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Dans un court communiqué hier soir, VISA puis Mastercard ont pris la décision d’interdire l’utilisation de leurs cartes de paiement sur les sites du groupe Mindgeek, dont fait notamment partie le géant Pornhub. Cette décision fait suite à une publication dans le New York Times qui a fait grand bruit, poussant Pornhub a accélerer un changement dans sa politique de fonctionnement, et semant un vent de panique parmi les professionnels du secteur adulte,
L’édito qui a mis le feu aux poudresTout a commencé par la publication le vendredi 4 décembre dernier d’un billet d’opinion dans le New York Times intitulé « The children of Pornhub » [Les enfants de Pornhub, ndlr]. Dans un long plaidoyer sensationnaliste, Nick Kristof accuse Pornhub, un des sites du groupe Mindgeek, d’héberger et de monétiser des vidéos montrant des viols, des actes non consentis, ainsi que des vidéos pédocriminelles. Avec de nombreux chiffres imprécis, des approximations et des descriptions d’actes traumatisants explicites, il tente de démontrer que Pornhub ne fait rien pour éviter la mise en ligne de ces contenus ni leur suppression. Il appelle à des changements de la part de Pornhub et fait trois demandes : n’autoriser la mise en ligne que par des comptes vérifiés, interdire le téléchargement des vidéos en ligne (pour éviter leur réapparition ailleurs ou plus tard), et enfin augmenter la modération. Il en profite également pour carrément faire un appel du pied aux gros acteurs du monde financier « si PayPal peut suspendre sa coopération avec Pornhub, American Express, Mastercard et Visa le peuvent aussi. »
À première vue rien de mal, au contraire, il n’a jamais été contesté que certains contenus présents sur les tubes sont piratés, publiés sans consentement, ou contiennent hélas des images de personnes mineures et sans aucun doute, de viols et agressions sexuelles. C’est un fait que personne dans le milieu du X ne nie, et contre lequel de nombreuses voix s’élèvent depuis longtemps. Mais autant dans le fond que la forme, l’article de Kristof est critiquable. C’est d’ailleurs ce que fait brillamment Gustavo Turner, notre collègue du site Xbiz dans un autre édito publié le soir-même, reprenant un par un les arguments avancés et les invalidant le cas échéant.
Ce qui rend cette situation particulièrement impitoyable, c’est que Kristof avait la matière pour écrire un article nuancé sur les problèmes importants de modération de contenu qui affligent toutes les plateformes qui dépendent de contenus tiers, y compris YouTube, Facebook, Instagram, XVideos et – oui – Pornhub. Mais ce n’est pas ce que Kristof et les rédacteurs du New York Times ont choisi de faire, transformant plutôt l’article en une tentative de manipulation pour s’insérer dans les débats complexes autour de la section 230 – le soi-disant premier amendement de l’internet – la liberté d’expression en ligne et l’expression sexuelle chez les adultes consentants, y compris la pornographie.
Gustavo Turner
Melissa Gira a à son tour pris la plume dans un long article impeccable et largement sourcé « Nick Kristof and the Holy War on Pornhub » [Nick Kristof et la guerre sainte contre Pornhub, ndlr]. Elle s’élève contre la malhonnêteté et le voyeurisme de Kristof qui traite depuis des années de travail du sexe, ou plutôt de son abolition. Elle le tient entre autres pour responsable de la fermeture de Backpage, un site de petites annonces utilisé par les travailleuses du sexe lors de la mise en place de la loi SESTA FOSTA. Derrière l’édito porté par Kristof, elle dénonce « une campagne menée par une organisation de droite religieuse, Exodus Cry, fondée par un membre d’un ministère dominioniste chrétien, qui a fait valoir des points de vue anti-gays, anti-avortement et antisémites ».
Un changement de politique tardifIn this article @melissagira talks about Kristof’s history being anti sex work, platforming groups like exodus cry who are anti abortion/ LGBT & how the religious right has rebranded as “sex positive” in recent years to try and target millennials. https://t.co/LwhiMseV7i
— Allie Oops (@cummanifesto) December 10, 2020
Quelques jours après la publication de l’édito, Pornhub annonce changer sa politique de mise en ligne de vidéos. Le 8 décembre, on peut lire sur le site que désormais toute mise en ligne de vidéo devra se faire depuis un compte certifié. De plus, le téléchargement de contenus à partir de la plateforme est immédiatement suspendu.
For more information on Pornhub’s commitment to Trust and Safety, go to https://t.co/nFPZSfbrcP pic.twitter.com/6SXb5BmcJ7
— Pornhub ARIA (@Pornhub) December 8, 2020
Une décision à laquelle plus personne ne s’attendait, malgré les nombreuses dénonciations et prises de paroles venant de différent·e·s acteur·ice·s de l’industrie depuis des années : Ovidie, Stoya, Siri… Vex Ashley ne manque pas de remarquer l’ironie de cette situation.
It’s always fun to remember that the people who’ve been shouting about this forever who’s livelihoods have been pirated and incomes decimated for years get ignored but fucking Nick Kr*stoff writes one shitty op-ed the wall falls immediately just like that. Guess it was that easy.
— Vex Ashley (@vextape) December 8, 2020
C’est toujours amusant de se rappeler que les gens qui criaient à ce sujet depuis toujours et dont les moyens de subsistance ont été piratés et les revenus décimés pendant des années sont ignorés, mais ce putain de Nick Kr*stoff écrit un éditorial de merde : le mur tombe immédiatement juste comme ça. Apparemment c’était aussi simple que ça.
Vex Ashley
Mindgeek a également prévenu ses affiliés par e-mail que la décision a été prise de supprimer dès aujourd’hui trois de ses tubes (Spankwire, Keezmovies et Extremetube), et rediriger l’ensemble de leur trafic vers YouPorn.
Punir Pornhub : une bonne chose ?Malgré l’annonce de Pornhub qui aurait pu apaiser le scandale créé par l’édito de Kristof, Mastercard et VISA ont annoncé hier vouloir suspendre les transactions effectuées sur les sites du groupe. « Une décision décevante » pour Pornhub, qui venaient de faire un changement de politique qu’« aucune autre plateforme n’a jamais fait » comme ils le précisent dans leur déclaration.
Given the allegations of illegal activity, Visa is suspending Pornhub’s acceptance privileges pending the completion of our ongoing investigation. We are instructing the financial institutions who serve MindGeek to suspend processing of payments through the Visa network.
— VisaNews (@VisaNews) December 10, 2020
C’est donc apparemment tout le groupe Mindgeek qui est visé par la mesure de VISA et Mastercard. Le groupe comprend plusieurs tubes, oui, mais aussi des studios, parmi lesquels Brazzers, Digital Playground, Reality Kings pour ne citer qu’eux et qui produisent du porno légalement. Que va devenir leur modèle économique si leurs abonnés ne peuvent plus payer avec leur simple carte bleue ? [À noter : après un test sur Model Hub, nous avons pu ce jour acheter une vidéo avec une Mastercard, ndlr*]
L’inquiétude a rapidement gagné les acteurs du milieu adulte qui craignent que la mesure ne s’étende à d’autres sites diffusant ou vendant du contenu porno. On peut en effet penser que suite à cette victoire importante dans leur « guerre contre le porno », le groupe derrière Nick Kristoff ne s’arrête pas en si bon chemin et s’attaque à d’autres grands sites (porno, bien entendu), comme le très médiatisé OnlyFans par exemple. Lux Alptraum, très pessimiste, prophétise que cette décision est très mauvaise pour les travailleur·se·s du sexe, et que cela ne s’arrêtera pas avec Pornhub.
I hate Pornhub but this is not going to stop with Pornhub. This is *really* bad for sex workers. https://t.co/UAfp1EQmwC
— Lux “Chanuka Name” Alptraum (@LuxAlptraum) December 10, 2020
De plus, il est toujours bon de rappeler que le principal frein à la création et la production de porno sont les barrières financières et économiques justement imposées par VISA et Mastercard. En effet, ils représentent environ 80% des porteurs de cartes de paiement, et ont déjà largement modifié le paysage économique du secteur en imposant une commission de haut risque aux professionnels du paiement traitant avec des sites adultes.
This is, um, terrifying. CC processing is already the backbone of adult censorship, and if they deem something as “mainstream” as PH unsuitable, what is next? https://t.co/VMTkXeo9jA
— casey calvert (@caseycalvertxxx) December 10, 2020
Ceci est, hum, terrifiant. Le traitement des CB est déjà le pilier de la censure du milieu adulte, et s’ils estiment un site aussi grand public que PH inapproprié, qu’est-ce qui va arriver ensuite ?
Casey Calvert.
En outre, si seul Pornhub est visé et que les nombreux autres tubes fonctionnant sur le même modèle ne sont pas inquiétés : la publication de vidéos sans consentement existera toujours, et le piratage se poursuivra ailleurs sur Internet. Ce qui est particulièrement étonnant, c’est que dans leur supposée bataille contre le trafic d’être humains et la pédocriminalité, Kristof et ses soutiens ne s’attaquent qu’à un seul mis en cause – Pornhub, et ce en demandant expressément à ce qu’ils soient bloqués financièrement. Mais comme le fait remarquer Turner, pas un mot dans cet édito pourtant rempli du traumatisme des victimes n’est consacré à exiger des poursuites à l’encontre des vrais coupables de trafic et de viol.
Go ahead—count how many words in Nicholas Kristof’s New York Times article, in Laila Micklewait’s statements and in Sen. Josh Hawley’s bill ask for the investigation and prosecution of the people who shot the videos of the minors shared online.
— Gustavo Turner’s Social Media Presence (@GustavoTurnerX) December 11, 2020
Zero. The answer is zero.
Allez-y – comptez combien de mots dans l’article du New York Times, dans les déclarations de Laila Micklewait’s et dans la proposition de loi du Sénateur Josh Hawley demandent une enquête et la poursuite des personnes qui ont filmé les vidéos de mineurs partagés en ligne.
Gustavo Turner
Zéro. La réponse est zéro.
Est-ce à Kristof ou à Exodus Cry, une association notoirement abolitionniste de « faire justice » ? Est-ce que le blocage financier d’un site internet par des entreprises privées est la seule solution face à des actes criminels de cette gravité ?
Le ménage commenceDepuis plusieurs jours déjà, des créateur·ice·s de contenu ont tweeté leur surprise de voir certaines de leur vidéos supprimées. Ces vidéos ont pourtant été mises en ligne à partir d’un compte vérifié donc avec un contrat signé par les performers apparaissant à l’écran. Il s’agit pour la grande majorité de vidéos montrant des pratiques de non consentement, de consommation de poppers, ou de BDSM.
Dunno. All my content is bondage related, shot with PH certified models. Their answer is really blurry pic.twitter.com/xzvRtixe63
— R•M•Z (@RmzShibari) December 8, 2020
Il semblerait que Pornhub prenne donc très à cœur sa bataille pour rétablir son image, tant et si bien que même les vidéos certifiées filmées entre des performer·se·s consentant·e·s mettant en scène des actes « extrêmes » ou du non-consentement (consenti) sont également supprimées.
Et demain ?Well thank you @Pornhub for deleting over half our videos of which non violated the terms and conditions . You pretty much killed our channel HotAussiePorn. Again thanks for that :(
— The Aussie Babe (@TheAussieCouple) December 11, 2020
Pour le moment, Pornhub assure que la mesure prise par VISA et Mastercard n’entravera pas leur fonctionnement : les revenus publicitaires des chaînes gratuites dans le Content Program et le Model Program ne seront pas impactés, et les créateur·ice·s de contenu peuvent continuer de vendre leurs vidéos. Comment le groupe espère maintenir le chiffre d’affaires des indépendants, si 80% des cartes bleues ne sont plus acceptées ?
Le milieu est loin de se réjouir, que ce soit du côté mainstream, ou même du côté plus politisé et queer qu’on pourrait pourtant penser foncièrement anti-pornhub. Alana Evans, secondée par Amber Haze, rappelle que le modèle de base de Pornhub était complètement gratuit et qu’ils ont « quand même réussi à faire des millions par jour » uniquement grâce à la publicité. Elles s’inquiètent que la perte de VISA et Mastercard n’impacte que les créateur·ice·s individuel·le·s.
This. Pornhub is still making $$$$$ you are only hurting us https://t.co/TlMImgdOQY
— Amber Haze XXX (18+) BIRTHDAY DEC 15 (@AmberHaze_xxx) December 11, 2020
Par ailleurs, Gustavo Turner rappelle dans un tweet très ironique que Mastercard devrait également se pencher sur le contenu illégal publié sur YouTube ou Facebook, sinon la mesure contre Pornhub serait « uniquement une chasse aux sorcières et une campagne de panique morale exigeant de la censure une stigmatisation plus dure des travailleur·se·s du sexe ».
If @Mastercard doesn't immediately begin an investigation on illegal material on YouTube and Facebook, then this is just a witch hunt and a moral panic campaign demanding censorship and more sex worker stigmatization.
— Gustavo Turner’s Social Media Presence (@GustavoTurnerX) December 10, 2020
Narrator: It is just a witch hunt and a moral panic campaign. https://t.co/20tFWPsPeM
Notes : les traductions des tweets ont été faites par nos soins.
*Edit du 13 décembre 2020 : les cartes VISA et Mastercard ne sont plus acceptées sur le réseau Mindgeek.
Une étude publiée par l’Ifop pour Gleeden a montré que le pourcentage de Français ayant eu des rapports sexuels en novembre se rapprochait de celui d’avant la crise sanitaire. 70% des Français auraient fait l’amour pendant le mois de novembre contre 74% avant mars et 56% pendant le premier isolement forcé.
Un regain dans la vie sexuelle et érotique des habitants de l’Hexagone, quelque soit leur statut conjugal, est à noter. 83% des personnes passant le second confinement en couple auraient eu des relations sexuelles au cours du dernier mois contre 79% pendant le premier confinement, en avril. Le rebond le plus important se voit chez les célibataires : 39% d’entre eux auraient des rapports sexuels pendant cette deuxième quarantaine contre 13% pendant la première…
Un confinement moins contraignant ?Les règles assouplies du nouveau confinement n’y semblent pas pour rien ! Les restrictions de déplacement sont moins strictes, les Français peuvent plus facilement se déplacer et par conséquent se voir ou se rencontrer. 59% des sondés admettraient s’être déplacés chez leur conjoint ou leur partenaire sexuel afin de faire l’amour.
Autre élément important : le retour de l’école pour les enfants. Lors du premier confinement, les élèves ne pouvaient plus se rendre dans leur établissement… ce qui n’est plus le cas pour cette seconde quarantaine ! Les enfants deviennent moins un sujet de dispute pour les parents, surtout ceux...Lire la suite sur Union
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