Analyser l’amour en termes de «bénéfices», voilà le jeu auquel se livrent certains scientifiques, dont un livre résume les travaux en 60 questions: l’amour est-il bon pour la tension artérielle ? Peut-il vous rendre plus intelligent ?
L’amour peut-il augmenter votre «créativité» ou doper vos «performances cognitives»? Publié aux éditions Mardaga, ce pot-pourri des dernières recherches menées par les adeptes de la psychologie évolutionniste reflète bien leur vision du monde.
L’amour permet aux femmes de lire une carte routière
«L’activation du système de récompense chez les personnes amoureuses semble indiquer que l’amour est […] une question de gains et de pertes», explique l’auteur du livre, Marc Olano. Il a sélectionné 60 études en psychologie, toutes censées apporter la «réponse de la science». C’est donc au nom de l’objectivité que Marc Olano propose d’analyser les gains et les pertes. Cela commence par le gain en sagesse et en maturité. L’amour, semble-t-il, peut véritablement «nous transformer», dit-il. «Combien de femmes ont pu remettre dans le droit chemin des hommes en proie à la drogue, à la délinquance ou tout simplement à la bêtise ? [Un stéréotype éculé veut que les femmes soient plus «raisonnables» que les hommes]. L’amour peut initier de grands changements […]. Pensez à tous ces hommes qui ont su ouvrir l’horizon de leur femme en leur expliquant patiemment la règle du hors-jeu au football ou en leur faisant découvrir les codes de lecture d’une carte routière» [L’exemple, encore, est très révélateur des préjugés les plus affligeants dont se nourrissent les études qui vont suivre].
L’amour augmente la créativité
Il est très éclairant que les recherches menées à l’aide de coûteux scanners cérébraux soient ainsi vulgarisées à l’attention du grand public et réduites à des stéréotypes aussi vaseux : l’amour peut sauver le monde. Songez-y Mesdames, si vous tombez amoureuses (d’un homme, donc), cela vous permettra de transcender vos limites. Par amour, vous deviendrez capables de suivre un match de foot. «L’amour nous pousse à transcender nos limites et peut faire évoluer notre manière d’être, confirme Marc Olano qui énumère dans son ouvrage toutes les études étayant cette thèse : quand on est amoureux, on peut résoudre plus facilement une énigme, dit-il. «D’après les chercheurs, l’amour s’inscrit dans la durée et favorise ainsi une pensée globale et donc plus créative, tandis que le désir sexuel favorise des processus de pensée locale et l’analyse des situations problèmes.» C’est bien connu, l’amoureux voit sur le long terme : il fait forcément des plans sur la comète («Où allons-nous vivre ?», «Allons-nous avoir des enfants ?», «Va-t-elle me tromper ?») Pas comme l’érotomane qui, ne songeant qu’à jouir hic et nunc, ne se pose qu’une question : «Avec qui coucher ce soir ?».
L’amour renforce le système immunitaire
Il y a bien d’autres «avantages» à être amoureux, faut-il le souligner ? Quand on est amoureux, on ne sent plus la douleur, par exemple. Certaines études le prouvent : si vous montrez une photo de sa «chérie» à un cobaye, tout en lui envoyant des influx thermiques élevés, sa perception de la douleur sera moins forte. «L’imagerie cérébrale a pu montrer que la vue de la photo de l’être aimé activait certaines régions du système de récompense», énonce Marc Olano, ajoutant que l’amour peut «diminuer l’activité cérébrale dans les régions qui déclenchent la sensation de douleur». C’est bien pratique l’amour, ça rend plus résistant, plus performant, plus… rentable ? Conclusion : «Un bon bol d’amour chaque matin serait donc tout aussi efficace qu’un cocktail de médicaments pour affronter les aléas du quotidien». Autrement dit : tombez amoureux, c’est mieux que les compléments nutritifs.
L’amour favorise «la stabilité émotionnelle»
Mais non l’amour n’est pas qu’une vitamine. C’est aussi un excellent moyen d’augmenter son estime de soi. Adieu complexes d’infériorité ! Poussant plus loin l’analyse de ce qu’il nomme «L’effet régulateur des sentiments amoureux sur la stabilité émotionnelle», Marc Olano résume d’abord la façon dont a été menée une des recherches les plus «fiables» sur ce sujet : les chercheurs «ont interrogé 339 jeunes, et ce, à 3 reprises. Lors de la première interview, ils avaient en moyenne 24 ans. Ensuite, ils ont retrouvé ces jeunes adultes 4, puis 8 années plus tard. Ils étaient alors âgés de 32 ans en moyenne. En dehors des renseignements sur leur statut marital, les participants devaient remplir, à chaque reprise, une série de questionnaires de personnalité établissant notamment leur profil en termes de stabilité émotionnelle, de sociabilité, d’estime de soi, d’extraversion et de timidité. Les chercheurs ont ensuite comparé les résultats des personnes restées célibataires durant toute cette période à ceux des personnes en couple».
Rester célibataire, c’est rester un handicapé
Résultats ? Sans surprise, les personnes qui s’étaient mises en couple étaient «beaucoup moins émotives, moins timides, plus extraverties et aussi plus sûres d’elles» par opposition aux personnes restées célibataires : «ni leur niveau de stabilité émotionnelle, ni leur estime de soi n’avait augmenté durant les 8 années ; leur timidité n’avait pas non plus diminué». Que déduire de cela ? Pour les chercheurs, apparemment, «L’expérience du couple semble apporter aux jeunes des bénéfices secondaires sur le plan psychologique. Se sentant plus en sécurité auprès de leur partenaire, fiers d’ouvrir une nouvelle page de leur histoire, reconnus, aimés, enthousiastes et pleins de projets d’avenir, ils s’affirment davantage. Les amoureux apparaissent comme plus ouverts et moins anxieux.» L’étude, étrangement, ne semble pas prendre en compte le parcours professionnel des cobayes, ni leur milieu social, ni leurs antécédents familiaux. Il serait pourtant éclairant de savoir si les célibataires ne souffrent pas de problèmes spécifiques, ce qui expliquerait le fait qu’ils restent seuls ainsi que la vision négative qu’ils ont d’eux-mêmes.
«Une étude a démontré un lien» entre l’amour et la réussite sociale
Curieusement, les directeurs de la collection (1) mettent en garde le lecteur à la fin de l’ouvrage : «Imaginez cet exemple fictif : «Une étude a démontré un lien entre la consommation de crèmes glacées et le taux de noyades». Cela ne signifie pas forcément que plus on mange de crèmes glacées, plus on se noie. Cela signifie plus vraisemblablement que plus la température monte, plus on voudra manger des glaces et plus on ira à la piscine ou à la mer (et donc, plus le risque de se noyer est important). Les études présentent souvent des phénomènes qui varient de concert. Ces phénomènes sont en lien, certes, mais cela ne signifie pas forcément que l’un d’eux soit la cause de l’autre. Ce cas de figure est fréquent au sein de ce livre, et nous vous incitons donc à ne pas trop vite conclure à une causalité, mais à imaginer de possibles corrélations». Cette mise en garde, probablement, les exonère de toute critique. Si les lecteurs comprennent mal ou surinterprètent les résultats de ces études, ils s’en lavent les mains. La collection qu’ils dirigent s’intitule In Psycho Veritas. «La vérité», c’est que la plupart des études sur l’amour sont des discours idéologiques, biaisés.
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60 questions sur l’amour et les réponses qu’y apporte la science, de Marc Olano, éditions Mardaga, sortie le 20 octobre 2016.
NOTE 1 : Jean-Baptiste Dayez et Anne-Sophie Ryckebosch. Directeurs de la collection In psycho veritas