelle et de Coco à Pamela, au fil de très suspectes galipettes verbales : tout cela n’a ni queue ni tête. Mais quel délice de vers licencieux !
Cette sapeure-pompière appelée Josiane
Remédiait à toutes les pannes
En tant que femme-fontaine
Elle n’avait aucune peine
A ouvrir en grand les vannes
Ou encore
Cette putain venue d’Hendaye
Avait tatoué ses tarifs autour de sa taille
Et pour le confort des sans-vue
Sur les reins et sur le cul
Elle s’était scarifiée en braille
Noblesse oblige : le limerick comme exercice philosophique
Dans une postface qui brosse l’historique du genre en France, Jacques Barbaut avance la théorie suivante : cette forme poétique est si contraignante qu’elle touche au métaphysique. Pour le dire plus clairement : il s’agit d’un quintil, (poème de 5 lignes et 2 rimes) qui doit obligatoirement mentionner un nom propre et chuter sur du salace. Il semblerait que ce genre, très prisé outre-manche, ait fait la joie des repas de noces : on portait le toast avec un limerick, histoire de mettre en train les mariés. De même, l’entrée dans un club se fêtait en levant le verre sur quelques vers bien troussés. Aucun gentleman ne se serait cru digne de porter ce nom sans avoir fait rimer deux mots grotesques avec une cochonnerie. Raison pour laquelle, en France, ceux qui s’intéressent au genre sont tous passionnés de non-sens.
Les «prolongements ontologiques et métaphysiques» du limerick ?
Jean-Claude Carrière, par exemple : «homme de cinéma et de théâtre, scénariste, acteur, adaptateur, conteur, auteur de Les Mots et la Chose, sous-titré Le Grand Livre des petits mots inconvenants, et d’un Dictionnaire de la bêtise et des erreurs de jugement, ou le Livre des bizarres», décrit le limerick comme un poème qui «dit quelque chose d’absurde, où il y a toujours un personnage qu’il faut nommer, avec des détails obscènes. C’est très anglais, voire irlandais, et longtemps réputé intraduisible, inadaptable.» Pour Jean-Claude Carrière «les prolongements ontologiques» du limerick sont «si nombreux», qu’il affirme ne point pouvoir les énumérer. Ces scabreuses fantaisies, de fait, inspirent un nombre considérable d’ouvrages érudits qui font remonter leur origine à l’antiquité gréco-latine et qui soulignent leurs affinités avec les nursery rhymes, les comptines d’enfant, couplets à bouts rimés, dont les conclusions nonsensiques ne sont pas sans rappeler aussi des fatrasies d’Arras.
«Querelles des dactyles et des anapestes»
L’Oulipo, en la personne de Luc Étienne (1908-1984), ne pouvait que s’intéresser aux limericks car il y a du génie dans ces poèmes basés sur l’incongruité. L’année de sa mort, donc, Luc Etienne publie 19 poèmes de cul en forme de révérence : ce professeur de mathématiques-physique était Régent de fondation du Collège de Pataphysique (dont il fut notamment nommé Chef de travaux pratiques de Versification Holorime et Bouts Rimés) et tint au Canard enchaîné la rubrique de contrepèteries «Sur l’album de la Comtesse» de 1957 à 1984 (soit pendant 28 ans). «Auteur notamment de La Méthode à Mimile, ou l’Argot sans peine (qu’il cosigne avec Alphonse Boudard en 1970), […] acousticien et musicien, inventeur du palindrome syllabique ou phonétique, dont il laissa quelques enregistrements», Luc Etienne écrivit donc lui aussi des limericks, accompagnant leur publication de quelques mots d’excuse : «leur insolente puérilité, leur paillardise épouvantable [...] les effroyables qualités qui m’ont séduit dans ce genre détestable [...] ces misérables productions, que je vous ai communiquées dans un moment d’aberration...»
«Limerick is the dirtiest thing»
Il fallait que la mémoire de Luc Etienne soit célébrée. Jacques Barbaut s’y emploie, qui reprend le flambeau, en signant à son tour de splendides «à-peu-près phonétiques» avec une euphorie contagieuse. A le lire, on se prend au jeu. C’est une poésie transmissible, porteuse de mots qui donnent la fièvre. Dans la postface de son ouvrage, toute remplie de citations jouissives, Jacques Barbaut compare cette magie à celle des murs de pissotières où les dessins laissés par des inconnus suscitent l’inspiration de visiteurs qui y rajoutent des détails ou des commentaires : le graffiti vire au cadavre exquis. Chacun devient poète à son tour, participe, ajoute sa rime ou son numéro… C’est d’ailleurs comme une maladie que Jacques Barbaut a pris le virus : en 2008, alors qu’il se promenait dans le XIXe arrondissement, avisant par hasard un livre abandonné sur un banc il l’ouvrit. L’introduction disait : «Le limerick est la chose la plus sale qui se soit passée, parmi les formes littéraires anciennes, depuis les graffitis qui furent trouvés à Pompéi.»
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«Il existe trois sortes de limericks : les premiers sont les limericks que l’on peut dire devant les dames, les deuxièmes sont ceux que l’on peut dire devant les dames et les hommes d’Église, les troisièmes étant les limericks.»
A LIRE : Alice à Zanzibar, Jacques Barbaut, éditions Aethalides. Collection Freaks, 12 €.
NOTE (1) La conjuration de Javel, récit autobiographique de Bernard Citroën, nouvelles éditions latines, 1996.