34713 éléments (3171 non lus) dans 75 canaux
Notre sexothérapeute, Frédérique Hédon, apporte sa réponse.
Tout d’abord, je tiens à vous féliciter pour vos bons réflexes. Faire le point avec son médecin sans attendre est une très bonne démarche.
Maintenant que vous avez au moins la certitude qu’il ne s’agit pas d’une lésion vaginale ou vulvaire, ni d’une lésion des organes internes, il va falloir comprendre pourquoi la douleur persiste.
Plusieurs explications sont possibles !
Une femme peut ressentir une douleur lors de la pénétration si elle a, ce jour-là, une sensibilité exagérée d’un organe interne. Cela peut être le cas avec l’ovaire lors de la période d’ovulation, par exemple, ou avec l’intestin lorsqu’il y a constipation ou irritation digestive. La douleur ressentie est considérée comme une douleur sexuelle, puisqu’elle se produit au cours de la pénétration, surtout si celle-ci est profonde.
Il se peut aussi que les rapports sexuels aient lieu vers de la période des règles, juste avant ou juste après. Un saignement temporaire sans gravité peut apparaître, ce qui inquiète encore plus. C’est cette crainte d’avoir quelque chose de grave, mais aussi la peur d’avoir mal, qui...Lire la suite sur Union
Cet article Pourquoi ces douleurs vaginales au moment de la pénétration ? est apparu en premier sur Union.
Dans nos imaginaires, le plaisir sexuel et l'orgasme féminin semblent indissociables d'un flot de vocalises tapageuses. Mais peut-on kiffer au lit sans faire de bruit ?
Cet article Jouir en silence, c’est possible ? est apparu en premier sur madmoiZelle.com.
Netflix sort un manuel d’éducation sexuelle à l’occasion de la sortie de la saison 2 de Sex Education. On avait adoré la première saison de Sex Education sur Netflix, cette série qui met en scène de jeunes adultes en pleine découverte de leur sexualité à travers des flirts amoureux et de grandes histoires de cœur. […]
Cet article Netflix sort son petit manuel “Sex Education” est apparu en premier sur Desculottées.
Textes parus sur Sisyphe en janvier.
- Fil de presse & infolettre mensuelleQueen Camille t'a concocté une box madmoiZelle de février qui réchauffe, évidemment autour de l'amuuur, de la sensualité, et plus si affinités.
Cet article Dernier jour pour commander ta box madmoiZelle très hot, signée Queen Camille ! est apparu en premier sur madmoiZelle.com.
Donner du plaisir à un autre être humain, ce n'est pas inné. Parce que la télépathie n'est toujours pas d'actu, guider son partenaire est indispensable. Alors pour bien niquer, communiquons !
Cet article Comment guider son partenaire pendant le sexe ? est apparu en premier sur madmoiZelle.com.
Au terme d’un procès fleuve, la Cour Suprême de San Diego (Californie) vient de condamner GirlsDoPorn à verser 12.7 millions de dollars à 22 plaignantes. Le site pour adultes est reconnu coupable, entre autres, de mensonges, de violation du droit à l’image et de trafic sexuel en bande-organisée. Michael Pratt, l’un des accusés et propriétaire du studio, reste introuvable.
Quatre mois de procès, vingt-deux plaignantes, 187 pages de jugement final et 12.7 millions de dollars de dommages et intérêts. Sans oublier une image de l’industrie pornographique sérieusement écornée auprès du grand public américain. Résumé à gros traits, le dossier GirlsDoPorn, c’est ça. « Elles [les victimes] sont satisfaites du verdict car cela montre qu’elles ont été crues, que leur histoire a été entendue », déclare Ed Chapin, avocat des plaignantes, dans les colonnes du New-York Times.
Petit retour en arrière. GirlsDoPorn, c’est une histoire de tromperie et de manipulation, avec pour acteurs principaux Michael Pratt, propriétaire du label, son associé le vidéaste Matthew Wolfe et le performer Andre Garcia. Les trois hommes ont produit, puis diffusé, des vidéos pornos mettant en scène des jeunes femmes présentées comme « amatrices », des « girl next door ». Le hic ? Les séquences, dont les actrices sont convaincues par la production qu’elles ne seront achetées que par des collectionneurs privés résidant en Nouvelle-Zélande et en Australie, sont diffusées à leur insu sur la Toile. Dont la chaîne Pornhub de la production, aujourd’hui désactivée.
GirlsDoPorn continues to recruit amateur models via Craigslist without disclosing its videos are published online despite an ongoing civil trial over its recruitment practices, an employee testified Wednesday. https://t.co/IzmSC9me2v @BiancaDBruno pic.twitter.com/ZbVs16qILQ
— Courthouse News (@CourthouseNews) October 3, 2019
C’est que la combine GirlsDoPorn est pensée dès le départ comme un traquenard. Les victimes étaient recrutées via des fausses annonces de mannequinat, publiées sur Craigslist, puis redirigées sur des sites écrans. A aucun moment le caractère pornographique du shooting n’est évoqué. La production pousse même le vice jusqu’à payer des femmes se présentant comme des « références », d’anciens modèles, garantissant aux futures victimes une expérience sans risque. Une fois arrivées sur place, à San Diego, les malheureuses se retrouvent dans une chambre d’hôtel. 5 000 $ leur sont proposés pour une scène de sexe censée n’être vue que par un public restreint. Tout est mis en œuvre pour gagner leur confiance et leur faire signer le contrat, quitte à les faire boire, fumer de la marijuana voir user de moyens coercitifs. A la barre, Theodore Gyi, un des cameramen de la production, affirme avoir menti aux jeunes femmes quant au mode de diffusion des vidéos. Comble du sordide, les filles sont souvent moins payées que prévu, et affirment avoir été agressées sexuellement par l’acteur Andre Garcia.
Les conséquences après diffusion sont évidemment dévastatrices pour les victimes. Stress, réputations détruites, envies suicidaires, perte d’emploi humiliation voir rejet de leur famille. Celles qui ont le courage de s’opposer à GirlsDoPorn voient leurs coordonnées personnelles balancées sur le tristement célèbre mais aujourd’hui disparu PornWikileaks. Des mails contenant un lien vers leur vidéo sont envoyés à leurs proches ou sur leur lieu de travail. Le slut-shaming fait son œuvre et réduit au silence. A la barre, une des victimes surnommée « Jane-Doe 1 » raconte qu’elle était étudiante en droit au moment des faits. « J’ai voulu me suicider quand ma vidéo a été rendue publique. J’ai essayé de déménager, d’aller dans des endroits où personne ne me connaissait, mais ça me suit partout. » Si 22 plaignantes se sont présentées devant la Cour Suprême de San Diego, le nombre réel de victimes dépasserait la centaine. Pire : Pratt est aussi accusé de pédopornographie et d’exploitation sexuelle d’enfants après avoir engagé une mineure de 16 ans pour l’une des vidéos.
Si aujourd’hui le juge Kevin Enright a reconnu que le caractère délictuel des pratiques de GirlsDoPorn (infraction du droit à l’image, contrats illégaux, etc.), reste que Michael Pratt demeure introuvable. Il est activement recherché par le FBI. Outre la condamnation financière, le site a désormais obligation de préciser le caractère pornographique de ses castings, et de faire retirer les vidéos hébergées sur les sites qu’il ne contrôle pas. Les prévenus ont jusqu’au 17 janvier pour faire appel de ce jugement.
A partir de quel moment le regard posé sur vous porte-t-il atteinte à votre intégrité ? Venu des Etats-Unis, le concept de «eye rape» gagne l’Europe. Pourra-t-on bientôt porter plainte contre un regard jugé insistant, dégradant ou non-désiré ?
14 juin 2019, Genève. Lors d’une grande marche pour les droits des femmes, une cohorte d’adolescentes se met à scander un slogan –«Ne nous regardez pas !»–, en faisant tout ce qu’elle peut pour attirer l’attention. Longeant la terrasse d’un café où des gens sont paisiblement attablés, elles redoublent d’énergie –«Ne nous regardez pas !» Fusillant du regard les hommes (héberlués) devant qui elles passent, elles leur intiment l’ordre de détourner les yeux, comme si le fait d’être vues portait atteinte à leur personne. Le spectacle est absurde mais significatif : partant du principe que le «regard masculin» (male gaze) est par essence celui d’un prédateur –un regard qui vous déshabille–, certaines femmes l’assimilent à une forme insupportable de domination.
Faut-il mettre le regard dans la liste des «violences» ?
On pourrait s’en moquer ou s’en inquiéter, au choix. Le fait est que, d’année en année, les sensibilités s’exacerbent. Ce qui nous semblait normal il y a 30 ans devient maintenant scandaleux, au point que –portant un regard rétrospectif sur notre propre vie– nous en venons à nous étonner d’avoir subi sans broncher (et sans séquelles) des traitements qui relèvent désormais du pénal. A l’époque, ce n’était pas bien grave. Maintenant, c’est une «violence». Dans un article passionnant – «Histoire de la violence sexuelle, histoire de la personne» (publié dans l’ouvrage collectif Intimités en danger), l’historien Georges Vigarello dresse le même constat : le concept de violence ne cesse d’être ajusté, au fil de remaniements juridiques qui traduisent le souci croissant, presque schizophrénique, de protéger la liberté individuelle. Mais jusqu’où ce souci peut-il mener ?
Une relation sexuelle obtenue par tromperie
Prenons deux cas de viol similaires, dit-il. En 1828, la cour de Besançon doit juger le nommé Gaume qui, profitant du sommeil de la «femme Fallard» s’est fait passer de nuit pour son mari afin de consommer «l’acte du mariage». Il est démasqué et dénoncé au matin. S’agit-il d’un viol ? Les juges admettent que la femme a été abusée, mais refusent de reconnaître Gaume coupable car il n’a pas fait usage de la force. «L’erreur ou le défaut de consentement n’a pas été accompagnée de violence». Presque trente plus tard, rebelote. En 1857, la cour de cassation doit juger un certain Dubas qui s’est introduit de nuit dans le lit d’une femme, à Nancy, en se faisant passer pour son mari… obtenant d’elle tout ce qu’il veut, jusqu’à ce qu’elle comprenne l’erreur, crie, se débatte et porte plainte. Cette fois, les juges tranchent en faveur du viol, «attendu que ce crime consiste dans le fait d’abuser d’une personne contre sa volonté».
Quel changement entre les deux jugements ?
En 1828, les juges définissent le viol comme une relation sexuelle accompagnée de violence physique. En 1857, les juges inventent la notion de violence morale qu’ils définissent comme un moyen d’atteindre son but «en dehors de la volonté de la victime». L’importance croissante accordée à la notion de liberté individuelle «conduit très vite, durant le siècle, à réinterroger l’effet des coercitions», explique Georges Vigarello qui cite le Dictionnaire Larousse de 1876 : «Il y a viol toutes les fois que le libre arbitre de la victime est aboli.» Il s’agit, en réaménageant la loi, de protéger le droit qu’ont les individus de disposer d’eux-mêmes. Nous l’avons bien intégré à notre système de valeurs : ce souci nous paraît normal. De la même manière, nous estimons parfaitement juste que la loi interdise à quiconque de nous toucher le sexe ou de nous embrasser les seins (sans permission). L’affaire Soraya, par exemple…
L’affaire du baiser volé
Tout le monde s’en rappelle. Le 14 octobre 2016, l’animateur Cyril Hanouna encourage son chroniqueur, Jean-Michel Maire à embrasser Soraya Riffy. Celle-ci refuse à deux reprises : «j’ai dit non». Cyril Hanouna lui demande «pour quel motif», comme s’il ne suffisait pas qu’elle n’ait pas envie. Elle bégaye une excuse, qui encourage Hanouna à insister lourdement. Jean-Michel Maire finit par se pencher sur elle, «juste un smack» (dit-il), et lui embrasse la poitrine alors qu’elle tend sa joue. En janvier 2018, Soraya Riffy porte plainte. Il s’avère que depuis 1992, en France, le délit de harcèlement sexuel punit «toute atteinte sexuelle [attouchements sur les fesses, les seins ou le sexe] commise avec violence, contrainte, menace ou surprise » (article 222-22 du Code pénal). Dans le cas de Soraya, le baiser a clairement été obtenu par surprise.
Tolérance zéro pour les abus
De ce «dérapage» télévisuel, beaucoup de spectateurs (hommes et femmes) s’offusquent. «L’accroissement de l’autonomie rend toujours plus intolérables nombre de comportements imposés sans partage, fondés sur une asymétrie relationnelle, transformant en inacceptables brutalités ce qui a pu longtemps être tacitement “accepté”. D’où la remise en cause radicale d’attitudes, de gestes, de comportements, de mots censés brutaliser la victime ou viser son humiliation, jusque-là plus ou moins tus ou vaguement endurés», commente Georges Vigarello. L’exigence est d’ailleurs si forte que, ces dernières années, la loi sur les agressions sexuelles n’a cessé d’être peaufinée, afin que soient interdits tous les abus, même les plus bénins (ou crétins, au choix). Depuis 2012, la définition du harcèlement sexuel s’est d’ailleurs à ce point élargie qu’elle inclut maintenant les notions dangereusement floues de «dignité» et d’«offense».
Que signifie se sentir «offensé-e» ?
«Le harcèlement sexuel est le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui, soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.» Problème : si un homme, sous couvert de me montrer ses photos de vacances, me laisse voir une photo de lui, nu, dois-je me sentir offensée ? Retournons le problème : si une femme a envie de mater et fréquente le club de gymn pour se régaler des culturistes, est-ce dégradant ? Pris au pied de la lettre, le texte de loi qui définit le harcèlement sexuel ouvre le champ à toutes les plaintes possibles, autorise tous les excès de victimisation. Il est d’ailleurs symptomatique que certaines app encouragent maintenant à dénoncer le «regard» comme une forme de harcèlement sexuel.
Regarder quelqu’un c’est lui «faire violence»
A Lausanne, depuis novembre 2019, une app permet de «signaler» à la police toutes les formes d’inconduite sexuelle, telles que : «sifflement», «remarque à caractère sexuel/sexiste», «bruitage, gestes obscènes», «frottement», et… au sommet de la liste, «regard insistant». Cela peut sembler légitime, bien sûr. Sur le site «Paye ta shnek», une contributrice raconte : «des collègues à mon beau-père souvent restent pas loin devant la maison à glander et dès que je passe il me fixe de haut en bas et même quand je me retourne je les regarde droit dans les yeux en mode énervé, ils continuent et c’est flippant…». Le regard, dans ces conditions, peut en effet être terrorisant. Mais est-il bon de le sanctionner juridiquement ? Ainsi que Georges Vigarello le souligne, cette «volonté de redéfinir tout acte d’abus et de domination en y introduisant la loi» fragilise plus qu’elle ne protège les individus. Elle témoigne en tout cas certainement d’une forme de panique collective face aux injonctions impossibles de notre société.
Etre «objectifié-e» = être une victime ?
La société exige que nous soyons des individus libres et autonomes, c’est-à-dire disposant de nous-mêmes. La propagande actuelle (qui sacralise la «liberté individuelle» sous la forme d’une liberté de choix réduite au consumérisme) nous encourage à dénoncer tout acte qui fait de nous des «objets» passifs et à condamner toute image qui montre l’humain comme «objet» de désir. Dans notre système de pensée, «objet», c’est mal. Seul le «sujet» est respectable. Le problème, c’est que nous ne pouvons pas tout contrôler dans la vie : impossible de forcer les gens à nous voir (percevoir) tels que nous souhaitons être vu-es (jugé-es). Que faire si untel a de moi une image qui ne correspond pas à celle que j’aimerais donner ? Porter plainte pour «atteinte» à ma volonté ?
Jusqu’où peut aller le rejet des «emprises» ?
Jusqu’où peuvent aller ces lois qui répriment, avec toujours plus de finesse, toutes ces choses qui nous font «violence» dès lors qu’elles n’ont pas été choisies par nous ? Tout en insistant sur la légitimité de lois qui protègent les individus, Georges Vigarello dénonce le fait que ces lois ne soient jamais que les miroirs déformants de nos obsessions. En Occident, nous sommes obsédés par l’idée d’exercer notre pouvoir de décision. Nous voulons tout décider : notre apparence, notre corps, notre image, notre destin et même les contenus auxquels nous sommes exposés (voire la vogue des «signalements » en ligne, permettant de faire supprimer tous «les contenus qui paraissent inappropriés»). «D’où ce vertige possible, dont la société américaine devient un exemple extrême sinon caricatural, modèle illustrant une avancée toujours plus grande de la loi dans les gestes privés au point de punir quelquefois la seule “intention sexuelle” ou même le seul “visual harassment” (le regard trop insistant porté à quelqu’un).»
.
A LIRE : «Histoire de la violence sexuelle, histoire de la personne», de Georges Vigarello, dans l’ouvrage collectif Intimités en danger, dirigé par Muriel Flis-Trèves et René Frydman. PUF, Hors-Collection, 2019.
POUR EN SAVOIR PLUS : «La théorie du “male gaze” : critique»
CET ARTICLE FAIT PARTIE D’UN DOSSIER : «Pourquoi les femmes ont-elles peur dans la rue ?» ; «Harcèlement de rue : violence ?» ; «Eye rape : le viol par le regard» ; «Une appli pour lutter contre les agressions sexuelles» ; «Peut-on encore draguer au travail ?»
A partir de quel moment le regard posé sur vous porte-t-il atteinte à votre intégrité ? Venu des Etats-Unis, le concept de «eye rape» gagne l’Europe. Pourra-t-on bientôt porter plainte contre un regard jugé insistant, dégradant ou non-désiré ?
14 juin 2019, Genève. Lors d’une grande marche pour les droits des femmes, une cohorte d’adolescentes se met à scander un slogan –«Ne nous regardez pas !»–, en faisant tout ce qu’elle peut pour attirer l’attention. Longeant la terrasse d’un café où des gens sont paisiblement attablés, elles redoublent d’énergie –«Ne nous regardez pas !» Fusillant du regard les hommes (héberlués) devant qui elles passent, elles leur intiment l’ordre de détourner les yeux, comme si le fait d’être vues portait atteinte à leur personne. Le spectacle est absurde mais significatif : partant du principe que le «regard masculin» (male gaze) est par essence celui d’un prédateur –un regard qui vous déshabille–, certaines femmes l’assimilent à une forme insupportable de domination.
Faut-il mettre le regard dans la liste des «violences» ?
On pourrait s’en moquer ou s’en inquiéter, au choix. Le fait est que, d’année en année, les sensibilités s’exacerbent. Ce qui nous semblait normal il y a 30 ans devient maintenant scandaleux, au point que –portant un regard rétrospectif sur notre propre vie– nous en venons à nous étonner d’avoir subi sans broncher (et sans séquelles) des traitements qui relèvent désormais du pénal. A l’époque, ce n’était pas bien grave. Maintenant, c’est une «violence». Dans un article passionnant – «Histoire de la violence sexuelle, histoire de la personne» (publié dans l’ouvrage collectif Intimités en danger), l’historien Georges Vigarello dresse le même constat : le concept de violence ne cesse d’être ajusté, au fil de remaniements juridiques qui traduisent le souci croissant, presque schizophrénique, de protéger la liberté individuelle. Mais jusqu’où ce souci peut-il mener ?
Une relation sexuelle obtenue par tromperie
Prenons deux cas de viol similaires, dit-il. En 1828, la cour de Besançon doit juger le nommé Gaume qui, profitant du sommeil de la «femme Fallard» s’est fait passer de nuit pour son mari afin de consommer «l’acte du mariage». Il est démasqué et dénoncé au matin. S’agit-il d’un viol ? Les juges admettent que la femme a été abusée, mais refusent de reconnaître Gaume coupable car il n’a pas fait usage de la force. «L’erreur ou le défaut de consentement n’a pas été accompagnée de violence». Presque trente plus tard, rebelote. En 1857, la cour de cassation doit juger un certain Dubas qui s’est introduit de nuit dans le lit d’une femme, à Nancy, en se faisant passer pour son mari… obtenant d’elle tout ce qu’il veut, jusqu’à ce qu’elle comprenne l’erreur, crie, se débatte et porte plainte. Cette fois, les juges tranchent en faveur du viol, «attendu que ce crime consiste dans le fait d’abuser d’une personne contre sa volonté».
Quel changement entre les deux jugements ?
En 1828, les juges définissent le viol comme une relation sexuelle accompagnée de violence physique. En 1857, les juges inventent la notion de violence morale qu’ils définissent comme un moyen d’atteindre son but «en dehors de la volonté de la victime». L’importance croissante accordée à la notion de liberté individuelle «conduit très vite, durant le siècle, à réinterroger l’effet des coercitions», explique Georges Vigarello qui cite le Dictionnaire Larousse de 1876 : «Il y a viol toutes les fois que le libre arbitre de la victime est aboli.» Il s’agit, en réaménageant la loi, de protéger le droit qu’ont les individus de disposer d’eux-mêmes. Nous l’avons bien intégré à notre système de valeurs : ce souci nous paraît normal. De la même manière, nous estimons parfaitement juste que la loi interdise à quiconque de nous toucher le sexe ou de nous embrasser les seins (sans permission). L’affaire Soraya, par exemple…
L’affaire du baiser volé
Tout le monde s’en rappelle. Le 14 octobre 2016, l’animateur Cyril Hanouna encourage son chroniqueur, Jean-Michel Maire à embrasser Soraya Riffy. Celle-ci refuse à deux reprises : «j’ai dit non». Cyril Hanouna lui demande «pour quel motif», comme s’il ne suffisait pas qu’elle n’ait pas envie. Elle bégaye une excuse, qui encourage Hanouna à insister lourdement. Jean-Michel Maire finit par se pencher sur elle, «juste un smack» (dit-il), et lui embrasse la poitrine alors qu’elle tend sa joue. En janvier 2018, Soraya Riffy porte plainte. Il s’avère que depuis 1992, en France, le délit de harcèlement sexuel punit «toute atteinte sexuelle [attouchements sur les fesses, les seins ou le sexe] commise avec violence, contrainte, menace ou surprise » (article 222-22 du Code pénal). Dans le cas de Soraya, le baiser a clairement été obtenu par surprise.
Tolérance zéro pour les abus
De ce «dérapage» télévisuel, beaucoup de spectateurs (hommes et femmes) s’offusquent. «L’accroissement de l’autonomie rend toujours plus intolérables nombre de comportements imposés sans partage, fondés sur une asymétrie relationnelle, transformant en inacceptables brutalités ce qui a pu longtemps être tacitement “accepté”. D’où la remise en cause radicale d’attitudes, de gestes, de comportements, de mots censés brutaliser la victime ou viser son humiliation, jusque-là plus ou moins tus ou vaguement endurés», commente Georges Vigarello. L’exigence est d’ailleurs si forte que, ces dernières années, la loi sur les agressions sexuelles n’a cessé d’être peaufinée, afin que soient interdits tous les abus, même les plus bénins (ou crétins, au choix). Depuis 2012, la définition du harcèlement sexuel s’est d’ailleurs à ce point élargie qu’elle inclut maintenant les notions dangereusement floues de «dignité» et d’«offense».
Que signifie se sentir «offensé-e» ?
«Le harcèlement sexuel est le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui, soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.» Problème : si un homme, sous couvert de me montrer ses photos de vacances, me laisse voir une photo de lui, nu, dois-je me sentir offensée ? Retournons le problème : si une femme a envie de mater et fréquente le club de gymn pour se régaler des culturistes, est-ce dégradant ? Pris au pied de la lettre, le texte de loi qui définit le harcèlement sexuel ouvre le champ à toutes les plaintes possibles, autorise tous les excès de victimisation. Il est d’ailleurs symptomatique que certaines app encouragent maintenant à dénoncer le «regard» comme une forme de harcèlement sexuel.
Regarder quelqu’un c’est lui «faire violence»
A Lausanne, depuis novembre 2019, une app permet de «signaler» à la police toutes les formes d’inconduite sexuelle, telles que : «sifflement», «remarque à caractère sexuel/sexiste», «bruitage, gestes obscènes», «frottement», et… au sommet de la liste, «regard insistant». Cela peut sembler légitime, bien sûr. Sur le site «Paye ta shnek», une contributrice raconte : «des collègues à mon beau-père souvent restent pas loin devant la maison à glander et dès que je passe il me fixe de haut en bas et même quand je me retourne je les regarde droit dans les yeux en mode énervé, ils continuent et c’est flippant…». Le regard, dans ces conditions, peut en effet être terrorisant. Mais est-il bon de le sanctionner juridiquement ? Ainsi que Georges Vigarello le souligne, cette «volonté de redéfinir tout acte d’abus et de domination en y introduisant la loi» fragilise plus qu’elle ne protège les individus. Elle témoigne en tout cas certainement d’une forme de panique collective face aux injonctions impossibles de notre société.
Etre «objectifié-e» = être une victime ?
La société exige que nous soyons des individus libres et autonomes, c’est-à-dire disposant de nous-mêmes. La propagande actuelle (qui sacralise la «liberté individuelle» sous la forme d’une liberté de choix réduite au consumérisme) nous encourage à dénoncer tout acte qui fait de nous des «objets» passifs et à condamner toute image qui montre l’humain comme «objet» de désir. Dans notre système de pensée, «objet», c’est mal. Seul le «sujet» est respectable. Le problème, c’est que nous ne pouvons pas tout contrôler dans la vie : impossible de forcer les gens à nous voir (percevoir) tels que nous souhaitons être vu-es (jugé-es). Que faire si untel a de moi une image qui ne correspond pas à celle que j’aimerais donner ? Porter plainte pour «atteinte» à ma volonté ?
Jusqu’où peut aller le rejet des «emprises» ?
Jusqu’où peuvent aller ces lois qui répriment, avec toujours plus de finesse, toutes ces choses qui nous font «violence» dès lors qu’elles n’ont pas été choisies par nous ? Tout en insistant sur la légitimité de lois qui protègent les individus, Georges Vigarello dénonce le fait que ces lois ne soient jamais que les miroirs déformants de nos obsessions. En Occident, nous sommes obsédés par l’idée d’exercer notre pouvoir de décision. Nous voulons tout décider : notre apparence, notre corps, notre image, notre destin et même les contenus auxquels nous sommes exposés (voire la vogue des «signalements » en ligne, permettant de faire supprimer tous «les contenus qui paraissent inappropriés»). «D’où ce vertige possible, dont la société américaine devient un exemple extrême sinon caricatural, modèle illustrant une avancée toujours plus grande de la loi dans les gestes privés au point de punir quelquefois la seule “intention sexuelle” ou même le seul “visual harassment” (le regard trop insistant porté à quelqu’un).»
.
A LIRE : «Histoire de la violence sexuelle, histoire de la personne», de Georges Vigarello, dans l’ouvrage collectif Intimités en danger, dirigé par Muriel Flis-Trèves et René Frydman. PUF, Hors-Collection, 2019.
POUR EN SAVOIR PLUS : «La théorie du “male gaze” : critique»
CET ARTICLE FAIT PARTIE D’UN DOSSIER : «Pourquoi les femmes ont-elles peur dans la rue ?» ; «Harcèlement de rue : violence ?» ; «Eye rape : le viol par le regard» ; «Une appli pour lutter contre les agressions sexuelles» ; «Peut-on encore draguer au travail ?»