Les bookmakers en ont été pour leurs frais, ce soir, au Concours Eurovision de la chanson. L’indéboulonnable commentateur de la RTS aussi. Jean-Marc Richard, qui a assommé les téléspectateurs avec sa géopolitique de pacotille, a répété au moins 20 fois que la chanson autrichienne «polarisait» le continent. Eh ben non: c’est bien «Rise Like a Phoenix» de Conchita Wurst qui a remporté haut la main l’édition 2014 du concours. Elle a déjoué les pronostics de ceux qui pensaient que toute la partie orientale de l’Europe rejetterait en bloc cette performance d’un artiste travesti, et barbu qui plus est.
Provocation?
En fait, les Pays baltes, ceux des Balkans et du Caucase, ainsi que l’Ukraine ont accordé leurs votes à l’Autriche. Même la Russie lui a donné 5 points, surtout grâce aux votes du public qui a classé Conchita 3e – inutile de préciser que le jury officiel a nettement moins apprécié. En Biélorussie, les experts ont tous classé «Rise Like a Phoenix» dans les cinq dernières places du concours. Les téléspectateurs, eux, l’ont mis au 4e rang de leurs favoris.
Là-bas comme ici Conchita aura sans doute bénéficié un peu du coup de pouce de quelques politiciens russes et biélorusses, scandalisés par cette incarnation de la décadence, selon eux – une «provocation» ambulante contre la Russie et ses lois antigay. Sauf que les artistes ambigus, voire transgenres, s’apprécient à l’Ouest comme à l’Est, où le public acclame des créatures aussi improbables que l’Ukrainien Verka Serduchka ou le Bulgare Azis.
Entre grotesque et émotion
Et puis, malgré son nom de scène digne d’un mauvais cabaret de drag-queens, Miss Coquillage-Saucisse a un magnétisme qui fait son petit effet, avec ses grands yeux étoilés. Interprétant sa chanson ultraglamour, kitsch comme une B.O. de James Bond, le jeune Thomas Neuwirth (son vrai nom), 26 ans, avait tout d’une vraie diva, y compris un trouble qui ne tenait pas qu’à la barbe. «Diva» comme une certaine Dana International, chanteuse transsexuelle israélienne avait remporté l’Eurovision il y a seize ans. Ça nous rajeunit.